Cass. com., 29 janvier 2002, n° 98-23.207
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Garnier
Avocat général :
M. Lafortune
Avocats :
SCP Thomas-Raquin et Benabent, Me Bertrand
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Technisynthèse, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 29 octobre 1998 par la cour d'appel de Versailles (1e chambre, section A), au profit :
1) de la société Chaussures Bonusage, société anonyme, dont le siège est ...,
2) de la société Fabrica de Calcado Jois - S et R - Silva et Rodrigues LDA, société de droit portugais, dont le siège est à Penacova, 4610 Felgueiras,
défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 4 décembre 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Garnier, conseiller rapporteur, M. Métivet, conseiller, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Garnier, conseiller, les observations de la SCP Thomas-Raquin et Benabent, avocat de la société Technisynthèse, de Me Bertrand, avocat des société Chaussures Bonusage et Fabrica de Calcado Jois - S et R - Silva et Rodrigues LDA, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Versailles, 29 octobre 1998), que la société Technisynthèse, propriétaire d'un modèle de chaussure de type " bateau ", déposé le 5 avril 1991 et enregistré sous le n° 912 348, a, après saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Bonusage, poursuivi judiciairement cette société et la société Fabrica de Calcado Joia - S et R- Rodrigues LDA, fabricant des chaussures commercialisées par la société Bonusage, en contrefaçon et concurrrence déloyale ;
Attendu que la société Technisynthèse fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité de son modèle et rejeté sa demande en contrefaçon, alors, selon le moyen, qu'en application du premier alinéa de l'article L. 511-3 du Code de la propriété intellectuelle, la protection de la loi s'applique à tout élément susceptible de conférer à un objet, par un ou plusieurs effets extérieurs, une physionomie propre et nouvelle ; que cette protection n'est exclue, en vertu de l'alinéa second du même texte, que si l'élément considéré remplit une fonction technique dont il est inséparable ;
que dans ses conclusions devant la cour d'appel, la société Technisynthèse invoquait à l'appui de son action un modèle de chaussure " bateau " dont " la semelle présente les caractéristiques suivantes : partie antérieure formée par deux éléments superposés à bord périphérique lisse, séparés par une ligne de coupure ; partie centrale et postérieure du type " cuvette " dont le bord supérieur est souligné par une couture de couleur différente de celle de la semelle et disposée au fond d'une rainure ; surface latérale interne présentant un dessin en relief à rayures parallèles prolongées à l'arrière par un dessin de points interrompu en son milieu par le dessin d'un voilier" ; qu'après avoir écarté les antériorités opposées au modèle invoqué par la société Technisynthèse la cour d'appel ne pouvait déclarer nul en son entier ce modèle en application du second alinéa de l'article L. 511-3 du Code de la Propriété intellectuelle, tout en s'abstenant comme elle le fait de confronter aux dispositions de ce texte les traits et aspects particuliers dont faisaient état les conclusions précitées s'agissant dudit modèle ; que cette carence prive la décision rendue de base légale au regard de l'ensemble de l'article L. 511-3 du Code de la Propriété intellectuelle ;
Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que le modèle litigieux, de type " bateau ", comporte une semelle " moulée " en deux épaisseurs, dont l'arrière en forme de cuvette, souligné par une couture, est destiné à maintenir la partie arrière du pied dans une position de confort maximale, alors que la partie avant, plus plate, constitue la surface de marche et permet par son inclinaison et les différentes structures du bord de la semelle, d'évacuer l'eau pouvant s'accumuler dans les structures et d'assurer une bonne adhérence à la marche ; qu'il retient que les rayures latérales ou les " petits plots " du talon conférant à l'ensemble des propriétés antidérapantes sont fonctionnelles et déterminées par la forme du pied et l'usage auquel la chaussure est destinée ; que la cour d'appel qui, après avoir relevé que la société Technisynthèse affirmait, sans le démontrer, que la structure du modèle litigieux résultait de choix purement esthétique, a déduit de ces constatations et appréciations que le modèle était nul, dès lors que la forme n'était pas séparable de l'effet technique recherché, a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Technisynthèse aux dépens.