CJUE, 7e ch., 24 mars 2022, n° C-533/20
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Somogy Megyei Kormányhivatal
Défendeur :
Upfield Hungary Kft.
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Passer
Juges :
M. Biltgen, M. Wahl
Avocat général :
M. Medina
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (UE) no 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) no 1924/2006 et (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) no 608/2004 de la Commission (JO 2011, L 304, p. 18 et rectificatif JO 2013, L 163, p. 32).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant les Somogy Megyei Kormányhivatal (services administratifs du département de Somogy, Hongrie) à Upfield Hungary Kft. au sujet d’une décision par laquelle ces services ont ordonné à Upfield Hungary de modifier l’étiquetage d’un produit qu’elle commercialise en Hongrie.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
Le règlement no 1169/2011
3 L’article 1er du règlement no 1169/2011, intitulé « Objet et champ d’application », indique, à son paragraphe 1 :
« Le présent règlement contient les dispositions de base permettant d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en matière d’information sur les denrées alimentaires, dans le respect des différences de perception desdits consommateurs et de leurs besoins en information, tout en veillant au bon fonctionnement du marché intérieur. »
4 L’article 2, paragraphe 2, sous f), n), o) et s), de ce règlement précise que, aux fins de celui-ci, le terme « ingrédient », l’expression « dénomination légale », l’expression « nom usuel » et le terme « nutriment » ont respectivement le sens suivant :
« f) “ingrédient” : toute substance ou tout produit, y compris les arômes, les additifs alimentaires et les enzymes alimentaires, ou tout constituant d’un ingrédient composé, utilisé dans la fabrication ou la préparation d’une denrée alimentaire et encore présent dans le produit fini, éventuellement sous une forme modifiée ; [...]
[...]
n) “dénomination légale” : la dénomination d’une denrée alimentaire prescrite par les dispositions de l’Union qui lui sont applicables ou, en l’absence de telles dispositions, la dénomination prévue par les dispositions législatives, réglementaires ou administratives applicables dans l’État membre dans lequel la denrée alimentaire est vendue au consommateur final ou aux collectivités ;
o) “nom usuel” : le nom reconnu comme étant la dénomination de la denrée alimentaire par les consommateurs de l’État membre dans lequel celle-ci est vendue, sans que de plus amples explications soient nécessaires ;
[...]
s) “nutriment” : les protéines, les glucides, les matières grasses, les fibres alimentaires, le sodium, les vitamines et les sels minéraux dont la liste est établie à l’annexe XIII, partie A, point 1, du présent règlement, ainsi que les substances qui relèvent ou sont des composants de l’une de ces catégories ».
5 L’article 3 dudit règlement, intitulé « Objectifs généraux », énonce, à son paragraphe 1 :
« L’information sur les denrées alimentaires tend à un niveau élevé de protection de la santé et des intérêts des consommateurs en fournissant au consommateur final les bases à partir desquelles il peut décider en toute connaissance de cause et utiliser les denrées alimentaires en toute sécurité, dans le respect, notamment, de considérations sanitaires, économiques, écologiques, sociales et éthiques. »
6 L’article 7 du même règlement, intitulé « Pratiques loyales en matière d’information », prévoit notamment, à son paragraphe 2 :
« Les informations sur les denrées alimentaires sont précises, claires et aisément compréhensibles par les consommateurs. »
7 L’article 9 du règlement no 1169/2011, intitulé « Liste des mentions obligatoires », énonce, à son paragraphe 1 :
« Conformément aux articles 10 à 35, et sous réserve des exceptions prévues dans le présent chapitre, les mentions suivantes sont obligatoires :
[...]
b) la liste des ingrédients ;
[...]
l) une déclaration nutritionnelle. »
8 L’article 17 de ce règlement, intitulé « Dénomination de la denrée alimentaire », prévoit, à son paragraphe 1 :
« La dénomination de la denrée alimentaire est sa dénomination légale. En l’absence d’une telle dénomination, la dénomination de la denrée est son nom usuel. À défaut d’un tel nom ou si celui-ci n’est pas utilisé, un nom descriptif est à indiquer. »
9 L’article 18 dudit règlement, intitulé « Liste des ingrédients », précise, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. La liste des ingrédients est assortie d’un intitulé ou précédée d’une mention appropriée “ingrédients” ou comportant ce terme. Elle comprend tous les ingrédients de la denrée alimentaire, dans l’ordre décroissant de leur importance pondérale au moment de leur mise en œuvre dans la fabrication de la denrée.
2. Les ingrédients sont désignés par leur nom spécifique, le cas échéant, conformément aux règles prévues à l’article 17 [...] »
10 L’article 30 du même règlement, relatif au contenu de la déclaration nutritionnelle visée à l’article 9, paragraphe 1, sous l), de celui-ci, énonce, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. La déclaration nutritionnelle obligatoire inclut les éléments suivants :
a) la valeur énergétique ; et
b) la quantité de matières grasses, d’acides gras saturés, de glucides, de sucres, de protéines et de sel.
[...]
2. Le contenu de la déclaration nutritionnelle obligatoire, visé au paragraphe 1, peut être complété par l’indication des quantités d’un ou de plusieurs des éléments suivants :
[...]
f) tous vitamines ou sels minéraux énumérés à l’annexe XIII, partie A, point 1, et présents en quantité significative conformément à la partie A, point 2, de ladite annexe. »
11 L’annexe XIII du règlement no 1169/2011, intitulée « Apports de référence », comporte une partie A relative aux apports quotidiens de référence en vitamines et en sels minéraux pour les adultes, dont le point 1 énumère les vitamines et sels minéraux pouvant être déclarés et les valeurs nutritionnelles de référence. Parmi ces vitamines figurent notamment la vitamine A et la vitamine D.
Le règlement no 1925/2006
12 Le règlement (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, concernant l’adjonction de vitamines, de minéraux et de certaines autres substances aux denrées alimentaires (JO 2006, L 404, p. 26), tel que modifié par le règlement no 1169/2011 (ci-après le « règlement no 1925/2006 »), contient un article 3, intitulé « Exigences concernant l’adjonction de vitamines et de minéraux », dont le paragraphe 1 précise que « [s]eules les vitamines et/ou les minéraux énumérés à l’annexe I, sous les formes énumérées à l’annexe II, peuvent être ajoutés aux denrées alimentaires, sous réserve des règles établies par le présent règlement ».
13 L’article 7 de ce règlement, intitulé « Étiquetage, présentation et publicité », prévoit, à son paragraphe 3 :
« L’étiquetage nutritionnel des produits auxquels des vitamines et des minéraux ont été ajoutés et qui sont couverts par le présent règlement est obligatoire. Les informations à fournir sont celles visées à l’article 30, paragraphe 1, du règlement [no 1169/2011] ainsi que les quantités totales de vitamines et de minéraux lorsqu’ils sont ajoutés à l’aliment. »
14 L’annexe I dudit règlement, intitulée « Vitamines et substances minérales pouvant être ajoutées aux denrées alimentaires », se réfère notamment à la vitamine A et à la vitamine D.
15 L’annexe II du même règlement inclut, parmi les formules vitaminiques et les substances minérales pouvant être ajoutées aux denrées alimentaires, sous l’intitulé « Vitamine A », quatre formules vitaminiques, à savoir le rétinol, l’acétate de rétinyle, le palmitate de rétinyle et la bêta-carotène. Il comprend aussi, sous l’intitulé « Vitamine D », deux formules vitaminiques, à savoir le cholécalciférol et l’ergocalciférol.
Le droit hongrois
16 En vertu de l’article 10, paragraphe 1, de l’az élelmiszerláncról és hatósági felügyeletéről szóló 2008. évi XLVI. törvény (loi no XLVI de 2008 relative à la chaîne alimentaire et à la surveillance administrative de celle-ci par les autorités), les denrées alimentaires ne peuvent être mises sur le marché que si leur étiquetage contient, en langue hongroise, sous une forme compréhensible par tous, claire et lisible, les informations prévues dans la réglementation édictée en exécution de cette loi et dans les actes juridiques directement applicables de l’Union.
Le litige au principal et la question préjudicielle
17 Upfield Hungary commercialise en Hongrie un produit dénommé « Flóra ProActiv, margarine à 35 % de matière grasse avec stéarine végétale ajoutée ». L’étiquetage de ce produit inclut notamment la mention « Vitamines (A, D) ».
18 Les services administratifs du département de Somogy, qui sont chargés, notamment, de veiller au respect de la réglementation applicable dans le domaine de la protection des consommateurs, ont estimé que cette mention n’était pas conforme aux dispositions du règlement no 1169/2011 au motif que celles-ci imposent de faire figurer, sur l’étiquetage des denrées alimentaires, de façon générale, le nom spécifique des différents ingrédients qui entrent dans leur composition et, dans le cas particulier où ces ingrédients sont des vitamines, les formules vitaminiques qu’elles contiennent. Ils ont par conséquent adopté une décision ordonnant à Upfield Hungary de modifier l’étiquetage du produit en cause.
19 Celle-ci ayant introduit un recours contre cette décision, la juridiction compétente a annulé cette dernière en se fondant sur deux séries d’éléments. D’une part, elle a estimé, en substance, que le règlement no 1169/2011 ne définissait pas ce qu’il convenait de considérer, de façon générale, comme étant le « nom spécifique » des ingrédients qui entrent dans la composition des denrées alimentaires. D’autre part, elle a relevé que le règlement no 1925/2006 n’encadrait pas davantage le nom des vitamines, des minéraux et des autres substances auxquels il se réfère, tout en énumérant entre autres, à son annexe II, les différentes formules vitaminiques de la vitamine A et de la vitamine D qui peuvent être ajoutées aux denrées alimentaires. Eu égard à ces éléments, cette juridiction a conclu qu’aucun des deux règlements en question ni aucune autre disposition du droit de l’Union ne s’opposait à l’utilisation, aux fins de l’étiquetage d’une denrée alimentaire, des noms « Vitamine A » et « Vitamine D ».
20 Les services administratifs du département de Somogy ont alors formé un pourvoi devant la Kúria (Cour suprême, Hongrie), au soutien duquel ils font valoir, en premier lieu, que le règlement no 1169/2011 impose, de façon générale, de faire figurer sur l’étiquetage des denrées alimentaires la mention du nom spécifique de chacun des ingrédients qui entrent dans leur composition et, en second lieu, que, s’agissant plus particulièrement d’ingrédients tels que les vitamines A et D, ce nom spécifique correspond à la formule vitaminique qui a été ajoutée à une denrée alimentaire donnée, cette formule vitaminique devant elle-même nécessairement faire partie de celles dont l’utilisation est autorisée en vertu de l’annexe II du règlement no 1925/2006.
21 La juridiction de renvoi estime que cette argumentation soulève la question de savoir comment la notion de « nom spécifique » figurant à l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 1169/2011 doit être comprise en présence d’ingrédients tels que des vitamines. La position des juridictions nationales à ce sujet n’étant pas uniforme, il lui paraît nécessaire d’interroger la Cour à ce propos.
22 Dans ces conditions, la Kúria (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« Les dispositions du règlement [no 1169/2011], et en particulier l’article 18, paragraphe 2, de celui-ci, doivent-elles être interprétées en ce sens que, lorsque des vitamines sont ajoutées à des denrées alimentaires, l’énumération des ingrédients des denrées alimentaires doit également comporter, outre la mention du nom des vitamines, celle des formules vitaminiques pouvant être ajoutées aux denrées alimentaires ? »
Sur la question préjudicielle
23 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement no 1169/2011 doit être interprété, compte tenu en particulier de son article 18, paragraphe 2, en ce sens que, dans l’hypothèse où une vitamine a été ajoutée à une denrée alimentaire, la liste des ingrédients de cette denrée alimentaire doit comprendre, en plus de la mention du nom de cette vitamine, celle de la formule vitaminique qui a été utilisée.
24 À cet égard et à titre liminaire, il convient de relever, d’une part, que le règlement no 1169/2011 distingue les notions d’« ingrédient » et de « nutriment ».
25 En effet, l’article 2, paragraphe 2, sous f), de ce règlement précise que la notion d’« ingrédient » correspond à « toute substance ou tout produit, y compris les arômes, les additifs alimentaires et les enzymes alimentaires, ou tout constituant d’un ingrédient composé, utilisé dans la fabrication ou la préparation d’une denrée alimentaire et encore présent dans le produit fini, éventuellement sous une forme modifiée ».
26 En parallèle, l’article 2, paragraphe 2, sous s), dudit règlement énonce que la notion de « nutriment » inclut « les protéines, les glucides, les matières grasses, les fibres alimentaires, le sodium, les vitamines et les sels minéraux dont la liste est établie à l’annexe XIII, partie A, point 1 » du même règlement.
27 D’autre part, l’article 9, paragraphe 1, sous b) et l), du règlement no 1169/2011 prévoit que les ingrédients et les nutriments qui sont présents dans les denrées alimentaires produites ou commercialisées dans l’Union européenne font l’objet de deux mentions obligatoires distinctes sur celles-ci, à savoir une « liste des ingrédients » et une « déclaration nutritionnelle ».
28 La première de ces deux mentions obligatoires doit, en vertu de l’article 18, paragraphe 1, dudit règlement, comprendre tous les ingrédients qui sont présents dans la denrée alimentaire concernée.
29 La seconde desdites mentions obligatoires doit, quant à elle, inclure, conformément à l’article 30, paragraphe 1, du même règlement, la valeur énergétique et la quantité de matières grasses, d’acides gras saturés, de glucides, de sucres, de protéines et de sel qui sont présents dans la denrée alimentaire concernée. En outre, elle peut être complétée, en vertu du paragraphe 2 dudit article, par l’indication, notamment, des vitamines qui sont présentes en quantité significative dans cette denrée alimentaire.
30 Il s’ensuit que les vitamines sont, en principe, qualifiées de nutriments par le règlement no 1169/2011 et qu’elles peuvent, dès lors, être indiquées dans la déclaration nutritionnelle visée à l’article 9, paragraphe 1, sous l), et à l’article 30 de ce règlement, lorsqu’elles sont présentes en quantité significative dans une denrée alimentaire, sans toutefois que cette indication revête un caractère obligatoire.
31 Il importe cependant de préciser que, ainsi que Mme l’avocate générale l’a relevé aux points 32 à 34 de ses conclusions, cette qualification n’implique pas que les vitamines ne puissent pas constituer, dans le même temps, des ingrédients au sens du règlement no 1169/2011.
32 Au contraire, la notion d’« ingrédient » inclut, ainsi que cela résulte du point 25 du présent arrêt, tout produit, toute substance ou tout constituant qui a été « utilisé » dans la fabrication ou la préparation d’une denrée alimentaire et qui est « encore présent » dans le produit fini, ce qui peut être le cas d’une vitamine.
33 Il s’ensuit que, dans l’hypothèse où une vitamine est ajoutée dans une denrée alimentaire, elle doit obligatoirement être indiquée dans la liste des ingrédients prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous b), et à l’article 18 du règlement no 1169/2011. En revanche, elle ne doit pas nécessairement être mentionnée et quantifiée dans la déclaration nutritionnelle visée à l’article 9, paragraphe 1, sous l), et à l’article 30 de ce règlement.
34 S’agissant du point de savoir sous quel nom une telle vitamine doit être incluse dans la liste des ingrédients devant figurer sur la denrée alimentaire concernée, il convient d’observer que, aux termes de l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 1169/2011, les ingrédients qui sont présents dans une denrée alimentaire doivent être désignés par leur nom spécifique, le cas échéant conformément aux règles prévues à l’article 17 de ce règlement.
35 Il importe de relever, à cet égard, que l’article 17 du règlement no 1169/2011 énonce, à son paragraphe 1, que la dénomination des ingrédients doit s’entendre comme étant soit la dénomination légale de l’ingrédient concerné, soit, en l’absence de dénomination légale, le nom usuel de cet ingrédient, soit encore, à défaut d’un tel nom usuel ou si celui-ci n’est pas utilisé, un nom descriptif.
36 Or, ni la référence au « nom spécifique » figurant à l’article 18, paragraphe 2, du règlement no 1169/2011 ni les références à la « dénomination légale », au « nom usuel » et au « nom descriptif » figurant à l’article 17, paragraphe 1, de ce règlement ne permettent, en elles-mêmes et en l’absence de précisions textuelles complémentaires, de déterminer le nom sous lequel une vitamine qui a été ajoutée dans une denrée alimentaire produite ou commercialisée dans l’Union doit être désignée dans la liste des ingrédients relative à cette denrée alimentaire.
37 Dans ces conditions, il convient, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, d’interpréter ces dispositions en tenant compte, au-delà de leurs seuls termes, du contexte dans lequel elles s’inscrivent ainsi que des objectifs poursuivis par la réglementation dont elles font partie (arrêts du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, EU:C:2005:362, point 41, ainsi que du 21 janvier 2021, Allemagne/Esso Raffinage, C‑471/18 P, EU:C:2021:48, point 81).
38 À cet égard, en ce qui concerne, en premier lieu, le contexte dans lequel s’inscrivent les dispositions en cause, il doit être observé, premièrement, que l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 1169/2011 définit, respectivement sous n) et o), les expressions « dénomination légale » et « nom usuel » en précisant qu’elles renvoient, la première, à « la dénomination d’une denrée alimentaire prescrite par les dispositions de l’Union qui lui sont applicables ou, en l’absence de telles dispositions, la dénomination prévue par les dispositions législatives, réglementaires ou administratives applicables dans l’État membre dans lequel la denrée alimentaire est vendue » et, la seconde, au « nom reconnu comme étant la dénomination de la denrée alimentaire par les consommateurs de l’État membre dans lequel celle-ci est vendue, sans que de plus amples explications soient nécessaires ».
39 Deuxièmement, ce règlement se réfère, à son article 30, paragraphe 2, sous f), et à son annexe XIII, partie A, point 1, aux vitamines qui peuvent être indiquées et quantifiées dans la déclaration nutritionnelle prévue à son article 9, paragraphe 1, sous l), dans l’hypothèse où elles sont présentes en quantité significative dans une denrée alimentaire produite ou commercialisée dans l’Union. Or, comme Mme l’avocate générale l’a souligné au point 47 de ses conclusions, cette annexe XIII, partie A, point 1, énumère les vitamines en question en les désignant par des noms tels que « Vitamine A », « Vitamine D » ou encore « Vitamine E », sans prévoir, cependant, que ces noms constituent une dénomination légale en vertu du droit de l’Union.
40 Troisièmement, ni ces dispositions ni aucune autre disposition du règlement no 1169/2011 ne se réfère à ces vitamines sous d’autres noms.
41 Quatrièmement, le règlement no 1925/2006, qui rapproche les dispositions nationales relatives à l’adjonction de vitamines, de minéraux et de certaines autres substances aux denrées alimentaires, prévoit, à son article 3, paragraphe 1, que « [s]eules les vitamines et/ou les minéraux énumérés à l’annexe I, sous les formes énumérées à l’annexe II, peuvent être ajoutés aux denrées alimentaires ». Ainsi qu’il résulte de la première de ces deux annexes, les noms des différentes vitamines en question correspondent à ceux visés à l’annexe XIII, partie A, point 1, du règlement no 1169/2011, tels que rappelés au point 39 du présent arrêt, étant observé, toutefois, que seules les formules vitaminiques expressément énumérées à la seconde desdites annexes peuvent être ajoutées aux denrées alimentaires produites ou commercialisées dans l’Union.
42 Cinquièmement, le règlement no 1925/2006 n’a néanmoins pas pour objet de régir l’étiquetage nutritionnel ou, plus largement, l’information des consommateurs relative à la présence de vitamines dans ces denrées alimentaires, une telle question demeurant au contraire exclusivement régie, ainsi qu’il résulte clairement de l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement et que Mme l’avocate générale l’a relevé au point 45 de ses conclusions, par le règlement no 1169/2011. Les formules vitaminiques énumérées à l’annexe II du règlement no 1925/2006 ne peuvent donc pas être considérées comme des noms venant s’ajouter à ceux visés aux point 39 du présent arrêt, et cela d’autant moins que cette annexe précise qu’il s’agit uniquement de « formes » différentes de chacune des vitamines concernées.
43 Il ressort ainsi de l’ensemble des dispositions qui précèdent que c’est sous des noms tels que « Vitamine A », « Vitamine D » ou encore « Vitamine E » que les vitamines présentes en quantité significative dans les denrées alimentaires produites ou commercialisées dans l’Union sont désignées par le règlement no 1169/2011, aux fins de leur indication dans la déclaration nutritionnelle prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous l), à l’article 30 et à l’annexe XIII de celui-ci.
44 Il y a lieu, pour assurer l’interprétation et l’application cohérentes des différentes dispositions de ce règlement, de considérer que c’est sous ces mêmes noms que de telles vitamines devraient également être désignées aux fins de leur indication dans la liste des ingrédients prévue à l’article 9, paragraphe 1, sous b), et à l’article 18 dudit règlement.
45 En second lieu, il convient d’observer que le règlement no 1169/2011 a notamment pour objectif, ainsi qu’il découle de la lecture combinée de son article 1er, paragraphe 1, et de son article 3, paragraphe 1, d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en matière d’information sur les denrées alimentaires, dans le respect de leurs différences de perception, en leur fournissant les bases à partir desquelles ils peuvent se décider en toute connaissance de cause (voir, en ce sens, arrêt du 13 janvier 2022, Tesco Stores ČR, C‑881/19, EU:C:2022:15, points 43 et 44 ainsi que jurisprudence citée).
46 Cet objectif se traduit, notamment, par l’exigence, énoncée à l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement, selon laquelle les informations fournies aux consommateurs à propos des denrées alimentaires produites ou commercialisées dans l’Union doivent être précises, claires et aisément compréhensibles.
47 Cette exigence doit elle-même s’apprécier non seulement en tenant compte des différences de perception possibles entre les consommateurs, ainsi qu’évoqué au point 45 du présent arrêt, mais aussi en prenant comme point de référence un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et éclairé, comme cela découle de la jurisprudence constante de la Cour (arrêts du 16 juillet 1998, Gut Springenheide et Tusky, C‑210/96, EU:C:1998:369, point 31, ainsi que du 10 septembre 2009, Severi, C‑446/07, EU:C:2009:530, point 61).
48 Or, ledit objectif et ladite exigence corroborent l’interprétation retenue au point 44 du présent arrêt. En effet, le fait de désigner, de façon cohérente et exclusive, les vitamines sous des noms tels que « Vitamine A » ou « Vitamine D » dans la déclaration nutritionnelle et dans la liste des ingrédients prévues par le règlement no 1169/2011 est de nature à assurer une information précise, claire et aisément compréhensible pour un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et éclairé.
49 À l’inverse, le fait d’utiliser ces seuls noms dans la déclaration nutritionnelle et d’y ajouter en parallèle les formules vitaminiques pertinentes énumérées à l’annexe II du règlement no 1925/2006, telles qu’« acétate de rétinyle » ou « cholécalciférol », aux fins de leur inscription dans la liste des ingrédients, risquerait, compte tenu du caractère relativement abscons et peu connu du grand public de la plupart de ces formules vitaminiques, de rendre une telle information plus complexe, plus technique et, par conséquent, moins claire et moins aisément compréhensible pour un consommateur moyen.
50 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que le règlement no 1169/2011 doit être interprété, compte tenu en particulier de son article 18, paragraphe 2, en ce sens que, dans l’hypothèse où une vitamine a été ajoutée à une denrée alimentaire, la liste des ingrédients de cette denrée alimentaire ne doit pas comprendre, en plus de la mention du nom de cette vitamine, celle de la formule vitaminique qui a été utilisée.
Sur les dépens
51 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :
Le règlement (UE) no 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, modifiant les règlements (CE) no 1924/2006 et (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 87/250/CEE de la Commission, la directive 90/496/CEE du Conseil, la directive 1999/10/CE de la Commission, la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2002/67/CE et 2008/5/CE de la Commission et le règlement (CE) no 608/2004 de la Commission, doit être interprété, compte tenu en particulier de son article 18, paragraphe 2, en ce sens que, dans l’hypothèse où une vitamine a été ajoutée à une denrée alimentaire, la liste des ingrédients de cette denrée alimentaire ne doit pas comprendre, en plus de la mention du nom de cette vitamine, celle de la formule vitaminique qui a été utilisée.