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Décisions

TUE, 4e ch. élargie, 30 mars 2022, n° T-326/17

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Air Canada

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Kanninen (rapporteur)

Juges :

M. Schwarcz, M. Iliopoulos, M. Spielmann, Mme Reine

Avocats :

Me Soames, Me Prodromou-Stamoudi, M. Joshua

TUE n° T-326/17

29 mars 2022

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

I. Antécédents du litige

1 La requérante, Air Canada, est une compagnie de transport aérien active sur le marché des services de fret aérien (ci-après le « fret »).

2 Dans le secteur du fret, des compagnies aériennes assurent le transport de cargaisons par voie aérienne (ci-après les « transporteurs »). En règle générale, les transporteurs fournissent des services de fret aux transitaires, qui organisent l’acheminement de ces cargaisons au nom des expéditeurs. En contrepartie, ces transitaires s’acquittent auprès des transporteurs d’un prix qui se compose, d’une part, de tarifs calculés au kilogramme et négociés soit pour une période longue (généralement une saison, c’est-à-dire six mois), soit de façon ponctuelle, et, d’autre part, de diverses surtaxes, qui visent à couvrir certains coûts.

3 Quatre types de transporteurs se distinguent : premièrement, ceux qui exploitent exclusivement des avions tout cargo, deuxièmement, ceux qui, sur leurs vols destinés aux passagers, réservent une partie de la soute de l’avion au transport de marchandises, troisièmement, ceux qui disposent à la fois d’avions-cargos et d’un espace réservé pour le fret dans la soute d’avions de transport de passagers (compagnies aériennes mixtes) et, quatrièmement, les intégrateurs, qui disposent d’avions-cargos fournissant à la fois des services de livraison express intégrés et des services de fret généraux.

4 Aucun transporteur n’étant en mesure de desservir, dans le monde, toutes les destinations majeures de fret à des fréquences suffisantes, la conclusion d’accords entre eux pour augmenter leur couverture du réseau ou améliorer leurs horaires s’est développée, y compris dans le cadre d’alliances commerciales plus vastes entre transporteurs. Parmi ces alliances figurait notamment, à l’époque des faits, l’alliance WOW, qui réunissait Deutsche Lufthansa AG (ci-après « Lufthansa »), SAS Cargo Group A/S (ci‑après « SAS Cargo »), Singapore Airlines Cargo Pte Ltd (ci-après « SAC ») et Japan Airlines International Co. Ltd (ci-après « Japan Airlines »).

A. Procédure administrative

5 Le 7 décembre 2005, la Commission des Communautés européennes a reçu, au titre de sa communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la clémence de 2002), une demande d’immunité introduite par Lufthansa et ses filiales, Lufthansa Cargo AG et Swiss International Air Lines AG (ci-après « Swiss »). Selon cette demande, des contacts anticoncurrentiels intensifs existaient entre plusieurs transporteurs portant, notamment, sur :

– la surtaxe carburant (ci-après la « STC »), qui aurait été introduite pour faire face au coût croissant du carburant ;

– la surtaxe sécurité (ci-après la « STS »), qui aurait été introduite pour faire face au coût de certaines mesures de sécurité imposées après les attaques terroristes du 11 septembre 2001.

6 Les 14 et 15 février 2006, la Commission a procédé à des inspections inopinées dans les locaux de plusieurs transporteurs, conformément à l’article 20 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).

7 Après les inspections, plusieurs transporteurs, dont la requérante, ont introduit une demande au titre de la communication sur la clémence de 2002.

8 Le 19 décembre 2007, après avoir envoyé plusieurs demandes de renseignements, la Commission a adressé une communication des griefs à 27 transporteurs, dont la requérante (ci-après la « communication des griefs »). Elle a indiqué que ces transporteurs avaient enfreint l’article 101 TFUE, l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) et l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (ci-après l’« accord CE-Suisse sur le transport aérien »), en participant à une entente portant, notamment, sur la STC, la STS et un refus de paiement de commissions sur les surtaxes (ci-après le « refus de paiement de commissions »).

9 En réponse à la communication des griefs, ses destinataires ont soumis des observations écrites.

10 Une audition s’est tenue du 30 juin au 4 juillet 2008.

B. Décision du 9 novembre 2010

11 Le 9 novembre 2010, la Commission a adopté la décision C(2010) 7694 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] (affaire COMP/39258 – Fret aérien) (ci-après la « décision du 9 novembre 2010 »). Cette décision a pour destinataires 21 transporteurs (ci‑après les « transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 »), à savoir :

– la requérante ;

– Air France-KLM (ci-après « AF-KLM ») ;

– Société Air France (ci-après « AF ») ;

– Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV (ci-après « KLM ») ;

– British Airways plc ;

– Cargolux Airlines International SA (ci-après « Cargolux ») ;

– Cathay Pacific Airways Ltd (ci-après « CPA ») ;

– Japan Airlines Corp. ;

– Japan Airlines ;

– Lan Airlines SA ;

– Lan Cargo SA ;

– Lufthansa Cargo ;

– Lufthansa ;

– Swiss ;

– Martinair Holland NV (ci-après « Martinair ») ;

– Qantas Airways Ltd (ci-après « Qantas ») ;

– SAS AB ;

– SAS Cargo ;

– Scandinavian Airlines System Denmark-Norway-Sweden (ci-après « SAS Consortium ») ;

– SAC ;

– Singapore Airlines Ltd (ci-après « SIA »).

12 Les griefs retenus provisoirement à l’égard des autres destinataires de la communication des griefs ont été abandonnés (ci-après les « transporteurs non incriminés »).

13 La décision du 9 novembre 2010 décrivait, dans ses motifs, une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, couvrant le territoire de l’EEE et de la Suisse, par laquelle les transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 auraient coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret.

14 Le dispositif de la décision du 9 novembre 2010, pour autant qu’il concernait la requérante, se lisait comme suit :

« Article 2

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont [coordonné] divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE, pendant les périodes suivantes :

a) [la requérante], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 3

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 53 de l’accord EEE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE mais ne sont pas des États membres, et des pays tiers, pendant les périodes suivantes :

a) [la requérante], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 5

Les amendes suivantes sont infligées pour les infractions visées aux articles 1er à 4 [de la décision du 9 novembre 2010] :

a) [la requérante] : 21 037 500 EUR ;

[…]

Article 6

Les entreprises visées aux articles 1er à 4 mettent immédiatement fin aux infractions visées auxdits articles, dans la mesure où elles ne l’ont pas encore fait.

Elles s’abstiennent dorénavant de tout acte ou comportement visés aux articles 1er à 4, ainsi que de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire. »

C. Recours contre la décision du 9 novembre 2010 devant le Tribunal

15 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 janvier 2011, la requérante a introduit un recours tendant, en substance, premièrement, à l’annulation de la décision du 9 novembre 2010 en tant qu’elle la concernait ainsi que, à titre subsidiaire, à l’annulation de certaines parties de cette décision en tant qu’elle la concernait, et, deuxièmement, à l’annulation de l’amende qui lui avait été infligée ou, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de celle-ci, le cas échéant à zéro. Les autres transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010, à l’exception de Qantas, ont également introduit devant le Tribunal des recours contre cette décision.

16 Par arrêts du 16 décembre 2015, Air Canada/Commission (T‑9/11, non publié, EU:T:2015:994), Koninklijke Luchtvaart Maatschappij/Commission (T‑28/11, non publié, EU:T:2015:995), Japan Airlines/Commission (T‑36/11, non publié, EU:T:2015:992), Cathay Pacific Airways/Commission (T‑38/11, non publié, EU:T:2015:985), Cargolux Airlines/Commission (T‑39/11, non publié, EU:T:2015:991), Latam Airlines Group et Lan Cargo/Commission (T‑40/11, non publié, EU:T:2015:986), Singapore Airlines et Singapore Airlines Cargo Pte/Commission (T‑43/11, non publié, EU:T:2015:989), Deutsche Lufthansa e.a./Commission (T‑46/11, non publié, EU:T:2015:987), British Airways/Commission (T‑48/11, non publié, EU:T:2015:988), SAS Cargo Group e.a./Commission (T‑56/11, non publié, EU:T:2015:990), Air France-KLM/Commission (T‑62/11, non publié, EU:T:2015:996), Air France/Commission (T‑63/11, non publié, EU:T:2015:993), et Martinair Holland/Commission (T‑67/11, EU:T:2015:984), le Tribunal a annulé, en tout ou en partie, la décision du 9 novembre 2010 pour autant qu’elle visait, respectivement, la requérante, KLM, Japan Airlines et Japan Airlines Corp., CPA, Cargolux, Latam Airlines Group SA (anciennement Lan Airlines) et Lan Cargo, SAC et SIA, Lufthansa, Lufthansa Cargo et Swiss, British Airways, SAS Cargo, SAS Consortium et SAS, AF-KLM, AF et Martinair. Le Tribunal a estimé que cette décision était entachée d’un vice de motivation.

17 À cet égard, en premier lieu, le Tribunal a constaté que la décision du 9 novembre 2010 était entachée de contradictions entre ses motifs et son dispositif. Les motifs de cette décision décrivaient une seule infraction unique et continue, relative à toutes les liaisons couvertes par l’entente, à laquelle les transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 auraient participé. En revanche, le dispositif de ladite décision identifiait soit quatre infractions uniques et continues distinctes, soit une seule infraction unique et continue dont la responsabilité ne serait imputée qu’aux transporteurs qui, sur les liaisons visées par les articles 1er à 4 de la même décision, auraient directement participé aux comportements infractionnels visés par chacun desdits articles ou auraient eu connaissance d’une collusion sur ces liaisons, dont ils acceptaient le risque. Or, aucune de ces deux lectures du dispositif de la décision en question n’était conforme à ses motifs.

18 Le Tribunal a aussi rejeté comme étant incompatible avec les motifs de la décision du 9 novembre 2010 la lecture alternative de son dispositif proposée par la Commission, consistant à considérer que l’absence de mention de certains des transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 dans les articles 1er, 3 et 4 de cette décision pouvait s’expliquer, sans qu’il soit besoin de considérer que ces articles constataient des infractions uniques et continues distinctes, par le fait que lesdits transporteurs n’assuraient pas les liaisons couvertes par ces dispositions.

19 En deuxième lieu, le Tribunal a considéré que les motifs de la décision du 9 novembre 2010 contenaient d’importantes contradictions internes.

20 En troisième lieu, après avoir relevé qu’aucune des deux lectures possibles du dispositif de la décision du 9 novembre 2010 n’était conforme à ses motifs, le Tribunal a examiné si, dans le cadre d’au moins l’une de ces deux lectures possibles, les contradictions internes à ladite décision étaient de nature à porter atteinte aux droits de la défense de la requérante et à empêcher le Tribunal d’exercer son contrôle. S’agissant de la première lecture, retenant l’existence de quatre infractions uniques et continues distinctes, premièrement, il a jugé que la requérante n’avait pas été en situation de comprendre dans quelle mesure les éléments de preuve exposés dans les motifs, liés à l’existence d’une infraction unique et continue, étaient susceptibles d’établir l’existence des quatre infractions distinctes constatées dans le dispositif et qu’elle n’avait donc pas davantage été en situation de pouvoir contester leur suffisance. Deuxièmement, il a jugé que la requérante s’était trouvée dans l’impossibilité de comprendre la logique qui avait conduit la Commission à la considérer comme responsable d’une infraction, y compris pour des liaisons non assurées à l’intérieur du périmètre défini par chaque article de la décision du 9 novembre 2010.

D. Décision attaquée

21 Le 20 mai 2016, à la suite de l’annulation prononcée par le Tribunal, la Commission a adressé une lettre aux transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 ayant introduit un recours contre cette dernière devant le Tribunal, les informant que sa direction générale (DG) de la concurrence entendait lui proposer d’adopter une nouvelle décision concluant qu’ils avaient participé à une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien sur toutes les liaisons mentionnées dans cette décision.

22 Les destinataires de la lettre de la Commission mentionnée au point 21 ci-dessus ont été invités à faire part de leur point de vue sur la proposition de la DG de la concurrence de la Commission dans un délai d’un mois. Tous, y compris la requérante, ont fait usage de cette possibilité.

23 Le 17 mars 2017, la Commission a adopté la décision C(2017) 1742 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] (affaire AT.39258 – Fret aérien) (ci-après la « décision attaquée »). Ladite décision a pour destinataires 19 transporteurs (ci-après les « transporteurs incriminés »), à savoir :

– la requérante ;

– AF-KLM ;

– AF ;

– KLM ;

– British Airways ;

– Cargolux ;

– CPA ;

– Japan Airlines ;

– Latam Airlines Group SA ;

– Lan Cargo ;

– Lufthansa Cargo ;

– Lufthansa ;

– Swiss ;

– Martinair ;

– SAS ;

– SAS Cargo ;

– SAS Consortium ;

– SAC ;

– SIA.

24 La décision attaquée ne retient pas de griefs à l’encontre des autres destinataires de la communication des griefs.

25 La décision attaquée décrit, dans ses motifs, une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, par laquelle les transporteurs incriminés auraient coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret dans le monde entier par le biais de la STC, de la STS et du paiement d’une commission sur les surtaxes.

26 En premier lieu, au point 4.1 de la décision attaquée, la Commission a décrit les « [p]rincipes de base et [la] structure de l’entente ». Aux considérants 107 et 108 de cette décision, elle a indiqué que l’enquête avait révélé une entente d’ampleur mondiale fondée sur un réseau de contacts bilatéraux et multilatéraux entretenus sur une longue période entre les concurrents, concernant le comportement qu’ils avaient décidé, prévu ou envisagé d’adopter en rapport avec divers éléments du prix des services de fret, à savoir la STC, la STS et le refus de paiement de commissions. Elle a souligné que ce réseau de contacts avait pour objectif commun de coordonner le comportement des concurrents en matière de tarification ou de réduire l’incertitude en ce qui concerne leur politique de prix (ci-après l’« entente litigieuse »).

27 Selon le considérant 109 de la décision attaquée, l’application coordonnée de la STC avait pour but de s’assurer que les transporteurs du monde entier imposent une surtaxe forfaitaire par kilo pour tous les envois concernés. Un réseau complexe de contacts, principalement bilatéraux, entre transporteurs aurait été institué dans le but de coordonner et de surveiller l’application de la STC, la date précise d’application étant souvent, selon la Commission, décidée au niveau local, le principal transporteur local prenant généralement la direction et les autres suivant. Cette approche coordonnée aurait été étendue à la STS, tout comme au refus de paiement de commissions, si bien que ces dernières seraient devenues des revenus nets pour les transporteurs et auraient constitué une mesure d’encouragement supplémentaire pour amener ceux-ci à suivre la coordination relative aux surtaxes.

28 Selon le considérant 110 de la décision attaquée, la direction générale du siège de plusieurs transporteurs aurait été soit directement impliquée dans les contacts avec les concurrents, soit régulièrement informée de ceux-ci. Dans le cas des surtaxes, les employés responsables du siège auraient été en contact mutuel lorsqu’un changement de niveau de la surtaxe était imminent. Le refus de paiement de commissions aurait également été confirmé à plusieurs reprises lors de contacts se tenant au niveau de l’administration centrale. Des contacts fréquents auraient également eu lieu au niveau local dans le but, d’une part, de mieux exécuter les instructions données par les administrations centrales et de les adapter aux conditions de marché locales et, d’autre part, de coordonner et de mettre en œuvre les initiatives locales. Dans ce dernier cas, les sièges des transporteurs auraient généralement autorisé l’action proposée ou en auraient été informés.

29 Selon le considérant 111 de la décision attaquée, les transporteurs auraient pris contact les uns avec les autres, soit de manière bilatérale, soit en petits groupes, soit, dans certains cas, en grands forums multilatéraux. Les associations locales de représentants de transporteurs auraient été utilisées, notamment à Hong Kong et en Suisse, pour discuter de mesures d’amélioration du rendement et pour coordonner les surtaxes. Des réunions d’alliances telles que l’alliance WOW auraient également été exploitées à ces fins.

30 En deuxième lieu, aux points 4.3, 4.4 et 4.5 de la décision attaquée, la Commission a décrit les contacts concernant, respectivement, la STC, la STS et le refus de paiement de commissions (ci-après les « contacts litigieux »).

31 Ainsi, premièrement, aux considérants 118 à 120 de la décision attaquée, la Commission a résumé les contacts relatifs à la STC comme suit :

« (118) Un réseau de contacts bilatéraux, impliquant plusieurs compagnies aériennes, a été institué fin 1999-début 2000, permettant un partage d’informations sur les actions des entreprises par les participants entre tous les membres du réseau. Les transporteurs prenaient régulièrement contact les uns avec les autres afin de discuter de toute question se posant en rapport avec la STC, notamment les modifications du mécanisme, les changements du niveau de la STC, l’application cohérente du mécanisme et les situations dans lesquelles certaines compagnies aériennes ne suivaient pas le système.

(119) Pour la mise en œuvre des STC au niveau local, un système par lequel les compagnies aériennes dominantes sur certaines liaisons ou dans certains pays annonçaient en premier le changement et étaient ensuite suivies par les autres, a souvent été appliqué […]

(120) La coordination anticoncurrentielle concernant la STC se déroulait principalement dans quatre contextes : en rapport avec l’introduction des STC au début 2000, la réintroduction d’un mécanisme de STC après l’annulation du mécanisme prévu par l’[Association du transport aérien international (IATA)], l’introduction de nouveaux seuils de déclenchement (augmentant le niveau maximal de la STC) et surtout le moment où les indices de carburant approchaient le seuil auquel une augmentation ou une diminution de la STC allait être déclenchée. »

32 Deuxièmement, au considérant 579 de la décision attaquée, la Commission a résumé les contacts relatifs à la STS comme suit :

« Plusieurs [transporteurs incriminés] ont discuté, entre autres, de leurs intentions d’introduire une STS […] De plus, le montant de la surtaxe et le calendrier d’introduction ont également été discutés. Les [transporteurs incriminés] ont en outre partagé des idées sur la justification à donner à leurs clients. Des contacts ponctuels concernant la mise en œuvre de la STS ont eu lieu pendant toute la période couvrant les années 2002 à 2006. La coordination illicite a eu lieu à la fois au niveau des administrations centrales et au niveau local. »

33 Troisièmement, au considérant 676 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les transporteurs incriminés avaient « continué à refuser de payer une commission sur les surtaxes et s[’étaient] confirmé mutuellement leur intention dans ce domaine lors de nombreux contacts ».

34 En troisième lieu, au point 4.6 de la décision attaquée, la Commission a procédé à l’appréciation des contacts litigieux. L’appréciation de ceux retenus contre la requérante figure aux considérants 717 à 720 de cette décision.

35 En quatrième lieu, au point 5 de la décision attaquée, la Commission a procédé à l’application aux faits de l’espèce de l’article 101 TFUE, tout en précisant, à la note en bas de page no 1289 de cette décision, que les considérations retenues valaient également pour l’article 53 de l’accord EEE et l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien. Ainsi, premièrement, au considérant 846 de ladite décision, elle a retenu que les transporteurs incriminés avaient coordonné leur comportement ou influencé la tarification, « ce qui rev[enai]t en définitive à une fixation de prix en rapport avec » la STC, la STS et le paiement d’une commission sur les surtaxes. Au considérant 861 de la même décision, elle a qualifié le « système général de coordination du comportement de tarification pour des services de fret » dont son enquête avait révélé l’existence d’« infraction complexe se composant de diverses actions qui [pouvaient] être qualifiées soit d’accord, soit de pratique concertée dans le cadre desquels les concurrents avaie[nt] sciemment substitué la coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence ».

36 Deuxièmement, au considérant 869 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le « comportement en cause constitu[ait] une infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE ». Elle a ainsi considéré que les arrangements en cause poursuivaient un objectif anticoncurrentiel unique consistant à entraver la concurrence dans le secteur du fret au sein de l’EEE, y compris lorsque la coordination s’était déroulée au niveau local et avait connu des variations locales (considérants 872 à 876), portaient sur un « [p]roduit/services unique », à savoir « la fourniture de services de fret […] et leur tarification » (considérant 877), concernaient les mêmes entreprises (considérant 878), revêtaient une nature unique (considérant 879) et portaient sur trois composantes, à savoir la STC, la STS et le refus de paiement de commissions, qui ont « fréquemment été discuté[e]s conjointement au cours du même contact avec les concurrents » (considérant 880).

37 Au considérant 882 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que la requérante était impliquée dans deux des trois composantes de l’infraction unique, c’est-à-dire la STC et la STS, mais que, d’une part, « compte tenu de [son] implication dans les autres éléments de l’infraction, [elle] aurai[t] raisonnablement pu prévoir des échanges entre les parties au sujet d’une telle matière connexe que le paiement d’une commission sur les surtaxes, et étai[t] disposé[e] à en assumer le risque » et, d’autre part, « [i]l exist[ait] aussi des preuves que [la requérante] était au courant des discussions au sujet du paiement de commissions sur les surtaxes ».

38 Troisièmement, au considérant 884 de la décision attaquée, la Commission a conclu au caractère continu de l’infraction en cause.

39 Quatrièmement, aux considérants 885 à 890 de la décision attaquée, la Commission a examiné la pertinence des contacts intervenus dans des pays tiers et des contacts concernant des liaisons que les transporteurs n’avaient jamais desservies ou qu’ils n’auraient pas pu légalement desservir. La Commission a estimé que, au regard du caractère mondial de l’entente litigieuse, ces contacts étaient pertinents pour établir l’existence de l’infraction unique et continue. En particulier, d’une part, elle a relevé que les surtaxes étaient des mesures d’application générale qui n’étaient pas spécifiques à une liaison, mais avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons, au niveau mondial, y compris sur les liaisons au départ et à destination de l’EEE et de la Suisse. Elle a indiqué que le refus de paiement de commissions revêtait également un caractère général. D’autre part, elle a considéré qu’aucune barrière insurmontable n’empêchait les transporteurs de fournir des services de fret sur les liaisons qu’ils n’avaient jamais desservies ou qu’ils n’auraient pas pu légalement desservir, notamment grâce aux accords qu’ils étaient en mesure de conclure entre eux.

40 Cinquièmement, au considérant 903 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le comportement litigieux avait pour objet de restreindre la concurrence « au moins au sein de l’U[nion], dans l’EEE et en Suisse ». Au considérant 917 de cette décision, elle a, en substance, ajouté qu’il n’était, dès lors, pas nécessaire de prendre en considération les « effets concrets » de ce comportement.

41 Sixièmement, aux considérants 972 à 1021 de la décision attaquée, la Commission a examiné la réglementation de sept pays tiers, dont plusieurs transporteurs incriminés soutenaient qu’elle leur imposait de se concerter sur les surtaxes, faisant ainsi obstacle à l’application des règles de concurrence pertinentes. La Commission a considéré que ces transporteurs étaient restés en défaut de prouver qu’ils avaient agi sous la contrainte desdits pays tiers.

42 Septièmement, aux considérants 1024 à 1035 de la décision attaquée, la Commission a retenu que l’infraction unique et continue était susceptible d’affecter de manière sensible les échanges entre États membres, entre les parties contractantes à l’accord EEE et entre les parties contractantes à l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.

43 Huitièmement, la Commission a examiné les limites de sa compétence territoriale et temporelle pour constater et sanctionner une infraction aux règles de concurrence dans le cas d’espèce. D’une part, aux considérants 822 à 832 de la décision attaquée, sous le titre « Compétence de la Commission », elle a, en substance, retenu qu’elle n’appliquerait pas, tout d’abord, l’article 101 TFUE aux accords et pratiques antérieurs au 1er mai 2004 concernant les liaisons entre des aéroports au sein de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE (ci-après les « liaisons Union-pays tiers »), ensuite, l’article 53 de l’accord EEE aux accords et pratiques antérieurs au 19 mai 2005 concernant les liaisons Union-pays tiers et les liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont parties contractantes à l’accord EEE et qui ne sont pas membres de l’Union et des aéroports situés dans des pays tiers (ci-après les « liaisons EEE sauf Union-pays tiers » et, conjointement avec les liaisons Union-pays tiers, les « liaisons EEE-pays tiers ») et, enfin, l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien aux accords et pratiques antérieurs au 1er juin 2002 concernant les liaisons entre des aéroports au sein de l’Union et des aéroports suisses (ci-après les « liaisons Union-Suisse »). Elle a aussi précisé que la décision attaquée n’avait « nullement la prétention de révéler une quelconque infraction à l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] concernant les services de fret [entre] la Suisse [et] des pays tiers ».

44 D’autre part, aux considérants 1036 à 1046 de la décision attaquée, sous le titre « L’applicabilité de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE aux liaisons entrantes », la Commission a rejeté les arguments de différents transporteurs incriminés selon lesquels elle outrepassait les limites de sa compétence territoriale au regard des règles de droit international public en constatant et en sanctionnant une infraction à ces deux dispositions sur les liaisons au départ de pays tiers et à destination de l’EEE (ci-après les « liaisons entrantes » et, s’agissant des services de fret offerts sur ces liaisons, les « services de fret entrants »). En particulier, au considérant 1042 de cette décision, elle a rappelé comme suit les critères qu’elle estimait applicables :

« En ce qui concerne l’application extraterritoriale de l’article 101 du TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, ces dispositions sont applicables aux accords qui sont mis en œuvre au sein de l’U[nion] (théorie de la mise en œuvre) ou qui ont des effets immédiats, substantiels et prévisibles au sein de l’U[nion] (théorie des effets). »

45 Aux considérants 1043 à 1046 de la décision attaquée, la Commission a appliqué les critères en question aux faits de l’espèce :

« (1043) Dans le cas des services de fret [entrants], l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE sont applicables parce que le service lui-même, qui fait l’objet de l’infraction en matière de fixation de prix, doit être rendu et est en effet rendu en partie sur le territoire de l’EEE. De plus, de nombreux contacts par lesquels les destinataires ont coordonné les surtaxes et le [refus de] paiement de commissions ont eu lieu à l’intérieur de l’EEE ou ont impliqué des participants se trouvant dans l’EEE.

(1044) […] l’exemple cité dans la communication [consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2008, C 95, p. 1 et rectificatif JO 2009, C 43, p. 10)] n’est pas pertinent ici. La[dite] communication se rapporte à la répartition géographique du chiffre d’affaires entre les entreprises aux fins de déterminer si les seuils de chiffre d’affaires de l’article 1er du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises [(JO 2004, L 24, p. 1)] sont atteints.

(1045) En outre, les pratiques anticoncurrentielles dans les pays tiers en ce qui concerne le transport du fret […] vers l’Union et l’EEE sont susceptibles d’avoir des effets immédiats, substantiels et prévisibles au sein de l’Union et de l’EEE, étant donné que les coûts accrus du transport aérien vers l’EEE et donc les prix plus élevés des marchandises importées sont, de par leur nature, susceptibles d’avoir des effets sur les consommateurs au sein de l’EEE. En l’espèce, les pratiques anticoncurrentielles éliminant la concurrence entre les transporteurs qui offrent des services de fret [entrants] étaient susceptibles d’avoir de tels effets également sur la fourniture de services de [fret] par d’autres transporteurs au sein de l’EEE, entre les plateformes de correspondance (“hubs”) dans l’EEE utilisées par les transporteurs de pays tiers et les aéroports de destination de ces envois dans l’EEE qui ne sont pas desservis par le transporteur du pays tiers.

(1046) Enfin, il convient de souligner que la Commission a découvert une entente au niveau mondial. L’entente a été mise en œuvre mondialement et les arrangements de l’entente concernant les liaisons entrantes faisaient partie intégrante de l’infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE. Les arrangements de l’entente étaient, dans de nombreux cas, organisés au niveau central et le personnel local ne faisait que les appliquer. L’application uniforme des surtaxes à une échelle mondiale était un élément clé de l’entente. »

46 En cinquième lieu, au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission a retenu que l’entente litigieuse avait débuté le 7 décembre 1999 et duré jusqu’au 14 février 2006. Au même considérant, elle a précisé que cette entente avait enfreint :

– l’article 101 TFUE, du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien entre des aéroports au sein de l’Union ;

– l’article 101 TFUE, du 1er mai 2004 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons Union-pays tiers ;

– l’article 53 de l’accord EEE, du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien entre les aéroports au sein de l’EEE (ci-après les « liaisons intra-EEE ») ;

– l’article 53 de l’accord EEE, du 19 mai 2005 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers ;

– l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, du 1er juin 2002 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons Union-Suisse.

47 En ce qui concerne la requérante, la Commission a retenu que la durée de l’infraction s’étendait du 21 septembre 2000 au 14 février 2006.

48 En sixième lieu, au point 8 de la décision attaquée, la Commission s’est penchée sur les mesures correctives à prendre et les amendes à infliger.

49 S’agissant, en particulier, de la détermination du montant des amendes, la Commission a indiqué avoir pris en compte la gravité et la durée de l’infraction unique et continue ainsi que les éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes. Elle s’est référée à cet égard aux lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).

50 Aux considérants 1184 et 1185 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le montant de base de l’amende se composait d’une proportion pouvant aller jusqu’à 30 % de la valeur des ventes de l’entreprise, déterminée en fonction de la gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années de participation de l’entreprise à l’infraction, à laquelle s’ajoutait un montant additionnel compris entre 15 et 25 % de la valeur des ventes (ci-après le « montant additionnel »).

51 Au considérant 1197 de la décision attaquée, la Commission a déterminé la valeur des ventes en additionnant, sur l’année 2005, qui était la dernière année complète avant la fin de l’infraction unique et continue, le chiffre d’affaires lié aux vols dans les deux sens sur les liaisons intra-EEE, sur les liaisons Union-pays tiers, sur les liaisons Union-Suisse ainsi que sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Elle a également tenu compte de l’adhésion à l’Union de nouveaux États membres en 2004.

52 Aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, tenant compte de la nature de l’infraction (accords horizontaux de fixation de prix), de la part de marché cumulée des transporteurs incriminés (34 % au niveau mondial et au moins autant sur les liaisons intra-EEE et EEE-pays tiers), de l’étendue géographique de l’entente litigieuse (mondiale) et de sa mise en œuvre effective, la Commission a fixé le coefficient de gravité à 16 %.

53 Aux considérants 1214 à 1217 de la décision attaquée, la Commission a déterminé la durée de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue comme suit, en fonction des liaisons concernées :

– en ce qui concernait les liaisons intra-EEE : du 21 septembre 2000 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à cinq ans et quatre mois, et un facteur de multiplication de 5 et 4/12 ;

– en ce qui concernait les liaisons Union-pays tiers : du 1er mai 2004 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à un an et neuf mois, et un facteur de multiplication de 1 et 9/12 ;

– en ce qui concernait les liaisons Union-Suisse : du 1er juin 2002 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à trois ans et huit mois, et un facteur de multiplication de 3 et 8/12 ;

– en ce qui concernait les liaisons EEE sauf Union-pays tiers : du 19 mai 2005 au 14 février 2006, évaluée, en nombre de mois, à huit mois et un facteur de multiplication de 8/12.

54 Au considérant 1219 de la décision attaquée, la Commission a retenu que, au regard des circonstances spécifiques de l’affaire et des critères exposés au point 52 ci-dessus, le montant additionnel devait correspondre à 16 % de la valeur des ventes.

55 En conséquence, aux considérants 1240 à 1242 de la décision attaquée, le montant de base évalué pour la requérante à 66 000 000 euros, a été arrêté à 33 000 000 euros, après application d’une réduction de 50 % fondée sur le paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 (ci-après la « réduction générale de 50 % ») et liée au fait qu’une partie des services relatifs aux liaisons entrantes et aux liaisons au départ de l’EEE et à destination de pays tiers (ci-après les « liaisons sortantes ») était fournie hors du territoire couvert par l’accord EEE et qu’une part du préjudice était donc susceptible de se produire en dehors dudit territoire.

56 Aux considérants 1258 et 1259 de la décision attaquée, en application du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, motif pris de la participation limitée de la requérante à l’infraction unique et continue, la Commission lui a accordé, au titre des circonstances atténuantes, une réduction de 10 % du montant de base de l’amende.

57 Aux considérants 1264 et 1265 de la décision attaquée, en application du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, la Commission a octroyé aux transporteurs incriminés une réduction supplémentaire du montant de base de l’amende de 15 % (ci-après la « réduction générale de 15 % »), au motif que certains régimes réglementaires avaient encouragé l’entente litigieuse.

58 En conséquence, au considérant 1293 de la décision attaquée, la Commission a fixé le montant de base de l’amende de la requérante après ajustement à 24 750 000 euros.

59 Aux considérants 1382 à 1389 de la décision attaquée, la Commission a tenu compte de la contribution de la requérante dans le cadre de sa demande de clémence en appliquant une réduction de 15 % au montant de l’amende, de sorte que, comme il est indiqué au considérant 1404 de la décision attaquée, le montant de l’amende infligée à la requérante a été fixé à 21 037 500 euros.

60 Le dispositif de la décision attaquée, pour autant qu’il concerne le présent litige, se lit comme suit :

« Article premier

En coordonnant leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de [fret] dans le monde entier en ce qui concerne la [STC], la [STS] et le paiement d’une commission sur les surtaxes, les entreprises suivantes ont commis l’infraction unique et continue suivante à l’article 101 [TFUE], à l’article 53 de [l’accord EEE] et à l’article 8 de [l’accord CE-Suisse sur le transport aérien] en ce qui concerne les liaisons suivantes et pendant les périodes suivantes.

1) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons [intra-EEE], pendant les périodes suivantes :

a) [la requérante], du 21 septembre 2000 au 14 février 2006 ;

[…]

2) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE en ce qui concerne les liaisons [Union-pays tiers], pendant les périodes suivantes :

a) [la requérante], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

[…]

3) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons [EEE sauf Union-pays tiers], pendant les périodes suivantes :

a) [la requérante], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

[…]

4) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 8 de l’accord [CE-Suisse] sur le transport aérien en ce qui concerne les liaisons [Union-Suisse], pendant les périodes suivantes :

a) [la requérante], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 2

La décision […] du 9 novembre 2010 est modifiée comme suit :

à l’article 5, les [sous] j), k) et l) sont abrogés.

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction unique et continue visée à l’article 1er de la présente décision et en ce qui concerne British Airways […], également pour les aspects des articles 1er à 4 de la décision […] du 9 novembre 2010 qui sont devenus définitifs :

a) [la requérante] : 21 037 500 EUR ;

[…]

Article 4

Les entreprises visées à l’article 1er mettent immédiatement fin à l’infraction unique et continue visée audit article, dans la mesure où elles ne l’ont pas encore fait.

Elles s’abstiennent également de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire.

Article 5

Sont destinataires de la présente décision :

[la requérante]

[…] »

II. Procédure et conclusions des parties

61 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 mai 2017, la requérante a introduit le présent recours.

62 La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 29 septembre 2017.

63 La requérante a déposé la réplique au greffe du Tribunal le 4 décembre 2017.

64 La Commission a déposé la duplique au greffe du Tribunal le 1er mars 2018.

65 Le 24 avril 2019, sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer la présente affaire devant une formation de jugement élargie.

66 Le 4 juin 2019, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties. Ces dernières ont répondu dans le délai imparti.

67 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 19 juin 2019.

68 Par ordonnance du 31 juillet 2020, le Tribunal (quatrième chambre élargie), considérant qu’il était insuffisamment éclairé et qu’il y avait lieu d’inviter les parties à présenter leurs observations concernant un argument sur lequel elles n’avaient pas débattu, a ordonné la réouverture de la phase orale de la procédure en application de l’article 113 du règlement de procédure.

69 La Commission a, dans le délai imparti, répondu à une série de questions posées par le Tribunal le 4 août 2020. La requérante n’a pas déposé de réponses aux questions dans le délai imparti.

70 Par décision du 15 septembre 2020, le Tribunal a clos de nouveau la phase orale de la procédure.

71 Par ordonnance du 18 décembre 2020, le Tribunal (quatrième chambre élargie), considérant de nouveau qu’il y avait lieu d’inviter les parties à présenter leurs observations sur un argument sur lequel elles n’avaient pas débattu, a ordonné la réouverture de la phase orale de la procédure en application de l’article 113 du règlement de procédure.

72 La requérante a, dans le délai imparti, répondu à la série de questions posées par le Tribunal le 4 août 2020. Puis, sur invitation du Tribunal, les parties ont présenté des observations sur leurs réponses respectives à ces questions.

73 Par décision du 25 mai 2021, le Tribunal a clos de nouveau la phase orale de la procédure.

74 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée, en tout ou en partie, en ce qu’elle la concerne ;

– supprimer l’amende ou, à titre subsidiaire, en réduire substantiellement le montant ;

– condamner la Commission aux dépens.

75 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

76 Dans le cadre de son recours, la requérante formule tant des conclusions en annulation de la décision attaquée que des conclusions tendant à la suppression de l’amende qui lui a été infligée ou à la réduction de son montant.

A. Sur les conclusions en annulation

77 La requérante invoque cinq moyens à l’appui de ses conclusions annulation. Ces moyens sont tirés :

– le premier, d’une violation des droits de la défense, du droit d’être entendu et des formes substantielles tenant à l’omission de la Commission d’adresser aux transporteurs incriminés une nouvelle communication des griefs ;

– le deuxième, d’une violation des droits de la défense, d’un défaut de motivation et d’une violation des formes substantielles quant à la portée de l’infraction unique et continue ;

– le troisième, en substance, d’erreurs manifestes d’appréciation et de droit dans l’imputation à la requérante de la responsabilité de l’infraction unique et continue en tant qu’elle porte sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse ;

– le quatrième, du défaut de compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes ainsi que sur les liaisons Union-pays tiers avant le 1er mai 2004 et sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers avant le 19 mai 2005 ; et

– le cinquième, d’une erreur manifeste d’appréciation des éléments de preuve sur lesquels la décision attaquée se fonde pour imputer à la requérante la responsabilité de l’infraction unique et continue.

78 Le Tribunal estime opportun d’examiner, tout d’abord, les premier, deuxième et quatrième moyens successivement, en deuxième lieu, le moyen relevé d’office, tiré de l’incompétence de la Commission au regard de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pour constater et sanctionner une infraction sur les liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont parties contractantes à l’accord EEE et qui ne sont pas membres de l’Union et des aéroports situés en Suisse (ci-après les « liaisons EEE sauf Union-Suisse »), et, enfin, les troisième et cinquième moyens.

1. Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense, du droit d’être entendu et des formes substantielles tenant à l’omission de la Commission d’adresser aux transporteurs incriminés une nouvelle communication des griefs

79 La requérante fait valoir qu’elle a été privée de la possibilité de se défendre sur des aspects essentiels de la décision attaquée, entraînant la violation de son droit d’être entendue, dans la mesure où ces aspects ne ressortiraient pas de la communication des griefs. Le fait de ne pas avoir adopté une nouvelle communication des griefs et de ne pas avoir organisé une nouvelle audition constituerait, dans ces circonstances, une violation des formes substantielles que l’envoi de la lettre du 20 mai 2016 ne suffirait pas à purger.

80 Tout d’abord, rien dans la communication des griefs n’aurait informé la requérante de ce que la Commission la tenait pour responsable de l’infraction unique et continue s’agissant des liaisons intra-EEE et des liaisons Union-Suisse, en retenant comme point de départ de sa participation le 21 septembre 2000. En particulier, la thèse d’une « entente mondiale » constitutive d’une « infraction mondiale » serait absente de la communication des griefs et, à supposer qu’il existe des éléments en ce sens, ils seraient isolés et imprécis.

81 La requérante indique, à cet égard, que ne sauraient être prises en compte ses réponses à la communication des griefs évoquant la portée mondiale de l’entente litigieuse, dans la mesure où elles résulteraient de la présentation erronée et imprécise de ladite communication ainsi que des conseils juridiques erronés reçus à l’époque. À l’inverse, les références dans la communication des griefs à la possibilité de constater une infraction concernant « les liaisons avec les pays tiers » attesteraient de ce que la Commission entendait imputer en réalité aux transporteurs établis à l’extérieur de l’EEE les seuls comportements infractionnels en lien avec ces liaisons.

82 Or, la requérante estime que, si elle avait été régulièrement informée de l’intention de la Commission, elle aurait contesté la possibilité pour cette dernière de lui imputer cette partie de l’infraction. Le fait qu’elle se soit abstenue de le faire, à l’instar des autres transporteurs incriminés établis à l’extérieur de l’EEE, montrerait qu’il ne ressortait pas de la communication des griefs que les comportements relatifs aux liaisons intra-EEE et aux liaisons Union-Suisse lui seraient imputés.

83 Ensuite, la requérante reproche à la Commission d’avoir ajouté ou modifié des considérants dans la décision attaquée par rapport à la communication des griefs et à la décision du 9 novembre 2010, en donnant une portée différente aux contacts concernant les liaisons avec des pays tiers, en particulier aux considérants 886 à 890 de la décision attaquée, avec pour objectif de soutenir le constat d’une infraction unique et continue commise dans le monde entier.

84 En particulier, il ne ressortirait pas de la communication des griefs que la Commission considérait que les transporteurs établis à l’extérieur de l’EEE étaient en mesure de prester des services de fret sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse, ni que les contacts concernant les liaisons avec les pays tiers étaient susceptibles de fonder un constat d’infraction dont la portée excédait les liaisons concernées.

85 Enfin, en l’absence de nouvelle communication des griefs, la requérante estime avoir été privée, en outre, de la possibilité de répondre sur les autres points essentiels que seraient les conséquences du retrait de sa demande de clémence et le caractère irrationnel de la poursuite de la procédure à son égard alors que les griefs auraient été abandonnés vis-à-vis de la majorité des destinataires de la communication des griefs qui sont établis à l’extérieur de l’EEE.

86 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

87 À titre liminaire, il y a lieu de relever que le présent moyen, bien qu’articulé autour de trois griefs, repose sur l’allégation selon laquelle la requérante n’aurait pas été mise en mesure, durant la procédure administrative, de faire valoir ses arguments contre des aspects essentiels de la décision attaquée qui ne figuraient pas dans la communication des griefs.

88 À cet égard, il convient de rappeler que la communication des griefs constitue la garantie procédurale appliquant le principe fondamental du droit de l’Union qui exige le respect des droits de la défense dans toute procédure (arrêt du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, EU:C:2009:500, point 35).

89 Ce principe exige notamment que la communication des griefs adressée par la Commission à une entreprise à l’encontre de laquelle elle envisage d’infliger une sanction pour violation des règles de concurrence contienne les éléments essentiels retenus à l’encontre de cette entreprise, tels que les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée et les éléments de preuve sur lesquels la Commission se fonde, afin que cette entreprise soit en mesure de faire valoir utilement ses arguments dans le cadre de la procédure administrative engagée à son encontre (arrêt du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C‑322/07 P, C‑327/07 P et C‑338/07 P, EU:C:2009:500, point 36).

90 L’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 et l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) no 773/2004, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), qui font application de ce principe, prescrivent à la Commission de ne retenir dans sa décision finale que les griefs au sujet desquels les entreprises et associations d’entreprises intéressées ont eu l’occasion de faire connaître leur point de vue.

91 Il doit être tenu compte dans le même temps de la nature provisoire de la communication des griefs qui implique que l’existence de différences entre ce dernier document et la décision finale est non seulement possible, mais licite, dans la mesure où la décision finale reflète l’ensemble des éléments produits et discutés durant la procédure administrative, y compris après l’envoi de la communication des griefs (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 67).

92 Ce n’est que si la décision finale met à la charge des entreprises concernées des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs ou retient des faits différents qu’une violation des droits de la défense doit être constatée (voir arrêt du 14 mars 2013, Fresh Del Monte Produce/Commission, T‑587/08, EU:T:2013:129, point 706 et jurisprudence citée). Selon la jurisprudence, tel n’est pas le cas lorsque les différences alléguées entre la communication des griefs et la décision attaquée ne portent pas sur des comportements autres que ceux sur lesquels les parties requérantes se sont déjà expliquées et qui, partant, sont étrangers à tout nouveau grief (arrêt du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, points 84 et 85).

93 En l’espèce, la Commission a conclu, à l’article 1er de la décision attaquée, que les transporteurs incriminés, en coordonnant leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret dans le monde entier en ce qui concerne la STC, la STS et le refus de paiement de commissions, ont participé à l’infraction unique et continue sur l’ensemble des catégories de liaisons visées aux paragraphes 1 à 4 de cet article. Il s’agit des liaisons intra-EEE (paragraphe 1), des liaisons Union-pays tiers (paragraphe 2), des liaisons EEE sauf Union-pays tiers (paragraphe 3) et des liaisons Union-Suisse (paragraphe 4).

94 Comme il est indiqué au point 46 ci-dessus, la période durant laquelle l’infraction unique et continue a été constatée varie en fonction des liaisons concernées :

– du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, en ce qui concerne les liaisons intra-EEE ;

– du 1er mai 2004 au 14 février 2006, en ce qui concerne les liaisons Union-pays tiers ;

– du 19 mai 2005 au 14 février 2006, en ce qui concerne les liaisons EEE sauf Union-pays tiers ;

– du 1er juin 2002 au 14 février 2006, en ce qui concerne les liaisons Union-Suisse.

95 Comme il est rappelé au point 47 ci-dessus, la Commission a retenu que la participation de la requérante à l’infraction unique et continue s’étendait du 21 septembre 2000 au 14 février 2006.

96 Pour sa part, la communication des griefs indiquait, tout d’abord, au point 3, ce qui suit :

« [l]es destinataires […] ont participé à une infraction unique et continue […] dans le cadre de laquelle ils ont coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de [fret] dans le monde entier [on a global basis], en ce qui concerne différentes surtaxes […] et le paiement d’une commission sur les surtaxes, en particulier […] la [STC] ; la [STS] […] et le [refus de paiement de commissions] ».

97 Cette affirmation est reprise, pour l’essentiel, au point 1409 de la communication des griefs.

98 De même, le point 125 de la communication des griefs indiquait que « [l]’application coordonnée de la [STC] avait pour objectif de veiller à ce que les transporteurs de fret aérien dans le monde entier [throughout the world] imposent une surtaxe forfaitaire par kilo sur tous les envois pertinents. […] Cette approche coordonnée était étendue aux [STS et autres]. En outre, les [transporteurs] coordonnaient leur refus de payer une commission sur les surtaxes […] ».

99 Ensuite, la Commission résumait, au point 1106 de la communication des griefs, la teneur des contacts qui étaient opposés à la requérante en soulignant qu’ils s’étendaient du 10 janvier 2000 au 14 février 2006 tout en concluant, au point 1107, que celle-ci avait au moins participé aux composantes tenant à la STC, à la STS et au refus de paiement de commissions.

100 Puis, la communication des griefs indiquait que « toutes les activités anticoncurrentielles impliquant chacun des participants s’inscriv[ai]ent dans un objectif global » (point 1430) et qu’« [i]l serait artificiel de séparer de tels comportements continus et interdépendants, caractérisés par un objectif unique, en les traitant comme s’ils étaient constitués de plusieurs infractions distinctes » (point 1432).

101 Dans le cadre de cette communication, la Commission retenait l’existence de l’infraction unique et continue sur une période comprise entre le 7 décembre 1999 et le 14 février 2006 (point 1564) et indiquait vouloir retenir à l’encontre de la requérante sa participation à ladite infraction à compter du 10 janvier 2000 (points 1464 et 1564).

102 S’agissant spécifiquement des liaisons Union-pays tiers, des liaisons EEE sauf Union-pays tiers et des liaisons Union-Suisse, il ressort des points 1388, 1392, 1395, 1577 et 1578 de la communication des griefs que la Commission considérait, en substance, qu’elle était compétente pour constater l’existence d’une infraction unique et continue sur les deux premières catégories de liaisons pour l’ensemble de la période infractionnelle et, s’agissant de la dernière catégorie de liaisons, à partir du 1er juin 2002. Dans le même temps, elle estimait qu’elle était compétente pour imposer une amende à ce titre seulement à partir du 1er mai 2004 pour les liaisons Union-pays tiers, du 19 mai 2005 pour liaisons EEE sauf Union-pays tiers et du 1er juin 2002 pour les liaisons Union-Suisse.

103 Quant aux liaisons intra-EEE, il ressort des points 1389, 1393, 1568 et 1569 de la communication des griefs que la Commission considérait qu’elle était compétente tant pour constater que pour sanctionner l’infraction unique et continue déployée sur lesdites liaisons pour l’ensemble de la période infractionnelle.

104 Enfin, au point 1582 de la communication des griefs, la Commission indiquait qu’elle « envisage[ait] dès lors d’adopter une décision […] constatant que les entreprises qui sont les destinataires de la présente communication des griefs ont violé l’article [101 TFUE], l’article 53 de l’accord EEE et l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] ».

105 Il ressort de ce qui précède que l’argumentation de la requérante développée au soutien du présent moyen est vouée au rejet.

106 En effet, premièrement, contrairement à ce que soutient la requérante, le constat factuel de l’existence d’une « entente mondiale » tel que repris à l’article 1er de la décision attaquée figurait bien dans la communication des griefs, ainsi qu’il ressort des points 96 à 98 ci-dessus.

107 Comme le fait valoir à juste titre la Commission, les réponses de la requérante à la communication des griefs, qui font à plusieurs reprises référence aux allégations de participation à une entente mondiale, constituent un indice supplémentaire de ce que le périmètre de l’entente visée dans cette communication était exposé de manière suffisante pour mettre la requérante en mesure de présenter des arguments à cet égard durant la procédure administrative. La requérante n’explique pas en quoi elle aurait été induite en erreur à cet égard par ladite communication.

108 Deuxièmement, il ressort de ce qui précède que l’ensemble des transporteurs incriminés s’était vu reprocher, dès le stade de la communication des griefs, leur participation à l’infraction unique et continue sur les quatre catégories de liaisons visées à l’article 1er de la décision attaquée.

109 À cet égard, n’est nullement étayée l’affirmation de la requérante selon laquelle la Commission, en se référant dans la communication des griefs à sa compétence pour constater une infraction sur les liaisons Union-pays tiers, aurait manifesté son intention de ne pas tenir les transporteurs établis hors de l’EEE pour responsables des aspects de l’infraction unique et continue ayant trait aux liaisons intra-EEE et Union-Suisse.

110 Quant à l’argument tiré de la prétendue absence de référence à une « infraction mondiale » dans la communication des griefs, il convient de l’écarter comme inopérant, dès lors que, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision attaquée ne procède pas à un tel constat, ainsi qu’il ressort des points 131 à 136 ci-après.

111 Troisièmement, si la date du début de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue diffère, dans la décision attaquée, de celle retenue dans la communication des griefs, c’est dans le sens d’une réduction de la durée de la participation de la requérante à cette infraction, dans la mesure où la date finalement retenue est postérieure. Il convient de constater que cette réduction était conforme aux intérêts de la requérante, en conduisant à l’abandon partiel d’un grief qui lui était opposé. Partant, le respect des droits de la défense n’exigeait pas qu’elle ait été mise en mesure de présenter ses observations à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 193).

112 Il s’ensuit que c’est à tort que la requérante affirme n’avoir pas été mise en mesure, durant la procédure administrative, de faire valoir ses arguments contre des aspects essentiels de la décision attaquée qui ne figuraient pas dans la communication des griefs.

113 Aucun des autres arguments de la requérante n’est de nature à remettre en cause les conclusions qui précèdent.

114 Tout d’abord, il y a lieu d’écarter l’argument de la requérante selon lequel, en substance, les faits et éléments de preuve concernant les liaisons avec des pays tiers qui sont antérieurs aux dates auxquelles la Commission a acquis la compétence pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE aux comportements constatés sur les liaisons Union-pays tiers et EEE sauf Union-pays tiers, ont été utilisés dans la décision attaquée dans un but différent de celui pour lequel ils ont été utilisés dans la communication des griefs. La requérante soutient que la décision attaquée s’appuie ainsi sur ces contacts pour établir la participation de la requérante à une entente mondiale et à l’infraction unique et continue, toutes catégories de liaisons confondues, là où, dans la communication des griefs, ils auraient exclusivement servi à établir l’existence d’une infraction sur les liaisons EEE-pays tiers.

115 Ce faisant, la requérante part de la prémisse que la communication des griefs ne visait ni une entente mondiale, ni une infraction unique et continue sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse dont la responsabilité lui aurait été imputable. Or, comme il ressort des points 106 à 109 ci-dessus, cette prémisse est erronée.

116 Ensuite, s’agissant de l’argument prétendument nouveau figurant au considérant 890 de la décision attaquée, il consiste, pour la Commission, à indiquer que les accords passés avec d’autres transporteurs étaient de nature à permettre à ces derniers de « surmonter n’importe quelle entrave juridique ou technique à la prestation de services de fret […] sur les liaisons qu’il[s] n’exploitai[en]t pas ou qu’il[s] n’aurai[en]t pas pu légalement exploiter ».

117 Or, d’une part, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort des considérants 112, 886 et 887 de la décision attaquée, l’indication en cause est formulée par la Commission en réponse aux arguments de certains destinataires de la communication des griefs, tendant à remettre en cause la pertinence des contacts intervenus dans les pays tiers et des contacts concernant des liaisons qu’ils n’avaient jamais desservies ou n’auraient pas pu légalement desservir.

118 Dès lors, l’indication en cause s’inscrit dans la possibilité reconnue à la Commission, au vu de la procédure administrative, de réviser ou d’ajouter des arguments de fait ou de droit à l’appui des griefs qu’elle a formulés (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 82).

119 D’autre part, l’argument prétendument nouveau de la Commission formulé au considérant 890 de la décision attaquée s’appuie en réalité sur des éléments qui figuraient déjà dans la communication des griefs.

120 Ainsi, au point 7 de la communication des griefs, la Commission indiquait ce qui suit :

« [a]ucune compagnie aérienne n’est en mesure de desservir toutes les destinations majeures de fret dans le monde à des fréquences suffisantes avec son propre réseau, de sorte que la conclusion d’accords entre transporteurs pour augmenter leur couverture du réseau ou améliorer leurs horaires est monnaie courante. De tels accords peuvent prendre diverses formes telles qu’un simple achat de capacité ou un certain degré de partage de coûts et de revenus. Il est souvent fait référence à ces accords au sein du secteur sous la dénomination “entreprises communes” (“joint ventures”), même s’il ne s’agit en réalité que d’accords d’achat de capacité ».

121 Au point 102 de la communication des griefs, la Commission ajoutait ce qui suit :

« [l]a plupart des fournisseurs de services de [fret] opèrent à l’échelle mondiale. Le transport aérien est généralement exécuté sur une longue distance et les marchandises sont souvent transportées d’un continent vers un autre. Le marché du [fret] est mondial. La plupart des fournisseurs de services de [fret] exploitent un réseau de liaisons sur lesquelles ils offrent des services réguliers dans les deux sens. D’une manière générale, ils offrent des services en provenance et à destination de plusieurs aéroports dans leur région d’origine et un large éventail d’aéroports dans d’autres parties du monde. Par le biais d’accords passés avec d’autres transporteurs, ils peuvent également offrir des services de fret aérien en provenance et à destination d’aéroports que leurs propres avions ne desservent pas ou pour du fret pour lequel ils n’ont pas de capacité disponible ».

122 Par ailleurs, toute différence invoquée par la requérante entre la décision du 9 novembre 2010 et la décision attaquée est dénuée de pertinence. En effet, dans le cadre du présent moyen seule importe la question de savoir si les éléments en cause ont été portés ou non à l’attention de la requérante au cours de la procédure administrative.

123 En outre, dans la mesure où la requérante reproche à la Commission de ne l’avoir pas mise en mesure, en l’absence de nouvelle communication des griefs, de réagir à l’abandon des griefs à l’égard des transporteurs non incriminés, il suffit de rappeler que lorsque, comme en l’espèce, la Commission abandonne l’ensemble des griefs retenus contre certaines sociétés initialement impliquées dans la procédure concernée, elle ne saurait être tenue de permettre aux sociétés finalement destinataires de sa décision de faire connaître leur point de vue sur cet abandon, dès lors que la communication aux intéressés d’un complément de griefs et, partant, la faculté laissée à ceux-ci de faire valoir leur point de vue le concernant ne s’imposent que dans le cas où la Commission est amenée à mettre à la charge des entreprises concernées des actes nouveaux ou à modifier sensiblement les éléments de preuve des infractions contestées (arrêt du 9 octobre 2014, ICF/Commission, C‑467/13 P, non publié, EU:C:2014:2274, point 36).

124 Enfin, dès lors que, dans la décision attaquée, la Commission ne retient pas à l’encontre de la requérante l’intention de cette dernière de retirer sa demande de clémence, il n’y avait pas lieu pour la Commission de l’entendre au préalable à ce sujet.

125 Au regard de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

2. Sur le deuxième moyen, tiré, en substance, d’un défaut de motivation quant à la portée de l’infraction unique et continue

126 La requérante fait valoir, en substance, que la décision attaquée est entachée de trois « défauts de motivation » en tant qu’elle tient les transporteurs implantés à l’extérieur de l’EEE pour responsables du comportement du « noyau » de l’entente litigieuse sur des liaisons qu’ils n’étaient pas en mesure de desservir.

127 Ces défauts tiennent, le premier, à la constatation d’une infraction unique et continue « dans le monde entier », le deuxième, à la définition de la nature et de la portée de l’infraction unique et continue et, le troisième, à l’omission de la Commission de corriger la contradiction à l’origine de l’annulation de la décision du 9 novembre 2010.

128 Il convient d’examiner ces trois griefs successivement.

a) Sur la constatation d’une infraction unique et continue « dans le monde entier »

129 La requérante avance que la Commission n’a pas motivé à suffisance sa constatation d’une infraction unique et continue « dans le monde entier ». Au stade de la réplique, la requérante ajoute que la Commission n’a aucunement justifié la constatation factuelle d’une « entente mondiale ».

130 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

131 À cet égard, il convient de rappeler que le principe de protection juridictionnelle effective est un principe général du droit de l’Union aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Ce principe, qui correspond, dans le droit de l’Union, à l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, exige que le dispositif d’une décision par laquelle la Commission constate des violations aux règles de concurrence soit particulièrement clair et précis et que les entreprises tenues pour responsables et sanctionnées soient en mesure de comprendre et de contester l’attribution de cette responsabilité et l’imposition de ces sanctions, telles qu’elles ressortent des termes dudit dispositif (voir arrêt du 16 décembre 2015, Martinair Holland/Commission, T‑67/11, EU:T:2015:984, point 31 et jurisprudence citée).

132 C’est, en effet, par le dispositif de ses décisions que la Commission indique la nature et l’étendue des infractions qu’elle sanctionne. S’agissant précisément de la portée et de la nature des infractions sanctionnées, c’est ainsi en principe le dispositif, et non les motifs, qui importe. C’est uniquement dans le cas d’un manque de clarté des termes utilisés dans le dispositif qu’il convient de l’interpréter en ayant recours aux motifs de la décision (voir arrêt du 16 décembre 2015, Martinair Holland/Commission, T‑67/11, EU:T:2015:984, point 32 et jurisprudence citée).

133 En l’espèce, il y a d’emblée lieu d’observer que, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission n’a pas conclu, dans le dispositif de la décision attaquée, à l’existence d’une infraction de dimension mondiale. La référence à la coordination du comportement des transporteurs incriminés « en matière de tarification pour la fourniture de services de fret […] dans le monde entier » dans le paragraphe introductif de l’article 1er de cette décision n’est qu’un constat de faits que la Commission a qualifiés aux paragraphes 1 à 4 du même article d’infraction aux règles de concurrence applicables sur les liaisons dont elle a estimé qu’elles relevaient, aux périodes en cause, de sa compétence (voir points 93 et 94 ci-dessus).

134 Le dispositif de la décision attaquée ne prêtant pas au doute, c’est donc uniquement à titre surabondant que le Tribunal ajoute que les motifs de la décision attaquée confortent cette conclusion. Ces motifs font ainsi référence, d’une part, à une infraction aux règles de concurrence applicables dont la portée géographique est limitée à des types de liaisons déterminés (considérants 1146 et 1187) et, d’autre part, à une « entente mondiale » (considérants 74, 112, 832 et 1300), de « caractère mondial » (considérant 887) ou « mise en œuvre mondialement » (considérant 1046).

135 Le considérant 1210 de la décision attaquée déroge, il est vrai, à la règle, en ce qu’il fait référence à « la portée géographique de l’infraction [qui] était mondiale ». Il y a cependant lieu de constater que le contexte dans lequel s’inscrit cette référence isolée à une infraction mondiale tend à démontrer qu’il s’agit d’une simple erreur de plume et qu’il faut lire « la portée géographique de l’entente [litigieuse] était mondiale ». En effet, ladite référence est suivie des phrases suivantes :

« Aux fins de déterminer la gravité de l’infraction, cela signifie que l’entente [litigieuse] couvrait l’ensemble de l’EEE et la Suisse. Cela inclut les services de fret […] sur les liaisons dans les deux directions entre des aéroports situés dans l’EEE, entre des aéroports situés dans l’Union et des aéroports situés en dehors de l’EEE, entre des aéroports situés dans l’Union et des aéroports situés en Suisse et entre des aéroports situés sur le territoire de parties contractantes à l’EEE qui ne sont pas des États membres et des aéroports situés dans des pays tiers. »

136 Il ne saurait donc être soutenu que la décision attaquée comporte le constat de l’existence d’une infraction unique et continue « dans le monde entier ». À plus forte raison, il ne saurait être soutenu qu’un tel constat est insuffisamment motivé.

137 Pour ce qui est de l’argument avancé au stade de la réplique, tiré du défaut de justification du constat d’une « entente mondiale », il convient de relever qu’il n’est pas fondé. Ce constat est, en effet, amplement motivé. La Commission a ainsi indiqué que l’entente litigieuse « fonctionnait sur une base mondiale » (considérant 832 de la décision attaquée). La Commission a expliqué que l’entente litigieuse était fondée sur un réseau complexe de contacts, principalement bilatéraux, entretenus dans plusieurs endroits dans le monde et à divers niveaux au sein des entreprises concernées (considérants 109 et 1300 de ladite décision). Selon la Commission, les « arrangements de l’entente [litigieuse] étaient, dans de nombreux cas, organisés au niveau central » et appliqués localement par le personnel local (considérant 1046 de ladite décision). Il s’agissait, selon la Commission, de permettre au personnel local d’adapter aux conditions locales les mesures d’application générale, « à toutes les liaisons, au niveau mondial », qu’étaient les surtaxes et le refus de paiement de commissions (considérants 876, 889 et 890 et note en bas de page no 1323 de ladite décision).

138 La requérante n’est donc pas fondée à soutenir que la Commission est restée en défaut de justifier le constat d’une « entente mondiale ».

139 Par ailleurs, pour autant qu’il faille comprendre l’argumentation en ce sens que la Commission n’a pas établi le constat du caractère mondial des trois composantes de l’infraction unique et continue, il convient de relever qu’elle n’est pas fondée, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité. La Commission a, en effet, fondé ce constat sur des éléments qui doivent être considérés comme étant d’autant plus nombreux qu’il est usuel que les activités que les accords anticoncurrentiels comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation qui y est afférente soit réduite au minimum (voir arrêt du 16 février 2017, H&R ChemPharm/Commission, C‑95/15 P, non publié, EU:C:2017:125, point 39 et jurisprudence citée).

140 Ainsi, pour ce qui est des surtaxes, la Commission a rassemblé différents éléments de preuve, dont plusieurs sont cités à titre d’exemple à la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, qui étayent à suffisance sa conclusion tenant à l’applicabilité générale des surtaxes « à toutes les liaisons, au niveau mondial ».

141 D’une part, s’agissant de la STC, il convient notamment de relever que le considérant 140 de la décision attaquée fait référence à un courriel interne de Swiss, dans lequel il est indiqué qu’AF « prélèvera, au niveau mondial, une [STC] de 0,10 EUR/0,10 USD par kg », que KLM « fera exactement la même chose » et que Lufthansa « va dans le même sens, mais n’a pas encore confirmé ce point à l’heure actuelle ». Aussi, au considérant 162 de la décision attaquée, il est fait état d’un échange de courriels entre Lufthansa et Japan Airlines du 27 septembre 2000 dans lequel il est indiqué que Lufthansa Cargo compte appliquer un certain montant de STC « au niveau mondial », tandis que, au considérant 210 de cette décision, il est renvoyé à la déclaration de clémence de Martinair, selon laquelle cette dernière a eu des contacts avec plusieurs transporteurs sur la mise en œuvre d’une STC mondiale.

142 De même, dans la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, il est fait état d’annonces d’augmentation ou de diminution de la STC ou de la STS qui faisaient référence à une application mondiale de ces surtaxes, laquelle « ne se limitait pas à une liaison spécifique ».

143 D’autre part, s’agissant de la STS, il convient de constater que, au considérant 608 de la décision attaquée, la Commission a mentionné un courriel dans lequel British Airways explique à Lufthansa vouloir introduire une « taxe de manutention exceptionnelle » dans le monde entier. Aussi, au considérant 666 de cette décision, la Commission a fait référence au compte rendu d’une réunion du 30 mars 2004 du comité exécutif du sous-comité cargo (ci-après le « SCC ») du Board of Airline Representatives (Association des représentants des compagnies aériennes, ci-après le « BAR ») à Hong Kong. Il ressort de ce compte rendu que le montant de la STS au départ de Hong Kong serait fondé sur l’« élément de référence mondial ».

144 Pour ce qui est du refus de paiement de commissions, il est vrai que la Commission n’a pas, dans la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, cité d’exemple spécifique d’éléments de preuve qui tendraient à étayer son applicabilité générale, « à toutes les liaisons, au niveau mondial ».

145 Cependant, d’une part, il convient de constater que, dans la mesure où les surtaxes étaient généralement applicables « à toutes les liaisons, au niveau mondial », il était vraisemblable que le refus de paiement de commissions l’était également. En effet, au considérant 879 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le refus de paiement de commissions et les deux autres composantes de l’infraction unique et continue étaient complémentaires en ce qu’il avait « permis de soustraire les surtaxes à la concurrence liée à la négociation de commissions (en réalité des ristournes sur les surtaxes) avec les clients ».

146 D’autre part, il importe de souligner que la Commission a, ailleurs qu’à la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, fait état d’éléments de preuve tendant à étayer l’applicabilité, « à toutes les liaisons, au niveau mondial », du refus de paiement de commissions. Ainsi, au considérant 679 de la décision attaquée, la Commission a fait état d’un courriel interne relatif au refus de paiement de commissions dans lequel le responsable en chef du fret de Swiss a demandé à ses directeurs régionaux de « participer aux réunions locales du BAR chaque fois que cela appara[issai]t pertinent ». De même, au considérant 683 de la décision attaquée, la Commission mentionne un mémorandum interne adressé aux directeurs des ventes de fret de CPA, dans lequel il est indiqué que « tant que les conditions locales le permettent, C[PA] devrait adopter une approche et une réponse communes à la question [des demandes de commission sur les surtaxes] » et « devrait donc envisager de suivre tout rejet d’une telle demande ou d’une telle revendication de commission, ainsi que toute autre action y afférente pouvant être coordonnée par vos associations de [transporteurs] locales ».

147 La Commission a d’ailleurs apporté des éléments de preuve tendant à démontrer qu’une telle coordination s’était produite dans de nombreux pays à travers le monde, dont Hong Kong (considérant 503 de la décision attaquée), la Confédération suisse (considérant 692 de cette décision), l’Italie (considérants 694 à 698 de ladite décision), la France (considérant 699 de ladite décision), l’Espagne (considérant 700 de la même décision), l’Inde (considérant 701 de la décision en cause) et les États-Unis (considérant 702 de la décision en cause).

148 Le présent grief doit en conséquence être rejeté.

b) Sur la définition de la nature et de la portée de l’infraction unique et continue

149 La requérante soutient que la Commission n’a pas défini de manière suffisamment détaillée la nature et la portée de l’infraction unique et continue. La requérante soulève deux arguments à l’appui de cette thèse, relatifs, le premier, à la motivation insuffisante de la portée géographique et temporelle de l’infraction unique et continue et, le second, à la motivation insuffisante de différentes références et allégations figurant dans la décision attaquée.

1) Sur la portée géographique et temporelle de l’infraction unique et continue

150 La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir expliqué comment elle a pu commettre une infraction dite « mondiale » couvrant, d’une part, les liaisons intra-EEE et Union-Suisse, qu’elle ne pouvait pas exploiter, et, d’autre part, les liaisons EEE sauf Union-pays tiers, sur lesquelles aucune preuve n’aurait été retenue à son encontre. Ce faisant, la Commission se fonderait, au demeurant, sur une « idée de culpabilité présumée […] contraire à la présomption d’innocence » et ignorerait le « principe élémentaire de compétence territoriale tel qu’appliqué dans d’autres secteurs ».

151 La Commission entretiendrait la confusion entre les deux notions distinctes d’infraction unique et continue et d’entente mondiale. Ce que recouvre le terme d’« infraction mondiale » serait difficile à cerner et il serait difficile de comprendre comment la Commission peut valablement constater l’existence d’une seule infraction censée violer trois dispositions différentes. Une infraction ne pourrait être établie ratione temporis et ratione loci qu’en se référant à des interdictions juridiques dont le champ d’application est, par définition, limité. L’utilisation des termes « entente » ou « entente mondiale » ne saurait se substituer à un examen de la portée territoriale et temporelle de l’infraction unique et continue.

152 Or, le « caractère radical, inédit et profondément inouï » de la théorie sous-tendant le recours à la notion d’entente mondiale aurait exigé une motivation rigoureuse et détaillée.

153 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

154 Il convient d’emblée de relever que, comme il ressort des points 131 à 136 ci-dessus, la Commission ni n’entretient la confusion entre les notions d’« entente mondiale » et d’infraction unique et continue ni n’a constaté l’existence d’une « infraction mondiale ».

155 Pour autant que la requérante ait simplement entendu faire valoir que la Commission n’a pas motivé à suffisance le constat d’une infraction unique et continue à trois dispositions distinctes et englobant des liaisons qu’elle ne pouvait pas desservir ou dont il n’est pas prouvé qu’elle les desservait pendant la période infractionnelle, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 296 TFUE et de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte, les décisions adoptées par la Commission doivent être motivées.

156 La motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 147).

157 Le respect de l’obligation de motivation doit être apprécié en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées par celui-ci au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE et de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 150, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, point 45).

158 Il ressort du paragraphe introductif de l’article 1er de la décision attaquée et de ses considérants 74, 107, 112, 832, 887, 1046, et 1300 que l’enquête de la Commission a révélé l’existence d’une entente de dimension mondiale entre le 7 décembre 1999 et le 14 février 2006. Au considérant 889, la Commission a constaté que la STC et la STS avaient vocation à être appliquées à « toutes les liaisons, au niveau mondial ». Aux considérants 814 à 832 de cette décision, la Commission a exposé les règles de concurrence pertinentes et a expliqué qu’elles avaient chacune un champ d’application ratione loci et ratione temporis qui leur était propre. La Commission a notamment relevé que l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE s’appliquaient, respectivement, aux liaisons intra-Union et intra-EEE pendant toute la période infractionnelle, mais n’étaient devenus applicables, respectivement, aux liaisons Union-pays tiers que le 1er mai 2004 et aux liaisons EEE sauf Union-pays tiers que le 19 mai 2005. Quant à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, la Commission a indiqué qu’il s’appliquait aux liaisons Union-Suisse depuis le 1er juin 2002.

159 C’est ainsi que la Commission a retenu que les transporteurs incriminés avaient commis une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons intra-EEE entre le 7 décembre 1999 et le 14 février 2006, à l’article 101 TFUE sur les liaisons Union-pays tiers entre le 1er mai 2004 et le 14 février 2006, à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers entre le 19 mai 2005 et le 14 février 2006 et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien sur les liaisons Union-Suisse entre le 1er juin 2002 et le 14 février 2006.

160 Dans ces conditions, il était aisé pour la requérante de comprendre pourquoi la Commission a constaté l’existence d’une infraction unique et continue à trois dispositions distinctes et au Tribunal d’exercer son contrôle.

161 Pour ce qui est des motifs pour lesquels la Commission a tenu la requérante pour responsable de l’infraction unique et continue sur des liaisons qu’elle ne pouvait prétendument pas desservir ou dont il ne serait pas établi qu’elle les aurait desservies pendant la période infractionnelle, aux considérants 862 à 868 de la décision attaquée, la Commission a exposé la jurisprudence relative à la notion d’infraction unique et continue. En particulier, aux considérants 865 à 868 de cette décision, elle a rappelé qu’une entreprise pouvait, sous certaines conditions, être tenue pour responsable d’une infraction unique et continue dans son ensemble quand bien même elle n’aurait pas participé directement à « tous [s]es éléments constitutifs ». Au considérant 895 de ladite décision, la Commission a réitéré ce principe en réponse à un argument de British Airways et de la requérante, qui soutenaient ne pas avoir été au courant de l’existence d’une « conspiration plus large ».

162 Aux considérants 869 à 902 et à l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a conclu à l’existence d’une infraction unique et continue, englobant la totalité des contacts litigieux, qu’ils aient ou non eu lieu à l’intérieur de l’EEE, et des liaisons concernées, qu’elles soient entrantes, sortantes ou internes à l’Union/EEE. Elle a notamment retenu, au considérant 879 de cette décision, que les contacts litigieux visaient à « la réalisation de l’objectif unique poursuivi par les responsables, dans le cadre d’un plan global ».

163 Au considérant 878 de la décision attaquée, la Commission a observé que tous les transporteurs incriminés avaient « été impliqués dans des communications et la concertation au sujet de la STC et [que] plusieurs d’entre eux l’[avaie]nt été en ce qui concerne la STS et le [refus de] paiement de commissions ». Au considérant 882 de cette décision, elle a précisé que la requérante n’avait directement participé qu’aux composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STC et à la STS, mais pouvait également être tenue pour responsables de celle tenant au refus de paiement de commissions, au motif qu’elle en avait connaissance ou pouvait raisonnablement la prévoir et était prête à en accepter le risque.

164 Il ressort des réponses de la Commission aux arguments de la requérante et de British Airways aux considérants 894 à 897 de la décision attaquée que ce n’est pas pour autant qu’elle a considéré que la requérante avait directement participé à l’ensemble des activités anticoncurrentielles qui relevaient des composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STC et à la STS.

165 Dans ces conditions, compte tenu également de la jurisprudence constante selon laquelle la portée de l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne se limite pas aux entreprises actives sur le marché concerné par les restrictions de la concurrence ou sur les marchés situés en amont, en aval ou voisins de ce dernier ni à celles qui limitent leur autonomie de comportement sur un marché donné en vertu d’un accord ou d’une pratique (voir arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, points 34 et 35 et jurisprudence citée), il était aisé pour la requérante de comprendre – et pour le Tribunal de contrôler – que c’est au motif que la requérante entendait contribuer au plan global poursuivant l’objectif anticoncurrentiel commun décrit aux considérants 872 à 876 de la décision attaquée et avait la connaissance (prouvée ou présumée) des comportements infractionnels des autres transporteurs incriminés auxquels elle n’a pas directement participé que la Commission lui a imputé la responsabilité de l’infraction unique et continue, y compris en tant qu’elle concernait les liaisons intra-Union et Union-Suisse.

166 Le présent argument doit donc être rejeté.

2) Sur les considérants 887 à 890 de la décision attaquée

167 La requérante soutient que ne satisfont pas aux critères rigoureux d’une motivation suffisante différentes références et allégations figurant aux considérants 887 à 890 et à la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée. Il s’agirait des références au caractère « mondial » de l’entente litigieuse et des allégations selon lesquelles, premièrement, les contacts litigieux avaient lieu en parallèle et concernaient les mêmes transporteurs, deuxièmement, les « surtaxes n[’étaient] pas spécifiques à une liaison » et, troisièmement, des contacts concernant les liaisons que les transporteurs concernés ne pouvaient desservir étaient « pertinents pour établir l’existence de l’infraction unique et continue ».

168 La requérante ajoute que la Commission reste en défaut d’utiliser le concept de « complémentarité » pour expliquer en quoi des contacts entre des transporteurs implantés à l’extérieur de l’EEE, qui étaient légaux et concernaient parfois des liaisons entre pays tiers, pourraient valablement être considérés comme prouvant une collusion sur des liaisons intra-EEE ou, avant le 1er mai 2004, sur des liaisons EEE-pays tiers.

169 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

170 Il convient d’emblée de constater que l’argumentation de la requérante est susceptible de deux interprétations.

171 La première est que la requérante estime que les éléments retenus aux considérants 887 à 890 de la décision attaquée ne suffisent pas à expliquer pourquoi la Commission a prêté au comportement litigieux la portée géographique et temporelle décrite dans la décision attaquée, auquel cas il suffit de renvoyer aux points 131 à 138 et 154 à 165 ci-dessus.

172 La seconde est que la requérante considère que plusieurs références et allégations figurant aux considérants 887 à 890 de la décision attaquée sont, en elles-mêmes, insuffisamment motivées. Dans ce cas, tout d’abord, il convient de rappeler que, comme il ressort des points 137 à 138 ci-dessus, la Commission a exposé à suffisance les motifs pour lesquels elle a conclu au caractère « mondial » de l’entente litigieuse. Pour les motifs retenus aux mêmes points, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir insuffisamment motivé le constat figurant au considérant 889 de la décision attaquée selon lequel les « surtaxes n[’étaient] pas spécifiques à une liaison ».

173 Ensuite, il convient de constater que les allégations selon lesquelles les contacts litigieux avaient lieu en parallèle et concernaient les mêmes transporteurs se fondent sur les appréciations figurant aux considérants 880 à 883 de la décision attaquée, qui permettent à la requérante d’en comprendre – et au Tribunal d’en contrôler – le bien-fondé.

174 Enfin, pour ce qui est des motifs pour lesquels la Commission a pris en compte des contacts concernant des liaisons que les transporteurs concernés ne pouvaient desservir, il suffit d’observer qu’ils sont exposés en détail aux considérants 112 et 888 à 890 et aux notes en bas de page nos 1323 à 1328 de la décision attaquée. Pour autant que la requérante conteste le bien-fondé de ces motifs, il suffit de relever que ses arguments ne se rapportent pas au respect de l’obligation de motivation (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, EU:C:2001:178, point 35), qui seul fait l’objet du présent moyen.

175 S’agissant de l’omission alléguée de la Commission d’invoquer le concept de « complémentarité » pour expliquer en quoi des contacts entre des transporteurs implantés à l’extérieur de l’EEE pouvaient valablement être considérés comme prouvant une collusion sur des liaisons intra-EEE ou sur des liaisons EEE-pays tiers avant le 1er mai 2004, il convient de relever que la requérante se méprend.

176 L’existence de liens de complémentarité entre les différents agissements en cause, en ce sens que chacun d’entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence et contribuent, par l’intermédiaire d’une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique, peut constituer un indice objectif confortant l’existence d’un plan d’ensemble visant à la réalisation d’un objectif anticoncurrentiel unique (voir, en ce sens, arrêts du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, EU:T:2010:165, point 92 et jurisprudence citée, et du 16 septembre 2013, Masco e.a./Commission, T‑378/10, EU:T:2013:469, points 22, 23 et 32 et jurisprudence citée).

177 Toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, il n’est pas nécessaire, aux fins de qualifier différents agissements d’infraction unique et continue, de vérifier s’ils présentent de tels liens. La notion d’« objectif unique » implique seulement qu’il doit être vérifié s’il n’existe pas d’éléments caractérisant les différents comportements faisant partie de l’infraction qui soient susceptibles d’indiquer que les comportements matériellement mis en œuvre par d’autres entreprises participantes ne partagent pas le même objet ou le même effet anticoncurrentiel et ne s’inscrivent, par conséquent, pas dans un « plan d’ensemble » en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Duravit e.a./Commission, C‑609/13 P, EU:C:2017:46, point 121 et jurisprudence citée).

178 Il s’ensuit que, à la supposer avérée, l’omission alléguée de la Commission d’établir un lien de complémentarité entre les contacts litigieux entre des transporteurs implantés à l’extérieur de l’EEE et les autres contacts litigieux n’est pas, à elle seule, de nature à entacher la décision attaquée d’un défaut de motivation.

179 En tout état de cause, il convient de relever que l’argumentation de la requérante manque en fait. Certes, la Commission n’a pas expressément examiné l’existence de liens complémentarité entre les contacts litigieux entre des transporteurs implantés à l’extérieur de l’EEE et les autres contacts litigieux dans le cadre de son examen de la nature unique de l’infraction unique et continue. La Commission s’est, en effet, dans ce cadre, concentrée sur l’examen des liens de complémentarité entre les surtaxes et le refus de paiement de commissions (considérant 879 de la décision attaquée). Il ne saurait, cependant, être reproché à la Commission de ne pas avoir dans ce cadre expressément examiné l’existence de tels liens entre toutes les différentes catégories et sous-catégories de contacts possibles et imaginables. C’est d’autant plus vrai que la Commission a, ailleurs dans la décision attaquée, exposé les motifs pour lesquels de tels liens existaient entre les contacts litigieux entre des transporteurs établis à l’extérieur de l’EEE et les autres contacts litigieux, et qu’elle a notamment retenu au sujet de la coordination relative aux liaisons entrantes que l’application uniforme des surtaxes à une échelle mondiale était un élément clé de l’entente litigieuse (considérant 1046 de la décision attaquée).

180 Il s’ensuit que le présent argument doit être rejeté et, partant, le présent grief dans son ensemble.

c) Sur la contradiction à l’origine de l’annulation de la décision du 9 novembre 2010

181 La requérante fait valoir que la Commission a omis de corriger la contradiction qui a conduit à l’annulation de la décision du 9 novembre 2010. En effet, la partie de la décision attaquée relative aux amendes continuerait à évoquer plusieurs infractions distinctes, alors que le dispositif n’en vise plus qu’une.

182 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

183 À cet égard, il convient de rappeler que le Tribunal a retenu ce qui suit au point 60 de l’arrêt du 16 décembre 2015, Air Canada/Commission (T‑9/11, non publié, EU:T:2015:994) :

« Il y a donc lieu de constater l’existence d’une contradiction entre les motifs de la décision attaquée, qui décrivent une seule infraction unique et continue, relative à toutes les liaisons couvertes par l’entente [litigieuse], à laquelle tous les transporteurs incriminés auraient participé, et le dispositif de ladite décision, qui constate soit quatre infractions uniques et continues distinctes soit une seule infraction unique et continue dont la responsabilité ne serait imputée qu’aux transporteurs qui, sur les liaisons visées par les articles 1er à 4 de la décision attaquée, auraient directement participé aux comportements infractionnels visés par chacun desdits articles ou auraient eu connaissance d’une collusion sur ces liaisons dont ils acceptaient le risque ».

184 Dans la décision attaquée, la Commission a entendu résoudre cette contradiction en retenant, à son article 1er, une seule infraction unique et continue relative à l’ensemble des liaisons concernées et dont la responsabilité a été imputée à l’ensemble des transporteurs incriminés.

185 La requérante ne saurait déduire des motifs figurant dans la partie de la décision attaquée relative à l’amende que cette contradiction perdure néanmoins. Aux considérants 1214, 1215, 1216 et 1217 de la décision attaquée, la Commission s’est penchée sur la « durée de l’infraction en ce qui concerne le transport aérien entre les aéroports situés dans l’EEE », la « durée de l’infraction en ce qui concerne le transport aérien entre les aéroports situés sur le territoire de l’U[nion] et les aéroports implantés dans les pays situés en dehors de l’EEE (à l’exception de la Suisse) », la « durée de l’infraction en ce qui concerne les liaisons entre les aéroports situés dans l’U[nion] et la Suisse » et « la durée de l’infraction en ce qui concerne le transport aérien entre les aéroports des parties contractantes à l’accord EEE qui ne sont pas des États membres et les aéroports situés dans les pays tiers ».

186 Or, dans la partie de la décision attaquée relative à l’amende, la Commission se réfère systématiquement à « l’infraction » pour désigner l’infraction unique et continue (voir, notamment, considérants 1177, 1179, 1204 et 1207). Il en résulte que la référence à « l’infraction » aux considérants 1214 à 1217 désigne, non quatre infractions distinctes, mais l’infraction unique et continue en tant qu’elle se rapporte à différents types des liaisons, lesquels tombent dans le champ d’application ratione loci et ratione temporis de différentes dispositions. Il y a donc lieu de conclure que, comme le relève à juste titre la Commission dans le mémoire en défense, ces considérants indiquent simplement que les accords et pratiques litigieux violaient différentes dispositions sur différents types de liaisons pendant des périodes différentes.

187 Il s’ensuit que la contradiction alléguée n’existe pas. Le présent grief ne peut donc qu’être rejeté ainsi, en conséquence, que le présent moyen dans son ensemble.

3. Sur le quatrième moyen, tiré du défaut de compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, d’une part, sur les liaisons entrantes et, d’autre part, sur les liaisons Union-pays tiers avant le 1er mai 2004 et sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers avant le 19 mai 2005

188 Dans le cadre du présent moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir outrepassé les limites de sa compétence, ce que la Commission conteste.

189 Ce moyen s’articule, en substance, en deux branches, prises, la première, d’un défaut de compétence tenant à la prise en compte des éléments de preuve afférents aux liaisons Union-pays tiers et EEE sauf Union-pays tiers, respectivement, avant le 1er mai 2004 et avant le 19 mai 2005, et, la seconde, d’un défaut de compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes.

190 Le Tribunal estime qu’il est opportun d’examiner la seconde branche du présent moyen avant la première.

a) Sur la seconde branche, prise d’un défaut de compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes

191 La requérante reproche à la Commission de s’être déclarée compétente pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes. La requérante invoque trois griefs à l’appui de cette thèse. Ces griefs sont déduits, en substance, le premier, de l’interprétation erronée du règlement (CE) no 411/2004 du Conseil, du 26 février 2004, abrogeant le règlement (CEE) no 3975/87 et modifiant le règlement (CEE) no 3976/87 ainsi que le règlement no 1/2003, en ce qui concerne les transports aériens entre la Communauté et les pays tiers (JO 2004, L 68, p. 1), le deuxième, de l’application erronée du critère de la mise en œuvre et, le troisième, de l’application erronée du critère des effets qualifiés.

1) Sur le premier grief, déduit d’une erreur dans l’interprétation du règlement no 411/2004

192 En se référant aux considérants 2 et 3 du règlement no 411/2004, la requérante fait valoir que l’application de l’article 101 TFUE aux services de fret sur les liaisons à la fois sortantes et entrantes est compréhensible en ce qui concerne le transport aérien de passagers. Ces services impliqueraient, en effet, quasiment toujours un vol retour. À l’inverse, le fret serait par nature unidirectionnel.

193 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

194 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 103, paragraphe 1, TFUE investit le Conseil de l’Union européenne de la compétence d’arrêter les règlements ou directives utiles en vue de l’application des principes figurant aux articles 101 et 102 TFUE.

195 En l’absence d’une telle réglementation, les articles 104 et 105 TFUE s’appliquent et imposent, en substance, aux autorités des États membres l’obligation d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE et limitent les pouvoirs de la Commission en la matière à la faculté d’instruire, sur demande d’un État membre ou d’office, et en liaison avec les autorités compétentes des États membres qui lui prêtent leur assistance, les cas d’infraction présumée aux principes fixés par ces dispositions et, le cas échéant, de proposer les moyens propres à y mettre fin (arrêt du 30 avril 1986, Asjes e.a., 209/84 à 213/84, EU:C:1986:188, points 52 à 54 et 58).

196 Le 6 février 1962, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article [103 TFUE], le règlement no 17, premier règlement d’application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 1962, 13, p. 204).

197 Toutefois, le règlement no 141 du Conseil, du 26 novembre 1962, portant non-application du règlement no 17 du Conseil au secteur des transports (JO 1962, 124, p. 2751), a soustrait l’ensemble du secteur des transports à l’application du règlement no 17 (arrêt du 11 mars 1997, Commission/UIC, C‑264/95 P, EU:C:1997:143, point 44). Dans ces conditions, en l’absence d’une réglementation telle que celle prévue à l’article 103, paragraphe 1, TFUE, les articles 104 et 105 TFUE sont initialement demeurés applicables aux transports aériens (arrêt du 30 avril 1986, Asjes e.a., 209/84 à 213/84, EU:C:1986:188, points 51 et 52).

198 La conséquence en a été une répartition des compétences entre les États membres et la Commission pour l’application des articles 101 et 102 TFUE telle que celle décrite au point 195 ci-dessus.

199 Ce n’est qu’en 1987 que le Conseil a adopté un règlement concernant le transport aérien au titre de l’article 103, paragraphe 1, TFUE. Il s’agit du règlement (CEE) no 3975/87 du Conseil, du 14 décembre 1987, déterminant les modalités d’application des règles de concurrence applicables aux entreprises de transports aériens (JO 1987, L 374, p. 1), qui a conféré à la Commission le pouvoir d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE aux transports aériens internationaux entre des aéroports au sein de l’Union, à l’exclusion des transports aériens internationaux entre les aéroports d’un État membre et ceux d’un pays tiers (arrêt du 11 avril 1989, Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro, 66/86, EU:C:1989:140, point 11). Ces derniers sont demeurés assujettis aux articles 104 et 105 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission, T‑128/98, EU:T:2000:290, point 55).

200 L’entrée en vigueur, en 1994, du protocole 21 de l’accord EEE concernant la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises (JO 1994, L 1, p. 181) a étendu ce régime à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues par l’accord EEE, excluant ainsi que la Commission puisse appliquer les articles 53 et 54 de l’accord EEE aux transports aériens internationaux entre les aéroports des États parties à l’EEE qui ne sont pas membres de l’Union et ceux de pays tiers.

201 Le règlement no 1/2003 et la décision du Comité mixte de l’EEE no 130/2004, du 24 septembre 2004, modifiant l’annexe XIV (Concurrence), le protocole 21 (concernant la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises) et le protocole 23 (concernant la coopération entre les autorités de surveillance) de l’accord EEE (JO 2005, L 64, p. 57), qui a par la suite incorporé ce règlement à l’accord EEE, ont initialement laissé intact ce régime. L’article 32, sous c), dudit règlement prévoyait, en effet, que ce dernier « ne s’appliqu[ait] pas aux transports aériens entre les aéroports de [l’Union] et des pays tiers ».

202 Le règlement no 411/2004, dont l’article 1er a abrogé le règlement no 3975/87 et dont l’article 3 a supprimé l’article 32, sous c), du règlement no 1/2003, a conféré à la Commission le pouvoir d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE aux liaisons Union-pays tiers à compter du 1er mai 2004.

203 La décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005, du 11 mars 2005, modifiant l’annexe XIII (Transports) et le protocole 21 (concernant la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises) de l’accord EEE (JO 2005, L 198, p. 38), a incorporé le règlement no 411/2004 à l’accord EEE, conférant à la Commission le pouvoir d’appliquer les articles 53 et 54 de l’accord EEE aux liaisons EEE sauf Union-pays tiers à compter du 19 mai 2005.

204 Dans la présente affaire, les parties s’opposent, en substance, sur la question de savoir si la portée du règlement no 411/2004 et de la décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005 s’étend aux services de fret entrants.

205 À cet égard, tout d’abord, il convient d’observer que, le règlement no 411/2004 ayant abrogé le règlement no 3975/87 et supprimé l’article 32, sous c), du règlement no 1/2003, il n’existe plus de base textuelle expresse qui serait de nature à justifier que les services de fret entrants demeurent exclus du régime institué par le règlement no 1/2003 et restent ainsi assujettis au régime prévu aux articles 104 et 105 TFUE.

206 Ensuite, rien dans le libellé ou l’économie générale du règlement no 411/2004 ne permet de considérer que le législateur aurait entendu maintenir l’exclusion des services de fret entrants du champ d’application du règlement no 1/2003. Au contraire, tant l’intitulé que les considérants 1 à 3, 6 et 7 du règlement no 411/2004 visent expressément les « transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers » sans distinction selon, d’une part, qu’ils sont au départ ou à destination de l’Union ou, d’autre part, qu’ils concernent le fret ou le transport de passagers.

207 La finalité du règlement no 411/2004 plaide, elle aussi, en faveur de l’inclusion des services de fret entrants dans le champ d’application dudit règlement. Il ressort, en effet, du considérant 3 de ce règlement que l’extension du champ d’application du règlement no 1/2003 au transport aérien entre l’Union et les pays tiers procède d’un double constat. D’une part, « [l]es pratiques anticoncurrentielles dans le domaine des transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres ». D’autre part, « les mécanismes prévus par [ce dernier règlement] conviennent également à l’application des règles de concurrence aux transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers ». Or, la requérante n’établit ni même n’allègue que les services de fret entrants soient, par leur nature même, insusceptibles d’affecter le commerce entre États membres ou ne se prêtent pas à la mise en œuvre des mécanismes prévus par le même règlement.

208 Enfin, les travaux préparatoires du règlement no 411/2004 confirment que le législateur de l’Union n’entendait établir de distinction ni entre les liaisons entrantes et les liaisons sortantes ni entre le fret et le transport de passagers. Il ressort ainsi du point 10 de l’exposé des motifs de la proposition de règlement du Conseil abrogeant le règlement no 3975/87 et modifiant le règlement (CEE) no 3976/87 ainsi que le règlement no 1/2003, en ce qui concerne les transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers (COM/2003/0091 final – CNS 2003/0038), que, « [s]i les règles d’application du droit [de l’Union] de la concurrence régissaient également les transports aériens internationaux au départ et à destination de [l’Union], les [transporteurs] bénéficieraient d’un système commun d’application des règles de concurrence au niveau européen et, partant, d’une plus grande sécurité juridique quant à la légalité de leurs accords au regard de ces règles ». Au même point, il est fait référence à la volonté d’« offrir au secteur aérien des conditions de concurrence égales pour l’ensemble des activités de transport aérien ».

209 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, les services de fret entrants relèvent du champ d’application du règlement no 411/2004 et de la décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005. C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission a retenu, au considérant 1041 de la décision attaquée, que l’article 101 TFUE était applicable au transport aérien entre l’Union et les pays tiers « dans les deux sens », les mêmes considérations valant pour l’article 53 de l’accord EEE s’agissant des liaisons EEE sauf Union-pays tiers.

210 Dès lors, le présent grief doit être rejeté.

2) Sur le deuxième et le troisième griefs, tirés, respectivement, d’une erreur dans l’application du critère de la mise en œuvre et d’une erreur dans l’application du critère des effets qualifiés

211 Il convient d’observer que, s’agissant d’un comportement adopté en dehors du territoire de l’EEE, la seule existence de directives ou règlements visés à l’article 103, paragraphe 1, TFUE ne suffit pas à fonder la compétence de la Commission au regard du droit international public pour constater et sanctionner une violation de l’article 101 TFUE ou de l’article 53 de l’accord EEE.

212 Encore faut-il que la Commission puisse établir cette compétence au regard du critère de la mise en œuvre ou au regard du critère des effets qualifiés (voir, en ce sens, arrêts du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 40 à 47, et du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, points 95 à 97).

213 Ces critères sont alternatifs et non cumulatifs (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 98 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 62 à 64).

214 Aux considérants 1043 à 1046 de la décision attaquée, la Commission s’est, comme le reconnaît la requérante, fondée tant sur le critère de la mise en œuvre que sur le critère des effets qualifiés pour établir au regard du droit international public sa compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes.

215 La requérante invoquant une erreur dans l’application de chacun de ces deux critères, le Tribunal estime qu’il est opportun d’examiner d’abord si la Commission était fondée à se prévaloir du critère des effets qualifiés. Conformément à la jurisprudence citée au point 213 ci-dessus, ce n’est que dans la négative qu’il conviendra de vérifier si la Commission pouvait s’appuyer sur le critère de la mise en œuvre.

216 La requérante fait grief à la Commission d’être restée en défaut de prouver que les conditions relatives au critère des effets qualifiés étaient réunies en l’espèce. Elle ne serait pas fondée à soutenir, sans preuve, par voie d’hypothèse et d’affirmation, que l’« entente mondiale » était susceptible d’avoir des effets immédiats et substantiels dans l’EEE dans la mesure où elle s’étendait aux liaisons entrantes. En effet, selon la requérante, la décision attaquée ne prend pas en considération la nature unidirectionnelle des services de fret aérien. La concurrence pour de tels services s’exercerait au point de départ, lequel se situe à l’extérieur de l’EEE quand bien même le lieu de destination se situerait à l’intérieur de l’EEE.

217 Quant à la « réaction en chaîne » évoquée au considérant 1045 de la décision attaquée, il ne serait pas prouvé qu’il s’agit d’effets immédiats, substantiels et prévisibles. Lors de l’audience, la requérante a ajouté que, le client ayant le choix de répercuter ou non en aval un éventuel surcoût, il ne pourrait, par définition, pas être question d’un effet immédiat.

218 Toujours lors de l’audience, la requérante a souligné que la Commission n’avait pas démontré d’effets sur les prix. À l’appui de cet argument, la requérante s’est référée au considérant 917 de la décision attaquée, dont il ressortirait que, s’agissant d’une restriction de concurrence « par objet », la Commission n’a pas examiné les effets anticoncurrentiels de l’infraction unique et continue.

219 La Commission ne serait par ailleurs pas fondée à considérer que l’inclusion dans l’infraction unique et continue des agissements relatifs aux liaisons entrantes la dispense d’établir que ceux-ci avaient un effet immédiat, substantiel et prévisible dans l’EEE.

220 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

221 Dans la décision attaquée, la Commission s’est, en substance, appuyée sur trois motifs autonomes pour retenir que le critère des effets qualifiés était satisfait en l’espèce.

222 Les deux premiers motifs figurent au considérant 1045 de la décision attaquée. Ainsi que la Commission l’a confirmé en réponse aux questions écrites et orales du Tribunal, ces motifs portent sur les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément. Le premier motif tient à ce que les « coûts accrus du transport aérien vers l’EEE et donc les prix plus élevés des marchandises importées [étaie]nt, de par leur nature, susceptibles d’avoir des effets sur les consommateurs au sein de l’EEE ». Le deuxième motif concerne les effets de la coordination relative aux services de fret entrants « également sur la fourniture de services de [fret] par d’autres transporteurs au sein de l’EEE, entre les plateformes de correspondance (“hubs”) dans l’EEE utilisées par les transporteurs de pays tiers et les aéroports de destination de ces envois dans l’EEE qui ne sont pas desservis par le transporteur du pays tiers ».

223 Le troisième motif figure au considérant 1046 de la décision attaquée et concerne, comme il ressort des réponses de la Commission aux questions écrites et orales du Tribunal, les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.

224 Le Tribunal estime qu’il est opportun d’examiner tant les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément que ceux de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble, en commençant par les premiers.

i) Sur les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément

225 Il convient d’examiner d’abord le bien-fondé du premier motif sur lequel se fonde la conclusion de la Commission selon laquelle le critère des effets qualifiés est satisfait en l’espèce (ci-après l’« effet en cause »).

226 À cet égard, il convient de rappeler que, comme il ressort du considérant 1042 de la décision attaquée, le critère des effets qualifiés permet de justifier l’application des règles de concurrence de l’Union et de l’EEE au regard du droit international public lorsqu’il est prévisible que le comportement litigieux produise un effet immédiat et substantiel dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 49 ; voir également, en ce sens, arrêt du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T‑102/96, EU:T:1999:65, point 90).

227 En l’espèce, la requérante conteste tant la pertinence de l’effet en cause (voir points 228 à 244 ci-après) que son caractère prévisible (voir points 246 à 261 ci-après), son caractère substantiel (voir points 262 à 272 ci-après) et son caractère immédiat (voir points 273 à 278 ci-après).

– Sur la pertinence de l’effet en cause

228 Il ressort de la jurisprudence que le fait pour une entreprise participant à un accord ou à une pratique concertée d’être située dans un État tiers ne fait pas obstacle à l’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, dès lors que cet accord ou cette pratique produit ses effets, respectivement, dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin Import, 22/71, EU:C:1971:113, point 11).

229 L’application du critère des effets qualifiés a précisément pour objectif d’appréhender des comportements qui n’ont, certes, pas été adoptés sur le territoire de l’EEE, mais dont les effets anticoncurrentiels sont susceptibles de se faire sentir dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 45).

230 Le critère des effets qualifiés n’exige pas d’établir que le comportement litigieux a produit des effets qui se sont effectivement matérialisés dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE. Au contraire, selon la jurisprudence, il suffit de tenir compte de l’effet probable de ce comportement sur la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 51).

231 Il incombe, en effet, à la Commission d’assurer la protection de la concurrence dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE contre les menaces à son fonctionnement effectif.

232 En présence d’un comportement dont la Commission a, comme en l’espèce, considéré qu’il révélait un degré de nocivité à l’égard de la concurrence dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE tel qu’il pouvait être qualifié de restriction de concurrence « par objet » au sens de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, l’application du critère des effets qualifiés ne saurait pas non plus exiger la démonstration des effets concrets que suppose la qualification d’un comportement de restriction de concurrence « par effet » au sens de ces dispositions.

233 À cet égard, il convient de rappeler que le critère des effets qualifiés est ancré dans le libellé de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, qui tendent à appréhender les accords et les pratiques qui limitent le jeu de la concurrence, respectivement, dans le marché intérieur et au sein de l’EEE. Ces dispositions interdisent, en effet, les accords et les pratiques des entreprises qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, respectivement, « à l’intérieur du marché intérieur » et « à l’intérieur du territoire couvert par [l’accord EEE] » (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 42).

234 Or, il est de jurisprudence constante que l’objet et l’effet anticoncurrentiel sont des conditions non pas cumulatives, mais alternatives pour apprécier si un comportement relève des interdictions énoncées aux articles 101 TFUE et 53 de l’accord EEE (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 28 et jurisprudence citée).

235 Il en résulte que, comme l’a relevé la Commission au considérant 917 de la décision attaquée, la prise en considération des effets concrets du comportement litigieux est superflue, dès lors que l’objet anticoncurrentiel de ce dernier est établi (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, p. 496, et du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 55).

236 Dans ces conditions, interpréter le critère des effets qualifiés en ce sens qu’il exigerait la preuve des effets concrets du comportement litigieux même en présence d’une restriction de concurrence « par objet », reviendrait à assujettir la compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE à une condition qui ne trouve pas de fondement dans le texte de ces dispositions.

237 La requérante ne saurait par conséquent valablement reprocher à la Commission d’avoir commis une erreur en retenant que le critère des effets qualifiés était satisfait, alors même que celle-ci avait, aux considérants 917, 1190 et 1277 de la décision attaquée, indiqué ne pas être tenue de procéder à une appréciation des effets anticoncurrentiels du comportement litigieux au vu de l’objet anticoncurrentiel de ce dernier. Elle ne saurait pas davantage déduire de ces considérants que la Commission n’a effectué aucune analyse des effets produits par ledit comportement dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE aux fins de l’application de ce critère.

238 En effet, au considérant 1045 de la décision attaquée, la Commission a considéré, en substance, que l’infraction unique et continue, en tant qu’elle portait sur les liaisons entrantes, était susceptible d’accroître le montant des surtaxes et, en conséquence, le prix total des services de fret entrants et que les transitaires avaient répercuté ce surcoût sur les expéditeurs implantés dans l’EEE, qui avaient dû payer pour les marchandises qu’ils avaient achetées un prix plus élevé que celui qui leur aurait été facturé en l’absence de ladite infraction.

239 Quant à la circonstance, avancée par la requérante, que la concurrence pour les services de fret entrants ne s’exerçait que dans les pays tiers où sont établis les transitaires qui s’approvisionnaient en services de fret entrants auprès des transporteurs incriminés, elle ne permet pas de considérer que le surcoût dont les expéditeurs étaient susceptibles d’avoir dû s’acquitter et le renchérissement des marchandises importées dans l’EEE qui peut en avoir résulté ne comptaient pas parmi les effets produits par le comportement litigieux dont la Commission serait fondée à tenir compte aux fins de l’application du critère des effets qualifiés.

240 À cet égard, il convient de relever que l’application du critère des effets qualifiés doit s’effectuer au regard du contexte économique et juridique dans lequel s’inscrit le comportement en cause (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin Import, 22/71, EU:C:1971:113, point 13).

241 En l’espèce, il ressort des considérants 14, 17 et 70 de la décision attaquée et des réponses des parties aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal que les transporteurs vendent exclusivement ou presque leurs services de fret à des transitaires. Or, s’agissant des services de fret entrants, la quasi-totalité de ces ventes s’effectue au point d’origine des liaisons en cause, à l’extérieur de l’EEE, où sont établis lesdits transitaires. Il ressort, en effet, de la requête et des réponses orales de la requérante à une question écrite du Tribunal que, entre le 1er mai 2004 et le 14 février 2006, elle n’a réalisé aucune de ses ventes de services de fret entrants auprès de clients implantés dans l’EEE.

242 Il convient, cependant, d’observer que, si les transitaires achètent ces services, c’est notamment en qualité d’intermédiaires, pour les consolider dans un lot de services dont l’objet est, par définition, d’organiser le transport intégré de marchandises vers le territoire de l’EEE au nom d’expéditeurs. Ainsi qu’il ressort du considérant 70 de la décision attaquée, ces derniers peuvent notamment être les acheteurs ou les propriétaires des marchandises transportées. Il est donc à tout le moins vraisemblable qu’ils soient établis dans l’EEE.

243 Il s’ensuit que, pour peu que les transitaires répercutent sur le prix de leurs lots de services l’éventuel surcoût résultant de l’entente litigieuse, c’est notamment sur la concurrence que se livrent les transitaires pour capter la clientèle de ces expéditeurs que l’infraction unique et continue, en tant qu’elle concerne les liaisons entrantes, est susceptible d’avoir une incidence et, par suite, c’est dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE que l’effet en cause est susceptible de se matérialiser.

244 En conséquence, le surcoût dont les expéditeurs sont susceptibles d’avoir dû s’acquitter et le renchérissement des marchandises importées dans l’EEE qui peut en avoir résulté comptent parmi les effets produits par le comportement litigieux sur lesquels la Commission était fondée à s’appuyer aux fins de l’application du critère des effets qualifiés.

245 Conformément à la jurisprudence citée au point 226 ci-dessus, la question est donc de savoir si cet effet présente le caractère prévisible, substantiel et immédiat requis.

– Sur le caractère prévisible de l’effet en cause

246 L’exigence de prévisibilité vise à assurer la sécurité juridique en garantissant que les entreprises concernées ne puissent être sanctionnées du fait d’effets qui résulteraient, certes, de leur comportement, mais dont elles ne pouvaient pas raisonnablement s’attendre à ce qu’ils surviennent (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Otis Gesellschaft e.a., C‑435/18, EU:C:2019:651, point 83).

247 Satisfont ainsi à l’exigence de prévisibilité les effets dont les parties à l’entente en cause doivent raisonnablement savoir, dans les limites des choses généralement connues, qu’ils surviendront, par opposition aux effets qui procèdent d’un déroulement parfaitement inhabituel de circonstances et, de ce fait, d’un enchaînement atypique de causes (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, point 42).

248 Or, il ressort des considérants 846, 909, 1199 et 1208 de la décision attaquée qu’il est, en l’espèce, question d’un comportement collusoire de fixation horizontale des prix, dont l’expérience montre qu’il entraîne notamment des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 51).

249 Il ressort également des considérants 846, 909, 1199 et 1208 de la décision attaquée que ce comportement se rapportait à la STC, à la STS et au refus de paiement de commissions.

250 En l’espèce, il était donc prévisible pour les transporteurs incriminés que la fixation horizontale de la STC et de la STS entraînerait l’augmentation du niveau de celles-ci. Comme il ressort des considérants 874, 879 et 899 de la décision attaquée, le refus de paiement de commissions était de nature à renforcer une telle augmentation. Il s’analysait, en effet, en un refus concerté d’octroyer aux transitaires des ristournes sur les surtaxes et tendait ainsi à permettre aux transporteurs incriminés de « maintenir sous contrôle l’incertitude en matière de tarification que la concurrence sur le paiement de commissions [dans le cadre des négociations avec les transitaires] aurait pu créer » (considérant 874 de ladite décision) et de soustraire ainsi les surtaxes au jeu de la concurrence (considérant 879 de cette décision).

251 Or, il ressort du considérant 17 de la décision attaquée que le prix des services de fret se compose des tarifs et de surtaxes, dont la STC et la STS. Sauf à considérer qu’une augmentation de la STC et de la STS serait, par un effet de vases communicants suffisamment probable, compensée par une baisse correspondante des tarifs et d’autres surtaxes, une telle augmentation était en principe de nature à entraîner une augmentation du prix total des services de fret entrants. Or, la requérante s’étant contentée de procéder par affirmation, il ne saurait être considéré qu’un effet de vases communicants était probable au point de rendre imprévisible l’effet en cause.

252 Dans ces conditions, les parties à l’entente litigieuse auraient raisonnablement pu prévoir que l’infraction unique et continue aurait, pour effet, en tant qu’elle concernait les services de fret entrants, une augmentation du prix des services de fret sur les liaisons entrantes.

253 La question est donc de savoir s’il était prévisible pour les transporteurs incriminés que les transitaires répercuteraient un tel surcoût sur leurs propres clients, à savoir les expéditeurs.

254 À cet égard, il ressort des considérants 14 et 70 de la décision attaquée que le prix des services de fret constitue un intrant pour les transitaires. Il s’agit là d’un coût variable, dont l’accroissement a, en principe, pour effet d’augmenter le coût marginal au regard duquel les transitaires définissent leurs propres prix.

255 La requérante n’apporte aucun élément démontrant que les circonstances de l’espèce étaient peu propices à la répercussion en aval, sur les expéditeurs, du surcoût résultant de l’infraction unique et continue sur les liaisons entrantes.

256 Dans ces conditions, il était raisonnablement prévisible pour les transporteurs incriminés que les transitaires répercuteraient un tel surcoût sur les expéditeurs par le truchement d’une augmentation du prix des services de transit.

257 Or, comme il ressort des considérants 70 et 1031 de la décision attaquée, le coût des marchandises dont les transitaires organisent généralement le transport intégré au nom des expéditeurs intègre le prix des services de transit et notamment celui des services de fret, qui en sont un élément constitutif.

258 Au regard de ce qui précède, il était donc prévisible pour les transporteurs incriminés que l’infraction unique et continue aurait pour effet, en tant qu’elle portait sur les liaisons entrantes, une augmentation du prix des marchandises importées.

259 Pour les motifs retenus au point 242 ci-dessus, il était tout aussi prévisible pour les transporteurs incriminés que, comme il ressort du considérant 1045 de la décision attaquée, cet effet se produise dans l’EEE.

260 L’effet en cause ayant relevé du cours normal des choses et de la rationalité économique, il n’était au demeurant nullement nécessaire pour elle d’opérer sur le marché de l’importation de marchandises ou de leur revente en aval pour pouvoir le prévoir.

261 Il y a donc lieu de conclure que la Commission a établi à suffisance que l’effet en cause revêtait le caractère prévisible requis.

– Sur le caractère substantiel de l’effet en cause

262 L’appréciation du caractère substantiel des effets produits par le comportement litigieux doit s’effectuer au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes de l’espèce. Parmi ces circonstances figurent notamment la durée, la nature et la portée de l’infraction. D’autres circonstances, telles que l’importance des entreprises ayant participé à ce comportement, peuvent aussi être pertinentes (voir, en ce sens, arrêts du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, point 159, et du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 112).

263 Lorsque l’effet examiné tient à une augmentation du prix d’un bien ou d’un service fini dérivé du service cartellisé ou qui le contient, la proportion du prix du bien ou du service fini que représente le service cartellisé peut également entrer en ligne de compte.

264 En l’espèce, au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes, il convient de considérer que l’effet en cause, tenant à l’accroissement du prix des marchandises importées dans l’EEE, présente un caractère substantiel.

265 En effet, en premier lieu, il ressort du considérant 1146 de la décision attaquée que la durée de l’infraction unique et continue s’élève à 21 mois pour autant qu’elle concernait les liaisons Union-pays tiers et à 8 mois pour autant qu’elle concernait les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Il ressort des considérants 1215 et 1217 de cette décision que telle était aussi la durée de la participation de l’ensemble des transporteurs incriminés, à l’exception de Lufthansa Cargo et de Swiss.

266 En deuxième lieu, s’agissant de la portée de l’infraction, il ressort du considérant 889 de la décision attaquée que la STC et la STS étaient des « mesures d’application générale qui n[’étaient] pas spécifiques à une liaison » et qui « avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons, au niveau mondial, y compris sur les liaisons […] à destination de l’EEE ».

267 En troisième lieu, s’agissant de la nature de l’infraction, il ressort du considérant 1030 de la décision attaquée que l’infraction unique et continue avait pour objet de restreindre la concurrence entre les transporteurs incriminés, notamment sur des liaisons EEE-pays tiers. Au considérant 1208 de ladite décision, la Commission a conclu que la « fixation de divers éléments du prix, y compris certaines surtaxes, constitu[ait] l’une des restrictions à la concurrence les plus graves » et a, en conséquence, retenu que l’infraction unique et continue méritait l’application d’un coefficient de gravité situé « en haut de l’échelle » prévue par les lignes directrices de 2006.

268 À titre surabondant, s’agissant de la proportion du prix du service cartellisé dans le bien ou le service qui en est dérivé ou le contient, il convient d’observer que les surtaxes représentaient pendant la période infractionnelle une proportion importante du prix total des services de fret.

269 Il ressort ainsi d’une lettre du 8 juillet 2005 de la Hong Kong Association of Freight Forwarding & Logistics (Association de Hong Kong du transit et de la logistique) au président du SCC du BAR à Hong Kong que les surtaxes représentent une « part très conséquente » du prix total des lettres de transport aérien dont devaient s’acquitter les transitaires.

270 Or, comme il ressort du considérant 1031 de la décision attaquée, le prix des services de fret constituait lui-même un « élément important du coût des marchandises transportées, qui a un impact sur leur vente ».

271 Toujours à titre surabondant, s’agissant de l’importance des entreprises ayant participé au comportement litigieux, il ressort du considérant 1209 de la décision attaquée que la part de marché cumulée des transporteurs incriminés sur le « marché mondial » s’élevait à 34 % en 2005 et était « au moins aussi grande pour les services de fret […] fournis […] sur des liaisons [EEE-pays tiers] », lesquelles comprennent à la fois les liaisons sortantes et les liaisons entrantes. La requérante elle-même réalisait d’ailleurs pendant la période infractionnelle un chiffre d’affaires important sur les liaisons entrantes, d’un montant d’environ 57 000 000 euros en 2005.

272 Il y a donc lieu de conclure que la Commission a établi à suffisance que l’effet en cause présentait le caractère substantiel requis.

– Sur le caractère immédiat de l’effet en cause

273 L’exigence d’immédiateté des effets produits par le comportement litigieux vise le lien de causalité entre le comportement en cause et l’effet examiné. Cette exigence a pour objet d’assurer que la Commission ne puisse, pour justifier sa compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, se prévaloir de tous les effets possibles, ni des effets très éloignés qui pourraient résulter de ce comportement à titre de conditio sine qua non (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, points 33 et 34).

274 La causalité immédiate ne saurait toutefois se confondre avec une causalité unique qui exigerait de constater de manière systématique et absolue la rupture du lien de causalité lorsqu’un tiers a contribué à la survenance des effets en cause (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, points 36 et 37).

275 En l’espèce, l’intervention des transitaires, dont il était prévisible que, en toute autonomie, ils répercuteraient sur les expéditeurs le surcoût dont ils avaient dû s’acquitter, est, certes, de nature à avoir contribué à la survenance de l’effet en cause. Toutefois, cette intervention n’était pas, à elle seule, de nature à rompre la chaîne de causalité entre le comportement litigieux et ledit effet et, ainsi, à le priver de son caractère immédiat.

276 Au contraire, lorsqu’elle n’est pas fautive, mais découle objectivement de l’entente en cause, selon le fonctionnement normal du marché, une telle intervention ne rompt pas la chaîne de causalité (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2005, CD Cartondruck/Conseil et Commission, T‑320/00, non publié, EU:T:2005:452, points 172 à 182), mais la poursuit (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, point 37).

277 Or, en l’espèce, la requérante n’établit, ni même n’allègue que la prévisible répercussion du surcoût sur les expéditeurs implantés dans l’EEE serait fautive ou étrangère au fonctionnement normal du marché.

278 Il s’ensuit que l’effet en cause présente le caractère immédiat requis.

279 Il résulte de ce qui précède que l’effet en cause présente le caractère prévisible, substantiel et immédiat requis et que le premier motif sur lequel la Commission s’est appuyée pour conclure que le critère des effets qualifiés était satisfait est fondé. Il y a donc lieu de constater que la Commission pouvait, sans commettre d’erreur, retenir que ledit critère était satisfait s’agissant de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément, sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé du second motif retenu au considérant 1045 de la décision attaquée.

ii) Sur les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble

280 Il convient d’emblée de rappeler que rien n’interdit d’apprécier si la Commission dispose de la compétence nécessaire pour appliquer, dans chaque cas, le droit de la concurrence de l’Union au regard du comportement de l’entreprise ou des entreprises en cause, pris dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 50).

281 Selon la jurisprudence, l’article 101 TFUE est susceptible de s’appliquer à des pratiques et à des accords servant un même objectif anticoncurrentiel, dès lors qu’il est prévisible que, pris ensemble, ils auront des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieur. Il ne saurait en effet être permis aux entreprises de se soustraire à l’application des règles de concurrence de l’Union en combinant plusieurs comportements poursuivant un objectif identique, dont chacun, pris isolément, n’est pas susceptible de produire un effet immédiat et substantiel dans ledit marché, mais qui, pris ensemble, sont susceptibles de produire un tel effet (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 106).

282 La Commission peut ainsi fonder sa compétence pour appliquer l’article 101 TFUE à une infraction unique et continue telle qu’elle a été constatée dans la décision litigieuse sur les effets prévisibles, immédiats et substantiels de celle-ci dans le marché intérieur (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 105).

283 Ces considérations valent, mutatis mutandis, pour l’article 53 de l’accord EEE.

284 Or, au considérant 869 de la décision attaquée, la Commission a qualifié le comportement litigieux d’infraction unique et continue, y compris en tant qu’il concernait les services de fret entrants. Dans la mesure où la requérante conteste cette qualification en général et le constat de l’existence d’un objectif anticoncurrentiel unique tendant à entraver la concurrence au sein de l’EEE sur laquelle elle se fonde, ses arguments seront examinés dans le cadre du cinquième moyen, qui se rapporte à cette question.

285 Au considérant 1046 de la décision attaquée, la Commission a, comme il ressort de ses réponses aux questions écrites et orales du Tribunal, examiné les effets de cette infraction prise dans son ensemble. Elle a ainsi notamment retenu que son enquête avait révélé une « entente mise en œuvre mondialement », dont les « arrangements […] concernant les liaisons entrantes faisaient partie intégrante de l’infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE ». Elle a ajouté que l’« application uniforme des surtaxes à une échelle mondiale était un élément clé de l’entente [litigieuse] ». Comme l’a indiqué la Commission en réponse aux questions écrites du Tribunal, l’application uniforme des surtaxes s’intégrait dans une stratégie d’ensemble visant à neutraliser le risque que les transitaires puissent contourner les effets de cette entente en optant pour des liaisons indirectes qui ne seraient pas assujetties à des surtaxes coordonnées pour acheminer des marchandises du point d’origine au point de destination. La raison en est, comme il ressort du considérant 72 de la décision attaquée, que le « facteur temps est moins important pour le transport de [fret] que pour le transport de passagers », si bien que le fret « peut être acheminé avec un nombre d’escales plus élevé » et que les liaisons indirectes peuvent, en conséquence, se substituer aux liaisons directes.

286 Dans ces conditions, c’est à juste titre que la Commission fait valoir que lui interdire d’appliquer le critère des effets qualifiés au comportement litigieux pris dans son ensemble risquerait de conduire à une fragmentation artificielle d’un comportement anticoncurrentiel global, susceptible d’affecter la structure du marché au sein de l’EEE, en une série de comportements distincts susceptibles d’échapper, en tout ou en partie, à la compétence de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 57).

287 Cette appréciation n’est pas remise en cause par l’argument, invoqué lors de l’audience, selon lequel la Commission est restée en défaut de définir le marché pertinent. Il y a, en effet, lieu de relever que, dans le cadre de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, c’est pour déterminer si un accord est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur qu’il faut définir le marché en cause. L’obligation d’opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne s’impose ainsi à la Commission que lorsque, sans une telle délimitation, il n’est pas possible de déterminer si l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur (voir arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, EU:T:2014:92, point 129 et jurisprudence citée).

288 Or, en l’espèce, la requérante n’allègue pas qu’il était impossible de déterminer si l’infraction unique et continue avait pour objet de restreindre et de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur et était susceptible d’affecter le commerce entre États membres.

289 Il y a donc lieu de considérer que la Commission pouvait, au considérant 1046 de la décision attaquée, examiner les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.

290 Or, s’agissant d’accords et de pratiques, premièrement, qui avaient pour objet de restreindre la concurrence au moins au sein de l’Union, dans l’EEE et en Suisse (considérant 903 de cette décision), deuxièmement, qui réunissaient des transporteurs aux parts de marchés importantes (considérant 1209 de ladite décision) et, troisièmement, dont une partie significative a porté sur des liaisons intra-EEE pendant une période de plus de six ans (considérant 1146 de la même décision), il ne fait guère de doute qu’il était prévisible que, prise dans son ensemble, l’infraction unique et continue produise des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE.

291 Il s’ensuit que la Commission était également fondée à retenir, au considérant 1046 de la décision attaquée, que le critère des effets qualifiés était satisfait s’agissant de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.

292 La Commission ayant ainsi établi à suffisance qu’il était prévisible que le comportement litigieux produirait un effet substantiel et immédiat dans l’EEE, il convient de rejeter le présent grief et, en conséquence, la seconde branche dans son ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner le grief pris d’erreurs dans l’application du critère de la mise en œuvre.

b) Sur la première branche, prise d’un défaut de compétence pour appliquer l’article 101 TFUE aux liaisons Union-pays tiers avant le 1er mai 2004 et l’article 53 de l’accord EEE aux liaisons EEE sauf Union-pays tiers avant le 19 mai 2005

293 La requérante reproche à la Commission d’avoir outrepassé les limites de sa compétence en appliquant implicitement l’article 101 TFUE aux liaisons Union-pays tiers avant le 1er mai 2004 et l’article 53 de l’accord EEE aux liaisons EEE sauf Union-pays tiers avant le 19 mai 2005. La Commission se serait, en effet, appuyée sur des contacts intervenus avant ces dates et afférents à ces périodes pour conclure, aux considérants 719, 720, 882 et 897 de la décision attaquée, que la requérante avait participé à l’infraction unique et continue pour autant qu’elle concerne les liaisons intra-EEE. Ainsi, sur les 36 considérants cités au considérant 719 de la décision attaquée pour imputer à la requérante la responsabilité de la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC, 50 % viseraient des documents concernant la période antérieure au 1er mai 2004 durant laquelle l’article 101 TFUE n’était pas applicable. Ce pourcentage s’élèverait à 89 % pour les neuf considérants invoqués au considérant 720 pour imputer à la requérante la responsabilité de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concerne la STS et à 39 % pour les 41 considérants invoqués au considérant 897 pour conclure à l’implication de la requérante dans une infraction continue.

294 Selon la requérante, ce « tour de passe-passe » a non seulement permis à la Commission de contourner les règles qui restreignaient sa compétence pour appliquer les règles de concurrence aux liaisons avec les pays tiers, mais encore d’invoquer des agissements parfaitement licites (puisque l’article 101 TFUE ne s’appliquait pas à eux) à titre de preuves de l’infraction unique et continue, voire en tant qu’éléments constitutifs d’une infraction sur les liaisons intra-EEE, dont la Commission avait pourtant expressément retenu que la requérante ne pouvait être tenue pour responsable au considérant 1124 de la décision du 9 novembre 2010.

295 La requérante ajoute que c’est de façon inexplicable et inexpliquée que la Commission a conclu dans la décision attaquée que ces contacts licites étaient néanmoins incriminants ou « pertinents » et prouvaient que la requérante avait violé les règles de concurrence concernant des liaisons intra-EEE, alors qu’il lui était interdit d’assurer ou de fournir des services de fret sur ces liaisons.

296 Le caractère illogique de la position de la Commission dans la décision attaquée serait rendu manifeste par le traitement incohérent et discriminatoire accordé à Qantas, qui serait tout comme la requérante un transporteur établi à extérieur à l’EEE. Qantas n’aurait, en effet, pas été tenue pour responsable d’une infraction sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse. La tentative de la Commission d’expliquer cette approche incohérente aux considérants 1064 et 1069 de la décision attaquée serait absurde, ne serait pas corroborée par la jurisprudence et serait, en tout état de cause, incohérente avec l’arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission (T‑456/10, EU:T:2015:296).

297 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

298 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler, à l’instar de la requérante, que la Commission n’est devenue compétente pour constater et sanctionner une violation de l’article 101 TFUE sur les liaisons Union-pays tiers et de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers qu’à compter du 1er mai 2004 et du 19 mai 2005, respectivement (voir points 194 à 203 ci-dessus).

299 En l’espèce, il est constant entre les parties que la Commission n’a, dans le dispositif de la décision attaquée, constaté d’infraction ni sur les liaisons Union-pays tiers avant le 1er mai 2004 ni sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers avant le 19 mai 2005. Ainsi, l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée se limite à constater une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons intra-EEE. L’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée constate, quant à lui, une violation de l’article 101 TFUE sur les liaisons Union-pays tiers à compter du 1er mai 2004. Ce paragraphe n’englobe pas les liaisons Union-Suisse, sur lesquelles la Commission a constaté une infraction à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien à l’article 1er, paragraphe 4, de la décision attaquée.

300 Quant à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, il y a lieu d’observer qu’il ne constate de violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers qu’à compter du 19 mai 2005.

301 Il s’ensuit que la Commission n’a, dans le dispositif de la décision attaquée, constaté aucune violation de l’article 101 TFUE ou de l’article 53 de l’accord EEE sur des liaisons qui, aux périodes en cause, échappaient à sa compétence territoriale.

302 La requérante n’en considère pas moins que la Commission a entaché la décision attaquée d’illégalité en se référant à des contacts relatifs à des liaisons qui, aux périodes en cause, échappaient prétendument à sa compétence territoriale pour constater une violation des dispositions pertinentes sur des liaisons qui relevaient de sa compétence. Pour ce qui est des contacts que la Commission a retenus pour lui imputer la responsabilité des composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STC et à la STS, la requérante cite, respectivement, 20 considérants (considérants 135, 145, 161, 173, 174, 181, 182, 218, 231, 234, 249, 255, 272, 274, 279, 283, 291, 292, 303 et 313) et huit considérants (considérants 585, 591, 594, 609, 612, 636, 660 et 665). La requérante relève aussi que la Commission s’est appuyée, au considérant 897 de la décision attaquée, sur plusieurs de ces considérants pour conclure qu’elle discutait de questions de tarification avec de nombreuses parties et savait que de telles questions étaient discutées entre les transporteurs. Enfin, il y a lieu de constater que, bien que la requérante invoque, dans le cadre de la présente branche, la conclusion à laquelle la Commission est arrivée, au considérant 882 de la décision attaquée, s’agissant de la connaissance qu’elle avait des discussions des autres transporteurs concernant le refus de paiement de commissions, aucun des contacts cités par la requérante comme échappant à la compétence de la Commission n’est utilisé pour appuyer cette conclusion.

303 Parmi les considérants en cause, il y a lieu de constater que le considérant 181 de la décision attaquée ne décrit pas, à proprement parler, un contact qui serait susceptible d’échapper à la compétence de la Commission. Audit considérant, la Commission s’est, en effet, contentée de décrire l’Air Cargo Council of Switzerland (Conseil du Fret Aérien Suisse, ci-après l’« ACCS ») et le rôle qu’il a joué dans l’entente litigieuse à compter du début de l’année 2001.

304 Il convient aussi de relever que les éléments du dossier n’étayent pas entièrement l’interprétation du contenu des autres contacts visés au point 302 ci-dessus (ci-après les « contacts contestés ») que la requérante a défendue devant le Tribunal. Il y a ainsi lieu d’observer que plusieurs de ces contacts impliquaient des employés établis dans l’EEE et que la Commission pouvait considérer qu’ils portaient, à tout le moins en partie, sur des liaisons qui relevaient de la compétence de la Commission (considérants 135, 173, 174, 274, 279, 313, 591 et 609).

305 Ainsi, premièrement, aux considérants 135, 313, 591 et 609 de la décision attaquée, il est fait état de plusieurs contacts auxquels ont participé tant des transporteurs établis dans l’EEE que des transporteurs établis à l’extérieur de l’EEE. Au considérant 135 de cette décision, la Commission cite un contact qui a débuté par un courriel de SAS à l’attention de Lufthansa, de trois autres transporteurs et de la requérante. Dans ce courriel, tout en faisant part de ses hésitations, SAS interrogeait ses interlocuteurs sur leur intention d’introduire une STC dans la mesure où le cours du carburant avait franchi le seuil dit de déclenchement fixé par l’IATA dans un projet de résolution tendant à introduire une STC. En réponse, l’un des transporteurs en cause fit part de son accord avec SAS, Lufthansa indiquant pour sa part ce qui suit :

« nous hésitons aussi à prendre l’initiative cette fois-ci. Si d’autres, parmi nos gros concurrents, décidaient de le faire, nous suivrions […] ».

306 Au demeurant, il ressort du considérant 144 de la décision attaquée que, moins d’un mois après le contact visé au considérant 135, des discussions ont eu lieu entre le responsable local de SAS en Finlande, qui a notamment en interne demandé « [c]omment évolu[ai]ent les choses chez L[ufthansa] cette fois-ci », et trois autres transporteurs incriminés au sujet de l’introduction de la STC.

307 Au considérant 313 de la décision attaquée, il est fait référence à un courriel du 4 décembre 2003 par lequel Lufthansa a envoyé à plusieurs autres transporteurs en Allemagne, dont la requérante, AF, Cargolux, KLM et Martinair, son annonce d’augmentation de la STC du même jour. De même, le considérant 591 de cette décision concerne un courriel interne d’un autre transporteur dans lequel il est fait état de contacts avec plusieurs transporteurs, dont la requérante, Lufthansa et British Airways. Quant au considérant 609 de ladite décision, il décrit un courriel du 11 octobre 2001 par lequel le directeur local de CPA en France a informé plusieurs transporteurs, dont la requérante, AF, British Airways, Lufthansa, KLM et Martinair, que son siège lui avait donné pour instruction de suivre le transporteur national en ce qui concerne la STS.

308 Or, s’agissant de contacts impliquant plusieurs transporteurs établis dans l’EEE, au vu de l’applicabilité générale des surtaxes constatée au considérant 889 de la décision attaquée et en l’absence d’éléments concrets tendant à indiquer que les liaisons intra-EEE étaient exclues de la discussion, il ne saurait être considéré qu’il était question des seuls liaisons EEE-pays tiers.

309 Deuxièmement, la « réunion amicale » du 22 janvier 2001 décrite aux considérants 173 et 174 de la décision attaquée a notamment porté sur la mise en œuvre de la STC. Il ressort d’un mémorandum interne d’une employée de Martinair au sujet de cette réunion, tel que résumé au considérant 174 de la décision attaquée, que « [Lufthansa] devait réduire le niveau de la STC au 1er février 2001, tandis que [Cargolux, Swiss, KLM, British Airways et un autre transporteur] maintenaient le niveau de la STC ».

310 La requérante avance, certes, que ladite réunion se composait, en réalité, de plusieurs réunions distinctes et consécutives, dont chacune portait sur une zone différente, elle-même n’ayant assisté qu’à celle concernant les liaisons « nord atlantique ». Il y a, cependant, lieu d’observer que la requérante ne démontre aucunement que sa participation à ladite réunion était à ce point limitée et que, à l’instar des autres transporteurs invités, elle comptait parmi les destinataires d’une invitation dans laquelle il était, plus généralement, question de « discuter du marché ».

311 Troisièmement, au considérant 274 de la décision attaquée, il est fait état d’un courriel du 17 février 2003 par lequel Lufthansa a transféré à plusieurs transporteurs, dont la requérante, son annonce d’augmentation de la STC. Or, il ne ressort pas dudit considérant que cette annonce ne concernait pas les liaisons intra-EEE, la requérante n’avançant d’ailleurs aucun élément en ce sens. La circonstance que la requérante ne desservait pas ces liaisons est dépourvue de toute pertinence aux fins de l’appréciation de la compétence de la Commission pour prendre en compte un contact. Cette dernière ne saurait, en effet, dépendre ni de l’intérêt subjectif qu’une entreprise avait à participer audit contact ni des éléments qu’elle a partagés dans le cadre de celui-ci.

312 Quatrièmement, au considérant 279 de la décision attaquée, il est fait état d’un courriel du 10 mars 2003 par lequel Lufthansa a transféré à plusieurs transporteurs, dont la requérante, le communiqué de presse concernant son augmentation de la STC. Or, il y a lieu de constater que plusieurs des destinataires de ce courriel étaient établis dans l’EEE, à savoir AF, Cargolux, KLM, Martinair et SAS. En l’absence d’éléments en sens contraire produits par la requérante, il ne saurait être déduit du contenu du courriel du 10 mars 2003, tel que rapporté au considérant 279 de la décision attaquée, qu’il ne concernait pas les liaisons intra-EEE.

313 En outre, il convient d’observer que les contacts décrits aux considérants 145, 182 et 255 de la décision attaquée, tous intervenus dans le cadre de l’ACCS, sont, pour les deux premiers de ces considérants, antérieurs au 1er juin 2002 et donc à l’entrée en vigueur de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien. En revanche, le dernier d’entre eux est postérieur à cette date et plusieurs des parties à ce contact étaient établis dans l’EEE, à savoir Martinair et un autre transporteur. Pour des motifs analogues à ceux exposés au point 311 ci-dessus, la circonstance que la requérante ne desservait que des liaisons entre la Suisse et les pays tiers et non les liaisons Union-Suisse est dépourvue de toute pertinence aux fins de l’appréciation de la compétence de la Commission.

314 Quant aux contacts contestés restants, il est constant entre les parties qu’ils sont intervenus dans des pays tiers ou, à tout le moins, qu’ils impliquaient des employés locaux des transporteurs incriminés dans ces pays. Il y a, cependant, lieu de relever que rien n’empêchait les transporteurs incriminés de se coordonner ou d’échanger des informations dans de tels pays au sujet d’autres services de fret, notamment intra-EEE. À titre d’illustration, au considérant 296 de la décision attaquée, il est fait état d’un courriel interne du bureau de Qantas à Singapour du 18 février 2003 dans lequel il est fait référence à l’introduction d’une STC d’un certain montant par British Airways « en Europe ». De même, au considérant 206 de la décision attaquée, il est fait état d’un courrier du 19 novembre 2001 dans lequel le président du SCC du BAR à Hong Kong a invité les membres de l’association à « indiquer si [leur] administration centrale a[vait] l’intention de réduire ou de retirer la [STC] dans les marchés d’outremer ».

315 Cela étant posé, il convient de relever que la présente branche serait vouée à l’échec quand bien même les contacts contestés autres que ceux discutés aux points 303 à 312 ci-dessus concerneraient tous exclusivement des liaisons qui, aux périodes en cause, échappaient à la compétence de la Commission.

316 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission peut s’appuyer sur des contacts antérieurs à la période infractionnelle afin de construire une image globale de la situation et ainsi corroborer l’interprétation de certains éléments de preuve (arrêt du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié, EU:T:2008:255, points 427 et 428). Tel est le cas même dans l’hypothèse où la Commission n’est pas compétente pour constater et sanctionner une infraction aux règles de concurrence antérieurement à cette période (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 2006, Bank Austria Creditanstalt/Commission, T‑198/03, EU:T:2006:136, point 89 ; voir également, en ce sens, arrêt du 22 mars 2012, Slovak Telekom/Commission, T‑458/09 et T‑171/10, EU:T:2012:145, points 45 à 52).

317 Dans la partie de la décision attaquée intitulée « [p]rincipes de base et structure de l’entente », au considérant 107, la Commission a indiqué que son enquête avait révélé une entente d’ampleur mondiale fondée sur un réseau de contacts bilatéraux et multilatéraux, qui avaient lieu « à divers niveaux au sein des entreprises concernées […] et ont porté, dans certains cas, sur diverses régions géographiques ».

318 Aux considérants 109, 110, 876, 889 et 1046 et à la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, la Commission a précisé les modalités de fonctionnement de cette organisation à plusieurs niveaux. Selon la Commission, les surtaxes étaient des mesures d’application générale qui n’étaient pas spécifiques à une liaison, mais qui avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons, au niveau mondial. Les décisions concernant les surtaxes étaient généralement prises au niveau des sièges de chaque transporteur. Les sièges des transporteurs étaient ainsi en « contact mutuel » lorsqu’un changement de niveau de surtaxe était imminent. Au niveau local, les transporteurs se coordonnaient, dans le but, d’une part, de mieux exécuter les instructions de leurs sièges respectifs et de les adapter aux conditions de marché et à la réglementation locales et, d’autre part, de coordonner et de mettre en œuvre les initiatives locales. Au considérant 111 de la décision attaquée, la Commission a précisé que les associations locales de représentants de transporteurs ont été utilisées à cette fin, notamment à Hong Kong et en Suisse.

319 Or, les contacts en cause s’inscrivaient précisément dans ce cadre. En effet, premièrement, ces contacts portaient, en tout ou en partie, sur l’instauration et la mise en œuvre des surtaxes en Suisse (considérants 145, 182 et 255), à Hong Kong (considérants 585, 660 et 665) ou au Canada (considérants 161, 218, 234, 249, 272, 291, 292 et 303). Les contacts contestés restants visaient, à tout le moins, l’instauration et la mise en œuvre des surtaxes au départ d’un ou plusieurs pays de l’EEE et à destination d’un ou plusieurs pays tiers (considérants 231, 283, 594, 612 et 636). Deuxièmement, plusieurs des contacts en cause ont soit impliqué des employés du siège de transporteurs incriminés, soit fait état d’instructions de leur part ou de communications avec eux (considérants 182, 231, 585 et 594). Troisièmement, plusieurs de ces contacts, soit reflètent au niveau local des annonces effectuées ou des décisions prises au préalable au niveau central (considérants 182, 249, 255, 291 et 303), soit à tout le moins sont contemporains de discussions entre les sièges ou de décisions prises au niveau de ceux-ci concernant les surtaxes (considérants 145, 161, 585, 594 et 612). Quatrièmement, bon nombre de ces contacts ont eu lieu dans le cadre ou en marge d’associations locales de représentants de transporteurs (considérants 145, 182, 255, 660 et 665).

320 La requérante reste d’ailleurs en défaut de soutenir que ces contacts ne corroboraient pas l’interprétation des autres éléments de preuve retenus aux fins d’établir l’infraction unique et continue et dont il n’est pas allégué qu’ils échappaient à la compétence de la Commission. Au contraire, la requérante soutient expressément que ces contacts sont déterminants et que la Commission n’a pas vérifié si, en leur absence, il existait des preuves relatives à des liaisons intra-EEE suffisantes pour étayer le constat d’une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur des liaisons intra-EEE avant le 1er mai 2004 et le 19 mai 2005, respectivement. À ce sujet, il y a lieu de relever que la Commission décrit, dans la décision attaquée, s’agissant de la STC, les contacts appuyant le constat d’infraction intervenus entre fin 1999 et le printemps 2005 aux points 4.3.4 à 4.3.18 (considérants 133 à 468). S’agissant des contacts afférents à la STS, décrits aux considérants 581 à 674, ils sont intervenus dans leur immense majorité avant le 19 mai 2005, et dans leur grande majorité avant le 1er mai 2004. Ainsi, les contacts invoqués par la requérante représentent une fraction de l’ensemble des contacts sur lesquels la Commission s’est appuyée pour établir l’existence d’une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, respectivement, avant le 1er mai 2004 et le 19 mai 2005, pour les liaisons pour lesquelles elle était compétente et pour les composantes tenant à la STC et à la STS.

321 Par ailleurs, dans la mesure où ces contacts ont été opposés à la requérante aux considérants 717 à 720 de la décision attaquée, ils corroboraient l’interprétation de la Commission d’autres éléments de preuve dont il n’est pas allégué qu’ils échappaient à sa compétence. Ainsi, il convient de citer une série d’éléments de preuve afférents à des contacts intervenus postérieurement au 1er mai 2004 (considérants 358, 394, 411, 446 et 450) et au 19 mai 2005 (considérants 482, 492, 495, 501, 502, 503, 534, 535, 555, 561, 562, 564, 575 et 634).

322 Il s’ensuit que la Commission n’a pas outrepassé les limites de sa compétence en s’appuyant sur les contacts en cause pour construire une image globale de l’entente litigieuse et ainsi corroborer l’interprétation d’autres éléments de preuve qu’elle a retenus.

323 Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’argument de la requérante tiré d’une prétendue discrimination par rapport à Qantas.

324 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement, qui constitue un principe général du droit de l’Union, consacré par l’article 20 de la Charte, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 51 et jurisprudence citée).

325 Or, ainsi qu’il est rappelé au point 15 ci-dessus, Qantas, à la différence des autres transporteurs incriminés, dont la requérante, n’a pas introduit de recours à l’encontre de la décision du 9 novembre 2010. Il s’ensuit que cette décision est devenue définitive à l’égard de ce transporteur.

326 Dès lors, s’il est vrai que, aux termes de la décision du 9 novembre 2010, Qantas ne se voit pas imputer la responsabilité des comportements infractionnels en rapport avec les liaisons intra-EEE et Union-Suisse, alors que, aux termes de la décision attaquée, la requérante est tenue pour responsable de l’infraction unique et continue dans son ensemble, cette situation n’est que le reflet du système des voies de recours, ainsi que le fait observer à juste titre la Commission au considérant 1069 de la décision attaquée.

327 Partant, les situations de Qantas et de la requérante n’étant pas comparables, une discrimination à l’égard de cette dernière ne saurait être établie.

328 La présente branche ne peut donc qu’être écartée, de même que le quatrième moyen dans son ensemble.

4. Sur le moyen, relevé d’office, tiré d’un défaut de compétence de la Commission au regard de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pour constater et sanctionner une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse

329 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union d’examiner d’office le moyen, qui est d’ordre public, tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C‑210/98 P, EU:C:2000:397, point 56).

330 De jurisprudence constante, le juge de l’Union ne peut, en principe, fonder sa décision sur un moyen de droit relevé d’office, fût-il d’ordre public, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations à ce sujet (voir arrêt du 17 décembre 2009, Réexamen M/EMEA, C‑197/09 RX‑II, EU:C:2009:804, point 57 et jurisprudence citée).

331 En l’espèce, le Tribunal estime qu’il lui appartient d’examiner d’office si la Commission a outrepassé les limites de sa propre compétence au titre de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, s’agissant des liaisons EEE sauf Union-Suisse, en constatant, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et a invité les parties à présenter leurs observations à ce sujet dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure.

332 La requérante fait valoir que la référence aux « pays tiers » à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée inclut la Confédération suisse. Cette dernière ne serait, en effet, pas partie à l’accord EEE, dont la violation est constatée audit article. La requérante en déduit que la Commission a, audit article, constaté une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse et a ainsi outrepassé les limites de sa compétence au titre de l’article 11, paragraphe 2, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien et, partant, violé l’article 5, paragraphe 1, TUE et l’article 216, paragraphe 2, TFUE.

333 La Commission répond que la référence, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, aux « liaisons entre aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des aéroports situés dans des pays tiers » ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle inclut les liaisons EEE sauf Union-Suisse. Selon elle, la notion de « pays tiers » au sens de cet article exclut la Confédération suisse.

334 La Commission ajoute que, s’il y avait lieu de considérer qu’elle a tenu la requérante pour responsable d’une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, elle aurait outrepassé les limites que l’article 11, paragraphe 2, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pose à sa compétence.

335 Il y a lieu de déterminer si, comme le soutient la requérante, la Commission a constaté une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE-sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée et, le cas échéant, si elle a ainsi outrepassé les limites de la compétence dont elle est investie au titre de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.

336 À cet égard, il convient de rappeler que, comme il a été relevé au point 132 ci-dessus, c’est le dispositif, et non les motifs, d’une décision qui importe aux fins de déterminer la portée et la nature des infractions sanctionnées.

337 À l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, la Commission a constaté que la requérante avait « enfreint l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons entre aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des aéroports situés dans des pays tiers » du 19 mai 2005 au 14 février 2006. Elle n’a pas expressément inclus dans ces liaisons les liaisons EEE sauf Union-Suisse, ni ne les en a expressément exclues.

338 Il convient donc de vérifier si la Confédération suisse relève des « pays tiers » visés à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée.

339 À cet égard, il convient d’observer que l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée distingue les « pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres » et les pays tiers. Il est vrai que, comme le relève la requérante, la Confédération suisse n’est pas partie à l’accord EEE et compte donc parmi les pays tiers à celui-ci.

340 Il convient, cependant, de rappeler que, compte tenu des exigences d’unité et de cohérence de l’ordre juridique de l’Union, les mêmes termes employés dans un même acte doivent être présumés avoir la même signification.

341 Or, à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, la Commission a retenu une infraction à l’article 101 TFUE sur les « liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE ». Cette notion n’inclut pas les aéroports situés en Suisse, alors même que la Confédération suisse n’est pas partie à l’accord EEE et que ses aéroports doivent dès lors formellement être considérés comme étant « situés en dehors de l’EEE » ou, autrement dit, dans un pays tiers à cet accord. Ces aéroports font l’objet de l’article 1er, paragraphe 4, de la décision attaquée, qui retient une infraction à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien sur les « liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en Suisse ».

342 Conformément au principe rappelé au point 340 ci-dessus, il doit donc être présumé que les termes « aéroports situés dans des pays tiers » employés à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée ont la même signification que les termes « aéroports situés en dehors de l’EEE » employés au paragraphe 2 de cet article et excluent, par suite, les aéroports situés en Suisse.

343 En l’absence de la moindre indication dans le dispositif de la décision attaquée que la Commission aurait entendu donner une signification différente à la notion de « pays tiers » visée à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, il convient de conclure que la notion de « pays tiers » visée à son article 1er, paragraphe 3, exclut la Confédération suisse.

344 Il ne saurait donc être considéré que la Commission a tenu la requérante pour responsable d’une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée.

345 Le dispositif de la décision attaquée ne prêtant pas au doute, c’est donc uniquement à titre surabondant que le Tribunal ajoute que ses motifs ne contredisent pas cette conclusion.

346 Au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les « arrangements anticoncurrentiels » qu’elle avait décrits enfreignaient l’article 101 TFUE du 1er mai 2004 au 14 février 2006 « en ce qui concerne le transport aérien entre des aéroports au sein de l’U[nion] et des aéroports situés en dehors de l’EEE ». Dans la note en bas de page afférente (no 1514), la Commission a précisé ce qui suit : « Aux fins de la présente décision, les “aéroports situés en dehors de l’EEE” désignent les aéroports situés dans des pays autres que la [Confédération s]uisse et les parties contractantes à l’accord EEE ».

347 Il est vrai que, lorsqu’elle a décrit la portée de l’infraction à l’article 53 de l’accord EEE au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission n’a pas fait référence à la notion d’« aéroports situés en dehors de l’EEE », mais à celle d’« aéroports situés dans les pays tiers ». Il ne saurait cependant en être déduit que la Commission a entendu donner une signification différente à la notion d’« aéroports situés en dehors de l’EEE » aux fins de l’application de l’article 101 TFUE et à celle d’« aéroports situés dans des pays tiers » aux fins de l’application de l’article 53 de l’accord EEE. Au contraire, la Commission a utilisé ces deux expressions de manière interchangeable dans la décision attaquée. Ainsi, au considérant 824 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle « n’appliquera[it] pas l’article 101 du TFUE aux accords et pratiques anticoncurrentiels concernant le transport aérien entre les aéroports de l’U[nion] et les aéroports de pays tiers qui ont eu lieu avant le 1er mai 2004 ». De même, au considérant 1222 de cette décision, s’agissant de la cessation de la participation de SAS Consortium à l’infraction unique et continue, la Commission a fait référence à sa compétence au titre de ces dispositions « pour les liaisons entre l’U[nion] et les pays tiers ainsi que les liaisons entre l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein et les pays situés en dehors de l’EEE ».

348 Les motifs de la décision attaquée confirment donc que les notions d’« aéroports situés dans des pays tiers » et d’« aéroports situés en dehors de l’EEE » ont la même signification. Conformément à la clause de définition figurant à la note en bas de page no 1514, il convient dès lors de considérer que toutes deux excluent les aéroports situés en Suisse.

349 Contrairement à ce que soutient la requérante, les considérants 1194 et 1241 de la décision attaquée ne plaident pas pour une autre solution. Certes, au considérant 1194 de cette décision, la Commission a fait référence aux « liaisons entre l’EEE et les pays tiers, à l’exception des liaisons entre l’U[nion] et la Suisse ». De même, au considérant 1241 de cette décision, dans le cadre de la « détermination de la valeur des ventes sur les liaisons avec les pays tiers », la Commission a réduit de 50 % le montant de base pour les « liaisons EEE-pays tiers, à l’exception des liaisons entre l’U[nion] et la Suisse, pour lesquelles [elle] agit sous l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] ». Or, il pourrait être considéré que, comme le relève en substance la requérante, si la Commission a pris le soin d’insérer dans ces considérants la mention « à l’exception des liaisons entre l’Union et la Suisse », c’est qu’elle considérait que la Confédération suisse relevait de la notion de « pays tiers » pour autant qu’il était question des liaisons EEE-pays tiers.

350 La Commission a d’ailleurs admis qu’il était possible qu’elle ait « par inadvertance » inclus dans la valeur des ventes le chiffre d’affaires que certains transporteurs incriminés avaient réalisé sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse pendant la période concernée. Selon elle, la raison en est que, dans une demande d’informations du 26 janvier 2009, concernant certains chiffres d’affaires, elle n’a pas avisé les transporteurs concernés qu’il y avait lieu d’exclure le chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse de la valeur des ventes réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers.

351 Il y a néanmoins lieu de constater, à l’instar de la Commission, que ces éléments concernent exclusivement les recettes à prendre en compte aux fins du calcul du montant de base de l’amende, et non la définition du périmètre géographique de l’infraction unique et continue, dont il est question ici.

352 Le présent moyen doit donc être écarté.

5. Sur le troisième moyen, tiré, en substance, d’erreurs manifestes d’appréciation et de droit dans l’imputation à la requérante de la responsabilité de l’infraction unique et continue sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse

353 Dans le cadre du présent moyen, la requérante soutient, en substance, que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation et de droit en lui imputant la responsabilité de l’infraction unique et continue en tant qu’elle porte sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse. La requérante invoque trois griefs à l’appui de ce moyen.

354 En premier lieu, la requérante fait valoir que la Commission a ignoré qu’il lui était juridiquement impossible de desservir les liaisons intra-EEE et Union-Suisse, même en collaboration avec d’autres transporteurs titulaires d’une licence dans l’EEE ou en Suisse. La requérante n’aurait, en effet, pas disposé des droits de trafic nécessaires pour effectuer à titre onéreux des transports aériens de fret sur ces liaisons et il lui aurait été impossible de les obtenir. Quand bien même elle aurait, à titre exceptionnel, obtenu de tels droits, elle n’aurait pas été en mesure de fournir un service compétitif sur lesdits liaisons et n’aurait donc pas été un concurrent réel ou potentiel sur ces dernières.

355 Au stade de la réplique, la requérante produit plusieurs pièces à l’appui de son argumentation.

356 En deuxième lieu, la requérante avance que la Commission a commis une erreur au considérant 890 de la décision attaquée en appliquant au cas d’espèce l’arrêt du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission (T‑104/13, EU:T:2015:610). Dans cet arrêt, le Tribunal aurait jugé que les obstacles purement commerciaux dont se prévalaient la partie requérante ne constituaient pas des barrières insurmontables à son entrée sur le marché européen et n’étaient, dès lors, pas de nature à exclure tout rapport de concurrence avec les autres parties à l’entente en cause. La présente affaire ne présenterait, cependant, aucune similitude avec les faits ayant donné lieu à cet arrêt. Dans la présente affaire, il aurait été interdit à la requérante de fournir les services en cause, ce qui constituerait la barrière la plus insurmontable qui soit.

357 En troisième lieu, la requérante avance que la Commission ne pourrait prétendre que la requérante exerçait une concurrence potentielle sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse en utilisant les différents types d’accords visés au considérant 890 de la décision attaquée que si elle avait satisfait aux quatre conditions cumulatives suivantes. Il lui aurait ainsi incombé de prouver, premièrement, que la requérante avait obtenu ou aurait pu raisonnablement avoir obtenu les droits de trafic pertinents, deuxièmement, qu’elle pouvait intégrer la ou les liaisons relativement facilement et à bref délai, troisièmement, que l’exercice de ces droits de trafic aurait permis à la requérante de proposer un service aérien compétitif et économiquement viable et, quatrièmement, que de tels arguments avaient été notifiés dans la communication des griefs et que la décision attaquée contenait les motifs les sous-tendant.

358 Or, au considérant 890 de la décision attaquée, la Commission serait restée en défaut de produire la moindre preuve à l’appui de son argument selon lequel aucune barrière insurmontable n’empêchait les transporteurs incriminés de fournir des services de fret sur les liaisons qu’ils n’avaient jamais desservies et ne pouvaient pas légalement desservir. Les renvois aux considérants 16, 68 et 72 seraient de simples références faites en passant à des accords passés avec d’autres transporteurs et qui seraient monnaie courante dans le secteur, à condition toutefois de détenir les droits de trafic nécessaire. Ces considérants ne montreraient en aucun cas qu’un transporteur établi à l’extérieur de l’EEE pourrait lui-même fournir des services bien au-delà des liaisons directes spécifiques qu’il dessert. Quant à la référence aux accords de partage de capacités figurant au considérant 16 de la décision attaquée et aux renvois à ses considérants 178, 192, 205, 232, 244, 391, 632 et 768, ils ne contiendraient aucune information qui pourrait être invoquée au soutien de l’argument exposé au considérant 890 de la même décision.

359 Au stade de la réplique, la requérante avance, en substance, que la Commission ne saurait soutenir qu’il importe peu que la requérante ait ou non été elle-même un concurrent potentiel sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse. Au considérant 112 de la décision attaquée, la Commission se serait, en effet, prévalue de la qualité de concurrents potentiels de plusieurs de ces transporteurs sur lesdites liaisons pour retenir que les contacts qu’ils avaient entretenus dans des pays tiers autres que le leur étaient pertinents pour établir l’existence d’une infraction unique et continue.

360 Quant aux arrêts dont se prévaudrait la Commission à l’appui de cet argument dans le mémoire en défense, ils dépendraient tous des faits propres à chaque espèce et ne dégageraient pas une règle générale. Ils impliqueraient encore moins que la requérante doive être déclarée coupable d’une infraction sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse.

361 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

362 Afin de répondre au présent moyen, il y a lieu, dans un premier temps, de rappeler les principes applicables (voir points 363 à 377 ci-après), dans un deuxième temps, d’identifier les motifs pour lesquels la Commission a imputé à la requérante la responsabilité de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concerne les liaisons intra-EEE et Union-Suisse (voir points 378 et 379 ci-après) et, dans un troisième temps, d’examiner leur bien-fondé (voir points 380 à 385 ci-après).

a) Sur les principes applicables

363 Il convient de rappeler que, comme il ressort du point 233 ci-dessus, l’article 101, paragraphe 1, TFUE interdit tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur.

364 Ainsi, pour tomber sous l’interdiction de principe prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un comportement d’entreprises doit non seulement révéler l’existence d’une collusion entre elles, à savoir un accord entre entreprises, une décision d’association d’entreprises ou une pratique concertée, mais cette collusion doit également affecter défavorablement et de manière sensible le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2012, Expedia, C‑226/11, EU:C:2012:795, points 16 et 17).

365 S’agissant d’accords ou de pratiques concertées entre des entreprises opérant à un même niveau de la chaîne de production ou de distribution, il est donc nécessaire qu’une telle collusion intervienne entre des entreprises se trouvant en situation de concurrence si ce n’est actuelle du moins potentielle.

366 Il convient, cependant, de rappeler que, comme l’a jugé la Cour au point 34 de l’arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission (C‑194/14 P, EU:C:2015:717), l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne concerne pas uniquement les entreprises actives sur le marché concerné par les restrictions de la concurrence. Sa portée ne se limite pas davantage aux entreprises actives sur des marchés situés en amont, en aval ou voisins de ce marché ou à celles qui limitent leur autonomie de comportement sur un marché donné en vertu d’un accord ou d’une pratique concertée.

367 Le texte de l’article 101, paragraphe 1, TFUE se réfère, en effet, de façon générale à tous les accords et les pratiques concertées qui, dans des rapports soit horizontaux, soit verticaux, faussent la concurrence dans le marché intérieur, indépendamment du marché sur lequel les parties sont actives, tout comme du fait que seul le comportement commercial de l’une d’entre elles soit concerné par les termes des arrangements en cause (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 35).

368 Il en résulte qu’une entreprise est susceptible de commettre une violation de l’interdiction de principe prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE lorsque son comportement, tel que coordonné avec celui d’autres entreprises, a pour objet de restreindre la concurrence sur un marché sur lequel elle n’est ni un concurrent réel ni un concurrent potentiel.

369 Ces considérations s’appliquent, mutatis mutandis, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8, paragraphe 1, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.

370 Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne saurait être déduit du point 37 de l’arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission (C‑194/14 P, EU:C:2015:717), que la portée de cet arrêt est limitée aux hypothèses dans lesquelles l’entreprise concernée a joué le « rôle essentiel d’intermédiaire et de modérateur rémunéré » de l’entente en cause. Dans cet arrêt, la Cour s’est, en effet, gardée d’ériger le caractère facilitateur ou essentiel du rôle de l’entreprise concernée au rang de condition d’engagement de sa responsabilité. Elle s’est contentée, aux points 37 à 39 dudit arrêt, de reprendre à son compte un constat factuel que le Tribunal avait opéré en première instance pour répondre à l’argument selon lequel les interventions de la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu au même arrêt constituaient de simples services périphériques, sans relation avec les obligations contractées par les producteurs et les restrictions de concurrence en découlant.

371 Le raisonnement de la Cour se fondait notamment sur la jurisprudence relative à la notion d’infraction unique et continue (arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 30). Selon cette jurisprudence, une telle violation peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, à l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE et à l’article 8, paragraphe 1, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien. Ainsi, lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, du territoire de l’EEE ou du territoire couvert par l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 41 et jurisprudence citée).

372 Une entreprise ayant participé à une telle infraction unique et complexe par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE ou de l’article 8, paragraphe 1, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 42 et jurisprudence citée).

373 Ainsi, une entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, auquel cas la Commission est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de ladite infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle-ci dans son ensemble (arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 43).

374 Il en ressort que trois conditions doivent être réunies afin d’établir la participation à une infraction unique et continue, à savoir l’existence d’un plan global poursuivant un objectif commun, la contribution intentionnelle de l’entreprise concernée à ce plan et le fait qu’elle avait connaissance (prouvée ou présumée) des comportements infractionnels des autres participants auxquels elle n’a pas directement participé (arrêt du 16 juin 2011, Putters International/Commission, T‑211/08, EU:T:2011:289, point 35 ; voir, également, arrêt du 13 juillet 2018, Stührk Delikatessen Import/Commission, T‑58/14, non publié, EU:T:2018:474, point 118 et jurisprudence citée).

375 Même la contribution subordonnée, accessoire ou passive d’une entreprise à la mise en œuvre d’une entente suffit pour lui imputer la responsabilité de comportements anticoncurrentiels mis en œuvre ou envisagés par d’autres entreprises dans la poursuite d’un même objectif anticoncurrentiel et dont elle a une connaissance réelle ou présumée (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2008, AC-Treuhand/Commission, T‑99/04, EU:T:2008:256, points 133 et 134, et du 8 septembre 2010, Deltafina/Commission, T‑29/05, EU:T:2010:355, points 55 et 56).

376 L’existence d’un rapport de concurrence entre les entreprises concernées n’est, en revanche, pas une condition de qualification d’agissements anticoncurrentiels en tant qu’infraction unique et continue ni d’imputation de cette responsabilité. L’interprétation contraire priverait la notion d’« infraction unique et continue » d’une partie de son sens, puisqu’elle disculperait ces entreprises de toute responsabilité indirecte en raison des agissements des entreprises non concurrentes qui, toutefois, contribueraient par leur comportement à l’accomplissement du plan d’ensemble qui est spécifique à l’infraction unique et continue (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Duravit e.a./Commission, C‑609/13 P, EU:C:2017:46, points 124, 137 et 138).

377 Il en résulte que la Commission était en l’espèce habilitée à tenir la requérante pour responsable de composantes de l’infraction unique et continue, dont l’objet était de restreindre la concurrence sur des liaisons qu’elle ne pouvait desservir, pourvu qu’il soit démontré qu’elle entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des transporteurs incriminés et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par ceux-ci dans la poursuite des mêmes objectifs et auxquels elle n’a pas directement participé, ou qu’elle avait pu raisonnablement les prévoir et était prête à en accepter le risque.

b) Sur les motifs pour lesquels la Commission a imputé à la requérante la responsabilité de l’infraction unique et continue en tant qu’elle porte sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse

378 Ainsi qu’il ressort des points 161 à 165 ci-dessus, c’est au motif que la requérante entendait, indépendamment de sa qualité de concurrente potentielle sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse, contribuer au plan global poursuivant l’objectif anticoncurrentiel commun décrit aux considérants 872 à 876 de la décision attaquée et avait la connaissance (prouvée ou présumée) des comportements infractionnels des autres transporteurs incriminés auxquels elle n’a pas directement participé que la Commission lui a imputé la responsabilité de l’infraction unique et continue, y compris en tant qu’elle concernait les liaisons intra-EEE et Union-Suisse.

379 Les références répétées de la requérante au considérant 890 de la décision attaquée ne sont pas de nature à remettre en cause cette conclusion. Il ne saurait, en effet, être déduit de ce considérant que la Commission a entendu imputer à la requérante la responsabilité de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concernait les liaisons intra-EEE et Union-Suisse sur le fondement de sa qualité de concurrente potentielle sur ces dernières. Ledit considérant est le seul auquel la Commission a, en substance, fait référence à l’existence d’une concurrence potentielle entre les transporteurs incriminés sur les liaisons qu’ils ne desservaient pas, ni ne pouvaient directement desservir. Or, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort tant de son libellé que de son objectif et du contexte dans lequel il s’inscrit que ledit considérant ne concerne pas la responsabilité des différents transporteurs incriminés pour l’infraction unique et continue, mais l’existence de cette dernière, que la requérante ne conteste pas dans le cadre du présent moyen. En effet ledit considérant fait expressément référence à l’« existence de l’infraction unique et continue ». Quant aux considérants 112 et 885 à 887 de la décision attaquée, ils indiquent qu’il s’agissait pour la Commission de démontrer que les contacts intervenus dans les pays tiers ou des contacts concernant des liaisons que des transporteurs incriminés ne desservaient pas et ne pouvaient directement desservir étaient pertinents pour établir l’existence de l’infraction unique et continue ou de l’« entente mondiale ».

c) Sur le bien-fondé des motifs pour lesquels la Commission a imputé à la requérante la responsabilité de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concerne les liaisons intra-EEE et Union-Suisse

380 Aux considérants 719 et 720 de la décision attaquée, la Commission a décrit les « nombreux contacts » que la requérante a entretenus avec des concurrents tout au long de la période pendant laquelle elle a participé à l’infraction unique et continue aux fins de « coordonner les prix dans le secteur du fret ». Or, il ressort de ces considérants que la requérante a participé à la concertation relative aux liaisons intra-EEE et Union-Suisse. Il convient, en effet, de constater que plusieurs contacts relatifs à la STC auxquels la requérante a pris part concernaient, à tout le moins en partie, de telles liaisons.

381 Il convient ainsi de mentionner parmi les éléments relevés dans la décision attaquée la « réunion amicale » qui s’est tenue le 22 janvier 2001 dans les locaux de Lufthansa en Allemagne (considérants 173 et 174 de la décision attaquée), plusieurs échanges de courriels au sein de l’ACCS (considérants 255, 501, 502, 534, 535, 561 et 562 de la décision attaquée), plusieurs courriels par lesquels Lufthansa a transmis à la requérante et à d’autres transporteurs une annonce de modification du montant de la STC (considérants 274, 279, 346, 411, 446, 450, 482 et 495 de la décision attaquée) et un courriel qu’Aviainform a transmis à la requérante et à plusieurs autres transporteurs le 22 juillet 2005 (considérant 492 de la décision attaquée).

382 Pour qui est des activités anticoncurrentielles relatives aux liaisons intra-EEE et Union-Suisse auxquelles la requérante n’a pas directement participé, il suffit d’observer qu’elle ne conteste pas, dans le cadre du présent moyen, qu’elle en avait la connaissance requise.

383 Pour autant que la requérante conteste avoir pu sciemment contribuer à la mise en œuvre d’une coordination anticoncurrentielle sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse, il convient de constater que, comme il ressort des considérants 872 à 876 de la décision attaquée, l’infraction unique et continue poursuivait l’objectif anticoncurrentiel unique de restreindre la concurrence entre transporteurs incriminés sur les surtaxes au moins au sein de l’Union, de l’EEE et en Suisse.

384 Or, il ressort de la décision attaquée que la requérante a entendu contribuer à la réalisation de cet objectif par son propre comportement. En effet, la requérante a non seulement encouragé la continuation de l’infraction unique et continue et compromis sa découverte en s’abstenant de se distancier publiquement du contenu des contacts relatifs aux liaisons intra-EEE et Union-Suisse auxquels elle a pris part ou de les dénoncer aux entités administratives compétentes, mais a également, en coordonnant les surtaxes et le refus de paiement de commissions sur les liaisons EEE-pays tiers, contribué à assurer que les transitaires ne puissent contourner le paiement de surtaxes sur des liaisons intra-EEE et Union-Suisse en empruntant des itinéraires alternatifs notamment via le Canada et, par suite, à la réalisation de l’objectif anticoncurrentiel commun identifié aux considérants 872 à 876 de la décision attaquée (voir point 285 ci-dessus).

385 Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a tenu la requérante pour responsable de l’infraction unique et continue en tant qu’elle portait sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse, indépendamment de son éventuelle qualité de concurrente potentielle sur ces liaisons. Le présent moyen doit donc être rejeté, sans qu’il soit besoin d’examiner la recevabilité des pièces produites au stade de la réplique (voir point 355 ci-dessus).

6. Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs tenant à l’imputation à la requérante de la responsabilité de l’infraction unique et continue

386 Dans le cadre du présent moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir commis des erreurs en lui imputant la responsabilité de l’infraction unique et continue. Ce moyen s’articule en trois branches, prises, la première, d’une application erronée de la notion d’infraction unique et continue, la deuxième, de l’omission de la Commission de prouver, au moyen de preuves crédibles, les faits reprochés à la requérante et, la troisième, d’une erreur et d’une violation des droits de la défense tenant au refus de la Commission d’accepter le retrait de sa demande de clémence.

a) Sur la première branche, prise d’une application erronée de la notion d’infraction unique et continue

387 La requérante soutient que la Commission a commis plusieurs graves erreurs d’appréciation et s’est servie de façon abusive de la notion d’infraction unique et continue pour ne pas procéder à une analyse rigoureuse des éléments de preuve au dossier. La Commission aurait omis de distinguer entre les comportements licites et illicites et d’apprécier la crédibilité des déclarations de clémence. La Commission aurait procédé par spéculation et insinuation, restant en défaut de démontrer, par des éléments de preuve crédibles, l’existence, le fonctionnement et les principales caractéristiques de l’entente litigieuse ou que la requérante était associée à une quelconque activité illégale, sans parler d’un plan illégal.

388 Ainsi, d’une part, la Commission se serait abstenue d’examiner si les nombreux éléments apparemment disparates, hétérogènes et parcellaires invoqués dans la décision attaquée révélaient l’existence d’une entreprise illicite commune à laquelle ont participé l’ensemble des transporteurs incriminés. Les réunions et discussions parfaitement légales d’une « organisation professionnelle légitime » en Asie, en Suisse et dans d’autres régions auraient constitué des réponses locales à des conditions locales. Rien ne prouverait l’existence d’une coordination centrale de leurs actes ni, plus généralement, d’un concours de volontés. Quand bien même la Commission aurait prouvé les « comportements collusifs » dont elle aurait retenu qu’ils sont intervenus au sein d’organes professionnels dans des pays tiers, elle aurait à tout le moins dû analyser leurs effets.

389 D’autre part, la Commission aurait logé à la même enseigne les destinataires passifs des courriels non sollicités de Lufthansa et les membres de la « véritable entente », dont la Commission n’a pas identifié les véritables caractéristiques.

390 La Commission conclut au rejet de la présente branche comme étant irrecevable pour défaut de précision et, en tout état de cause, comme n’étant pas fondée.

1) Sur la recevabilité

391 En vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit, notamment, contenir l’objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnances du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, EU:T:1993:39, point 20, et du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T‑154/98, EU:T:1999:109, point 49).

392 Il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 94).

393 Il y a lieu d’observer que la présente branche comporte, en substance, deux parties. La première consiste en un long exposé des principes dont la requérante estime qu’ils régissent l’administration de la preuve et le recours à la notion d’infraction unique et continue. La seconde consiste en une démonstration succincte de la manière dont la Commission a, selon la requérante, violé ces principes dans la décision attaquée.

394 Il est vrai que, comme le relève la Commission, la requérante est restée en défaut d’identifier nommément dans la requête les passages de la décision attaquée dont elle estime qu’ils sont entachés d’une violation de ces principes. Il ressort néanmoins de la requête que, comme l’a confirmé la requérante dans la réplique, ses contestations portent principalement sur les appréciations figurant aux considérants 107 à 112 et 862 à 902 de la décision attaquée. Il s’ensuit que la présente branche est, en tant qu’elle porte sur ces considérants, conforme aux exigences de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

395 Elle ne l’est pas, en revanche, dans la mesure où la requérante soutient qu’il est « difficile, sinon impossible, d’identifier les passages précis de la décision attaquée présentant des insuffisances compte tenu du caractère superficiel de l’analyse toute entière ». En effet, à défaut d’avoir décrit ces prétendues insuffisances avec un degré de précision suffisant ou d’avoir, à tout le moins, inclus dans ses écritures les informations nécessaires à leur identification, la requérante a privé le Tribunal de toute possibilité de les examiner et la Commission de la possibilité de préparer sa défense en connaissance de cause.

396 Dans ces conditions, sous peine de devoir rechercher et identifier lui-même dans le dossier les insuffisances dont la requérante aurait voulu se prévaloir, voire de reconstruire la présente branche en lui donnant une portée qu’elle n’avait pas dans l’esprit de la requérante et de violer ainsi le principe dispositif et les droits de la défense de la Commission [voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2019, Fleig/SEAE, T‑492/17, EU:T:2019:211, point 44 (non publié)], le Tribunal doit circonscrire son examen du bien-fondé de ladite branche aux appréciations figurant aux considérants 107 à 112 et 862 à 902 de la décision attaquée.

2) Sur le fond

397 Il convient d’observer que la présente branche soulève, en substance, trois griefs distincts, qu’il appartient au Tribunal d’examiner successivement. Il s’agit des griefs tirés, premièrement, de l’inclusion erronée dans le périmètre de l’infraction unique et continue de « réponses locales à des conditions locales » et de contacts intervenus au sein d’organisations professionnelles à l’extérieur de l’EEE, deuxièmement, de l’omission alléguée de la Commission de distinguer entre le comportement des participants à la « véritable entente » et celui des autres transporteurs incriminés et, troisièmement, de l’omission alléguée de la Commission d’examiner la crédibilité des différentes déclarations de clémence.

i) Sur l’inclusion erronée dans le périmètre de l’infraction unique et continue de « réponses locales à des conditions locales » et de contacts intervenus au sein d’organisations professionnelles à l’extérieur de l’EEE

398 À titre liminaire, il convient d’observer que, comme en conviennent les parties, l’existence d’un « mécanisme de coordination centrale » n’est pas un élément dont la démonstration est nécessaire aux fins de prouver l’existence de l’infraction unique et continue ou d’établir que tant les contacts intervenus au niveau du siège que les contacts locaux s’inscrivent dans son périmètre.

399 Lors de l’appréciation du caractère unique de l’infraction et de l’existence d’un plan d’ensemble, le fait que les différentes actions des entreprises s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, revêt un caractère déterminant (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2013, Total Raffinage Marketing/Commission, T‑566/08, EU:T:2013:423, points 265 et 266 et jurisprudence citée).

400 En l’espèce, aux considérants 872 à 883 de la décision attaquée, la Commission a retenu six facteurs pour conclure que les composantes tenant à la STC, à la STS et au refus de paiement de commissions relevaient toutes d’une infraction unique. Dans le cadre de l’examen de l’un des facteurs en cause, à savoir l’objet anticoncurrentiel unique, au considérant 876 de cette décision, la Commission a indiqué ce qui suit :

« Bien que dans certains cas, la coordination de la STC et de la STS s[’était] déroulée au niveau local et que des variations locales peuvent avoir existé en ce qui concerne le montant et le calendrier des surtaxes, l’objet est resté identique, à avoir éliminer la concurrence entre les transporteurs en ce qui concerne ces surtaxes […] ».

401 C’est en vain que la requérante rétorque que les contacts locaux retenus dans la décision attaquée ne sont que des « réponses locales à des conditions locales ».

402 Comme il ressort des points 137, 139 à 147, 317 et 318 ci-dessus, les surtaxes et le refus de paiement de commissions étaient des mesures d’application générale, qui avaient pour but d’être appliquées sur toutes les liaisons, au niveau mondial, et dont la mise en œuvre s’opérait dans le cadre d’un système à plusieurs niveaux, central et local, décrit aux considérants 109, 110, 111, 876, 889 et 1046 et à la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée. Il ressort ainsi de ces considérants et de cette note en bas de page que les contacts locaux visaient à mettre en œuvre, au niveau local et souvent via des associations locales de représentants de transporteurs, les orientations dégagées au niveau des sièges.

403 Comme l’a constaté la Commission à la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, les contacts locaux tenaient, certes, compte « des conditions ou de la réglementation des marchés locaux ». Lesdits contacts n’étaient pas pour autant purement incités, motivés ou exigés par la réglementation locale ni ne portaient exclusivement sur des enjeux commerciaux légitimes ou locaux. En effet, d’une part, le personnel local recevait des instructions de son siège au sujet de la mise en œuvre des surtaxes et lui faisait rapport (voir, par exemple, considérants 171, 226, 233, 284, 381, 584 et 594). Il était d’ailleurs contraint par les décisions prises au niveau des sièges. Ainsi, au considérant 237 de la décision attaquée, il est fait état d’un courriel interne dans lequel un employé de Qantas a indiqué que presque tous les transporteurs à Hong Kong avaient fait part de leur intention de suivre CPA, mais que Qantas et plusieurs transporteurs incriminés avaient fait savoir qu’ils devaient demander des instructions à leur administration centrale avant de faire de même. Au considérant 295 de la décision attaquée, il est fait référence au procès-verbal de la réunion du SCC du BAR du 23 janvier 2003 à Singapour, qui indique que les « transporteurs membres ont commenté l’augmentation de l’indice du carburant, mais n’ont pas reçu de leur siège d’instructions les amenant à augmenter la [STC] ». De même, au considérant 414 de la décision attaquée, il est fait référence à un courriel du gestionnaire local de CPA en Belgique, dont il ressort que SIA a « affirmé initialement qu’elle [augmenterait aussi la STC le 1er octobre 2004], mais [que] par la suite, son administration centrale lui a rappelé qu’elle devait opter pour la date du 4 octobre [2004] », laquelle avait préalablement fait l’objet de plusieurs contacts au niveau des sièges (considérants 406, 410 et 411).

404 D’autre part, il ressort de la décision attaquée que la coordination au niveau local faisait souvent immédiatement suite aux annonces faites au niveau des sièges. À titre d’illustration, à la suite de l’annonce de Lufthansa relative à l’introduction de la STC le 28 décembre 1999 (considérant 138), la question a été abordée à Hong Kong les 10, 13 et 19 janvier 2000 (considérants 147 à 149) et en Inde le même mois (considérants 151 et 152). Il en va de même de l’annonce de Lufthansa du 17 février 2003 (considérant 274), suivie le même jour de contacts au Canada (considérant 291) et en Thaïlande (considérant 298) ainsi qu’à Singapour le lendemain (considérant 296). C’est le cas aussi de l’annonce de Lufthansa du 21 septembre 2004 (considérants 409 à 411), suivie le même jour de contacts à Hong Kong (considérant 431) et en Suisse les 23 et 24 septembre 2004 (considérants 426 et 427).

405 Il s’ensuit que la requérante a échoué à démontrer que les contacts locaux ne s’inscrivaient pas, par principe, dans le même « plan d’ensemble » que les autres contacts litigieux, en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence sur le marché intérieur. Dans la mesure où la requérante conteste l’inclusion de contacts locaux spécifiques dans le périmètre de l’infraction unique et continue, ses arguments seront examinés dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen.

406 Quant aux contacts intervenus au sein d’« organisations professionnelles légitimes » à l’extérieur de l’EEE, il y a lieu d’observer que la requérante ne précise pas, dans le cadre de la présente branche, pourquoi elle estime qu’ils étaient « parfaitement légaux ». Si tant est qu’il faille comprendre cet argument en ce sens que ces contacts se rapportaient exclusivement à des liaisons qui échappaient prétendument à la compétence de la Commission, il y a lieu d’observer qu’il a été déjà été examiné et rejeté ci-dessus, dans le cadre de la première branche du quatrième moyen.

407 Si tant est qu’il faille entendre ledit argument en ce sens que la tenue de réunions ou de discussions au sein d’une « organisation professionnelle légitime » est de nature à affecter l’appréciation de sa légalité au regard de l’article 101 TFUE, il convient de constater que la requérante se méprend. Il y a, en effet, lieu de rappeler que, selon ses propres termes, l’article 101 TFUE s’applique à des accords entre entreprises, à des pratiques concertées et à des décisions d’associations d’entreprises. Le cadre juridique dans lequel s’effectue la conclusion de tels accords, se manifestent de telles pratiques concertées et sont prises de telles décisions ainsi que la qualification juridique donnée à ce cadre par les différents ordres juridiques nationaux sont sans incidence sur l’applicabilité des règles de concurrence de l’Union, et notamment de l’article 101 TFUE (arrêt du 19 février 2002, Wouters e.a., C‑309/99, EU:C:2002:98, point 66).

408 Si tant est, enfin, qu’il faille entendre le présent argument en ce sens que les contacts intervenus au sein d’« organisations professionnelles légitimes » à l’extérieur de l’EEE étaient dépourvus d’objet anticoncurrentiel ou ne s’inscrivaient pas dans le cadre de l’infraction unique et continue, il y a lieu de constater qu’il se confond avec la deuxième branche du présent moyen et sera examiné dans ce cadre.

409 Il s’ensuit que la requérante a échoué à démontrer que les contacts intervenus au sein d’associations professionnelles à l’extérieur de l’EEE ne s’inscrivaient pas, par principe, dans le même « plan d’ensemble » que les autres contacts litigieux, en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence sur le marché intérieur. Dans la mesure où la requérante conteste l’inclusion de contacts locaux spécifiques dans le périmètre de l’infraction unique et continue, ses arguments seront examinés dans le cadre de la deuxième branche du présent moyen.

410 Le présent grief ne peut donc qu’être écarté.

ii) Sur l’omission alléguée de la Commission de distinguer entre le comportement des participants à la « véritable entente » et celui des autres transporteurs incriminés

411 Aux fins de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il suffit qu’un accord ou une pratique concertée ait pour objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence, indépendamment de ses effets concrets (voir points 234 et 235 ci-dessus). En conséquence, dans le cas d’accords ou de pratiques concertées se manifestant lors de réunions d’entreprises concurrentes, une infraction à cette disposition est constituée lorsque ces réunions ont un tel objet et visent, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. Dans un tel cas, la responsabilité d’une entreprise déterminée du chef de l’infraction est valablement retenue lorsqu’elle a participé à ces réunions en ayant connaissance de leur objet, même si elle n’a pas, ensuite, mis en œuvre l’une ou l’autre des mesures convenues lors de celles-ci (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 145).

412 Ainsi, pour prouver que cette entreprise a participé à l’infraction, il suffit à la Commission de démontrer qu’elle a participé à des réunions dont l’objet était anticoncurrentiel sans manifester son opposition. C’est alors à ladite entreprise qu’il revient d’avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 81).

413 En revanche, le degré ou la nature de la participation de ladite entreprise à l’infraction n’est pas pertinent aux fins d’établir sa responsabilité et il n’y a lieu de le prendre en considération que lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et de la détermination du montant de l’amende (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 86 et jurisprudence citée).

414 La raison en est que, en ayant participé à de telles réunions sans se distancier publiquement de leur contenu, ladite entreprise a donné à penser aux autres participants qu’elle souscrivait à leur résultat et qu’elle se conformerait à celui-ci. Or, l’approbation tacite d’une initiative illicite, sans se distancier publiquement de son contenu ou la dénoncer aux autorités administratives, a pour effet d’encourager la continuation de l’infraction et compromet sa découverte. Cette complicité constitue un mode passif de participation à l’infraction qui est donc de nature à engager la responsabilité de l’entreprise (arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, points 82 et 84).

415 La circonstance qu’une entreprise ne donne pas suite aux résultats de ces réunions n’est pas de nature à écarter sa responsabilité, à moins qu’elle ne se soit distanciée publiquement de leur contenu (arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 85).

416 Cette jurisprudence s’applique, mutatis mutandis, à l’envoi et à la réception de communications électroniques (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Eturas e.a., C‑74/14, EU:C:2016:42, points 46 à 49).

417 En l’espèce, il convient de constater que la requérante ne conteste pas que l’infraction unique et continue avait pour objet de restreindre la concurrence entre transporteurs en rapport avec l’application des surtaxes (voir, notamment, considérants 879, 903, 909 et 1030 de la décision attaquée).

418 Or, aux considérants 719 et 720 de la décision attaquée, la Commission a cité plusieurs éléments de preuve qui tendaient, selon elle, à indiquer que la requérante avait pendant une période d’environ six ans reçu des courriels et participé à des réunions dont l’objet se rapportait aux surtaxes sans jamais s’en distancier publiquement ni en dénoncer le contenu aux autorités compétentes.

419 Dès lors, à supposer même que la requérante fût fondée à interpréter ces éléments de preuve en ce sens que son rôle dans l’infraction unique et continue était purement passif, il ne saurait être reproché à la Commission de l’avoir tenue pour responsable de l’infraction unique et continue au même titre que les autres transporteurs incriminés dont le rôle aurait été actif ou plus significatif.

420 Tout au plus appartenait-il à la Commission, conformément à la jurisprudence citée au point 413 ci-dessus, d’examiner la nature et le degré de participation de la requérante à l’infraction unique et continue dans le cadre de la fixation du montant de l’amende.

421 Or, c’est précisément ce qu’a fait la Commission aux considérants 1258 et 1259 de la décision attaquée, où elle a opéré une distinction entre les transporteurs incriminés selon leur degré de participation à l’infraction unique et continue dans le cadre de la fixation du montant de l’amende et a accordé à la requérante une réduction de 10 % du montant de base de l’amende à ce titre.

422 Au surplus, il y a lieu d’observer que, comme il ressort du considérant 1247 de la décision attaquée, la requérante n’est pas fondée à soutenir qu’elle s’est cantonnée à un rôle purement passif dans le cadre de l’entente litigieuse. Il ressort, en effet, des considérants 719 et 720 de la décision attaquée que la requérante a elle-même pris contact avec d’autres transporteurs s’agissant de la STC (considérant 161) et communiqué à d’autres transporteurs des informations au sujet du niveau et de la méthodologie de sa STC (voir, notamment, considérants 145, 234, 291, 564 et 575) ainsi qu’au sujet de sa STS (considérant 612).

423 Au regard de ce qui précède, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir omis de distinguer entre le comportement des participants à une prétendue « véritable entente » et celui des autres transporteurs incriminés.

iii) Sur l’omission alléguée de la Commission d’examiner la crédibilité des différentes déclarations de clémence

424 Il est de jurisprudence constante qu’aucune disposition, ni aucun principe général du droit de l’Union n’interdit à la Commission de se prévaloir à l’encontre d’une entreprise incriminée des déclarations d’autres entreprises incriminées. De telles déclarations ne sauraient donc être considérées comme étant dépourvues de valeur probante du seul fait qu’elles ont été effectuées dans le cadre d’une demande de clémence (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, Nynäs Petroleum et Nynas Petróleo/Commission, T‑482/07, non publié, EU:T:2013:437, point 189 et jurisprudence citée).

425 Au contraire, le fait pour une personne d’avouer qu’elle a commis une infraction et d’admettre ainsi l’existence de faits qui dépassent ceux dont l’existence pouvait être déduite de manière directe de documents implique a priori, en l’absence de circonstances particulières de nature à indiquer le contraire, que cette personne a pris la résolution de dire la vérité (voir arrêt du 29 février 2016, Kühne + Nagel International e.a./Commission, T‑254/12, non publié, EU:T:2016:113, point 151 et jurisprudence citée).

426 Une certaine méfiance à l’égard des dépositions volontaires des principaux participants à une entente est certes compréhensible, dès lors qu’ils pourraient minimiser l’importance de leur contribution à l’infraction et maximiser celle des autres. Néanmoins, compte tenu de la logique inhérente à la procédure prévue par la communication sur la clémence de 2002, le fait de demander le bénéfice de son application en vue d’obtenir une réduction du montant de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés quant aux autres participants à l’entente incriminée (voir arrêt du 16 septembre 2013, Nynäs Petroleum et Nynas Petróleo/Commission, T‑482/07, non publié, EU:T:2013:437, point 190 et jurisprudence citée).

427 En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que le caractère complet de la coopération de l’entreprise et, partant, mettre en danger la possibilité pour celle-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la clémence de 2002 (voir arrêt du 16 septembre 2013, Nynäs Petroleum et Nynas Petróleo/Commission, T‑482/07, non publié, EU:T:2013:437, point 191 et jurisprudence citée).

428 Or, aux considérants 1306 à 1389 de la décision attaquée, la Commission a accordé aux transporteurs incriminés qui avaient demandé la clémence une réduction du montant de l’amende d’au moins 10 %. Pour ce faire, la Commission a retenu que ces transporteurs avaient apporté une valeur ajoutée significative en renforçant sa capacité à prouver différents éléments de l’entente litigieuse, voire leur propre participation à cette dernière. La Commission a même expressément retenu que les déclarations de Martinair (considérants 1307 et 1310), Japan Airlines (considérant 1318), AF-KLM (considérant 1327), CPA (considérant 1335) et Lan (considérant 1343) étaient de nature « autoaccusatrice ».

429 Il s’ensuit que, à défaut d’indications contraires, la Commission était fondée à considérer les déclarations de clémence comme étant crédibles et à s’appuyer sur elles aux fins d’établir l’existence de l’infraction unique et continue. La requérante est d’ailleurs restée en défaut, dans le cadre de la présente branche, d’apporter le moindre élément de preuve tendant à démontrer que la Commission avait omis de tenir compte d’indications de cette nature.

430 Le présent grief ne peut qu’être rejeté, ainsi que la présente branche dans son ensemble.

b) Sur la deuxième branche, prise de l’omission de la Commission de prouver, au moyen de preuves crédibles, les faits reprochés à la requérante

431 La requérante soutient que la Commission est restée en défaut d’apporter des preuves crédibles et suffisantes de l’existence de l’infraction unique et continue et de sa participation à cette dernière. La Commission ne procèderait d’ailleurs à aucune appréciation de la pertinence ou de la valeur probante des pièces qu’elle a retenues, se contentant de les énumérer.

432 En premier lieu, s’agissant de l’existence de l’infraction unique et continue, la Commission invoquerait des contacts ne présentant pas de cohérence géographique ou afférents à des comportements licites d’associations professionnelles. Elle s’appuierait en outre sur des courriels diffusés massivement et unilatéralement informant leurs destinataires d’augmentations de surtaxe déjà annoncées publiquement. Par ailleurs, aucune preuve de mise en œuvre de l’augmentation de la STC ne serait apportée dans le cadre d’un « système de suiveurs » à l’échelle locale décrit notamment au considérant 119 de la décision attaquée. La requérante reproche également à la Commission de ne pas avoir identifié de « noyau » ou un « plan » et de s’appuyer sur des contacts afférents à des liaisons qui, aux périodes en cause, échappaient à sa compétence. Enfin, la décision attaquée ne contiendrait pas le raisonnement de la Commission au terme duquel elle conclut, sur la base du prétendu faisceau d’indices, à l’existence de ladite infraction.

433 S’agissant de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue, outre que la Commission dénaturerait le contenu des preuves qui lui sont opposées, elle n’apporterait pas la preuve qu’elle aurait adhéré au « système de suiveurs ». De plus, la Commission n’aurait pas démontré, sur la base des contacts auxquels la requérante a pris part, qu’elle avait la connaissance et l’intention requises pour retenir sa participation à l’infraction unique et continue. En particulier, aucun contact n’impliquerait de cadres de haut de niveau au sein de la requérante. Enfin, la requérante fait valoir qu’aucune information fournie dans le cadre de sa demande de clémence ne serait incriminante, ni à son égard, ni à l’égard des autres transporteurs incriminés.

434 En second lieu, la requérante soutient également que les pièces sur le fondement desquelles la Commission a établi son implication dans les trois composantes de l’infraction unique et continue ne prouvent rien. La requérante conteste à cet égard les « techniques probatoires » utilisées par la Commission, consistant à s’appuyer sur des comportements licites, vis-à-vis desquels la Commission n’aurait pas été compétente, pour prouver un comportement illicite, ainsi qu’à opposer à la requérante des pièces dont elle aurait considéré pourtant qu’elles ne suffiraient à retenir la responsabilité des transporteurs non incriminés. Elle soutient en outre que la Commission s’est appuyée sur des pièces soit inopposables – car non portées à la connaissance de la requérante durant la procédure administrative ou produites par un demandeur de clémence ayant violé les conditions d’octroi du bénéfice de la clémence –, soit au contenu dénaturé par la Commission ou dont l’objet aurait été méconnu par cette dernière. Elle fait valoir par ailleurs qu’il n’est pas prouvé qu’elle aurait eu connaissance de, ou aurait participé à, certaines communications et réunions. Elle insiste enfin sur le fait que certaines correspondances lui ont été adressées de manière non sollicité et qu’elle n’y a pas répondu.

435 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

1) Sur la recevabilité de l’annexe A.14

436 À titre liminaire, il y a lieu de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission – et contestée par la requérante – à l’encontre de l’annexe A.14, dans la mesure où celle-ci contiendrait des éléments de fait et de droit qui ne ressortent pas à tout le moins sommairement du texte de la requête.

437 À cet égard, il convient de rappeler que, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit qui, en vertu de l’article 76, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, doivent figurer dans la requête (arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 94).

438 En outre, ainsi que rappelé au point 392 ci-dessus, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale.

439 Ainsi, une annexe à la requête ne peut être prise en considération que dans la mesure où elle étaye ou complète des arguments expressément invoqués par la partie requérante dans le corps de la requête et où il est possible pour le Tribunal de déterminer avec précision quels sont les éléments que l’annexe contient qui étayent ou complètent lesdits arguments (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 99).

440 En l’espèce, l’annexe A.14 s’intitule « Analyse de chaque considérant opposant des preuves à l’encontre de [la requérante] ». Cette annexe consiste en un argumentaire de 238 pages, décliné considérant par considérant, tendant à démontrer que les éléments de preuve sur lesquels repose le considérant en cause sont dénués de valeur probante.

441 Tout d’abord, il est renvoyé systématiquement dans la requête à cette annexe dans une note en bas de page selon la formule-type « Nous renvoyons à l’analyse détaillée des documents invoqués au considérant […] qui figure à l’annexe A.14.[…] ». Chaque renvoi est effectué à partir de la première référence au considérant concerné dans le cadre de la présente branche. Ces renvois ne se rattachent pas spécifiquement à un argument déployé à l’égard d’un considérant dans la requête, mais au considérant en tant que tel. Ils invitent le Tribunal à prendre connaissance de « l’analyse détaillée » desdits considérants figurant dans cette annexe, consistant en un ensemble d’arguments, en fait et en droit, tendant à remettre en cause la valeur probante des documents repris dans ces considérants.

442 Ainsi, la requérante omet de lier les renvois opérés à l’annexe A.14 à un argument expressément développé dans le corps de la requête. En outre, les renvois eux-mêmes, en ce qu’ils visent à chaque fois une partie de l’annexe A.14 regroupant, sur plusieurs pages, l’ensemble des arguments en fait et en droit dirigés contre la valeur probante des éléments repris au sein d’un considérant de la décision attaquée, conduisent le Tribunal à rechercher et à identifier, dans cette annexe, les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours.

443 Enfin, l’annexe A.14 contient de nombreux arguments qui sont nouveaux par rapport à ceux développés expressément dans la requête. À titre d’exemple, la requérante conteste, à l’annexe A.14.6, que les courriels internes sur lesquels repose le considérant 218 de la décision attaquée attestent d’un contact direct entre Lufthansa et elle-même, en s’appuyant sur un passage desdits courriels qui n’est cité ni dans cette décision, ni dans la requête. Elle conteste également que ces courriels concernent des liaisons depuis et vers l’EEE. Elle invoque, enfin, la circonstance que ce considérant n’a pas été opposé à Lufthansa dans la décision attaquée. Or, aucun de ces arguments n’est développé, dans la requête, en lien avec le considérant 218.

444 Conformément à la jurisprudence mentionnée aux points 437 à 439 ci-dessus, ce n’est que dans la mesure où l’annexe A.14 étaye ou complète des arguments expressément invoqués par la requérante dans le corps de la requête, et où il est possible pour le Tribunal de déterminer avec précision quels sont les éléments qu’elle contient qui étayent ou complètent lesdits arguments, qu’elle sera prise en compte.

2) Sur le fond

445 La deuxième branche du présent moyen s’articule autour de deux séries d’arguments. L’une tend à contester l’établissement, dans la décision attaquée, de l’infraction unique et continue et de sa participation à celle-ci au regard d’arguments mettant en cause, de manière générale, l’approche suivie par la Commission dans la décision attaquée. L’autre tend à contester la valeur probante de chacun des éléments de preuve qui lui sont opposés aux considérants 719, 720 et 882 de la décision attaquée. Il convient d’examiner successivement ces deux séries d’arguments, que la Commission conteste.

i) Sur la critique générale de l’approche suivie par la Commission

446 L’argumentation déployée par la requérante est de deux ordres, visant, d’une part, les conditions d’établissement de l’existence de l’infraction unique et continue et, d’autre part, les conditions d’établissement de la participation de la requérante à celle-ci.

447 D’une part, s’agissant de l’existence de l’infraction unique et continue, il y a lieu de constater, tout d’abord, que l’affirmation selon laquelle les comportements intervenus au sein des associations professionnelles, notamment au sein du SCC du BAR, étaient parfaitement licites et correspondaient à des actions de lobbying et de représentation, outre qu’elle n’est nullement étayée, manque en fait. Ainsi, à titre d’exemple, au considérant 300 de la décision attaquée, il est indiqué qu’un employé de British Airways a fait rapport, dans un courriel interne, sur la « Réunion du BAR India du 3 mars » concernant la STC pour les biens périssables en relevant qu’« il a été convenu que la STC restera à 2,25 RS/kg ». Au considérant 395 de cette décision, il est également indiqué que, lors d’une réunion du SCC du BAR de Singapour du 23 juillet 2004, un responsable de SAC a invité les autres transporteurs, en rapport avec l’examen de la STC, à « exercer un certain niveau de coopération lors des exercices futurs compte tenu de la nécessité d’améliorer la transparence au sujet de ces surtaxes ». Quant au considérant 663 de ladite décision, il y est fait état d’un courriel de Martinair aux membres du SCC du BAR de Hong Kong dans lequel celui-ci a suggéré que, « puisque le lobbying [auprès du département de l’aviation civile de Hong Kong] est efficace […], une réunion du BAR se tienne la semaine prochaine afin de discuter d’autres mesures avec d’autres transporteurs pour arriver à ce que tou[s] les [transporteurs] appliquent la même STS sur le marché ».

448 Par ailleurs, dans la mesure où la requérante reproche à la Commission de s’être appuyée sur des courriels informant leurs destinataires d’augmentations de surtaxe déjà annoncées publiquement, il y a lieu de rappeler que l’échange d’informations publiquement accessibles enfreint l’article 101, paragraphe 1, TFUE lorsqu’il constitue le support d’un autre mécanisme anticoncurrentiel (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 281).

449 Or, il ressort des considérants 118, 121, 125, 706 et 848 de la décision attaquée que de tels contacts servaient de support à un tel mécanisme.

450 De même, dans la mesure où la requérante reproche à la Commission de n’avoir pas identifié le « noyau » de l’entente litigieuse, il y a lieu de constater que, comme il ressort du point 413 ci-dessus, la Commission n’était nullement tenue d’opérer une distinction entre les transporteurs incriminés en fonction de l’intensité de leur participation à l’infraction unique et continue, cette circonstance n’ayant vocation à être prise en considération que lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et de la détermination du montant de l’amende. Partant, la requérante ne saurait en outre exciper, comme elle le fait, de l’absence d’identification d’un tel noyau pour contester l’existence d’un plan d’ensemble poursuivi par l’infraction unique et continue.

451 Quant à la mise en cause de la « cohérence géographique » des éléments de preuve sur lesquels repose le constat de l’existence de l’infraction unique et continue, à supposer que la requérante entende ici opposer à la Commission le fait qu’elle n’a retenu de contacts que dans certains pays tiers, il y a lieu de constater, premièrement, qu’il ne saurait être exigé de celle-ci qu’elle apporte des éléments de preuve concernant chacun des pays dans le monde entier, deuxièmement, que la dimension générale et mondiale de l’application de la STC et de la STS ressort des éléments de la décision attaquée rapportés aux points 141 à 143 ci-dessus et, troisièmement, qu’il ressort des points 399 à 405 ci-dessus que la décision attaquée contient un grand nombre d’éléments de preuve attestant, pris ensemble, de l’existence d’un système à plusieurs niveaux, central et local, impliquant en particulier le suivi, au niveau local, d’instructions formulées au niveau central et elles-mêmes le fruit d’une coordination au niveau des sièges.

452 En outre, pour autant que la requérante reproche à la Commission de s’appuyer sur des contacts afférents à des liaisons qui, aux périodes en cause, échappaient à sa compétence, il y a lieu de renvoyer aux points 302 à 322 ci-dessus par lesquels le Tribunal rejette un tel argument.

453 Quant à l’affirmation selon laquelle aucune preuve de mise en œuvre de l’augmentation de la STC dans le cadre du « système de suiveurs » n’est apportée, celle-ci manque en fait. À titre d’illustration, le considérant 392 de la décision attaquée se lit de la manière suivante :

« Le gestionnaire local de [Swiss] au Japon a envoyé un courriel interne, le 10 juin 2004, à l’administration centrale, annonçant que la STC va être augmentée au départ du Japon. Il déclare : “Je suis vraiment désolé qu’elle n’ait pas été mise en œuvre parce que le transporteur national n’a pas agi et que les autres transporteurs attendaient également que quelqu’un démarrât. Nous, transporteurs européens, nous en avions parlé avec [Japan Airlines], mais ils ne bougeaient pas ! [Japan Airlines] vient à présent de faire son annonce au marché et après cela, tout le monde a commencé à agir. Nous avons introduit une demande auprès du ministère des transports en faveur d’une augmentation…” »

454 Cet élément de preuve appuie le constat d’un « système de suiveurs » figurant au considérant 119 de la décision attaquée, qui, selon la Commission, était souvent appliqué pour la mise en œuvre de la STC au niveau local et consistait, pour le transporteur dominant sur certaines liaisons ou dans certains pays, à annoncer en premier le changement et à être suivi par les autres transporteurs après.

455 Enfin, dans la mesure où la requérante reproche à la Commission de ne pas faire apparaître dans la décision attaquée le raisonnement au terme duquel elle conclut, sur la base du faisceau d’indices qu’elle invoque, à l’existence de l’infraction unique et continue, il convient de se référer, quant aux principes, à la jurisprudence relative à l’obligation de motivation, citée aux points 155 à 157 ci-dessus.

456 En l’espèce, après avoir rappelé, aux considérants 833 à 845 de la décision attaquée, les principes applicables à l’établissement d’un accord ou d’une pratique concertée au sens de l’article 101 TFUE, la Commission les a appliqués aux comportements en cause afférents, respectivement, à la STC, à la STS et au refus de paiement de commissions, en renvoyant aux points et considérants de la décision attaquée dans lesquels sont repris les éléments de preuve appuyant son raisonnement, ainsi qu’il ressort des considérants 846 à 859 de cette décision. Elle en a conclu, au considérant 860, que « les éléments de preuve dans leur ensemble prouv[ai]ent l’existence du système général décrit aux considérants [846 à 859] qui p[ouvai]t être qualifié d’accord ou de pratique concertée entre des entreprises au sens de l’article 101 TFUE ». Il ressort de la note en bas de page no 1289 de cette décision que ces considérations doivent s’entendre comme visant également l’article 53 de l’accord EEE et l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.

457 Aux considérants 862 à 902 de la décision attaquée, la Commission a rappelé les principes applicables à l’établissement d’une infraction unique et continue et conclu à l’existence d’une infraction unique et continue (voir points 161 à 164 ci-dessus).

458 En particulier, aux considérants 872 à 883 de la décision attaquée, la Commission a retenu six facteurs pour conclure que les comportements litigieux relevaient d’une infraction unique. Il s’agit, premièrement, de l’existence d’un objectif anticoncurrentiel unique (considérants 872 à 876), deuxièmement, du fait que ces comportements portaient sur un « [p]roduit/services unique », à savoir « la fourniture de services de fret […] et leur tarification » (considérant 877), troisièmement, de l’identité des entreprises impliquées dans les différents agissements en cause (considérant 878), quatrièmement, de la nature de l’infraction (considérant 879), cinquièmement, de la circonstance que les discussions auxquelles ont participé les transporteurs incriminés avaient lieu en parallèle (considérant 880) et, sixièmement, de l’implication de la majorité des transporteurs incriminés dans les trois composantes de l’infraction unique et continue (considérants 881 à 883). Aux considérants 885 à 898, elle a répondu aux arguments soulevés par les parties, dont la requérante, durant la procédure administrative.

459 Il ressort de ce qui précède que la Commission a énoncé à suffisance de droit, dans la décision attaquée, les éléments de fait et de droit qui l’ont conduite à retenir l’existence d’une infraction unique et continue, en mettant ainsi en mesure la requérante de les comprendre et de les contester et le Tribunal de les contrôler, ainsi qu’en attestent d’ailleurs les arguments qu’elle développe au soutien du présent moyen.

460 D’autre part, s’agissant de sa participation à l’infraction unique et continue, la requérante fait valoir, tout d’abord, que la Commission ne « s’est pas engagée dans la voie » de la démonstration qu’elle avait la connaissance et l’intention requises pour retenir sa participation à l’infraction unique et continue. Elle conteste qu’une telle connaissance et une telle intention existaient compte tenu de l’absence de contacts litigieux impliquant ses cadres de haut de niveau – à la différence de plusieurs autres transporteurs incriminés, dont ceux appartenant au prétendu « noyau ». Dans ce cadre, elle soutient également que la preuve de son adhésion au « système de suiveurs » n’est pas apportée.

461 À cet égard, la Cour a déjà dit pour droit que, aux fins de la constatation des infractions au droit de la concurrence de l’Union, les éventuels agissements anticoncurrentiels d’un employé sont attribuables à l’entreprise dont il fait partie, celle-ci en étant, par principe, tenue pour responsable (arrêt du 21 juillet 2016, VM Remonts e.a., C‑542/14, EU:C:2016:578, point 24). L’implication des associés ou du personnel dirigeant de l’entreprise n’est pas requise pour pouvoir la tenir responsable de tels agissements (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, EU:C:1983:158, point 97).

462 En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que les contacts pris dans le cadre de l’infraction unique et continue « ont eu lieu à divers niveaux au sein des entreprises concernées » (considérant 107) et que « la direction générale du siège de plusieurs compagnies aériennes était […] impliquée [ou] informée [des contacts avec les concurrents.] Dans le cas des surtaxes, les employés responsables du siège étaient en contact mutuel lorsqu’un changement de niveau de la surtaxe était imminent » (considérant 110).

463 Ainsi, il ressort de ce qui précède que la démonstration de la participation à l’entente des cadres de haut niveau de la requérante, d’une part, n’était pas une condition d’établissement de sa participation à l’infraction unique et continue et, d’autre part, ne reflétait pas les mécanismes de l’entente litigieuse communs à tous les transporteurs incriminés. Sur ce dernier aspect, il ressort en effet du point 462 ci-dessus que la Commission a indiqué que la direction générale de « plusieurs » transporteurs était impliquée d’une manière ou d’une autre dans ladite entente, ce qui suppose que ce ne fût pas le cas pour tous les transporteurs incriminés. La circonstance alléguée que les transporteurs incriminés membres du prétendu « noyau » étaient notamment représentés par leurs « patrons » est dénuée de pertinence aux fins d’établir la participation de la requérante. En effet, ainsi qu’il est rappelé au point 450 ci-dessus, elle n’est susceptible d’affecter, le cas échéant, que l’appréciation de la gravité des comportements respectifs des transporteurs incriminés dans le cadre de la détermination du montant d’amende à leur infliger.

464 Quant à la prétendue omission de prouver que la requérante avait participé au « système de suiveurs », il y a lieu de constater que cette allégation, au demeurant non étayée, manque en fait. Ainsi, il ressort par exemple du considérant 145 de la décision attaquée reprenant le contenu d’un courriel du 10 janvier 2000 que les membres de l’ACCS, dont la requérante, « ont accepté d’appliquer la même politique que [Swiss Cargo] » en matière de STC en Suisse. Par la suite, le président de l’ACCS informait ses membres, dont la requérante, des annonces d’augmentation de la STC de Swiss (et parfois d’autres transporteurs) en interrogeant ces derniers sur leurs intentions à cet égard (voir considérants 501, 502, 534, 561 et 562). La requérante répondait à ces demandes.

465 À supposer qu’il y ait lieu d’interpréter le présent argument comme étant dirigé également contre l’absence de motivation, dans la décision attaquée, concernant la contribution intentionnelle de la requérante au plan d’ensemble poursuivi par l’infraction unique et continue et sa connaissance, avérée ou présumée, des comportements infractionnels des autres participants auxquels elle n’a pas directement participé, il convient également de le rejeter pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 161 à 165 ci-dessus.

466 Enfin, dans la mesure où la requérante remet en cause le caractère incriminant des pièces et des déclarations soumises par elle dans le cadre du dépôt de sa demande de clémence, il y a lieu de constater qu’elle se borne à procéder par affirmations générales et non étayées.

467 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter cette première série d’arguments formulés au soutien de la présente branche.

ii) Sur l’absence de valeur probante des éléments opposés à la requérante dans la décision attaquée

468 La requérante conteste la valeur probante de chacun des éléments de preuve qui lui sont opposés dans la décision attaquée en vue d’établir sa participation aux composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STC et à la STS ainsi que sa connaissance des agissements relatifs à la composante tenant au refus de paiement de commissions et des agissements des autres transporteurs, de manière générale.

– Sur les éléments de preuve afférents à la STC

469 En premier lieu, la requérante conteste la valeur probante des contacts dont la Commission indique, au considérant 719 de la décision attaquée, qu’ils attestent d’un « échange répété par courriel d’informations sur la tarification [considérants 234 et 492] ; des discussions téléphoniques répétées [considérants 564 et 575] ; des discussions bilatérales avec d’autres transporteurs, en particulier L[ufthansa] [considérants 161, 218, 231, 249, 272, 274, 279, 283, 291, 303, 346, 358, 411, 446, 450, 482, 495, 555, 564 et 575] ».

470 Premièrement, s’agissant des contacts visés aux considérants 234 et 492, il y a lieu d’écarter les arguments de la requérante, formulés ailleurs au soutien des présentes conclusions en annulation et déjà rejetés par le Tribunal, qui sont tirés, d’une part, de ce que le contact visé au considérant 234 concernait des liaisons qui, aux périodes en cause, échappaient à la compétence de la Commission (voir points 302 à 322 ci-dessus) et, d’autre part, de ce qu’elle n’aurait pas réagi à ce contact (voir points 418 et 419 ci-dessus). De même, la circonstance que la requérante, qui reconnaît que le considérant 492 « ne pouvai[t] concerner que des services de [fret] entre aéroports de l’U[nion] », ne desservait pas ces liaisons est sans incidence sur la valeur probante des contacts visés audit considérant (voir point 311 ci-dessus).

471 Quant à la circonstance que les contacts visés aux considérants 234 et 492 de la décision attaquée aient impliqué d’autres transporteurs dont la responsabilité pour l’infraction unique et continue n’a pas été retenue, elle est dénuée de pertinence. Il convient de rappeler que, comme il ressort du considérant 845 de la décision attaquée, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement fonder la ferme conviction que chaque élément de l’infraction a été commis. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement et dont les différents éléments peuvent se renforcer mutuellement, réponde à cette exigence (voir arrêt du 16 novembre 2011, Sachsa Verpackung/Commission, T‑79/06, non publié, EU:T:2011:674, point 60 et jurisprudence citée).

472 C’est donc à bon droit que, au considérant 716 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle « n’accord[ait] pas forcément la même valeur à chaque considérant […] ni à chaque élément de preuve individuel qu’il contient » et que « [l]es considérants auxquels il [était] fait référence [faisaient] plutôt partie de 1’ensemble global de preuves sur lequel [elle] se fond[ait] et d[evai]ent être appréciés dans ce contexte ».

473 Or, il n’est pas démontré que la Commission disposait à l’encontre des transporteurs en cause dans les contacts en question d’un faisceau d’indices équivalent à celui dont elle disposait à l’encontre de la requérante.

474 Enfin, reste à examiner l’allégation selon laquelle la chaîne de courriels rapportée au considérant 492 de la décision attaquée ne concernait ni le fret, ni un échange d’informations sur la tarification du fret. Il ressort dudit considérant qu’était en cause l’offre tarifaire d’une petite compagnie aérienne ne facturant pas la STC. Plusieurs des transporteurs impliqués dans la chaîne de courriels ont qualifié d’« abus » la publicité de cette offre sur le site Internet en cause. Que l’« abus » visé concernait bien l’offre de cette compagnie aérienne et non la « valeur d’un portail Internet », comme l’affirme la requérante, est confirmé par la référence, au considérant 492, aux contacts pris par un des transporteurs dénonçant cet abus avec ladite compagnie aérienne et au fait que cette dernière l’a « renvoyée ». L’allégation de la requérante, au demeurant non étayée, manque donc en fait.

475 Deuxièmement, s’agissant des contacts visés aux considérants 564 et 575, la requérante soutient d’abord que l’un des courriels visés par le premier de ces considérants ainsi que le contact sous-tendant le second de ces considérants lui sont inopposables en ce qu’elle n’a pas été en mesure d’en prendre connaissance durant la procédure administrative. Interrogée dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, la Commission a toutefois indiqué que l’ensemble des courriels évoqués au considérant 564 figuraient dans le dossier auquel la requérante a eu accès durant la procédure administrative et a produit les documents en cause (annexe F.4), sans être contredite par la requérante. Quant au considérant 575, si le courriel dont le contenu y est rapporté ne figure pas au dossier, la déclaration de clémence de Lufthansa en faisant une description était en revanche accessible à la requérante, et la décision attaquée, audit considérant, ne renvoie d’ailleurs qu’à ce dernier document. En conséquence, la requérante ne saurait soutenir que les contacts visés aux considérants 564 et 575 ne lui étaient pas opposables.

476 Dans la mesure où la requérante conteste également l’opposabilité du contact visé au considérant 575, au motif que la Commission ne pourrait à la fois reconnaître une certaine valeur probante à ce contact et s’abstenir, dans le même temps, de retirer à Lufthansa le bénéfice de l’immunité d’amendes, dans la mesure où ledit contact attesterait de la continuation de sa participation à l’infraction unique et continue en violation des conditions fixées par le paragraphe 11, sous b), de la communication sur la clémence de 2002, il y a lieu de constater que la requérante se méprend.

477 À cet égard, il y a lieu de relever que le Tribunal a déjà jugé qu’une entreprise qui décide de soumettre une déclaration en vue de l’obtention d’une réduction du montant de l’amende est consciente du fait que, alors qu’une réduction ne lui sera accordée que si, de l’avis de la Commission, les conditions d’une réduction prévues dans la communication sont remplies, la déclaration fera en tout état de cause partie du dossier et pourra être invoquée à titre de preuve (arrêt du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission, T‑352/09, EU:T:2012:673, point 111).

478 Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal s’est, certes, appuyé sur le paragraphe 31 de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la clémence de 2006 »), venue remplacer la communication sur la clémence de 2002, qui dispose que « [t]oute déclaration faite à la Commission dans le cadre de la présente communication fait partie du dossier de la Commission et peut donc être invoquée à titre de preuve ».

479 Toutefois, il ressort du paragraphe 37 de la communication sur la clémence de 2006 que le paragraphe 31 de ladite communication est applicable aux demandes de clémence pendantes au moment de l’entrée en vigueur de cette communication (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission, T‑352/09, EU:T:2012:673, points 27 et 111). Or, tel est le cas de la demande introduite par Lufthansa le 7 décembre 2005 auprès de la Commission. En effet, cette demande était toujours pendante à la date d’entrée en vigueur de la communication en question, le 8 décembre 2006.

480 Au demeurant, selon le paragraphe 33 de la communication sur la clémence de 2002, « [t]oute déclaration écrite faite à la Commission en rapport avec la présente communication fait partie intégrante de son dossier ». Partant, une telle déclaration peut être utilisée à titre de preuve par la Commission. Le libellé du paragraphe 31 de la communication sur la clémence de 2006 ne fait, dès lors, qu’expliciter les conséquences qui découlent nécessairement du maintien dans le dossier de ladite déclaration.

481 Les considérations qui précèdent s’appliquent tout autant dans l’hypothèse d’une demande tendant au bénéfice d’une immunité d’amendes, les paragraphes susvisés des communications sur la clémence de 2002 et 2006 s’appliquant indistinctement à toutes les demandes faites au titre du programme de clémence de la Commission.

482 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le non-respect par Lufthansa de la condition prévue au paragraphe 11, sous b), de la communication sur la clémence de 2002, à le supposer avéré, n’est pas de nature à priver la Commission de la possibilité d’utiliser les déclarations écrites faites par Lufthansa dans le cadre de sa demande de clémence.

483 Enfin, quant à la portée des contacts visés aux considérants 564 et 575 de la décision attaquée et contestée par la requérante, il ressort de l’un des courriels visés au premier de ces considérants que Lufthansa a « reçu confirmation qu[e la requérante] suivrait sa méthodologie [en matière de STC] jusqu’à la fin 2005. [A (Lufthansa)] se rappelle qu’il a parlé à [B (la requérante)] à ce sujet ». Dès lors, ce courriel établit l’existence de contacts entre Lufthansa et la requérante et confirme l’intention exprimée par Lufthansa, dans l’autre courriel visé au considérant 564 et qui est antérieur de quelques jours, selon laquelle ce dernier « rendr[a] visite [à la requérante] afin de voir si [elle applique sa méthodologie en matière de STC] ou s[i elle] “s’adapt[e]” au niveau d’AF/KL[M] ». S’agissant du considérant 575 et dans la mesure où la requérante fait seulement valoir qu’il ne repose que sur une « narration juridique », il convient de constater que, pour les raisons rappelées aux points 424 à 430 ci-dessus, la Commission était fondée à s’appuyer sur cette déclaration qui tend à établir l’existence d’un échange d’informations au sujet de la STC entre A et B, la requérante n’avançant au demeurant aucune circonstance de nature à mettre en doute sa crédibilité.

484 Troisièmement, s’agissant des contacts visés aux considérants 161, 218, 231, 249, 272, 274, 279, 283, 291, 303, 346, 358, 411, 446, 450, 482, 495, 555, 564 et 575, cités en note en bas de page no 942 de la décision attaquée, la requérante fait tout d’abord valoir que, pour dix d’entre eux (considérants 161, 218, 231, 249, 272, 274, 279, 283, 291 et 303), ils sont dénués de valeur probante en ce qu’ils portent sur des liaisons, qui, aux périodes en cause, échappaient à la compétence de la Commission. Cet argument doit être rejeté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 302 à 322 ci-dessus.

485 La requérante ajoute, sans étayer son argumentation, que les contacts visés aux considérants 231 et 283 de la décision attaquée concernaient les seules liaisons entre les États-Unis et le Canada. Or, au vu de l’applicabilité générale des surtaxes constatée au considérant 889 de cette décision et en l’absence d’éléments en sens contraire, il ne saurait être considéré, sur la base de la seule affirmation de la requérante, que les liaisons avec l’EEE étaient exclues des contacts en cause.

486 Dans la mesure où la requérante fait valoir, en outre, que les courriels visés aux considérants 274 et 279 de la décision attaquée doivent être écartés du faisceau d’indices, au motif, d’une part, qu’elle n’en serait qu’un destinataire passif et, d’autre part, que ces courriels étaient adressés à d’autres transporteurs dont la responsabilité pour l’infraction unique et continue n’a pas été retenue, il convient de constater que la requérante se méprend, pour les motifs repris, respectivement, aux points 411 à 419 et aux points 471 à 473 ci-dessus.

487 Par ailleurs, c’est en vain que la requérante se prévaut du caractère public des informations disséminées dans le cadre des courriels visés aux considérants 274 et 279 de la décision attaquée. En effet, d’une part, il ressort des considérants 118, 121, 125, 706 et 848 de la décision attaquée que ces courriels servaient de support à un mécanisme anticoncurrentiel, conformément à la jurisprudence exposée au point 448 ci-dessus. Cela est confirmé par le considérant 482 de la décision attaquée, dans lequel la Commission a cité la réponse d’un autre transporteur à une communication de Lufthansa du même type que celle citée aux considérants 274 et 279. Dans cette réponse, ledit transporteur informe Lufthansa de ce qui suit : « nous avons donné instruction à nos bureaux d’appliquer l’augmentation en conséquence ». D’autre part, il convient d’observer que, dans le cadre de ces courriels, Lufthansa ne s’est pas contentée de faire part d’informations publiquement accessibles, mais a, au contraire, envoyé des courriels collectifs, révélant ainsi à tous les destinataires l’identité de transporteurs concernés.

488 Ensuite, dans la mesure où la requérante soulève les mêmes arguments que ceux examinés aux points 486 et 487 ci-dessus à l’encontre des contacts visés aux considérants 346, 411, 446, 450, 482 et 495 de la décision attaquée, il convient de les rejeter pour les mêmes motifs. Tout au plus peut-il être constaté, comme le relève la requérante, qu’il ne s’agit pas de « discussions bilatérales », comme indiqué au considérant 719 de la décision attaquée, mais de courriels adressés par Lufthansa à une multitude de destinataires. Cette circonstance ne saurait toutefois obérer leur valeur probante.

489 Enfin, s’agissant des contacts visés aux considérants 358, 555, 564 et 575 de la décision attaquée, il y a d’abord lieu de constater que le Tribunal, aux points 475 à 483 ci-dessus, s’est déjà prononcé sur la valeur probante des contacts visés aux considérants 564 et 575, la requérante n’avançant pas d’arguments nouveaux à cet égard dans cette partie de ses écritures. Ensuite, dans la mesure où la requérante soutient qu’il ne saurait être tenu compte du contact visé au considérant 358 au motif qu’il s’agirait d’« un courriel non sollicité de [Lufthansa] annexant une annonce publique auquel [elle] n’a pas répondu », il convient de rappeler, d’une part, qu’un mode passif de participation à l’infraction unique et continue reste de nature à engager la responsabilité de la requérante (voir points 411 à 419 ci-dessus) et, d’autre part, qu’il ressort de la décision attaquée que la dissémination par Lufthansa d’informations publiquement accessibles à d’autres transporteurs servait de support au mécanisme anticoncurrentiel en cause (voir point 487 ci-dessus).

490 Enfin, s’agissant de l’argumentation dirigée contre la valeur probante du contact visé au considérant 555, fondée sur la circonstance que ce contact concernerait exclusivement des liaisons entre la Suisse et le Canada, qui échappent à la compétence de la Commission, il y a lieu de constater que rien dans la description qui en est faite au considérant 555 ne permet de tirer une telle conclusion. Quant à l’argument, également avancé par la requérante, qu’il ne serait pas prouvé qu’elle avait connaissance de ce contact, à savoir un courriel interne envoyé par un autre transporteur, celui-ci est dénué de pertinence, puisque la Commission est fondée à s’appuyer sur des preuves indirectes de contacts anticoncurrentiels, telles que le courriel en cause, dans lequel un transporteur fait rapport en interne d’un contact pris avec un autre transporteur.

491 En deuxième lieu, la requérante conteste la valeur probante des contacts dont la Commission indique, au considérant 719 de la décision attaquée, qu’ils attestent d’une « participation à des réunions multilatérales impliquant de nombreux transporteurs [considérants 173, 174 et 292] ».

492 S’agissant des contacts visés aux considérants 173 et 174 de la décision attaquée, il convient de rejeter l’argument de la requérante tiré de ce que ces contacts portent sur des liaisons qui, aux périodes en cause, échappaient à la compétence de la Commission – allégation qui, au demeurant, n’est pas établie (voir points 309 et 310 ci-dessus). Quant à la circonstance avancée que d’autres transporteurs dont la responsabilité pour l’infraction unique et continue n’a pas été retenue auraient également participé à ces contacts, il convient de l’écarter comme étant dénuée de pertinence, ainsi qu’il ressort des points 471 à 473 ci-dessus.

493 S’agissant du contact visé au considérant 292 de la décision attaquée, la requérante reprend les mêmes arguments tirés, d’une part, de ce que ce contact porte sur des liaisons qui, aux périodes en cause, échappaient à la compétence de la Commission et, d’autre part, de ce qu’un autre transporteur dont la responsabilité pour l’infraction unique et continue n’a pas été retenue a également participé à ce contact. Ces arguments doivent être rejetés pour les mêmes raisons.

494 En troisième lieu, la requérante conteste la valeur probante des contacts dont la Commission indique, au considérant 719 de la décision attaquée, qu’ils attestent de sa « participation à la correspondance par courriel concernant l’action prévue des membres de l’ACCS et leurs futures annonces en rapport avec la STC [considérants 145, 182, 255, 501, 502, 534, 535, 561 et 562] ».

495 Or, la requérante se borne ici à soutenir de nouveau, d’une part, que ces contacts portent sur des liaisons qui échappaient à la compétence de la Commission et, d’autre part, que d’autres transporteurs dont la responsabilité pour l’infraction unique et continue n’a pas été retenue ont également participé à ces contacts. Ces arguments doivent être rejetés pour les motifs repris, respectivement, aux points 302 à 322 et aux points 471 à 473 ci-dessus. Au demeurant, l’allégation de la requérante selon laquelle les contacts en cause ne concernaient que les liaisons Canada-Suisse n’est nullement étayée, la circonstance qu’elle ne desservait que cette dernière catégorie de liaisons et non les liaisons Union-Suisse étant dépourvue de toute pertinence à cet égard, pour les motifs repris au point 311 ci-dessus.

496 En quatrième lieu, la requérante conteste la valeur probante des contacts dont la Commission indique, au considérant 719 de la décision attaquée, qu’ils attestent de « discussions et accords concernant l’augmentation du niveau de la STC et les nouveaux seuils de déclenchement lors des réunions du SCC du BAR à Hong Kong [considérants 394 et 503] ».

497 Quant aux arguments dirigés contre la valeur probante du contact visé au considérant 394, aucun ne saurait prospérer, qu’il s’agisse de la circonstance que d’autres transporteurs dont la responsabilité pour l’infraction unique et continue n’a pas été retenue ont également participé à ce contact (voir points 471 à 473 ci-dessus), que la requérante n’ait pas répondu au courriel matérialisant le contact en cause (voir points 411 à 419 ci-dessus), qu’elle ne desservait pas certaines catégories de liaisons couvertes par ce contact (voir point 311 ci-dessus) ou que ledit contact intervenait au sein d’une « organisation professionnelle légitime dont le fonctionnement était totalement transparent » (voir point 407 ci-dessus). Enfin, l’affirmation selon laquelle ce contact était « parfaitement anodi[n] en ce qui concerne [la requérante] » n’est nullement étayée.

498 En revanche, il ressort du contact visé au considérant 503 de la décision attaquée que la requérante ne figurait pas parmi les participants à la réunion du SCC du BAR du 11 juillet 2005, ce que la Commission reconnaît devant le Tribunal. Par conséquent, le contact visé au considérant 503 n’a, en l’espèce, de valeur probante qu’en tant qu’il contribue à établir que le SCC du BAR servait de cadre à des discussions relatives au niveau de la STC.

499 Il ressort de ce qui précède que, parmi les éléments sur lesquels la Commission s’est appuyée au considérant 719 de la décision attaquée pour établir la participation de la requérante à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC, seule la valeur probante du contact visé au considérant 503 doit être remise en cause. Toutefois, dans la mesure, d’une part, où 35 contacts demeurent opposables à la requérante au titre de la STC et où, d’autre part, la période et le territoire couverts par le contact visé au considérant 503 le sont également, respectivement, par les contacts visés aux considérants 482, 495, 501, 502 et au considérant 394, il y a lieu de constater que les constats repris au point 498 s’agissant du considérant 503 ne sont pas de nature à remettre en cause le constat de la participation de la requérante à la composante tenant à la STC.

500 Au regard de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas démontré que la Commission a commis une erreur en retenant sa participation à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC.

– Sur les éléments de preuve afférents à la STS

501 La requérante conteste la valeur probante des contacts dont la Commission indique, au considérant 720 de la décision attaquée, qu’ils attestent d’« échanges d’informations bilatéraux avec [British Airways] et [un autre transporteur] [considérants 591, 612 et 636] et des échanges de courriels multilatéraux [considérants 585, 594 et 609] ; des réunions multilatérales [à] Hong Kong et en Allemagne [considérants 634, 660 et 665] ».

502 S’agissant de l’argumentation de la requérante dirigée contre les contacts visés aux considérants 585, 591, 594, 609, 612, 636, 660 et 665 de la décision attaquée tirée, premièrement, de ce qu’elle ne desservait pas certaines catégories de liaisons couvertes par ces contacts, deuxièmement, de ce que d’autres transporteurs dont la responsabilité pour l’infraction unique et continue n’a pas été retenue ont également participé à ces contacts et, troisièmement, de ce que ces derniers concernaient des liaisons qui, aux périodes en cause, échappaient à la compétence de la Commission, il convient de la rejeter pour des motifs analogues à ceux repris, respectivement, aux points 311, 471 à 473 et 302 à 322 ci-dessus. De même, la circonstance qu’elle n’ait pas répondu aux courriels visés aux considérants 594, 609, 660 et 665 n’est pas de nature à lui rendre ces derniers inopposables (voir points 411 à 419 ci-dessus). Par ailleurs, à supposer que la requérante, qui procède par renvoi à d’autres arguments énoncés dans la requête, entende se prévaloir, s’agissant des réunions qui se sont tenues au sein du SCC du BAR à Hong Kong (considérants 660 et 665), du caractère « légitime » du cadre dans lequel elles sont intervenues, il suffit de renvoyer aux motifs repris au point 407 ci-dessus.

503 Ensuite, il convient de constater que, contrairement à ce qu’affirme la requérante sans l’étayer, rien dans la description faite aux considérants 591 et 636 des courriels internes du transporteur en cause ne permet de déduire que les échanges ainsi rapportés se limitaient aux seules liaisons que cette dernière exploitait.

504 Par ailleurs, pour autant que la requérante fasse valoir que les considérants 591 et 636 n’ont pas été opposés à d’autres transporteurs incriminés alors qu’ils étaient mentionnés dans les contacts qui y sont visés, il y a lieu de rappeler que la Cour a itérativement jugé qu’une entreprise qui s’est vu infliger une amende du fait de sa participation à une entente, en violation des règles de concurrence, ne peut demander l’annulation ou la réduction de cette amende, au motif qu’un autre participant à la même entente n’aurait pas été sanctionné pour une partie, ou pour l’intégralité, de sa participation à ladite entente [voir arrêt du 9 mars 2017, Samsung SDI et Samsung SDI (Malaysia)/Commission, C‑615/15 P, non publié, EU:C:2017:190, point 38 et jurisprudence citée]. Ce principe s’étend à l’hypothèse dans laquelle une entreprise, bien que ne cherchant pas à obtenir une suppression ou une réduction de l’amende, est néanmoins susceptible de retirer un avantage de l’invocation de cette différence de traitement.

505 Or, en l’espèce, la requérante se prévaut de la circonstance que les deux considérants en cause, qui lui ont été opposés dans la décision attaquée, ne l’ont pas été à l’encontre de plusieurs autres transporteurs incriminés, et recherche, ce faisant, à obtenir que ces considérants soient omis du faisceau d’indices retenu à son encontre. Il s’ensuit que, conformément aux principes rappelés au point 504 ci-dessus, le présent argument ne saurait prospérer.

506 Enfin, dans la mesure où la requérante conteste la valeur probante du considérant 634 de la décision attaquée, il y a lieu de relever que ce dernier expose ce qui suit :

« [C (l’un des autres transporteurs)] a transféré un flash d’information de […] à [D (Lan Cargo)], le 10 février 2006. [D] a ensuite transféré le courriel en interne, le 11 février 2006, précisant que le bulletin d’information de [ce premier transporteur] concernant la STS suivant [Lufthansa] était annexé. Il a précisé qu’une réunion se tiendrait lundi avec [le premier transporteur], [la requérante], [un autre transporteur], etc. dans le bureau [du premier transporteur]. »

507 À cet égard, il convient d’emblée d’écarter l’argument de la requérante de ce qu’elle n’aurait pas eu connaissance de ces courriels ni n’aurait été en copie de ces derniers. En effet, comme indiqué au point 490 ci-dessus, la Commission est fondée à s’appuyer sur des preuves indirectes de contacts anticoncurrentiels, telles que le second courriel en cause, dans lequel un transporteur fait rapport en interne d’un contact avec un autre transporteur.

508 De même, l’allégation de la requérante selon laquelle elle n’a pas participé à la réunion évoquée au considérant 634 de la décision attaquée n’est nullement étayée, et ce alors qu’il se déduit du contenu du second courriel en cause, produit par la Commission en annexe de son mémoire en défense, que la tenue de la réunion et la participation des transporteurs dont la présence était annoncée revêtait un caractère certain du point de vue de l’auteur du courriel. En effet, ce dernier indique que cette réunion « aura lieu » au jour, au lieu et avec les participants annoncés. En tout état de cause, le fait que les transporteurs en cause entendaient aborder le sujet de la STS avec la requérante constitue en lui-même un indice de la participation de cette dernière à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STS (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2012, GDF Suez/Commission, T‑370/09, EU:T:2012:333, point 226).

509 Quant à l’objet de la réunion, la requérante est en défaut d’étayer son affirmation selon laquelle « le contexte montre que l’objet de la réunion n’était pas de s’accorder sur les prix ». Au demeurant, ainsi que le relève à juste titre la Commission, la mention de la réunion se trouve entre deux phrases se référant à une « surtaxes sécurité », dont la requérante n’allègue pas qu’il s’agirait d’autre chose que la STS, tandis qu’aucun autre objet possible de la réunion ne ressort dudit courriel.

510 Enfin, il est vrai, ainsi que le relève la requérante, que le considérant 634 de la décision attaquée concerne des contacts entre représentants de transporteurs dont les sièges sont tous établis à l’extérieur de l’EEE, et donc a fortiori de l’Allemagne. En l’absence d’autres éléments en ce sens, il ne saurait donc en être déduit que les contacts en cause révèlent l’implication de l’administration centrale, comme indiqué dans le libellé du point 4.4.2.4 de la décision attaquée, dont relève le présent considérant. Cette circonstance ne dénie pas aux contacts en cause leur valeur probante à l’égard de la requérante, mais justifie seulement de s’abstenir d’en tirer des conséquences au sujet de l’implication de l’administration centrale de cette dernière dans l’infraction unique et continue.

511 Il n’est donc pas démontré que la Commission a commis une erreur en considérant que l’ensemble des éléments visés au considérant 720 de la décision attaquée contribuaient à établir la participation de la requérante à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STS.

512 Ainsi qu’il a été constaté au point 510 ci-dessus, la portée du considérant 634 doit néanmoins être nuancée, en ce qu’il ne saurait établir l’implication de l’administration centrale de la requérante ou des autres parties à cet échange. Pour autant, il y a lieu de relever que, parmi les contacts opposés à la requérante au titre de la STS, plusieurs sont décrits dans la décision attaquée comme révélant l’implication de l’administration centrale (considérants 585, 591, 594, 609 et 612), sans que cette appréciation ne soit utilement contestée.

513 Au regard de l’ensemble de ce qui précède, il n’est pas établi que la Commission a commis une erreur en retenant sa participation à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STS.

– Sur les éléments de preuve afférents au refus de paiement de commissions

514 La requérante conteste la valeur probante des contacts dont la Commission indique, au considérant 882 de la décision attaquée, qu’ils prouvent qu’elle était « au courant des discussions au sujet du [refus de paiement de commissions] [considérants 684, 686 et 687] ».

515 À cet égard, il convient de rappeler que c’est à la Commission qu’incombe la charge de prouver que l’entreprise concernée avait la connaissance requise des comportements anticoncurrentiels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente globale, mais auxquels elle n’a pas directement participé (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 67).

516 Pour ce faire, la Commission doit réunir des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour établir que l’entreprise concernée avait une telle connaissance (voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 2002, Sigma Tecnologie/Commission, T‑28/99, EU:T:2002:76, point 51).

517 La Commission n’est, cependant, pas tenue de démontrer que l’entreprise concernée avait ou aurait dû avoir connaissance, dans le détail, des concertations intervenues dans le cadre des contacts litigieux auxquels celle-ci n’a pas participé. Elle n’est pas davantage tenue d’établir que ladite entreprise avait ou aurait dû avoir connaissance de l’ensemble de ces contacts (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, EU:T:2006:396, point 193).

518 L’entreprise concernée doit ainsi simplement connaître la portée générale et les caractéristiques essentielles de l’entente globale (voir arrêt du 10 octobre 2014, Soliver/Commission, T‑68/09, EU:T:2014:867, point 64 et jurisprudence citée).

519 À cet égard, il convient de préciser que la seule identité d’objet entre un accord auquel a participé une entreprise et une entente globale ne suffit pas pour lui imputer la participation à l’entente globale. Tel est le cas même lorsque cet accord et l’entente globale présentent des liens objectifs. Ce n’est que si l’entreprise concernée, lorsqu’elle participe à un accord, a su ou aurait dû savoir que, ce faisant, elle s’intégrait dans une entente globale que sa participation à l’accord concerné peut constituer l’expression de son adhésion à cette même entente (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2011, Quinn Barlo e.a./Commission, T‑208/06, EU:T:2011:701, points 144 et 150 et jurisprudence citée).

520 En l’espèce, il convient de constater que la Commission, au considérant 882 de la décision attaquée, a considéré que la requérante pouvait être tenue responsable de la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions, compte tenu du fait que, en raison de son implication dans les deux autres composantes de l’infraction unique et continue, elle aurait « raisonnablement pu prévoir des échanges entre les parties au sujet d’une telle matière connexe que le [refus de paiement de commissions], et étai[t] disposé[e] à en assumer le risque ». Elle indique, au même considérant, qu’il existe aussi des preuves que la requérante était au courant des discussions tenant au refus de paiement de commissions, ainsi qu’en attesteraient les contacts décrits aux considérants 684, 686 et 687 de ladite décision.

521 C’est à l’aune des principes jurisprudentiels rappelés aux points 515 à 518 ci-dessus qu’il doit être apprécié si les éléments de preuve qui sont opposés à la requérante par la Commission au considérant 882 de la décision attaquée suffisent à fonder la ferme conviction qu’elle avait la connaissance requise de la portée générale et des caractéristiques essentielles de la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions, telles que décrites dans la décision attaquée.

522 D’emblée, il y a lieu de constater que, dans la mesure où la Commission s’appuie, en substance, sur l’identité d’objet de la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions avec les deux autres composantes de cette infraction, cette circonstance, à la supposer établie, n’est pas suffisante pour démontrer que la requérante avait la connaissance requise de la première composante, conformément à la jurisprudence rappelée au point 519 ci-dessus. Il importe donc d’apprécier si, à l’aune de la portée, contestée, des contacts décrits aux considérants 684, 686 et 687 et auxquels il est renvoyé au considérant 882 de la décision attaquée, la Commission était fondée à considérer comme établie la connaissance par la requérante des activités anticoncurrentielles des autres transporteurs incriminés concernant le refus de paiement de commissions.

523 À cet égard, il convient de rappeler que, au point 4.5 de la décision attaquée, la Commission a décrit les concertations relatives au refus de paiement de commissions.

524 Elle a ainsi relevé, au considérant 676 de la décision attaquée, que, à la suite des discussions entre transitaires sur l’absence de rémunération associée à la perception des surtaxes et à l’implication, fin 2004, de la Fédération internationale des associations de transitaires et assimilées (FIATA), « les [transporteurs] ont continué à refuser de payer une commission sur les surtaxes et se sont confirmé mutuellement leur intention dans ce domaine lors de nombreux contacts ».

525 Les « [p]rincipes de base et [la] structure de l’entente » décrits dans le point 4.1 de la décision attaquée s’appliquaient, selon la Commission, à l’ensemble des composantes de l’infraction unique et continue, en ce compris le refus de paiement de commissions.

526 Cela étant rappelé, en premier lieu, s’agissant de la valeur probante du contact visé au considérant 684 de la décision attaquée, il y a lieu de relever que ce dernier se lit de la manière suivante :

« Le 8 juillet 2005, [E (l’un des autres transporteurs)] a transféré à [F (Lufthansa)] et [G (la requérante)] un courriel émanant de l’agent de ventes italien de [ce premier transporteur], ATC Spa, concernant la revendication de paiement d’une commission sur les surtaxes introduite par des transitaires. »

527 La requérante fait valoir qu’il s’agissait d’un contact parfaitement anodin, au demeurant non sollicité, dont il n’est pas expliqué pourquoi il n’est pas retenu à l’encontre du transporteur en cause. Ce contact ne serait ainsi pas de nature à donner à la requérante la connaissance requise de la composante tenant au refus de paiement de commissions.

528 Il ressort du courriel visé au considérant 684 de la décision attaquée que la requérante était, conjointement avec Lufthansa, destinataire d’informations communiquées par un troisième transporteur au sujet de la position adoptée par les transitaires en Italie concernant le paiement de commissions sur les surtaxes. Ce contact, sans aller jusqu’à attester d’un objectif commun des parties à l’échange de se coordonner sur le paiement de commissions sur les surtaxes, était de nature à donner à la requérante la connaissance que d’autres transporteurs étaient disposés à échanger des informations à cet égard. La circonstance que le transporteur en cause ne figure pas parmi les transporteurs incriminés ne modifie pas cette conclusion, pour les motifs rappelés aux points 471 à 473 ci-dessus.

529 En revanche, ce contact ne permet pas, à lui seul, d’établir que la requérante avait ou aurait dû avoir connaissance de l’existence d’une coordination, de portée plus vaste, sur la question du refus de paiement de commissions. Conformément à une jurisprudence constante (arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, EU:C:2010:389, point 47 et jurisprudence citée), il importe néanmoins d’examiner si, conjointement avec d’autres éléments, ce contact pouvait constituer un faisceau d’indices qui permettait à la Commission de conclure que tel était le cas (voir points 537 à 539 ci-après).

530 En deuxième lieu, s’agissant de la valeur probante du contact visé au considérant 686 de la décision attaquée, il y a lieu de relever que ce dernier se lit de la manière suivante :

« [H (directeur chargé du Royaume-Uni et de l’Irlande chez] SAC) a envoyé un courriel à [Lufthansa], [CPA], […], […], […], […], [Japan Airlines], [British Airways], [SAS], […] et […], le 28 décembre 2005, leur demandant si elles avaient également reçu de DHL, en Allemagne, un communiqué annonçant que ce dernier allait prélever une redevance pour la collecte des surtaxes à partir du 1er janvier 2006. Le courriel a été transféré en interne chez […] et [I (directeur du cargo pour 1’Allemagne, les pays nordiques et l’Europe de l’Est chez le transporteur en cause)] a répondu ce qui suit, le 3 janvier 2006 : “Je rencontre [Martinair] jeudi qui va me remettre une lettre qui a été envoyée par son département juridique. J’ai également parlé à [Lufthansa Cargo] la semaine dernière qui ne répondra pas officiellement à la lettre de QCS, mais qui a dit qu’elle n’accepterait pas de factures de ce type. [La requérante] a reçu une revendication similaire de DHL ici au niveau local. Je vais à l’instant vous faxer leur lettre”. »

531 La requérante fait valoir que l’échange en cause s’est produit dans le contexte d’une annonce juridique revêtant un intérêt général pour les transporteurs et qu’il ne démontre rien en ce qui la concerne. Elle ajoute que cet échange implique de nombreux transporteurs dont la responsabilité n’a pas été retenue dans la décision attaquée.

532 Or, il ressort de ce considérant que la requérante a communiqué avec un autre transporteur au sujet d’une revendication reçue d’un transitaire tendant à la perception d’une redevance pour la collecte des surtaxes, « au niveau local », à savoir l’Allemagne. Il s’en infère que la requérante était en contact avec ce transporteur et savait nécessairement que cette dernière prenait part à des échanges d’informations sur le refus de paiement de commissions avec elle-même, et pouvait raisonnablement prévoir qu’elle en faisait de même avec d’autres transporteurs. La circonstance que plusieurs transporteurs visés, dont ledit transporteur, ne figurent pas parmi les transporteurs incriminés ne modifie pas cette conclusion, pour les motifs rappelés aux points 471 à 473 ci-dessus. En revanche, ce contact, eu égard en particulier à sa portée locale, ne permet pas, à lui seul, d’établir que la requérante avait ou aurait dû avoir connaissance de l’existence d’une coordination, de portée plus vaste, sur la question du refus de paiement de commissions.

533 En troisième lieu, s’agissant du contact visé au considérant 687 de la décision attaquée, il y a lieu de relever que ce dernier se lit de la manière suivante :

« [J (CPA)] a envoyé un courriel interne le 4 janvier 2006 concernant des lettres de transitaires annonçant leur intention de facturer leurs services de perception des surtaxes aux transporteurs. Il a déclaré dans le courriel : “la plupart des directeurs d’autres transporteurs sont encore en congé au moment où j’écris, bien que j’aie pu parler à [SAC] et [la requérante]. [SAC] a choisi d’ignorer les lettres. [La requérante] les a transmises au siège. La semaine prochaine, la direction de [Lufthansa] revient de congé et je m’enquerrai de leur intention”. Dans un courriel suivant, daté du 9 janvier 2006, [J] déclare : “Je viens de parler à [Lufthansa] qui ne va pas répondre aux lettres non plus pour le moment”. »

534 Il ressort de ce considérant que la requérante était en contact avec CPA au sujet d’une revendication de transitaire tendant à la perception d’une redevance pour la collecte des surtaxes. À cet égard, la requérante se borne à contester les propos ici rapportés, sans apporter aucun élément en sens contraire.

535 En outre, il ne ressort pas de ce considérant que la portée des revendications en cause ait été circonscrite à un pays spécifique. Cela est corroboré par l’implication du siège des transporteurs qui se déduit dudit considérant.

536 Il s’ensuit que ce considérant est susceptible de contribuer à établir la connaissance requise qu’avait la requérante de la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions, du point de vue de son champ d’application personnel – en y incluant CPA – et du point de vue de son champ d’application géographique, dans la mesure où la question des commissions sur les surtaxes est abordée entre transporteurs sans être limitée à un territoire spécifique.

537 Il ressort de ce qui précède que la Commission était fondée à considérer que l’ensemble des éléments visés au considérant 882 de la décision attaquée étaient de nature à donner à la requérante la connaissance requise des caractéristiques essentielles de cette composante du point de vue de son champ d’application personnel. La requérante avait connaissance de l’implication d’au moins quatre transporteurs (CPA, Lufthansa et deux autres transporteurs) et pouvait en inférer, compte tenu également de son implication dans les composantes tenant à la STC et à la STS dont la complémentarité avec le refus de paiement de commissions n’est pas utilement contestée, que ces derniers étaient en contact avec d’autres transporteurs.

538 De même, le champ d’application géographique de la composante tenant à l’infraction unique et continue pouvait raisonnablement être déduit par la requérante de la pluralité des pays concernés par les échanges d’informations auxquels elle était partie ainsi que de la démarche centralisée qui se déduit du contact visé au considérant 687 de la décision attaquée.

539 En revanche, aucun des éléments rapportés aux considérants 684, 686 et 687 de la décision attaquée n’est de nature à démontrer que la requérante avait la connaissance requise d’une des caractéristiques essentielles de la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions, à savoir que les transporteurs respectaient une discipline commune, l’adhésion à laquelle était confirmée par des échanges réguliers sur leurs intentions. En effet, il ne ressort d’aucun de ces considérants que la requérante aurait été avisée de l’existence d’une telle discipline. Il ne ressort pas plus desdits considérants qu’elle aurait fait part de ses intentions à l’égard des revendications de commissions sur les surtaxes – l’information, au considérant 687, selon laquelle son siège est saisi ne manifestant pas d’intention, mais révélant simplement que la question est sous examen – ou que ses interlocuteurs lui auraient fait part des leurs.

540 Il s’ensuit que la Commission a commis une erreur en retenant que la requérante avait la connaissance requise de la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions. L’article 1er, paragraphe 1, sous a), paragraphe 2, sous a), paragraphe 3, sous a), et paragraphe 4, sous a), de la décision attaquée doit en conséquence être annulé en tant qu’il impute à la requérante la responsabilité de l’infraction unique et continue, dans sa composante tenant au refus de paiement de commissions.

– Sur les éléments de preuve afférents à la connaissance qu’avait la requérante des agissements des autres transporteurs

541 La requérante conteste la valeur probante des contacts visés au considérant 897 de la décision attaquée et dont la Commission indique, au considérant 895, qu’ils prouvent qu’elle était « au courant du comportement d’autres participants ou pouvaient raisonnablement l’avoir prévu ou en être conscient[e] et étai[t] prêt[e] à prendre le risque ».

542 Or, la requérante ne fait, au soutien du présent grief, que renvoyer aux arguments dirigés contre les éléments afférents à la STC et à la STS, déjà examinés, et rejetés, par le Tribunal dans le cadre de la présente branche. Partant, il convient de rejeter ce grief.

543 Au regard de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu d’accueillir la présente branche dans la mesure où la Commission a commis une erreur en tenant la requérante pour responsable de la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions, et de la rejeter pour le surplus.

c) Sur la troisième branche, prise d’une erreur et d’une violation des droits de la défense tenant au refus de la Commission d’accepter le retrait de la demande de clémence de la requérante

544 La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur et violé ses droits de la défense en refusant de faire droit à sa demande de retrait de sa demande de clémence et de restitution des documents qu’elle aurait soumis dans le cadre de ladite demande. Elle invoque, en substance, une erreur d’appréciation et une erreur de droit, dans la mesure où, contrairement à ce que soutient la Commission, rien ne s’oppose, dans la communication sur la clémence de 2002, à un tel retrait, ce que la jurisprudence tendrait à corroborer. La circonstance que la procédure soit très avancée serait à cet égard indifférente.

545 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

546 À titre liminaire, il convient de relever que la Commission ne conteste pas la faculté pour un demandeur de clémence de manifester son intention de cesser sa coopération dans le cadre de la procédure de clémence et de renoncer au bénéfice d’une réduction d’amendes. En revanche, dans le cadre de la décision attaquée (voir considérant 104) et de sa réponse à la présente branche, elle a nié la faculté pour la requérante de solliciter, à l’occasion du retrait de sa demande de clémence, le retrait du dossier de la Commission des déclarations et pièces soumises dans le cadre de cette procédure.

547 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes des principes rappelés aux points 477 à 480 ci-dessus, toute déclaration faite à la Commission dans le cadre d’une demande de clémence fait partie intégrante de son dossier, de telles déclarations pouvant être utilisées à titre de preuve par la Commission indépendamment de la question de savoir si les conditions d’une réduction du montant de l’amende sont remplies.

548 Par ailleurs, rien ne s’oppose à ce que les conclusions auxquelles le Tribunal est arrivé dans l’arrêt du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission (T‑352/09, EU:T:2012:673), s’agissant des déclarations faites par le demandeur de clémence, soient étendues à l’ensemble des éléments de preuve fournis par une entreprise en vue d’obtenir le bénéfice d’une réduction du montant de l’amende.

549 Ainsi, dans l’arrêt du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission (T‑352/09, EU:T:2012:673), le Tribunal s’était appuyé, en substance, sur le caractère volontaire de la coopération fournie par l’entreprise désireuse d’obtenir une réduction du montant de l’amende ainsi que sur les termes de la communication sur la clémence applicable aux faits en cause pour conclure que la déclaration du demandeur de clémence pouvait être invoquée à titre de preuve, indépendamment du sort de sa demande de clémence.

550 Or, d’une part, les éléments de preuve fournis par la requérante en l’espèce dans le cadre de sa demande de clémence, à l’instar de la déclaration du demandeur de clémence dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission (T‑352/09, EU:T:2012:673), l’ont été volontairement.

551 D’autre part, ni la communication sur la clémence de 2002, ni celle de 2006 ne contiennent de dispositions tendant à entretenir, pour les entreprises désireuses de coopérer avec la Commission, des attentes concernant le sort des éléments de preuve fournis par ces entreprises qui ne rempliraient pas, finalement, les conditions pour bénéficier d’une réduction du montant de l’amende. Il en est de même pour les hypothèses, comme en l’espèce, où l’entreprise entend finalement retirer une demande de clémence qu’elle a introduite volontairement. Cette situation contraste avec les précisions offertes par lesdites communications sur le sort des éléments fournis à l’appui d’une demande dont la Commission exclut qu’elle satisfasse aux conditions d’octroi du bénéfice d’une immunité conditionnelle. En effet, dans un tel cas, l’entreprise peut retirer les éléments de preuve divulgués (voir, respectivement, paragraphe 17 de la communication sur la clémence de 2002 et paragraphe 20 de la communication sur la clémence de 2006).

552 Au surplus, écarter automatiquement du dossier les éléments de preuve fournis par une entreprise dont il ressort qu’elle ne remplit pas, finalement, les conditions pour bénéficier d’une réduction du montant de l’amende à la date d’adoption de la décision constatant une infraction ou qu’elle entend, finalement, mettre un terme à sa coopération avant l’adoption de ladite décision, compromettrait l’effet utile de la procédure de clémence. En effet, la Commission serait privée de preuves par hypothèse essentielles à l’établissement de l’infraction en cause et des participations y afférentes, à un stade où la possibilité de suppléer à ce manque par des actes d’investigation supplémentaires serait considérablement amoindrie, notamment en raison du risque de dépérissement des preuves. En outre, le succès des procédures risquerait d’être laissé au bon vouloir du demandeur de clémence, tandis que la Commission serait entravée dans le contrôle efficace du respect des conditions d’octroi du bénéfice de la réduction du montant de l’amende.

553 Par conséquent, la Commission n’a pas commis d’erreur en tenant compte, dans la décision attaquée, des déclarations et éléments de preuve fournis par la requérante au titre de sa demande de clémence et dont cette dernière a demandé, par la suite, le retrait.

554 Dans la mesure où le grief déduit de la violation des droits de la défense repose sur la prémisse, erronée, que la requérante pouvait valablement retirer ces déclarations et éléments de preuve du dossier de la Commission, il y a lieu également de le rejeter.

555 Il ressort de tout ce qui précède que le cinquième moyen doit être rejeté, à l’exception de la deuxième branche, dans la mesure où la Commission a commis une erreur en tenant la requérante pour responsable de la composante tenant au refus de paiement de commissions, qui doit être accueillie.

556 Au regard de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu d’accueillir la deuxième branche du cinquième moyen dans la mesure où la Commission a commis une erreur en tenant la requérante pour responsable de la composante tenant au refus de paiement de commissions. Il convient, en conséquence, d’annuler l’article 1er, paragraphe 1, sous a), paragraphe 2, sous a), paragraphe 3, sous a), et paragraphe 4, sous a), de la décision attaquée en tant qu’il impute à la requérante la responsabilité de l’infraction unique et continue, dans sa composante tenant au refus de paiement de commissions.

557 Il ne saurait cependant être considéré que cette illégalité est de nature à emporter l’annulation de la décision attaquée dans son intégralité. En effet, bien que la Commission ait commis une erreur d’appréciation en imputant à la requérante la responsabilité pour l’infraction unique et continue dans sa composante tenant au refus de paiement de commissions il y a lieu de constater qu’il n’a pas été établi, dans le cadre du présent recours, que la Commission avait commis une erreur en constatant qu’elle avait participé à l’infraction en cause.

558 Les conclusions en annulation doivent être rejetées pour le surplus.

B. Sur les conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende

559 La requérante conclut, en substance, à ce que le Tribunal tire les conséquences des cinq moyens qu’elle a invoqués à l’appui de ses conclusions en annulation en réduisant substantiellement le montant de l’amende au titre de sa compétence de pleine juridiction. En réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la requérante a aussi demandé au Tribunal d’accueillir le moyen relevé d’office et d’exercer sa compétence de pleine juridiction pour réduire le montant de l’amende en conséquence.

560 La Commission rétorque que les présentes conclusions doivent être rejetées comme étant irrecevables pour défaut de clarté et de précision. En tout état de cause, l’amende infligée à la requérante serait pleinement justifiée.

1. Sur la recevabilité

561 Ainsi qu’il ressort du point 391 ci-dessus, la recevabilité d’un recours est conditionnée à ce que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même.

562 Il convient également de rappeler que ce n’est qu’après que le juge de l’Union a achevé de contrôler la légalité de la décision qui lui a été soumise, au vu des moyens qui lui ont été présentés comme de ceux qu’il a, le cas échéant, soulevés d’office, qu’il lui revient, en l’absence d’annulation totale de cette décision, d’exercer sa compétence de pleine juridiction afin, d’une part, de tirer les conséquences de son jugement relatif à la légalité de cette même décision et, d’autre part, en fonction des éléments qui ont été portés à son examen, de déterminer s’il y a lieu, à la date à laquelle il adopte sa décision, de substituer sa propre appréciation à celle de la Commission, de sorte que le montant de l’amende soit approprié (voir arrêt du 17 décembre 2015, Orange Polska/Commission, T‑486/11, EU:T:2015:1002, point 67 et jurisprudence citée).

563 Or, dans le cadre des présentes conclusions, la requérante a précisément demandé au Tribunal de tirer les conséquences des illégalités alléguées à l’appui des conclusions en annulation et de supprimer ou de réduire l’amende en conséquence. En l’espèce, le Tribunal n’a constaté qu’une seule illégalité dans le cadre de l’examen des conclusions en annulation, à savoir celle relative à l’imputation à la requérante de la responsabilité pour la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions. Il y a donc lieu de considérer que la requérante demande au Tribunal de tirer les conséquences de cette illégalité pour le calcul du montant de l’amende.

564 Il s’ensuit que, malgré la concision de l’argumentation présentée au soutien des présentes conclusions, les éléments essentiels de fait et droit sur lesquels elles se fondent ressortent à suffisance de la requête, conformément aux exigences de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

565 La présente fin de non-recevoir doit donc être rejetée.

2. Sur le fond

566 Dans le droit de la concurrence de l’Union, le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge de l’Union, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou l’astreinte infligée (voir arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 63 et jurisprudence citée).

567 Cet exercice suppose, en application de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, de prendre en considération, pour chaque entreprise sanctionnée, la gravité de l’infraction en cause ainsi que la durée de celle-ci, dans le respect des principes, notamment, de motivation, de proportionnalité, d’individualisation des sanctions et d’égalité de traitement, et sans que le juge de l’Union soit lié par les règles indicatives définies par la Commission dans ses lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 90). Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction prévue à l’article 261 TFUE et à l’article 31 du règlement no 1/2003 n’équivaut pas à un contrôle d’office et que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. À l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, c’est dès lors à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de la décision litigieuse et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 64).

568 Il appartient ainsi à la partie requérante d’identifier les éléments contestés de la décision attaquée, de formuler des griefs à cet égard et d’apporter des preuves, qui peuvent être constituées d’indices sérieux, tendant à démontrer que ses griefs sont fondés (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 65).

569 Afin de satisfaire aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la Charte en ce qui concerne l’amende, le juge de l’Union est, quant à lui, tenu, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE, d’examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (voir arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, point 75 et jurisprudence citée ; arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch Austria/Commission, C‑626/13 P, EU:C:2017:54, point 82).

570 Enfin, pour la détermination du montant des amendes, il appartient au juge de l’Union d’apprécier lui-même les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause (arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 89) et de prendre en considération toutes les circonstances de fait (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 86), en ce compris, le cas échéant, des éléments d’information complémentaires non mentionnés dans la décision de la Commission infligeant l’amende (voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, EU:C:2000:630, point 57, et du 12 juillet 2011, Fuji Electric/Commission, T‑132/07, EU:T:2011:344, point 209).

571 En l’espèce, il appartient au Tribunal, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, de déterminer, au regard de l’argumentation avancée par les parties à l’appui des présentes conclusions, le montant de l’amende qu’il estime le plus approprié, eu égard notamment aux constatations effectuées dans le cadre de l’examen des moyens soulevés à l’appui des conclusions en annulation et du moyen relevé d’office et en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait pertinentes.

572 Le Tribunal estime qu’il n’est pas, afin de déterminer le montant de l’amende à infliger à la requérante, opportun de s’écarter de la méthode de calcul suivie par la Commission dans la décision attaquée et dont la requérante n’a pas soutenu qu’elle était entachée d’illégalité. En effet, s’il appartient au juge, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, d’apprécier lui-même les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause afin de déterminer le montant de l’amende, l’exercice d’une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes infligées, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien. Par suite, les orientations pouvant être dégagées des lignes directrices sont, en règle générale, susceptibles de guider les juridictions de l’Union lorsqu’elles exercent ladite compétence, dès lors que ces lignes directrices ont été appliquées par la Commission aux fins du calcul du montant des amendes infligées aux autres entreprises sanctionnées par la décision dont elles ont à connaître (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 80 et jurisprudence citée).

573 Dans ces conditions, tout d’abord, il y a lieu d’observer que le total de la valeur des ventes réalisées par la requérante en 2005 s’élevait à 151 513 620 euros. Cette valeur n’inclut aucune recette réalisée sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse, dont le Tribunal a jugé aux points 329 à 352 ci-dessus qu’elles ne relevaient pas du périmètre de l’infraction unique et continue. Il ressort, en effet, de la requête que la requérante n’a réalisé aucun chiffre d’affaires sur ces liaisons au cours de l’année 2005.

574 Ensuite, il convient de relever que, pour les motifs retenus aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée et en l’absence d’argument en sens contraire avancé par la requérante, l’infraction unique et continue mérite un coefficient de gravité de 16 %.

575 Pour ce qui est du montant additionnel, il convient de rappeler que le paragraphe 25 des lignes directrices de 2006 prévoit que, indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura dans le montant de base une somme comprise entre 15 et 25 % de la valeur des ventes, afin de dissuader les entreprises de participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production. Ce paragraphe précise que, en vue de décider de la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte dans un cas donné, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, en particulier ceux identifiés au paragraphe 22 des mêmes lignes directrices. Ces facteurs sont ceux dont la Commission tient compte aux fins de la fixation du coefficient de gravité et incluent la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction.

576 Le juge de l’Union en a déduit que, même si la Commission n’exposait pas de motivation spécifique en ce qui concerne la proportion de la valeur des ventes utilisée au titre du montant additionnel, le simple renvoi à l’analyse des facteurs utilisés pour apprécier la gravité suffisait à cet égard (arrêt du 15 juillet 2015, SLM et Ori Martin/Commission, T‑389/10 et T‑419/10, EU:T:2015:513, point 264).

577 Au considérant 1219 de la décision attaquée, la Commission a estimé que le « pourcentage à appliquer pour le montant additionnel d[evai]t être de 16 % » au vu des « circonstances spécifiques de l’affaire » et des critères retenus aux fins de déterminer le coefficient de gravité.

578 Il s’ensuit que, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, le Tribunal estime qu’un montant additionnel de 16 % est approprié.

579 Par ailleurs, il ressort des considérants 1213 à 1217 de la décision attaquée que la durée pour laquelle la requérante est tenue pour responsable de l’infraction unique et continue s’élève à cinq ans et quatre mois sur les liaisons intra-EEE, un an et neuf mois sur les liaisons Union-pays tiers, trois ans et huit mois sur les liaisons Union-Suisse et huit mois sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. La Commission ayant légalement établi la durée de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue, il convient de retenir des facteurs de multiplication de 5 4/12, 1 9/12, 3 8/12 et 8/12, respectivement.

580 Il y a donc lieu de fixer le montant de base de l’amende à 66 521 489 euros.

581 Dès lors, le montant de base de l’amende après application de la réduction générale de 50 %, qui ne s’applique qu’au montant de base en tant qu’il concerne les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et les liaisons Union-pays tiers (voir considérant 1241 de la décision attaquée), que la requérante n’a pas contestée et qui n’est pas inapproprié, doit être fixé, après arrondissement, à 33 000 000 euros. À cet égard, le Tribunal estime approprié d’arrondir ce montant de base à la baisse aux deux premiers chiffres, excepté dans les cas où cette réduction représente plus de 2 % du montant avant arrondissement, auquel cas ce montant est arrondi aux trois premiers chiffres. Cette méthode est objective, permet à tous les transporteurs incriminés ayant introduit un recours à l’encontre de la décision attaquée de bénéficier d’une réduction et évite une inégalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, EU:T:2014:92, point 166).

582 Enfin, pour ce qui est des ajustements du montant de base de l’amende, il convient de rappeler que la requérante a bénéficié de la réduction générale de 15 %, dont elle n’a contesté ni la légalité ni le caractère approprié.

583 Par ailleurs, aux considérants 1258 et 1259 de la décision attaquée, la Commission a octroyé à la requérante une réduction du montant de base de l’amende de 10 % au motif qu’elle « opérai[t] en périphérie de l’entente, […] entretenai[t] des contacts en nombre limité avec d’autres transporteurs et […] n’avai[t] pas participé à tous les éléments de l’infraction » unique et continue. Or, il convient de rappeler que c’est à tort que la Commission a imputé à la requérante la responsabilité de la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions et qu’elle a, en conséquence, surestimé le degré de sa participation à l’infraction unique et continue. Il était, partant, inapproprié d’accorder à la requérante une réduction de seulement 10 % accordée à ce titre.

584 Dans ces conditions, au vu de la durée limitée pendant laquelle les transporteurs incriminés se sont coordonnés au sujet du refus de paiement de commissions par rapport à la durée de l’infraction unique et continue dans son ensemble, le Tribunal estime qu’une réduction de 21 % au titre de la participation limitée de la requérante à l’infraction unique et continue est appropriée.

585 En revanche, le Tribunal ne considère pas que l’exclusion du faisceau d’indices du contact décrit au considérant 503 de la décision attaquée (voir point 498 ci-dessus) et la nécessité de nuancer la portée du contact visé au considérant 634 de la décision attaquée justifient (voir point 512 ci-dessus) qu’une réduction supplémentaire soit octroyée à la requérante au titre des circonstances atténuantes. Ces contacts, qui concernent la STC et la STS, respectivement, comptent parmi les nombreux échanges intervenus à un niveau local que la Commission a retenus contre la requérante et l’étendue de sa participation à ces échanges et a fortiori aux composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STC et à la STS en général demeure amplement étayée.

586 En outre, il convient de considérer que la réduction de 15 % dont la requérante a bénéficié au titre de la clémence demeure appropriée.

587 Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de calculer le montant de l’amende infligée à la requérante comme suit : tout d’abord, le montant de base est déterminé en appliquant, compte tenu de la gravité de l’infraction unique et continue, un pourcentage de 16 % à la valeur des ventes, puis, au titre de la durée de l’infraction, les facteurs de multiplication exposés au point 579 ci-dessus et enfin un montant additionnel de 16 %, ce qui aboutit à un montant intermédiaire de 66 521 489 euros. Après application de la réduction générale de 50 %, ce montant, arrondi, doit être fixé à 33 000 000 euros. Ensuite, après application de la réduction générale de 15 % et d’une réduction supplémentaire de 21 % au titre de la participation limitée de la requérante à l’infraction unique et continue, ce montant doit être fixé à 21 120 000 euros. Enfin, ce dernier montant doit être réduit de 15 % au titre de la clémence, ce qui aboutit à une amende d’un montant final de 17 952 000 euros.

IV. Sur les dépens

588 Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

589 En l’espèce, la requérante a obtenu satisfaction pour une partie substantielle de ses conclusions. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la requérante supporte les deux tiers de ses propres dépens et que la Commission supporte ses propres dépens ainsi qu’un tiers de ceux de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1) L’article 1er, paragraphe 1, sous a), paragraphe 2, sous a), paragraphe 3, sous a), et paragraphe 4, sous a), de la décision C(2017) 1742 final de la Commission, du 17 mars 2017, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (affaire AT.39258 – Fret aérien) est annulé en tant qu’il retient la participation d’Air Canada à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions sur les surtaxes.

2) Le montant de l’amende infligée à Air Canada à l’article 3, sous a), de la décision C(2017) 1742 final est fixé à 17 952 000 euros.

3) Le recours est rejeté pour le surplus.

4) La Commission européenne supportera ses propres dépens ainsi que le tiers des dépens d’Air Canada.

5) Air Canada supportera les deux tiers de ses propres dépens.