Livv
Décisions

TUE, 4e ch. élargie, 30 mars 2022, n° T-325/17

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Kanninen (rapporteur)

Juges :

M. Schwarcz, M. Iliopoulos, M. Spielmann, Mme Reine

Avocat :

Me Smeets

Comm. eur., du 9 nov. 2010

9 novembre 2010

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

I. Antécédents du litige

1 La requérante, Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV, est une compagnie de transport aérien. Elle est active sur le marché des services de fret aérien (ci-après le « fret ») par l’intermédiaire de sa division KLM Cargo.

2 Dans le secteur du fret, des compagnies aériennes assurent le transport de cargaisons par voie aérienne (ci-après les « transporteurs »). En règle générale, les transporteurs fournissent des services de fret aux transitaires, qui organisent l’acheminement de ces cargaisons au nom des expéditeurs. En contrepartie, ces transitaires s’acquittent auprès des transporteurs d’un prix qui se compose, d’une part, de tarifs calculés au kilogramme et négociés soit pour une période longue (généralement une saison, c’est-à-dire six mois), soit de façon ponctuelle, et, d’autre part, de diverses surtaxes, qui visent à couvrir certains coûts.

3 Quatre types de transporteurs se distinguent : premièrement, ceux qui exploitent exclusivement des avions tout cargo, deuxièmement, ceux qui, sur leurs vols destinés aux passagers, réservent une partie de la soute de l’avion au transport de marchandises, troisièmement, ceux qui disposent à la fois d’avions-cargos et d’un espace réservé pour le fret dans la soute d’avions de transport de passagers (compagnies aériennes mixtes) et, quatrièmement, les intégrateurs, qui disposent d’avions-cargos fournissant à la fois des services de livraison express intégrés et des services de fret généraux.

4 Aucun transporteur n’étant en mesure de desservir, dans le monde, toutes les destinations majeures de fret à des fréquences suffisantes, la conclusion d’accords entre eux pour augmenter leur couverture du réseau ou améliorer leurs horaires s’est développée, y compris dans le cadre d’alliances commerciales plus vastes entre transporteurs. Parmi ces alliances figurait notamment, à l’époque des faits, l’alliance WOW, qui réunissait Deutsche Lufthansa AG (ci-après « Lufthansa »), SAS Cargo Group A/S (ci-après « SAS Cargo »), Singapore Airlines Cargo Pte Ltd (ci-après « SAC ») et Japan Airlines International Co. Ltd (ci-après « Japan Airlines »).

A. Procédure administrative

5 Le 7 décembre 2005, la Commission des Communautés européennes a reçu, au titre de sa communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3), une demande d’immunité introduite par Lufthansa et ses filiales, Lufthansa Cargo AG et Swiss International Air Lines AG (ci-après « Swiss »). Selon cette demande, des contacts anticoncurrentiels intensifs existaient entre plusieurs transporteurs, portant, notamment, sur :

– la surtaxe carburant (ci-après la « STC »), qui aurait été introduite pour faire face au coût croissant du carburant ;

– la surtaxe sécurité (ci-après la « STS »), qui aurait été introduite pour faire face au coût de certaines mesures de sécurité imposées après les attaques terroristes du 11 septembre 2001.

6 Les 14 et 15 février 2006, la Commission a procédé à des inspections inopinées dans les locaux de plusieurs transporteurs, conformément à l’article 20 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).

7 Après les inspections, plusieurs transporteurs, dont la requérante, ont introduit une demande au titre de la communication de 2002 mentionnée au point 5 ci-dessus.

8 Le 19 décembre 2007, après avoir envoyé plusieurs demandes de renseignements, la Commission a adressé une communication des griefs à 27 transporteurs, dont la requérante (ci-après la « communication des griefs »). Elle a indiqué que ces transporteurs avaient enfreint l’article 101 TFUE, l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) et l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (ci‑après l’« accord CE-Suisse sur le transport aérien »), en participant à une entente portant, notamment, sur la STC, la STS et un refus de paiement de commissions sur les surtaxes (ci-après le « refus de paiement de commissions »).

9 En réponse à la communication des griefs, ses destinataires ont soumis des observations écrites.

10 Une audition s’est tenue du 30 juin au 4 juillet 2008.

B. Décision du 9 novembre 2010

11 Le 9 novembre 2010, la Commission a adopté la décision C(2010) 7694 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] (affaire COMP/39258 – Fret aérien) (ci-après la « décision du 9 novembre 2010 »). Cette décision a pour destinataires 21 transporteurs (ci-après les « transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 »), à savoir :

– Air Canada ;

– Air France-KLM (ci-après « AF-KLM ») ;

– Société Air France (ci-après « AF ») ;

– la requérante ;

– British Airways plc ;

– Cargolux Airlines International SA (ci‑après « Cargolux ») ;

– Cathay Pacific Airways Ltd (ci‑après « CPA ») ;

– Japan Airlines Corp. ;

– Japan Airlines ;

– Lan Airlines SA ;

– Lan Cargo SA ;

– Lufthansa Cargo ;

– Lufthansa ;

– Swiss ;

– Martinair Holland NV (ci-après « Martinair ») ;

– Qantas Airways Ltd ;

– SAS AB ;

– SAS Cargo ;

– Scandinavian Airlines System Denmark-Norway-Sweden (ci-après « SAS Consortium ») ;

– SAC ;

– Singapore Airlines Ltd (ci-après « SIA »).

12 Les griefs retenus provisoirement à l’égard des autres destinataires de la communication des griefs ont été abandonnés (ci-après les « transporteurs non incriminés »).

13 La décision du 9 novembre 2010 décrivait, dans ses motifs, une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, couvrant le territoire de l’EEE et de la Suisse, par laquelle les transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 auraient coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret.

14 Le dispositif de la décision du 9 novembre 2010, pour autant qu’il concernait la requérante, se lisait comme suit :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’EEE, pendant les périodes suivantes :

[…]

c) [la requérante], du 21 décembre 1999 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 2

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont [coordonné] divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE, pendant les périodes suivantes :

[…]

d) [la requérante], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 3

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 53 de l’accord EEE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des pays tiers, pendant les périodes suivantes :

[…]

d) [la requérante], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 4

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 8 de l’accord [CE-Suisse] sur le transport aérien en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en Suisse, pendant les périodes suivantes :

[…]

c) [la requérante], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 5

Les amendes suivantes sont infligées pour les infractions visées aux articles 1er à 4 [de la décision du 9 novembre 2010] :

[…]

c) [la requérante] : 2 720 000 EUR ;

d) [la requérante] et [AF-KLM] conjointement et solidairement : 124 440 000 EUR ;

[…]

Article 6

Les entreprises visées aux articles 1er à 4 mettent immédiatement fin aux infractions visées auxdits articles, dans la mesure où elles ne l’ont pas encore fait.

Elles s’abstiennent dorénavant de tout acte ou comportement visés aux articles 1er à 4, ainsi que de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire. »

C. Recours contre la décision du 9 novembre 2010 devant le Tribunal

15 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 janvier 2011, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du 9 novembre 2010, en tant qu’elle la concernait, ainsi que, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende qui lui avait été infligée. Les autres transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010, à l’exception de Qantas Airways, ont également introduit devant le Tribunal des recours contre cette décision.

16 Par arrêts du 16 décembre 2015, Air Canada/Commission (T‑9/11, non publié, EU:T:2015:994), Koninklijke Luchtvaart Maatschappij/Commission (T‑28/11, non publié, EU:T:2015:995), Japan Airlines/Commission (T‑36/11, non publié, EU:T:2015:992), Cathay Pacific Airways/Commission (T‑38/11, non publié, EU:T:2015:985), Cargolux Airlines/Commission (T‑39/11, non publié, EU:T:2015:991), Latam Airlines Group et Lan Cargo/Commission (T‑40/11, non publié, EU:T:2015:986), Singapore Airlines et Singapore Airlines Cargo Pte/Commission (T‑43/11, non publié, EU:T:2015:989), Deutsche Lufthansa e.a./Commission (T‑46/11, non publié, EU:T:2015:987), British Airways/Commission (T‑48/11, non publié, EU:T:2015:988), SAS Cargo Group e.a./Commission (T‑56/11, non publié, EU:T:2015:990), Air France-KLM/Commission (T‑62/11, non publié, EU:T:2015:996), Air France/Commission (T‑63/11, non publié, EU:T:2015:993), et Martinair Holland/Commission (T‑67/11, EU:T:2015:984), le Tribunal a annulé, en tout ou en partie, la décision du 9 novembre 2010 pour autant qu’elle visait, respectivement, Air Canada, la requérante, Japan Airlines et Japan Airlines Corp., CPA, Cargolux, Latam Airlines Group SA (anciennement Lan Airlines) et Lan Cargo, SAC et SIA, Lufthansa, Lufthansa Cargo et Swiss, British Airways, SAS Cargo, SAS Consortium et SAS, AF-KLM, AF et Martinair. Le Tribunal a estimé que cette décision était entachée d’un vice de motivation.

17 À cet égard, en premier lieu, le Tribunal a constaté que la décision du 9 novembre 2010 était entachée de contradictions entre ses motifs et son dispositif. Les motifs de cette décision décrivaient une seule infraction unique et continue, relative à toutes les liaisons couvertes par l’entente, à laquelle les transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 auraient participé. En revanche, le dispositif de ladite décision identifiait soit quatre infractions uniques et continues distinctes, soit une seule infraction unique et continue dont la responsabilité ne serait imputée qu’aux transporteurs qui, sur les liaisons visées par les articles 1er à 4 de la même décision, auraient directement participé aux comportements infractionnels visés par chacun desdits articles ou auraient eu connaissance d’une collusion sur ces liaisons, dont ils acceptaient le risque. Or, aucune de ces deux lectures du dispositif de la décision en question n’était conforme à ses motifs.

18 Le Tribunal a aussi rejeté comme étant incompatible avec les motifs de la décision du 9 novembre 2010 la lecture alternative de son dispositif proposée par la Commission, consistant à considérer que l’absence de mention de certains des transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 dans les articles 1er, 3 et 4 de cette décision pouvait s’expliquer, sans qu’il soit besoin de considérer que ces articles constataient des infractions uniques et continues distinctes, par le fait que lesdits transporteurs n’assuraient pas les liaisons couvertes par ces dispositions.

19 En deuxième lieu, le Tribunal a considéré que les motifs de la décision du 9 novembre 2010 contenaient d’importantes contradictions internes.

20 En troisième lieu, après avoir relevé qu’aucune des deux lectures possibles du dispositif de la décision du 9 novembre 2010 n’était conforme à ses motifs, le Tribunal a examiné si, dans le cadre d’au moins l’une de ces deux lectures possibles, les contradictions internes à ladite décision étaient de nature à porter atteinte aux droits de la défense de la requérante et à empêcher le Tribunal d’exercer son contrôle. S’agissant de la première lecture, retenant l’existence de quatre infractions uniques et continues distinctes, premièrement, il a jugé que la requérante n’avait pas été en situation de comprendre dans quelle mesure les éléments de preuve exposés dans les motifs, liés à l’existence d’une infraction unique et continue, étaient susceptibles d’établir l’existence des quatre infractions distinctes constatées dans le dispositif et qu’elle n’avait donc pas davantage été en situation de pouvoir contester leur suffisance. Deuxièmement, il a jugé que la requérante s’était trouvée dans l’impossibilité de comprendre la logique qui avait conduit la Commission à la considérer comme responsable d’une infraction, y compris pour des liaisons non assurées à l’intérieur du périmètre défini par chaque article de la décision du 9 novembre 2010.

D. Décision attaquée

21 Le 20 mai 2016, à la suite de l’annulation prononcée par le Tribunal, la Commission a adressé une lettre aux transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 ayant introduit un recours contre cette dernière devant le Tribunal, les informant que sa direction générale (DG) de la concurrence entendait lui proposer d’adopter une nouvelle décision concluant qu’ils avaient participé à une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien sur toutes les liaisons mentionnées dans cette décision.

22 Les destinataires de la lettre de la Commission mentionnée au point 21 ci-dessus ont été invités à faire part de leur point de vue sur la proposition de la DG de la concurrence de la Commission dans un délai d’un mois. Tous, y compris la requérante, ont fait usage de cette possibilité.

23 Le 17 mars 2017, la Commission a adopté la décision C(2017) 1742 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] (affaire AT.39258 – Fret aérien) (ci-après la « décision attaquée »). Ladite décision a pour destinataires 19 transporteurs (ci-après les « transporteurs incriminés »), à savoir :

– Air Canada ;

– AF-KLM ;

– AF ;

– la requérante ;

– British Airways ;

– Cargolux ;

– CPA ;

– Japan Airlines ;

– Latam Airlines Group ;

– Lan Cargo ;

– Lufthansa Cargo ;

– Lufthansa ;

– Swiss ;

– Martinair ;

– SAS ;

– SAS Cargo ;

– SAS Consortium ;

– SAC ;

– SIA.

24 La décision attaquée ne retient pas de griefs à l’encontre des autres destinataires de la communication des griefs.

25 La décision attaquée décrit, dans ses motifs, une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, par laquelle les transporteurs incriminés auraient coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret dans le monde entier par le biais de la STC, de la STS et du paiement d’une commission sur les surtaxes.

26 En premier lieu, au point 4.1 de la décision attaquée, la Commission a décrit les « [p]rincipes de base et [la] structure de l’entente ». Aux considérants 107 et 108 de cette décision, elle a indiqué que l’enquête avait révélé une entente d’ampleur mondiale fondée sur un réseau de contacts bilatéraux et multilatéraux entretenus sur une longue période entre les concurrents, concernant le comportement qu’ils avaient décidé, prévu ou envisagé d’adopter en rapport avec divers éléments du prix des services de fret, à savoir la STC, la STS et le refus de paiement de commissions. Elle a souligné que ce réseau de contacts avait pour objectif commun de coordonner le comportement des concurrents en matière de tarification ou de réduire l’incertitude en ce qui concerne leur politique de prix (ci-après l’« entente litigieuse »).

27 Selon le considérant 109 de la décision attaquée, l’application coordonnée de la STC avait pour but de s’assurer que les transporteurs du monde entier imposent une surtaxe forfaitaire par kilo pour tous les envois concernés. Un réseau complexe de contacts, principalement bilatéraux, entre transporteurs aurait été institué dans le but de coordonner et de surveiller l’application de la STC, la date précise d’application étant souvent, selon la Commission, décidée au niveau local, le principal transporteur local prenant généralement la direction et les autres suivant. Cette approche coordonnée aurait été étendue à la STS, tout comme au refus de paiement de commissions, si bien que ces dernières seraient devenues des revenus nets pour les transporteurs et auraient constitué une mesure d’encouragement supplémentaire pour amener ceux-ci à suivre la coordination relative aux surtaxes.

28 Selon le considérant 110 de la décision attaquée, la direction générale du siège de plusieurs transporteurs aurait été soit directement impliquée dans les contacts avec les concurrents, soit régulièrement informée de ceux-ci. Dans le cas des surtaxes, les employés responsables du siège auraient été en contact mutuel lorsqu’un changement de niveau de la surtaxe était imminent. Le refus de paiement de commissions aurait également été confirmé à plusieurs reprises lors de contacts se tenant au niveau de l’administration centrale. Des contacts fréquents auraient également eu lieu au niveau local dans le but, d’une part, de mieux exécuter les instructions données par les administrations centrales et de les adapter aux conditions de marché locales et, d’autre part, de coordonner et de mettre en œuvre les initiatives locales. Dans ce dernier cas, les sièges des transporteurs auraient généralement autorisé l’action proposée ou en auraient été informés.

29 Selon le considérant 111 de la décision attaquée, les transporteurs auraient pris contact les uns avec les autres, soit de manière bilatérale, soit en petits groupes, soit, dans certains cas, en grands forums multilatéraux. Les associations locales de représentants de transporteurs auraient été utilisées, notamment à Hong Kong et en Suisse, pour discuter de mesures d’amélioration du rendement et pour coordonner les surtaxes. Des réunions d’alliances telles que l’alliance WOW auraient également été exploitées à ces fins.

30 En deuxième lieu, aux points 4.3, 4.4 et 4.5 de la décision attaquée, la Commission a décrit les contacts concernant, respectivement, la STC, la STS et le refus de paiement de commissions (ci-après les « contacts litigieux »).

31 Ainsi, premièrement, aux considérants 118 à 120 de la décision attaquée, la Commission a résumé les contacts relatifs à la STC comme suit :

« (118) Un réseau de contacts bilatéraux, impliquant plusieurs compagnies aériennes, a été institué fin 1999-début 2000, permettant un partage d’informations sur les actions des entreprises par les participants entre tous les membres du réseau. Les transporteurs prenaient régulièrement contact les uns avec les autres afin de discuter de toute question se posant en rapport avec la STC, notamment les modifications du mécanisme, les changements du niveau de la STC, l’application cohérente du mécanisme et les situations dans lesquelles certaines compagnies aériennes ne suivaient pas le système.

(119) Pour la mise en œuvre des STC au niveau local, un système par lequel les compagnies aériennes dominantes sur certaines liaisons ou dans certains pays annonçaient en premier le changement et étaient ensuite suivies par les autres, a souvent été appliqué […]

(120) La coordination anticoncurrentielle concernant la STC se déroulait principalement dans quatre contextes : en rapport avec l’introduction des STC au début 2000, la réintroduction d’un mécanisme de STC après l’annulation du mécanisme prévu par l’[Association du transport aérien international (IATA)], l’introduction de nouveaux seuils de déclenchement (augmentant le niveau maximal de la STC) et surtout le moment où les indices de carburant approchaient le seuil auquel une augmentation ou une diminution de la STC allait être déclenchée. »

32 Deuxièmement, au considérant 579 de la décision attaquée, la Commission a résumé les contacts relatifs à la STS comme suit :

« Plusieurs [transporteurs incriminés] ont discuté, entre autres, de leurs intentions d’introduire une STS […] De plus, le montant de la surtaxe et le calendrier d’introduction ont également été discutés. Les [transporteurs incriminés] ont en outre partagé des idées sur la justification à donner à leurs clients. Des contacts ponctuels concernant la mise en œuvre de la STS ont eu lieu pendant toute la période couvrant les années 2002 à 2006. La coordination illicite a eu lieu à la fois au niveau des administrations centrales et au niveau local. »

33 Troisièmement, au considérant 676 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les transporteurs incriminés avaient « continué à refuser de payer une commission sur les surtaxes et s[’étaient] confirmé mutuellement leur intention dans ce domaine lors de nombreux contacts ».

34 En troisième lieu, au point 4.6 de la décision attaquée, la Commission a procédé à l’appréciation des contacts litigieux. L’appréciation de ceux retenus contre la requérante figure aux considérants 731 à 736 de cette décision.

35 En quatrième lieu, au point 5 de la décision attaquée, la Commission a procédé à l’application aux faits de l’espèce de l’article 101 TFUE, tout en précisant, à la note en bas de page no 1289 de cette décision, que les considérations retenues valaient également pour l’article 53 de l’accord EEE et l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien. Ainsi, premièrement, au considérant 846 de ladite décision, elle a retenu que les transporteurs incriminés avaient coordonné leur comportement ou influencé la tarification, « ce qui rev[enai]t en définitive à une fixation de prix en rapport avec » la STC, la STS et le paiement d’une commission sur les surtaxes. Au considérant 861 de la même décision, elle a qualifié le « système général de coordination du comportement de tarification pour des services de fret » dont son enquête avait révélé l’existence d’« infraction complexe se composant de diverses actions qui [pouvaient] être qualifiées soit d’accord, soit de pratique concertée dans le cadre desquels les concurrents [avaie]nt sciemment substitué la coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence ».

36 Deuxièmement, au considérant 869 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le « comportement en cause constitu[ait] une infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE ». Elle a ainsi considéré que les arrangements en cause poursuivaient un objectif anticoncurrentiel unique consistant à entraver la concurrence dans le secteur du fret au sein de l’EEE, y compris lorsque la coordination s’était déroulée au niveau local et avait connu des variations locales (considérants 872 à 876), portaient sur un « [p]roduit/services unique », à savoir « la fourniture de services de fret […] et leur tarification » (considérant 877), concernaient les mêmes entreprises (considérant 878), revêtaient une nature unique (considérant 879) et portaient sur trois composantes, à savoir la STC, la STS et le refus de paiement de commissions, qui ont « fréquemment été discuté[e]s conjointement au cours du même contact avec les concurrents » (considérant 880).

37 Au considérant 881 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que « la majorité des parties », dont la requérante, étaient impliquées dans les trois composantes de l’infraction unique.

38 Troisièmement, au considérant 884 de la décision attaquée, la Commission a conclu au caractère continu de l’infraction en cause.

39 Quatrièmement, au considérant 903 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le comportement litigieux avait pour objet de restreindre la concurrence « au moins au sein de l’U[nion], dans l’EEE et en Suisse ». Au considérant 917 de cette décision, elle a, en substance, ajouté qu’il n’était, dès lors, pas nécessaire de prendre en considération les « effets concrets » de ce comportement.

40 Cinquièmement, aux considérants 972 à 1021 de la décision attaquée, la Commission a examiné la réglementation de sept pays tiers, dont plusieurs transporteurs incriminés soutenaient qu’elle leur imposait de se concerter sur les surtaxes, faisant ainsi obstacle à l’application des règles de concurrence pertinentes. La Commission a considéré que ces transporteurs étaient restés en défaut de prouver qu’ils avaient agi sous la contrainte desdits pays tiers.

41 Sixièmement, aux considérants 1024 à 1035 de la décision attaquée, la Commission a retenu que l’infraction unique et continue était susceptible d’affecter de manière sensible les échanges entre États membres, entre les parties contractantes à l’accord EEE et entre les parties contractantes à l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.

42 Septièmement, la Commission a examiné les limites de sa compétence territoriale et temporelle pour constater et sanctionner une infraction aux règles de concurrence dans le cas d’espèce. D’une part, aux considérants 822 à 832 de la décision attaquée, sous le titre « Compétence de la Commission », elle a, en substance, retenu qu’elle n’appliquerait pas, tout d’abord, l’article 101 TFUE aux accords et pratiques antérieurs au 1er mai 2004 concernant les liaisons entre des aéroports au sein de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE (ci-après les « liaisons Union-pays tiers »), ensuite, l’article 53 de l’accord EEE aux accords et pratiques antérieurs au 19 mai 2005 concernant les liaisons Union-pays tiers et les liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont parties contractantes à l’accord EEE et qui ne sont pas membres de l’Union et des aéroports situés dans des pays tiers (ci-après les « liaisons EEE sauf Union-pays tiers » et, conjointement avec les liaisons Union-pays tiers, les « liaisons EEE-pays tiers ») et, enfin, l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien aux accords et pratiques antérieurs au 1er juin 2002 concernant les liaisons entre des aéroports au sein de l’Union et des aéroports suisses (ci-après les « liaisons Union-Suisse »). Elle a aussi précisé que la décision attaquée n’avait « nullement la prétention de révéler une quelconque infraction à l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] concernant les services de fret [entre] la Suisse [et] des pays tiers ».

43 D’autre part, aux considérants 1036 à 1046 de la décision attaquée, sous le titre « L’applicabilité de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE aux liaisons entrantes », la Commission a rejeté les arguments de différents transporteurs incriminés selon lesquels elle outrepassait les limites de sa compétence territoriale au regard des règles de droit international public en constatant et en sanctionnant une infraction à ces deux dispositions sur les liaisons au départ de pays tiers et à destination de l’EEE (ci-après les « liaisons entrantes » et, s’agissant des services de fret offerts sur ces liaisons, les « services de fret entrants »). En particulier, au considérant 1042 de cette décision, elle a rappelé comme suit les critères qu’elle estimait applicables :

« En ce qui concerne l’application extraterritoriale de l’article 101 du TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, ces dispositions sont applicables aux accords qui sont mis en œuvre au sein de l’U[nion] (théorie de la mise en œuvre) ou qui ont des effets immédiats, substantiels et prévisibles au sein de l’U[nion] (théorie des effets). »

44 Aux considérants 1043 à 1046 de la décision attaquée, la Commission a appliqué les critères en question aux faits de l’espèce :

« (1043) Dans le cas des services de fret [entrants], l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE sont applicables parce que le service lui-même, qui fait l’objet de l’infraction en matière de fixation de prix, doit être rendu et est en effet rendu en partie sur le territoire de l’EEE. De plus, de nombreux contacts par lesquels les destinataires ont coordonné les surtaxes et le [refus de] paiement de commissions ont eu lieu à l’intérieur de l’EEE ou ont impliqué des participants se trouvant dans l’EEE.

(1044) […] l’exemple cité dans la communication [consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2008, C 95, p. 1 et rectificatif JO 2009, C 43, p. 10)] n’est pas pertinent ici. La[dite] communication se rapporte à la répartition géographique du chiffre d’affaires entre les entreprises aux fins de déterminer si les seuils de chiffre d’affaires de l’article 1er du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises [(JO 2004, L 24, p. 1)] sont atteints.

(1045) En outre, les pratiques anticoncurrentielles dans les pays tiers en ce qui concerne le transport du fret […] vers l’Union et l’EEE sont susceptibles d’avoir des effets immédiats, substantiels et prévisibles au sein de l’Union et de l’EEE, étant donné que les coûts accrus du transport aérien vers l’EEE et donc les prix plus élevés des marchandises importées sont, de par leur nature, susceptibles d’avoir des effets sur les consommateurs au sein de l’EEE. En l’espèce, les pratiques anticoncurrentielles éliminant la concurrence entre les transporteurs qui offrent des services de fret [entrants] étaient susceptibles d’avoir de tels effets également sur la fourniture de services de [fret] par d’autres transporteurs au sein de l’EEE, entre les plateformes de correspondance (“hubs”) dans l’EEE utilisées par les transporteurs de pays tiers et les aéroports de destination de ces envois dans l’EEE qui ne sont pas desservis par le transporteur du pays tiers.

(1046) Enfin, il convient de souligner que la Commission a découvert une entente au niveau mondial. L’entente a été mise en œuvre mondialement et les arrangements de l’entente concernant les liaisons entrantes faisaient partie intégrante de l’infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE. Les arrangements de l’entente étaient, dans de nombreux cas, organisés au niveau central et le personnel local ne faisait que les appliquer. L’application uniforme des surtaxes à une échelle mondiale était un élément clé de l’entente. »

45 En cinquième lieu, au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission a retenu que l’entente litigieuse avait débuté le 7 décembre 1999 et duré jusqu’au 14 février 2006. Au même considérant, elle a précisé que cette entente avait enfreint :

– l’article 101 TFUE, du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien entre des aéroports au sein de l’Union ;

– l’article 101 TFUE, du 1er mai 2004 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons Union-pays tiers ;

– l’article 53 de l’accord EEE, du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien entre les aéroports au sein de l’EEE (ci-après les « liaisons intra-EEE ») ;

– l’article 53 de l’accord EEE, du 19 mai 2005 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers ;

– l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, du 1er juin 2002 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons Union-Suisse.

46 En ce qui concerne la requérante, la Commission a retenu que la durée de l’infraction s’étendait du 21 décembre 1999 au 14 février 2006.

47 En sixième lieu, au point 8 de la décision attaquée, la Commission s’est penchée sur les mesures correctives à prendre et les amendes à infliger.

48 S’agissant, en particulier, de la détermination du montant des amendes, la Commission a indiqué avoir pris en compte la gravité et la durée de l’infraction unique et continue ainsi que les éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes. Elle s’est référée à cet égard aux lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).

49 Aux considérants 1184 et 1185 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le montant de base de l’amende se composait d’une proportion pouvant aller jusqu’à 30 % de la valeur des ventes de l’entreprise, déterminée en fonction de la gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années de participation de l’entreprise à l’infraction, à laquelle s’ajoutait un montant additionnel compris entre 15 et 25 % de la valeur des ventes (ci-après le « montant additionnel »).

50 Au considérant 1197 de la décision attaquée, la Commission a déterminé la valeur des ventes en additionnant, sur l’année 2005, qui était la dernière année complète avant la fin de l’infraction unique et continue, le chiffre d’affaires lié aux vols dans les deux sens sur les liaisons intra-EEE, sur les liaisons Union-pays tiers, sur les liaisons Union-Suisse ainsi que sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Elle a également tenu compte de l’adhésion à l’Union de nouveaux États membres en 2004.

51 Aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, tenant compte de la nature de l’infraction (accords horizontaux de fixation de prix), de la part de marché cumulée des transporteurs incriminés (34 % au niveau mondial et au moins autant sur les liaisons intra-EEE et EEE-pays tiers), de l’étendue géographique de l’entente litigieuse (mondiale) et de sa mise en œuvre effective, la Commission a fixé le coefficient de gravité à 16 %.

52 Aux considérants 1214 à 1217 de la décision attaquée, la Commission a déterminé la durée de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue comme suit, en fonction des liaisons concernées :

– en ce qui concernait les liaisons intra-EEE : du 21 décembre 1999 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à six ans et un mois, et un facteur de multiplication de 6 et 1/12 ;

– en ce qui concernait les liaisons Union-pays tiers : du 1er mai 2004 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à un an et neuf mois, et un facteur de multiplication de 1 et 9/12 ;

– en ce qui concernait les liaisons Union-Suisse : du 1er juin 2002 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à trois ans et huit mois, et un facteur de multiplication de 3 et 8/12 ;

– en ce qui concernait les liaisons EEE sauf Union-pays tiers : du 19 mai 2005 au 14 février 2006, évaluée, en nombre de mois, à huit mois, et un facteur de multiplication de 8/12.

53 Au considérant 1219 de la décision attaquée, la Commission a retenu que, au regard des circonstances spécifiques de l’affaire et des critères exposés au point 51 ci-dessus, le montant additionnel devait correspondre à 16 % de la valeur des ventes.

54 En conséquence, aux considérants 1240 à 1242 de la décision attaquée, le montant de base évalué pour la requérante à 368 000 000 euros a été arrêté à 187 000 000 euros, après application d’une réduction de 50 % fondée sur le paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 (ci-après la « réduction générale de 50 % ») et liée au fait qu’une partie des services relatifs aux liaisons entrantes et aux liaisons au départ de l’EEE et à destination de pays tiers (ci-après les « liaisons sortantes ») était fournie hors du territoire couvert par l’accord EEE et qu’une part du préjudice était donc susceptible de se produire en dehors dudit territoire.

55 Aux considérants 1264 et 1265 de la décision attaquée, en application du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, la Commission a octroyé aux transporteurs incriminés une réduction supplémentaire du montant de base de l’amende de 15 % (ci-après la « réduction générale de 15 % »), au motif que certains régimes réglementaires avaient encouragé l’entente litigieuse.

56 En conséquence, au considérant 1293 de la décision attaquée, la Commission a fixé le montant de base de l’amende de la requérante après ajustement à 158 950 000 euros.

57 Aux considérants 1323 à 1330 de la décision attaquée, la Commission a tenu compte de la contribution d’AF-KLM dans le cadre de sa demande de clémence en appliquant une réduction de 20 % au montant de l’amende, de sorte que, comme il est indiqué au considérant 1404 de la décision attaquée, le montant de l’amende infligée à la requérante a été fixé à 127 160 000 euros.

58 Le dispositif de la décision attaquée, pour autant qu’il concerne le présent litige, se lit comme suit :

« Article premier

En coordonnant leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de [fret] dans le monde entier en ce qui concerne la [STC], la [STS] et le paiement d’une commission sur les surtaxes, les entreprises suivantes ont commis l’infraction unique et continue suivante à l’article 101 [TFUE], à l’article 53 de [l’accord EEE] et à l’article 8 de [l’accord CE-Suisse sur le transport aérien] en ce qui concerne les liaisons suivantes et pendant les périodes suivantes.

1) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons [intra-EEE], pendant les périodes suivantes :

[…]

d) [la requérante], du 21 décembre 1999 au 14 février 2006 ;

[…]

2) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE en ce qui concerne les liaisons [Union-pays tiers], pendant les périodes suivantes :

[…]

d) [la requérante], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;

[…]

3) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons [EEE sauf Union-pays tiers], pendant les périodes suivantes :

[…]

d) [la requérante], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;

[…]

4) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 8 de l’accord [CE-Suisse] sur le transport aérien en ce qui concerne les liaisons [Union-Suisse], pendant les périodes suivantes :

[…]

d) [la requérante], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;

[…]

Article 2

La décision […] du 9 novembre 2010 est modifiée comme suit :

à l’article 5, les [sous] j), k) et l) sont abrogés.

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction unique et continue visée à l’article 1er de la présente décision et en ce qui concerne British Airways […], également pour les aspects des articles 1er à 4 de la décision […] du 9 novembre 2010 qui sont devenus définitifs :

[…]

c) [la requérante] : 2 720 000 EUR ;

d) [la requérante] et [AF-KLM] conjointement et solidairement : 124 440 000 EUR ;

[…]

Article 4

Les entreprises visées à l’article 1er mettent immédiatement fin à l’infraction unique et continue visée audit article, dans la mesure où elles ne l’ont pas encore fait.

Elles s’abstiennent également de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire.

Article 5

Sont destinataires de la présente décision :

[…]

[la requérante]

[…] »

II. Procédure et conclusions des parties

59 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 mai 2017, la requérante a introduit le présent recours.

60 La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 29 septembre 2017.

61 La requérante a déposé la réplique au greffe du Tribunal le 2 janvier 2018.

62 La Commission a déposé la duplique au greffe du Tribunal le 1er mars 2018.

63 Le 24 avril 2019, sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer la présente affaire devant une formation de jugement élargie.

64 Le 14 juin 2019, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties. Ces dernières ont répondu dans le délai imparti.

65 Par lettre du 27 juin 2019, les parties ont été invitées à présenter des observations sur une éventuelle jonction de la présente affaire à l’affaire T‑323/17, Martinair/Commission, aux fins de la phase orale de la procédure. Les parties ont répondu ne pas avoir d’objections à une telle jonction.

66 Par décision du 1er juillet 2019, la présente affaire et l’affaire T‑323/17, Martinair/Commission, ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure.

67 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 2 juillet 2019.

68 Par ordonnance du 13 juillet 2020, le Tribunal (quatrième chambre élargie), considérant qu’il était insuffisamment éclairé et qu’il y avait lieu d’inviter les parties à présenter leurs observations concernant un argument sur lequel elles n’avaient pas débattu, a ordonné la réouverture de la phase orale de la procédure en application de l’article 113 du règlement de procédure.

69 Les parties ont, dans le délai imparti, répondu à une série de questions posées par le Tribunal le 15 juillet 2020, puis soumis des observations sur leurs réponses respectives.

70 Par décision du 30 octobre 2020, le Tribunal a clos de nouveau la phase orale de la procédure.

71 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler l’intégralité de la décision attaquée en tant qu’elle la concerne ;

– à titre subsidiaire, annuler l’article 1er, paragraphe 2, sous d), et paragraphe 3, sous d), de la décision attaquée, en tant que la Commission a tenu la requérante pour responsable d’une infraction sur les liaisons entrantes ;

– annuler l’article 1er et l’article 1er, paragraphe 1, sous d), paragraphe 2, sous d), paragraphe 3, sous d), et paragraphe 4, sous d), et l’article 3, sous c) et d), de la décision attaquée en tant que la Commission a retenu que l’infraction unique et continue incluait le refus de paiement de commissions ;

– à titre également subsidiaire, réduire l’amende qui lui a été infligée à l’article 3, sous c) et d), de la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

72 La Commission conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– modifier le montant de l’amende infligée à la requérante en lui retirant le bénéfice de la réduction générale de 15 % dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes ;

– condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

73 Avant d’exposer les moyens qu’elle soulève formellement à l’appui du présent recours, la requérante formule des observations quant à l’exécution de l’arrêt du 16 décembre 2015, Koninklijke Luchtvaart Maatschappij/Commission (T‑28/11, non publié, EU:T:2015:995), par l’adoption de la décision attaquée. Le Tribunal estime qu’il est opportun de se pencher sur ces observations (voir points 74 à 89 ci-après) avant d’examiner, notamment, les moyens invoqués à l’appui des conclusions en annulation (voir points 90 à 378 ci-après) et ceux invoqués à l’appui des conclusions en modification du montant de l’amende (voir points 379 à 409 ci-après).

A. Sur les observations quant à l’exécution de l’arrêt du 16 décembre 2015, Koninklijke Luchtvaart Maatschappij/Commission (T‑28/11)

74 À titre liminaire, la requérante formule plusieurs observations quant à l’exécution de l’arrêt du 16 décembre 2015, Koninklijke Luchtvaart Maatschappij/Commission (T‑28/11, non publié, EU:T:2015:995), par le biais de l’adoption de la décision attaquée.

75 La requérante relève que, dans les motifs de la décision attaquée, la Commission ne se limite pas à présenter les faits relatifs aux quatre ensembles de liaisons qui composent l’infraction unique et continue sanctionnée dans le dispositif de ladite décision. Cela soulèverait deux questions. La première question serait de savoir comment la « délimitation des compétences » dans ce dispositif pourrait se concilier avec les descriptions factuelles plus larges dans ces motifs, et en particulier avec les références à une « entente mondiale ». Lesdits motifs indiqueraient que cette décision n’avait pas pour objet de constater des infractions aux règles de concurrence autres que celles relatives aux liaisons et aux périodes visées à l’article 1er de la décision attaquée. Sauf à entacher cette dernière de contradiction, ces références ne pourraient donc être comprises que comme une description purement factuelle du comportement des transporteurs incriminés, qui ne serait mentionnée qu’à l’appui de l’infraction unique et continue de portée géographique plus restreinte constatée audit article. Il ressortirait d’ailleurs de la version néerlandaise du dispositif de la décision attaquée que le terme « mondial » (wereldwijd) renvoie moins à la coordination entre les destinataires de la décision attaquée qu’à la « fourniture de services de fret ». Ce libellé soulignerait que la dimension mondiale de l’affaire résulterait principalement du fait que la STC et la STS ne seraient pas, en principe, propres à une liaison.

76 La requérante souligne que la première question revêt une importance majeure au vu des actions en dommages et intérêts introduites devant les juridictions nationales et fondées sur la décision attaquée (ci-après les « actions en dommages et intérêts »). L’exposition de la requérante au titre de ces actions augmenterait, en effet, considérablement s’il devait être jugé que la décision attaquée couvrait également des liaisons et des périodes autres que celles visées à son article 1er. Or, l’appréciation de l’incidence de cette décision sur lesdites actions relèverait du contrôle que devrait exercer le Tribunal.

77 La seconde question serait de savoir si, dans la mesure où le dispositif de la décision attaquée n’établirait plus de distinction entre la responsabilité des destinataires concernant les liaisons (ou ensembles de liaisons) pour lesquelles ils seraient tenus pour responsables, la notion de dommages et intérêts fondés sur l’existence d’un prix de protection pourrait s’appliquer à tous au-delà des liaisons (ou ensembles de liaisons) spécifiques mentionnées dans ce dispositif. À cet égard, la requérante indique que le présent recours se fonde sur une lecture de la décision attaquée selon laquelle la portée de cette dernière est strictement limitée aux liaisons et aux périodes à l’égard desquelles il a été constaté, à l’article 1er de ce dispositif, qu’elles faisaient l’objet d’une infraction unique et continue aux règles de concurrence. Ladite décision et les références à la dimension mondiale de l’entente litigieuse ne pourraient être interprétées en ce sens que des infractions relatives à d’autres liaisons ou périodes sont imputables à la requérante et ne justifieraient pas l’octroi de dommages et intérêts fondés sur l’existence d’un prix de protection au titre de telles liaisons.

78 La Commission répond que les observations de la requérante quant à l’exécution de l’arrêt du 16 décembre 2015, Koninklijke Luchtvaart Maatschappij/Commission (T‑28/11, non publié, EU:T:2015:995), ne sont liées à aucun moyen ou argument juridique. Dans la duplique, elle ajoute que la requérante veut, en réalité, débattre du lien entre les motifs et le dispositif de la décision attaquée aux fins d’améliorer sa situation dans le cadre des actions en dommages et intérêts. Toutefois, il n’appartiendrait pas au Tribunal, dans le cadre d’un recours en annulation, d’interpréter l’acte attaqué en vue de fournir des orientations aux juridictions nationales saisies de ces actions. Ces juridictions pourraient, le cas échéant, adresser une question préjudicielle à la Cour.

79 À cet égard, d’une part, pour autant que, dans ses observations quant à l’exécution de l’arrêt du 16 décembre 2015, Koninklijke Luchtvaart Maatschappij/Commission (T‑28/11, non publié, EU:T:2015:995), la requérante expose son point de vue quant à la portée de la décision attaquée, il convient de relever qu’elle ne tire aucune conséquence de ces observations pour les besoins du contrôle de la légalité de la décision attaquée. Elle reste en défaut d’expliquer comment lesdites observations se rattachent aux moyens et aux griefs qu’elle invoque à l’appui de son recours. Il y aurait alors lieu de rejeter les observations en cause comme étant irrecevables.

80 En tout état de cause, le Tribunal ne saurait fournir, dans un arrêt déclaratoire, des clarifications quant à la portée de la décision attaquée. Il convient, en effet, de rappeler que le contentieux de l’Union ne connaît pas de voie de droit permettant au juge de prendre position de cette manière (voir, en ce sens, arrêts du 15 décembre 2005, Infront WM/Commission, T‑33/01, EU:T:2005:461, point 171 et jurisprudence citée, et du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil, T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142, point 41 et jurisprudence citée).

81 L’argument de la requérante selon lequel « l’incidence de la décision attaquée sur [les actions en dommages et intérêts] relève du contrôle juridictionnel [du Tribunal] » ne modifie pas cette conclusion. Il convient, en effet, de rappeler, à l’instar de la Commission, que la présente procédure se fonde sur l’article 263 TFUE, et n’a donc pas pour objet d’apporter à la requérante des précisions qu’elle jugerait utiles en vue de se défendre dans le cadre des actions en dommages et intérêts, mais uniquement de contrôler la légalité de la décision attaquée (voir, en ce sens, ordonnance du 25 octobre 2011, Air France/Commission, T‑63/11, non publiée, EU:T:2011:629, point 27).

82 D’autre part, pour autant que, par ses observations quant à l’exécution de l’arrêt du 16 décembre 2015, Koninklijke Luchtvaart Maatschappij/Commission (T‑28/11, non publié, EU:T:2015:995), la requérante se prévaut, en substance, d’une contradiction entre les motifs de la décision attaquée et l’article 1er de ladite décision, il convient de rappeler que le principe de protection juridictionnelle effective est un principe général du droit de l’Union aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Ce principe, qui correspond, dans le droit de l’Union, à l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, exige que le dispositif d’une décision par laquelle la Commission constate des violations aux règles de concurrence soit particulièrement clair et précis et que les entreprises tenues pour responsables et sanctionnées soient en mesure de comprendre et de contester l’attribution de cette responsabilité et l’imposition de ces sanctions, telles qu’elles ressortent des termes dudit dispositif (voir arrêt du 16 décembre 2015, Martinair Holland/Commission, T‑67/11, EU:T:2015:984, point 31 et jurisprudence citée).

83 C’est, en effet, par le dispositif de ses décisions que la Commission indique la nature et l’étendue des infractions qu’elle sanctionne. S’agissant précisément de la portée et de la nature des infractions sanctionnées, c’est ainsi en principe le dispositif, et non les motifs, qui importe. C’est uniquement dans le cas d’un manque de clarté des termes utilisés dans le dispositif qu’il convient de l’interpréter en ayant recours aux motifs de la décision (voir arrêt du 16 décembre 2015, Martinair Holland/Commission, T‑67/11, EU:T:2015:984, point 32 et jurisprudence citée).

84 En l’espèce, il y a d’emblée lieu d’observer que, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission n’a pas conclu, dans le dispositif de la décision attaquée, à l’existence d’une infraction de dimension mondiale. La référence à la coordination du comportement des transporteurs incriminés « en matière de tarification pour la fourniture de services de fret […] dans le monde entier » dans le paragraphe introductif de l’article 1er de cette décision n’est qu’un constat de faits que la Commission a qualifiés aux paragraphes 1 à 4 du même article d’infraction aux règles de concurrence applicables sur les liaisons dont elle a estimé qu’elles relevaient, aux périodes en cause, de sa compétence. Il s’agit des liaisons intra-EEE entre le 7 décembre 1999 et le 14 février 2006 (paragraphe 1), des liaisons Union-pays tiers entre le 1er mai 2004 et le 14 février 2006 (paragraphe 2), des liaisons EEE sauf Union-pays tiers entre le 19 mai 2005 et le 14 février 2006 (paragraphe 3) et des liaisons Union-Suisse entre le 1er juin 2002 et le 14 février 2006 (paragraphe 4).

85 Il s’ensuit que le dispositif de la décision attaquée n’est entaché ni d’une contradiction ni d’un manque de clarté ou de précision.

86 Le dispositif de la décision attaquée ne prêtant pas au doute, c’est donc uniquement à titre surabondant que le Tribunal ajoute que les motifs de la décision attaquée confortent cette conclusion. Ces motifs font ainsi référence, d’une part, à une infraction aux règles de concurrence applicables dont la portée géographique est limitée à des types de liaisons déterminés (considérants 1146 et 1187) et, d’autre part, à une « entente mondiale » (considérants 74, 112, 832 et 1300), de « caractère mondial » (considérant 887) ou « mise en œuvre mondialement » (considérant 1046).

87 Le considérant 1210 de la décision attaquée déroge, il est vrai, à la règle, en ce qu’il fait référence à « la portée géographique de l’infraction [qui] était mondiale ». Il y a cependant lieu de constater que le contexte dans lequel s’inscrit cette référence isolée à une infraction mondiale tend à démontrer qu’il s’agit d’une simple erreur de plume et qu’il faut lire « la portée géographique de l’entente [litigieuse] était mondiale ». En effet, ladite référence est suivie des phrases suivantes :

« Aux fins de déterminer la gravité de l’infraction, cela signifie que l’entente [litigieuse] couvrait l’ensemble de l’EEE et la Suisse. Cela inclut les services de fret […] sur les liaisons dans les deux directions entre des aéroports situés dans l’EEE, entre des aéroports situés dans l’Union et des aéroports situés en dehors de l’EEE, entre des aéroports situés dans l’Union et des aéroports situés en Suisse et entre des aéroports situés sur le territoire de parties contractantes à l’EEE qui ne sont pas des États membres et des aéroports situés dans des pays tiers. »

88 En conséquence, loin d’être contradictoire avec la motivation de la décision attaquée, le constat tenant à l’existence d’une coordination tarifaire pour la fourniture de services de fret dans le monde entier reflète la position exprimée par la Commission, tout au long de la décision attaquée, sur la portée géographique de l’entente litigieuse.

89 Les présentes observations doivent donc, en toute hypothèse, être écartées.

B. Sur les conclusions en annulation

90 La requérante invoque formellement quatre moyens à l’appui de ses conclusions en annulation. Ces moyens sont tirés :

– le premier, de la violation de l’« interdiction de l’arbitraire des pouvoirs publics », du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de motivation ;

– le deuxième, d’un défaut de compétence de la Commission pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants ;

– le troisième, d’un défaut de motivation et d’une erreur manifeste d’appréciation ;

– le quatrième, de violations de l’article 101 TFUE, de l’article 49 de la Charte et des lignes directrices de 2006 dans la fixation du montant de l’amende.

91 Le Tribunal estime opportun d’examiner, tout d’abord, le deuxième moyen, ensuite, le moyen relevé d’office, tiré de l’incompétence de la Commission au regard de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pour constater et sanctionner une infraction sur les liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont parties contractantes à l’accord EEE et qui ne sont pas membres de l’Union et des aéroports situés en Suisse (ci-après les « liaisons EEE sauf Union-Suisse »), et, enfin, les premier, troisième et quatrième moyens successivement.

1. Sur le deuxième moyen, tiré du défaut de compétence de la Commission pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants

92 Le présent moyen, par lequel la requérante soutient que la Commission n’était pas compétente pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants, s’articule, en substance, en trois branches. Elles sont prises, la première, de l’interprétation erronée du règlement (CE) no 411/2004 du Conseil, du 26 février 2004, abrogeant le règlement (CEE) no 3975/87 et modifiant le règlement (CEE) no 3976/87 ainsi que le règlement no 1/2003, en ce qui concerne les transports aériens entre la Communauté et les pays tiers (JO 2004, L 68, p. 1), la deuxième, de l’application erronée du critère de la mise en œuvre et, la troisième, de l’application erronée du critère des effets qualifiés.

a) Sur la première branche, prise d’une erreur dans l’interprétation du règlement no 411/2004

93 La requérante soutient que l’interprétation de la Commission selon laquelle il ressort du règlement no 411/2004 que l’article 101 TFUE s’applique aux pratiques anticoncurrentielles aux vols sur les liaisons entrantes et sortantes est « loin d’être évidente ». Selon elle, d’une part, la référence aux « transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers » dans ce règlement ne comprendrait pas nécessairement les vols sur les liaisons entrantes. D’autre part et en tout état de cause, la Commission ne se verrait pas accorder de compétence par voie de règlement, mais uniquement par les dispositions du traité FUE et du droit international public.

94 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

95 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 103, paragraphe 1, TFUE investit le Conseil de l’Union européenne de la compétence d’arrêter les règlements ou directives utiles en vue de l’application des principes figurant aux articles 101 et 102 TFUE.

96 En l’absence d’une telle réglementation, les articles 104 et 105 TFUE s’appliquent et imposent, en substance, aux autorités des États membres l’obligation d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE et limitent les pouvoirs de la Commission en la matière à la faculté d’instruire, sur demande d’un État membre ou d’office, et en liaison avec les autorités compétentes des États membres qui lui prêtent leur assistance, les cas d’infraction présumée aux principes fixés par ces dispositions et, le cas échéant, de proposer les moyens propres à y mettre fin (arrêt du 30 avril 1986, Asjes e.a., 209/84 à 213/84, EU:C:1986:188, points 52 à 54 et 58).

97 Le 6 février 1962, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article [103 TFUE], le règlement no 17, premier règlement d’application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 1962, 13, p. 204).

98 Toutefois, le règlement no 141 du Conseil, du 26 novembre 1962, portant non-application du règlement no 17 du Conseil au secteur des transports (JO 1962, 124, p. 2751), a soustrait l’ensemble du secteur des transports à l’application du règlement no 17 (arrêt du 11 mars 1997, Commission/UIC, C‑264/95 P, EU:C:1997:143, point 44). Dans ces conditions, en l’absence d’une réglementation telle que celle prévue à l’article 103, paragraphe 1, TFUE, les articles 104 et 105 TFUE sont initialement demeurés applicables aux transports aériens (arrêt du 30 avril 1986, Asjes e.a., 209/84 à 213/84, EU:C:1986:188, points 51 et 52).

99 La conséquence en a été une répartition des compétences entre les États membres et la Commission pour l’application des articles 101 et 102 TFUE telle que celle décrite au point 96 ci-dessus.

100 Ce n’est qu’en 1987 que le Conseil a adopté un règlement concernant le transport aérien au titre de l’article 103, paragraphe 1, TFUE. Il s’agit du règlement (CEE) no 3975/87 du Conseil, du 14 décembre 1987, déterminant les modalités d’application des règles de concurrence applicables aux entreprises de transports aériens (JO 1987, L 374, p. 1), qui a conféré à la Commission le pouvoir d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE aux transports aériens internationaux entre des aéroports au sein de l’Union, à l’exclusion des transports aériens internationaux entre les aéroports d’un État membre et ceux d’un pays tiers (arrêt du 11 avril 1989, Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro, 66/86, EU:C:1989:140, point 11). Ces derniers sont demeurés assujettis aux articles 104 et 105 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission, T‑128/98, EU:T:2000:290, point 55).

101 L’entrée en vigueur, en 1994, du protocole 21 de l’accord EEE concernant la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises (JO 1994, L 1, p. 181) a étendu ce régime à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues par l’accord EEE, excluant ainsi que la Commission puisse appliquer les articles 53 et 54 de l’accord EEE aux transports aériens internationaux entre les aéroports des États parties à l’EEE qui ne sont pas membres de l’Union et ceux de pays tiers.

102 Le règlement no 1/2003 et la décision du Comité mixte de l’EEE no 130/2004, du 24 septembre 2004, modifiant l’annexe XIV (Concurrence), le protocole 21 (concernant la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises) et le protocole 23 (concernant la coopération entre les autorités de surveillance) de l’accord EEE (JO 2005, L 64, p. 57), qui a par la suite incorporé ce règlement à l’accord EEE, ont initialement laissé intact ce régime. L’article 32, sous c), dudit règlement prévoyait, en effet, que ce dernier « ne s’appliqu[ait] pas aux transports aériens entre les aéroports de [l’Union] et des pays tiers ».

103 Le règlement no 411/2004, dont l’article 1er a abrogé le règlement no 3975/87 et dont l’article 3 a supprimé l’article 32, sous c), du règlement no 1/2003, a conféré à la Commission le pouvoir d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE aux liaisons Union-pays tiers à compter du 1er mai 2004.

104 La décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005, du 11 mars 2005, modifiant l’annexe XIII (Transports) et le protocole 21 (concernant la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises) de l’accord EEE (JO 2005, L 198, p. 38), a incorporé le règlement no 411/2004 à l’accord EEE, conférant à la Commission le pouvoir d’appliquer les articles 53 et 54 de l’accord EEE aux liaisons EEE sauf Union-pays tiers à compter du 19 mai 2005.

105 Dans la présente affaire, les parties s’opposent, en substance, sur la question de savoir si la portée du règlement no 411/2004 et de la décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005 s’étend aux services de fret entrants.

106 À cet égard, tout d’abord, il convient d’observer que, le règlement no 411/2004 ayant abrogé le règlement no 3975/87 et supprimé l’article 32, sous c), du règlement no 1/2003, il n’existe plus de base textuelle expresse qui serait de nature à justifier que les services de fret entrants demeurent exclus du régime institué par le règlement no 1/2003 et restent ainsi assujettis au régime prévu aux articles 104 et 105 TFUE.

107 Ensuite, rien dans le libellé ou l’économie générale du règlement no 411/2004 ne permet de considérer que le législateur aurait entendu maintenir l’exclusion des services de fret entrants du champ d’application du règlement no 1/2003. Au contraire, tant l’intitulé que les considérants 1 à 3, 6 et 7 du règlement no 411/2004 visent expressément les « transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers » sans distinction selon, d’une part, qu’ils sont au départ ou à destination de l’Union ou, d’autre part, qu’ils concernent le fret ou le transport de passagers.

108 La finalité du règlement no 411/2004 plaide, elle aussi, en faveur de l’inclusion des services de fret entrants dans le champ d’application dudit règlement. Il ressort, en effet, du considérant 3 de ce règlement que l’extension du champ d’application du règlement no 1/2003 au transport aérien entre l’Union et les pays tiers procède d’un double constat. D’une part, « [l]es pratiques anticoncurrentielles dans le domaine des transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres ». D’autre part, « les mécanismes prévus par [ce dernier règlement] conviennent également à l’application des règles de concurrence aux transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers ». Or, la requérante n’établit ni même n’allègue que les services de fret entrants soient, par leur nature même, insusceptibles d’affecter le commerce entre États membres ou ne se prêtent pas à la mise en œuvre des mécanismes prévus par le même règlement.

109 Enfin, les travaux préparatoires du règlement no 411/2004 confirment que le législateur de l’Union n’entendait établir de distinction ni entre les liaisons entrantes et les liaisons sortantes ni entre le fret et le transport de passagers. Il ressort ainsi du point 10 de l’exposé des motifs de la proposition de règlement du Conseil abrogeant le règlement no 3975/87 et modifiant le règlement (CEE) no 3976/87 ainsi que le règlement no 1/2003, en ce qui concerne les transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers (COM/2003/0091 final – CNS 2003/0038), que, « [s]i les règles d’application du droit [de l’Union] de la concurrence régissaient également les transports aériens internationaux au départ et à destination de [l’Union], les [transporteurs] bénéficieraient d’un système commun d’application des règles de concurrence au niveau européen et, partant, d’une plus grande sécurité juridique quant à la légalité de leurs accords au regard de ces règles ». Au même point, il est fait référence à la volonté d’« offrir au secteur aérien des conditions de concurrence égales pour l’ensemble des activités de transport aérien ».

110 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, les services de fret entrants relèvent du champ d’application du règlement no 411/2004 et de la décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005. C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission a retenu, au considérant 1041 de la décision attaquée, que l’article 101 TFUE était applicable au transport aérien entre l’Union et les pays tiers « dans les deux sens », les mêmes considérations valant pour l’article 53 de l’accord EEE s’agissant des liaisons EEE sauf Union-pays tiers.

111 Dès lors, la première branche du présent moyen doit être rejetée.

b) Sur la deuxième et la troisième branches, prises, respectivement, d’une erreur dans l’application du critère de la mise en œuvre et d’une erreur dans l’application du critère des effets qualifiés

112 Il convient d’observer, à l’instar de la requérante, que, s’agissant d’un comportement adopté en dehors du territoire de l’EEE, la seule existence de directives ou règlements visés à l’article 103, paragraphe 1, TFUE ne suffit pas à fonder la compétence de la Commission au regard du droit international public pour constater et sanctionner une violation de l’article 101 TFUE ou de l’article 53 de l’accord EEE.

113 Encore faut-il que la Commission puisse établir cette compétence au regard du critère de la mise en œuvre ou au regard du critère des effets qualifiés (voir, en ce sens, arrêts du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 40 à 47, et du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, points 95 à 97).

114 Ces critères sont alternatifs et non cumulatifs (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 98 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, points 62 à 64).

115 Aux considérants 1043 à 1046 de la décision attaquée, la Commission s’est fondée tant sur le critère de la mise en œuvre que sur le critère des effets qualifiés pour établir au regard du droit international public sa compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes.

116 La requérante invoquant une erreur dans l’application de chacun de ces deux critères, le Tribunal estime qu’il est opportun d’examiner d’abord si la Commission était fondée à se prévaloir du critère des effets qualifiés. Conformément à la jurisprudence citée au point 114 ci-dessus, ce n’est que dans la négative qu’il conviendra de vérifier si la Commission pouvait s’appuyer sur le critère de la mise en œuvre.

117 La requérante fait valoir que la décision attaquée repose sur la supposition erronée que l’infraction unique et continue, dans la mesure où elle concernait les services de fret entrants, a eu un effet substantiel, immédiat et prévisible sur la concurrence dans l’EEE.

118 Selon la requérante, la Commission a commis une erreur au considérant 1045 de la décision attaquée en retenant que les pratiques anticoncurrentielles portant sur les liaisons entrantes avaient, « de par leur nature », eu un effet sur la concurrence au sein de l’Union ou de l’EEE, au motif que les coûts de transport accrus résultant desdites pratiques avaient eu des effets sur le prix des marchandises transportées. D’une part, elle estime que la Commission, à qui incomberait la charge de la preuve, s’est appuyée sur une simple supposition qui n’était pas étayée et était en tout état de cause trop générale.

119 L’arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2017:632), ne remettrait pas en cause cette conclusion. Il ressortirait, en effet, de cet arrêt que, lorsque la Commission allègue que sa compétence se fonde sur certains effets, ces derniers doivent être « probables ». Or, au considérant 917 de la décision attaquée, la Commission aurait indiqué ne procéder à aucune appréciation des effets anticoncurrentiels des pratiques anticoncurrentielles en question.

120 D’autre part, la requérante soutient que la Commission a ignoré trois indices qui étaient de nature à remettre en cause ses conclusions. Premièrement, il ne pourrait être soutenu qu’une hausse des surtaxes conduit à une augmentation quasi automatique du prix des marchandises transportées, ni a fortiori qu’une telle augmentation en est une conséquence « naturelle ». En effet, l’infraction ne portant que sur la STC et la STS, les transitaires auraient conservé la possibilité d’exercer leur puissance d’achat sur les autres éléments du prix total. Or, il ressortirait d’une étude économique qu’il existerait une corrélation négative substantielle entre le niveau des surtaxes et le niveau des autres éléments du prix total, si bien que, lorsque les surtaxes augmentent, les tarifs diminueraient.

121 Deuxièmement, il serait loin d’être évident que, « de par sa nature », toute incidence sur le prix global du transport de fret causée par l’infraction sur les surtaxes était effectivement répercutée sur le prix facturé aux expéditeurs. Compte tenu des caractéristiques du marché en cause, une telle éventualité aurait exclusivement dépendu des transitaires, dont il apparaîtrait qu’ils s’écartent effectivement des éléments de prix de la requérante, en incluant des surtaxes plus élevées que celles facturées par cette dernière. Il ressortirait d’ailleurs de la décision C(2012) 1959 final de la Commission, du 28 mars 2012, relative à une procédure d’application de l’article 101 [TFUE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39462 – Transit) (ci-après la « décision transit »), qu’au moins une partie des prix facturés par les transitaires aux expéditeurs pendant la période en cause résultait elle-même d’infractions aux règles de concurrence, si bien que le lien de causalité entre le comportement de la requérante et ses effets serait empreint d’incertitude. Selon la requérante, cela donne aussi à penser que les transitaires ont pu exercer une puissance d’achat sur elle par le biais d’autres éléments du prix.

122 Troisièmement, il serait loin d’être évident que les éventuels effets de l’infraction au sein de l’EEE aient revêtu un caractère substantiel. D’une part, selon la requérante, il existe une corrélation négative substantielle entre le niveau des surtaxes et le niveau des autres éléments du prix total. D’autre part, elle affirme que le total des surtaxes qu’elle a appliquées au cours de la période en cause a, en moyenne, été d’environ 20 % du prix total facturé aux transitaires et s’est inscrit dans un ensemble beaucoup plus vaste de services fournis par ces derniers.

123 Dans la réplique, la requérante relève également que l’argumentation de la Commission vise le fonctionnement d’un marché autre que celui que vise la décision attaquée et sur lequel elle commercialise ses services auprès de ses clients.

124 Toujours au stade de la réplique, la requérante ajoute que le Tribunal ne saurait, sans violer ses droits de la défense, admettre que la Commission était compétente pour les vols sur les liaisons entrantes au regard de la « théorie des effets » sur la base des observations formulées dans le mémoire en défense. Ces dernières ne figureraient, en effet, pas dans la communication des griefs. La décision transit n’aurait pas encore été rendue au moment de la procédure administrative.

125 Lors de l’audience, la requérante a également fait valoir que la Commission n’était pas fondée à considérer que le critère des effets qualifiés pouvait s’appliquer au regard du comportement litigieux pris dans son ensemble plutôt qu’au regard de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément. L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C‑413/14 P, EU:C:2017:632), sur lequel se fonderait l’argumentation de la Commission, serait en effet différente de la présente espèce. Ainsi, cette affaire aurait concerné une stratégie de verrouillage, dont les clients de l’entreprise dominante auraient été les « vecteurs ». En outre, la requérante soutient que la pratique décisionnelle de la Commission ne permet pas de conclure à l’existence d’un marché mondial du fret et conteste la « logique globale de l’infraction mondiale ». Il n’y aurait d’ailleurs pas d’élément de preuve indiquant que les structures de la concurrence dans le marché de l’EEE auraient été modifiées en raison du comportement des transitaires en dehors de l’EEE.

126 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

127 À titre liminaire, il convient d’observer que la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission de s’être appuyée dans le mémoire en défense sur des éléments qui ne figuraient pas dans la communication des griefs. En effet, le seul élément de cette nature auquel renvoie la requérante est la référence de la Commission à la décision transit dans ledit mémoire, que la requérante elle-même a invoquée dans la requête et que la Commission s’est contentée de citer dans ses écritures pour se défendre.

128 Ensuite, dans la décision attaquée, la Commission s’est, en substance, appuyée sur trois motifs autonomes pour retenir que le critère des effets qualifiés était satisfait en l’espèce.

129 Les deux premiers motifs figurent au considérant 1045 de la décision attaquée. Ainsi que la Commission l’a confirmé en réponse aux questions écrites et orales du Tribunal, ces motifs portent sur les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément. Le premier motif tient à ce que les « coûts accrus du transport aérien vers l’EEE et donc les prix plus élevés des marchandises importées [étaie]nt, de par leur nature, susceptibles d’avoir des effets sur les consommateurs au sein de l’EEE ». Le deuxième motif concerne les effets de la coordination relative aux services de fret entrants « également sur la fourniture de services de [fret] par d’autres transporteurs au sein de l’EEE, entre les plateformes de correspondance (“hubs”) dans l’EEE utilisées par les transporteurs de pays tiers et les aéroports de destination de ces envois dans l’EEE qui ne sont pas desservis par le transporteur du pays tiers ».

130 Le troisième motif figure au considérant 1046 de la décision attaquée et concerne, comme il ressort des réponses de la Commission aux questions écrites et orales du Tribunal, les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.

131 Le Tribunal estime qu’il est opportun d’examiner tant les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément que ceux de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble, en commençant par les premiers.

1) Sur les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément

132 Il convient d’examiner d’abord le bien-fondé du premier motif sur lequel se fonde la conclusion de la Commission selon laquelle le critère des effets qualifiés est satisfait en l’espèce (ci-après l’« effet en cause »).

133 À cet égard, il convient de rappeler que, comme il ressort du considérant 1042 de la décision attaquée, le critère des effets qualifiés permet de justifier l’application des règles de concurrence de l’Union et de l’EEE au regard du droit international public lorsqu’il est prévisible que le comportement litigieux produise un effet immédiat et substantiel dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 49 ; voir également, en ce sens, arrêt du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T‑102/96, EU:T:1999:65, point 90).

134 En l’espèce, la requérante conteste tant la pertinence de l’effet en cause (voir points 135 à 154 ci-après) que son caractère prévisible (voir points 155 à 174 ci-après), son caractère substantiel (voir points 175 à 185 ci-après) et son caractère immédiat (voir points 186 à 194 ci-après).

i) Sur la pertinence de l’effet en cause

135 Il ressort de la jurisprudence que le fait pour une entreprise participant à un accord ou à une pratique concertée d’être située dans un État tiers ne fait pas obstacle à l’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, dès lors que cet accord ou cette pratique produit ses effets, respectivement, dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin Import, 22/71, EU:C:1971:113, point 11).

136 L’application du critère des effets qualifiés a précisément pour objectif d’appréhender des comportements qui n’ont, certes, pas été adoptés sur le territoire de l’EEE, mais dont les effets anticoncurrentiels sont susceptibles de se faire sentir dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 45).

137 Contrairement à ce que soutient la requérante, ce critère n’exige pas d’établir que le comportement litigieux a produit des effets qui se sont effectivement matérialisés dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE. Au contraire, selon la jurisprudence et comme le reconnaît la requérante dans la réplique, il suffit de tenir compte de l’effet probable de ce comportement sur la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 51).

138 Il incombe, en effet, à la Commission d’assurer la protection de la concurrence dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE contre les menaces à son fonctionnement effectif.

139 En présence d’un comportement dont la Commission a, comme en l’espèce, considéré qu’il révélait un degré de nocivité à l’égard de la concurrence dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE tel qu’il pouvait être qualifié de restriction de concurrence « par objet » au sens de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, l’application du critère des effets qualifiés ne saurait pas non plus exiger la démonstration des effets concrets que suppose la qualification d’un comportement de restriction de concurrence « par effet » au sens de ces dispositions.

140 À cet égard, il convient de rappeler, à l’instar de la requérante, que le critère des effets qualifiés est ancré dans le libellé de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, qui tendent à appréhender les accords et les pratiques qui limitent le jeu de la concurrence, respectivement, dans le marché intérieur et au sein de l’EEE. Ces dispositions interdisent, en effet, les accords et les pratiques des entreprises qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, respectivement, « à l’intérieur du marché intérieur » et « à l’intérieur du territoire couvert par [l’accord EEE] » (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 42).

141 Or, il est de jurisprudence constante que l’objet et l’effet anticoncurrentiel sont des conditions non pas cumulatives, mais alternatives pour apprécier si un comportement relève des interdictions énoncées aux articles 101 TFUE et 53 de l’accord EEE (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, point 28 et jurisprudence citée).

142 Il en résulte que, comme l’a relevé la Commission au considérant 917 de la décision attaquée, la prise en considération des effets concrets du comportement litigieux est superflue, dès lors que l’objet anticoncurrentiel de ce dernier est établi (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, p. 496, et du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 55).

143 Dans ces conditions, interpréter le critère des effets qualifiés comme semble le préconiser la requérante, en ce sens qu’il exigerait la preuve des effets concrets du comportement litigieux même en présence d’une restriction de concurrence « par objet », reviendrait à assujettir la compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE à une condition qui ne trouve pas de fondement dans le texte de ces dispositions.

144 La requérante ne saurait par conséquent valablement reprocher à la Commission d’avoir commis une erreur en retenant que le critère des effets qualifiés était satisfait, alors même que celle-ci avait, aux considérants 917, 1190 et 1277 de la décision attaquée, indiqué ne pas être tenue de procéder à une appréciation des effets anticoncurrentiels du comportement litigieux au vu de l’objet anticoncurrentiel de ce dernier. Elle ne saurait pas davantage déduire de ces considérants que la Commission n’a effectué aucune analyse des effets produits par ledit comportement dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE aux fins de l’application de ce critère.

145 En effet, au considérant 1045 de la décision attaquée, la Commission a considéré, en substance, que l’infraction unique et continue, en tant qu’elle portait sur les liaisons entrantes, était susceptible d’accroître le montant des surtaxes et, en conséquence, le prix total des services de fret entrants et que les transitaires avaient répercuté ce surcoût sur les expéditeurs implantés dans l’EEE, qui avaient dû payer pour les marchandises qu’ils avaient achetées un prix plus élevé que celui qui leur aurait été facturé en l’absence de ladite infraction.

146 Aucun des arguments de la requérante ne permet de considérer que l’effet en cause ne comptait pas parmi les effets produits par le comportement litigieux dont la Commission est fondée à tenir compte aux fins de l’application du critère des effets qualifiés.

147 En premier lieu, contrairement à ce que semble soutenir la requérante, rien dans le libellé, l’économie ou la finalité de l’article 101 TFUE ne permet de considérer que les effets pris en compte aux fins de l’application du critère des effets qualifiés doivent se produire sur le même marché que celui concerné par l’infraction en cause plutôt que sur un marché aval comme c’est le cas en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, points 159 et 161).

148 En second lieu, c’est à tort que la requérante avance que le comportement litigieux, en tant qu’il portait sur les liaisons entrantes, n’était pas susceptible de restreindre la concurrence dans l’EEE, au motif que celle-ci ne s’exerçait que dans les pays tiers où sont établis les transitaires qui s’approvisionnaient en services de fret entrants auprès des transporteurs incriminés.

149 À cet égard, il convient de relever que l’application du critère des effets qualifiés doit s’effectuer au regard du contexte économique et juridique dans lequel s’inscrit le comportement en cause (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin Import, 22/71, EU:C:1971:113, point 13).

150 En l’espèce, il ressort des considérants 14, 17 et 70 de la décision attaquée et des réponses des parties aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal que les transporteurs vendent exclusivement ou presque leurs services de fret à des transitaires. Or, s’agissant des services de fret entrants, la quasi-totalité de ces ventes s’effectue au point d’origine des liaisons en cause, à l’extérieur de l’EEE, où sont établis lesdits transitaires. Il ressort, en effet, des réponses de la requérante aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal que, entre le 1er mai 2004 et le 14 février 2006, elle n’a réalisé qu’une proportion négligeable de ses ventes de services de fret entrants auprès de clients implantés dans l’EEE.

151 Il convient, cependant, d’observer que, si les transitaires achètent ces services, c’est notamment en qualité d’intermédiaires, pour les consolider dans un lot de services dont l’objet est, par définition, d’organiser le transport intégré de marchandises vers le territoire de l’EEE au nom d’expéditeurs. Ainsi qu’il ressort du considérant 70 de la décision attaquée, ces derniers peuvent notamment être les acheteurs ou les propriétaires des marchandises transportées. Il est donc à tout le moins vraisemblable qu’ils soient établis dans l’EEE.

152 Il s’ensuit que, pour peu que les transitaires répercutent sur le prix de leurs lots de services l’éventuel surcoût résultant de l’entente litigieuse, c’est notamment sur la concurrence que se livrent les transitaires pour capter la clientèle de ces expéditeurs que l’infraction unique et continue, en tant qu’elle concerne les liaisons entrantes, est susceptible d’avoir une incidence et, par suite, c’est dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE que l’effet en cause est susceptible de se matérialiser.

153 En conséquence, le surcoût dont les expéditeurs sont susceptibles d’avoir dû s’acquitter et le renchérissement des marchandises importées dans l’EEE qui peut en avoir résulté comptent parmi les effets produits par le comportement litigieux sur lesquels la Commission était fondée à s’appuyer aux fins de l’application du critère des effets qualifiés.

154 Conformément à la jurisprudence citée au point 133 ci-dessus, la question est donc de savoir si cet effet présente le caractère prévisible, substantiel et immédiat requis.

ii) Sur le caractère prévisible de l’effet en cause

155 L’exigence de prévisibilité vise à assurer la sécurité juridique en garantissant que les entreprises concernées ne puissent être sanctionnées du fait d’effets qui résulteraient, certes, de leur comportement, mais dont elles ne pouvaient pas raisonnablement s’attendre à ce qu’ils surviennent (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Otis Gesellschaft e.a., C‑435/18, EU:C:2019:651, point 83).

156 Satisfont ainsi à l’exigence de prévisibilité les effets dont les parties à l’entente en cause doivent raisonnablement savoir, dans les limites des choses généralement connues, qu’ils surviendront, par opposition aux effets qui procèdent d’un déroulement parfaitement inhabituel de circonstances et, de ce fait, d’un enchaînement atypique de causes (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, point 42).

157 Or, il ressort des considérants 846, 909, 1199 et 1208 de la décision attaquée qu’il est, en l’espèce, question d’un comportement collusoire de fixation horizontale des prix, dont l’expérience montre qu’il entraîne notamment des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 51).

158 Il ressort également des considérants 846, 909, 1199 et 1208 de la décision attaquée que ce comportement se rapportait à la STC, à la STS et au refus de paiement de commissions.

159 En l’espèce, il était donc prévisible pour les transporteurs incriminés que la fixation horizontale de la STC et de la STS entraînerait l’augmentation du niveau de celles-ci. Comme il ressort des considérants 874, 879 et 899 de la décision attaquée, le refus de paiement de commissions était de nature à renforcer une telle augmentation. Il s’analysait, en effet, en un refus concerté d’octroyer aux transitaires des ristournes sur les surtaxes et tendait ainsi à permettre aux transporteurs incriminés de « maintenir sous contrôle l’incertitude en matière de tarification que la concurrence sur le paiement de commissions [dans le cadre des négociations avec les transitaires] aurait pu créer » (considérant 874 de ladite décision) et de soustraire ainsi les surtaxes au jeu de la concurrence (considérant 879 de cette décision).

160 Or, il ressort du considérant 17 de la décision attaquée que le prix des services de fret se compose des tarifs et de surtaxes, dont la STC et la STS. Sauf à considérer qu’une augmentation de la STC et de la STS serait, par un effet de vases communicants suffisamment probable, compensée par une baisse correspondante des tarifs et d’autres surtaxes, une telle augmentation était, en principe, de nature à entraîner une augmentation du prix total des services de fret entrants. Or, la requérante est restée en défaut de démontrer qu’un effet de vases communicants était probable au point de rendre imprévisible l’effet en cause.

161 En l’espèce, la requérante déduit, certes, d’un rapport économique réalisé dans le cadre des actions en dommages et intérêts qu’il existe « une corrélation négative substantielle entre le niveau des surtaxes et le niveau des “tarifs”, si bien que, lorsque les surtaxes augmentent, les tarifs diminuent ».

162 Pour autant que la requérante entende ainsi soutenir qu’un effet de vases communicants était suffisamment probable pour rendre imprévisible l’effet en cause, il convient de relever que le rapport économique qu’elle invoque conclut, sur le fondement d’hypothèses quant au fonctionnement du secteur du fret, qu’il était théoriquement « probable » qu’un effet de vases communicants se matérialise en l’espèce.

163 Parmi les hypothèses sur lesquelles se fonde le rapport économique en cause figure notamment celle selon laquelle les tarifs étaient suffisamment « flexibles » pour compenser toute hausse supra-concurrentielle des surtaxes par une baisse correspondante. Selon ce rapport, il existe trois types de tarifs. Les tarifs du premier type seraient négociés de façon ponctuelle et déterminés quotidiennement. Ils pourraient donc faire l’objet d’ajustements immédiats. Les tarifs du deuxième et du troisième type, qui auraient représenté une importante majorité du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret pendant la période infractionnelle, seraient, respectivement, ceux fondés sur les prix publiés deux fois par an et ceux négociés bilatéralement pour une période d’un à douze mois. Ce rapport reconnaît que ces types de tarifs ne peuvent pas faire l’objet d’ajustements immédiats, mais conclut que leur temps de réponse reste suffisamment faible pour donner lieu à un effet de vases communicants. Or, le même rapport ne comporte, au-delà d’affirmations vagues et générales, aucune donnée concrète qui serait de nature à étayer cette conclusion.

164 Dans ces conditions, les parties à l’entente litigieuse auraient raisonnablement pu prévoir que l’infraction unique et continue aurait pour effet, en tant qu’elle concernait les services de fret entrants, une augmentation du prix des services de fret sur les liaisons entrantes.

165 La question est donc de savoir s’il était prévisible pour les transporteurs incriminés que les transitaires répercuteraient un tel surcoût sur leurs propres clients, à savoir les expéditeurs.

166 À cet égard, il convient d’emblée d’observer que la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission d’avoir considéré qu’un tel effet était « quasi automatique » ou s’apparentait à une « conséquence “naturelle” de l’infraction » unique et continue. Au considérant 1045 de la décision attaquée, la Commission s’est contentée d’observer que le comportement litigieux était « susceptible[] » d’avoir les effets requis au vu des « coûts accrus du transport aérien vers l’EEE et donc [d]es prix plus élevés des marchandises importées ». Quant à la référence à la « nature » du comportement litigieux qui figure au même considérant, elle vise uniquement à décrire la capacité du renchérissement des marchandises importées à affecter « les consommateurs au sein de l’EEE ».

167 Par ailleurs, il ressort des considérants 14 et 70 de la décision attaquée que le prix des services de fret constitue un intrant pour les transitaires. Il s’agit là d’un coût variable, dont l’accroissement a, en principe, pour effet d’augmenter le coût marginal au regard duquel les transitaires définissent leurs propres prix.

168 La requérante n’apporte aucun élément démontrant que les circonstances de l’espèce étaient peu propices à la répercussion en aval, sur les expéditeurs, du surcoût résultant de l’infraction unique et continue sur les liaisons entrantes.

169 Dans ces conditions, il était raisonnablement prévisible pour les transporteurs incriminés que les transitaires répercuteraient un tel surcoût sur les expéditeurs par le truchement d’une augmentation du prix des services de transit.

170 Or, comme il ressort des considérants 70 et 1031 de la décision attaquée, le coût des marchandises dont les transitaires organisent généralement le transport intégré au nom des expéditeurs intègre le prix des services de transit et notamment celui des services de fret, qui en sont un élément constitutif.

171 Au regard de ce qui précède, il était donc prévisible pour les transporteurs incriminés que l’infraction unique et continue aurait pour effet, en tant qu’elle portait sur les liaisons entrantes, une augmentation du prix des marchandises importées.

172 Pour les motifs retenus au point 151 ci-dessus, il était tout aussi prévisible pour les transporteurs incriminés que, comme il ressort du considérant 1045 de la décision attaquée, cet effet se produise dans l’EEE.

173 L’effet en cause ayant relevé du cours normal des choses et de la rationalité économique, il n’était, contrairement à ce qu’a soutenu la requérante lors de l’audience, nullement nécessaire pour elle d’avoir une connaissance exacte du fonctionnement des marchés avals pour pouvoir le prévoir.

174 Il y a donc lieu de conclure que la Commission a établi à suffisance que l’effet en cause revêtait le caractère prévisible requis.

iii) Sur le caractère substantiel de l’effet en cause

175 L’appréciation du caractère substantiel des effets produits par le comportement litigieux doit s’effectuer au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes de l’espèce. Parmi ces circonstances figurent notamment la durée, la nature et la portée de l’infraction. D’autres circonstances, telles que l’importance des entreprises ayant participé à ce comportement, peuvent aussi être pertinentes (voir, en ce sens, arrêts du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, point 159, et du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 112).

176 Lorsque l’effet examiné tient à une augmentation du prix d’un bien ou d’un service fini dérivé du service cartellisé ou qui le contient, la proportion du prix du bien ou du service fini que représente le service cartellisé peut également entrer en ligne de compte.

177 En l’espèce, au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes, il convient de considérer que l’effet en cause, tenant à l’accroissement du prix des marchandises importées dans l’EEE, présente un caractère substantiel.

178 En effet, en premier lieu, il ressort du considérant 1146 de la décision attaquée que la durée de l’infraction unique et continue s’élève à 21 mois pour autant qu’elle concernait les liaisons Union-pays tiers et à 8 mois pour autant qu’elle concernait les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Il ressort des considérants 1215 et 1217 de cette décision que telle était aussi la durée de la participation de l’ensemble des transporteurs incriminés, à l’exception de Lufthansa Cargo et de Swiss.

179 En deuxième lieu, s’agissant de la portée de l’infraction, il ressort du considérant 889 de la décision attaquée que la STC et la STS étaient des « mesures d’application générale qui n[’étaient] pas spécifiques à une liaison » et qui « avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons, au niveau mondial, y compris sur les liaisons […] à destination de l’EEE ».

180 En troisième lieu, s’agissant de la nature de l’infraction, il ressort du considérant 1030 de la décision attaquée que l’infraction unique et continue avait pour objet de restreindre la concurrence entre les transporteurs incriminés, notamment sur des liaisons EEE-pays tiers. Au considérant 1208 de ladite décision, la Commission a conclu que la « fixation de divers éléments du prix, y compris certaines surtaxes, constitu[ait] l’une des restrictions à la concurrence les plus graves » et a, en conséquence, retenu que l’infraction unique et continue méritait l’application d’un coefficient de gravité situé « en haut de l’échelle » prévue par les lignes directrices de 2006.

181 À titre surabondant, s’agissant de la proportion du prix du service cartellisé dans le bien ou le service qui en est dérivé ou le contient, il convient d’observer que, contrairement à ce que soutient la requérante, les surtaxes représentaient pendant la période infractionnelle une proportion importante du prix total des services de fret.

182 Il ressort ainsi d’une lettre du 8 juillet 2005 de la Hong Kong Association of Freight Forwarding & Logistics (Association de Hong Kong du transit et de la logistique) au président du sous-comité cargo du Board of Airline Representatives (Association des représentants des compagnies aériennes) à Hong Kong que les surtaxes représentent une « part très conséquente » du prix total des lettres de transport aérien dont devaient s’acquitter les transitaires. De même, dans la requête et dans ses annexes, il est indiqué que les surtaxes représentaient 22 % du prix des services de fret de la requérante pendant l’exercice 2004/2005.

183 Or, comme il ressort du considérant 1031 de la décision attaquée, le prix des services de fret constituait lui-même un « élément important du coût des marchandises transportées, qui a un impact sur leur vente ».

184 Toujours à titre surabondant, s’agissant de l’importance des entreprises ayant participé au comportement litigieux, il ressort du considérant 1209 de la décision attaquée que la part de marché cumulée des transporteurs incriminés sur le « marché mondial » s’élevait à 34 % en 2005 et était « au moins aussi grande pour les services de fret […] fournis […] sur des liaisons [EEE-pays tiers] », lesquelles comprennent à la fois les liaisons sortantes et les liaisons entrantes. La requérante elle-même réalisait d’ailleurs pendant la période infractionnelle un chiffre d’affaires important sur les liaisons entrantes, d’un montant de plus de 471 000 000 euros en 2005.

185 Il y a donc lieu de conclure que la Commission a établi à suffisance que l’effet en cause présentait le caractère substantiel requis.

iv) Sur le caractère immédiat de l’effet en cause

186 L’exigence d’immédiateté des effets produits par le comportement litigieux vise le lien de causalité entre le comportement en cause et l’effet examiné. Cette exigence a pour objet d’assurer que la Commission ne puisse, pour justifier sa compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, se prévaloir de tous les effets possibles, ni des effets très éloignés qui pourraient résulter de ce comportement à titre de conditio sine qua non (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, points 33 et 34).

187 La causalité immédiate ne saurait toutefois se confondre avec une causalité unique qui exigerait de constater de manière systématique et absolue la rupture du lien de causalité lorsqu’un tiers a contribué à la survenance des effets en cause (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, points 36 et 37).

188 En l’espèce, l’intervention des transitaires, dont il était prévisible que, en toute autonomie, ils répercuteraient sur les expéditeurs le surcoût dont ils avaient dû s’acquitter, est, certes, de nature à avoir contribué à la survenance de l’effet en cause. Toutefois, cette intervention n’était pas, à elle seule, de nature à rompre la chaîne de causalité entre le comportement litigieux et ledit effet et, ainsi, à le priver de son caractère immédiat.

189 Au contraire, lorsqu’elle n’est pas fautive, mais découle objectivement de l’entente en cause, selon le fonctionnement normal du marché, une telle intervention ne rompt pas la chaîne de causalité (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2005, CD Cartondruck/Conseil et Commission, T‑320/00, non publié, EU:T:2005:452, points 172 à 182), mais la poursuit (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C‑557/12, EU:C:2014:45, point 37).

190 En l’espèce, la requérante soutient, certes, que les pratiques anticoncurrentielles pour lesquelles la Commission aurait sanctionné les transitaires font planer une « grande incertitude » sur le lien de causalité entre le comportement litigieux et l’effet en cause. Selon elle, il existe des « indices concrets qu’à tout le moins une partie des prix facturés par les transitaires aux expéditeurs pendant la période en cause étaient eux-mêmes le résultat [de ces pratiques] ». Il y a cependant lieu d’observer que la requérante n’établit ni même n’allègue que, dans le cadre desdites pratiques, les transitaires se seraient illicitement coordonnés pour répercuter sur les expéditeurs le surcoût dont ils ont dû s’acquitter. Elle ne démontre pas davantage que lesdites pratiques étaient de nature à faire obstacle à ce que les transitaires répercutent ce surcoût sur les expéditeurs.

191 L’argument de la requérante selon lequel le niveau des surtaxes que les transitaires facturaient aux expéditeurs excédait celui des surtaxes dont ils s’acquittaient auprès des transporteurs incriminés ne remet pas en cause cette conclusion. En effet, d’une part, la requérante est restée en défaut d’étayer cet argument, se contentant de renvoyer, sans davantage de précisions, aux éléments de preuve qui lui auraient été fournis dans le cadre des actions en dommages et intérêts. D’autre part, elle n’a pas expliqué pourquoi les transitaires n’auraient pas pu à la fois répercuter le surcoût résultant de l’infraction unique et continue sur les expéditeurs et facturer à ces derniers des surtaxes d’un montant total plus élevé que celui des surtaxes dont ils ont eux-mêmes dû s’acquitter auprès des transporteurs incriminés.

192 Il ne saurait donc être considéré que la prévisible répercussion du surcoût sur les expéditeurs implantés dans l’EEE résulterait des pratiques anticoncurrentielles pour lesquelles la Commission aurait sanctionné les transitaires et serait, par suite, fautive ou étrangère au fonctionnement normal du marché.

193 Quant à la « puissance d’achat » que les transitaires auraient exercée, la requérante reste en défaut d’en apporter la preuve et même d’expliquer en quoi elle était de nature à rompre la chaîne de causalité entre le comportement litigieux et la survenance de l’effet en cause.

194 Il s’ensuit que l’effet en cause présente le caractère immédiat requis.

195 Il résulte de ce qui précède que l’effet en cause présente le caractère prévisible, substantiel et immédiat requis et que le premier motif sur lequel la Commission s’est appuyée pour conclure que le critère des effets qualifiés était satisfait est fondé. Il y a donc lieu de constater que la Commission pouvait, sans commettre d’erreur, retenir que ledit critère était satisfait s’agissant de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément, sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé du second motif retenu au considérant 1045 de la décision attaquée.

2) Sur les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble

196 Il convient d’emblée de rappeler que rien n’interdit d’apprécier si la Commission dispose de la compétence nécessaire pour appliquer, dans chaque cas, le droit de la concurrence de l’Union au regard du comportement de l’entreprise ou des entreprises en cause, pris dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 50).

197 Selon la jurisprudence, l’article 101 TFUE est susceptible de s’appliquer à des pratiques et à des accords servant un même objectif anticoncurrentiel, dès lors qu’il est prévisible que, pris ensemble, ils auront des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieur. Il ne saurait en effet être permis aux entreprises de se soustraire à l’application des règles de concurrence de l’Union en combinant plusieurs comportements poursuivant un objectif identique, dont chacun, pris isolément, n’est pas susceptible de produire un effet immédiat et substantiel dans ledit marché, mais qui, pris ensemble, sont susceptibles de produire un tel effet (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 106).

198 Contrairement à ce qu’a soutenu la requérante lors de l’audience, il n’est aucunement nécessaire que cet objectif relève spécifiquement d’une stratégie de « verrouillage » ou d’éviction, ni d’ailleurs qu’il s’appuie sur la participation délibérée des clients des participants à l’infraction en cause. Le Tribunal a, en effet, jugé que la Commission pouvait appliquer le critère des effets qualifiés au regard du comportement litigieux pris dans son ensemble dans une affaire de répartition de marchés entre concurrents (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 108).

199 La Commission peut ainsi fonder sa compétence pour appliquer l’article 101 TFUE à une infraction unique et continue telle qu’elle a été constatée dans la décision litigieuse sur les effets prévisibles, immédiats et substantiels de celle-ci dans le marché intérieur (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T‑441/14, EU:T:2018:453, point 105).

200 Ces considérations valent, mutatis mutandis, pour l’article 53 de l’accord EEE.

201 Or, au considérant 869 de la décision attaquée, la Commission a qualifié le comportement litigieux d’infraction unique et continue, y compris en tant qu’il concernait les services de fret entrants. La requérante ne conteste ni cette qualification en général, ni le constat de l’existence d’un objectif anticoncurrentiel unique tendant à entraver la concurrence au sein de l’EEE sur laquelle elle se fonde.

202 Au considérant 1046 de la décision attaquée, la Commission a, comme il ressort de ses réponses aux questions écrites et orales du Tribunal, examiné les effets de cette infraction prise dans son ensemble. Elle a ainsi notamment retenu que son enquête avait révélé une « entente mise en œuvre mondialement », dont les « arrangements […] concernant les liaisons entrantes faisaient partie intégrante de l’infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE ». Elle a ajouté que l’« application uniforme des surtaxes à une échelle mondiale était un élément clé de l’entente [litigieuse] ». Comme l’a indiqué la Commission en réponse aux questions écrites du Tribunal, l’application uniforme des surtaxes s’intégrait dans une stratégie d’ensemble visant à neutraliser le risque que les transitaires puissent contourner les effets de cette entente en optant pour des liaisons indirectes qui ne seraient pas assujetties à des surtaxes coordonnées pour acheminer des marchandises du point d’origine au point de destination. La raison n’en est pas, comme l’a laissé entendre la requérante lors de l’audience, l’hypothétique dimension mondiale du marché du fret, mais, comme il ressort du considérant 72 de la décision attaquée, que le « facteur temps est moins important pour le transport de [fret] que pour le transport de passagers », si bien que le fret « peut être acheminé avec un nombre d’escales plus élevé » et que les liaisons indirectes peuvent, en conséquence, se substituer aux liaisons directes.

203 La requérante a, certes, contesté l’existence d’une telle stratégie lors de l’audience. Elle s’est, cependant, contentée de procéder par affirmation.

204 Dans ces conditions, c’est à juste titre que la Commission fait valoir que lui interdire d’appliquer le critère des effets qualifiés au comportement litigieux pris dans son ensemble risquerait de conduire à une fragmentation artificielle d’un comportement anticoncurrentiel global, susceptible d’affecter la structure du marché au sein de l’EEE, en une série de comportements distincts susceptibles d’échapper, en tout ou en partie, à la compétence de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 57).

205 Il y a donc lieu de considérer que la Commission pouvait, au considérant 1046 de la décision attaquée, examiner les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.

206 Or, s’agissant d’accords et de pratiques, premièrement, qui avaient pour objet de restreindre la concurrence au moins au sein de l’Union, dans l’EEE et en Suisse (considérant 903 de cette décision), deuxièmement, qui réunissaient des transporteurs aux parts de marchés importantes (considérant 1209 de ladite décision) et, troisièmement, dont une partie significative a porté sur des liaisons intra-EEE pendant une période de plus de six ans (considérant 1146 de la même décision), il ne fait guère de doute qu’il était prévisible que, prise dans son ensemble, l’infraction unique et continue produise des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE.

207 Il s’ensuit que la Commission était également fondée à retenir, au considérant 1046 de la décision attaquée, que le critère des effets qualifiés était satisfait s’agissant de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.

208 La Commission ayant ainsi établi à suffisance qu’il était prévisible que le comportement litigieux produirait un effet substantiel et immédiat dans l’EEE, il convient de rejeter le présent grief et, en conséquence, le présent moyen dans son ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner sa deuxième branche, prise d’erreurs dans l’application du critère de la mise en œuvre.

2. Sur le moyen, relevé d’office, tiré d’un défaut de compétence de la Commission au regard de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pour constater et sanctionner une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse

209 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union d’examiner d’office le moyen, qui est d’ordre public, tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C‑210/98 P, EU:C:2000:397, point 56).

210 De jurisprudence constante, le juge de l’Union ne peut, en principe, fonder sa décision sur un moyen de droit relevé d’office, fût-il d’ordre public, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations à ce sujet (voir arrêt du 17 décembre 2009, Réexamen M/EMEA, C‑197/09 RX‑II, EU:C:2009:804, point 57 et jurisprudence citée).

211 En l’espèce, le Tribunal estime qu’il lui appartient d’examiner d’office si la Commission a outrepassé les limites de sa propre compétence au titre de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, s’agissant des liaisons EEE sauf Union-Suisse, en constatant, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et a invité les parties à présenter leurs observations à ce sujet dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure.

212 La requérante fait valoir que la référence aux « pays tiers » à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée inclut la Confédération suisse. Cette dernière serait, en effet, un pays tiers au sens de l’accord EEE, dont la violation est constatée audit article. La requérante en déduit que la Commission a, audit article, constaté une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse et a ainsi outrepassé les limites de sa compétence au titre de l’article 11, paragraphe 2, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.

213 La Commission répond que la référence, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, aux « liaisons entre aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des aéroports situés dans des pays tiers » ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle inclut les liaisons EEE sauf Union-Suisse. Selon elle, la notion de « pays tiers » au sens de cet article exclut la Confédération suisse.

214 La Commission ajoute que, s’il y avait lieu de considérer qu’elle a tenu la requérante pour responsable d’une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, elle aurait outrepassé les limites que l’article 11, paragraphe 2, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pose à sa compétence.

215 Il y a lieu de déterminer si, comme le soutient la requérante, la Commission a constaté une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée et, le cas échéant, si elle a ainsi outrepassé les limites de la compétence dont elle est investie au titre de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.

216 À cet égard, il convient de rappeler que, comme il a été relevé au point 83 ci-dessus, c’est le dispositif, et non les motifs, d’une décision qui importe aux fins de déterminer la portée et la nature des infractions sanctionnées.

217 À l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, la Commission a constaté que la requérante avait « enfreint l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons entre aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des aéroports situés dans des pays tiers » du 19 mai 2005 au 14 février 2006. Elle n’a pas expressément inclus dans ces liaisons les liaisons EEE sauf Union-Suisse, ni ne les en a expressément exclues.

218 Il convient donc de vérifier si la Confédération suisse relève des « pays tiers » visés à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée.

219 À cet égard, il convient d’observer que l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée distingue les « pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres » et les pays tiers. Il est vrai que, comme le relève la requérante, la Confédération suisse n’est pas partie à l’accord EEE et compte donc parmi les pays tiers à celui-ci.

220 Il convient, cependant, de rappeler que, compte tenu des exigences d’unité et de cohérence de l’ordre juridique de l’Union, les mêmes termes employés dans un même acte doivent être présumés avoir la même signification.

221 Or, à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, la Commission a retenu une infraction à l’article 101 TFUE sur les « liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE ». Cette notion n’inclut pas les aéroports situés en Suisse, alors même que la Confédération suisse n’est pas partie à l’accord EEE et que ses aéroports doivent dès lors formellement être considérés comme étant « situés en dehors de l’EEE » ou, autrement dit, dans un pays tiers à cet accord. Ces aéroports font l’objet de l’article 1er, paragraphe 4, de la décision attaquée, qui retient une infraction à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien sur les « liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en Suisse ».

222 Conformément au principe rappelé au point 220 ci-dessus, il doit donc être présumé que les termes « aéroports situés dans des pays tiers » employés à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée ont la même signification que les termes « aéroports situés en dehors de l’EEE » employés au paragraphe 2 de cet article et excluent, par suite, les aéroports situés en Suisse.

223 En l’absence de la moindre indication dans le dispositif de la décision attaquée que la Commission aurait entendu donner une signification différente à la notion de « pays tiers » visée à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, il convient de conclure que la notion de « pays tiers » visée à son article 1er, paragraphe 3, exclut la Confédération suisse.

224 Il ne saurait donc être considéré que la Commission a tenu la requérante pour responsable d’une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée.

225 Le dispositif de la décision attaquée ne prêtant pas au doute, c’est donc uniquement à titre surabondant que le Tribunal ajoute que ses motifs ne contredisent pas cette conclusion.

226 Au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les « arrangements anticoncurrentiels » qu’elle avait décrits enfreignaient l’article 101 TFUE du 1er mai 2004 au 14 février 2006 « en ce qui concerne le transport aérien entre des aéroports au sein de l’U[nion] et des aéroports situés en dehors de l’EEE ». Dans la note en bas de page afférente (no 1514), la Commission a précisé ce qui suit : « Aux fins de la présente décision, les “aéroports situés en dehors de l’EEE” désignent les aéroports situés dans des pays autres que la [Confédération s]uisse et les parties contractantes à l’accord EEE ».

227 Il est vrai que, lorsqu’elle a décrit la portée de l’infraction à l’article 53 de l’accord EEE au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission n’a pas fait référence à la notion d’« aéroports situés en dehors de l’EEE », mais à celle d’« aéroports situés dans les pays tiers ». Il ne saurait cependant en être déduit que la Commission a entendu donner une signification différente à la notion d’« aéroports situés en dehors de l’EEE » aux fins de l’application de l’article 101 TFUE et à celle d’« aéroports situés dans des pays tiers » aux fins de l’application de l’article 53 de l’accord EEE. Au contraire, la Commission a utilisé ces deux expressions de manière interchangeable dans la décision attaquée. Ainsi, au considérant 824 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle « n’appliquera[it] pas l’article 101 du TFUE aux accords et pratiques anticoncurrentiels concernant le transport aérien entre les aéroports de l’U[nion] et les aéroports de pays tiers qui ont eu lieu avant le 1er mai 2004 ». De même, au considérant 1222 de cette décision, s’agissant de la cessation de la participation de SAS Consortium à l’infraction unique et continue, la Commission a fait référence à sa compétence au titre de ces dispositions « pour les liaisons entre l’U[nion] et les pays tiers ainsi que les liaisons entre l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein et les pays situés en dehors de l’EEE ».

228 Les motifs de la décision attaquée confirment donc que les notions d’« aéroports situés dans des pays tiers » et d’« aéroports situés en dehors de l’EEE » ont la même signification. Conformément à la clause de définition figurant à la note en bas de page no 1514, il convient dès lors de considérer que toutes deux excluent les aéroports situés en Suisse.

229 Contrairement à ce que soutient la requérante, les considérants 1194 et 1241 de la décision attaquée ne plaident pas pour une autre solution. Certes, au considérant 1194 de cette décision, la Commission a fait référence aux « liaisons entre l’EEE et les pays tiers, à l’exception des liaisons entre l’U[nion] et la Suisse ». De même, au considérant 1241 de cette décision, dans le cadre de la « détermination de la valeur des ventes sur les liaisons avec les pays tiers », la Commission a réduit de 50 % le montant de base pour les « liaisons EEE-pays tiers, à l’exception des liaisons entre l’U[nion] et la Suisse, pour lesquelles [elle] agit sous l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] ». Or, il pourrait être considéré que, comme le relève en substance la requérante, si la Commission a pris le soin d’insérer dans ces considérants la mention « à l’exception des liaisons entre l’Union et la Suisse », c’est qu’elle considérait que la Confédération suisse relevait de la notion de « pays tiers » pour autant qu’il était question des liaisons EEE-pays tiers.

230 La Commission a d’ailleurs admis qu’il était possible qu’elle ait « par inadvertance » inclus dans la valeur des ventes le chiffre d’affaires que certains transporteurs incriminés avaient réalisé sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse pendant la période concernée. Selon elle, la raison en est que, dans une demande d’informations du 26 janvier 2009, concernant certains chiffres d’affaires, elle n’a pas avisé les transporteurs concernés qu’il y avait lieu d’exclure le chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse de la valeur des ventes réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers.

231 Il y a néanmoins lieu de constater, à l’instar de la Commission, que ces éléments concernent exclusivement les recettes à prendre en compte aux fins du calcul du montant de base de l’amende et non la définition du périmètre géographique de l’infraction unique et continue, dont il est question ici.

232 Le présent moyen doit donc être écarté.

3. Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’interdiction de l’arbitraire, du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de motivation

233 La requérante reproche à la Commission d’avoir agi de manière arbitraire et d’avoir violé le principe d’égalité de traitement en la sanctionnant pour l’infraction unique et continue tout en s’abstenant d’en faire de même pour les transporteurs non incriminés ainsi que pour les 47 transporteurs qui n’étaient pas destinataires de la communication des griefs, mais qui sont mentionnés dans les motifs de la décision attaquée, alors même que ces transporteurs auraient également participé à l’entente litigieuse (ci-après les « 47 transporteurs »).

234 Les motifs de la décision attaquée contiendraient des références aux 47 transporteurs telles qu’elles laissent supposer que la Commission a pris position quant à leur responsabilité. Or, lesdits motifs ne permettraient pas de déceler de différence entre les actes de ces transporteurs et ceux des transporteurs incriminés. Ces motifs ne contiendraient pas non plus de justification objective quant aux conséquences juridiques différentes qu’emporte ladite décision pour ces deux catégories de transporteurs. La requérante souligne à cet égard les effets de ce traitement inégal en termes de risque d’un constat de récidive en cas de commission d’un comportement semblable, d’acquisition de la prescription et d’exposition à des actions en dommages et intérêts.

235 La requérante fait également valoir que la présente espèce diffère des affaires dans lesquelles les juridictions de l’Union ont considéré qu’aucune obligation ne pesait sur la Commission d’exposer les raisons pour lesquelles elle avait décidé d’adresser une décision à certaines entreprises et non à d’autres. Tout d’abord, l’exposé des faits et leur appréciation juridique dans les motifs de la décision attaquée soulèveraient des questions concernant sa « responsabilité relative » plutôt que ses allégations ou l’appréciation des éléments au dossier. Il serait aussi question de la responsabilité matérielle d’une infraction et non de la délimitation géographique d’une infraction de répartition de marché. Ensuite, au vu de l’expiration du délai de prescription applicable, il ne serait plus concevable que les 47 transporteurs se voient imposer une amende. Enfin, ainsi que le confirmerait l’arrêt du 16 décembre 2015, Koninklijke Luchtvaart Maatschappij/Commission (T‑28/11, non publié, EU:T:2015:995, point 44), la responsabilité civile encourue du fait de l’infraction aux règles de concurrence serait devenue un facteur pertinent aux fins de l’analyse de la « responsabilité relative ».

236 Au stade de la réplique, la requérante ajoute que le mémoire en défense présente des incohérences qui soulèvent la question de savoir si la différence de traitement alléguée ne relève pas d’un manquement à l’obligation de motivation. Ainsi, la Commission affirmerait qu’elle n’a pas statué sur la responsabilité des 47 transporteurs, tout en soutenant qu’elle a apprécié les éléments de preuve concernant ces transporteurs et est parvenue à la conclusion qu’il n’y avait pas lieu de les tenir pour responsables de leurs comportements.

237 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

238 Il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement, qui constitue un principe général du droit de l’Union, consacré par l’article 20 de la Charte, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 51 et jurisprudence citée).

239 La violation du principe d’égalité de traitement du fait d’un traitement différencié présuppose ainsi que les situations visées soient comparables eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause (voir arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T‑456/10, EU:T:2015:296, point 202 et jurisprudence citée).

240 En l’espèce, la requérante fait, en substance, valoir que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement en la sanctionnant tout en s’abstenant de retenir la responsabilité des 47 transporteurs et de les sanctionner en conséquence.

241 Or, la requérante n’établit aucunement que les 47 transporteurs se trouvaient dans une situation semblable à la sienne. Elle se borne à affirmer qu’il n’y a « pas de différence (apparente) entre le[ur]s actions » et qu’il ne saurait lui être tenu rigueur d’avoir introduit une demande de clémence. En revanche, elle ne démontre pas que le faisceau d’indices dont la Commission disposait à l’encontre des transporteurs en cause était semblable à celui dont elle disposait à son égard.

242 Au surplus, quand bien même les 47 transporteurs seraient dans une situation semblable à celle de la requérante et même à supposer que la Commission ait commis une illégalité en ne retenant pas leur responsabilité, une telle illégalité, dont le Tribunal n’est pas saisi dans le cadre du présent recours, ne saurait en aucun cas l’amener à constater une discrimination et, partant, une illégalité à l’égard de la requérante. Il résulte, en effet, de la jurisprudence que le principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect de la légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêt du 17 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission, C‑634/13 P, EU:C:2015:614, point 55).

243 Contrairement à ce que soutient la requérante, la présente affaire ne présente aucune spécificité qui justifierait de ne pas faire application de cette jurisprudence. À cet égard, n’est aucunement particulière à la présente affaire la circonstance que la condamnation d’autres entreprises aurait, le cas échéant, un effet sur la « responsabilité relative » de la requérante pour l’infraction unique et continue ainsi que pour la réparation, dans le cadre d’actions en dommages et intérêts, du préjudice qui en aurait résulté pour les victimes. Quant à la circonstance que serait frappé de prescription l’exercice par la Commission de son pouvoir de sanction des transporteurs non incriminés, il ne ressort pas de la jurisprudence que la violation du principe d’égalité de traitement ne serait exclue que pour autant que la Commission conserve la possibilité de sanctionner ultérieurement les entreprises qu’elle n’a pas déjà tenues pour responsables de l’infraction en cause.

244 Le grief tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement doit donc être rejeté.

245 S’agissant du caractère prétendument arbitraire de l’intervention de la Commission, il ressort en particulier des considérants 731 à 736 de la décision attaquée que la Commission a dûment exposé les motifs pour lesquels elle a tenu la requérante pour responsable de l’infraction unique et continue et l’a sanctionnée à ce titre. Or, la requérante ne démontre ni même n’allègue que ces motifs seraient empreints d’arbitraire.

246 En ce qui concerne l’absence de constat d’infraction et de sanction à l’encontre des 47 transporteurs, il y a lieu de relever que, au considérant 716 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle « n’accord[ait] pas forcément la même valeur à chaque considérant […] ni à chaque élément de preuve individuel qu’il contient » et que « [l]es considérants auxquels il [était] fait référence f[aisaient] plutôt partie de l’ensemble global de preuves sur lequel [elle] se fond[ait] et d[evaient] être appréciés dans ce contexte ».

247 Cette approche est conforme à la jurisprudence, dont la requérante n’invoque d’ailleurs aucunement le caractère arbitraire, selon laquelle la Commission est en droit de procéder par faisceau d’indices, apprécié globalement, pour arriver à la ferme conviction que l’entreprise en cause a pris part à l’infraction et explique que la Commission ait pu considérer, en l’espèce, qu’une appréciation d’ensemble des contacts litigieux retenus en ce qui concerne la requérante suffisait pour l’incriminer, tout en considérant qu’un faisceau d’indices suffisamment convaincant faisait défaut pour d’autres transporteurs concernés par certains des contacts cités dans la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Commission/Keramag Keramische Werke e.a., C‑613/13 P, EU:C:2017:49, point 51).

248 Il s’ensuit que le grief tiré d’une violation de l’interdiction de l’arbitraire doit être rejeté.

249 Enfin, s’agissant de la prétendue violation de l’obligation de motivation, il y a lieu de rappeler que la Commission n’a aucune obligation d’exposer, dans une décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE, les raisons pour lesquelles d’autres entreprises n’ont pas été poursuivies ou sanctionnées. En effet, l’obligation de motivation d’un acte ne saurait englober une obligation pour l’institution qui en est l’auteur de motiver le fait de ne pas avoir adopté d’autres actes similaires adressés à des parties tierces (arrêt du 8 juillet 2004, JFE Engineering/Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, EU:T:2004:221, point 414).

250 Or, en l’espèce, la requérante se prévaut précisément de l’omission de la Commission d’expliquer pourquoi des entreprises qui se seraient trouvées dans une situation semblable à la sienne n’ont pas été tenues pour responsables de l’infraction unique et continue.

251 Il s’ensuit que le présent grief ne saurait prospérer.

252 Au regard de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

4. Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation et d’une erreur manifeste d’appréciation relatives à la qualification du refus de paiement de commissions de composante séparée de l’infraction unique et continue

253 Le présent moyen, par lequel la requérante fait grief à la Commission d’avoir qualifié le refus de paiement de commissions de composante de l’infraction unique et continue qui serait distincte de la STC et de la STS, s’articule en deux branches. Elles sont prises, la première, d’une contradiction de motifs et, la seconde, d’une erreur manifeste d’appréciation.

a) Sur la portée du troisième moyen

254 Dans la requête, la requérante souligne qu’elle soulève le troisième moyen « notamment parce qu’elle prévoit que la qualification exacte du [refus de paiement de commissions] jouera un rôle dans les actions [en dommages et intérêts] en cours ». Au stade de la réplique, elle précise toutefois que ledit moyen concerne directement le dispositif de la décision attaquée et expose des considérations liminaires sur l’interprétation qu’il convient de faire dudit dispositif en ce que celui-ci porte sur le refus de paiement de commissions. Il serait, en effet, possible de l’interpréter en ce sens qu’il y a eu une violation des règles de concurrence en ce qui concerne un tel refus indépendamment des territoires concernés. Les motifs de ladite décision n’indiqueraient pas non plus explicitement que la question du refus de paiement de commissions ne concerne que la STC et la STS, ni qu’il s’agit d’un élément de l’infraction qui n’est pas distinct, mais complémentaire, des accords et des pratiques concertées portant sur la STC et la STS. Il en ressortirait enfin que les commissions sur les surtaxes étaient exigibles.

255 Dans le mémoire en défense, la Commission soutient que le troisième moyen est invoqué dans la perspective des actions en dommages et intérêts. Or, telle ne serait pas la finalité d’un recours en annulation introduit devant le Tribunal. Dans la duplique, la Commission admet que la requérante a un intérêt légitime à soulever ledit moyen, mais fait valoir que l’interprétation du dispositif de la décision attaquée dont se prévaut la requérante est erronée et qu’elle n’est, en tout état de cause, entachée d’aucune erreur manifeste ni de violation de l’obligation de motivation.

256 Il y a lieu d’observer que, le présent moyen étant avancé à l’appui de conclusions en annulation, les considérations liminaires de la requérante sur l’interprétation qu’il convient de faire du dispositif de la décision attaquée en ce que celui-ci porte sur le refus de paiement de commissions, dès lors qu’elles ne viennent pas au soutien de l’une des deux branches du moyen, doivent être considérées comme irrecevables pour des motifs analogues à ceux retenus au point 79 ci-dessus. En tout état de cause, à supposer que de telles considérations puissent être interprétées comme invitant le Tribunal à prendre position sur la portée qu’il convient de donner à ce dispositif en ce que celui-ci porte sur ce refus, il s’agirait alors, pour la requérante, de chercher à obtenir un jugement déclaratoire, qui ne relève pas de la compétence du Tribunal (voir point 80 ci-dessus).

b) Sur la première branche, prise d’une contradiction de motifs

257 La requérante fait valoir que, pour qualifier le refus de paiement de commissions de composante de l’infraction unique et continue qui est distincte de l’instauration des surtaxes, la Commission s’est fondée sur deux suppositions contradictoires, à savoir, d’une part, que les commissions « auraient autrement dû être payées si elles avaient fait partie intégrante des tarifs » (considérant 879 de la décision attaquée) et, d’autre part, qu’elles sont en réalité des ristournes ou des remises sur les surtaxes (considérants 5 et 879 de ladite décision). Selon elle, à l’inverse de la seconde, la première supposition reposerait sur l’idée que les transitaires sont des agents fournissant un service spécifique en rapport avec les surtaxes, pour lequel ils sont rémunérés par des commissions convenues à l’avance. Il ressortirait au demeurant, en substance, d’un arrêt du Tribunale di Milano (tribunal de Milan, Italie) qu’il est erroné de soutenir que les commissions auraient été exigibles en l’absence d’infraction.

258 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

259 À cet égard, il convient de rappeler que la motivation d’un acte doit être logique, ne présentant notamment pas de contradiction interne entravant la bonne compréhension des raisons sous-tendant cet acte (arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 151).

260 Une contradiction dans la motivation d’une décision constitue une violation de l’obligation de motivation, de nature à affecter la validité de l’acte en cause, s’il est établi que, en raison de cette contradiction, le destinataire de l’acte n’est pas en mesure de connaître les motifs réels de la décision, en tout ou en partie, et que, de ce fait, le dispositif de l’acte est, en tout ou en partie, dépourvu de tout support juridique (arrêts du 24 janvier 1995, Tremblay e.a./Commission, T‑5/93, EU:T:1995:12, point 42, et du 30 mars 2000, Kish Glass/Commission, T‑65/96, EU:T:2000:93, point 85).

261 Le considérant 5 de la décision attaquée se lit comme suit :

« […] En refusant de payer une commission, les transporteurs faisaient en sorte que les surtaxes ne soient pas soumises à la concurrence par des remises négociées avec leurs clients. »

262 De même, au considérant 879 de la décision attaquée, la Commission a considéré que les commissions étaient « en réalité » des ristournes sur les surtaxes, faisant ainsi apparaître qu’elle n’entérinait pas, par le biais de l’utilisation du terme « commissions », l’existence d’un modèle d’agence entre transporteurs et transitaires.

263 Il ressort de ces deux considérants que la Commission a analysé le refus de paiement de commissions comme une mesure de coordination tarifaire ayant pour objectif d’aligner le comportement des transporteurs incriminés devant répondre à des demandes de remises ou de ristournes de leurs clients transitaires.

264 Il est vrai que, au considérant 879 de la décision attaquée, la Commission a aussi indiqué que « les commissions sur les surtaxes […] auraient autrement dû être payées si [les surtaxes] avaient fait partie intégrante des tarifs ».

265 Toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, cette phrase ne contredit pas les passages de la décision attaquée cités aux points 261 et 262 ci-dessus.

266 En effet, d’une part, il ressort des considérants 675 à 702 de la décision attaquée que les ristournes demandées par les transitaires à partir de 2004 étaient présentées comme des commissions sur la perception des surtaxes auprès des expéditeurs et que les transporteurs eux-mêmes employaient, dans leurs contacts à ce sujet, les expressions « commission » ou « rémunération », comme en attestent notamment les considérants 681 à 683, 685, 695, 696, 698 et 700 de ladite décision.

267 Il s’ensuit que l’emploi du terme « commissions » par la Commission pour désigner les comportements couverts par la composante en cause de l’infraction unique et continue, loin de constituer une prise de position sur le modèle de relations commerciales alors en vigueur entre transporteurs et transitaires, ne faisait que refléter la manière dont ceux-ci désignaient les ristournes demandées par les transitaires à partir de 2004.

268 Il n’y a donc pas lieu de considérer que l’évocation de « commissions sur les surtaxes » au considérant 879 de la décision attaquée est contradictoire avec l’évocation, au même considérant et ailleurs dans ladite décision, de « ristournes sur les surtaxes ».

269 D’autre part, il importe de relever que la référence, au considérant 879 de la décision attaquée, au fait que des commissions auraient été dues si les surtaxes avaient fait partie intégrante des tarifs figure immédiatement après le constat que le refus de paiement de commissions a été facilité par le maintien des surtaxes « en tant qu’éléments séparés du prix global, distincts des tarifs ». Lue dans son contexte, ladite référence se comprend donc en ce sens que les transporteurs, en distinguant les surtaxes des tarifs dans leur facturation, évitaient l’application aux surtaxes des ristournes, ou « commissions », qui étaient applicables aux tarifs.

270 Ainsi, la référence en cause, qui ne concerne pas les ristournes sur les surtaxes, mais les ristournes sur les tarifs, ne porte pas, contrairement à ce que soutient la requérante, sur la nature des « commissions sur les surtaxes » et n’appuie pas en particulier la conclusion selon laquelle celles-ci étaient convenues à l’avance dans le cadre d’une relation d’agence.

271 Au regard de ce qui précède, il y a donc lieu de rejeter la présente branche.

c) Sur la seconde branche, prise d’une erreur manifeste d’appréciation

272 La requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions pouvait être distinguée de celle tenant à la STC et à la STS. Selon elle, aucun aspect spécifique de la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions n’est suffisamment distinctif pour étayer cette conclusion. Ainsi, les trois composantes de l’infraction unique et continue auraient poursuivi un même objectif de coordination du prix effectif de la STC et de la STS et s’inscriraient, compte tenu de leurs périodes d’application, dans un « continuum ». Enfin, le contenu et les méthodes desdites composantes auraient été similaires.

273 La Commission soutient que la présente branche est irrecevable, au motif qu’elle n’est pas conforme aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure. Elle conteste également le bien-fondé de l’argumentation de la requérante.

1) Sur la recevabilité de la présente branche

274 En vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit, notamment, contenir l’objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnances du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, EU:T:1993:39, point 20, et du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T‑154/98, EU:T:1999:109, point 49).

275 Or, il ressort de manière suffisamment claire et précise de l’argumentation de la requérante que cette dernière reproche à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation, en considérant que la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions pouvait être distinguée des deux autres composantes de cette infraction, alors même qu’elle n’aurait pas revêtu un caractère suffisamment distinctif. Les explications que la Commission a développées pour contester au fond le présent grief montrent, d’ailleurs, qu’elle a pu comprendre l’argumentation invoquée à son appui.

276 Il convient dès lors de rejeter la présente fin de non-recevoir.

277 Par ailleurs, bien que la Commission ait renoncé dans la duplique à l’invoquer (voir point 255 ci-dessus), il y a lieu d’examiner la fin de non-recevoir d’ordre public tirée du défaut d’intérêt de la requérante à soulever la présente branche.

278 Interrogée au sujet de cette fin de non-recevoir dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la requérante a fait valoir qu’elle disposait d’un intérêt à soulever la présente branche, dans la mesure où celle-ci venait au soutien de ses conclusions en annulation et était liée à la première branche du troisième moyen.

279 En particulier, la requérante soutient que, par les deux branches du troisième moyen, elle conteste l’inclusion du refus de paiement de commissions dans l’infraction unique et continue pour laquelle sa responsabilité a été retenue et cherche à obtenir la suppression de la mention, à l’article 1er de la décision attaquée, de cette composante de ladite infraction.

280 La requérante précise qu’elle tirerait à l’évidence un bénéfice de la suppression de la mention en cause dans le dispositif de la décision attaquée, dans la mesure où celui-ci cesserait de produire des effets de droit à l’égard des comportements afférents au refus de paiement de commissions, en particulier au titre de son article 4 portant injonction de s’abstenir, à l’avenir, de tout comportement similaire, et où sa « responsabilité relative » pour l’infraction unique et continue s’en trouverait diminuée, avec des conséquences notamment sur le montant de l’amende qu’il convient de lui imposer.

281 La requérante ajoute que la présente branche est liée à la première branche du troisième moyen, dans la mesure où, s’il était avéré qu’aucune commission n’était exigible, alors il n’existerait aucun fondement pour maintenir le constat d’une composante distincte tenant au refus de paiement de commissions. La présente branche ne se limiterait donc pas à la question du caractère distinct de ladite composante, mais tendrait à faire établir que celle-ci ne saurait être incluse dans le périmètre de l’infraction unique et continue.

282 Quant à la Commission, dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, elle soutient de nouveau que la requérante ne saurait invoquer un intérêt légitime à soulever la présente branche dans la seule perspective des actions en dommages et intérêts.

283 La Commission souligne, quant aux bénéfices que la requérante tirerait du fait de soulever la présente branche en ce qui concerne les effets de la décision attaquée, que l’article 4 de cette dernière revêt un caractère purement déclaratoire impropre à fonder un intérêt à obtenir l’annulation de ladite décision. Quant à l’argument tiré de l’impact sur le montant de l’amende, il revêtirait un caractère nouveau et tardif et devrait dès lors être rejeté comme étant irrecevable.

284 Il y a lieu de rappeler qu’un moyen d’annulation est irrecevable au motif que l’intérêt à agir fait défaut lorsque, à supposer même qu’il soit fondé, l’annulation de l’acte attaqué sur la base de ce moyen ne serait pas de nature à donner satisfaction à la partie requérante (arrêt du 9 juin 2011, Evropaïki Dynamiki/BCE, C‑401/09 P, EU:C:2011:370, point 49 ; voir, également, arrêt du 26 octobre 2010, CNOP et CCG/Commission, T‑23/09, EU:T:2010:452, points 25 et 26).

285 Selon la jurisprudence, l’intérêt à agir doit être né et actuel et s’apprécie au jour où le recours est formé. Une partie requérante ne saurait ainsi invoquer des situations futures et incertaines pour justifier son intérêt à demander l’annulation de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2007, Salvat père & fils e.a./Commission, T‑136/05, EU:T:2007:295, points 34 et 47).

286 En l’espèce, il convient d’observer que la requérante, par son argumentation, ne remet pas en cause la matérialité des faits sous-tendant le refus de paiement de commissions ni le fait qu’ils revêtent un caractère anticoncurrentiel.

287 La requérante ne remet pas non plus en cause les constats que la Commission a opérés aux considérants 872 à 883 de la décision attaquée pour établir le caractère unique de l’infraction en cause. Ainsi, elle acquiesce, au point 85 de la requête, à la description de l’objectif anticoncurrentiel et de la nature uniques des comportements litigieux en ce qu’ils concourent tous à une coordination tarifaire en matière de fret (considérants 872 à 876 et 879 de ladite décision). Elle acquiesce également, aux points 86 et 87 de la requête, au constat de l’identité des entreprises (considérants 878 et 881 à 883 de cette décision) et des personnes (considérant 900 de la même décision) impliquées ainsi qu’au constat du parallélisme des discussions auxquelles celles-ci ont participé (considérant 880 de la décision en question).

288 Dans la mesure où la requérante fait valoir, en réponse aux questions écrites du Tribunal, que la composante tenant au refus de paiement de commissions ne saurait être incluse dans le périmètre de l’infraction unique et continue, il y a lieu d’observer qu’elle soulève un moyen nouveau dont l’irrecevabilité est manifeste au regard de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans la mesure où il n’est pas une ampliation d’un moyen énoncé dans la requête et n’est pas justifié par la survenance d’éléments de droit ou de fait nouveaux. Il ne saurait, en effet, être considéré que ce moyen se confond avec la présente branche, qui porte non sur l’inclusion dans l’infraction unique et continue des comportements relatifs au refus de paiement de commissions, mais sur la question de savoir si ces comportements doivent être différenciés des composantes de l’infraction unique et continue tenant aux surtaxes. Il y a lieu d’ajouter que les questions écrites posées par le Tribunal après la réouverture de la phase orale avaient un objet précisément circonscrit, ainsi qu’il ressort des points 68 et 278 ci-dessus, qu’il n’appartient pas à la requérante d’ignorer dans les observations qu’elle produit en réponse.

289 Dans la mesure où la requérante soulève la question de la différenciation entre la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions et ses composantes tenant aux surtaxes, elle ne conteste pas l’existence de l’infraction unique et continue ni sa qualification ou son périmètre. Elle conteste la manière dont la Commission a présenté ses différentes composantes à l’intérieur de ce périmètre. Elle vise à cet égard, par la présente branche, à ce que la référence au refus de paiement de commissions soit occultée du dispositif de la décision attaquée.

290 Or, à supposer que la référence au refus de paiement de commissions soit occultée du dispositif de la décision attaquée, les constats figurant dans ladite décision relatifs aux comportements qui sous-tendent l’établissement de cette composante de l’infraction unique et continue, à leur nature anticoncurrentielle et à leur inclusion dans le champ de ladite infraction seraient maintenus, aucun n’étant contesté. En d’autres termes, le contenu de cette décision serait inchangé, à la différence près que les comportements anticoncurrentiels couverts en l’état par les références, dans ledit dispositif, au refus de paiement de commissions seraient désormais couverts par les références à la STC et la STS lues à la lumière des motifs qui en sont le soutien nécessaire.

291 Ainsi, l’annulation partielle de la décision attaquée sur la base de la présente branche n’aurait pas d’incidence sur la responsabilité de la requérante pour l’infraction unique et continue ni sur la gravité ou la durée de cette dernière. Par voie de conséquence, cette annulation n’aurait pas non plus d’incidence sur le montant de l’amende infligée à la requérante ou sur la portée de l’injonction prononcée à l’article 4 de ladite décision. L’argumentation de la requérante à cet égard doit donc être écartée. Quant aux conséquences positives qui en résulteraient sur les actions en dommages et intérêts engagées à son égard en lien avec les comportements visés par la décision attaquée, il convient de rappeler qu’elles ne sauraient, à elles seules, fonder un intérêt à soulever la présente branche (voir, en ce sens, point 81 ci-dessus). De plus, ces conséquences sont fondées sur l’hypothèse que le juge national interpréterait le dispositif de cette décision conformément aux conjectures exposées par la requérante (voir point 254 ci-dessus), hypothèse dont la requérante admet elle-même qu’elle n’est pas certaine et qui ne saurait donc fonder un intérêt né et actuel au jour où le recours a été formé. Au demeurant, ainsi qu’il a été constaté aux points 84 à 88 ci-dessus, il ressort de la décision en question que la portée géographique de ladite infraction, en ce compris celle de la composante tenant au refus de paiement de commissions, n’était pas de dimension mondiale, contrairement à l’interprétation avancée par la requérante, mais limitée aux liaisons que la Commission a estimé relever de sa compétence.

292 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’annulation partielle de la décision attaquée sur la base de la présente branche ne procurerait pas de bénéfice à la requérante de nature à fonder son intérêt à agir.

293 Cette conclusion n’est pas remise en cause par la circonstance que la présente branche et la première branche du troisième moyen seraient liées. En effet, il convient de constater que ces branches sont distinctes, l’une reposant sur la violation d’une forme substantielle et l’autre reposant sur l’invocation d’une erreur manifeste d’appréciation. Or, la requérante n’allègue ni ne démontre que les effets susceptibles de découler de l’accueil de chacune de ces branches se confondraient au point que le constat de la recevabilité de l’une des branches devrait nécessairement entraîner celle de l’autre.

294 Au regard de ce qui précède, la présente branche doit être déclarée irrecevable. Ce n’est donc qu’à titre surabondant que le Tribunal examinera le bien-fondé de cette branche.

2) Sur le bien-fondé de la présente branche

295 Il ressort de la décision attaquée, et en particulier de ses considérants 675 à 702, que le refus de paiement de commissions se distingue des deux autres composantes de l’infraction unique et continue. Ainsi, une chose est, pour les transporteurs, de se coordonner directement sur l’application et la valeur de la STC et de la STS, une autre est pour eux de s’entendre pour refuser aux transitaires une ristourne sur le montant de ces surtaxes, une fois le principe de leur application et leur montant convenus.

296 Il s’ensuit que la présente branche doit être rejetée comme irrecevable et, en tout état de cause, comme n’étant pas fondée.

297 Partant, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

5. Sur le quatrième moyen, tiré de violations de l’article 101 TFUE, de l’article 49 de la Charte et des lignes directrices de 2006 dans la fixation du montant de l’amende

298 Le présent moyen, par lequel la requérante fait valoir que la Commission a commis des erreurs dans la fixation du montant de l’amende, est articulé en trois branches, prises, la première, d’une violation de l’article 49 de la Charte et des lignes directrices de 2006 tenant à la prise en compte de la totalité des recettes générées par la vente de services de fret aux fins du calcul de la valeur des ventes, la deuxième, d’une violation de l’article 101 TFUE, de l’article 49 de la Charte et des lignes directrices de 2006 tenant à l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant de ventes à des clients implantés à l’extérieur de l’EEE et, la troisième, du caractère insuffisant de la réduction générale de 15 %.

a) Sur la première branche, prise d’erreurs tenant à l’inclusion dans la valeur des ventes de la totalité des recettes générées par la vente de services de fret

299 La requérante soutient que la Commission a déterminé la valeur des ventes par référence au chiffre d’affaires généré par la vente de services de fret en général plutôt que par référence aux revenus spécifiques tirés de la STC et de la STS, auxquelles l’infraction unique et continue était associée. Elle invoque, en substance, trois griefs, tirés, le premier, d’une violation du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, le deuxième, d’une violation du principe de proportionnalité et, le troisième, d’une violation du principe de légalité.

1) Sur le premier grief, déduit d’une violation du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006

300 La requérante soutient que l’infraction unique et continue ne concerne que la STC, la STS et le refus de paiement de commissions, si bien que, au vu notamment du caractère intermédiaire des services de fret, le paramètre pertinent pour déterminer la valeur des ventes est « logiquement » celui des recettes générées par la STC et la STS. Rien dans l’arrêt du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission (T‑127/04, EU:T:2009:142), ne permettrait de considérer que le chiffre d’affaires lié à un élément du prix final est par définition une base ou un point de référence inapproprié pour fixer le montant d’une amende. En vertu de l’article 49 de la Charte, il s’agirait d’une question à traiter au cas par cas.

301 En se référant à l’arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343, points 25 à 35), la requérante ajoute que la question n’est pas de savoir s’il existe un marché pour les surtaxes, mais de déterminer dans quelle mesure les entreprises en cause ont restreint leur autonomie commerciale pour déterminer le niveau des surtaxes. La coordination du niveau des surtaxes pourrait coexister avec un comportement concurrentiel en lien avec les autres éléments du prix des services de fret, dont la détermination relèverait d’ailleurs de centres décisionnels fonctionnellement et géographiquement distincts.

302 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

303 Il y a lieu de rappeler que la notion de valeur des ventes, au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, reflète le prix hors taxes facturé au client pour le bien ou service qui a fait l’objet de l’infraction en cause (voir, en ce sens, arrêts du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T‑127/04, EU:T:2009:142, point 91, et du 18 juin 2013, ICF/Commission, T‑406/08, EU:T:2013:322, point 176 et jurisprudence citée). Eu égard à l’objectif poursuivi par ledit paragraphe, repris au paragraphe 6 des mêmes lignes directrices, qui consiste à retenir comme point de départ pour le calcul du montant de l’amende infligée à une entreprise un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids relatif de cette entreprise dans celle-ci, la notion de valeur des ventes doit ainsi être comprise comme visant les ventes réalisées sur le marché concerné par l’infraction (voir arrêt du 1er février 2018, Kühne + Nagel International e.a./Commission, C‑261/16 P, non publié, EU:C:2018:56, point 65 et jurisprudence citée).

304 La Commission peut donc utiliser pour déterminer la valeur des ventes le prix total que l’entreprise a facturé à ses clients sur le marché de biens ou de services concerné, sans qu’il soit nécessaire de distinguer ou de déduire les différents éléments de ce prix selon qu’ils ont ou non fait l’objet d’une coordination (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2018, Kühne + Nagel International e.a./Commission, C‑261/16 P, non publié, EU:C:2018:56, points 66 et 67).

305 Or, comme le relève en substance la Commission, la STC et la STS ne sont pas des biens ou des services distincts pouvant faire l’objet d’une infraction aux articles 101 ou 102 TFUE. Au contraire, ainsi qu’il ressort des considérants 17, 108 et 1187 de la décision attaquée, la STC et la STS ne sont que deux éléments du prix des services en cause.

306 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 ne s’opposait pas à ce que la Commission tienne compte de l’entier montant des ventes liées aux services en cause, sans le diviser en ses éléments constitutifs.

307 Les points 25 à 35 de l’arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343), auxquels se réfère la requérante, n’infirment pas cette conclusion. Ces points concernent, en effet, l’appréciation du caractère anticoncurrentiel d’une pratique concertée. Ils ne portent, en revanche, aucunement sur la notion de valeur des ventes, au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006.

308 Au surplus, il convient d’observer que l’approche préconisée par la requérante revient à considérer que les éléments du prix qui n’ont pas spécifiquement fait l’objet d’une coordination entre les transporteurs incriminés doivent être exclus de la valeur des ventes.

309 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il n’existe aucune raison valable d’exclure de la valeur des ventes les intrants dont le coût échappe au contrôle des parties à l’infraction alléguée (voir, en ce sens, arrêt du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T‑127/04, EU:T:2009:142, point 91). Contrairement à ce que soutient la requérante, il en va de même des éléments de prix qui, tels les tarifs, n’ont pas spécifiquement fait l’objet d’une coordination, mais font partie intégrante du prix de vente du produit ou service en cause (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, EU:T:2000:77, point 5030).

310 En juger autrement aurait pour conséquence d’imposer à la Commission de ne pas prendre en compte le chiffre d’affaires brut dans certains cas, mais de le prendre en considération dans d’autres cas, en fonction d’un seuil qui serait difficile à appliquer et ouvrirait la porte à des litiges sans fin et insolubles, y compris à des allégations de discrimination (arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑272/09 P, EU:C:2011:810, point 53).

311 C’est donc sans violer le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 que la Commission a conclu, au considérant 1190 de la décision attaquée, qu’il convenait de tenir compte de l’entier montant des ventes liées aux services de fret, sans qu’il soit besoin de le diviser en ses éléments constitutifs.

312 Le présent grief doit donc être rejeté.

2) Sur le deuxième grief, déduit d’une violation du principe de proportionnalité

313 La requérante fait valoir que fonder la valeur des ventes sur le prix entier des services de fret plutôt que sur les recettes générées par les seules surtaxes conduit à des amendes « disproportionnées entre les [transporteurs incriminés] ». Ainsi, dans la mesure où les tarifs varient considérablement de liaison en liaison et peuvent être fonction de la part de marché que les gouvernements nationaux sont prêts à accorder aux transporteurs par l’intermédiaire des droits d’atterrissage octroyés, deux transporteurs qui génèrent des recettes identiques à partir de la STC et de la STS pourraient se voir appliquer des amendes d’un montant sensiblement différent au seul motif qu’ils desservaient des liaisons différentes pendant la période en cause. À l’appui de son argumentation, la requérante renvoie à une analyse économique présentée dans l’annexe A.9 de la requête.

314 La requérante ajoute que la Commission aurait dû tenir compte de l’incidence économique « relativement faible » de l’infraction unique et continue sur le marché de l’EEE.

315 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

316 Il importe de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but légitime poursuivi (arrêts du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, EU:C:1990:391, point 13, et du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T‑30/05, non publié, EU:T:2007:267, point 223).

317 Dans le cadre des procédures engagées par la Commission pour sanctionner les infractions aux règles de concurrence, l’application du principe de proportionnalité exige que les amendes ne soient pas démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est-à-dire par rapport au respect de ces règles, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence soit proportionné à celle-ci, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de sa gravité et de sa durée [voir arrêt du 29 février 2016, Panalpina World Transport (Holding) e.a./Commission, T‑270/12, non publié, EU:T:2016:109, point 103 et jurisprudence citée].

318 Dans le cadre de l’appréciation de la gravité d’une infraction aux règles de concurrence, la Commission doit tenir compte d’un grand nombre d’éléments dont le caractère et l’importance varient selon le type de l’infraction et ses circonstances particulières. Parmi ces éléments peuvent, selon les cas, figurer le volume et la valeur des marchandises qui ont fait l’objet de l’infraction ainsi que la taille et la puissance économique de l’entreprise et, partant, l’influence que celle-ci a pu exercer sur le marché (arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 96).

319 Selon la jurisprudence, la partie du chiffre d’affaires global provenant de la vente des produits ou des services qui font l’objet de l’infraction est la mieux à même de refléter l’importance économique de cette infraction. Contrairement à ce que soutient la requérante, cette jurisprudence n’est pas inapplicable aux biens ou services que la requérante qualifie d’intermédiaires. Tout au plus pourrait-elle l’être à des services qui se limitent à une simple intermédiation [arrêt du 29 février 2016, Panalpina World Transport (Holding) e.a./Commission, T‑270/12, non publié, EU:T:2016:109, points 106, 128 et 194], ce qui n’est pas le cas du fret.

320 La valeur des ventes présente aussi l’avantage de constituer un critère objectif facile à appliquer. Elle rend ainsi l’action de la Commission plus prévisible pour les entreprises et leur permet, dans un objectif de dissuasion générale, d’évaluer l’importance du montant d’une amende à laquelle elles s’exposent lorsqu’elles décident de participer à une entente illicite [voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2016, Panalpina World Transport (Holding) e.a./Commission, T‑270/12, non publié, EU:T:2016:109, point 159].

321 Le paragraphe 6 des lignes directrices de 2006 reprend ces principes de la manière suivante :

« […] la combinaison de la valeur des ventes en relation avec l’infraction et de la durée est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction. La référence à ces indicateurs donne une bonne indication de l’ordre de grandeur de l’amende et ne devrait pas être comprise comme la base d’une méthode de calcul automatique et arithmétique. »

322 Or, au considérant 1190 de la décision attaquée, la Commission a précisément conclu qu’il convenait de tenir compte du chiffre d’affaires global provenant de la vente de services de fret plutôt que des seuls éléments de leur prix qui ont spécifiquement fait l’objet d’une coordination entre les transporteurs incriminés, à savoir les surtaxes.

323 Contrairement à ce que soutient la requérante, la seule circonstance que les surtaxes ne représentaient qu’un pourcentage limité de son chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret sur les liaisons EEE-pays tiers pour l’exercice 2004/2005 n’est pas de nature à démontrer que cette approche était disproportionnée au regard de l’importance économique de l’infraction unique et continue.

324 En effet, le fait même qu’une entreprise effectue des ventes à des prix dont seul un ou plusieurs éléments ont été fixés ou ont fait l’objet d’échanges illicites d’informations entraîne une distorsion de concurrence affectant l’ensemble du marché pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C‑227/14 P, EU:C:2015:258, point 62).

325 Quant à l’incidence prétendument faible de l’infraction unique et continue sur le marché de l’EEE, il y a lieu de rappeler que la détermination de la valeur des ventes ne tient pas compte de critères tels que l’incidence concrète de l’infraction sur le marché ou le dommage causé (voir, en ce sens, arrêts du 29 février 2016, UTi Worldwide e.a./Commission, T‑264/12, non publié, EU:T:2016:112, point 259, et du 12 juillet 2018, Viscas/Commission, T‑422/14, non publié, EU:T:2018:446, point 193).

326 Ce n’est qu’au stade distinct et ultérieur de la détermination du coefficient de gravité que la Commission peut, le cas échéant, prendre en considération un critère de cette nature [voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2016, Panalpina World Transport (Holding) e.a./Commission, T‑270/12, non publié, EU:T:2016:109, point 94].

327 Or, la requérante ne conteste pas, dans le cadre du présent moyen, le coefficient de gravité retenu dans la décision attaquée.

328 Quant à l’allégation de la requérante selon laquelle l’approche suivie dans la décision attaquée aboutirait à des « amendes disproportionnées entre les [transporteurs incriminés] », il convient d’observer qu’elle est purement hypothétique. La requérante est, en effet, restée en défaut d’identifier le moindre transporteur incriminé qui aurait tiré des surtaxes des recettes identiques ou même semblables aux siennes et se serait vu appliquer une amende d’un montant sensiblement inférieur à celui qu’elle s’est vu infliger, au seul motif qu’il desservait pendant la période en cause des liaisons différentes. L’analyse économique présentée dans l’annexe A.9 de la requête, sur laquelle la requérante fonde ladite allégation, concerne d’ailleurs les seules données de KLM Cargo.

329 Il s’ensuit que l’approche suivie au considérant 1190 de la décision attaquée, consistant à tenir compte du chiffre d’affaires global provenant de la vente de services de fret, est apte à contribuer à la réalisation du premier objectif visé au paragraphe 6 des lignes directrices de 2006, consistant à refléter adéquatement l’importance économique de l’infraction unique et continue. Par ailleurs, la requérante ne démontre pas que cette approche était inapte à contribuer à la réalisation du second objectif visé audit paragraphe, consistant à refléter adéquatement le poids relatif de chaque transporteur incriminé.

330 Le présent grief doit donc être rejeté.

3) Sur le troisième grief, déduit d’une violation du principe de légalité

331 Il résulte de la jurisprudence citée au point 274 ci-dessus que la requête introductive d’instance doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences dudit règlement. Des exigences analogues s’appliquent lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen (arrêt du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T‑352/94, EU:T:1998:103, point 333).

332 Or, le présent grief n’est assorti d’aucune argumentation autonome. Faute d’avoir été explicité, il doit être écarté comme étant manifestement irrecevable.

333 Les trois griefs invoqués à l’appui de la présente branche ayant ainsi été écartés, il convient de rejeter la présente branche dans son ensemble.

b) Sur la deuxième branche, prise d’une violation de l’article 101 TFUE, de l’article 49 de la Charte et des lignes directrices de 2006

334 La requérante soutient, en substance, que la Commission a violé l’article 101 TFUE, l’article 49 de la Charte et le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 en incluant dans la valeur des ventes le chiffre d’affaires provenant des ventes de services de fret de KLM Cargo en dehors de l’EEE.

335 En premier lieu, la requérante souligne que le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 ne prévoit pas l’inclusion des ventes réalisées en dehors de l’EEE. S’agissant d’infractions dont le périmètre dépasserait, comme en l’espèce, le territoire de l’EEE, la réévaluation de la valeur des ventes au titre du paragraphe 18 desdites lignes directrices s’effectuerait d’ailleurs au regard de ventes réalisées au sein de l’EEE. Ce dernier paragraphe prévoirait au demeurant explicitement qu’il s’applique en cas de répartition du marché. Il reflèterait ainsi non le caractère transfrontalier des services faisant l’objet de l’infraction, mais le fait que l’entente en cause implique un accord entre ses participants de ne pas réaliser de ventes transfrontalières.

336 En deuxième lieu, la requérante estime que la notion de « ventes indirectes » au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 ne peut pas être interprétée en ce sens qu’elle permet l’inclusion, dans la valeur des ventes, d’un chiffre d’affaires réalisé en dehors de l’EEE. Selon elle, ce paragraphe vise expressément les ventes réalisées « à l’intérieur du territoire de l’EEE ». De plus, comme le montrerait l’exemple mentionné dans la note en bas de page no 1 de ces lignes directrices, tout ajustement des ventes indirectes porterait sur les ventes totales au sein de l’EEE de l’entreprise en cause.

337 En troisième lieu, la requérante affirme que le raisonnement figurant au considérant 1194 de la décision attaquée quant aux « particularités » des services de fret sur les liaisons EEE-pays tiers s’articule autour de deux suppositions erronées au vu des caractéristiques du secteur du fret et des faits de l’espèce.

338 La première des suppositions en cause serait que les caractéristiques intercontinentales des services fournis par la requérante pourraient justifier la répartition géographique des ventes, alors que cette dernière dépendrait uniquement du lieu où ces ventes sont effectuées. Le fait que les biens acheminés soient livrés dans un aéroport situé au sein de l’EEE ne permettrait pas non plus de conclure que la valeur des ventes pertinentes devrait être répartie à parts égales entre le pays du point d’origine et celui du point de destination.

339 La seconde des suppositions en cause serait qu’une augmentation coordonnée des surtaxes augmenterait en soi le coût des produits que la requérante transportait vers l’EEE depuis d’autres continents. Au demeurant, quand bien même cet argument serait étayé, la « méthodologie de base » des lignes directrices de 2006 ne permettrait pas d’inclure les ventes réalisées en dehors de l’EEE dans la valeur des ventes pertinentes en se fondant sur l’existence d’un tel effet.

340 En quatrième lieu, la requérante soutient que la réduction générale de 50 % ne modifie en rien son analyse. Selon elle, la Commission prétend « en principe » maintenir la « méthodologie de base » des lignes directrices de 2006 et ne fait référence à leur paragraphe 37 que dans le contexte de l’application de cette réduction à ce que seraient les ventes au sein de l’EEE.

341 En cinquième lieu, la requérante observe que la Commission n’a jamais auparavant inclus dans la valeur des ventes le chiffre d’affaires provenant de ventes réalisées à l’extérieur de l’EEE et que l’approche suivie dans la décision attaquée constitue une violation manifeste de sa pratique décisionnelle au sujet du chiffre d’affaires qui doit être pris en compte en vue de déterminer sa compétence dans les affaires de transport aérien conformément au règlement no 139/2004. Elle cite à cet égard plusieurs décisions de la Commission et renvoie à la communication consolidée sur la compétence.

342 En sixième lieu, la requérante fait valoir que l’approche suivie dans la décision attaquée engendre une différence de traitement par rapport à d’autres industries, puisque la nature du secteur du fret ne justifie en rien de s’écarter du concept de base des ventes au sein de l’EEE. Ni le caractère mondial du réseau de transport aérien, ni le fait que le coût de production au lieu de destination ait pu augmenter en conséquence de coûts de transport accrus ne le justifient.

343 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

344 À cet égard, il convient de rappeler que le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 subordonne l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant des biens ou des services de l’entreprise concernée à la condition que les ventes en cause aient été « réalisées […] en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE ».

345 Le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 ne fait ainsi état ni de « ventes négociées » ni de « ventes facturées » à l’intérieur de l’EEE, mais se réfère uniquement aux « ventes réalisées » dans l’EEE. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, ledit paragraphe ne s’oppose pas à ce que la Commission retienne les ventes effectuées auprès de clients établis à l’extérieur de l’EEE, pas plus qu’il n’impose de tenir compte des ventes négociées ou facturées dans l’EEE. Autrement, il suffirait à une entreprise participant à une infraction de faire en sorte qu’elle négocie ses ventes avec les filiales de ses clients situées à l’extérieur de l’EEE ou les leur facture pour obtenir que ces ventes ne soient pas prises en considération pour le calcul du montant d’une éventuelle amende, laquelle serait, dès lors, beaucoup moins significative [voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2017, Samsung SDI et Samsung SDI (Malaysia)/Commission, C‑615/15 P, non publié, EU:C:2017:190, point 55].

346 Contrairement à ce que soutient encore la requérante, la Commission n’est pas non plus tenue, aux fins de l’application du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, d’opter pour les critères qui ont pu être jugés pertinents en matière de contrôle de concentrations, et notamment ceux identifiés dans la communication visée au point 341 ci-dessus. Cette dernière a, en effet, pour objectif de fournir des orientations concernant les questions de compétence qui se posent dans le contexte du contrôle d’opérations de concentration. Elle ne lie donc pas la Commission quant à la méthode à adopter pour le calcul du montant des amendes dans les affaires d’entente, laquelle repose sur des finalités propres (arrêt du 29 février 2016, Kühne + Nagel International e.a./Commission, T‑254/12, non publié, EU:T:2016:113, point 252 ; voir également, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Samsung SDI e.a./Commission, T‑84/13, non publié, EU:T:2015:611, point 206).

347 Quant à l’interprétation de la notion de « ventes réalisées […] à l’intérieur du territoire de l’EEE » que la requérante entend tirer de précédentes décisions de la Commission, il suffit de rappeler que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans le règlement no 1/2003 et dans les lignes directrices de 2006 (voir arrêt du 9 septembre 2011, Alliance One International/Commission, T‑25/06, EU:T:2011:442, point 242 et jurisprudence citée), et qu’il n’est, en tout état de cause, pas démontré que les données circonstancielles relatives aux affaires ayant donné lieu à ces décisions, telles que les marchés, les produits, les pays, les entreprises et les périodes concernés, étaient comparables à celles de l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T‑360/09, EU:T:2012:332, point 262 et jurisprudence citée).

348 Ladite notion doit s’interpréter à la lumière de l’objectif du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006. Cet objectif est, comme il ressort des points 303 et 329 ci-dessus, de retenir comme point de départ pour le calcul des amendes un montant qui reflète notamment l’importance économique de l’infraction sur le marché concerné, le chiffre d’affaires réalisé sur les produits ou les services faisant l’objet de l’infraction constituant un élément objectif qui donne une juste mesure de sa nocivité pour le jeu normal de la concurrence (voir arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T‑208/13, EU:T:2016:368, point 236 et jurisprudence citée).

349 Il appartient ainsi à la Commission, aux fins de déterminer si des ventes ont été « réalisées […] à l’intérieur du territoire de l’EEE », au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, d’opter pour un critère qui soit le reflet de la réalité du marché, c’est-à-dire qui soit le plus à même de cerner les conséquences de l’entente sur la concurrence dans l’EEE.

350 Aux considérants 1186 et 1197 de la décision attaquée, la Commission a indiqué avoir tenu compte, pour calculer la valeur des ventes, du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret sur les liaisons intra-EEE, les liaisons Union-pays tiers, les liaisons Union-Suisse et les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Ainsi qu’il ressort du considérant 1194 de cette décision, les ventes liées aux liaisons Union-pays tiers et EEE sauf Union-pays tiers comprenaient à la fois les ventes de services de fret sur les liaisons sortantes et celles de services de fret entrants.

351 Au même considérant, pour justifier l’inclusion du chiffre d’affaires provenant de la vente de ces services dans la valeur des ventes, la Commission a renvoyé à la nécessité de tenir compte de leurs « particularités ». Elle a ainsi notamment observé que l’infraction unique et continue se rapportait à ces services et que les « arrangements anticoncurrentiels [étaie]nt susceptibles d’avoir un impact négatif sur le marché intérieur en ce qui [les] concern[ait] ».

352 Or, comme il ressort des points 112 à 208 ci-dessus et contrairement à ce que soutient la requérante, il était prévisible que l’infraction unique et continue, y compris en tant qu’elle portait sur les liaisons entrantes, aurait des effets substantiels et immédiats dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE et était ainsi susceptible de nuire au jeu normal de la concurrence à l’intérieur du territoire de l’EEE. Aux considérants 1194 et 1241 de la décision attaquée, la Commission a néanmoins reconnu qu’une partie du « préjudice » afférent au comportement litigieux sur les liaisons EEE-pays tiers était susceptible de se matérialiser à l’extérieur de l’EEE. Elle a également souligné qu’une partie de ces services était prestée à l’extérieur de l’EEE. Elle s’est, en conséquence, appuyée sur le paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 et a, pour les liaisons EEE-pays tiers, accordé aux transporteurs incriminés une réduction de 50 % du montant de base de l’amende, dont la requérante ne conteste pas le bien-fondé.

353 Dans ces conditions, considérer que la Commission ne pouvait inclure dans la valeur des ventes 50 % du chiffre d’affaires réalisé sur ces liaisons reviendrait à lui interdire de prendre en compte, aux fins du calcul du montant de l’amende, les ventes qui relèvent du périmètre de l’infraction unique et continue et qui étaient susceptibles de nuire au jeu de la concurrence dans l’EEE.

354 Il s’ensuit que la Commission pouvait utiliser 50 % du chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons EEE-pays tiers, en tant qu’élément objectif donnant une juste mesure de la nocivité de la participation de la requérante à l’entente litigieuse sur le jeu normal de la concurrence, pourvu qu’il fût le résultat des ventes présentant un lien avec l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, EU:T:2014:92, point 47).

355 Or, un tel lien existe en l’espèce s’agissant des liaisons entrantes, dès lors que, comme il ressort des considérants 1194 et 1241 de la décision attaquée et comme le soutient la Commission dans ses écritures, les services de fret entrants sont en partie fournis à l’intérieur de l’EEE. En effet, comme il a été indiqué au point 172 ci-dessus, lesdits services visent précisément à permettre l’acheminement de marchandises de pays tiers vers l’EEE. Ainsi que le relève à juste titre la Commission, une partie de leur prestation « physique » s’effectue par définition dans l’EEE, où a lieu une partie du transport de ces marchandises et où atterrit l’avion-cargo.

356 Dans ces conditions, la Commission était fondée à considérer que les ventes de services de fret entrants avaient été réalisées au sein de l’EEE, au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006. Dès lors, le paragraphe 18 de ces lignes directrices, qui n’a pas été appliqué dans la décision attaquée et dont la requérante reconnaît qu’il n’est pas applicable en l’espèce, est dépourvu de pertinence.

357 Aucun des arguments de la requérante n’est de nature à infirmer cette conclusion.

358 Premièrement, il convient d’observer que l’argument de la requérante tiré de ce que la Commission n’a jamais auparavant inclus dans la valeur des ventes le chiffre d’affaires provenant de ventes réalisées à l’extérieur de l’EEE est voué au rejet pour deux motifs. D’une part, cet argument procède de la prémisse selon laquelle les ventes de services entrants ont été réalisées à l’extérieur de l’EEE. Or, celle-ci, comme il ressort des points 344 à 356 ci-dessus, est erronée. D’autre part, dans la mesure où ledit argument doit être entendu en ce sens que l’interprétation de la notion de « ventes réalisées […] à l’intérieur du territoire de l’EEE » retenue dans la décision attaquée est inédite, il convient d’observer que la Commission ne saurait se voir privée de la possibilité de tenir compte des particularités d’un cas d’espèce aux fins de l’application des lignes directrices de 2006. Au contraire, comme il ressort du point 349 ci-dessus, il appartient à la Commission d’opter, aux fins de l’application du paragraphe 13 de ces lignes directrices, pour un critère qui soit le reflet de la réalité du marché. En juger autrement reviendrait à porter atteinte à l’application efficace des règles de concurrence de l’Union.

359 Deuxièmement, s’agissant de la différence de traitement, alléguée par la requérante, qui découlerait de la prise en compte des ventes de services de fret entrants, il y a lieu de rappeler qu’il incombe à la partie qui invoque une violation du principe d’égalité de traitement d’identifier avec précision les situations comparables dont elle estime qu’elles ont été traitées de manière différente ou les situations différentes dont elle estime qu’elles ont été traitées de manière identique [voir, en ce sens, arrêt du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 311]. Or, en l’espèce, la requérante est restée en défaut d’identifier le moindre secteur d’activité qui présenterait des caractéristiques comparables à celles du secteur du fret et aurait néanmoins fait l’objet d’un traitement différent de la part de la Commission. La référence aux « nombreux produits semi finis ou services intermédiaires [qui] sont livrés à un endroit autre que le point de vente dans lequel s’exerce la concurrence relative au produit ou service en cause » est trop vague pour pallier cette omission. Quant aux moniteurs du type affichage à cristaux liquides (LCD) auxquels renvoie la requérante, il suffit d’observer qu’elle ne démontre aucunement qu’ils peuvent être assimilés à des services de transport tels que ceux dont il est question en l’espèce.

360 Par ailleurs, dans la mesure où la requérante invoque la violation de l’article 101 TFUE et de l’article 49 de la Charte, il suffit de constater que son argumentation n’est nullement étayée et ne peut, dès lors, qu’être rejetée.

361 Il y a donc lieu de rejeter la présente branche.

c) Sur la troisième branche, prise du caractère insuffisant de la réduction générale de 15 %

362 La requérante soutient que la réduction générale de 15 % ne correspond pas au niveau d’intervention gouvernementale pendant la durée de l’infraction unique et continue. Selon elle, les marchés sud-américain et asiatique représentent une part considérable du marché total du fret, ce qui rendrait la réduction générale de 15 % disproportionnée eu égard à la valeur des ventes concernées par le régime réglementaire dans lequel évoluaient les transporteurs. Elle souligne que, antérieurement, la Commission a octroyé des pourcentages supérieurs de réduction liés au régime réglementaire applicable. Il en aurait été de même de la Cour dans l’arrêt du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission (40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, EU:C:1975:174). En outre, la requérante fait valoir que la réduction accordée dans la présente affaire a été octroyée sur la base de l’appréciation du fonctionnement des accords relatifs aux services aériens en général, sans que les circonstances particulières relatives aux liaisons ou aux destinataires aient été prises en compte. Une réduction plus importante du montant de l’amende serait plus appropriée. Il y aurait lieu de prendre en considération les pays dans lesquels les pressions régulatrices ont joué un rôle ainsi que le poids relatif de ces pays au regard de l’infraction. Enfin, selon la requérante, la Commission et le Conseil ont pris position en faveur de la possibilité de maintenir l’application des dispositions tarifaires anticoncurrentielles figurant dans les accords internationaux relatifs aux services aériens (ci-après les « ASA »).

363 Interrogée par le Tribunal au sujet de sa critique de l’application indifférenciée de la réduction générale de 15 % à tous les transporteurs incriminés, alors que « certains pays ont suscité la majeure partie des débats quant aux implications des régimes réglementaires », la requérante a précisé qu’elle n’entendait pas ainsi soulever un grief distinct déduit d’une violation du principe d’égalité de traitement par rapport aux transporteurs incriminés qui réalisaient dans les territoires ou pays en cause une proportion moindre de leur activité commerciale.

364 En substance, la requérante estime, au regard de la nature et du contexte de l’application de la réduction générale de 15 %, que la Commission ne pouvait agir que selon l’un des deux termes d’une alternative, c’est-à-dire soit en concluant que « tous » les services de fret entrants et sortants étaient « également » concernés par des régimes réglementaires, soit en tenant compte du « poids » relatif dans l’infraction unique et continue des pays tiers dans lesquels les pressions régulatrices ont joué un rôle. Elle souligne que le Japon, Hong Kong, l’Inde, la Thaïlande, Singapour, la Corée et le Brésil représentaient près du quart de son activité commerciale au cours de l’année de référence pour le calcul de la valeur des ventes. Quel que soit le terme de cette alternative retenu, une réduction supérieure à 15 % aurait donc dû être accordée.

365 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

366 À cet égard, il convient de rappeler que le paragraphe 27 des lignes directrices de 2006 prévoit que, dans la détermination du montant de l’amende, la Commission peut prendre en compte des circonstances qui mènent à une augmentation ou à une réduction du montant de base, sur le fondement d’une appréciation globale tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes.

367 Le paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 dispose que le montant de base de l’amende peut être réduit lorsque la Commission constate l’existence de circonstances atténuantes. Ce paragraphe énonce, à titre indicatif et non limitatif, cinq types de circonstances atténuantes susceptibles d’être prises en considération, dont l’autorisation ou l’encouragement du comportement anticoncurrentiel en cause par les autorités publiques ou la réglementation.

368 Au considérant 1263 de la décision attaquée, la Commission a constaté qu’aucun régime réglementaire n’avait obligé les transporteurs incriminés à se concerter sur leurs tarifs. Toutefois, elle a estimé, aux considérants 1264 et 1265 de ladite décision, que certains régimes réglementaires avaient pu inciter les transporteurs incriminés à adopter un comportement anticoncurrentiel et leur a, en conséquence, accordé la réduction générale de 15 %, conformément au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006.

369 L’argumentation de la requérante n’est pas susceptible de remettre en cause ces conclusions.

370 D’emblée, il convient de constater que le premier terme de l’alternative exposée au point 364 ci-dessus se fonde sur une lecture inexacte de la décision attaquée. Il y a, en effet, lieu de relever que la Commission a admis, au considérant 1265 de cette décision, que « certains régimes [réglementaires] ont encouragé certains éléments du comportement anticoncurrentiel ». Dès lors, elle n’a pas considéré que « tous » les services de fret entrants et sortants étaient « également » concernés par des contraintes réglementaires.

371 S’agissant du second terme de l’alternative, l’atteinte au principe de proportionnalité serait due, selon la requérante, au fait que la réduction générale de 15 % ne tenait pas dûment compte de la part des ventes faisant l’objet de l’infraction unique et continue qui ont été réalisées dans le cadre de régimes réglementaires encourageant des comportements anticoncurrentiels.

372 Or, si la réduction générale de 15 % visait à reconnaître que certains régimes réglementaires avaient encouragé certains éléments du comportement litigieux (voir point 370 ci-dessus), il n’en demeure pas moins que ces éléments étaient, en l’absence de contrainte ou de pressions irrésistibles, constitutifs d’une infraction aux règles de concurrence et susceptibles, comme tels, d’être sanctionnés. Dans ce contexte, l’argument de la requérante selon lequel le taux de réduction doit être proche de la proportion de ventes concernées par les encouragements des régimes réglementaires repose sur une prémisse erronée, en ce qu’elle tend à dénier aux comportements anticoncurrentiels réalisés en lien avec les ventes objets des encouragements étatiques leur caractère de gravité.

373 Le fait, pour la Commission, d’avoir appliqué le même taux de réduction à l’ensemble des transporteurs incriminés n’est pas, en tant que tel, contraire à son obligation de prendre en compte la gravité relative de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue. En effet, il est constant que, en l’espèce, tous les transporteurs incriminés opéraient dans des pays et des territoires tiers dans lesquels les régimes réglementaires encourageaient des comportements anticoncurrentiels. En outre, la requérante convient elle-même de ce que le poids, dans l’activité commerciale, des pays et des territoires auxquels il est fait référence dans la décision attaquée au titre des encouragements prodigués par leurs régimes réglementaires devrait « en toute logique […] ne pas être très différent[] » selon le transporteur incriminé concerné. Elle souligne ainsi que « en particulier le Japon, Hong Kong, la république de Corée et Singapour sont des marchés très importants pour l’ensemble des [transporteurs incriminés] ».

374 Pour ce qui est de l’argument de la requérante relatif aux décisions par lesquelles la Commission aurait « parfois », au titre du règlement (CE) no 847/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, concernant la négociation et la mise en œuvre d’accords relatifs à des services aériens entre les États membres et les pays tiers (JO 2004, L 157, p. 7), permis à des États membres de maintenir des dispositions tarifaires anticoncurrentielles figurant dans des ASA, il convient de relever que la seule décision à laquelle il est fait référence concerne l’ASA conclu entre les Pays-Bas et le Suriname. Le seul élément de cette décision cité par la requérante tend précisément à souligner que des « accords sur les tarifs […] directement conclus entre les transporteurs concernés [par l’ASA] […] consistent, de par leur objet, en une restriction de la concurrence au sens de l’article [101 TFUE] ». En outre, ainsi que la Commission le relève en particulier au considérant 1019 de la décision attaquée sans être contredite par la requérante, « dans la mesure où les ASA contiennent des dispositions tarifaires, celles-ci sont limitées aux [transporteurs] désignées sur des liaisons déterminées et ne s’étendent pas à des discussions tarifaires générales entre opérateurs multiples, assurant des services vers des destinations nationales multiples ». Or, d’une part, la Commission, dans cette dernière décision, ne s’est pas référée au comportement de la requérante et des autres transporteurs éventuellement concernés sur les liaisons relevant de l’ASA conclu entre les Pays-Bas et le Suriname. D’autre part, les contacts relatifs aux liaisons EEE-pays tiers que la Commission a retenus contre la requérante comprenaient bon nombre de discussions multilatérales (voir, notamment, considérants 146, 152, 393, 394, 503 et 504 de la décision attaquée). Partant, la décision adoptée par la Commission au titre du règlement no 847/2004 invoquée par la requérante ne saurait constituer un encouragement à l’adoption, par cette dernière, des comportements anticoncurrentiels en cause. Elle revêt, en tout état de cause, une importance particulièrement faible rapportée à la dimension, mondiale, de l’entente litigieuse.

375 Quant à la position du Conseil, qui, dans ses conclusions des 27 et 28 juin 2005 sur les relations extérieures dans le secteur de l’aviation, a, selon la requérante, « expressément considéré que les intérêts commerciaux étaient pertinents dans le cadre de la question de savoir si les compagnies devaient ou non respecter les dispositions anticoncurrentielles d’[ASA] », il y a lieu de relever qu’elle est dépourvue d’effet juridique contraignant et que la requérante, qui dispose des moyens nécessaires pour se procurer des renseignements juridiques précis et corrects, ne saurait être fondée à s’en prévaloir pour atténuer la gravité de son comportement (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T‑336/07, EU:T:2012:172, point 458).

376 S’agissant des références aux décisions antérieures de la Commission, il suffit de rappeler que le seul fait que la Commission a accordé, dans sa pratique décisionnelle antérieure, un certain taux de réduction pour un comportement déterminé n’implique pas qu’elle est tenue d’accorder la même réduction lors de l’appréciation d’un comportement similaire dans le cadre d’une procédure administrative ultérieure (voir arrêt du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T‑127/04, EU:T:2009:142, point 140 et jurisprudence citée). La requérante ne saurait, par conséquent, se prévaloir de la réduction du montant d’amendes accordée dans ces autres affaires.

377 Quant à l’invocation par la requérante de l’arrêt du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission (40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, EU:C:1975:174), il y a lieu de constater que l’affaire ayant donné lieu audit arrêt se distingue de la présente espèce. En particulier, la législation en cause dans cette affaire « [ne laissait] au jeu de la concurrence qu’un domaine résiduel », ce qui n’est ni allégué ni a fortiori démontré en l’espèce s’agissant des services de fret.

378 Il y a donc lieu de rejeter la présente branche et, par suite, le quatrième moyen. Les conclusions en annulation doivent dès lors être écartées dans leur ensemble.

C. Sur les conclusions tendant à la modification du montant de l’amende infligée à la requérante

379 La requérante demande, en substance, au Tribunal d’exercer sa compétence de pleine juridiction pour réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée dans l’hypothèse où il jugerait qu’il n’y a pas lieu d’annuler la décision attaquée en ce qui la concerne.

380 À titre liminaire, il convient de constater que la requérante est restée en défaut d’identifier explicitement les griefs qu’elle entend invoquer à l’appui des présentes conclusions. Elle se contente de renvoyer aux « moyens d’annulation qu’elle invoque » et plus précisément aux premier, deuxième et quatrième moyens et d’indiquer que le quatrième moyen invoqué au soutien des conclusions en annulation tend, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende. Il y a donc lieu de considérer que la requérante se prévaut, au soutien des présentes conclusions, d’arguments en substance identiques à ceux qu’elle a invoqués à l’appui de ses conclusions en annulation, dans la mesure où ils sont pertinents aux fins de l’exercice de la compétence de pleine juridiction du Tribunal. À ces arguments s’en ajoutent deux qu’elle invoque dans ses réponses aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal et qui concernent les ventes réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse.

381 Les quatre premiers arguments concernent, en substance, le calcul de la valeur des ventes :

– par son premier argument, la requérante soutient qu’il ne devrait être tenu compte que de la seule valeur des surtaxes et non du prix total des services de fret (première branche du quatrième moyen) ;

– par son deuxième argument, la requérante avance que son chiffre d’affaires provenant de services de fret entrants ne saurait être inclus dans la valeur des ventes (deuxième moyen et deuxième branche du quatrième moyen) ;

– par son troisième argument, la requérante fait valoir qu’il conviendrait de tenir compte de l’incidence économique « relativement faible » de l’infraction unique et continue sur le marché de l’EEE (première branche du quatrième moyen) ;

– par son quatrième argument, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la requérante fait valoir que les recettes tirées des services de fret qu’elle a réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse ne sauraient être incluses dans la valeur des ventes.

382 Les cinquième et sixième arguments portent, en substance, sur le coefficient de gravité. Le cinquième argument renvoie au défaut allégué de compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction aux règles de concurrence sur les liaisons entrantes (deuxième moyen). Par le sixième argument, présenté en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la requérante fait, en substance, valoir que l’exclusion du périmètre géographique de l’infraction unique et continue des liaisons EEE sauf Union-Suisse est de nature à justifier une réduction du coefficient de gravité.

383 Le septième argument porte, en substance, sur les ajustements à apporter au montant de base (troisième branche du quatrième moyen). Selon cet argument, la réduction générale de 15 % est inappropriée. En réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la requérante a ajouté que, dans l’hypothèse où le moyen relevé d’office serait accueilli, le contexte pertinent, au regard des conclusions de la Commission de la concurrence suisse au sujet de l’ASA entre le Royaume de Norvège et la Confédération suisse, renforce son argumentation en faveur d’une réduction supplémentaire du niveau de l’amende au titre des régimes réglementaires.

384 La Commission conclut au rejet des conclusions de la requérante et demande, en substance, que le bénéfice de la réduction générale de 15 % lui soit retiré dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes.

385 Dans le droit de la concurrence de l’Union, le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge de l’Union, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou l’astreinte infligée (voir arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 63 et jurisprudence citée).

386 Cet exercice suppose, en application de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, de prendre en considération, pour chaque entreprise sanctionnée, la gravité de l’infraction en cause ainsi que la durée de celle-ci, dans le respect des principes, notamment, de motivation, de proportionnalité, d’individualisation des sanctions et d’égalité de traitement, et sans que le juge de l’Union soit lié par les règles indicatives définies par la Commission dans ses lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 90). Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction prévue à l’article 261 TFUE et à l’article 31 du règlement no 1/2003 n’équivaut pas à un contrôle d’office et que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. À l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, c’est dès lors à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de la décision litigieuse et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 64).

387 Il appartient ainsi à la partie requérante d’identifier les éléments contestés de la décision attaquée, de formuler des griefs à cet égard et d’apporter des preuves, qui peuvent être constituées d’indices sérieux, tendant à démontrer que ses griefs sont fondés (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 65).

388 Afin de satisfaire aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la Charte en ce qui concerne l’amende, le juge de l’Union est, quant à lui, tenu, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE, d’examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (voir arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C‑434/13 P, EU:C:2014:2456, point 75 et jurisprudence citée ; arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch Austria/Commission, C‑626/13 P, EU:C:2017:54, point 82).

389 Enfin, pour la détermination du montant des amendes, il appartient au juge de l’Union d’apprécier lui-même les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause (arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 89) et de prendre en considération toutes les circonstances de fait (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, EU:C:2009:505, point 86), en ce compris, le cas échéant, des éléments d’information complémentaires non mentionnés dans la décision de la Commission infligeant l’amende (voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, EU:C:2000:630, point 57, et du 12 juillet 2011, Fuji Electric/Commission, T‑132/07, EU:T:2011:344, point 209).

390 En l’espèce, il appartient au Tribunal, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, de déterminer, au regard de l’argumentation avancée par les parties à l’appui des présentes conclusions, le montant de l’amende qu’il estime le plus approprié, eu égard notamment aux constatations effectuées dans le cadre de l’examen des moyens soulevés à l’appui des conclusions en annulation et du moyen relevé d’office et en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait pertinentes.

391 Le Tribunal estime qu’il n’est pas, afin de déterminer le montant de l’amende à infliger à la requérante, opportun de s’écarter de la méthode de calcul suivie par la Commission dans la décision attaquée et dont il n’a pas préalablement déterminé qu’elle était entachée d’illégalité, ainsi qu’il ressort de l’examen du quatrième moyen ci-dessus. En effet, s’il appartient au juge, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, d’apprécier lui-même les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause afin de déterminer le montant de l’amende, l’exercice d’une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes infligées, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien. Par suite, les orientations pouvant être dégagées des lignes directrices sont, en règle générale, susceptibles de guider les juridictions de l’Union lorsqu’elles exercent ladite compétence, dès lors que ces lignes directrices ont été appliquées par la Commission aux fins du calcul du montant des amendes infligées aux autres entreprises sanctionnées par la décision dont elles ont à connaître (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 80 et jurisprudence citée).

392 Dans ces conditions, tout d’abord, il y a lieu d’observer que le total de la valeur des ventes réalisées par la requérante en 2005 s’élevait à 833 845 177 euros, en tenant compte de l’adhésion des dix nouveaux États membres à partir de mai 2004. Il convient de constater que cette valeur incluait des recettes de 5 595 euros réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse, dont le Tribunal a jugé aux points 209 à 232 ci-dessus qu’elles ne relevaient pas du périmètre de l’infraction unique et continue. Ces 5 595 euros doivent donc être exclus du total de la valeur des ventes, conformément au quatrième argument.

393 Pour la période infractionnelle retenue à l’encontre de la requérante qui est antérieure à mai 2004, à l’instar de la Commission au considérant 1197 de la décision attaquée, il y a lieu de prendre pour base, sur les liaisons intra-EEE et sur les liaisons Union-Suisse, des valeurs des ventes s’élevant, respectivement, à 5 539 430 euros et à 820 043 euros, en tenant compte des seuls États qui étaient déjà parties contractantes à l’accord EEE ou membres de l’Union avant mai 2004.

394 Par ailleurs, pour ce qui est du premier argument, lequel porte sur l’inclusion du prix entier des services de fret dans la valeur des ventes, il renvoie à la première branche du quatrième moyen que la requérante a invoqué à l’appui des conclusions en annulation. Or, le Tribunal a examiné et rejeté cette branche aux points 299 à 333 ci-dessus et rien dans l’argumentation que la requérante a soulevée à son appui ne permet de considérer que l’inclusion dans la valeur des ventes du prix entier des services de fret était de nature à aboutir à retenir une valeur des ventes inappropriée. Au contraire, exclure de la valeur des ventes les éléments du prix des services de fret autres que les surtaxes reviendrait à minimiser artificiellement l’importance économique de l’infraction unique et continue.

395 Pour ce qui est du deuxième argument, qui porte sur l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants, il y a lieu d’observer qu’il renvoie à la deuxième branche du quatrième moyen que la requérante a invoqué à l’appui des conclusions en annulation. Or, le Tribunal a examiné et rejeté ce moyen aux points 334 à 361 ci-dessus et rien dans l’argumentation invoquée à son appui ne permet de considérer que l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants était de nature à aboutir à retenir une valeur des ventes inappropriée. Au contraire, exclure de la valeur des ventes ce chiffre d’affaires ferait obstacle à ce qu’il soit infligé à la requérante une amende qui soit une juste mesure de la nocivité de sa participation à l’entente litigieuse sur le jeu normal de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T‑208/13, EU:T:2016:368, point 236).

396 Quant au troisième argument, lequel porte sur l’incidence prétendument faible de l’infraction unique et continue sur le marché de l’EEE, il suffit de rappeler que le montant d’une amende ne saurait être considéré comme étant inapproprié au seul motif qu’il ne reflète pas le préjudice économique ayant été ou ayant pu être causé par l’infraction alléguée (arrêt du 29 février 2016, Schenker/Commission, T‑265/12, EU:T:2016:111, point 287). Cet argument ne justifie donc pas une réduction du coefficient de gravité.

397 Ensuite, il convient de relever que, pour les motifs retenus aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, l’infraction unique et continue mérite un coefficient de gravité de 16 %.

398 Les cinquième et sixième arguments ne démontrent pas le contraire. Ces arguments supposaient, en effet, que le Tribunal accueille, respectivement, le deuxième moyen et le moyen relevé d’office. Ces derniers ayant été rejetés, il convient d’écarter lesdits arguments.

399 Pour ce qui est du montant additionnel, il convient de rappeler que le paragraphe 25 des lignes directrices de 2006 prévoit que, indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura dans le montant de base une somme comprise entre 15 et 25 % de la valeur des ventes, afin de dissuader les entreprises de participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production. Ce paragraphe précise que, en vue de décider de la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte dans un cas donné, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, en particulier ceux identifiés au paragraphe 22 des mêmes lignes directrices. Ces facteurs sont ceux dont la Commission tient compte aux fins de la fixation du coefficient de gravité et incluent la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction.

400 Le juge de l’Union en a déduit que, même si la Commission n’exposait pas de motivation spécifique en ce qui concerne la proportion de la valeur des ventes utilisée au titre du montant additionnel, le simple renvoi à l’analyse des facteurs utilisés pour apprécier la gravité suffisait à cet égard (arrêt du 15 juillet 2015, SLM et Ori Martin/Commission, T‑389/10 et T‑419/10, EU:T:2015:513, point 264).

401 Au considérant 1219 de la décision attaquée, la Commission a estimé que le « pourcentage à appliquer pour le montant additionnel d[evai]t être de 16 % » au vu des « circonstances spécifiques de l’affaire » et des critères retenus aux fins de déterminer le coefficient de gravité.

402 Il s’ensuit que, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, le Tribunal estime qu’un montant additionnel de 16 % est approprié.

403 Par ailleurs, il ressort des considérants 1214 à 1217 de la décision attaquée que la durée pour laquelle la requérante est tenue pour responsable de l’infraction unique et continue s’élève à six ans et un mois sur les liaisons intra-EEE, un an et neuf mois sur les liaisons Union-pays tiers, trois ans et huit mois sur les liaisons Union-Suisse et huit mois sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. La Commission ayant légalement établi la durée de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue, il convient de retenir des facteurs de multiplication de 6 1/12, 1 9/12, 3 8/12 et 8/12, respectivement.

404 Il y a donc lieu de fixer le montant de base de l’amende à 368 617 828 euros.

405 Dès lors, le montant de base de l’amende après application de la réduction générale de 50 %, qui ne s’applique qu’au montant de base en tant qu’il concerne les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et les liaisons Union-pays tiers (voir considérant 1241 de la décision attaquée), que la requérante n’a pas contestée dans le cadre des conclusions en annulation et qui n’est pas inappropriée, doit être fixé, après arrondissement, à 187 000 000 euros. À cet égard, le Tribunal estime approprié d’arrondir ce montant de base à la baisse aux deux premiers chiffres, excepté dans les cas où cette réduction représente plus de 2 % du montant avant arrondissement, auquel cas ce montant est arrondi aux trois premiers chiffres. Cette méthode est objective, permet à tous les transporteurs incriminés ayant introduit un recours à l’encontre de la décision attaquée de bénéficier d’une réduction et évite une inégalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T‑91/11, EU:T:2014:92, point 166).

406 Enfin, pour ce qui est des ajustements du montant de base de l’amende, il convient de rappeler que la requérante a bénéficié de la réduction générale de 15 %, dont elle conteste le caractère suffisant dans le cadre de la troisième branche du quatrième moyen invoqué au soutien des conclusions en annulation ainsi que du septième argument. Or, d’une part, pour des motifs analogues à ceux retenus aux points 362 à 378 ci-dessus, il convient de constater que rien dans l’argumentation invoquée dans ce cadre n’est de nature à démontrer le caractère inapproprié de cette réduction. D’autre part, les liaisons entre la Suisse et la Norvège échappent au périmètre de l’infraction unique et continue (voir points 209 à 232 ci-dessus). Les obligations découlant de l’ASA entre le Royaume de Norvège et la Confédération suisse ne sauraient donc être prises en compte aux fins de l’examen du caractère approprié de la réduction générale de 15 %. À l’inverse, il ne saurait être fait droit à la demande de la Commission visant au retrait du bénéfice de cette réduction. Ainsi qu’il ressort de la duplique, cette demande suppose que le Tribunal juge que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans les valeurs de ventes. Or, le Tribunal a refusé de le faire au point 395 ci-dessus.

407 Par ailleurs, il convient de considérer que la réduction de 20 % dont la requérante a bénéficié au titre de la clémence demeure appropriée.

408 Il s’ensuit que le montant final de l’amende à infliger à la requérante s’élève à 127 160 000 euros, au paiement duquel elle est tenue solidairement avec AF-KLM à hauteur de 124 440 000 euros et seule à hauteur de 2 720 000 euros au titre de sa participation à l’infraction unique et continue avant le 5 mai 2004, date à laquelle AF en a acquis le contrôle, ainsi qu’il ressort du considérant 1089 de la décision attaquée.

409 Le montant des amendes imposées par la Commission dans la décision attaquée étant identique à celui que le Tribunal a fixé au titre de sa compétence de pleine juridiction, il n’y a pas lieu, dès lors, de modifier le montant des amendes fixé par la Commission à l’article 3, sous c) et d), de la décision attaquée. Partant, il convient de rejeter les conclusions en modification du montant de l’amende infligée à la requérante.

IV. Sur les dépens

410 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

411 Aux termes de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre. En outre, aux termes de l’article 135, paragraphe 2, du même règlement, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, partiellement ou totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance, en particulier si elle a fait exposer à l’autre partie des frais que le Tribunal reconnaît comme frustratoires ou vexatoires.

412 En l’espèce, la requérante a succombé en ses conclusions et la Commission a expressément conclu à ce qu’elle soit condamnée aux dépens. Toutefois, le Tribunal estime que les circonstances de l’espèce justifient que la Commission supporte le tiers de ses propres dépens et que la requérante supporte ses propres dépens ainsi que les deux tiers de ceux de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) La Commission européenne supportera le tiers de ses dépens.

3) Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV supportera ses propres dépens ainsi que les deux tiers des dépens de la Commission.