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Décisions

CA Paris, 4e ch., 28 mars 2001, n° D20010054

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Eti- Eurasia Trading International (Ste)

Défendeur :

Barati (Sarl)

CA Paris n° D20010054

27 mars 2001

FAITS ET PROCEDURE

Invoquant sa qualité de cessionnaire des droits sur trois modèles de chaussures déposés par Ronald P les 12 septembre 1995, 23 avril 1996 et 20 décembre 1996, enregistrés respectivement sous les numéros 95/4905, 96/2460 et 96/7226, la société RONALD PINEAU, autorisée par ordonnance sur requête du 18 septembre 1997, a fait pratiquer le 23 septembre suivant une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société BARATI à Paris 5ème.

Ces opérations ayant révélé que les chaussures incriminées étaient fabriquées par la société EURASIA TRADING INTERNATIONAL, dite ETI, la société RONALD PINEAU a saisi le tribunal de commerce de Paris aux fins de constatation de la contrefaçon et d'actes de concurrence déloyale. Ronald P est intervenu volontairement dans l'instance.

Par jugement du 20 novembre 1998, le tribunal a :

- donné acte à Ronald P de son intervention volontaire,

- donné acte à la société RONALD PINEAU de son désistement à l'égard de la société BARATI,

- condamné la société ETI à payer à la société RONALD PINEAU la somme de 300 000 F à titre de dommages-intérêts pour contrefaçon et concurrence déloyale,

- ordonné l'interdiction de vente des chaussures contrefaisantes à compter du 7ème jours suivant la notification du jugement, sous peine d'astreinte de 1.000 F par infraction constatée,

- condamné la société ETI à payer à la société RONALD PINEAU la somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu l'appel de cette décision interjeté le 30 décembre 1998 par la société ETI ;

VU les dernières écritures signifiées le 16 février 2001 par lesquelles la société ETI, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, relève que la société RONALD PINEAU ne justifie pas de la publication au Registre des Dessins et modèles de l'acte de cession du 5 juin 1996 consenti par Ronald P et soulève à titre principal :

- l'irrecevabilité de la demande de la société RONALD PINEAU,

- la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon et de l'assignation délivrée ensuite de cet acte,

- et par voie de conséquence, l'absence de preuve de la matérialité des actes reprochés,

à titre subsidiaire, invoque sa bonne foi et l'absence d'originalité des modèles pour conclure au rejet de l'action en contrefaçon, soutient que l'action en concurrence déloyale n'est fondée sur aucun fait distinct et qu'en toutes hypothèses le préjudice de la société RONALD PINEAU est minime,

réclame en tout état de cause l'allocation d'une somme de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 16 février 2001 aux termes desquelles la société RONALD PINEAU et Ronald P sollicitent la confirmation du jugement entrepris sauf sur le montant des condamnations prononcées et sur les frais de publication qu'ils demandent de porter aux montants suivants :

- 1 190 408 F à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de contrefaçon,

- 400 000 F à titre de dommages-intérêts pour avilissement du modèle,

- 1 000 000 F en réparation des actes de concurrence déloyale,

- 100 000 F H.T. au titre des frais de publication,

- 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

DECISION

I - SUR LA VALIDITE DU PROCES-VERBAL DE SAISIE-CONTREFAÇON DU 23 SEPTEMBRE 1997

Considérant que, conformément à sa requête, la société RONALD PINEAU a, par ordonnance du 18 septembre 1997, été autorisée, sur le fondement de l'article L. 521-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, à faire procéder à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société BARATI ;

Considérant que si par contrat du 5 juin 1996, Ronald P a cédé à la société RONALD PINEAU ses droits de création et d'exploitation sur des modèles précisément dénommés à compter de leur création, cet acte n'a pas été inscrit au Registre national des dessins et modèles ; que la cession des droits attachés à ces modèles n'est donc pas opposable aux tiers conformément à l'article L. 512-4 du Code de la Propriété Intellectuelle ;

Qu'il s'ensuit que la société RONALD PINEAU n'ayant pas qualité pour requérir et pratiquer une saisie-contrefaçon fondée sur les dispositions du livre V du Code de la Propriété Intellectuelle, seul le déposant initial étant fondé à se prévaloir de droits sur les modèles invoqués, celle-ci doit être annulée ;

II - SUR L'ACTION EN CONTREFAÇON ET CONCURRENCE DELOYALE

Considérant que, contrairement aux allégations de la société ETI, la nullité du procès- verbal de saisie-contrefaçon n'affecte pas la validité de l'assignation délivrée par la société RONALD PINEAU qui fonde également ses demandes au titre de la contrefaçon sur le livre I du Code de la Propriété Intellectuelle et invoque en outre des faits de concurrence déloyale ;

Mais considérant que pour établir la matérialité des agissements reprochés à la société ETI, la société RONALD PINEAU se prévaut exclusivement des constatations du procès- verbal de saisie-contrefaçon annulé et des pièces saisies au cours de ces opérations, qui ne peuvent être valablement admis à titre de preuve ;

Qu'en l'absence d'autres moyens de preuve, la société RONALD PINEAU doit être déboutée de son action en contrefaçon et en concurrence déloyale à l'encontre de la société ETI ;

III - SUR LES AUTRES DEMANDES

Considérant que la société ETI demande à la cour de liquider l'astreinte prononcée par l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 10 octobre 2000 ;

Considérant qu'aux termes de cette ordonnance, il a été fait injonction à la société RONALD PINEAU de communiquer à la société ETI le contrat de licence conclu entre elle et la société AGP, sous astreinte de 500 F par jour de retard, passé un délai de huit jours à compter de la signification de la décision ;

Mais considérant que le contrat litigieux à bien été communiqué à la société ETI, suivant bordereau du 9 février 2001 ; que la société ETI ayant disposé d'un temps suffisant pour en discuter, la demande en liquidation de l'astreinte n'est pas justifiée ;

Considérant que l'équité commande de ne pas faire application à l'espèce des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Déclare nul le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 23 septembre 1997,

Déboute la société RONALD PINEAU de ses demandes au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale à l'encontre de la société ETI,

Rejette le surplus des demandes,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Condamne la société RONALD PINEAU aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.