Cass. 1re civ., 19 novembre 1991, n° 90-15.144
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Massip
Rapporteur :
M. Grégoire
Avocat général :
M. Sadon
Avocat :
SCP Delaporte et Briard
Attendu que Mme de Z..., qui exerce la profession de styliste de mode sous le pseudonyme d'Agnès B, a créé en 1980 et commercialisé par l'intermédiaire de la Société CMC, un modèle de cardigan court à col rond fermé par des boutons pressions ; qu'en 1987, elle-même et la société CMC ont fait saisir chez un fabricant, la société Quennie, et dans le magasin de la société Philippe X..., des exemplaires d'un modèle de cardigan qui constituait, selon elles, une contrefaçon ; que l'arrêt attaqué (Paris, 21 mars 1990) a reconnu le bien fondé de cette prétention, a déclaré en outre les sociétés Quennie et Philippe X... coupables de concurrence déloyale, les a condamnées au paiement de diverses sommes et a ordonné des mesures d'interdiction, de confiscation et de publication ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche et sur le second moyen, réunis :
Attendu que la société Philippe X... soutient que l'arrêt fait application de la loi du 12 mars 1952, réprimant la contrefaçon des créations des industries saisonnières de l'habillement, sans constater la réunion des conditions particulières d'application de ce texte ; Mais attendu que la cour d'appel n'a pas prononcé d'autres condamnations que celles que prévoit la loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique, et que les moyens, qui critiquent uniquement le visa surabondant de la loi du 12 mars 1952, sont inopérants ; Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que, le moyen soutient que la forme du modèle litigieux est inséparable de ses fonctions utilitaires et que la cour d'appel, en se bornant à faire ressortir ce caractère purement fonctionnel, n'a pas relevé en quoi le vêtement dessiné par Mme de Z... constituait une oeuvre de l'esprit protégeable par application de la loi du 11 mars 1957 ;
Mais attendu qu'après avoir donné une description détaillée des divers éléments caractéristiques du cardigan litigieux, dont elle a précisé qu'ils étaient auparavant connus séparément, la cour d'appel a relevé que certains n'avaient jamais été associés, de sorte que leur réunion en un ensemble qui constituait la création personnelle de Mme de Z..., présentait une "originalité marquée", soulignée d'ailleurs par les critiques de mode ; que par ces constatations souveraines la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Philippe X... reproche encore à l'arrêt d'avoir ordonné, outre la confiscation des vêtements contrefaisants, leur destruction en présence d'un huissier, alors que selon les articles 428 et 429 du Code pénal, la confiscation a pour seul objet de réparer le préjudice subi par l'auteur victime de la contrefaçon ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé que la destruction des vêtements remis à Mme de Z... ou à la société CMC, en assurant leur élimination définitive du marché, constituait la réparation la plus adéquate ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que la société Philippe X... soutient enfin que la cour d'appel n'a constaté à sa charge aucun acte de concurrence fautive distinct de la simple similitude existant entre son modèle et celui d'Agnès B, et qu'ainsi elle n'a pas donné de base légale à la condamnation qu'elle a prononcée du chef de concurrence déloyale ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la société Philippe X..., qui a fabriqué dans les mêmes matières des copies quasi - serviles du vêtement créé par Mme de Z..., les a mises en vente, " à des prix très inférieurs, de l'ordre du tiers, de ceux pratiqués par la société CMC " ; qu'ainsi se trouve caractérisée la déloyauté commerciale avec laquelle cette société a tiré parti de la contrefaçon dont elle s'est rendue coupable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.