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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 6, 16 mars 2022, n° 19/21003

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Caixa Geral de Depósitos (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bailly

Conseillers :

Mme Sappey-Guesdon, Mme Butin

TGI Paris, du 5 sept. 2019, n° 16/01437

5 septembre 2019

La SARL POLYBAT INTERIM, ayant pour gérant M. X et dont l'activité consistait dans la mise à disposition de personnel, était depuis le 8 avril 2003 titulaire d'un compte courant dans les livres de la société de droit portugais CAIXA GERAL DE DEPOSITOS à laquelle elle a confié à l'escompte des effets de commerce tirés le 26 août 2014 par la société DA CRUZ INTERNATIONAL, lesquels sont revenus impayés les 15 et 25 septembre 2014.

La société DA CRUZ INTERNATIONAL a été placée en liquidation judiciaire et la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS a mis en demeure la société POLYBAT INTERIM par lettre du 17 avril 2015 d'avoir à lui rembourser le montant de son découvert bancaire s'établissant à 78 970,02 euros, rejetant certains de ses chèques avec interdiction d'émission puis clôturant son compte le 16 juin suivant.

La société POLYBAT INTERIM a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 13 octobre 2016.

M. X a par ailleurs à titre personnel, ouvert le 2 novembre 2011 dans les livres de la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS un compte à vue n° 304019010014 assorti d'une facilité de caisse de moins de 90 jours consécutifs consentie le 18 juillet 2012 à concurrence de 50 000 euros, renouvelée à plusieurs reprises et en dernier lieu par convention du 15 février 2014 stipulant un remboursement par paliers pendant 30 mois et une autorisation de découvert dans la limite de 48 000 euros. Auprès de la même banque, X a également souscrit :

- Un prêt destiné à financer l'acquisition de sa résidence principale, d'un montant de 347 200 euros remboursable au taux d'intérêt nominal fixe de 5,10 % l'an et au TEG de 5,67 % l'an, dont les mensualités s'élevaient chacune à 1 977,90 euros assurance comprise ;

- Un prêt sur un capital de 24 800 euros à taux zéro dont les mensualités s'élevaient chacune à 258,33 euros hors assurance.

Ces deux contrats ont été réitérés par acte authentique en date du 29 mai 2012.

Par lettres du 30 mars 2015, la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS a mis M. X en demeure d'avoir à régulariser la situation de son compte à vue - qu'elle a clôturé le 20 avril suivant - ainsi que la situation de ses prêts immobiliers dont certaines échéances demeuraient impayées, ce qui a conduit la banque à en prononcer la déchéance du terme le 20 avril 2015.

La société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS a ensuite entrepris le recouvrement forcé du découvert bancaire ainsi que celui des sommes dues au titre des emprunts, ce par acte du 25 novembre 2015 valant commandement aux fins de saisie immobilière. Le bien financé ayant fait l'objet d'une vente amiable, la procédure a cependant été interrompue et une somme de 41 563,49 euros a été prélevée sur le prix au bénéfice du prêteur de deniers.

La procédure concernant le solde débiteur de compte a fait l'objet d'un appel de la banque critiquant le jugement rendu par le tribunal d'instance de Longjumeau le 17 mai 2018, en ce qu'il a déclaré l'action en paiement irrecevable faute de conciliation préalable au visa de l'article 56 du code de procédure civile.

C'est dans ce contexte que la SARL POLYBAT INTERIM et X, reprochant à la banque une série de manquements estimés à l'origine de leurs préjudices respectifs, ont fait assigner celle-ci par acte du 26 janvier 2016 devant le tribunal de grande instance de PARIS pour la voir condamner à des dommages et intérêts.

Par ordonnance du 5 janvier 2012, le juge de la mise en état a déclaré cette juridiction incompétente pour connaître du litige opposant la société POLYBAT INTERIM à la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS au profit du tribunal de commerce de PARIS, lequel a joint l'affaire à l'instance parallèlement engagée par la banque en fixation de sa créance et par jugement du 20 mars 2018, a rejeté les demandes reconventionnelles de POLYBAT INTERIM.

Par décision rendue le 5 septembre 2019, le tribunal de grande instance de PARIS a débouté X de l'ensemble de ses demandes indemnitaires et l'a condamné aux dépens ainsi qu'à régler à la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ce, aux motifs que :

- Une banque qui escompte des effets de commerce revenus impayés au bénéfice de l'un de ses clients ne peut se voir reprocher de ne pas s'être suffisamment informée sur le tireur alors qu'au contraire, il incombe à l'entreprise de se renseigner sur les professionnels avec lesquels elle travaille et l'établissement financier ne doit pas s'immiscer dans les affaires de son client ;

- La banque a interpellé la société POLYBAT INTERIM sur la situation de son compte courant dès le 18 mars 2015 en lui demandant de lui restituer les formules de chèques et cartes bancaires en sa possession et le 17 avril 2015, elle l'a mise en demeure d'avoir à lui payer sous 15 jours la somme de 78 970,02 euros, la banque a également le 15 avril 2015 rejeté le paiement d'un chèque de 51,48 euros, le solde débiteur du compte trouvait certes sa cause dans la contre-passation des effets de commerce précités remis à l'escompte pour 70 000 euros mais cette opération est intervenue en septembre 2014 et la demande de régularisation formulée six mois plus tard, ce qui ne peut s'analyser en une rupture brutale, la banque a clôturé le compte le 16 juin suivant soit dans le respect du délai de 60 jours, il n'est pas justifié de découverts habituellement consentis à la société POLYBAT INTERIM dont les difficultés rencontrées résultent en réalité de la poursuite de ses relations d'affaires avec DA CRUZ INTERNATIONAL pourtant débitrice à son égard d'une somme importante qui n'a pu être recouvrée ;

- X était un emprunteur averti ne pouvant se prévaloir d'un défaut de mise en garde par la banque, laquelle n'était par ailleurs tenue à aucune obligation de conseil conventionnellement souscrite.

Par déclaration en date du 14 novembre 2019, X a formé appel de ce jugement en critiquant chacun de ses chefs.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 7 octobre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. X demande à la cour de :

INFIRMER le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNER la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS au paiement de sommes suivantes :

- 415 635,49 euros au titre de la somme prélevée dans le cadre de la procédure de saisie immobilière ;

- 31 319,28 euros au titre du découvert en compte courant majoré d'intérêts au taux de 9,21 % à compter du 30 mars 2015 et avec capitalisation des intérêts ;

- 100 000 euros à titre de dommages et intérêt au titre du préjudice moral et financier ;

DEBOUTER la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

CONDAMNER la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS au paiement d'une somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction sera faite au profit de Maître BOCCON G., avocat postulant, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Faisant valoir pour l'essentiel que :

- Ses demandes sont recevables, X n'agit pas en sa qualité d'associé ni de créancier de la société POLYBAT INTERIM mais comme tiers aux relations contractuelles entre celle-ci et la banque dont les manquements à l'encontre de la société lui causent un préjudice qui lui est propre, son action n'est pas non plus engagée dans l'intérêt collectif des créanciers ;

- La fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal de commerce en date du 20 mars 2018 ne pourra qu'être rejetée, cette décision n'a pas été rendue entre les mêmes parties ;

- La banque a commis des fautes car elle savait que les montants engagés auprès de la société DA CRUZ INTERNATIONAL étaient très importants, elle a reçu des traites tirées par celle-ci et a crédité le compte de la société POLYBAT INTERIM le 30 août 2014 puis le 25 septembre suivant l'a informée du défaut de provision, la banque disposait pourtant d'éléments lui permettant de conclure que la société DA CRUZ INTERNATIONAL rencontrait des difficultés ;

- Les concours de la banque ont été rompus abusivement en ce que la société POLYBAT INTERIM était cliente de la CAIXA depuis de nombreuses années et X a proposé des solutions amiables de règlement ;

- La banque a consenti un montage financier hasardeux pour le financement du bien immobilier de l'appelant soit un prêt classique au taux de 5,67 % d'un montant de 347.200 euros, un prêt à taux zéro de 24.800 euros et enfin un découvert de 50 000 euros en compte courant qui n'est pas un mode de financement normal d'un achat immobilier à titre personnel, l'affectation de cette somme est établie et la banque en avait parfaitement connaissance ;

- X aurait dû être mis en garde contre le risque d'endettement généré par l'opération, il ne peut être considéré comme averti ainsi que l'a jugé le tribunal.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 juillet 2020, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS demande à la cour de :

Vu l'article L. 622-20 du code de commerce,

Vu les articles 122 et 480 du code de procédure civile,

Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la date des contrats,

Vu l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable à la date des contrats,

INFIRMER partiellement le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 5 septembre 2019 en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de X afférant à des fautes que la CAIXA GERAL DE DEPOSITOS aurait commises dans sa relation avec la société POLYBAT INTERIM ;

DECLARER à tout le moins, procédant par voie de substitution de motifs, les demandes correspondantes irrecevables ;

Subsidiairement,

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté X de toutes ses demandes, ainsi qu'en toutes ses autres dispositions ;

DEBOUTER X de son appel, ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Statuant à nouveau sur les chefs critiqués :

DECLARER irrecevables l'action en responsabilité et la demande de dommages et intérêts formées par X visant à obtenir réparation d'un préjudice au titre de fautes que la CAIXA GERAL DE DEPOSITOS aurait commises vis-à-vis de la SARL POLYBAT INTERIM ;

DIRE ET JUGER qu'à tout le moins elles ne sont pas fondées ;

DEBOUTER en conséquence X de sa demande de dommages et intérêts ;

DIRE ET JUGER que l'action en responsabilité et la demande de dommages et intérêts formées par X afférant à des fautes que la CAIXA GERAL DE DEPOSITOS aurait commises dans le cadre des prêts immobiliers et du découvert qu'elle lui a consentis sont infondées ;

DEBOUTER en conséquence X de sa demande de dommages et intérêts ;

DEBOUTER X de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Ajoutant au jugement,

CONDAMNER X au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;

CONDAMNER X aux entiers dépens avec distraction au profit de la SELAS C. & M. G. en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Faisant valoir pour l'essentiel que :

- X est un homme d'affaires averti puisqu'il crée et gère des sociétés immobilières et commerciales en Île-de-France depuis 2003.

- L'action exercée par l'appelant est irrecevable, celui-ci ne pouvant rechercher une indemnisation lui revenant en propre en marge de la procédure collective alors que seul le liquidateur a qualité à agir conformément aux dispositions de l'article L. 622-20 du code de commerce, étant ajouté que ce moyen présenté devant le tribunal de commerce a été écarté, subsidiairement la banque n'a commis aucune faute à l'égard de la société POLYBAT INTERIM au regard des critères posés par l'article L. 650-1 du même code, il appartenait à celle-ci de choisir ses partenaires commerciaux, c'est la société qui a demandé l'escompte et accepté le mode de paiement proposé ;

- L'article L. 313-12 du code monétaire et financier - l'article L. 442-6, 5° du code de commerce invoqué ne concernant pas les concours bancaires - ne s'applique qu'en cas de concours à durée indéterminée et autre qu'occasionnel, ce qui n'est pas le cas ici du découvert en compte qui ne résulte pas d'une facilité accordée à l'entreprise mais a été généré par la contre passation des lettres de change revenues impayées, dans cette hypothèse les stipulations de l'article 12 des conditions générales de la convention de compte étaient applicables, à savoir la clôture du compte pour non-respect des engagements contractuels au vu d'un solde débiteur non autorisé sans avoir à respecter le délai de préavis de 60 jours prévu par le texte précité ;

- Ainsi que l'a reconnu lui-même l'appelant, les difficultés de la société POLYBAT INTERIM ont pour origine le fait que la société LEGENDRE - avec laquelle INTERNATIONAL DA CRUZ était en relations d'affaires en tant que prestataire - a refusé de se reconnaître débitrice de cette dernière qui s'est de ce fait elle-même retrouvée dans l'impossibilité de régler sa dette vis-à-vis de la société POLYBAT INTERIM, ces circonstances sont complètement étrangères à la banque, il n'existe donc ni faute ni lien de causalité ;

- La société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS n'a pas non plus commis de faute dans ses rapports personnels avec l'appelant, lequel a librement accepté les offres qui lui étaient proposées et ne peut sans mauvaise foi reprocher l'affectation d'un découvert bancaire à des frais de notaire, la banque n'était pas tenue d'un devoir de conseil, il s'agissait d'une opération immobilière qu'il a conçue lui-même en sa qualité d'emprunteur averti notamment comme opérant à la fois en tant que vendeur et comme acquéreur ;

- Daniel DE O. ne peut en outre raisonnablement se prévaloir de la qualité d'emprunteur non averti au regard de son activité et de son expérience des affaires, les dispositions qu'il invoque ne s'appliquent qu'aux concours consentis dans un cadre professionnel, la banque lui a en tout état de cause consentis de larges délais de régularisation, l'inscription au FICP est précisément réglementée de sorte que l'établissement de crédit a l'obligation d'inscrire l'emprunteur dans un délai prévu par ce dispositif à peine de sanction en cas d'incident de paiement caractérisé.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 novembre 2021.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il est rappelé à titre liminaire que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de voir « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

1- Fin de non-recevoir soulevée par la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS :

La société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS soutient nouvellement en cause d'appel que les demandes de X sont pour partie irrecevables en ce qu'elles se rapportent à une faute imputée à la banque dans ses relations avec la société POLYBAT INTERIM, ce eu égard à la procédure collective dont celle-ci a fait l'objet et à l'autorité de la chose jugée par le tribunal de commerce de PARIS qui aux termes d'un jugement rendu le 20 mars 2018, a considéré « que CAIXA GERAL DE DEPOSITOS n'a pas commis de faute et engagé sa responsabilité contractuelle » à l'égard de POLYBAT INTERIM qui se doit de « vérifier la qualité des clients avec lesquels elle travaille » - stratégie dans laquelle la banque n'a pas vocation à s'immiscer - ajoutant que la connaissance par la CAIXA GERAL DE DEPOSITOS du risque allégué n'était pas établi.

X ne peut cependant se voir opposer une fin de non-recevoir tirée de l'article L. 622-20 du code de commerce disposant que « le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers » en ce que comme le relève le jugement critiqué et l'expose l'appelant, il agit en tant que tiers à la relation contractuelle nouée entre la société POLYBAT INTERIM et la banque pour se prévaloir de manquements commis lors de l'exécution de ce contrat et invoquer un préjudice qui lui est propre.

Ensuite sur l'autorité de la chose jugée, l'article 480 du code de procédure civile prévoit que « le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche » étant toutefois précisé qu'en application de l'article 1355 du code civil.

« L’autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité » de sorte qu'il suffit, pour écarter ce moyen, de constater que l'instance poursuivie devant le tribunal de commerce opposait la banque à la SCP BTSG prise en la personne de Maître Y ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL POLYBAT INTERIM.

Les demandes de X doivent en conséquence être déclarées recevables.

2- Griefs se rapportant aux relations entre la banque et la société POLYBAT INTERIM :

Il sera précisé à titre liminaire que l'appelant ne peut se voir opposer qu'il ne démontre pas se trouver dans l'une des hypothèses prévues par l'article L. 650-1 du code de commerce dès lors qu'il n'agit ni dans l'intérêt de la société en liquidation ni de celui de ses créanciers, mais en qualité de tiers subissant les conséquences des difficultés financières de la société POLYBAT INTERIM en raison desquelles il « n'a pu bénéficier des revenus espérés et n'a plus été en mesure de rembourser » ce qui l'a conduit à subir les différentes actions en paiement initiées à son encontre.

M. X reproche d'abord à la banque d'avoir reçu des traites tirées par la société DA CRUZ INTERNATIONAL et crédité le compte de la société POLYBAT INTERIM le 30 août 2014 avant d'informer celle-ci du défaut de provision le 25 septembre suivant, ce qui caractériserait de la part de la banque un manquement à son obligation « d'information et de conseil » en ce que la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS avait forcément connaissance du risque représenté par ce partenaire commercial pour avoir précédemment été confrontée à des difficultés avec une autre société dirigée par le père du gérant de DA CRUZ INTERNATIONAL ayant cessé ses activités sans régler ses fournisseurs.

Cependant comme l'ont à juste titre relevé tant la décision du tribunal de commerce dans le cadre du contentieux dont il était saisi qu'ensuite le jugement entrepris, il n'appartient pas à la banque - dont il n'est pas établi ni même allégué qu'elle était contractuellement tenue à une obligation de conseil - de s'immiscer dans les affaires de son client et ainsi émettre un avis sur l'opportunité de poursuivre des relations avec un partenaire commercial, étant observé que l'appelant lui-même indique qu' « après avoir réglé 118.759,12 euros par chèques encaissés sur le compte POLYBAT à la CAIXA GERAL DE DEPOSITOS, [DA CRUZ INTERNATIONAL] par la suite émis des traites pour honorer les factures restant à payer » montrant ainsi que ces rapports s'inscrivaient dans une continuité impliquant une certaine confiance. X expose ensuite que « lorsque la société POLYBAT INTERIM a interrompu ses rapports contractuels avec la société DA CRUZ INTERNATIONAL, les chantiers pour lesquels [celle-ci] intervenait comme sous-traitant auprès de la société LEGENDRE étaient en cours et [leur] état d'avancement permettait légitimement de recouvrer les sommes pour lesquelles la société DA CRUZ INTERNATIONAL était débitrice » appréciation qui revient à l'entreprise mais ne concerne aucunement la banque.

M. X reproche en second lieu à la CAIXA GERAL DE DEPOSITOS, au visa des articles L. 442-6 5° du code de commerce et L. 313-12 du code monétaire et financier, une rupture brutale et abusive de relations commerciales établies en ce que la société POLYBAT INTERIM était sa cliente depuis de nombreuses années et a néanmoins été destinataire le 18 mars 2015 d'une mise en demeure d'avoir à restituer ses moyens de paiement par la banque refusant toute solution amiable, ce qui ressort de ses courriers du 20 avril 2015 procédant à la résiliation de l'ensemble des contrats.

Il y a lieu d'abord de préciser que les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce relatives à la responsabilité encourue pour rupture brutale d'une relation commerciale établie ne s'appliquant pas au non-renouvellement de crédits consentie par une banque à une entreprise, la demande de ce chef doit être examinée au regard du seul code monétaire et financier disposant à l'article L. 313-12 que « tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours. Dans le respect des dispositions légales applicables, l'établissement de crédit ou la société de financement fournit, sur demande de l'entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption, qui ne peuvent être demandées par un tiers, ni lui être communiquées. L'établissement de crédit ou la société de financement ne peut être tenu pour responsable des préjudices financiers éventuellement subis par d'autres créanciers du fait du maintien de son engagement durant ce délai.

L'établissement de crédit ou la société de financement n'est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l'ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise. Le non-respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité pécuniaire de l'établissement de crédit ou de la société de financement ».

M. X ne prétendant pas que la société POLYBAT INTERIM bénéficiait de concours bancaires sous forme d'une autorisation de découvert à durée indéterminée et la situation débitrice du compte - à hauteur de 78 970,02 euros - ayant pour origine la contre passation des effets de commerce impayés, l'appelant ne peut se prévaloir de l'existence d'un concours autre qu'occasionnel et partant des dispositions précitées pour invoquer la responsabilité de la banque, étant au surplus observé que celle-ci a de fait réservé à la société un délai de 60 jours pour régulariser sa situation en ce que la première mise en demeure est datée du 17 avril 2015 et la clôture du compte est intervenue le 16 juin 2015.

La demande indemnitaire de X ne peut donc pas plus être accueillie sur ce fondement.

3- Manquements reprochés à la banque vis-à-vis de l'emprunteur au titre du devoir de mise en garde :

Un établissement de crédit est débiteur, à l'égard d'un emprunteur non averti, d'une obligation de mise en garde à raison des capacités financières de celui-ci et des risques de l'endettement né de l'octroi des prêts. La preuve de ce que sa situation à l'époque de la souscription du crédit justifiait l'accomplissement par la banque d'un tel devoir incombe à l'emprunteur.

Le devoir de mise en garde de l'emprunteur non averti implique d'une part, que les capacités financières du candidat à la dette doivent être préalablement vérifiées, et d'autre part, que les informations recueillies ne révèlent pas l'existence d'un risque résultant de cet endettement.

L'emprunteur averti est celui disposant des compétences nécessaires lui permettant de mesurer le contenu, la portée et les risques liés aux concours consentis, lesquelles ne dépendent pas forcément de sa qualité de professionnel et sont appréciées notamment au regard de ses capacités de discernement, de son expérience dans le secteur considéré et de son habitude des affaires. Il est également tenu compte des caractéristiques de l'opération.

En exposant sans être utilement contredite que X était gérant de quatre sociétés dont deux SCI et deux SARL - ce qu'ont également relevé les premiers juges - et en établissant que l'opération financée consistait en une acquisition réalisée par l'appelant auprès de l'agence INSEGNA IMMOBILIER dont il était le dirigeant, ce qui le rendait contrairement à ce qu'il affirme, nécessairement familier des différents mécanismes de financement existant en particulier dans ce domaine et donc à même de mesurer pleinement la portée de ses engagements, la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS démontre qu'il s'agissait d'un emprunteur averti à l'égard duquel elle n'était pas tenue d'une obligation de mise en garde.

C'est donc à titre tout à fait surabondant que la cour observe, au surplus, que l'affectation du découvert de 50 000 euros n'est aucunement établie en ce qu'elle ne figure pas sur l'offre de prêt ni sur l'acte de vente du bien financé.

Les arguments de la banque se rapportant à la rupture des concours bancaires personnels - crédits immobiliers et découvert du compte courant - n'ont enfin pas lieu d'être examinés, aucune demande n'étant formée à ce titre dans les dernières écritures de M. X.

En conséquence de l'ensemble de ce qui précède, le jugement entrepris doit être confirmé en toutes ses dispositions en ce compris celles relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

4- Dépens et frais irrépétibles :

M. X qui succombe supportera la charge des dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il sera également condamné à payer à la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS, qui a dû exposer des frais irrépétibles, une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

ECARTE les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir et de l'autorité de la chose jugée ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE X aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

CONDAMNE X à payer à la société CAIXA GERAL DE DEPOSITOS la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.