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Décisions

Cass. 3e civ., 5 décembre 2007, n° 06-19.728

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Weber

Rapporteur :

Mme Lardet

Avocat général :

M. Guérin

Avocats :

Me Odent, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Pau, du 6 juin 2006

6 juin 2006

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 251-8 du code de la construction et de l'habitation ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que sont seules d'ordre public les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 251-3 ainsi que celles de l'avant dernier alinéa de l'article L. 251-5 relatifs au bail à construction, énonçant que le preneur peut céder tout ou partie de ses droits ou les apporter en société et consentir les servitudes passives indispensables à la réalisation des constructions prévues au bail et que les contestations relatives à la révision du loyer périodique payable en espèces sont portées devant le président du tribunal de grande instance ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 6 juin 2006), que, par acte notarié du 22 janvier 1985, Mme X... a donné à bail à construction à la société Coopérative d'équipement (SCE) un terrain pour une durée de trente deux ans à compter du 20 octobre 1983, moyennant un loyer annuel de 200 000 francs ; que la SCE s'obligeait à édifier sur ce terrain, conformément au permis de construire et aux plans joints, un immeuble à usage de supermarché avec ses dépendances composé d'un magasin de vente de 996 m², d'une réserve de 199 m² et de locaux à usage de bureaux de 595 m² ; que la SCE a consenti à la société Coopérative Pyrénées Acquitaine, aux droits de laquelle vient la société Altis, un contrat de crédit-bail immobilier d'une durée de vingt ans à compter du 1er avril 1984 portant sur l'immeuble objet du bail à construction ; qu'en 1995, la société Altis, désirant augmenter sa surface de vente, a, par l'intermédiaire du crédit-bailleur et preneur à bail à construction, la société Institut de développement coopératif (IDC), venant aux droits de la SCE, demandé à Mme X... l'autorisation d'agrandir la surface des bâtiments édifiés ; qu'après échec des pourparlers, ayant constaté que les travaux avaient été réalisés, Mme X... a fait délivrer à la société Coopérative de développement commercial SCDC, venant aux droits de l'IDC, un commandement visant la clause résolutoire insérée au bail à construction ; que la SCDC a fait opposition à ce commandement, demandant que soit constatée la liberté d'édification du preneur, et, subsidiairement, l'autorisation donnée par le bailleur pour la construction nouvelle ; que Mme X... a, par voie reconventionnelle, sollicité la résiliation du bail à construction pour inexécution par le preneur de ses obligations, son expulsion, et l'indemnisation du préjudice en résultant ; qu'en cause d'appel, la société Altis, devenue, par cession des droits de la SCDC, preneur à bail à construction et, par expiration du crédit-bail, propriétaire du bâtiment, a été appelée en intervention forcée ;

Attendu que pour débouter Mme X... de ses demandes, l'arrêt retient que la clause du bail obligeant le preneur à se munir de l'autorisation écrite du bailleur pour apporter des modifications aux constructions édifiées sur le terrain loué doit être tenue pour nulle dès lors que l'essence du droit réel immobilier, dont le preneur est titulaire aux termes de l'article L. 251-3 du code de la construction et de l'habitation, est la liberté de son usage, le preneur pouvant en exercer toutes les prérogatives, et notamment celui de construire selon les besoins de son activité, sans que le bail puisse le lui interdire ou soumettre ce droit à restriction ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions des articles L. 251-1 à L. 251-9 du code de la construction et de l'habitation régissant les droits et obligations des parties au bail à construction, opérant une distinction entre les dispositions supplétives de la volonté des parties et celles qui, déclarées d'ordre public, s'imposent à elles nonobstant toutes stipulations contraires, ne prohibent pas l'insertion dans ce bail d'une clause particulière subordonnant à l'autorisation du bailleur l'édification par le preneur de constructions nouvelles en cours de bail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de ses demandes en résiliation du bail à construction, expulsion et indemnisation du préjudice en résultant, l'arrêt rendu le 6 juin 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau, autrement composée ;

Condamne la société SCDC et la société Altis aux dépens.