Cass. com., 16 mars 2022, n° 20-19.248
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Ederki (SAS)
Défendeur :
Distribution Casino France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Darbois
Rapporteur :
Mme Comte
Avocat général :
Mme Beaudonnet
Avocats :
SCP L. Poulet-Odent, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 juin 2020), la société Distribution Casino France (la société Casino), qui exploite des hypermarchés, distribuait des produits commercialisés par la société Ederki. Entre 2008 et 2017, ces sociétés ont signé annuellement des contrats intitulés « Accord Cadre Marque Nationale ».
2. Reprochant à la société Casino d'avoir procédé à des déductions d'office sur factures, qu'elle estimait injustifiées, la société Ederki en a demandé le paiement, avant de solliciter également la réparation de son préjudice pour rupture brutale partielle de la relation commerciale établie.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, le deuxième moyen et le troisième moyen du pourvoi principal, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses quatrième et cinquième branches
Enoncé du moyen
4. La société Ederki fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la somme de 46 327,59 euros hors taxes au titre des déductions d'office avec anatocisme à compter du 16 septembre 2013, alors :
« 4°) que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que, dans ses écritures d'appel, la société Ederki avait soutenu que les déductions d'office pratiquées par la société Casino avaient fait l'objet de contestations, ce qui rendait illicites les compensations pratiquées par la société Casino en raison de l'absence de caractère certain, liquide et exigible des créances déduites ; qu'en se bornant à retenir, pour rejeter la demande en paiement de la société Ederki au titre des déductions d'office injustifiées, que les débits opérés ne contrevenaient pas aux dispositions de l'article L. 442-6, I, 8° du code de commerce en ce qu'ils portaient sur une différence de prix ou une erreur de livraison, et qu'il appartenait à la société Ederki de faire les réclamations requises selon les modalités mises en place par la société Casino, la cour d'appel s'est abstenue de répondre au moyen pourtant opérant invoqué par la société Ederki, violant par conséquent l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) que le distributeur engage sa responsabilité lorsqu'il déduit d'office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d'une date de livraison ou à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n'est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur n'ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant ; qu'en retenant, pour débouter la société Ederki de sa demande en paiement au titre des déductions d'office injustifiées, que les débits opérés ne contrevenaient pas aux dispositions de l'article L. 442-6, I, 8° du code de commerce en ce qu'ils portaient sur une différence de prix ou une erreur de livraison, cependant que les erreurs de livraison entraînaient nécessairement le non-respect de la date de livraison ou la non-conformité des marchandises, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article L. 442-6, I, 8° du code de commerce, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 24 avril 2019. »
Réponse de la Cour
5. L'arrêt relève que les débits opérés ne contreviennent pas aux dispositions de l'article L. 442-6, I, 8° du code de commerce, en ce qu'ils portent sur des différences de prix ou des erreurs de livraison, et non pas sur le non-respect d'une date de livraison ou sur la non-conformité des marchandises.
6. De cette seule constatation, rendant inopérantes les conclusions prétendument omises, la cour d'appel a exactement déduit que la demande de restitution des déductions effectuées par la société Casino sur les factures émises par la société Ederki fondée sur le texte précité ne pouvait pas être accueillie.
7. Le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus.
Sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
8. La société Casino fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Ederki la somme de 48 478 euros au titre de la rupture brutale partielle de leurs relations commerciales, alors :
« 1°) que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer, pour retenir l'existence d'une rupture partielle brutale des relations commerciales établies imputables à la société Casino, que "la faible performance des produits ou le taux de rotation trop faible de références enregistrées invoqués par DCF ne peuvent être imputables au fournisseur", sans mieux justifier une telle affirmation, quand la mévente en libre-service des produits est a priori imputable au fournisseur et non au distributeur qui a rempli des obligations de mise en avant dans le cadre des opérations de coopération commerciale, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) que, en tout état de cause, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, telles qu'elles ressortent de leurs conclusions ; que dans leurs conclusions, les parties s'accordaient sur le principe selon lequel le préjudice subi par la société Ederki en conséquence de la brutalité de la rupture partielle de leurs relations commerciales ne pouvait s'analyser qu'en une perte de marge, et non une perte de chiffre d'affaires ; qu'en indemnisant ce préjudice sur la base d'une perte de chiffre d'affaires, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3°) que sont indemnisables sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, les seuls préjudices qui résultent de la brutalité de la rupture ; qu'en indemnisant le préjudice subi par la société Ederki en conséquence de la brutalité de la rupture partielle de ses relations commerciales avec la société Casino sur la base d'une perte de chiffre d'affaires, au lieu d'une perte de marge brute comme la société Ederki le demandait, au motif inopérant tiré de l'absence d'autres éléments, notamment une attestation de l'expert-comptable de la société Ederki, sans préciser en quoi l'insuffisance de préavis avait été de nature à engendrer une perte de chiffre d'affaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019. »
Réponse de la Cour
9. L'arrêt relève que le chiffre d'affaires produit par les deux parties fait apparaître une baisse de celui réalisé par la société Ederki avec la société Casino et considère que la faible performance des produits ou le taux de rotation trop faible de références enregistrées invoqués par la société Casino ne peuvent être imputables à la société Ederki. Il en déduit que la société Casino a rompu partiellement la relation commerciale avec la société Ederki, qui n'a bénéficié d'aucun délai de préavis. Il estime qu'en considération de différents critères, qu'il énumère, pour établir le temps nécessaire au redéploiement de l'activité de la société Ederki, le préavis dont celle-ci aurait dû bénéficier était de six mois et fixe, en considération de la baisse du chiffre d'affaires né de la rupture partielle imputable à la société Casino et de l'estimation à la somme de 282 821 euros de la perte de marge brute par la société Ederki, à 48 478 euros le préjudice subi par cette dernière.
10. En l'état de ces constatations et appréciations, et dès lors qu'il résultait nécessairement de l'absence de préavis une baisse de chiffre d'affaires qui aurait dû être réalisé pendant la période de préavis, les griefs, qui, sous le couvert de violation de l'objet du litige et de défaut de motivation, ne font que critiquer l'appréciation souveraine, par la cour d'appel, de l'évaluation du préjudice né de la rupture brutale, ne peuvent être accueillis.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois.