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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 22 mars 2022, n° 20/01156

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Climarem (SARL)

Défendeur :

RFclim (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Jeorger-le Gac, M. Garet

CA Rennes n° 20/01156

22 mars 2022

FAITS ET PROCÉDURE

La société Climarem exerce une activité de génie climatique. Disposant d'un établissement à Saint Nazaire, elle y travaille notamment pour des sous-traitants des Chantiers de l'Atlantique.

A l'époque des faits, elle avait pour salariés, notamment :

- M. Maxime F., engagé en 2012 en qualité de metteur au point en génie climatique.

- M. Stéphane R., engagé en 2016 en qualité de responsable de l'unité de Saint Nazaire.

Par lettre du 2 décembre 2017, M. R. annonçait à son employeur qu'il démissionnait de son emploi et ce, à effet du 9 mars 2017.

Par lettre du 6 janvier 2018, M. F. faisait de même, sa démission devant prendre effet le 6 avril 2018.

Les deux salariés s'engageaient à effectuer leur préavis jusqu'au terme de celui-ci.

Toutefois, dès le 10 janvier 2018, ils procédaient à l'immatriculation d'une entreprise concurrente, en l'occurrence la SARL RFclim qu'ils créaient alors avec un troisième associé et pour laquelle ils étaient tous deux désignés en qualité de cogérants.

Par lettres adressées aux deux salariés le 1er mars 2018, la société Climarem dénonçait leur comportement qu'elle estimait déloyal, et menaçait la société RFclim de poursuites judiciaires pour le cas où celle-ci détournerait ses marchés.

Suivant contrat en date des 8 et 19 mars 2018, la société RFclim se voyait attribuer par la société Aerius un marché de climatisation dans le cadre de la construction à venir d'un nouveau paquebot, le « J 34 ».

La société Climarem faisait alors assigner la société RFclim devant le tribunal de commerce de Saint Nazaire en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de la concurrence déloyale.

Par jugement du 29 janvier 2020, le tribunal :

- Déboutait la société Climarem de toutes ses demandes ;

- La condamnait à payer à la société RFclim une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- La condamnait aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 17 février 2020, la société Climarem interjetait appel de cette décision.

L'appelante notifiait ses dernières conclusions le 27 juillet 2020, l'intimée les siennes le 9 novembre 2020.

La clôture de la mise en état intervenait par ordonnance du 20 janvier 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Climarem demande à la cour :

- D'infirmer en tous points le jugement entrepris ;

- De juger fondées et recevables les demandes formulées par la société Climarem ;

- De juger que la société RFclim s'est rendu coupable d'actes de concurrence déloyale ;

- De la condamner, par conséquent, au paiement des sommes de :

* 68.970 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la société Climarem du fait de la perte de la commande Aerius.

* 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- De condamner la société RFclim aux entiers dépens.

Au contraire, la société RFclim demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1240 et suivants du code civil,

- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Y additant,

- Condamner la société Climarem à payer à la société RFclim une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Climarem aux dépens d'appel.

Il est renvoyé à la lecture du jugement déféré ainsi que des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

C'est sur ce fondement de la responsabilité civile extracontractuelle, et seulement sur ce fondement, que la société Climarem est susceptible d'agir en dommages-intérêts pour concurrence déloyale à l'encontre de la société RFclim, puisqu'il est constant que les deux sociétés n'ont jamais entretenu de relations contractuelles.

Il convient aussi d'observer que les deux ex-salariés de la société Climarem n'ont pas été appelés à la cause et que dès lors, ils ne sauraient répondre devant la présente juridiction d'éventuels comportements déloyaux qui leur seraient reprochés quant à l'exécution de leur contrat de travail.

De même, n'est pas constitutive d'une faute le fait pour des ex-salariés de créer une entreprise concurrente de leur ancien employeur, dès lors seulement qu'ils n'étaient pas soumis à un engagement de non-concurrence à l'expiration de leurs contrats de travail.

Tel était le cas de MM. F. et R. qui, à l'issue de leurs contrats respectifs, étaient libres de travailler pour tel employeur de leur choix, voire de créer eux-mêmes une entreprise concurrente de leur ancien employeur.

Certes, il est constant qu'ils ont immatriculé la société RFclim dès le 10 janvier 2018, soit avant l'expiration de leurs préavis contractuels.

Pour autant, il n'est pas établi que cette société ait effectivement débuté son activité avant la fin des contrats de travail, puisqu'en effet son premier acte consiste en la signature, en date des 8 et 19 mars 2018, d'un marché de travaux portant sur un nouveau paquebot à construire, le « J 34 ».

A cet égard, il convient d'observer qu'il ne s'agit pas du même navire que celui sur lequel les deux salariés travaillaient au moment de la rupture, en l'occurrence le « B 34 ».

Ainsi et dans la mesure où la société RFclim n'a pas été immédiatement en mesure d'exercer une activité concurrente de celle de la société Climarem à l'époque où les deux salariés travaillaient encore pour le compte de cette dernière, le fait qu'elle ait été créée avant l'expiration des deux contrats de travail n'est pas constitutif en soi d'un acte de concurrence déloyale.

Au demeurant, il ne saurait être reproché à MM. R. et F. d'avoir préparé leur reconversion professionnelle pendant l'exécution de leur préavis, étant encore rappelé :

- Qu'ils n'étaient pas soumis à un engagement post-contractuel de non-concurrence ;

- Qu'il leur était loisible, dès lors, de préparer leur activité future et, notamment, de soumissionner à l'appel d'offres que la société Aerius venait d'émettre en vue de l'attribution du marché de climatisation du paquebot « J 34 » et ce, quand bien même la société Climarem était elle aussi intéressée par ce marché.

En effet, la société RFclim n'a commis aucun acte déloyal en participant à cet appel d'offres, puisque ni M. R. ni M. F. n'avaient participé à l'élaboration du devis concurrent de la société Climarem (les pièces n° 18, 21 et 29 produites par l'appelante pour tenter d'en justifier concernant en effet le seul paquebot « B 34 » pour lequel la société RFclim n'a elle-même jamais soumissionné).

Ainsi, la société RFclim n'a bénéficié d'aucune information privilégiée dont M. F. ou M. R. aurait eu connaissance dans le cadre de leurs fonctions salariés au service de la société Climarem et, plus précisément, d'aucune information en rapport avec le devis établi par celle-ci dans la perspective de l'appel d'offres du « J 34 ».

Plus généralement, il ne saurait être reproché à la société RFclim d'avoir démarché la société Aerius, alors en effet que la société Climarem ne disposait d'aucune exclusivité sur ce client, alors par ailleurs que la société RFclim était libre de tirer profit du réseau de connaissances professionnelles que ses fondateurs avaient pu tisser à l'époque où ils travaillaient pour la société Climarem, étant encore rappelé que M. F. ni M. R. n'étaient pas soumis à un engagement post-contractuel de non-concurrence.

En conséquence et en l'absence de tout comportement déloyal imputable à la société RFclim, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Climarem de sa demande indemnitaire.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné la société Climarem au paiement d'une somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles exposés par son adversaire en première instance.

Y ajoutant, la cour condamnera la société Climarem au paiement d'une somme supplémentaire de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Enfin, partie perdante, la société Climarem supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

- Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

- Y ajoutant :

* Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

* Condamne la société Climarem à payer à la société RFclim une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

* Condamne la société Climarem aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Le président