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Décisions

CA Bastia, 1re ch. civ., 7 mai 2008, n°  05/250

BASTIA

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

SCI DE PURETTE

Défendeur :

MUTUELLES DU MANS ASSURANCES (SA), SERVICE DES DOMAINES (Sté), CAISSE DE GARANTIE DES NOTAIRES (Sté), SOCIETE CORSE DE DISTRIBUTION- SOCORDIS (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. BRUNET

Conseillers :

Mme PIAZZA, Mme DEZANDRE

Avoué :

Me CANARELLI

Avocats :

Me ALESSANDRI, Me FABRE, Me ALBERTINI, Me RETALI

TGI de Bastia, du 11 janv. 2005

11 janvier 2005

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre et par Madame Marie- Lucie MONTECATTINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement rendu le 11 janvier 2005 par le Tribunal de Grande Instance de Bastia, dont le dispositif est le suivant :

"- rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,

- rejette la note en délibéré de Maître DE X... Y...,

- constate l'expulsion définitive de la SA SOCORDIS à la date du 13 juin 2001, en conséquence de l'expiration du bail,

- condamne la SA SOCORDIS à payer à la SCI DE PURETTE :

. la somme de 1 092, 61 euros au titre de l'arriéré de loyers, avec intérêts de retard au taux légal à compter du 25 août 1997,

. la somme de 358 930 euros au titre de la remise en état des lieux, avec intérêts de retard au taux légal à compter du 13 juin 2001,

. la somme de 68 818, 02 euros au titre du préjudice d'immobilisation, avec intérêts de retard au taux légal à compter du 13 juin 2001,

- déboute la SCI DE PURETTE du surplus de ses demandes,

- déboute la SA SOCORDIS de ses demandes reconventionnelles,

- dit sans objet l'action en garantie contre Maître DE X... Y...,

- ordonne l'exécution provisoire,

- condamne la SA SOCORDIS à verser à la SCI DE PURETTE la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la SA SOCORDIS aux entiers dépens comprenant le coût de l'expertise judiciaire de Monsieur F.... "

Vu la déclaration d'appel de la S. C. I DE PURETTE déposée au greffe le 8 mars 2005.

Vu les dernières conclusions déposées le 14 janvier 2008 par la S. C. I DE PURETTE, qui demande :

- au principal la condamnation de la S. A SOCORDIS à lui payer :

. 8 269, 97 euros HT, soit 9. 890, 88 euros TTC à titre de rappel de loyers impayés majorés des intérêts au taux légal à compter depuis la date d'exigibilité avec anatocisme,

. 358 930 euros TTC au titre de la remise en état des lieux avec intérêt au taux légal à compter du 13 juin 2001,

. 165 000 euros en réparation du préjudice subi pour violation de l'obligation de délivrance et au titre de la remise aux normes de l'auvent et de la perte de la cuve à essence avec intérêt au taux légal depuis l'expulsion de la S. A avec anatocisme,

. 5 964 849 euros au titre du préjudice patrimonial et financier né de la perte de la CDEC avec intérêt au taux légal depuis l'expulsion de la S. A avec anatocisme,

. 221 569 euros au titre de l'indemnité d'occupation des parcelles à usage de parking majorés de l'intérêt au taux légal avec anatocisme ayant couru depuis la date d'exigibilité, soit 331. 055 euros,

. 218 780 euros TTC en réparation du préjudice locatif,

. 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, elle demande à être déclarée recevable et bien fondée en sa demande d'intervention forcée de la succession de Maître Z... DE C... représenté par son administrateur provisoire, de la Caisse de garantie des notaires et de la compagnie des Mutuelles du Mans, et à voir condamner in solidum la succession de Maître Z... DE C... et la compagnie des Mutuelles du Mans à la relever et garantir de toute condamnation liées à la nullité de l'acte qui serait prononcée et à lui payer 331 055 euros en réparation du préjudice subi, outre 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sollicite aussi la condamnation de Maître DE X... Y... à la relever et garantir de toute condamnation prononcée au profit de la Caisse de garantie des notaires et des Mutuelles du Mans, et à lui payer 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que celle de la Caisse de garantie des notaires à lui verser au même titre 1 500 euros.

Vu les dernières conclusions déposées le 13 novembre 2007 par la S. A SOCORDIS demandant au principal de confirmer le jugement entrepris, sauf sur les condamnations au titre d'une part, de la remise en état des lieux, qu'il convient d'infirmer en constatant qu'en rejetant l'offre d'exécution en nature, la S. C. I DE PURETTE a perdu tout droit à indemnisation, ou à tout le moins ramener à la somme de 5 627, 50 euros TTC, et d'autre part, du préjudice d'immobilisation qu'il convient d'infirmer.

Pour le cas où elle serait condamnée au titre de l'occupation des parcelles à usage de parking, elle demande de condamner Maître DE X... Y... pris personnellement à la garantir de toute condamnation de ce chef.

Elle sollicite aussi le rejet de la demande de Maître DE X... Y... es qualités de liquidateur de la S. A. R. L CORTDIAL tendant à sa condamnation au paiement de 90. 000 euros à titre d'indemnité d'occupation des parkings, au motif qu'elle est irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile.

Sur les dépens et l'article 700, elle demande la condamnation de la S. C. I DE PURETTE à lui payer 15 000 euros HT et à supporter les dépens, y compris les frais d'expertise, celle de Maître DE X... Y... en son nom personnel à lui payer 1

000 euros au titre des frais irrépétibles et celle de la S. A. R. L CORTDIAL en la personne de son liuqidateur judiciaire, Maître DE X... Y..., à lui payer 1 000 euros au même titre.

Vu les dernières conclusions déposées le 24 octobre 2007 par Maître DE X... Y... en sa qualité de liquidateur judiciaire de la S. A. R. L CORTDIAL tendant à voir confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, dire que la S. A. R. L CORTDIAL n'est redevable d'aucun loyer envers la S. C. I DE PURETTE au titre des parcelles de parkings AP202, AP204 et AR83, et formant appel incident aux fins de constater la nullité de l'acte rectificatif dressé par Maître G... le 17 décembre 1985, de dire que lesdites parcelles sont la propriété de la S. A. R. L CORTDIAL, et condamner reconventionnellement la S. A SOCORDIS à lui verser 90. 000 euros au titre de l'occupation de ces parcelles, outre 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Vu les dernières conclusions déposées le 25 octobre 2007 par Maître DE X... Y... en son nom personnel, demandant de rejeter l'appel en garantie formé à son encontre par la S. A SOCORDIS relativement au paiement d'une indemnité d'occupation des parcelles à usage de parking, ou, subsidiairement, de faire application de la prescription quinquennale de l'article 2277 du Code civil à compter de l'assignation du 30 janvier 2003, et, en tout état de cause, condamner cette société à lui verser 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Vu les dernières conclusions déposées le 31 janvier 2008 par la Caisse régionale de Garantie des Notaires (C. R. G. N) tendant à déclarer irrecevable la demande en nullité de l'acte du 17 décembre 1985 présentée par Maître DE X... Y... pour la première fois en cause d'appel,

subsidiairement la rejeter, débouter en conséquence la S. C. I DE PURETTE de sa demande en garantie, dans tous les cas, déclarer l'action contre le notaire prescrite par application de l'article 2270-1 du Code civil, rendant sans objet la mise en jeu de la garantie collective, enfin condamner la S. C. I DE PURETTE à lui payer 10. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions déposées le 31 janvier 2008 par les Mutuelles du Mans Assurances (M. M. A), tendant à déclarer irrecevable la demande en nullité de l'acte du 17 décembre 1985 présentée par Maître DE X... Y... pour la première fois en cause d'appel, subsidiairement la rejeter, débouter en conséquence la S. C. I DE PURETTE de sa demande d'intervention à son encontre, dans tous les cas, déclarer l'action contre le notaire prescrite par application de l'article 2270-1 du Code civil, rendant sans objet la mise en jeu de sa garantie, enfin condamner la S. C. I DE PURETTE à lui payer 10. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu qu'à titre liminaire, il convient de dire parfait le désistement accepté de la S. C. I DE PURETTE quant à l'instance introduite par assignation du 20 mai 1992 et tendant à l'expulsion de la S. A SOCORDIS, occupante sans droit ni titre ;

Que la disposition du jugement ayant rejeté les demandes de ce chef sortira donc son plein effet ;

Sur la somme restant due par la S. A SOCORDIS au titre des loyers :

Attendu que la S. A SOCORDIS a été condamnée à verser à la S. C. I DE PURETTE la somme de 1. 092, 61 euros au titre de l'arriéré de loyers, avec intérêts au taux légal à compter du 25 août 1997 ;

Que la S. A SOCORDIS ne conteste pas la décision de ce chef et fait valoir qu'elle l'a exécutée ;

Que la S. C. I DE PURETTE lui réclame cependant une somme de 8. 269, 97 euros HT au titre des loyers échus du 1er mars 1991 au 25 août 1997, calculée sur la base du loyer contractuel révisé par période triennale avec application de l'indice du coût de la construction ;

Attendu qu'au 1er mars 1991, date d'entrée dans les lieux de la S. A SOCORDIS, cessionnaire du bail à construction entre la S. C. I DE PURETTE et la S. A. R. L CORTDIAL, le loyer annuel s'élevait à 6 000 francs (915 euros), ainsi que rappelé dans l'acte de cession du 31 octobre 1991 ;

Qu'ainsi, le loyer n'avait fait l'objet d'aucune demande de révision de la part du bailleur depuis la conclusion du bail le 27 août 1977, en dépit de la clause stipulant que " ce loyer de base sera révisé triennalement dans les conditions prévues par l'article 5 de la loi 64-1247 du 16 décembre 1964 et l'article premier du décret 64-1323 du 24 décembre 1964. Le point de départ des périodes triennales sera constitué par la date d'achèvement des travaux de construction prévus " ;

Que l'acte de cession du 31 octobre 1991 prévoit quant à lui que " le bail a été consenti pour un loyer initialement fixé à 6 000 francs l'an payable par semestre échu révisable conformément aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 ", mais qu'il ne peut pas s'en déduire que les parties ont alors entendu appliquer une révision triennale sur la seule base de l'évolution de l'indice du coût de la construction alors que, d'abord, la référence au décret de 1953 est en elle- même inexactes agissant d'un bail à construction et que, ensuite, l'acte se borne à faire état d'une possibilité de révision, sans obligation ni automaticité ;

Attendu qu'il sera enfin et surabondamment observé que dans son calcul d'évolution du loyer versé aux débats, la S. C. I DE PURETTE se base sur un loyer annuel fixé à 1 702 euros HT à compter de mars 1991 de façon arbitraire, invérifiable et en contradiction avec les termes du contrat de cession du 31 octobre 1991 ;

Attendu en conséquence que la demande de la S. C. I DE PURETTE du chef de l'arriéré de loyers sera rejetée et que la disposition du jugement condamnant la S. A SOCORDIS à payer la somme en principal de 1 092, 61 euros au titre de l'arriéré de loyers sera confirmée ;

Sur la demande au titre de la remise en état des lieux :

Attendu que la S. A SOCORDIS a été condamnée à payer à la S. C. I DE PURETTE la somme de 358 930 euros TTC au titre de la remise en état des lieux ;

Attendu que la S. C. I DE PURETTE réclame d'abord une somme supplémentaire de 165. 000 euros pour la remise en état de la station- service, demande écartée par le premier juge ayant constaté que l'expert judiciaire, qui avait pour mission de déterminer tous les préjudices existants, n'avait émis aucune réserve sur l'état de la station- service et que la S. C. I ne produisait aucune pièce à l'appui de sa demande ;

Attendu qu'en cause d'appel, il est versé aux débats un devis d'une S. A. S TOKHEIM SERVICES FRANCE en date du 29 novembre 2005 proposant une réfection complète de la station- service pour un montant total de 243 870, 41 euros HT ;

Que dans ce devis, l'auvent existant est conservé et repris en habillage et peinture pour un montant total H. T de 8 879 euros (habillage) + 237, 50 euros (peinture) ;

Que, toutefois, s'agissant de l'état de l'auvent à la sortie des lieux du preneur en juin 2001, la S. C. I DE PURETTE ne conteste pas sérieusement l'avis de l'expert ayant noté, en page 15 de son rapport déposé le 6 novembre 2002, que les locaux de la station- service sont " extérieurement en bon état ", que la nécessité d'une reprise de l'habillage et / ou la peinture de l'auvent ne ressort d'aucun autre élément du dossier, et que de surcroît, la S. C. I ne formule pas de demande chiffrée distincte au titre de la remise en état de l'auvent, concentrant ses explications sur la remise en état des cuves ;

Qu'il n'est donc pas établi que l'état de l'auvent de la station service justifiait une remise en état par le preneur lors de la restitution des locaux et qu'en conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la S. C. I DE PURETTE de ce chef de demande ;

Attendu, s'agissant de la demande relative aux cuves, que la S. C. I DE PURETTE ne justifie par aucun élément ni aucune pièce l'affirmation selon laquelle ces cuves n'étaient plus aux normes à la date de sortie des lieux du preneur, de sorte que le coût de leur remplacement serait imputable à celui- ci, alors que d'une part, cela ne découle pas de leur nécessaire mais provisoire neutralisation par le fournisseur de carburant, et que d'autre part, la S. C. I n'a fait aucune remarque en ce sens lors de l'expertise judiciaire ;

Attendu que l'obligation du preneur du bail de restituer les constructions édifiées et les aménagements apportés en bon état d'entretien s'apprécie à la date de sortie des lieux, et que la neutralisation provisoire des cuves non utilisées après le départ de la S. A SOCORDIS n'emportait pas alors nécessité de remplacement, celle- ci n'étant advenue qu'après deux années complètes d'inexploitation imposant une neutralisation définitive ;

Qu'au surplus, la S. C. I demande une indemnité de 165 000 euros représentant selon elle le coût de remplacement des cuves, mais qu'elle ne produit aucun document susceptible d'en justifier, étant relevé qu'il est impossible de déduire du devis présenté, même après une lecture très attentive, le coût de remplacement des cuves ;

Attendu enfin qu'il ressort des explications de la S. C. I, ainsi que l'avaient déjà remarqué à juste titre les premiers juges, que sa prétention à obtenir réparation du chef du coût de remplacement des cuves à intervenir lors d'une future et éventuelle remise en service, ne se rattache pas à l'inexécution de l'obligation de restitution par la S. A. R. L SOCORDIS, mais au préjudice résultant de l'interruption d'exploitation pendant plus de deux ans analysé plus loin ;

Attendu en conséquence que, par confirmation du jugement déféré, la S. C. I DE PURETTE sera déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité au titre de la remise en état des cuves ;

Attendu ensuite que la S. A SOCORDIS, formant appel incident sur la condamnation prononcée à son encontre par le tribunal au titre de la remise en état des locaux, demande restitution de la somme de 358 930 euros versée en exécution provisoire du jugement attaqué ;

Qu'elle soutient à cet égard que son obligation contractuelle s'analyse en une obligation de faire, exécutable en nature, qu'elle a à plusieurs reprises exprimé sa volonté de faire procéder par ses propres prestataires aux travaux de remise en état, et que la S. C. I DE PURETTE, qui a constamment refusé cette proposition, ne peut donc plus prétendre à des dommages et intérêts pour inexécution, en application des dispositions de l'article 1147 du Code civil ;

Que la S. C. I DE PURETTE s'oppose à cette prétention en faisant valoir que l'offre était équivoque ;

Qu'elle ne peut toutefois pas le déduire de l'inexécution alléguée du dispositif de l'ordonnance du 8 octobre 1997, dont son dirigeant a obtenu l'annulation par un arrêt de la Cour de céans rendu le 9 août 2000, ni de la lettre de Maître H... en date du 21 mars 2001 s'y référant pour demander l'exécution de travaux de " mise en conformité ", sans autre précision, dans la mesure où l'obligation de faire ici en cause se rapporte à la restitution des lieux en bon état d'entretien et trouve son origine dans l'arrivée à échéance du bail à construction et l'expulsion de la S. A SOCORDIS qui s'en est suivie au mois de juin 2001 ;

Qu'il ressort du dossier que la S. A SOCORDIS a formalisé son offre d'exécution des travaux par sommation interpellative du 11 mars 2003, précisant " que les travaux seront entièrement réalisés et préfinancés par elle sur la totalité des postes qui ont été arrêtés par l'expert ", et que la S. C. I DE PURETTE n'y a pas répondu ;

Que si rien ne permet d'affirmer que cette offre n'était pas sérieuse, la S. A SOCORDIS s'engageant en des termes précis et complets et les réserves émises ne portant pas sur l'exécution des travaux préconisés par l'expert, il n'en reste pas moins :

- qu'au mois de juin 2001, l'état des locaux restitués ne permettait pas la remise en exploitation immédiate, en raison de quelques défauts d'aspect et surtout d'une nécessaire mise aux normes de sécurité,

- que devenue occupante sans droit ni titre depuis l'arrêt de la Cour d'appel du 9 août 2000, la S. A SOCORDIS n'a restitué les locaux qu'à l'issue d'une procédure d'expulsion judiciaire, sans avoir procédé préalablement à la remise en état qui s'imposait, et qu'elle ne peut donc pas utilement arguer d'avoir été empêchée de faire les travaux après sa sortie des lieux,

- que le contexte très litigieux et de méfiance réciproque entre les parties suffit à rendre compte du refus de la S. C. I DE PURETTE d'accepter l'exécution en nature par la S. A SOCORDIS,

- qu'enfin, celle- ci a tardé, sans véritable motif, à formaliser son offre d'exécution, neuf mois après le chiffrage des travaux par le sapiteur et près de cinq mois après le dépôt du rapport complet d'expertise judiciaire ;

Et attendu que toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d'inexécution par le débiteur, peu important qu'elle n'ait pas été fautive ;

Attendu que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit la S. C. I DE PURETTE fondée à être indemnisée pécuniairement du coût de remise en état des lieux ;

Attendu qu'à titre subsidiaire, la S. A SOCORDIS considère que le montant des travaux de remise en état mis à sa charge doit être revu, alors que d'une part, le périmètre de son obligation est limité par le bail à construction d'origine, et que d'autre part, l'obligation porte sur la restitution de locaux en bon état d'entretien et non à l'état neuf, autorisant l'application d'un coefficient de vétusté ;

Attendu, sur le premier point, que l'expert, et avec lui le tribunal, ont partiellement pris en compte l'argumentation du preneur, mais que la S. A SOCORDIS conteste encore devoir indemnité au titre du coût de remplacement complet des installations " froid " (chambres froides, laboratoire, climatisation) retenu dans le calcul de l'indemnité due ;

Qu'en effet, elle établit à son dossier, notamment en produisant les contrats de crédit- bail mobilier ayant permis leur acquisition, que ces installations ne sont pas des aménagements indissociables de l'ensemble immobilier dont la propriété revient au bailleur à l'expiration du bail à construction, mais des éléments d'équipement mobilier lui appartenant et n'entrant pas dans la construction et son aménagement tels que prévus bail, au même titre notamment que les faux- plafonds exactement exclus du calcul de l'indemnité par l'expert, de sorte qu'il n'y a pas lieu de condamner la S. A SOCORDIS à réparation sur ce point ;

Qu'il convient donc de faire droit à la demande de déduction présentée pour le montant 80. 500 euros HT, hors pourcentage de maîtrise d'oeuvre ;

Que par ailleurs, la remise en peinture de l'ensemble pour un montant de 16 000 euros HT sera exclue, dans la mesure où la description des lieux par l'expert à l'issue de ses accedits des 29 octobre 2001 et 1er mars 2002 montre un bon état d'entretien pour ce qui concerne la peinture, étant seulement notés " quelques problèmes de peinture et de menuiseries " dans les bureaux, dont la réfection est prise en compte par ailleurs, et qu'il ne se déduit donc ni de ces constatations ni d'aucun autre élément, que les locaux nécessiteraient une remise complète en peinture ;

Qu'en revanche, les travaux d'électricité qui portent essentiellement sur une remise aux normes de sécurité s'imposent ;

Attendu, sur le second point, que s'agissant d'une condamnation à réparation du preneur pour inexécution de l'obligation de restitution en bon état, il n'y a pas lieu d'appliquer un coefficient de vétusté ;

Attendu qu'il résulte de ces constatations que, par réformation au quantum du jugement déféré, la S. A SOCORDIS sera condamnée à indemniser la S. C. I DE PURETTE pour la remise en état des lieux à hauteur de 231 616 euros TTC ;

Sur le préjudice résultant de la perte de l'autorisation d'exploiter :

Attendu que la S. C. I DE PURETTE considère que le défaut de restitution des lieux en bon état d'entretien l'a empêchée de louer à un autre exploitant dans les deux années qui ont suivi et qu'après ce délai, l'autorisation d'exploiter un supermarché et la station service attachée était devenue caduque ;

Que dans ces circonstances, elle n'a pu trouver un locataire que dans une activité d'entrepôt, pour un montant de loyer inférieur, ce qui lui a causé un préjudice financier considérable méritant réparation ;

Qu'elle chiffre ce préjudice à la somme de 5. 964. 849 euros, correspondant au montant du loyer estimé dans une activité de grande surface alimentaire assortie d'une station service et sur la durée totale d'un bail commercial de neuf ans, sous déduction des loyers actuellement encaissés ;

Attendu, toutefois, qu'il ressort du dossier :

- que ni à l'expiration du bail à construction, ni par la suite, la S. C. I DE PURETTE n'a proposé à la S. A SOCORDIS la conclusion d'un bail commercial, moyen pourtant le plus évident d'assurer la continuité de l'exploitation et la pérennité des autorisations afférentes,

- qu'au contraire, elle a poursuivi l'expulsion de la S. A SOCORDIS, après avoir obtenu l'annulation de l'ordonnance du juge commissaire ayant autorisé le maintien provisoire dans les lieux, alors qu'elle ne pouvait pas ignorer que la discontinuité d'exploitation emportait un risque certain de ne pas retrouver à brève échéance de preneur pour un bail de grande surface alimentaire, eu égard notamment aux facteurs locaux de commercialité et au contexte de vive concurrence entre les enseignes de la grande distribution, dont elle avait nécessairement connaissance,

- qu'au demeurant, elle ne justifie pas avoir été contrainte de refuser une offre de location en raison de l'état des locaux,

- qu'après le départ de la S. A SOCORDIS, elle ne l'a pas directement mise en demeure de réaliser les travaux de remise en état et qu'elle a ensuite refusé l'offre d'exécution des travaux que celle- ci lui faisait, retardant d'autant une reprise d'exploitation,

Que dans ces circonstances, il n'est pas démontré de faute de la S. A SOCORDIS en relation directe et certaine avec le préjudice invoqué par la S. C. I DE PURETTE, né de l'absence d'exploitation pendant deux années complètes après l'expulsion de son locataire et s'analysant en une perte de chance de relouer à un exploitant de grande surface alimentaire avec station service avant péremption des autorisations administratives afférentes ;

Attendu en conséquence que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la S. C. I DE PURETTE de ce chef de demande ;

Sur l'indemnité d'occupation des parcelles à usage de parking :

Attendu que les premiers juges, par des motifs pertinents et circonstanciés répondant à tous moyens d'appel et que la Cour fait siens, ont rejeté la demande de la S. C. I DE PURETTE en paiement d'une indemnité d'occupation des parcelles à usage de parking ;

Que la décision attaquée sera donc confirmée sur ce point ;

Qu'il suffit de rappeler que la S. A SOCORDIS a été avertie par le liquidateur judiciaire de la S. A. R. L CORTDIAL, après acceptation de son offre de reprise mentionnant notamment la surface de parking et son engagement à la remettre en état, et avant la signature des actes correspondant, qu'une difficulté risquait de surgir sur l'occupation d'une parcelle non comprise dans l'assiette du bail à construction et servant de parking à la clientèle du supermarché, et qu'elle lui a répondu par lettre du 13 août 1991, que " cette parcelle est déterminante pour l'unité de production et il n'est pas pensable qu'elle ait été omise ", ajoutant que la signature de l'acte restait pour elle soumise à la certitude de l'inclusion de la parcelle prétendument omise ;

Qu'ensuite, il a été stipulé dans l'acte d'achat du fonds de commerce conclu le 31 octobre 1991 que celui- ci comprend notamment, au titre des éléments incorporels, " le droit au bail des locaux dans lesquels le fonds est exploité, ainsi que tous droits accessoires permettant l'exploitation de l'unité de production ", sans aucune contestation ni réserve de la part du représentant de la S. A. R. L CORTDIAL partie à l'acte en la personne de son liquidateur judiciaire ;

Attendu qu'il ressort du dossier que, depuis leur acquisition en 1984 auprès de la mairie de Corte, les parcelles litigieuses ont été mises gracieusement à disposition de la S. A. R. L CORTDIAL par la S. C. I DE PURETTE, aux fins de servir de parking à la clientèle du supermarché ;

Qu'en particulier, la S. C. I DE PURETTE, tout en alléguant en cours de procédure que ces parcelles auraient fait l'objet d'un bail verbal assorti d'un loyer annuel de 120. 000 francs, n'en rapporte pas la preuve, en se bornant à faire état de la mention comptable dans les livres de CORTDIAL d'un débit de 120 000 francs en 1988 et 1989 concernant un " loyer SCI ", sans autre précision, ce qui ne saurait suffire à établir, en

l'absence de tout autre élément, ne seraient- ce que les écritures correspondantes au crédit du compte de la S. C. I DE PURETTE, que ces deux versements ponctuels se rapportaient au paiement du loyer annuel 1988 et 1989 des parcelles à usage de parking occupées par la S. A. R. L CORTDIAL depuis 1984 et jusqu'en 1991 ;

Que, non sans relever que le montant indiqué excède manifestement et de beaucoup la valeur locative des parcelles concernées aux dates indiquées, il convient de souligner que la S. A. R. L CORTDIAL affirme elle- même dans les conclusions prises es qualités par son mandataire liquidateur n'être redevable d'aucun loyer au titre des parcelles à usage de parking ;

Qu'il n'est pas contestable que la disposition d'une superficie suffisante pour le stationnement de la clientèle du supermarché est nécessaire à une exploitation normale de l'unité de production reprise en l'espèce par SOCORDIS au mois d'octobre 1991, qu'ainsi la faculté d'user à titre gratuit des parcelles concernées acquis par la S. A. R. L CORTDIAL auprès de la S. C. I DE PURETTE constitue un élément incorporel du fonds cédé à la S. A SOCORDIS, le prix payé par celle- ci pour l'unité de production prenant en compte tous les éléments d'exploitation en place ;

Attendu que la S. A SOCORDIS n'étant pas condamnée à indemnisation au titre de l'occupation des parcelles à usage de parking, l'appel en garantie formé à l'encontre de Monsieur DE X... Y... à titre personnel est dépourvu d'objet ;

Attendu qu'en sa qualité de liquidateur judiciaire de la S. A. R. L CORTDIAL, M. DE X... Y... forme une demande incidente en nullité de l'acte rectificatif dressé par Me G... le 17 décembre 1985, avec toutes conséquences sur le droit de propriété de la S. A. R. L CORTDIAL sur les parcelles à usage de parking en vertu de l'acte authentique du 1er octobre 1984, et sollicite en conséquence la condamnation de la S. A SOCORDIS à lui payer 90 000 euros à titre d'indemnité d'occupation desdites parcelles ;

Attendu que les parties adverses font valoir à juste titre qu'en application de l'article 564 du code de procédure civile, cette demande nouvelle présentée pour la première fois en cause d'appel n'est pas recevable ;

Attendu en effet que le liquidateur de la S. A. R. L CORTDIAL n'avait pas conclu en temps utile devant le tribunal, ainsi qu'il est rappelé dans la décision attaquée ;

Que sa demande en nullité de l'acte rectificatif se rapportant à la vente par la mairie de Corte à la S. C. I DE PURETTE des parcelles utilisées comme parking du supermarché, ne résulte pas de l'évolution du litige ni de la révélation d'un fait postérieure au jugement dont appel, qu'elle ne constitue pas non plus un moyen de défense à la prétention adverse, alors qu'aucune demande n'est formée à titre principal par quiconque à l'encontre de la S. A. R. L CORTDIAL ;

Attendu qu'en conséquence, il convient de déclarer la demande irrecevable ;

Que par suite, les appels en garantie de la C. R. G. N et des M. M. A sont sans objet ;

Sur le préjudice d'immobilisation :

Attendu que la S. A SOCORDIS a été condamnée à verser à la S. C. I DE PURETTE la somme de 68 818, 02 euros au titre du préjudice d'immobilisation ;

Attendu que devant la Cour, la S. C. I DE PURETTE demande que cette somme soit portée à 218. 780 euros pour une période allant du 30 juin 2001 au 31 décembre 2003 et avec intégration d'une indemnité d'occupation des parkings ;

Que, toutefois, le tribunal, faisant siennes les conclusions de l'expert, a exactement apprécié le préjudice d'immobilisation de la S. C. I DE PURETTE, au regard de l'indemnité globale d'occupation mensuelle de 30 000 francs, au demeurant non contestée dans son montant, et du temps d'immobilisation comprenant les opérations d'expertise et la durée estimée des travaux de remise en état, l'appelante ne justifiant pas d'une immobilisation plus longue imputable à la S. A SOCORDIS ;

Que de plus, il résulte de ce qui précède que les parkings ne faisaient pas l'objet d'une occupation à titre onéreux, de sorte que la S. C. I DE PURETTE, qui n'établit pas subir un préjudice spécifique imputable au preneur du fait de l'immobilisation, n'est pas fondée à obtenir un supplément d'indemnité ;

Attendu que pour sa part, la S. A SOCORDIS considère à titre principal que la S. C. I DE PURETTE ne subit pas de préjudice d'immobilisation dans la mesure où elle a refusé l'offre d'exécution de travaux présentée ;

Mais attendu que cette offre n'a été formalisée qu'au mois de mars 2003, de sorte qu'il n'y a pas lieu de revenir sur l'estimation de la durée d'immobilisation de quinze mois et dix- sept- jours retenue par l'expert ;

Attendu en conséquence que le jugement sera confirmé sur le principe et le montant de l'indemnité d'immobilisation due par la S. A SOCORDIS.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Constate le désistement de la S. C. I DE PURETTE relativement à l'instance introduite par assignation du 20 mai 1992,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à l'exception de celle relative au montant de l'indemnité de remise en état des lieux,

Le réformant au quantum et statuant à nouveau de ce seul chef,

Condamne la S. A SOCORDIS à payer à la S. C. I DE PURETTE la somme de DEUX CENT TRENTE ET UN MILLE SIX CENT SEIZE EUROS (231 616 euros) TTC au titre de la remise en état des lieux,

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande en nullité de l'acte du 17 décembre 1985 formée par Maître DE X... Y... es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S. A. R. L CORTDIAL,

En conséquence, met hors de cause la C. R. G. N et les M. M. A,

Déboute les parties de toute autre demande,

Condamne la S. C. I DE PURETTE sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à payer à la S. A SOCORDIS la somme de DIX MILLE EUROS (10 000 euros), à la C. R. G. N et aux M. M. A à chacune la somme de MILLE EUROS (1 000 euros),

Condamne la S. A. R. L CORTDIAL prise en la personne de son liquidateur judiciaire, Maître DE X... Y..., à payer à la S. A. SOCORDIS la somme de MILLE EUROS (1. 000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande sur ce fondement,

Condamne la S. C. I DE PURETTE aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.