Livv
Décisions

CA Versailles, 12e ch., 7 février 2017, n°  15/07638

VERSAILLES

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

D. A S (Sarl)

Défendeur :

Coopérative Groupement D'achats Des Centres Leclerc Sc Galec (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rosenthal

Conseillers :

M. Leplat, M. Ardisson

TGI de Nanterre, du 10 sept. 2015

10 septembre 2015

FAITS :

A la suite d'opérations de saisie-contrefaçon et d'une action en contrefaçon engagées par la société D., le tribunal de grande instance de Nanterre a, par jugement du 13 juin 2013, relevé que les magasins à l'enseigne Leclerc ont commercialisé cours du mois de décembre 2009 un modèle de drap de douche sur lequel était représenté un dessin reproduisant servilement le dessin que la société D. avait créé désigné Hammam et référencé sous le numéro 127511, jugé que le Groupement d'achat des centres Leclerc (GALEC), la Société d'importation Leclerc (SIPLEC), la société Altinbasak Tekstil - intervenante volontaire à la procédure - et la société Levallois exploitation - magasin exploitant sous l'enseigne Leclerc - avaient commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur au préjudice de la société D., et ordonné 'aux sociétés GALEC, SIPLEC sociétés Levallois exploitation et Altinbasak Tekstil de remettre à la société D. le stock contrefaisant dans un délai de dix jours à compter de la signification du jugement sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard passé ce délai'.

Après avoir signifié le jugement aux sociétés GALEC et SIPLEC le 4 juillet 2013, la société D. les a assignées les 13 et 15 novembre 2013 devant le tribunal de grande instance pour les voir condamnées in solidum à payer une astreinte liquidée à 2 925 000 euros.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 10 septembre 2015 qui a :

- dit la société D. recevable et bien fondée en son action,

- condamné in solidum les sociétés SIPLEC et GALEC à verser à la société D. AS la somme de 200 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire fixée par jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 13 juin 2013 et la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné les sociétés SIPLEC et GALEC aux dépens ;

Vu l'appel interjeté le 4 novembre 2015 par la société D. ;

Vu les conclusions transmises par le RPVA le 27 mai 2016 pour la société D. aux fins de voir, au visa des articles L. 131-1 et suivants et R.131-4 du code des procédures civiles d'exécution :

- recevoir la société D. en son appel ; le disant bien-fondé,

- débouter les sociétés SIPLEC et GALEC de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, ainsi que de leur appel incident,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit la société D. recevable et bien fondée en son action et condamné les sociétés SIPLEC et GALEC aux dépens,

- l'infirmer pour le surplus,

- constater que la signification du jugement du 13 juin 2013 est intervenue auprès sociétés SIPLEC et GALEC le 4 juillet 2013,

- dire que les sociétés SIPLEC et GALEC n'ont jamais effectué la moindre démarche, ni pris la moindre initiative pour restituer le stock contrefaisant,

- dire que le comportement des sociétés SIPLEC et GALEC qui ne prouvent aucune difficulté à laquelle elles auraient été effectivement confrontées, ne justifie pas une quelconque modération dans la liquidation de l'astreinte,

- liquider l'astreinte au jour du prononcé du jugement intervenu le 10 septembre 2015, étant précisé qu'elle ne pourrait être inférieure à la somme de 2 925 000 euros (l'astreinte à liquider atteignait ce montant au 19 février 2015, date de signification des dernières conclusions récapitulatives et en réponse de la société D., en première instance),

- condamner in solidum les sociétés SIPLEC et GALEC à verser à la société D. la somme minimum de 2 925 000 euros,

- condamner in solidum les sociétés SIPLEC et GALEC à verser à la société D. la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum les sociétés SIPLEC et GALEC aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître D., de la société Lexavoue Paris-Versailles, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions transmises par le RPVA le 1er avril 2016 pour la société Coopérative groupements d'achats des centres Leclerc et la société d'importation Leclerc civile aux fins de voir :

- dire et juger la société D. mal fondée en son appel et l'en débouter purement et simplement,

- dire et juger les sociétés GALEC et SIPLEC fondées en leur appel incident et y faisant droit,

- infirmer le jugement du 10 septembre 2015 en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

- dire et juger non fondée la demande de liquidation d'astreinte de la société D., et l'en débouter,

- condamner la société D. à régler aux sociétés GALEC et SIPLEC une somme à chacune d'elles de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Subsidiairement,

- fixer le montant de la liquidation de l'astreinte à un montant purement symbolique eu égard à la bonne foi des sociétés GALEC et SIPLEC et aux difficultés réelles, tant juridiques que matérielles, auxquelles elles ont été confrontées pour l'exécution de la mesure de remise du stock d'articles contrefaisants à la société D.,

- condamner la société D. à régler aux sociétés GALEC et SIPLEC une somme à chacune d'elles de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Plus subsidiairement,

- dire la société D. non fondée en sa demande visant à obtenir une majoration du montant de la liquidation de l'astreinte fixée par le Tribunal dans son jugement du 10 septembre 2015,

- la débouter en conséquence de toutes ses demandes et la condamner à régler aux sociétés GALEC et SIPLEC une somme à chacune d'elles de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société D. aux entiers dépens dont distraction au profit de la société Patricia M. agissant par Maître M., avocat au barreau de Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture du 24 novembre 2016.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément aux décisions visées ci-dessus, au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

1. Sur le bien fondé de la mesure de remise des marchandises contrefaisantes

Considérant que pour voir infirmé le jugement, les sociétés GALEC et SIPLEC relèvent que les magasins exploitant l'enseigne Leclerc sont juridiquement indépendants de leur personne morale et de leurs activités limitées, pour la première d'entre elles, au référencement des marchandises, et pour la seconde, à l'importation, au contrôle puis la revente des marchandises ;

Qu'elles soutiennent ainsi que le jugement du 13 juin 2013 n'a pu ordonner la remise du stock de marchandises contrefaisantes sur un autre fondement que celui de l'article L. 331-1-4 du code de la propriété intellectuelle, et que cette décision leur était impossible à exécuter, alors qu'elles n'étaient plus propriétaires du stock de ces marchandises détenues par les magasins de l'enseigne Leclerc, qu'elles ne pouvaient contraindre ceux-ci à les leur remettre, que la société D. n'a par conséquent ni la qualité ni le pouvoir d'agir à leur encontre au lieu et place des magasins, et qu'enfin, à tout le moins, cette remise supposait que les marchandises soient précisément identifiées, ce qui ne résultait, ni du jugement, ni même des saisies-contrefaçons qui l'ont précédé ;

Qu'elles relèvent par ailleurs que la société D. s'est gardée de revendiquer la liquidation de l'astreinte à l'encontre des sociétés Levallois exploitation et Altinbasak Tekstil ;

Mais considérant que l'article L. 331-1-4 du code de la propriété intellectuelle dispose qu'en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les objets réalisés ou fabriqués portant atteinte à ces droits, soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée ;

Qu'après avoir déclaré la société GALEC et la société SIPLEC responsables de contrefaçon des droits d'auteur, la première, pour avoir référencé les produits contrefaisants sous sa marque ENVOG, la seconde, pour les avoir importés puis revendus aux magasins de l'enseigne Leclerc, et décidé de la remise du stock contrefaisant à la société D., le jugement du 13 juin 2013 a, en vertu des articles L. 131-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, régulièrement fait peser sur les société GALEC et la société SIPLEC la responsabilité d'identifier et de rappeler les marchandises qu'elles ont commercialisées auprès des magasins de l'enseigne Leclerc et sur lesquelles ceux-ci ne pouvaient opposer aucun droit de propriété ;

Qu'il en résulte que le moyen manque en droit, et que la société D. est recevable à invoquer les manquements des sociétés GALEC et SIPLEC dans la charge de la preuve qu'elles supportaient de l'exécution des mesures utiles, d'une part, à l'identification des marchandises contrefaisantes restées en stock dans les magasins de l'enseigne Leclerc, et d'autre part, à la restitution de ces marchandises ;

Qu'enfin, les sociétés GALEC et SIPLEC disposaient du pouvoir de mettre en cause les sociétés Levallois exploitation et Altinbasak Tekstil afin d'opposer à la demande de la société D., leur propre carence dans l'exécution de la mesure.

2. Sur le manquement à la mesure et le montant de l'astreinte liquidée

Considérant que les sociétés GALEC et SIPEC contestent le jugement qui a liquidé l'astreinte à 200 000 euros ainsi que la demande de la société D. de la voir révisée en appel à la somme de 2 925 000 euros, en invoquant d'une part, la cause étrangère à l'exécution de la mesure de restitution des marchandises que constituait pour elles l'indépendance des magasins Leclerc qui les avaient acquises, et en contestant d'autre part, avoir négligé les lettres de mise en demeure du retrait de ces marchandises que la société D. lui a délivrées les 2 août et 22 octobre 2013, alors qu'elles ont verbalement fait part aux magasins de la nécessité de les restituer ; qu'elle font enfin valoir leur bonne foi pour invoquer le pouvoir du juge de modérer l'astreinte provisoire ;

Mais considérant, ainsi que cela est retenu ci-dessus, que le moyen tiré de l'indépendance des magasins est mal fondé ;

Que les simples affirmations des sociétés GALEC et SIPEC ne suppléent pas la preuve à laquelle elles étaient tenues de réclamer aux magasins de l'enseigne Leclerc, la restitution des marchandises qui ne pouvaient plus être commercialisées, dont elles ne pouvaient ignorer la localisation, alors qu'elles avaient pu les dénombrer dès le 24 novembre 2011 et qu'elles avaient les moyens de localiser leur lieu de stockage, a minima, d'après la factures des marchandises qu'elles étaient tenues de conserver ;

Que c'est par erreur, que les premiers juges ont retenu, pour modérer la liquidation de l'astreinte, que les sociétés GALEC et SIPEC avaient adressé aux magasins de l'enseigne un avis de retrait en exécution du jugement le 5 août 2013, alors que cet avis a été diffusé le 5 août 2010 compte tenu de la suspicion de contrefaçon, de sorte qu'antérieur au jugement du 13 juin 2013, il ne saurait justifier une quelconque modération ;

Que par ces motifs, le montant de l'astreinte provisoire ne peut être modulé, ni d'après le comportement des sociétés GALEC et SIPEC, ni par des difficultés rencontrées pour l'exécuter ou par une cause étrangère, et tandis qu'enfin, les sociétés GALEC et SIPEC n'allèguent aucune circonstance de nature à remédier au manquement à l'inexécution de cette astreinte provisoire, il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement et de liquider à la somme de 2 925 000 euros le montant de l'astreinte qui a couru depuis le 4 juillet 2013 et de condamner les sociétés GALEC et SIPEC à la verser à la société D..

3. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Considérant qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et la charge des dépens ; qu'en cause d'appel, il est équitable de condamner les sociétés GALEC et SIPEC à verser, chacune, 5 000 euros à la société D. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de les condamner aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

Par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement en ce qu'il a liquidé le montant de l'astreinte à la somme de 200 000 euros ;

Condamne in solidum le Groupement d'achat des centres Leclerc et la Société d'importation Leclerc à payer à la société D. l'astreinte liquidée à la somme de 2 925 000 euros ;

Condamne le Groupement d'achat des centres Leclerc et la Société d'importation Leclerc à verser, chacun, à la société D., la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les condamne aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Dominique Rosenthal, Président, et Monsieur Alexandre Gavache, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.