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Décisions

Cass. com., 4 octobre 1994, n° 92-17.380

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Gomez

Avocat général :

M. Curti

Avocats :

Me Blondel, Me Thomas-Raquin

Paris, du 30 janv. 1992

30 janvier 1992

Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :

Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 30 janvier 1992), que la société Martin, titulaire de la demande de brevet déposée le 31 mai 1968, enregistrée sous le numéro 1.567.605, ayant pour objet une grille pour chauffage intense à barreaux refroidis par passage d'air, a assigné pour contrefaçon la société Traitement industriel des résidus urbains (société TIRU) ;

Attendu que la société Martin fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que le brevet litigieux était dépourvu de nouveauté alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel, après avoir rappelé que l'objet de l'invention " est d'éviter par l'effet de l'élévation de température résultant de la combustion des matières auxquelles s'ajoutent les effets mécaniques élevés liés au broyage de ces matières combustibles aboutisse à une détérioration rapide des barreaux composant la grille du four au niveau des saillies de ces barreaux ", ce qui en soi caractérisait un résultat industriel au sens de l'article 2 de la loi du 5 juillet 1844 applicable à la cause, se devait pour conférer à son arrêt une base légale suffisante qu'il n'a manifestement pas, de vérifier, s'agissant de la nouveauté, si par delà les effets premiers des moyens pris isolément n'existait pas un effet de nature industrielle susceptible de caractériser l'application nouvelle brevetable, à savoir assurer une parfaite résistance des barreaux et donc leur garantie de longévité, spécialement au niveau des saillies, nonobstant une élévation de température résultant de la combustion des matières à laquelle s'ajoutaient les effets mécaniques élevés liés au broyage desdites matières ; alors, d'autre part, que, et en toute hypothèse la cour d'appel, qui statue de façon lapidaire à partir de motifs inopérants se devait, ainsi qu'elle y était invitée par les écritures de la société intimée, de rechercher si le brevet ne couvrait pas une combinaison nouvelle de moyens connus, à savoir la combinaison de saillies dans la zone frontale des barreaux avec des cavités pratiquées dans ces saillies en communication avec les canaux de refroidissement des barreaux, combinaison de moyens coopérant en vue d'un résultat industriel commun : une meilleure résistance à l'usure et aux fissurations des barreaux ; qu'ainsi la cour d'appel muette sur ce résultat singulier prive son arrêt de base légale au regard de l'article 2 de la loi précitée ; alors, qu'en outre la cour d'appel, en l'état de ces constatations, se devait d'examiner de manière claire si les résultats obtenus par le moyen décrit dans le brevet Skelly, à savoir le refroidissement d'un barreau dont on sait qu'il n'avait aucune fonction de broyage la cour d'appel le constate n'étaient pas fondamentalement différents au regard de la notion de résultat industriel de celui obtenu par le moyen décrit par le brevet n° 1.567.605, à savoir le refroidissement de la partie en saillie d'un barreau ayant une action propre de broyage génératrice de fortes contraintes s'agissant des échauffements, ce qui était en soi de nature à caractériser l'application nouvelle d'un moyen connu ; qu'en ne procédant pas à un tel examen qui s'imposait, la cour d'appel ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 2 de la loi du 5 juillet 1844 ; alors, au surplus, que la cour d'appel statue à partir de motifs insuffisants en affirmant que le brevet se serait " borné à réunir " deux moyens connus pour leur faire produire simultanément " les effets premiers qui étaient les leurs " sans se prononcer sur le point central de savoir s'il s'agissait d'une simple juxtaposition de moyens connus ou d'une combinaison de moyens coopérant en vue d'un résultat industriel commun et spécifique et sans pousser plus avant ses investigations au regard des effets, croyant pouvoir s'arrêter aux effets premiers, cependant qu'au regard du résultat industriel, il importait de se prononcer par rapport à la fonction des moyens permettant d'assurer tout à la fois le broyage de la matière en ignition et le refroidissement de la partie en saillie du barreau assurant ledit broyage, tout en évitant l'usure prématurée des barreaux et leur fissuration, effet spécifique et de nature industrielle qui n'était obtenu dans aucun des brevets opposés au titre des antériorités, ainsi que cela résulte d'ailleurs de l'arrêt ; que ce faisant, celui-ci n'est pas légalement justifié au regard de l'article 2 de la loi du 5 juillet 1844 telle qu'interprétée ; alors, enfin, qu'en s'arrêtant artificiellement aux effets premiers des moyens, sans s'interroger sur leur résultat qui était d'éviter une usure prématurée des barreaux et leur fissuration, résultat industriel singulier caractérisant à lui seul l'application nouvelle, la cour d'appel ne justifie pas légalement sa décision en ne permettant pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle au regard du texte cité au précédent élément de moyen ;

Mais attendu que l'arrêt, qui a rappelé que l'objet de l'invention revendiquée est d'éviter que l'effet de l'élévation de température résultant de la combustion de matières auquel s'ajoutent les efforts mécaniques élevés liés au broyage de ces matières combustibles aboutisse à une détérioration rapide des barreaux composant la grille du four au niveau des saillies de ces barreaux et que, sous l'empire de la loi du 5 juillet 1844, applicable au brevet litigieux, la condition de nouveauté n'est pas remplie si l'application de façon nouvelle de moyens connus procure un même résultat que dans ses applications antérieures, relève, d'un côté, que le brevet Martin numéro 996.614 propose d'obtenir le broyage par des talons de compression des barreaux coopérant avec les faces frontales spécialement conformées des autres barreaux, et, d'un autre côté, que le brevet Skelly décrit un barreau creux ayant une entrée d'air à la face inférieure avant et une sortie d'air à la face intérieure arrière, la circulation d'air refroidissant le barreau qui n'a aucune fonction de broyage ; qu'à partir de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a déduit que l'effet de broyage était connu par le brevet Martin et l'effet de refroidissement du barreau par le brevet Skelly et que le brevet litigieux se contentait de réunir les deux moyens pour leur faire produire simultanément les effets qui étaient les leurs sans obtenir un résultat différent et nouveau ; qu'ainsi la cour d'appel, qui a apprécié la portée du brevet litigieux, a procédé aux recherches prétendument omises et, en décidant que ces moyens continuaient dans le brevet litigieux à jouer le rôle propre et distinct qui était le leur dans les antériorités invoquées sans obtenir un résultat différent de celui qu'ils y avaient, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.