TUE, 4e ch. élargie, 30 mars 2022, n° T-343/17
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Cathay Pacific Airways Ltd
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Kanninen (rapporteur)
Juges :
M. Schwarcz, M. Iliopoulos, M. Spielmann, Mme Reine
Avocats :
Mme Kreisberger, M. Grubeck, M. Rees, Me Estellon
LE TRIBUNAL (4e CHAMBRE ÉLARGIE),
I. Antécédents du litige
1 La requérante, Cathay Pacific Airways Ltd, est une compagnie de transport aérien.
2 La requérante fournit des services de fret aérien (ci-après le « fret ») par l’intermédiaire de l’une de ses divisions, dénommée Cathay Pacific Cargo.
3 Dans le secteur du fret, des compagnies aériennes assurent le transport de cargaisons par voie aérienne (ci-après les « transporteurs »). En règle générale, les transporteurs fournissent des services de fret aux transitaires, qui organisent l’acheminement de ces cargaisons au nom des expéditeurs. En contrepartie, ces transitaires s’acquittent auprès des transporteurs d’un prix qui se compose, d’une part, de tarifs calculés au kilogramme et négociés soit pour une période longue (généralement une saison, c’est-à-dire six mois), soit de façon ponctuelle, et, d’autre part, de diverses surtaxes, qui visent à couvrir certains coûts.
4 Quatre types de transporteurs se distinguent : premièrement, ceux qui exploitent exclusivement des avions tout cargo, deuxièmement, ceux qui, sur leurs vols destinés aux passagers, réservent une partie de la soute de l’avion au transport de marchandises, troisièmement, ceux qui disposent à la fois d’avions-cargos et d’un espace réservé pour le fret dans la soute d’avions de transport de passagers (compagnies aériennes mixtes) et, quatrièmement, les intégrateurs, qui disposent d’avions-cargos fournissant à la fois des services de livraison express intégrés et des services de fret généraux.
5 Aucun transporteur n’étant en mesure de desservir, dans le monde, toutes les destinations majeures de fret à des fréquences suffisantes, la conclusion d’accords entre eux pour augmenter leur couverture du réseau ou améliorer leurs horaires s’est développée, y compris dans le cadre d’alliances commerciales plus vastes entre transporteurs. Parmi ces alliances figurait notamment, à l’époque des faits, l’alliance WOW, qui réunissait Deutsche Lufthansa AG (ci-après « Lufthansa »), SAS Cargo Group A/S (ci-après « SAS Cargo »), Singapore Airlines Cargo Pte Ltd (ci-après « SAC ») et Japan Airlines International Co. Ltd (ci-après « Japan Airlines »).
A. Procédure administrative
6 Le 7 décembre 2005, la Commission des Communautés européennes a reçu, au titre de sa communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3), une demande d’immunité introduite par Lufthansa et ses filiales, Lufthansa Cargo AG et Swiss International Air Lines AG (ci-après « Swiss »). Selon cette demande, des contacts anticoncurrentiels intensifs existaient entre plusieurs transporteurs, portant, notamment, sur :
– la surtaxe carburant (ci-après la « STC »), qui aurait été introduite pour faire face au coût croissant du carburant ;
– la surtaxe sécurité (ci-après la « STS »), qui aurait été introduite pour faire face au coût de certaines mesures de sécurité imposées après les attaques terroristes du 11 septembre 2001.
7 Les 14 et 15 février 2006, la Commission a procédé à des inspections inopinées dans les locaux de plusieurs transporteurs, conformément à l’article 20 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).
8 Après les inspections, plusieurs transporteurs, dont la requérante, ont introduit une demande au titre de la communication de 2002 mentionnée au point 6 ci-dessus
9 Le 19 décembre 2007, après avoir envoyé plusieurs demandes de renseignements, la Commission a adressé une communication des griefs à 27 transporteurs, dont la requérante (ci-après la « communication des griefs »). Elle a indiqué que ces transporteurs avaient enfreint l’article 101 TFUE, l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) et l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (ci-après l’« accord CE-Suisse sur le transport aérien »), en participant à une entente portant, notamment, sur la STC, la STS et un refus de paiement de commissions sur les surtaxes (ci-après le « refus de paiement de commissions »).
10 En réponse à la communication des griefs, ses destinataires ont soumis des observations écrites.
11 Une audition s’est tenue du 30 juin au 4 juillet 2008.
B. Décision du 9 novembre 2010
12 Le 9 novembre 2010, la Commission a adopté la décision C(2010) 7694 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] (affaire COMP/39258 – Fret aérien) (ci-après la « décision du 9 novembre 2010 »). Cette décision a pour destinataires 21 transporteurs (ci-après les « transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 »), à savoir :
– Air Canada ;
– Air France-KLM (ci-après « AF-KLM ») ;
– Société Air France (ci-après « AF ») ;
– Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV (ci-après « KLM ») ;
– British Airways plc ;
– Cargolux Airlines International SA (ci-après « Cargolux ») ;
– la requérante ;
– Japan Airlines Corp. ;
– Japan Airlines ;
– Lan Airlines SA ;
– Lan Cargo SA ;
– Lufthansa Cargo ;
– Lufthansa ;
– Swiss ;
– Martinair Holland NV (ci-après « Martinair ») ;
– Qantas Airways Ltd (ci-après « Qantas ») ;
– SAS AB ;
– SAS Cargo ;
– Scandinavian Airlines System Denmark-Norway-Sweden (ci-après « SAS Consortium ») ;
– SAC ;
– Singapore Airlines Ltd (ci-après « SIA »).
13 Les griefs retenus provisoirement à l’égard des autres destinataires de la communication des griefs ont été abandonnés.
14 La décision du 9 novembre 2010 décrivait, dans ses motifs, une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, couvrant le territoire de l’EEE et de la Suisse, par laquelle les transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 auraient coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret.
15 Le dispositif de la décision du 9 novembre 2010, pour autant qu’il concernait la requérante, se lisait comme suit :
« Article 2
Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont [coordonné] divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE, pendant les périodes suivantes :
[…]
g) [la requérante], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;
[…]
Article 3
Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 53 de l’accord EEE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des pays tiers, pendant les périodes suivantes :
[…]
g) [la requérante], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;
[…]
Article 5
Les amendes suivantes sont infligées pour les infractions visées aux articles 1er à 4 [de la décision du 9 novembre 2010] :
[…]
g) [la requérante] : 57 120 000 EUR ;
[…]
Article 6
Les entreprises visées aux articles 1er à 4 mettent immédiatement fin aux infractions visées auxdits articles, dans la mesure où elles ne l’ont pas encore fait.
Elles s’abstiennent dorénavant de tout acte ou comportement visés aux articles 1er à 4, ainsi que de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire. »
C. Recours contre la décision du 9 novembre 2010 devant le Tribunal
16 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 janvier 2011, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du 9 novembre 2010, en tant qu’elle la concernait, ainsi que, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende qui lui avait été infligée. Les autres transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010, à l’exception de Qantas, ont également introduit devant le Tribunal des recours contre cette décision.
17 Par arrêts du 16 décembre 2015, Air Canada/Commission (T 9/11, non publié, EU:T:2015:994), Koninklijke Luchtvaart Maatschappij/Commission (T 28/11, non publié, EU:T:2015:995), Japan Airlines/Commission (T 36/11, non publié, EU:T:2015:992), Cathay Pacific Airways/Commission (T 38/11, non publié, EU:T:2015:985), Cargolux Airlines/Commission (T 39/11, non publié, EU:T:2015:991), Latam Airlines Group et Lan Cargo/Commission (T 40/11, non publié, EU:T:2015:986), Singapore Airlines et Singapore Airlines Cargo Pte/Commission (T 43/11, non publié, EU:T:2015:989), Deutsche Lufthansa e.a./Commission (T 46/11, non publié, EU:T:2015:987), British Airways/Commission (T 48/11, non publié, EU:T:2015:988), SAS Cargo Group e.a./Commission (T 56/11, non publié, EU:T:2015:990), Air France-KLM/Commission (T 62/11, non publié, EU:T:2015:996), Air France/Commission (T 63/11, non publié, EU:T:2015:993), et Martinair Holland/Commission (T 67/11, EU:T:2015:984), le Tribunal a annulé, en tout ou en partie, la décision du 9 novembre 2010 pour autant qu’elle visait, respectivement, Air Canada, KLM, Japan Airlines et Japan Airlines Corp., la requérante, Cargolux, Latam Airlines Group SA (anciennement Lan Airlines) et Lan Cargo, SAC et SIA, Lufthansa, Lufthansa Cargo et Swiss, British Airways, SAS Cargo, SAS Consortium et SAS, AF-KLM, AF et Martinair. Le Tribunal a estimé que cette décision était entachée d’un vice de motivation.
18 À cet égard, en premier lieu, le Tribunal a constaté que la décision du 9 novembre 2010 était entachée de contradictions entre ses motifs et son dispositif. Les motifs de cette décision décrivaient une seule infraction unique et continue, relative à toutes les liaisons couvertes par l’entente, à laquelle les transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 auraient participé. En revanche, le dispositif de ladite décision identifiait soit quatre infractions uniques et continues distinctes, soit une seule infraction unique et continue dont la responsabilité ne serait imputée qu’aux transporteurs qui, sur les liaisons visées par les articles 1er à 4 de la même décision, auraient directement participé aux comportements infractionnels visés par chacun desdits articles ou auraient eu connaissance d’une collusion sur ces liaisons, dont ils acceptaient le risque. Or, aucune de ces deux lectures du dispositif de la décision en question n’était conforme à ses motifs.
19 Le Tribunal a aussi rejeté comme étant incompatible avec les motifs de la décision du 9 novembre 2010 la lecture alternative de son dispositif proposée par la Commission, consistant à considérer que l’absence de mention de certains des transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 dans les articles 1er, 3 et 4 de cette décision pouvait s’expliquer, sans qu’il soit besoin de considérer que ces articles constataient des infractions uniques et continues distinctes, par le fait que lesdits transporteurs n’assuraient pas les liaisons couvertes par ces dispositions.
20 En deuxième lieu, le Tribunal a considéré que les motifs de la décision du 9 novembre 2010 contenaient d’importantes contradictions internes.
21 En troisième lieu, après avoir relevé qu’aucune des deux lectures possibles du dispositif de la décision du 9 novembre 2010 n’était conforme à ses motifs, le Tribunal a examiné si, dans le cadre d’au moins l’une de ces deux lectures possibles, les contradictions internes à ladite décision étaient de nature à porter atteinte aux droits de la défense de la requérante et à empêcher le Tribunal d’exercer son contrôle. S’agissant de la première lecture, retenant l’existence de quatre infractions uniques et continues distinctes, premièrement, il a jugé que la requérante n’avait pas été en situation de comprendre dans quelle mesure les éléments de preuve exposés dans les motifs, liés à l’existence d’une infraction unique et continue, étaient susceptibles d’établir l’existence des quatre infractions distinctes constatées dans le dispositif et qu’elle n’avait donc pas davantage été en situation de pouvoir contester leur suffisance. Deuxièmement, il a jugé que la requérante s’était trouvée dans l’impossibilité de comprendre la logique qui avait conduit la Commission à la considérer comme responsable d’une infraction, y compris pour des liaisons non assurées à l’intérieur du périmètre défini par chaque article de la décision du 9 novembre 2010.
D. Décision attaquée
22 Le 20 mai 2016, à la suite de l’annulation prononcée par le Tribunal, la Commission a adressé une lettre aux transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 ayant introduit un recours contre cette dernière devant le Tribunal, les informant que sa direction générale (DG) de la concurrence entendait lui proposer d’adopter une nouvelle décision concluant qu’ils avaient participé à une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien sur toutes les liaisons mentionnées dans cette décision.
23 Les destinataires de la lettre de la Commission mentionnée au point 22 ci-dessus ont été invités à faire part de leur point de vue sur la proposition de la DG de la concurrence de la Commission dans un délai d’un mois. Tous, y compris la requérante, ont fait usage de cette possibilité.
24 Le 17 mars 2017, la Commission a adopté la décision C(2017) 1742 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] (affaire AT.39258 – Fret aérien) (ci-après la « décision attaquée »). Ladite décision a pour destinataires 19 transporteurs (ci-après les « transporteurs incriminés »), à savoir :
– Air Canada ;
– AF-KLM ;
– AF ;
– KLM ;
– British Airways ;
– Cargolux ;
– la requérante ;
– Japan Airlines ;
– Latam Airlines Group ;
– Lan Cargo ;
– Lufthansa Cargo ;
– Lufthansa ;
– Swiss ;
– Martinair ;
– SAS ;
– SAS Cargo ;
– SAS Consortium ;
– SAC ;
– SIA.
25 La décision attaquée ne retient pas de griefs à l’encontre des autres destinataires de la communication des griefs.
26 La décision attaquée décrit, dans ses motifs, une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, par laquelle les transporteurs incriminés auraient coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret dans le monde entier par le biais de la STC, de la STS et du paiement d’une commission sur les surtaxes.
27 En premier lieu, au point 4.1 de la décision attaquée, la Commission a décrit les « [p]rincipes de base et [la] structure de l’entente ». Aux considérants 107 et 108 de cette décision, elle a indiqué que l’enquête avait révélé une entente d’ampleur mondiale fondée sur un réseau de contacts bilatéraux et multilatéraux entretenus sur une longue période entre les concurrents, concernant le comportement qu’ils avaient décidé, prévu ou envisagé d’adopter en rapport avec divers éléments du prix des services de fret, à savoir la STC, la STS et le refus de paiement de commissions. Elle a souligné que ce réseau de contacts avait pour objectif commun de coordonner le comportement des concurrents en matière de tarification ou de réduire l’incertitude en ce qui concerne leur politique de prix (ci-après l’« entente litigieuse »).
28 Selon le considérant 109 de la décision attaquée, l’application coordonnée de la STC avait pour but de s’assurer que les transporteurs du monde entier imposent une surtaxe forfaitaire par kilo pour tous les envois concernés. Un réseau complexe de contacts, principalement bilatéraux, entre transporteurs aurait été institué dans le but de coordonner et de surveiller l’application de la STC, la date précise d’application étant souvent, selon la Commission, décidée au niveau local, le principal transporteur local prenant généralement la direction et les autres suivant. Cette approche coordonnée aurait été étendue à la STS, tout comme au refus de paiement de commissions, si bien que ces dernières seraient devenues des revenus nets pour les transporteurs et auraient constitué une mesure d’encouragement supplémentaire pour amener ceux-ci à suivre la coordination relative aux surtaxes.
29 Selon le considérant 110 de la décision attaquée, la direction générale du siège de plusieurs transporteurs aurait été soit directement impliquée dans les contacts avec les concurrents, soit régulièrement informée de ceux-ci. Dans le cas des surtaxes, les employés responsables du siège auraient été en contact mutuel lorsqu’un changement de niveau de la surtaxe était imminent. Le refus de paiement de commissions aurait également été confirmé à plusieurs reprises lors de contacts se tenant au niveau de l’administration centrale. Des contacts fréquents auraient également eu lieu au niveau local dans le but, d’une part, de mieux exécuter les instructions données par les administrations centrales et de les adapter aux conditions de marché locales et, d’autre part, de coordonner et de mettre en œuvre les initiatives locales. Dans ce dernier cas, les sièges des transporteurs auraient généralement autorisé l’action proposée ou en auraient été informés.
30 Selon le considérant 111 de la décision attaquée, les transporteurs auraient pris contact les uns avec les autres, soit de manière bilatérale, soit en petits groupes, soit, dans certains cas, en grands forums multilatéraux. Les associations locales de représentants de transporteurs auraient été utilisées, notamment à Hong Kong et en Suisse, pour discuter de mesures d’amélioration du rendement et pour coordonner les surtaxes. Des réunions d’alliances telles que l’alliance WOW auraient également été exploitées à ces fins.
31 En deuxième lieu, aux points 4.3, 4.4 et 4.5 de la décision attaquée, la Commission a décrit les contacts concernant, respectivement, la STC, la STS et le refus de paiement de commissions (ci-après les « contacts litigieux »).
32 Ainsi, premièrement, aux considérants 118 à 120 de la décision attaquée, la Commission a résumé les contacts relatifs à la STC comme suit :
« (118) Un réseau de contacts bilatéraux, impliquant plusieurs compagnies aériennes, a été institué fin 1999-début 2000, permettant un partage d’informations sur les actions des entreprises par les participants entre tous les membres du réseau. Les transporteurs prenaient régulièrement contact les uns avec les autres afin de discuter de toute question se posant en rapport avec la STC, notamment les modifications du mécanisme, les changements du niveau de la STC, l’application cohérente du mécanisme et les situations dans lesquelles certaines compagnies aériennes ne suivaient pas le système.
(119) Pour la mise en œuvre des STC au niveau local, un système par lequel les compagnies aériennes dominantes sur certaines liaisons ou dans certains pays annonçaient en premier le changement et étaient ensuite suivies par les autres, a souvent été appliqué […]
(120) La coordination anticoncurrentielle concernant la STC se déroulait principalement dans quatre contextes : en rapport avec l’introduction des STC au début 2000, la réintroduction d’un mécanisme de STC après l’annulation du mécanisme prévu par l’[Association du transport aérien international (IATA)], l’introduction de nouveaux seuils de déclenchement (augmentant le niveau maximal de la STC) et surtout le moment où les indices de carburant approchaient le seuil auquel une augmentation ou une diminution de la STC allait être déclenchée. »
33 Deuxièmement, au considérant 579 de la décision attaquée, la Commission a résumé les contacts relatifs à la STS comme suit :
« Plusieurs [transporteurs incriminés] ont discuté, entre autres, de leurs intentions d’introduire une STS […] De plus, le montant de la surtaxe et le calendrier d’introduction ont également été discutés. Les [transporteurs incriminés] ont en outre partagé des idées sur la justification à donner à leurs clients. Des contacts ponctuels concernant la mise en œuvre de la STS ont eu lieu pendant toute la période couvrant les années 2002 à 2006. La coordination illicite a eu lieu à la fois au niveau des administrations centrales et au niveau local. »
34 Troisièmement, au considérant 676 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les transporteurs incriminés avaient « continué à refuser de payer une commission sur les surtaxes et s[’étaient] confirmé mutuellement leur intention dans ce domaine lors de nombreux contacts ».
35 En troisième lieu, au point 4.6 de la décision attaquée, la Commission a procédé à l’appréciation des contacts litigieux. L’appréciation de ceux retenus contre la requérante figure aux considérants 755 à 759 de cette décision.
36 En quatrième lieu, au point 5 de la décision attaquée, la Commission a procédé à l’application aux faits de l’espèce de l’article 101 TFUE, tout en précisant, à la note en bas de page no 1289 de cette décision, que les considérations retenues valaient également pour l’article 53 de l’accord EEE et l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien. Ainsi, premièrement, au considérant 846 de ladite décision, elle a retenu que les transporteurs incriminés avaient coordonné leur comportement ou influencé la tarification, « ce qui rev[enai]t en définitive à une fixation de prix en rapport avec » la STC, la STS et le paiement d’une commission sur les surtaxes. Au considérant 861 de la même décision, elle a qualifié le « système général de coordination du comportement de tarification pour des services de fret » dont son enquête avait révélé l’existence d’« infraction complexe se composant de diverses actions qui [pouvaient] être qualifiées soit d’accord, soit de pratique concertée dans le cadre desquels les concurrents [avaie]nt sciemment substitué la coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence ».
37 Deuxièmement, au considérant 869 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le « comportement en cause constitu[ait] une infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE ». Elle a ainsi considéré que les arrangements en cause poursuivaient un objectif anticoncurrentiel unique consistant à entraver la concurrence dans le secteur du fret au sein de l’EEE, y compris lorsque la coordination s’était déroulée au niveau local et avait connu des variations locales (considérants 872 à 876), portaient sur un « [p]roduit/services unique », à savoir « la fourniture de services de fret […] et leur tarification » (considérant 877), concernaient les mêmes entreprises (considérant 878), revêtaient une nature unique (considérant 879) et portaient sur trois composantes, à savoir la STC, la STS et le refus de paiement de commissions, qui ont « fréquemment été discuté[e]s conjointement au cours du même contact avec les concurrents » (considérant 880).
38 Au considérant 881 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que « la majorité des parties », dont la requérante, étaient impliquées dans les trois composantes de l’infraction unique.
39 Troisièmement, au considérant 884 de la décision attaquée, la Commission a conclu au caractère continu de l’infraction en cause.
40 Quatrièmement, aux considérants 885 à 890 de la décision attaquée, la Commission a examiné la pertinence des contacts intervenus dans des pays tiers et des contacts concernant des liaisons que les transporteurs n’avaient jamais desservies ou qu’ils n’auraient pas pu légalement desservir. Elle a estimé que, au regard du caractère mondial de l’entente litigieuse, ces contacts étaient pertinents pour établir l’existence de l’infraction unique et continue. En particulier, d’une part, elle a relevé que les surtaxes étaient des mesures d’application générale qui n’étaient pas spécifiques à une liaison, mais avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons, au niveau mondial, y compris sur les liaisons au départ et à destination de l’EEE et de la Suisse. Elle a indiqué que le refus de paiement de commissions revêtait également un caractère général. D’autre part, elle a considéré qu’aucune barrière insurmontable n’empêchait les transporteurs de fournir des services de fret sur les liaisons qu’ils n’avaient jamais desservies ou qu’ils n’auraient pas pu légalement desservir, notamment grâce aux accords qu’ils étaient en mesure de conclure entre eux.
41 Cinquièmement, au considérant 903 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le comportement litigieux avait pour objet de restreindre la concurrence « au moins au sein de l’U[nion], dans l’EEE et en Suisse ». Au considérant 917 de cette décision, elle a, en substance, ajouté qu’il n’était, dès lors, pas nécessaire de prendre en considération les « effets concrets » de ce comportement.
42 Sixièmement, aux considérants 972 à 1021 de la décision attaquée, la Commission a examiné la réglementation de sept pays tiers, dont plusieurs transporteurs incriminés soutenaient qu’elle leur imposait de se concerter sur les surtaxes, faisant ainsi obstacle à l’application des règles de concurrence pertinentes. La Commission a considéré que ces transporteurs étaient restés en défaut de prouver qu’ils avaient agi sous la contrainte desdits pays tiers.
43 Septièmement, aux considérants 1024 à 1035 de la décision attaquée, la Commission a retenu que l’infraction unique et continue était susceptible d’affecter de manière sensible les échanges entre États membres, entre les parties contractantes à l’accord EEE et entre les parties contractantes à l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.
44 Huitièmement, la Commission a examiné les limites de sa compétence territoriale et temporelle pour constater et sanctionner une infraction aux règles de concurrence dans le cas d’espèce. D’une part, aux considérants 822 à 832 de la décision attaquée, sous le titre « Compétence de la Commission », elle a, en substance, retenu qu’elle n’appliquerait pas, tout d’abord, l’article 101 TFUE aux accords et pratiques antérieurs au 1er mai 2004 concernant les liaisons entre des aéroports au sein de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE (ci-après les « liaisons Union-pays tiers »), ensuite, l’article 53 de l’accord EEE aux accords et pratiques antérieurs au 19 mai 2005 concernant les liaisons Union-pays tiers et les liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont parties contractantes à l’accord EEE et qui ne sont pas membres de l’Union et des aéroports situés dans des pays tiers (ci-après les « liaisons EEE sauf Union-pays tiers » et, conjointement avec les liaisons Union-pays tiers, les « liaisons EEE-pays tiers ») et, enfin, l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien aux accords et pratiques antérieurs au 1er juin 2002 concernant les liaisons entre des aéroports au sein de l’Union et des aéroports suisses (ci-après les « liaisons Union-Suisse »). Elle a aussi précisé que la décision attaquée n’avait « nullement la prétention de révéler une quelconque infraction à l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] concernant les services de fret [entre] la Suisse [et] des pays tiers ».
45 D’autre part, aux considérants 1036 à 1046 de la décision attaquée, sous le titre « L’applicabilité de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE aux liaisons entrantes », la Commission a rejeté les arguments de différents transporteurs incriminés selon lesquels elle outrepassait les limites de sa compétence territoriale au regard des règles de droit international public en constatant et en sanctionnant une infraction à ces deux dispositions sur les liaisons au départ de pays tiers et à destination de l’EEE (ci-après les « liaisons entrantes » et, s’agissant des services de fret offerts sur ces liaisons, les « services de fret entrants »). En particulier, au considérant 1042 de cette décision, elle a rappelé comme suit les critères qu’elle estimait applicables :
« En ce qui concerne l’application extraterritoriale de l’article 101 du TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, ces dispositions sont applicables aux accords qui sont mis en œuvre au sein de l’U[nion] (théorie de la mise en œuvre) ou qui ont des effets immédiats, substantiels et prévisibles au sein de l’U[nion] (théorie des effets). »
46 Aux considérants 1043 à 1046 de la décision attaquée, la Commission a appliqué les critères en question aux faits de l’espèce :
« (1043) Dans le cas des services de fret [entrants], l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE sont applicables parce que le service lui-même, qui fait l’objet de l’infraction en matière de fixation de prix, doit être rendu et est en effet rendu en partie sur le territoire de l’EEE. De plus, de nombreux contacts par lesquels les destinataires ont coordonné les surtaxes et le [refus de] paiement de commissions ont eu lieu à l’intérieur de l’EEE ou ont impliqué des participants se trouvant dans l’EEE.
(1044) […] l’exemple cité dans la communication [consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2008, C 95, p. 1 et rectificatif JO 2009, C 43, p. 10)] n’est pas pertinent ici. La[dite] communication se rapporte à la répartition géographique du chiffre d’affaires entre les entreprises aux fins de déterminer si les seuils de chiffre d’affaires de l’article 1er du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises [(JO 2004, L 24, p. 1)] sont atteints.
(1045) En outre, les pratiques anticoncurrentielles dans les pays tiers en ce qui concerne le transport du fret […] vers l’Union et l’EEE sont susceptibles d’avoir des effets immédiats, substantiels et prévisibles au sein de l’Union et de l’EEE, étant donné que les coûts accrus du transport aérien vers l’EEE et donc les prix plus élevés des marchandises importées sont, de par leur nature, susceptibles d’avoir des effets sur les consommateurs au sein de l’EEE. En l’espèce, les pratiques anticoncurrentielles éliminant la concurrence entre les transporteurs qui offrent des services de fret [entrants] étaient susceptibles d’avoir de tels effets également sur la fourniture de services de [fret] par d’autres transporteurs au sein de l’EEE, entre les plateformes de correspondance (“hubs”) dans l’EEE utilisées par les transporteurs de pays tiers et les aéroports de destination de ces envois dans l’EEE qui ne sont pas desservis par le transporteur du pays tiers.
(1046) Enfin, il convient de souligner que la Commission a découvert une entente au niveau mondial. L’entente a été mise en œuvre mondialement et les arrangements de l’entente concernant les liaisons entrantes faisaient partie intégrante de l’infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE. Les arrangements de l’entente étaient, dans de nombreux cas, organisés au niveau central et le personnel local ne faisait que les appliquer. L’application uniforme des surtaxes à une échelle mondiale était un élément clé de l’entente. »
47 En cinquième lieu, au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission a retenu que l’entente litigieuse avait débuté le 7 décembre 1999 et duré jusqu’au 14 février 2006. Au même considérant, elle a précisé que cette entente avait enfreint :
– l’article 101 TFUE, du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien entre des aéroports au sein de l’Union ;
– l’article 101 TFUE, du 1er mai 2004 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons Union-pays tiers ;
– l’article 53 de l’accord EEE, du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien entre les aéroports au sein de l’EEE (ci-après les « liaisons intra-EEE ») ;
– l’article 53 de l’accord EEE, du 19 mai 2005 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers ;
– l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, du 1er juin 2002 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons Union-Suisse.
48 En ce qui concerne la requérante, la Commission a retenu que la durée de l’infraction s’étendait du 4 janvier 2000 au 14 février 2006.
49 En sixième lieu, au point 8 de la décision attaquée, la Commission s’est penchée sur les mesures correctives à prendre et les amendes à infliger.
50 S’agissant, en particulier, de la détermination du montant des amendes, la Commission a indiqué avoir pris en compte la gravité et la durée de l’infraction unique et continue ainsi que les éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes. Elle s’est référée à cet égard aux lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).
51 Aux considérants 1184 et 1185 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le montant de base de l’amende se composait d’une proportion pouvant aller jusqu’à 30 % de la valeur des ventes de l’entreprise, déterminée en fonction de la gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années de participation de l’entreprise à l’infraction, à laquelle s’ajoutait un montant additionnel compris entre 15 et 25 % de la valeur des ventes (ci-après le « montant additionnel »).
52 Au considérant 1197 de la décision attaquée, la Commission a déterminé la valeur des ventes en additionnant, sur l’année 2005, qui était la dernière année complète avant la fin de l’infraction unique et continue, le chiffre d’affaires lié aux vols dans les deux sens sur les liaisons intra-EEE, sur les liaisons Union-pays tiers, sur les liaisons Union-Suisse ainsi que sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Elle a également tenu compte de l’adhésion à l’Union de nouveaux États membres en 2004.
53 Aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, tenant compte de la nature de l’infraction (accords horizontaux de fixation de prix), de la part de marché cumulée des transporteurs incriminés (34 % au niveau mondial et au moins autant sur les liaisons intra-EEE et EEE-pays tiers), de l’étendue géographique de l’entente litigieuse (mondiale) et de sa mise en œuvre effective, la Commission a fixé le coefficient de gravité à 16 %.
54 Aux considérants 1214 à 1217 de la décision attaquée, la Commission a déterminé la durée de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue comme suit, en fonction des liaisons concernées :
– en ce qui concernait les liaisons intra-EEE : du 4 janvier 2000 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à six ans et un mois, et un facteur de multiplication de 6 et 1/12 ;
– en ce qui concernait les liaisons Union-pays tiers : du 1er mai 2004 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à un an et neuf mois, et un facteur de multiplication de 1 et 9/12 ;
– en ce qui concernait les liaisons Union-Suisse : du 1er juin 2002 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à trois ans et huit mois, et un facteur de multiplication de 3 et 8/12 ;
– en ce qui concernait les liaisons EEE sauf Union-pays tiers : du 19 mai 2005 au 14 février 2006, évaluée, en nombre de mois, à huit mois, et un facteur de multiplication de 8/12.
55 Au considérant 1219 de la décision attaquée, la Commission a retenu que, au regard des circonstances spécifiques de l’affaire et des critères exposés au point 53 ci-dessus, le montant additionnel devait correspondre à 16 % de la valeur des ventes.
56 En conséquence, aux considérants 1240 à 1242 de la décision attaquée, le montant de base évalué pour la requérante à 169 000 000 euros a été arrêté à 84 000 000 euros, après application d’une réduction de 50 % fondée sur le paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 (ci-après la « réduction générale de 50 % ») et liée au fait qu’une partie des services relatifs aux liaisons entrantes et aux liaisons au départ de l’EEE et à destination de pays tiers (ci-après les « liaisons sortantes ») était fournie hors du territoire couvert par l’accord EEE et qu’une part du préjudice était donc susceptible de se produire en dehors dudit territoire.
57 Aux considérants 1264 et 1265 de la décision attaquée, en application du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, la Commission a octroyé aux transporteurs incriminés une réduction supplémentaire du montant de base de l’amende de 15 % (ci-après la « réduction générale de 15 % »), au motif que certains régimes réglementaires avaient encouragé l’entente litigieuse.
58 En conséquence, au considérant 1293 de la décision attaquée, la Commission a fixé le montant de base de l’amende de la requérante après ajustement à 71 400 000 euros.
59 Aux considérants 1331 à 1338 de la décision attaquée, la Commission a tenu compte de la contribution de la requérante dans le cadre de sa demande de clémence en appliquant une réduction de 20 % au montant de l’amende, de sorte que, comme il est indiqué au considérant 1404 de la décision attaquée, le montant de l’amende infligée à la requérante a été fixé à 57 120 000 euros.
60 Le dispositif de la décision attaquée, pour autant qu’il concerne le présent litige, se lit comme suit :
« Article premier
En coordonnant leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de [fret] dans le monde entier en ce qui concerne la [STC], la [STS] et le paiement d’une commission sur les surtaxes, les entreprises suivantes ont commis l’infraction unique et continue suivante à l’article 101 [TFUE], à l’article 53 de [l’accord EEE] et à l’article 8 de [l’accord CE-Suisse sur le transport aérien] en ce qui concerne les liaisons suivantes et pendant les périodes suivantes.
1) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons [intra-EEE], pendant les périodes suivantes :
[…]
g) [la requérante], du 4 janvier 2000 au 14 février 2006 ;
[…]
2) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE en ce qui concerne les liaisons [Union-pays tiers], pendant les périodes suivantes :
[…]
g) [la requérante], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;
[…]
3) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons [EEE sauf Union-pays tiers], pendant les périodes suivantes :
[…]
g) [la requérante], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;
[…]
4) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 8 de l’accord [CE-Suisse] sur le transport aérien en ce qui concerne les liaisons [Union-Suisse], pendant les périodes suivantes :
[…]
g) [la requérante], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;
[…]
Article 2
La décision […] du 9 novembre 2010 est modifiée comme suit :
à l’article 5, les [sous] j), k) et l) sont abrogés.
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction unique et continue visée à l’article 1er de la présente décision et en ce qui concerne British Airways […], également pour les aspects des articles 1er à 4 de la décision […] du 9 novembre 2010 qui sont devenus définitifs :
[…]
g) [la requérante] : 57 120 000 EUR ;
[…] »
Article 4
Les entreprises visées à l’article 1er mettent immédiatement fin à l’infraction unique et continue visée audit article, dans la mesure où elles ne l’ont pas encore fait.
Elles s’abstiennent également de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire.
Article 5
Sont destinataires de la présente décision :
[…]
[la requérante]
[…] »
II. Procédure et conclusions des parties
61 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 mai 2017, la requérante a introduit le présent recours.
62 La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 29 septembre 2017.
63 La requérante a déposé la réplique au greffe du Tribunal le 22 décembre 2017.
64 La Commission a déposé la duplique au greffe du Tribunal le 1er mars 2018.
65 Le 24 avril 2019, sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer la présente affaire devant une formation de jugement élargie.
66 Le 19 juin 2019, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties. Ces dernières ont répondu dans le délai imparti.
67 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 5 juillet 2019.
68 Par ordonnance du 31 juillet 2020, le Tribunal (quatrième chambre élargie), considérant qu’il était insuffisamment éclairé et qu’il y avait lieu d’inviter les parties à présenter leurs observations concernant un argument sur lequel elles n’avaient pas débattu, a ordonné la réouverture de la phase orale de la procédure en application de l’article 113 du règlement de procédure.
69 Les parties ont, dans le délai imparti, répondu à une série de questions posées par le Tribunal le 4 août 2020 puis soumis des observations sur leurs réponses respectives.
70 Par décision du 6 octobre 2020, le Tribunal a clos de nouveau la phase orale de la procédure.
71 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler l’article 1er, paragraphes 1 à 4, de la décision attaquée, pour autant qu’il la concerne ;
– annuler l’article 3 de la décision attaquée pour autant qu’il lui impose une amende de 57 120 000 euros ou, à titre subsidiaire, réduire le montant de cette amende ;
– condamner la Commission aux dépens.
72 La Commission conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– modifier le montant de l’amende infligée à la requérante en lui retirant le bénéfice de la réduction générale de 50 % et de la réduction générale de 15 % dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes ;
– condamner la requérante aux dépens.
III. En droit
73 Dans le cadre de son recours, la requérante formule tant des conclusions en annulation de la décision attaquée que des conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée. Quant à la Commission, elle a formulé une demande tendant, en substance, à la modification du montant de l’amende infligée à la requérante dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes.
A. Sur les conclusions en annulation
74 La requérante invoque sept moyens à l’appui de ses conclusions en annulation. Ces moyens sont tirés :
– le premier, en substance, d’une erreur de droit, d’une erreur de fait, d’une erreur d’appréciation et d’une violation des droits de la défense tenant à ce que la requérante a été tenue pour responsable de l’infraction unique et continue sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse ;
– le deuxième, de la violation de l’article 25 du règlement no 1/2003 et des principes de sécurité juridique, de « justice » et de bonne administration de la justice ;
– le troisième, d’erreurs dans l’imputation à la requérante de ladite infraction ;
– le quatrième, du constat insuffisamment motivé de la participation de la requérante à cette infraction en ce qui concerne les liaisons intra-EEE et Union-Suisse ;
– le cinquième, de plusieurs erreurs, d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’un défaut de motivation concernant les activités de la requérante dans des États tiers au regard des spécificités de la réglementation qui y était applicable ;
– le sixième, d’un défaut de compétence de la Commission pour constater et sanctionner une violation de l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes ; et
– le septième, d’erreurs dans le calcul de l’amende.
75 Le Tribunal estime opportun d’examiner, en premier lieu, le sixième moyen, en deuxième lieu, le moyen relevé d’office tiré de l’incompétence de la Commission, au regard de l’article 11 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, pour constater et sanctionner une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont parties contractantes à l’accord EEE et qui ne sont pas membres de l’Union et des aéroports situés en Suisse (ci-après les « liaisons EEE sauf Union-Suisse »), en troisième lieu, le deuxième moyen, en quatrième lieu, le premier moyen, en cinquième lieu, le quatrième moyen et, en sixième lieu, les troisième, cinquième et septième moyens successivement.
1. Sur le sixième moyen, tiré du défaut de compétence de la Commission pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants
76 Le présent moyen, par lequel la requérante soutient que la Commission n’était pas compétente pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants, s’articule, en substance, en trois branches. Elles sont prises, la première, de l’interprétation erronée du règlement (CE) no 411/2004 du Conseil, du 26 février 2004, abrogeant le règlement (CEE) no 3975/87 et modifiant le règlement (CEE) no 3976/87 ainsi que le règlement no 1/2003, en ce qui concerne les transports aériens entre la Communauté et les pays tiers (JO 2004, L 68, p. 1), la deuxième, de l’application erronée du critère de la mise en œuvre et, la troisième, de l’application erronée du critère des effets qualifiés.
a) Sur la première branche, prise d’une erreur dans l’interprétation du règlement no 411/2004
77 La requérante soutient que c’est à tort que la Commission a retenu, au considérant 1041 de la décision attaquée, que l’article 101 TFUE était applicable aux pratiques anticoncurrentielles sur les liaisons Union-pays tiers, « dans les deux sens ».
78 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
79 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 103, paragraphe 1, TFUE investit le Conseil de l’Union européenne de la compétence d’arrêter les règlements ou directives utiles en vue de l’application des principes figurant aux articles 101 et 102 TFUE.
80 En l’absence d’une telle réglementation, les articles 104 et 105 TFUE s’appliquent et imposent, en substance, aux autorités des États membres l’obligation d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE et limitent les pouvoirs de la Commission en la matière à la faculté d’instruire, sur demande d’un État membre ou d’office, et en liaison avec les autorités compétentes des États membres qui lui prêtent leur assistance, les cas d’infraction présumée aux principes fixés par ces dispositions et, le cas échéant, de proposer les moyens propres à y mettre fin (arrêt du 30 avril 1986, Asjes e.a., 209/84 à 213/84, EU:C:1986:188, points 52 à 54 et 58).
81 Le 6 février 1962, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article [103 TFUE], le règlement no 17, premier règlement d’application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 1962, 13, p. 204).
82 Toutefois, le règlement no 141 du Conseil, du 26 novembre 1962, portant non-application du règlement no 17 du Conseil au secteur des transports (JO 1962, 124, p. 2751), a soustrait l’ensemble du secteur des transports à l’application du règlement no 17 (arrêt du 11 mars 1997, Commission/UIC, C 264/95 P, EU:C:1997:143, point 44). Dans ces conditions, en l’absence d’une réglementation telle que celle prévue à l’article 103, paragraphe 1, TFUE, les articles 104 et 105 TFUE sont initialement demeurés applicables aux transports aériens (arrêt du 30 avril 1986, Asjes e.a., 209/84 à 213/84, EU:C:1986:188, points 51 et 52).
83 La conséquence en a été une répartition des compétences entre les États membres et la Commission pour l’application des articles 101 et 102 TFUE telle que celle décrite au point 80 ci-dessus.
84 Ce n’est qu’en 1987 que le Conseil a adopté un règlement concernant le transport aérien au titre de l’article 103, paragraphe 1, TFUE. Il s’agit du règlement (CEE) no 3975/87 du Conseil, du 14 décembre 1987, déterminant les modalités d’application des règles de concurrence applicables aux entreprises de transports aériens (JO 1987, L 374, p. 1), qui a conféré à la Commission le pouvoir d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE aux transports aériens internationaux entre des aéroports au sein de l’Union, à l’exclusion des transports aériens internationaux entre les aéroports d’un État membre et ceux d’un pays tiers (arrêt du 11 avril 1989, Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro, 66/86, EU:C:1989:140, point 11). Ces derniers sont demeurés assujettis aux articles 104 et 105 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission, T 128/98, EU:T:2000:290, point 55).
85 L’entrée en vigueur, en 1994, du protocole 21 de l’accord EEE concernant la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises (JO 1994, L 1, p. 181) a étendu ce régime à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues par l’accord EEE, excluant ainsi que la Commission puisse appliquer les articles 53 et 54 de l’accord EEE aux transports aériens internationaux entre les aéroports des États parties à l’EEE qui ne sont pas membres de l’Union et ceux de pays tiers.
86 Le règlement no 1/2003 et la décision du Comité mixte de l’EEE no 130/2004, du 24 septembre 2004, modifiant l’annexe XIV (Concurrence), le protocole 21 (concernant la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises) et le protocole 23 (concernant la coopération entre les autorités de surveillance) de l’accord EEE (JO 2005, L 64, p. 57), qui a par la suite incorporé ce règlement à l’accord EEE, ont initialement laissé intact ce régime. L’article 32, sous c), dudit règlement prévoyait, en effet, que ce dernier « ne s’appliqu[ait] pas aux transports aériens entre les aéroports de [l’Union] et des pays tiers ».
87 Le règlement no 411/2004, dont l’article 1er a abrogé le règlement no 3975/87 et dont l’article 3 a supprimé l’article 32, sous c), du règlement no 1/2003, a conféré à la Commission le pouvoir d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE aux liaisons Union-pays tiers à compter du 1er mai 2004.
88 La décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005, du 11 mars 2005, modifiant l’annexe XIII (Transports) et le protocole 21 (concernant la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises) de l’accord EEE (JO 2005, L 198, p. 38), a incorporé le règlement no 411/2004 à l’accord EEE, conférant à la Commission le pouvoir d’appliquer les articles 53 et 54 de l’accord EEE aux liaisons EEE sauf Union-pays tiers à compter du 19 mai 2005.
89 Dans la présente affaire, les parties s’opposent, en substance, sur la question de savoir si la portée du règlement no 411/2004 et de la décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005 s’étend aux services de fret entrants.
90 À cet égard, tout d’abord, il convient d’observer que, le règlement no 411/2004 ayant abrogé le règlement no 3975/87 et supprimé l’article 32, sous c), du règlement no 1/2003, il n’existe plus de base textuelle expresse qui serait de nature à justifier que les services de fret entrants demeurent exclus du régime institué par le règlement no 1/2003 et restent ainsi assujettis au régime prévu aux articles 104 et 105 TFUE.
91 Ensuite, rien dans le libellé ou l’économie générale du règlement no 411/2004 ne permet de considérer que le législateur aurait entendu maintenir l’exclusion des services de fret entrants du champ d’application du règlement no 1/2003. Au contraire, tant l’intitulé que les considérants 1 à 3, 6 et 7 du règlement no 411/2004 visent expressément les « transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers » sans distinction selon, d’une part, qu’ils sont au départ ou à destination de l’Union ou, d’autre part, qu’ils concernent le fret ou le transport de passagers.
92 La finalité du règlement no 411/2004 plaide, elle aussi, en faveur de l’inclusion des services de fret entrants dans le champ d’application dudit règlement. Il ressort, en effet, du considérant 3 de ce règlement que l’extension du champ d’application du règlement no 1/2003 au transport aérien entre l’Union et les pays tiers procède d’un double constat. D’une part, « [l]es pratiques anticoncurrentielles dans le domaine des transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres ». D’autre part, « les mécanismes prévus par [ce dernier règlement] conviennent également à l’application des règles de concurrence aux transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers ». Or, la requérante n’établit ni même n’allègue que les services de fret entrants soient, par leur nature même, insusceptibles d’affecter le commerce entre États membres ou ne se prêtent pas à la mise en œuvre des mécanismes prévus par le même règlement.
93 Enfin, les travaux préparatoires du règlement no 411/2004 confirment que le législateur de l’Union n’entendait établir de distinction ni entre les liaisons entrantes et les liaisons sortantes ni entre le fret et le transport de passagers. Il ressort ainsi du point 10 de l’exposé des motifs de la proposition de règlement du Conseil abrogeant le règlement no 3975/87 et modifiant le règlement (CEE) no 3976/87 ainsi que le règlement no 1/2003, en ce qui concerne les transports aériens entre [l’Union] et les pays tiers (COM/2003/0091 final – CNS 2003/0038), que, « [s]i les règles d’application du droit [de l’Union] de la concurrence régissaient également les transports aériens internationaux au départ et à destination de [l’Union], les [transporteurs] bénéficieraient d’un système commun d’application des règles de concurrence au niveau européen et, partant, d’une plus grande sécurité juridique quant à la légalité de leurs accords au regard de ces règles ». Au même point, il est fait référence à la volonté d’« offrir au secteur aérien des conditions de concurrence égales pour l’ensemble des activités de transport aérien ».
94 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, les services de fret entrants relèvent du champ d’application du règlement no 411/2004 et de la décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005. C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission a retenu, au considérant 1041 de la décision attaquée, que l’article 101 TFUE était applicable au transport aérien entre l’Union et les pays tiers « dans les deux sens », les mêmes considérations valant pour l’article 53 de l’accord EEE s’agissant des liaisons EEE sauf Union-pays tiers.
95 Dès lors, la première branche du présent moyen doit être rejetée.
b) Sur la deuxième et la troisième branches, prises, respectivement, d’une erreur dans l’application du critère de la mise en œuvre et d’une erreur dans l’application du critère des effets qualifiés
96 Il convient d’observer que, s’agissant d’un comportement adopté en dehors du territoire de l’EEE, la seule existence de directives ou règlements visés à l’article 103, paragraphe 1, TFUE ne suffit pas à fonder la compétence de la Commission au regard du droit international public pour constater et sanctionner une violation de l’article 101 TFUE ou de l’article 53 de l’accord EEE.
97 Encore faut-il que la Commission puisse établir cette compétence au regard du critère de la mise en œuvre ou au regard du critère des effets qualifiés (voir, en ce sens, arrêts du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, points 40 à 47, et du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T 441/14, EU:T:2018:453, points 95 à 97).
98 Ces critères sont alternatifs et non cumulatifs (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T 441/14, EU:T:2018:453, point 98 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, points 62 à 64).
99 Aux considérants 1043 à 1046 de la décision attaquée, la Commission s’est fondée tant sur le critère de la mise en œuvre que sur le critère des effets qualifiés pour établir au regard du droit international public sa compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes.
100 La requérante invoquant une erreur dans l’application de chacun de ces deux critères, le Tribunal estime qu’il est opportun d’examiner d’abord si la Commission était fondée à se prévaloir du critère des effets qualifiés. Conformément à la jurisprudence citée au point 98 ci-dessus, ce n’est que dans la négative qu’il conviendra de vérifier si la Commission pouvait s’appuyer sur le critère de la mise en œuvre.
101 La requérante fait valoir que la Commission est restée en défaut de s’acquitter de la charge de la preuve et a commis des erreurs dans l’application du critère des effets qualifiés.
102 En premier lieu, la Commission se serait limitée à se fonder sur une simple présomption, omettant de produire le moindre élément de preuve à l’appui de sa conclusion. Elle aurait simplement procédé par affirmation, n’opérant aucune appréciation de l’effet du comportement litigieux sur les prix des services de fret entrants sur les marchés (non identifiés) de l’EEE dans lesquels les produits importés en cause sont vendus. Elle n’établirait pas davantage que le comportement litigieux a eu pour effet d’accroître le niveau de surtaxes ni ne produirait d’analyse économique indiquant que les prix de ces derniers auraient augmenté à la suite de l’augmentation des prix des services de fret entrants. Par ailleurs, la requérante soutient avoir fourni à la Commission un rapport montrant que les surtaxes n’entraînaient pas un surcoût en termes de prix global.
103 En deuxième lieu, dans la réplique, la requérante ajoute que l’augmentation du prix des marchandises transportées n’est pas un « effet anticoncurrentiel » qui pourrait être ressenti sur le marché de l’Union. Le seul marché susceptible d’être affecté serait le marché de provenance du service de fret entrant dans l’EEE. Or, au considérant 917 de la décision attaquée, la Commission aurait indiqué ne procéder à aucune appréciation des effets anticoncurrentiels des pratiques anticoncurrentielles en question.
104 En troisième lieu, la requérante avance que le fait de considérer qu’un comportement relève d’une infraction unique et continue est dépourvu de toute pertinence aux fins de l’application du critère des effets qualifiés. Selon elle, la notion d’infraction unique et continue n’est qu’une règle procédurale visant à alléger la charge de la preuve des autorités de la concurrence. Cette notion ne saurait étendre la portée des interdictions édictées par les traités.
105 En quatrième lieu, dans la réplique, la requérante avance, en substance, qu’accepter l’interprétation prônée par la Commission de l’étendue de sa compétence entraînerait une violation du principe de courtoisie internationale ainsi que du principe ne bis in idem.
106 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
107 Dans la décision attaquée, la Commission s’est, en substance, appuyée sur trois motifs autonomes pour retenir que le critère des effets qualifiés était satisfait en l’espèce.
108 Les deux premiers motifs figurent au considérant 1045 de la décision attaquée. Ainsi que la Commission l’a confirmé en réponse aux questions écrites et orales du Tribunal, ces motifs portent sur les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément. Le premier motif tient à ce que les « coûts accrus du transport aérien vers l’EEE et donc les prix plus élevés des marchandises importées [étaie]nt, de par leur nature, susceptibles d’avoir des effets sur les consommateurs au sein de l’EEE ». Le deuxième motif concerne les effets de la coordination relative aux services de fret entrants « également sur la fourniture de services de [fret] par d’autres transporteurs au sein de l’EEE, entre les plateformes de correspondance (“hubs”) dans l’EEE utilisées par les transporteurs de pays tiers et les aéroports de destination de ces envois dans l’EEE qui ne sont pas desservis par le transporteur du pays tiers ».
109 Le troisième motif figure au considérant 1046 de la décision attaquée et concerne, comme il ressort des réponses de la Commission aux questions écrites et orales du Tribunal, les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.
110 Le Tribunal estime qu’il est opportun d’examiner tant les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément que ceux de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble, en commençant par les premiers.
1) Sur les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément
111 Il convient d’examiner d’abord le bien-fondé du premier motif sur lequel se fonde la conclusion de la Commission selon laquelle le critère des effets qualifiés est satisfait en l’espèce (ci-après l’« effet en cause »).
112 À cet égard, il convient de rappeler que, comme il ressort du considérant 1042 de la décision attaquée, le critère des effets qualifiés permet de justifier l’application des règles de concurrence de l’Union et de l’EEE au regard du droit international public lorsqu’il est prévisible que le comportement litigieux produise un effet immédiat et substantiel dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, point 49 ; voir également, en ce sens, arrêt du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T 102/96, EU:T:1999:65, point 90).
113 En l’espèce, la requérante conteste tant la pertinence de l’effet en cause (voir points 114 à 132 ci-après) que son caractère prévisible (voir points 134 à 150 ci-après), son caractère substantiel (voir points 151 à 161 ci-après) et son caractère immédiat (voir points 162 à 170 ci-après). Elle invoque également une violation des principes de courtoisie internationale et ne bis in idem.
i) Sur la pertinence de l’effet en cause
114 Il ressort de la jurisprudence que le fait pour une entreprise participant à un accord ou à une pratique concertée d’être située dans un État tiers ne fait pas obstacle à l’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, dès lors que cet accord ou cette pratique produit ses effets, respectivement, dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin Import, 22/71, EU:C:1971:113, point 11).
115 L’application du critère des effets qualifiés a précisément pour objectif d’appréhender des comportements qui n’ont, certes, pas été adoptés sur le territoire de l’EEE, mais dont les effets anticoncurrentiels sont susceptibles de se faire sentir dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, point 45).
116 Ce critère n’exige pas d’établir que le comportement litigieux a « bien eu des effets anticoncurrentiels » dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE. Au contraire, selon la jurisprudence, il suffit de tenir compte de l’effet probable de ce comportement sur la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, point 51).
117 Il incombe, en effet, à la Commission d’assurer la protection de la concurrence dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE contre les menaces à son fonctionnement effectif.
118 En présence d’un comportement dont la Commission a, comme en l’espèce, considéré qu’il révélait un degré de nocivité à l’égard de la concurrence dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE tel qu’il pouvait être qualifié de restriction de concurrence « par objet » au sens de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, l’application du critère des effets qualifiés ne saurait pas non plus exiger la démonstration des effets concrets que suppose la qualification d’un comportement de restriction de concurrence « par effet » au sens de ces dispositions.
119 À cet égard, il convient de rappeler que le critère des effets qualifiés est ancré dans le libellé de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, qui tendent à appréhender les accords et les pratiques qui limitent le jeu de la concurrence, respectivement, dans le marché intérieur et au sein de l’EEE. Ces dispositions interdisent, en effet, les accords et les pratiques des entreprises qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, respectivement, « à l’intérieur du marché intérieur » et « à l’intérieur du territoire couvert par [l’accord EEE] » (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, point 42).
120 Or, il est de jurisprudence constante que l’objet et l’effet anticoncurrentiel sont des conditions non pas cumulatives, mais alternatives pour apprécier si un comportement relève des interdictions énoncées aux articles 101 TFUE et 53 de l’accord EEE (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C 8/08, EU:C:2009:343, point 28 et jurisprudence citée).
121 Il en résulte que, comme l’a relevé la Commission au considérant 917 de la décision attaquée, la prise en considération des effets concrets du comportement litigieux est superflue, dès lors que l’objet anticoncurrentiel de ce dernier est établi (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, p. 496, et du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C 501/06 P, C 513/06 P, C 515/06 P et C 519/06 P, EU:C:2009:610, point 55).
122 Dans ces conditions, interpréter le critère des effets qualifiés comme semble le préconiser la requérante, en ce sens qu’il exigerait la preuve des effets concrets du comportement litigieux, le cas échéant au moyen d’une analyse économique, même en présence d’une restriction de concurrence « par objet », reviendrait à assujettir la compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE à une condition qui ne trouve pas de fondement dans le texte de ces dispositions.
123 La requérante ne saurait par conséquent valablement reprocher à la Commission d’avoir commis une erreur en retenant que le critère des effets qualifiés était satisfait, alors même que celle-ci avait, aux considérants 917, 1190 et 1277 de la décision attaquée, indiqué ne pas être tenue de procéder à une appréciation des effets anticoncurrentiels du comportement litigieux au vu de l’objet anticoncurrentiel de ce dernier. Elle ne saurait pas davantage déduire de ces considérants que la Commission n’a effectué aucune analyse des effets produits par ledit comportement dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE aux fins de l’application de ce critère.
124 En effet, au considérant 1045 de la décision attaquée, la Commission a considéré, en substance, que l’infraction unique et continue, en tant qu’elle portait sur les liaisons entrantes, était susceptible d’accroître le montant des surtaxes et, en conséquence, le prix total des services de fret entrants et que les transitaires avaient répercuté ce surcoût sur les expéditeurs implantés dans l’EEE, qui avaient dû payer pour les marchandises qu’ils avaient achetées un prix plus élevé que celui qui leur aurait été facturé en l’absence de ladite infraction.
125 Aucun des arguments de la requérante ne permet de considérer que l’effet en cause ne comptait pas parmi les effets produits par le comportement litigieux dont la Commission est fondée à tenir compte aux fins de l’application du critère des effets qualifiés.
126 En premier lieu, contrairement à ce que semble soutenir la requérante, rien dans le libellé, l’économie ou la finalité de l’article 101 TFUE ne permet de considérer que les effets pris en compte aux fins de l’application du critère des effets qualifiés doivent se produire sur le même marché que celui concerné par l’infraction en cause plutôt que sur un marché aval comme c’est le cas en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T 104/13, EU:T:2015:610, points 159 et 161).
127 En second lieu, c’est à tort que la requérante avance que le comportement litigieux, en tant qu’il portait sur les liaisons entrantes, n’était pas susceptible de restreindre la concurrence dans l’EEE, au motif que celle-ci ne s’exerçait que dans les pays tiers où sont établis les transitaires qui s’approvisionnaient en services de fret entrants auprès des transporteurs incriminés.
128 À cet égard, il convient de relever que l’application du critère des effets qualifiés doit s’effectuer au regard du contexte économique et juridique dans lequel s’inscrit le comportement en cause (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin Import, 22/71, EU:C:1971:113, point 13).
129 En l’espèce, il ressort des considérants 14, 17 et 70 de la décision attaquée et des réponses des parties aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal que les transporteurs vendent exclusivement ou presque leurs services de fret à des transitaires. Or, s’agissant des services de fret entrants, la quasi-totalité de ces ventes s’effectue au point d’origine des liaisons en cause, à l’extérieur de l’EEE, où sont établis lesdits transitaires. Il ressort, en effet, de la requête que, entre le 1er mai 2004 et le 14 février 2006, la requérante n’a réalisé qu’une proportion négligeable de ses ventes de services de fret entrants auprès de clients implantés dans l’EEE.
130 Il convient, cependant, d’observer que, si les transitaires achètent ces services, c’est notamment en qualité d’intermédiaires, pour les consolider dans un lot de services dont l’objet est, par définition, d’organiser le transport intégré de marchandises vers le territoire de l’EEE au nom d’expéditeurs. Ainsi qu’il ressort du considérant 70 de la décision attaquée, ces derniers peuvent notamment être les acheteurs ou les propriétaires des marchandises transportées. Il est donc à tout le moins vraisemblable qu’ils soient établis dans l’EEE.
131 Il s’ensuit que, pour peu que les transitaires répercutent sur le prix de leurs lots de services l’éventuel surcoût résultant de l’entente litigieuse, c’est notamment sur la concurrence que se livrent les transitaires pour capter la clientèle de ces expéditeurs que l’infraction unique et continue, en tant qu’elle concerne les liaisons entrantes, est susceptible d’avoir une incidence et, par suite, c’est dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE que l’effet en cause est susceptible de se matérialiser.
132 En conséquence, le surcoût dont les expéditeurs sont susceptibles d’avoir dû s’acquitter et le renchérissement des marchandises importées dans l’EEE qui peut en avoir résulté comptent parmi les effets produits par le comportement litigieux sur lesquels la Commission était fondée à s’appuyer aux fins de l’application du critère des effets qualifiés.
133 Conformément à la jurisprudence citée au point 112 ci-dessus, la question est donc de savoir si cet effet présente le caractère prévisible, substantiel et immédiat requis.
ii) Sur le caractère prévisible de l’effet en cause
134 L’exigence de prévisibilité vise à assurer la sécurité juridique en garantissant que les entreprises concernées ne puissent être sanctionnées du fait d’effets qui résulteraient, certes, de leur comportement, mais dont elles ne pouvaient pas raisonnablement s’attendre à ce qu’ils surviennent (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Otis Gesellschaft e.a., C 435/18, EU:C:2019:651, point 83).
135 Satisfont ainsi à l’exigence de prévisibilité les effets dont les parties à l’entente en cause doivent raisonnablement savoir, dans les limites des choses généralement connues, qu’ils surviendront, par opposition aux effets qui procèdent d’un déroulement parfaitement inhabituel de circonstances et, de ce fait, d’un enchaînement atypique de causes (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C 557/12, EU:C:2014:45, point 42).
136 Or, il ressort des considérants 846, 909, 1199 et 1208 de la décision attaquée qu’il est, en l’espèce, question d’un comportement collusoire de fixation horizontale des prix, dont l’expérience montre qu’il entraîne notamment des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C 67/13 P, EU:C:2014:2204, point 51).
137 Il ressort également des considérants 846, 909, 1199 et 1208 de la décision attaquée que ce comportement se rapportait à la STC, à la STS et au refus de paiement de commissions.
138 En l’espèce, il était donc prévisible pour les transporteurs incriminés que la fixation horizontale de la STC et de la STS entraînerait l’augmentation du niveau de celles-ci. Comme il ressort des considérants 874, 879 et 899 de la décision attaquée, le refus de paiement de commissions était de nature à renforcer une telle augmentation. Il s’analysait, en effet, en un refus concerté d’octroyer aux transitaires des ristournes sur les surtaxes et tendait ainsi à permettre aux transporteurs incriminés de « maintenir sous contrôle l’incertitude en matière de tarification que la concurrence sur le paiement de commissions [dans le cadre des négociations avec les transitaires] aurait pu créer » (considérant 874 de ladite décision) et de soustraire ainsi les surtaxes au jeu de la concurrence (considérant 879 de cette décision).
139 Or, il ressort du considérant 17 de la décision attaquée que le prix des services de fret se compose des tarifs et de surtaxes, dont la STC et la STS. Sauf à considérer qu’une augmentation de la STC et de la STS serait, par un effet de vases communicants suffisamment probable, compensée par une baisse correspondante des tarifs et d’autres surtaxes, une telle augmentation était, en principe, de nature à entraîner une augmentation du prix total des services de fret entrants. Or, la requérante est restée en défaut de démontrer qu’un effet de vases communicants était probable au point de rendre imprévisible l’effet en cause.
140 La requérante invoque, certes, une analyse économique annexée à la requête de laquelle il ressortirait que « les surtaxes n’entraînaient pas un surcoût en termes de prix global ». Il convient, cependant, d’observer que la requérante n’identifie pas les passages de ce rapport de 48 pages dont elle entend se prévaloir. Elle reste d’ailleurs en défaut de soutenir que ledit rapport est de nature à démontrer que les contexte économique et juridique pertinent était tel qu’il rendait imprévisible l’augmentation du niveau des surtaxes du fait du comportement litigieux.
141 Dans ces conditions, les parties à l’entente litigieuse auraient raisonnablement pu prévoir que l’infraction unique et continue aurait pour effet, en tant qu’elle concernait les services de fret entrants, une augmentation du prix des services de fret sur les liaisons entrantes.
142 La question est donc de savoir s’il était prévisible pour les transporteurs incriminés que les transitaires répercuteraient un tel surcoût sur leurs propres clients, à savoir les expéditeurs.
143 À cet égard, il ressort des considérants 14 et 70 de la décision attaquée que le prix des services de fret constitue un intrant pour les transitaires. Il s’agit là d’un coût variable, dont l’accroissement a, en principe, pour effet d’augmenter le coût marginal au regard duquel les transitaires définissent leurs propres prix.
144 La requérante n’apporte aucun élément démontrant que les circonstances de l’espèce étaient peu propices à la répercussion en aval, sur les expéditeurs, du surcoût résultant de l’infraction unique et continue sur les liaisons entrantes.
145 Dans ces conditions, il était raisonnablement prévisible pour les transporteurs incriminés que les transitaires répercuteraient un tel surcoût sur les expéditeurs par le truchement d’une augmentation du prix des services de transit.
146 Or, comme il ressort des considérants 70 et 1031 de la décision attaquée, le coût des marchandises dont les transitaires organisent généralement le transport intégré au nom des expéditeurs intègre le prix des services de transit et notamment celui des services de fret, qui en sont un élément constitutif.
147 Au regard de ce qui précède, il était donc prévisible pour les transporteurs incriminés que l’infraction unique et continue aurait pour effet, en tant qu’elle portait sur les liaisons entrantes, une augmentation du prix des marchandises importées.
148 Pour les motifs retenus au point 130 ci-dessus, il était tout aussi prévisible pour les transporteurs incriminés que, comme il ressort du considérant 1045 de la décision attaquée, cet effet se produise dans l’EEE.
149 L’effet en cause ayant relevé du cours normal des choses et de la rationalité économique, il n’était, au demeurant, nullement nécessaire pour elle d’opérer sur le marché de l’importation de marchandises ou de leur revente en aval pour pouvoir le prévoir.
150 Il y a donc lieu de conclure que la Commission a établi à suffisance que l’effet en cause revêtait le caractère prévisible requis.
iii) Sur le caractère substantiel de l’effet en cause
151 L’appréciation du caractère substantiel des effets produits par le comportement litigieux doit s’effectuer au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes de l’espèce. Parmi ces circonstances figurent notamment la durée, la nature et la portée de l’infraction. D’autres circonstances, telles que l’importance des entreprises ayant participé à ce comportement, peuvent aussi être pertinentes (voir, en ce sens, arrêts du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T 104/13, EU:T:2015:610, point 159, et du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T 441/14, EU:T:2018:453, point 112).
152 Lorsque l’effet examiné tient à une augmentation du prix d’un bien ou d’un service fini dérivé du service cartellisé ou qui le contient, la proportion du prix du bien ou du service fini que représente le service cartellisé peut également entrer en ligne de compte.
153 En l’espèce, au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes, il convient de considérer que l’effet en cause, tenant à l’accroissement du prix des marchandises importées dans l’EEE, présente un caractère substantiel.
154 En effet, en premier lieu, il ressort du considérant 1146 de la décision attaquée que la durée de l’infraction unique et continue s’élève à 21 mois pour autant qu’elle concernait les liaisons Union-pays tiers et à 8 mois pour autant qu’elle concernait les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Il ressort des considérants 1215 et 1217 de cette décision que telle était aussi la durée de la participation de l’ensemble des transporteurs incriminés, à l’exception de Lufthansa Cargo et de Swiss.
155 En deuxième lieu, s’agissant de la portée de l’infraction, il ressort du considérant 889 de la décision attaquée que la STC et la STS étaient des « mesures d’application générale qui n[’étaient] pas spécifiques à une liaison » et qui « avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons, au niveau mondial, y compris sur les liaisons […] à destination de l’EEE ».
156 En troisième lieu, s’agissant de la nature de l’infraction, il ressort du considérant 1030 de la décision attaquée que l’infraction unique et continue avait pour objet de restreindre la concurrence entre les transporteurs incriminés, notamment sur des liaisons EEE-pays tiers. Au considérant 1208 de ladite décision, la Commission a conclu que la « fixation de divers éléments du prix, y compris certaines surtaxes, constitu[ait] l’une des restrictions à la concurrence les plus graves » et a, en conséquence, retenu que l’infraction unique et continue méritait l’application d’un coefficient de gravité situé « en haut de l’échelle » prévue par les lignes directrices de 2006.
157 À titre surabondant, s’agissant de la proportion du prix du service cartellisé dans le bien ou le service qui en est dérivé ou le contient, il convient d’observer que, contrairement à ce que soutient la requérante, les surtaxes représentaient pendant la période infractionnelle une proportion importante du prix total des services de fret.
158 Il ressort ainsi d’une lettre du 8 juillet 2005 de la Hong Kong Association of Freight Forwarding & Logistics (Association de Hong Kong du transit et de la logistique) au président du sous-comité cargo (ci-après le « SCC ») du Board of Airline Representatives (Association des représentants des compagnies aériennes, ci-après le « BAR ») à Hong Kong que les surtaxes représentent une « part très conséquente » du prix total des lettres de transport aérien dont devaient s’acquitter les transitaires.
159 Or, comme il ressort du considérant 1031 de la décision attaquée, le prix des services de fret constituait lui-même un « élément important du coût des marchandises transportées, qui a un impact sur leur vente ».
160 Toujours à titre surabondant, s’agissant de l’importance des entreprises ayant participé au comportement litigieux, il ressort du considérant 1209 de la décision attaquée que la part de marché cumulée des transporteurs incriminés sur le « marché mondial » s’élevait à 34 % en 2005 et était « au moins aussi grande pour les services de fret […] fournis […] sur des liaisons [EEE-pays tiers] », lesquelles comprennent à la fois les liaisons sortantes et les liaisons entrantes. La requérante elle-même réalisait d’ailleurs pendant la période infractionnelle un chiffre d’affaires important sur les liaisons entrantes, d’un montant de plus de 270 000 000 euros en 2005.
161 Il y a donc lieu de conclure que la Commission a établi à suffisance que l’effet en cause présentait le caractère substantiel requis.
iv) Sur le caractère immédiat de l’effet en cause
162 L’exigence d’immédiateté des effets produits par le comportement litigieux vise le lien de causalité entre le comportement en cause et l’effet examiné. Cette exigence a pour objet d’assurer que la Commission ne puisse, pour justifier sa compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, se prévaloir de tous les effets possibles, ni des effets très éloignés qui pourraient résulter de ce comportement à titre de conditio sine qua non (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C 557/12, EU:C:2014:45, points 33 et 34).
163 La causalité immédiate ne saurait toutefois se confondre avec une causalité unique qui exigerait de constater de manière systématique et absolue la rupture du lien de causalité lorsqu’un tiers a contribué à la survenance des effets en cause (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C 557/12, EU:C:2014:45, points 36 et 37).
164 En l’espèce, l’intervention des transitaires dont il était prévisible que, en toute autonomie, ils répercuteraient sur les expéditeurs le surcoût dont ils avaient dû s’acquitter, est, certes, de nature à avoir contribué à la survenance de l’effet en cause. Toutefois, cette intervention n’était pas, à elle seule, de nature à rompre la chaîne de causalité entre le comportement litigieux et ledit effet et, ainsi, à le priver de son caractère immédiat.
165 Au contraire, lorsqu’elle n’est pas fautive, mais découle objectivement de l’entente en cause, selon le fonctionnement normal du marché, une telle intervention ne rompt pas la chaîne de causalité (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2005, CD Cartondruck/Conseil et Commission, T 320/00, non publié, EU:T:2005:452, points 172 à 182), mais la poursuit (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C 557/12, EU:C:2014:45, point 37).
166 Or, en l’espèce, la requérante n’établit, ni même n’allègue que la prévisible répercussion du surcoût sur les expéditeurs implantés dans l’EEE serait fautive ou étrangère au fonctionnement normal du marché.
167 Il s’ensuit que l’effet en cause présente le caractère immédiat requis.
168 Aucun des arguments de la requérante n’est de nature à remettre en cause cette conclusion.
169 Il convient ainsi de relever que la requérante n’est pas fondée à se prévaloir du point 87 de l’arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission (T 91/11, EU:T:2014:92). Il importe, en effet, de souligner que les faits dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, diffèrent fondamentalement de ceux de la présente espèce. Dans cet arrêt, il était question de la distinction entre le chiffre d’affaires provenant de la vente interne de composants cartellisés qui se retrouvaient dans des produits finis vendus dans l’EEE et celui provenant de la vente à des tiers à l’extérieur de l’EEE de composants cartellisés, qui se retrouvaient, eux aussi, dans des produits finis vendus dans l’EEE. Le Tribunal a jugé que le premier chiffre d’affaires pouvait être inclus dans la valeur des ventes. En revanche, le Tribunal a estimé, s’agissant du second chiffre d’affaires, que le lien entre le marché intérieur et l’infraction aurait été trop faible. Rien ne démontrait, cependant, que les produits finis auxquels étaient incorporés les composants cartellisés vendus à des tiers à l’extérieur de l’EEE étaient a priori destinés à être vendus dans l’EEE. À l’inverse, comme il a été indiqué au point 130 ci-dessus, si les transitaires achètent des services de fret entrants, c’est pour les consolider dans un lot de services dont l’objet est précisément d’organiser le transport intégré de marchandises vers le territoire de l’EEE au nom d’expéditeurs.
170 Il résulte de ce qui précède que l’effet en cause présente le caractère prévisible, substantiel et immédiat requis et que le premier motif sur lequel la Commission s’est appuyée pour conclure que le critère des effets qualifiés était satisfait est fondé.
v) Sur la prétendue violation des principes de courtoisie internationale et ne bis in idem
171 Contrairement à ce que soutient la requérante, la conclusion selon laquelle le critère des effets qualifiés était satisfait ne viole ni le principe de courtoisie internationale, ni le principe ne bis in idem.
172 Pour ce qui est du principe ne bis in idem, il convient de rappeler que, lorsque la Commission sanctionne au titre du droit européen de la concurrence de l’Union le comportement illicite d’une entreprise, même ayant son origine dans une entente à caractère international, elle vise à sauvegarder la libre concurrence à l’intérieur du marché intérieur qui constitue, en vertu de l’article 3 TUE lu en combinaison avec le protocole no 27 sur le marché intérieur et la concurrence, annexé au traité UE et au traité FUE en tant que composante du marché intérieur, un objectif fondamental de l’Union. En effet, par la spécificité du bien juridique protégé au niveau de l’Union, les appréciations opérées par la Commission, en vertu de ses compétences en la matière, peuvent diverger considérablement de celles effectuées par des autorités d’États tiers. Il s’ensuit que, comme il a été retenu au considérant 1196 de la décision attaquée, le principe non bis in idem ne s’applique pas à des situations dans lesquelles les ordres juridiques et les autorités de la concurrence d’États tiers sont intervenus dans le cadre de leurs compétences propres (arrêts du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission, C 289/04 P, EU:C:2006:431, points 55 et 56, et du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C 328/05 P, EU:C:2007:277, points 27 et 28).
173 Or, en l’espèce, la requérante se prévaut précisément de la possibilité que les autorités de concurrence de pays tiers pourraient revendiquer leur compétence sur les services de fret entrants. Elle cite ainsi notamment une décision de l’autorité de concurrence sud-coréenne sur les liaisons au départ de la Corée du Sud et à destination de l’EEE.
174 Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission d’avoir violé le principe ne bis in idem en les sanctionnant au titre d’un comportement adopté à l’extérieur de l’EEE.
175 Au surplus, il convient de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, le grief tiré d’une violation du principe ne bis in idem est purement spéculatif. À cet égard, il convient de rappeler que c’est à l’a requérante de s’acquitter de la charge de prouver la violation du principe ne bis in idem qu’elle allègue. Conformément à une jurisprudence constante, c’est, en effet, en principe à la personne qui allègue des faits au soutien d’une demande d’apporter la preuve de leur réalité [ordonnance du 25 janvier 2008, Provincia di Ascoli Piceno et Comune di Monte Urano/Apache Footwear e.a., C 464/07 P(I), non publiée, EU:C:2008:49, point 9].
176 Or, en l’espèce, la requérante n’a pas prouvé qu’une autorité de concurrence d’un pays tiers l’avait sanctionnée pour le comportement relatif aux services de fret entrants pour lequel la Commission l’a sanctionnée.
177 Il s’ensuit que la requérante est restée en défaut d’établir une violation du principe ne bis in idem.
178 Quant à l’argument tiré du non-respect du principe de courtoisie internationale, il suffit de relever que ce dernier n’est pas susceptible d’obliger la Commission à tenir compte des poursuites et des sanctions dont la requérante pourrait, en matière de droit de la concurrence, faire l’objet dans des États tiers (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission, C 289/04 P, EU:C:2006:431, points 57 et 58).
179 Il s’ensuit que la requérante est restée en défaut d’établir une violation du principe de courtoisie internationale.
180 Il y a donc lieu de constater que la Commission pouvait, sans commettre d’erreur, retenir que le critère des effets qualifiés était satisfait s’agissant de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément, sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé du second motif retenu au considérant 1045 de la décision attaquée.
2) Sur les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble
181 Il convient d’emblée de rappeler que, contrairement à ce que soutient la requérante, rien n’interdit d’apprécier si la Commission dispose de la compétence nécessaire pour appliquer, dans chaque cas, le droit de la concurrence de l’Union au regard du comportement de l’entreprise ou des entreprises en cause, pris dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, point 50).
182 Selon la jurisprudence, l’article 101 TFUE est susceptible de s’appliquer à des pratiques et à des accords servant un même objectif anticoncurrentiel, dès lors qu’il est prévisible que, pris ensemble, ils auront des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieur. Il ne saurait en effet être permis aux entreprises de se soustraire à l’application des règles de concurrence de l’Union en combinant plusieurs comportements poursuivant un objectif identique, dont chacun, pris isolément, n’est pas susceptible de produire un effet immédiat et substantiel dans ledit marché, mais qui, pris ensemble, sont susceptibles de produire un tel effet (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T 441/14, EU:T:2018:453, point 106).
183 La Commission peut ainsi fonder sa compétence pour appliquer l’article 101 TFUE à une infraction unique et continue telle qu’elle a été constatée dans la décision litigieuse sur les effets prévisibles, immédiats et substantiels de celle-ci dans le marché intérieur (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T 441/14, EU:T:2018:453, point 105).
184 Ces considérations valent, mutatis mutandis, pour l’article 53 de l’accord EEE.
185 Or, au considérant 869 de la décision attaquée, la Commission a qualifié le comportement litigieux d’infraction unique et continue, y compris en tant qu’il concernait les services de fret entrants. Dans la mesure où la requérante conteste cette qualification en général et le constat de l’existence d’un objectif anticoncurrentiel unique tendant à entraver la concurrence au sein de l’EEE sur laquelle elle se fonde, ses arguments seront examinés dans le cadre du troisième moyen, qui se rapporte à cette question.
186 Au considérant 1046 de la décision attaquée, la Commission a, comme il ressort de ses réponses aux questions écrites et orales du Tribunal, examiné les effets de cette infraction prise dans son ensemble. Elle a ainsi notamment retenu que son enquête avait révélé une « entente mise en œuvre mondialement », dont les « arrangements […] concernant les liaisons entrantes faisaient partie intégrante de l’infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE ». Elle a ajouté que l’« application uniforme des surtaxes à une échelle mondiale était un élément clé de l’entente [litigieuse] ». Comme l’a indiqué la Commission en réponse aux questions écrites du Tribunal, l’application uniforme des surtaxes s’intégrait dans une stratégie d’ensemble visant à neutraliser le risque que les transitaires puissent contourner les effets de cette entente en optant pour des liaisons indirectes qui ne seraient pas assujetties à des surtaxes coordonnées pour acheminer des marchandises du point d’origine au point de destination. La raison en est, comme il ressort du considérant 72 de la décision attaquée, que le « facteur temps est moins important pour le transport de [fret] que pour le transport de passagers », si bien que le fret « peut être acheminé avec un nombre d’escales plus élevé » et que les liaisons indirectes peuvent, en conséquence, se substituer aux liaisons directes.
187 Dans ces conditions, c’est à juste titre que la Commission fait valoir que lui interdire d’appliquer le critère des effets qualifiés au comportement litigieux pris dans son ensemble risquerait de conduire à une fragmentation artificielle d’un comportement anticoncurrentiel global, susceptible d’affecter la structure du marché au sein de l’EEE, en une série de comportements distincts susceptibles d’échapper, en tout ou en partie, à la compétence de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, point 57).
188 Il y a donc lieu de considérer que la Commission pouvait, au considérant 1046 de la décision attaquée, examiner les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.
189 Or, s’agissant d’accords et de pratiques, premièrement, qui avaient pour objet de restreindre la concurrence au moins au sein de l’Union, dans l’EEE et en Suisse (considérant 903 de cette décision), deuxièmement, qui réunissaient des transporteurs aux parts de marchés importantes (considérant 1209 de ladite décision) et, troisièmement, dont une partie significative a porté sur des liaisons intra-EEE pendant une période de plus de six ans (considérant 1146 de la même décision), il ne fait guère de doute qu’il était prévisible que, prise dans son ensemble, l’infraction unique et continue produise des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE.
190 Il s’ensuit que la Commission était également fondée à retenir, au considérant 1046 de la décision attaquée, que le critère des effets qualifiés était satisfait s’agissant de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.
191 La Commission ayant ainsi établi à suffisance qu’il était prévisible que le comportement litigieux produirait un effet substantiel et immédiat dans l’EEE, il convient de rejeter le présent grief et, en conséquence, le présent moyen dans son ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner le grief pris d’erreurs dans l’application du critère de la mise en œuvre.
2. Sur le moyen, relevé d’office, tiré d’un défaut de compétence de la Commission au regard de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pour constater et sanctionner une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse
192 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union d’examiner d’office le moyen, qui est d’ordre public, tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C 210/98 P, EU:C:2000:397, point 56).
193 De jurisprudence constante, le juge de l’Union ne peut, en principe, fonder sa décision sur un moyen de droit relevé d’office, fût-il d’ordre public, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations à ce sujet (voir arrêt du 17 décembre 2009, Réexamen M/EMEA, C 197/09 RX II, EU:C:2009:804, point 57 et jurisprudence citée).
194 En l’espèce, le Tribunal estime qu’il lui appartient d’examiner d’office si la Commission a outrepassé les limites de sa propre compétence au titre de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, s’agissant des liaisons EEE sauf Union-Suisse, en constatant, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et a invité les parties à présenter leurs observations à ce sujet dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure.
195 La requérante avance qu’il n’est pas clair si la Confédération suisse comptait parmi les pays tiers visés à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée et qu’elle ne peut donc pas se prononcer de manière définitive sur la question de savoir si la Commission a retenu une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse. Elle précise, cependant, que, au vu de la conception expansionniste que la Commission a eu de sa propre compétence dans la décision attaquée, il est possible qu’il faille répondre à cette question par l’affirmative. En tout état de cause, elle indique que le dispositif de ladite décision ne lui permet pas de comprendre l’étendue de sa responsabilité et qu’il pourrait, par suite, y avoir lieu de l’annuler ou de réduire le montant de l’amende en raison des difficultés qu’elle a éprouvé à exercer ses droits de la défense de ce fait.
196 La requérante ajoute que, dans l’hypothèse où la Commission l’aurait tenue pour responsable d’une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse, il y aurait lieu de considérer qu’elle a violé l’article 11, paragraphe 2, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.
197 La Commission répond que la référence, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, aux « liaisons entre aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des aéroports situés dans des pays tiers » ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle inclut les liaisons EEE sauf Union-Suisse. Selon elle, la notion de « pays tiers » au sens de cet article exclut la Confédération suisse.
198 La Commission ajoute que, s’il y avait lieu de considérer qu’elle a tenu la requérante pour responsable d’une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, elle aurait outrepassé les limites que l’article 11, paragraphe 2, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pose à sa compétence.
199 Il y a lieu de déterminer si la Commission a constaté une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée et, le cas échéant, si elle a ainsi outrepassé les limites de la compétence dont elle est investie au titre de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.
200 À cet égard, il convient de rappeler que le principe de protection juridictionnelle effective est un principe général du droit de l’Union aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Ce principe, qui correspond, dans le droit de l’Union, à l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, exige que le dispositif d’une décision par laquelle la Commission constate des violations aux règles de concurrence soit particulièrement clair et précis et que les entreprises tenues pour responsables et sanctionnées soient en mesure de comprendre et de contester l’attribution de cette responsabilité et l’imposition de ces sanctions, telles qu’elles ressortent des termes dudit dispositif (voir arrêt du 16 décembre 2015, Martinair Holland/Commission, T 67/11, EU:T:2015:984, point 31 et jurisprudence citée).
201 C’est, en effet, par le dispositif de ses décisions que la Commission indique la nature et l’étendue des infractions qu’elle sanctionne. S’agissant précisément de la portée et de la nature des infractions sanctionnées, c’est ainsi en principe le dispositif, et non les motifs, qui importe. C’est uniquement dans le cas d’un manque de clarté des termes utilisés dans le dispositif qu’il convient de l’interpréter en ayant recours aux motifs de la décision (voir arrêt du 16 décembre 2015, Martinair Holland/Commission, T 67/11, EU:T:2015:984, point 32 et jurisprudence citée).
202 À l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, la Commission a constaté que la requérante avait « enfreint l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons entre aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des aéroports situés dans des pays tiers » du 19 mai 2005 au 14 février 2006. Elle n’a pas expressément inclus dans ces liaisons les liaisons EEE sauf Union-Suisse, ni ne les en a expressément exclues.
203 Il convient donc de vérifier si la Confédération suisse relève des « pays tiers » visés à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée.
204 À cet égard, il convient d’observer que l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée distingue les « pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres » et les pays tiers. Il est vrai que, comme le relève la requérante, la Confédération suisse n’est pas partie à l’accord EEE et compte donc parmi les pays tiers à celui-ci.
205 Il convient, cependant, de rappeler que, compte tenu des exigences d’unité et de cohérence de l’ordre juridique de l’Union, les mêmes termes employés dans un même acte doivent être présumés avoir la même signification.
206 Or, à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, la Commission a retenu une infraction à l’article 101 TFUE sur les « liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE ». Cette notion n’inclut pas les aéroports situés en Suisse, alors même que la Confédération suisse n’est pas partie à l’accord EEE et que ses aéroports doivent dès lors formellement être considérés comme étant « situés en dehors de l’EEE » ou, autrement dit, dans un pays tiers à cet accord. Ces aéroports font l’objet de l’article 1er, paragraphe 4, de la décision attaquée, qui retient une infraction à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien sur les « liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en Suisse ».
207 Conformément au principe rappelé au point 205 ci-dessus, il doit donc être présumé que les termes « aéroports situés dans des pays tiers » employés à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée ont la même signification que les termes « aéroports situés en dehors de l’EEE » employés au paragraphe 2 de cet article et excluent, par suite, les aéroports situés en Suisse.
208 En l’absence de la moindre indication dans le dispositif de la décision attaquée que la Commission aurait entendu donner une signification différente à la notion de « pays tiers » visée à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, il convient de conclure que la notion de « pays tiers » visée à son article 1er, paragraphe 3, exclut la Confédération suisse.
209 Il ne saurait donc être considéré que la Commission a tenu la requérante pour responsable d’une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée.
210 Le dispositif de la décision attaquée ne prêtant pas au doute, c’est donc uniquement à titre surabondant que le Tribunal ajoute que ses motifs ne contredisent pas cette conclusion.
211 Au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les « arrangements anticoncurrentiels » qu’elle avait décrits enfreignaient l’article 101 TFUE du 1er mai 2004 au 14 février 2006 « en ce qui concerne le transport aérien entre des aéroports au sein de l’U[nion] et des aéroports situés en dehors de l’EEE ». Dans la note en bas de page afférente (no 1514), la Commission a précisé ce qui suit : « Aux fins de la présente décision, les “aéroports situés en dehors de l’EEE” désignent les aéroports situés dans des pays autres que la [Confédération s]uisse et les parties contractantes à l’accord EEE ».
212 Il est vrai que, lorsqu’elle a décrit la portée de l’infraction à l’article 53 de l’accord EEE au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission n’a pas fait référence à la notion d’« aéroports situés en dehors de l’EEE », mais à celle d’« aéroports situés dans les pays tiers ». Il ne saurait cependant en être déduit que la Commission a entendu donner une signification différente à la notion d’« aéroports situés en dehors de l’EEE » aux fins de l’application de l’article 101 TFUE et à celle d’« aéroports situés dans des pays tiers » aux fins de l’application de l’article 53 de l’accord EEE. Au contraire, la Commission a utilisé ces deux expressions de manière interchangeable dans la décision attaquée. Ainsi, au considérant 824 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle « n’appliquera[it] pas l’article 101 du TFUE aux accords et pratiques anticoncurrentiels concernant le transport aérien entre les aéroports de l’U[nion] et les aéroports de pays tiers qui ont eu lieu avant le 1er mai 2004 ». De même, au considérant 1222 de cette décision, s’agissant de la cessation de la participation de SAS Consortium à l’infraction unique et continue, la Commission a fait référence à sa compétence au titre de ces dispositions « pour les liaisons entre l’U[nion] et les pays tiers ainsi que les liaisons entre l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein et les pays situés en dehors de l’EEE ».
213 Les motifs de la décision attaquée confirment donc que les notions d’« aéroports situés dans des pays tiers » et d’« aéroports situés en dehors de l’EEE » ont la même signification. Conformément à la clause de définition figurant à la note en bas de page no 1514, il convient dès lors de considérer que toutes deux excluent les aéroports situés en Suisse.
214 Contrairement à ce que soutient la requérante, les considérants 1194 et 1241 de la décision attaquée ne plaident pas pour une autre solution. Certes, au considérant 1194 de cette décision, la Commission a fait référence aux « liaisons entre l’EEE et les pays tiers, à l’exception des liaisons entre l’U[nion] et la Suisse ». De même, au considérant 1241 de cette décision, dans le cadre de la « détermination de la valeur des ventes sur les liaisons avec les pays tiers », la Commission a réduit de 50 % le montant de base pour les « liaisons EEE-pays tiers, à l’exception des liaisons entre l’U[nion] et la Suisse, pour lesquelles [elle] agit sous l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] ». Or, il pourrait être considéré que, comme le relève en substance la requérante, si la Commission a pris le soin d’insérer dans ces considérants la mention « à l’exception des liaisons entre l’Union et la Suisse », c’est qu’elle considérait que la Confédération suisse relevait de la notion de « pays tiers » pour autant qu’il était question des liaisons EEE-pays tiers.
215 La Commission a d’ailleurs admis qu’il était possible qu’elle ait « par inadvertance » inclus dans la valeur des ventes le chiffre d’affaires que certains transporteurs incriminés avaient réalisé sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse pendant la période concernée. Selon elle, la raison en est que, dans une demande d’informations du 26 janvier 2009, concernant certains chiffres d’affaires, elle n’a pas avisé les transporteurs concernés qu’il y avait lieu d’exclure le chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse de la valeur des ventes réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers.
216 Il y a néanmoins lieu de constater, à l’instar de la Commission, que ces éléments concernent exclusivement les recettes à prendre en compte aux fins du calcul du montant de base de l’amende et non la définition du périmètre géographique de l’infraction unique et continue, dont il est question ici.
217 Le présent moyen doit donc être écarté.
3. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 25 du règlement no 1/2003 et des principes de sécurité juridique, de « justice » et de bonne administration de la justice
218 La requérante estime que, dans la mesure où l’« acte » pris par la Commission vis-à-vis d’elle en vue de l’adoption de la décision du 9 novembre 2010 n’aurait couvert à aucun moment les comportements infractionnels concernant les liaisons intra-EEE et Union-Suisse, la prescription était acquise à l’égard desdits comportements en février 2011, soit cinq années après la cessation de l’infraction unique et continue. À titre subsidiaire, elle soutient que, en supposant que l’ouverture de la procédure en février 2006 soit considérée comme interruptive de la prescription, il n’en demeurerait pas moins que la prescription serait acquise cinq années après l’adoption de ladite décision n’imputant pas à la requérante les comportements infractionnels concernant les liaisons intra-EEE et Union-Suisse. Quant à son recours contre cette décision, elle indique qu’il ne saurait avoir d’effet suspensif de la prescription que pour les seuls aspects de ladite décision qu’elle a contestés et qu’elle n’a pas pu contester les constats d’infraction afférents aux liaisons intra-EEE et Union-Suisse pour lesquels la Commission ne l’a pas tenue pour responsable dans la décision en question.
219 La requérante fait par ailleurs valoir que toute autre interprétation des textes ne saurait prévaloir, compte tenu de l’attente légitime créée par la décision du 9 novembre 2010 qu’elle ne serait pas sanctionnée au titre des liaisons intra-EEE et Union-Suisse, sauf à violer les principes de la « justice naturelle » et de l’équité procédurale.
220 La requérante ajoute enfin que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas examiné si elle conservait, conformément à la jurisprudence, un intérêt légitime à lui imputer l’infraction unique et continue concernant les liaisons intra-EEE et Union-Suisse, dans la mesure où son pouvoir d’infliger des sanctions à cet égard aurait été atteint par la prescription.
221 La Commission rétorque que, même à supposer que la communication des griefs constitue le dernier acte venant interrompre la prescription, celle-ci n’était pas acquise à la date d’adoption de la décision attaquée, compte tenu de la suspension de la prescription aussi longtemps qu’était pendant le recours de la requérante contre la décision du 9 novembre 2010. Elle ajoute qu’est indifférente la circonstance que semble invoquer la requérante selon laquelle l’enquête ayant abouti à la décision du 9 novembre 2010 n’aurait porté que sur une partie de l’infraction unique et continue, étant relevé que, en tout état de cause, la communication des griefs portait manifestement sur l’ensemble de ladite infraction, ce que la requérante aurait au demeurant compris.
222 La Commission conteste également l’argument subsidiaire de la requérante, dans la mesure où les motifs de la décision du 9 novembre 2010 décriraient bien une entente mondiale constitutive d’une infraction unique et continue et aurait été comprise comme telle par la requérante, comme en attesterait le contenu de son recours introduit à l’encontre de ladite décision, qui viserait à infirmer ce constat.
223 Il s’ensuit, selon la Commission, qu’il n’y a rien d’inéquitable dans l’application normale du régime de prescription prévu à l’article 25 du règlement no 1/2003.
224 Il convient de rappeler que, en application de l’article 25, paragraphe 1, sous b), et paragraphes 2, 3 et 5, du règlement no 1/2003, la prescription du pouvoir d’imposer une amende est acquise dès lors que :
– la Commission n’a pas imposé une amende dans les cinq ans à compter du jour où l’infraction a pris fin [paragraphe 1, sous b)] sans que, entre-temps, soit intervenu un acte interruptif (paragraphe 3) ;
– ou au plus tard, dans les dix ans à compter du jour où l’infraction a pris fin si des actes interruptifs ont été accomplis (paragraphe 5).
225 En outre, l’article 25, paragraphe 6, du règlement no 1/2003 prévoit que la prescription est suspendue aussi longtemps que la décision de la Commission fait l’objet d’une procédure pendante devant la Cour de justice. En vertu du paragraphe 5 du même article, le délai de prescription de dix ans est prorogé de la période pendant laquelle la prescription est suspendue conformément à son paragraphe 6.
226 Conformément à l’article 25, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, la prescription est interrompue par tout acte de la Commission visant à l’instruction ou à la poursuite de l’infraction, notifié à au moins une entreprise ayant participé à l’infraction. Conformément à l’article 25, paragraphe 4, du même règlement, l’interruption de la prescription vaut à l’égard de toutes les entreprises ayant participé à l’infraction en cause.
227 Il en ressort que la circonstance qu’une entreprise n’ait pas été désignée comme ayant participé à l’infraction dans un ou plusieurs actes pris pour l’instruction ou la poursuite de l’infraction durant la procédure administrative ne s’oppose pas à ce que l’interruption de la prescription vaille également à son égard, pour autant que l’entreprise concernée soit ultérieurement identifiée comme ayant participé à l’infraction (arrêt du 31 mars 2009, ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, T 405/06, EU:T:2009:90, points 143 et 144).
228 En revanche, la Cour a dit pour droit que, à la différence de l’effet erga omnes des actes interruptifs de prescription visés à l’article 25, paragraphes 3 et 4, du règlement no 1/2003, l’effet suspensif de la prescription qu’attache l’article 25, paragraphe 6, de ce même règlement aux procédures judiciaires n’a d’effet qu’inter partes (arrêt du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C 201/09 P et C 216/09 P, EU:C:2011:190, point 148).
229 Ainsi, à l’égard des entreprises qui n’ont pas introduit de recours contre une décision finale de la Commission, le recours d’une autre entreprise contre la même décision finale ne peut avoir aucun effet suspensif (arrêt du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C 201/09 P et C 216/09 P, EU:C:2011:190, point 145).
230 Enfin, le fait que la Commission n’ait plus le pouvoir d’infliger des amendes aux auteurs d’une infraction du fait de l’écoulement du délai de prescription ne fait pas en soi obstacle à l’adoption d’une décision constatant que cette infraction a été commise, sous réserve que la Commission démontre, en pareil cas, un intérêt légitime à prendre une décision constatant une telle infraction (voir, par analogie, arrêt du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T 22/02 et T 23/02, EU:T:2005:349, points 131 et 132).
231 En l’espèce, il n’est pas contesté que le point de départ du délai de prescription est la date de cessation de l’infraction unique et continue, à savoir le 14 février 2006, conformément à l’article 25, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.
232 Par ailleurs, la requérante estime, à titre principal, qu’aucun acte interruptif de prescription n’a été accompli par la Commission et, à titre subsidiaire, que le dernier acte interruptif de prescription, au sens de l’article 25, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, était la décision du 9 novembre 2010. La Commission ne conteste pas que cette décision puisse constituer le dernier acte interruptif de prescription, moyennant quoi les parties s’accordent pour considérer que la prescription aurait été acquise, au plus tard, le 9 novembre 2015.
233 La Commission avance néanmoins, à la différence de la requérante, que le délai de prescription a été suspendu, conformément à l’article 25, paragraphe 6, de ce règlement, tant qu’était pendante la procédure ayant donné lieu à l’arrêt du 16 décembre 2015, Cathay Pacific Airways/Commission (T 38/11, non publié, EU:T:2015:985), de sorte que la prescription n’avait pas été acquise à la date d’adoption de la décision attaquée.
234 Il y a donc lieu de déterminer si le recours introduit par la requérante contre la décision du 9 novembre 2010 a eu pour effet de suspendre le délai de prescription s’agissant de son comportement infractionnel constaté à l’article 1er, paragraphes 1 et 4, de la décision attaquée, respectivement sur les liaisons intra-EEE et sur les liaisons Union-Suisse.
235 À cet égard, il convient de relever que, pour conclure à la nature inter partes de l’effet suspensif de prescription d’un recours contre une décision de sanction de la Commission (point 228 ci-dessus), la Cour s’est notamment appuyée sur les contours de l’objet du litige qu’est conduit à trancher le juge de l’Union devant lequel est porté le recours en annulation, en rappelant que le juge n’est saisi que des éléments de la décision qui concernent le demandeur en annulation (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C 201/09 P et C 216/09 P, EU:C:2011:190, point 142). Il en résulte une nécessaire cohérence entre la portée du recours en annulation et la portée de l’effet sur la prescription qui s’y attache en vertu de l’article 25, paragraphe 6, du règlement no 1/2003.
236 Il importe donc de déterminer la portée du recours de la requérante contre la décision du 9 novembre 2010, et en particulier si le Tribunal était saisi, dans le cadre du litige porté devant lui par la requérante, des comportements afférents aux liaisons intra-EEE et Union-Suisse.
237 À cet égard, il est de jurisprudence constante que les appréciations formulées dans les motifs d’une décision ne sont pas susceptibles de faire, en tant que telles, l’objet d’un recours en annulation et ne peuvent être soumises au contrôle de légalité du juge de l’Union que dans la mesure où, en tant que motifs d’un acte faisant grief, elles constituent le support nécessaire du dispositif de cet acte (voir arrêt du 11 juin 2015, Laboratoires CTRS/Commission, T 452/14, non publié, EU:T:2015:373, point 51 et jurisprudence citée).
238 Par ailleurs, la Cour a jugé qu’une décision adoptée en matière de concurrence à l’égard de plusieurs entreprises, bien que rédigée et publiée sous la forme d’une seule décision, devait s’analyser comme un faisceau de décisions individuelles constatant à l’égard de chacune des entreprises destinataires la ou les infractions retenues à sa charge et lui infligeant, le cas échéant, une amende (arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C 238/99 P, C 244/99 P, C 245/99 P, C 247/99 P, C 250/99 P à C 252/99 P et C 254/99 P, EU:C:2002:582, point 100). Elle a également jugé que, si un destinataire d’une décision décidait d’introduire un recours en annulation, le juge de l’Union n’était saisi que des éléments de la décision le concernant, tandis que ceux concernant d’autres destinataires n’entraient pas dans l’objet du litige que le juge de l’Union était appelé à trancher, sous réserve de circonstances particulières (arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C 444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 66).
239 Partant, l’objet du recours introduit par la requérante à l’encontre de la décision du 9 novembre 2010 doit être circonscrit au dispositif de ladite décision, en tant qu’elle la concernait, ainsi qu’aux motifs qui en étaient le soutien nécessaire. Or, ce dispositif, en tant qu’il constatait la participation des entreprises destinataires de cette décision aux comportements infractionnels qui y étaient mentionnées, ne procédait à un tel constat s’agissant de la requérante qu’à l’égard des liaisons Union-pays tiers (article 2) et des liaisons EEE sauf Union-pays tiers (article 3). En revanche, ledit dispositif, dans la mesure où il ne faisait pas mention de la requérante en ses articles 1er et 4, ne retenait pas sa responsabilité pour les comportements liés aux liaisons intra-EEE et aux liaisons Union-Suisse et ne constituait dès lors pas un élément de la décision qui la concernait susceptible d’être soumis à la censure du Tribunal.
240 Ce constat n’est pas remis en cause par la circonstance, avancée par la Commission, que la requérante aurait contesté, dans le cadre de son recours introduit à l’encontre de la décision du 9 novembre 2010, l’existence d’une entente mondiale.
241 En effet, d’une part, il ne saurait être déduit de la circonstance que la requérante a contesté, dans le cadre dudit recours, le constat factuel de l’existence d’une entente mondiale, qu’elle entendait contester, par la même occasion, le constat de sa participation aux comportements infractionnels liés aux liaisons intra-EEE et Union-Suisse. Au demeurant, il ressort de la description des chefs de conclusions de la requérante dans l’arrêt du 16 décembre 2015, Cathay Pacific Airways/Commission (T 38/11, non publié, EU:T:2015:985), qu’elle n’avait pas demandé l’annulation de l’article 1er et de l’article 4 de la décision du 9 novembre 2010.
242 D’autre part, et en tout état de cause, la décision du 9 novembre 2010 devant s’analyser comme un faisceau de décisions individuelles constatant à l’égard de chacun des transporteurs qu’elle incrimine la ou les infractions retenues à sa charge, la requérante, en sollicitant l’annulation de cette décision, a demandé l’annulation de la décision individuelle qui lui était adressée et qui ne lui imputait pas les comportements commis sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse. Cela est confirmé par le dispositif de l’arrêt du 16 décembre 2015, Cathay Pacific Airways/Commission (T 38/11, non publié, EU:T:2015:985), qui précise que les articles 2, 3 et 5 de la décision du 9 novembre 2010 sont annulés en ce qu’ils visaient la requérante.
243 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le recours introduit par la requérante contre la décision du 9 novembre 2010 n’était pas susceptible d’entraîner la suspension du délai de prescription prévue à l’article 25, paragraphe 6, du règlement no 1/2003, s’agissant des comportements infractionnels liés aux liaisons intra-EEE et Union-Suisse.
244 Partant, à défaut de suspension du délai de prescription, et à supposer qu’il y ait eu une interruption de prescription, au sens de l’article 25, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, par l’adoption de la décision du 9 novembre 2010 (voir point 232 ci-dessus), l’exercice par la Commission de son pouvoir de sanction à l’égard des comportements en cause était prescrit à compter du 9 novembre 2015, soit à une date antérieure à la date d’adoption de la décision attaquée.
245 Il s’ensuit que, en sanctionnant, dans la décision attaquée, la requérante pour l’infraction unique et continue s’agissant des liaisons intra-EEE et Union-Suisse, la Commission a violé les règles en matière de prescription établies à l’article 25 du règlement no 1/2003.
246 En outre, même à supposer, comme la Commission a semblé le suggérer en réponse à une question écrite posée par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, que l’amende infligée à la requérante ne l’ait pas été au titre des comportements infractionnels concernant les liaisons intra-EEE et Union-Suisse, il y a lieu de relever que la Commission ne soutient ni dans la décision attaquée, ni devant le Tribunal, disposer d’un intérêt légitime à constater l’existence desdits comportements infractionnels nonobstant la prescription du pouvoir d’infliger une amende à ce titre (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T 22/02 et T 23/02, EU:T:2005:349, point 136, et du 16 novembre 2011, Stempher et Koninklijke Verpakkingsindustrie Stempher/Commission, T 68/06, non publié, EU:T:2011:670, point 44).
247 Par conséquent, il y a lieu d’accueillir le présent moyen et d’annuler l’article 1er, paragraphe 1, sous g), et paragraphe 4, sous g), de la décision attaquée, sans qu’il soit besoin d’examiner les griefs déduits de la violation des principes de sécurité juridique, de « justice » et de bonne administration de la justice.
4. Sur le premier moyen, tiré, en substance, d’une erreur de droit, d’une erreur de fait, d’une erreur d’appréciation et d’une violation des droits de la défense tenant à ce que la requérante a été tenue pour responsable de l’infraction unique et continue sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse
248 La requérante soutient qu’elle n’aurait pas dû être tenue pour responsable de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concernait les liaisons intra-EEE et Union-Suisse, ce que la Commission conteste.
249 Il convient de constater que le Tribunal a accueilli le deuxième moyen et a, en conséquence, déjà annulé l’article 1er, paragraphe 1, sous g), et paragraphe 4, sous g), de la décision attaquée, dans le cadre desquels la Commission avait tenu la requérante pour responsable de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concernait les liaisons intra-EEE et Union-Suisse, respectivement. L’examen du présent moyen est donc devenu inutile.
5. Sur le quatrième moyen, tiré du constat insuffisamment motivé de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue en ce qui concerne les liaisons intra-EEE et Union-Suisse
250 La requérante soutient que la Commission a omis de faire apparaître clairement s’il lui était reproché d’avoir participé directement au comportement infractionnel sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse ou d’en avoir eu connaissance, et, le cas échéant, si cette connaissance était réelle ou présumée.
251 Au vu des conséquences potentiellement graves qu’emportait l’élargissement de la portée matérielle, géographique et temporelle des infractions alléguées afin de couvrir les liaisons intra-EEE et Union-Suisse, la Commission aurait aussi dû d’indiquer de manière détaillée pourquoi elle a opéré un « revirement axial » quant à la qualification de l’infraction unique et continue par rapport à la décision du 9 novembre 2010. Elle aurait ainsi dû expliquer pourquoi elle considérait, sur la base des mêmes éléments de preuve, que les principales conditions permettant d’établir sa responsabilité sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse étaient désormais établies.
252 Quant à l’approche de la Commission consistant à énumérer sans explication, aux considérants 757 à 759 de la décision attaquée, des « contacts » auxquels la requérante aurait pris part, elle serait constitutive d’un défaut de motivation.
253 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
254 Il convient de constater que le Tribunal a accueilli le deuxième moyen et a, en conséquence, déjà annulé l’article 1er, paragraphe 1, sous g), et paragraphe 4, sous g), de la décision attaquée, dans le cadre desquels la Commission avait tenu la requérante pour responsable de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concernait les liaisons intra-EEE et Union-Suisse. L’examen du présent moyen est donc devenu inutile.
6. Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs dans l’imputation à la requérante de l’infraction unique et continue
255 Dans le cadre du présent moyen, il y a lieu de distinguer, parmi les arguments développés par la requérante, ceux qui sont dirigés, premièrement, contre le constat de l’existence de l’infraction unique et continue, deuxièmement, contre celui de la nature anticoncurrentielle des contacts auxquels la requérante a pris part et, troisièmement, contre celui de la participation de cette dernière à l’infraction unique et continue au regard, d’une part, de sa contribution intentionnelle au plan global poursuivi par ladite infraction et, d’autre part, de sa connaissance, avérée ou présumée, des comportements infractionnels des autres participants auxquels elle n’a pas directement participé.
256 Il y a lieu d’examiner, tour à tour, ces arguments, tout en répondant, au préalable, au reproche liminaire fait par la requérante à la Commission d’avoir omis d’examiner spécifiquement si chacune des conditions posées par la jurisprudence pour établir la participation d’une entreprise à une infraction unique et continue était satisfaite.
a) Sur la première branche, prise de l’absence d’examen spécifique de la Commission au regard de chacune des conditions posées par la jurisprudence pour établir la participation d’une entreprise à une infraction unique et continue
257 La requérante fait valoir que la Commission n’a pas satisfait à son obligation d’examiner sa situation propre au regard des preuves au dossier et de déterminer, parmi celles-ci, lesquelles se rattachaient spécifiquement à chacune des conditions posées par la jurisprudence pour établir la participation d’une entreprise à une infraction unique et continue.
258 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
259 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 296 TFUE et de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte, les décisions adoptées par la Commission doivent être motivées.
260 La motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C 521/09 P, EU:C:2011:620, point 147).
261 Le respect de l’obligation de motivation doit être apprécié en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées par celui-ci au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE et de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C 521/09 P, EU:C:2011:620, point 150, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T 95/15, EU:T:2016:722, point 45).
262 En l’espèce, tout d’abord, la Commission a retenu, au considérant 755 de la décision attaquée, que la requérante « a[vait] eu de nombreux contacts avec des concurrents visant à coordonner les prix dans le secteur du [fret] », tout en précisant la nature et la forme de ces contacts. Aux considérants 756 et 881 de cette décision, elle a constaté que la requérante était impliquée dans les trois composantes de l’infraction unique et continue. Aux considérants 757 à 759 de ladite décision, elle a identifié les éléments de preuve sur lesquels se fondaient ces appréciations et a renvoyé, dans les notes en bas de page, aux considérants auxquels leur contenu était exposé.
263 Ensuite, aux considérants 862 à 868 de la décision attaquée, la Commission a rappelé les principes applicables à l’établissement d’une infraction unique et continue ainsi que les conditions dans lesquelles la responsabilité d’une entreprise pouvait être retenue au titre de sa participation à cette infraction.
264 Enfin, aux considérants 869 à 902 de la décision attaquée, la Commission a examiné de manière globale si les critères de l’infraction unique et continue était satisfaits en l’espèce et a conclu que « [t]outes les activités anticoncurrentielles en cause impliquant chacun des [transporteurs incriminés] » s’inscrivaient dans le même objectif global (considérant 899 de ladite décision), justifiant ainsi que ces activités soient considérées comme relevant d’une infraction unique et continue (considérant 901 de cette décision). Dans ce cadre, aux considérants 885 à 898 de la même décision, la Commission a également répondu aux arguments spécifiques que les transporteurs incriminés avaient invoqués à cet égard.
265 Il ressort de ce qui précède que la Commission a énoncé à suffisance de droit, dans la décision attaquée, les éléments de fait et de droit qui l’ont conduite à retenir la participation de la requérante à l’infraction unique et continue, en mettant ainsi en mesure cette dernière de les comprendre et de les contester et le Tribunal de les contrôler, ainsi qu’en attestent, d’ailleurs, les autres griefs qu’elle développe au soutien du présent moyen.
266 Il s’ensuit qu’il ne saurait être valablement reproché à la Commission d’avoir insuffisamment motivé sa décision à cet égard. Quant au bien-fondé des appréciations en cause, celui-ci fait l’objet des branches du présent moyen examinées ci-après.
b) Sur la deuxième branche, prise, en substance, d’erreurs dans l’établissement de l’existence de l’infraction unique et continue
267 La requérante soutient que la Commission n’a pas démontré l’existence d’un plan global poursuivant un objectif commun, tel que défini dans la décision attaquée, en ce que celle-ci associe artificiellement la STC, la STS et le refus de paiement de commissions, qui divergeraient quant à leurs objectifs, par ailleurs légitimes, leurs contenus et leurs durées, et ne présenteraient pas le lien de complémentarité requis.
268 Ainsi, la requérante reproche à la Commission de s’appuyer, en guise d’objectif commun, sur une simple référence à l’incertitude en matière de tarification dans le secteur de fret aérien. Elle fait valoir, en outre, que les coûts auxquels la STC et la STS devaient faire face ne présentaient aucun rapport entre eux. Quant au refus de paiement de commissions, celui-ci obéirait à un objectif légitime consistant à coordonner la réponse, sur le plan juridique, des transporteurs à l’égard de la position collective des transitaires tendant à établir un droit au paiement d’une commission sur les surtaxes, avec pour but de réaffirmer la nécessité pour les parties intéressées de négocier, sur une base bilatérale, le montant de la rémunération des transitaires, ce dont attesteraient les éléments au dossier. Par ailleurs, la requérante relève que la période d’application des trois composantes de l’infraction unique et continue n’est pas identique. Enfin, elle reproche à la Commission de ne pas avoir examiné les aspects distincts de ladite infraction, s’agissant des différentes catégories de liaisons concernées, des particularités de certains régimes réglementaires et du comportement du « noyau dur » des transporteurs incriminés établis en Europe.
269 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
270 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’une violation de l’interdiction de principe prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition. Ainsi, lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C 441/11 P, EU:C:2012:778, point 41 et jurisprudence citée).
271 Lors de l’appréciation du caractère unique de l’infraction et de l’existence d’un plan d’ensemble, le fait que les différentes actions des entreprises s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, revêt un caractère déterminant (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2013, Total Raffinage Marketing/Commission, T 566/08, EU:T:2013:423, point 265).
272 Il est vrai que, comme le soutient en substance la requérante, la notion d’objectif unique ne saurait être déterminée par la référence générale à la distorsion de la concurrence dans un secteur donné, dès lors que l’affectation de la concurrence constitue, en tant qu’objet ou effet, un élément consubstantiel à tout comportement relevant du champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Une telle définition de la notion d’objectif unique risquerait, en effet, de priver la notion d’infraction unique et continue d’une partie de son sens dans la mesure où elle aurait comme conséquence que plusieurs comportements concernant un secteur économique, interdits par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, devraient systématiquement être qualifiés d’éléments constitutifs d’une infraction unique (arrêts du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T 446/05, EU:T:2010:165, point 92, et du 30 novembre 2011, Quinn Barlo e.a./Commission, T 208/06, EU:T:2011:701, point 149).
273 Or, en l’espèce, la Commission ne s’est pas contentée de déterminer l’objectif anticoncurrentiel unique poursuivi par les transporteurs incriminés par une référence générale à la distorsion de concurrence dans le secteur du fret ou encore à l’incertitude dans ce dernier. Au considérant 872 de la décision attaquée, elle a, en effet, retenu que cet objectif « consista[i]t à entraver la concurrence dans le secteur du fret […] en coordonnant [le] comportement [des transporteurs incriminés] en matière de tarification en ce qui concerne la fourniture de services de [fret] en supprimant la concurrence concernant l’imposition, le montant et le calendrier des STC et STS et le [refus de paiement de commissions] au profit des transitaires ». Au considérant 874 de cette décision, elle a fait référence à un « réseau de contacts qui [avait] garanti le maintien de la discipline sur le marché et l’application intégrale et coordonnée des augmentations résultant des indices du carburant, supprimant ainsi l’incertitude en matière de tarification ». Elle a ajouté que « [c]ette action s’[était] étendue à la STS où les parties [avaient] à nouveau cherché à lever l’incertitude en matière de tarification » et que « [cela avait] été renforcé » par le refus de paiement de commissions sur les surtaxes, qui « permettait de maintenir sous contrôle l’incertitude en matière de tarification que la concurrence sur le paiement de commissions [dans le cadre des négociations avec les transitaires] aurait pu créer ». Au considérant 899 de ladite décision, elle a précisé que l’« objectif global » consistait à « se mettre d’accord sur la tarification ou à tout le moins lever l’incertitude en matière de tarification dans le secteur du [fret] en ce qui concerne la STC, la STS et le refus de [paiement] de commissions ».
274 Aucun des autres arguments avancés par la requérante n’est de nature à infirmer le constat de l’existence d’une infraction unique et continue.
275 En premier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance que les causes des coûts à l’origine de la mise en place de la STC et de la STS n’ont aucun rapport entre elles est sans incidence sur le constat de l’existence d’un objectif anticoncurrentiel unique. En effet, cette circonstance ne remet pas en cause l’objectif de la coordination relative à ces surtaxes tel que décrit au point 273 ci-dessus.
276 En deuxième lieu, s’agissant du prétendu objectif légitime poursuivi par le refus de paiement de commissions, il convient de constater que l’argumentation de la requérante procède d’une prémisse erronée en fait.
277 Il ressort, certes, des considérants 675 à 702 de la décision attaquée que la question du paiement de commissions faisait l’objet d’interprétations juridiques divergentes entre les transporteurs et les transitaires. Cependant, les transporteurs incriminés ne se sont pas bornés à définir une position commune à ce sujet pour la défendre de manière coordonnée devant les juridictions compétentes ou la promouvoir collectivement auprès des autorités publiques et d’autres associations professionnelles. Au contraire, les transporteurs incriminés se sont concertés en convenant – à un niveau multilatéral – de refuser de négocier le paiement de commissions avec les transitaires et de leur octroyer des ristournes sur les surtaxes. Ainsi, au considérant 695 de la décision attaquée, la Commission s’est référée à un courriel du 19 mai 2005, dans lequel un gestionnaire régional de Swiss en Italie indique que « tous [les participants à une réunion tenue le 12 mai 2005 avaient] confirmé [leur] volonté de ne pas accepter de rémunération STC/STS ». Au considérant 696 de ladite décision, il est fait état d’un courriel interne du 14 juillet 2005 dans lequel la requérante indique que plusieurs transporteurs ayant participé à une réunion tenue la veille, « ont reconfirmé leur ferme intention de ne pas accepter de négociation concernant le [paiement de commissions] ». Aussi, au considérant 700 de la même décision, la Commission a invoqué un courriel interne dans lequel une employée de Cargolux informait son administration centrale de la tenue d’une réunion « avec tou[s] les [transporteurs] opérant à l’aéroport de [Barcelone] » et indiquait que, « de l’avis général, nous ne devrions pas payer de commissions sur les surtaxes ».
278 Il ressort également de la décision attaquée que plusieurs transporteurs ont échangé des informations – à un niveau bilatéral – pour s’assurer mutuellement de leur adhésion continue au refus de paiement de commissions dont ils étaient convenus au préalable. À titre d’illustration, le considérant 688 de cette décision décrit une conversation téléphonique du 9 février 2006 au cours de laquelle Lufthansa a demandé à AF si sa position au sujet du refus de paiement de commissions restait inchangée.
279 En troisième lieu, le caractère prétendument distinct des comportements des transporteurs incriminés aux fins de leur inclusion dans l’infraction unique et continue, selon qu’ils relèvent de différentes catégories de liaisons, de certains régimes réglementaires ou du « noyau dur » des transporteurs incriminés établis en Europe, n’est aucunement étayé par la requérante ni a fortiori démontré.
280 Au demeurant, l’argumentation de la requérante relative au caractère distinct des comportements mise en œuvre par un « noyau dur » de transporteurs qui se distinguerait du reste des transporteurs incriminés repose sur une prémisse erronée. En effet, il y a lieu de constater que la Commission n’identifie pas de tel « noyau dur » dans la décision attaquée et qu’elle n’était d’ailleurs nullement tenue d’opérer une distinction entre les transporteurs incriminés en fonction de l’intensité de leur participation à l’infraction unique et continue, cette circonstance n’ayant vocation à être prise en considération que lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et de la détermination du montant de l’amende (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C 204/00 P, C 205/00 P, C 211/00 P, C 213/00 P, C 217/00 P et C 219/00 P, EU:C:2004:6, point 86). En outre, il ressort des considérants 878 et 881 de ladite décision que la Commission a constaté l’existence d’un chevauchement significatif entre les entreprises ayant participé aux différentes composantes de l’infraction en question. Or, le périmètre de ce chevauchement ne coïncide pas avec le prétendu « noyau dur » identifié par la requérante.
281 Tout au plus la Commission a-t-elle, au considérant 124 de la décision attaquée, indiqué que Lufthansa « déclar[ait] que l’essentiel des contacts [ou “core group of contacts” en anglais] entretenus par […] son directeur de la politique de prix […] impliquaient principalement des communications bilatérales par téléphone portable avec ses homologues auprès d’autres transporteurs » et qu’il avait eu une « quarantaine d’entretiens téléphoniques avec chacune des compagnies [British Airways, AF, KLM et Cargolux] entre le début 2003 et la fin 2005 ». Elle n’a, en revanche, à aucun moment fait siennes les déclarations de Lufthansa quant à l’existence et aux contours d’un tel groupe, ni n’a estimé que les contacts intervenus en son sein se distinguaient des autres contacts litigieux.
282 En quatrième lieu, la requérante s’appuie, dans le cadre de la présente branche, sur les différences dans la période de mise en œuvre des trois composantes de l’infraction unique et continue.
283 À cet égard, il échet de rappeler que, si le chevauchement temporel des agissements en cause peut être pris en compte dans l’analyse de l’existence d’une infraction unique et continue (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T 43/02, EU:T:2006:270, point 312), un tel élément ne saurait toutefois être considéré comme déterminant (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2013, Total Raffinage Marketing/Commission, T 566/08, EU:T:2013:423, points 307 et 308).
284 En l’espèce, il ressort, certes, des considérants 905 à 907 de la décision attaquée que les coordinations relatives à la STC, à la STS et au refus de paiement de commissions ont débuté, respectivement, en décembre 1999, en septembre 2001 et en janvier 2005. Cependant, cette absence d’identité du point de départ des différentes composantes de l’infraction unique et continue ne saurait, à elle seule, remettre en cause le constat de l’existence de ladite infraction compte tenu, d’une part, de la jurisprudence rappelée au point 283 ci-dessus et, d’autre part, des six facteurs que la Commission a retenus aux considérants 872 à 883 de ladite décision pour conclure que les comportements litigieux relevaient d’une infraction unique, le bien-fondé de ces appréciations n’ayant n’a pas été utilement contesté par la requérante dans le cadre de la présente branche.
285 En cinquième lieu, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission n’a pas démontré le lien de complémentarité requis entre les différentes composantes de l’infraction unique et continue, il y a lieu de rappeler que, certes, l’existence de tels liens entre les différents agissements en cause, en ce sens que chacun d’entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence et contribuent, par l’intermédiaire d’une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique, peut également constituer un indice objectif confortant l’existence d’un plan d’ensemble visant à la réalisation d’un objectif anticoncurrentiel unique (voir, en ce sens, arrêts du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T 446/05, EU:T:2010:165, point 92 et jurisprudence citée, et du 16 septembre 2013, Masco e.a./Commission, T 378/10, EU:T:2013:469, points 22, 23 et 32 et jurisprudence citée).
286 Toutefois, contrairement à ce que soutient, en substance, la requérante, il n’est pas nécessaire, aux fins de qualifier différents agissements d’infraction unique et continue, de vérifier s’ils présentent de tels liens. La notion d’« objectif unique » implique seulement qu’il doit être vérifié s’il n’existe pas d’éléments caractérisant les différents comportements faisant partie de l’infraction qui soient susceptibles d’indiquer que les comportements matériellement mis en œuvre par d’autres entreprises participantes ne partagent pas le même objet ou le même effet anticoncurrentiel et ne s’inscrivent, par conséquent, pas dans un « plan d’ensemble » en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence dans le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Duravit e.a./Commission, C 609/13 P, EU:C:2017:46, point 121).
287 Il s’ensuit que, à la supposer avérée, l’omission alléguée de la Commission d’établir un lien de complémentarité entre les accords et pratiques litigieux n’est pas, à elle seule, de nature à entacher d’erreur leur qualification d’infraction unique.
288 En tout état de cause, il convient de relever que l’argumentation de la requérante manque en fait. Comme indiqué au point 284 ci-dessus, aux considérants 872 à 883 de la décision attaquée, la Commission a retenu six facteurs pour conclure que les comportements litigieux relevaient d’une infraction unique. Parmi ces facteurs figurent non seulement l’existence d’un objectif anticoncurrentiel unique (considérants 872 à 876) et le fait que ces comportements portaient sur un même service (considérant 877), mais aussi la nature unique de l’infraction (considérant 879). Dans le cadre de son examen de la nature unique de l’infraction au considérant 879 de la décision attaquée, la Commission a retenu ce qui suit :
« Les contacts concernant la STC, la STS et le refus de pa[iement] de commissions […] affichaient donc un lien de complémentarité étant donné que chacun avait pour but de traiter une ou plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence et, par cette interaction, de contribuer à la réalisation de l’objectif unique poursuivi par les responsables, dans le cadre d’un plan global. »
289 Or, la requérante est restée en défaut de démontrer que cette appréciation était entachée d’erreur dans la mesure où, d’une part, elle n’avance aucun autre argument spécifique à l’appui de son grief déduit d’une appréciation erronée de l’existence de liens de complémentarité et, d’autre part, le reste de son argumentation à l’appui de la présente branche a déjà été écartée par le Tribunal, ainsi qu’il ressort des points 270 à 284 ci-dessus. À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante n’apporte pas le moindre élément tendant à remettre en cause les considérations sur lesquelles la Commission fonde son constat de l’existence de liens de complémentarité.
290 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la présente branche.
c) Sur la troisième branche, prise, en substance, d’erreurs dans l’établissement du caractère anticoncurrentiel des comportements auxquels la requérante a pris part
291 La requérante soutient que les pièces qui lui sont opposées dans la décision attaquée ne démontrent pas sa participation à l’infraction unique et continue, dans la mesure où elles, soit concerneraient des comportements vis-à-vis desquels la Commission n’est pas compétente, soit révèleraient des échanges sur des informations déjà rendues publiques, soit s’inscriraient dans le cadre de communications légitimes, découlant de la nécessaire coordination avec son partenaire dans une entreprise commune ou encore de certaines obligations légales. À titre subsidiaire, elle fait valoir que les éléments au dossier attestent, d’une part, qu’elle ne fait pas partie du « noyau dur » de transporteurs identifié dans ladite décision et, d’autre part, que son siège n’a eu aucun contact avec celui des autres transporteurs. À l’appui de son argumentation, elle invoque l’annexe C.1 de la réplique, intitulée « Notes sur les considérants mentionnés dans la réplique de [la requérante] au mémoire en défense de la Commission ».
292 La Commission conteste l’argumentation de la requérante et excipe de l’irrecevabilité de l’annexe C.1 de la réplique.
1) Sur la recevabilité de l’annexe C.1 de la réplique
293 La Commission conteste la recevabilité de l’annexe C.1 de la réplique, dans la mesure où celle-ci comporterait des arguments qui ne figurent pas dans le corps de la réplique.
294 La requérante conteste l’argumentation de la Commission.
295 À cet égard, il convient de rappeler que, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit qui, en vertu de l’article 76, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, doivent figurer dans la requête (arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T 201/04, EU:T:2007:289, point 94).
296 En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T 201/04, EU:T:2007:289, point 94).
297 Ainsi, une annexe à la requête ne peut être prise en considération que dans la mesure où elle étaye ou complète des arguments expressément invoqués par la partie requérante dans le corps de la requête et où il est possible pour le Tribunal de déterminer avec précision quels sont les éléments que l’annexe contient qui étayent ou complètent lesdits arguments (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T 201/04, EU:T:2007:289, point 99).
298 Ces considérations s’appliquent également à la réplique et aux pièces qui y sont annexées (arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T 201/04, EU:T:2007:289, point 95).
299 En l’espèce, il convient de constater que l’annexe C.1 de la réplique consiste en un argumentaire de dix pages dans le cadre duquel la requérante formule des arguments tendant à contester la portée donnée par la Commission à 46 considérants de la décision attaquée invoqués aux points 58, 59, 61, 64 et 66 du mémoire en défense.
300 Dans la réplique, il est renvoyé à l’annexe C.1 de la réplique à plusieurs reprises, s’agissant de la présente branche. À la note en bas de page no 22, il est ainsi renvoyé à l’analyse des considérants 424, 409 et 414 de la décision attaquée, au soutien de l’affirmation, figurant dans la réplique, selon laquelle « ces éléments ne sauraient mettre en cause la requérante dans une coordination des politiques tarifaires dans le monde entier ». À la note en bas de page no 23, il est renvoyé à l’analyse des considérants 173, 174, 197, 201, 234, 409, 414, 585, 609, 616 et 694 de cette décision, au soutien de l’affirmation, figurant dans la réplique, selon laquelle « ces contacts sont bien distincts et sans rapport et […] ne peuvent étayer [la] conclusion [selon laquelle la requérante a participé pendant toute la période à la même entente mondiale] ». À la note en bas de page no 25, il est renvoyé à l’analyse des considérants 171, 232, 244, 257, 295, 466, 586, 588 et 701 de ladite décision, au soutien de l’affirmation, figurant dans la réplique, selon laquelle ces contacts intervenus « en dehors de l’EEE, dès lors qu’ils concernent tous des liaisons à partir d’endroits déterminés, […] ne sauraient prouver une coordination des surtaxes ou politiques tarifaires à l’échelle mondiale ». À la note en bas de page no 27, il est renvoyé à l’analyse des considérants 139, 158, 196, 197, 201, 257, 273, 322, 409, 414, 463, 499, 501, 502, 535, 563, 572, 616, 618, 686 et 697 de la même décision, au soutien de l’affirmation, figurant dans la réplique, selon laquelle il est « erroné et inexact » de considérer que ces informations ne se trouvaient pas dans le domaine public. Enfin, à la note en bas de page 30, il est renvoyé à l’analyse des considérants 485 et 611 de la décision en question au soutien de l’affirmation, figurant dans la réplique, selon laquelle « [c]es annonces ont été envoyées aux employés du siège de [la requérante] à Francfort, dans le cadre de l’entreprise commune entre [Lufthansa] et [la requérante] pour l’organisation du cargo entre HKG et FRA ».
301 Or, il convient de constater qu’en procédant ainsi, la requérante a méconnu la fonction purement probatoire et instrumentale d’une annexe en reportant dans celle-ci l’essentiel de son argumentation par laquelle elle cherche à contester la portée donnée par la Commission aux contacts en cause. En juger autrement reviendrait à autoriser une partie à se limiter, dans le corps de ses écritures, à affirmer que les éléments de preuve qui lui sont opposés ne démontrent pas sa participation à une infraction unique et continue et à développer l’ensemble des arguments de fait et de droit au soutien de cette affirmation générale dans une annexe jointe audites écritures.
302 Par ailleurs, il y a lieu d’observer, en particulier, que l’annexe C.1 de la réplique regorge d’arguments nouveaux, tenant, notamment, à la légitimité de la coordination (considérants 424 et 694 de la décision attaquée), à l’absence de démonstration de la participation effective à une réunion de transporteurs (considérants 409, 414, 173, 174 de cette décision), à l’absence de démonstration de l’existence de contacts avec d’autres transporteurs (considérant 197 de ladite décision), au caractère non réciproque d’un contact (considérant 201 de la même décision) ou encore à la manifestation d’un désaccord entre transporteurs contredisant la thèse d’une coordination tarifaire (considérant 609 de la même décision). En outre, la requérante invoque un certain nombre d’éléments de fait pour la première fois dans cette annexe, notamment au soutien de son affirmation selon laquelle les informations échangées dans le cadre de certains contacts litigieux se trouvaient dans le domaine public.
303 Au regard de ce qui précède, il y a donc lieu de considérer que l’annexe C.1 de la réplique ne se borne pas à étayer ou compléter des arguments expressément invoqués dans le corps de la réplique, mais constitue en réalité l’essentiel de l’argumentation de la requérante tendant à contester la portée donnée par la Commission aux contacts en cause.
304 Il s’ensuit que, pour autant qu’il est renvoyé à l’annexe C.1 de la réplique dans le cadre de la présente branche, il y a lieu, pour le Tribunal, de ne pas en tenir compte et de l’écarter comme étant irrecevable.
2) Sur le bien-fondé de la présente branche
305 Il y a lieu d’emblée d’écarter les arguments subsidiaires de la requérante qui, à la différence de son argumentation développée à titre principal, ne tendent pas à contester la pertinence des éléments de preuve qui lui sont opposés, mais à réfuter, sur la base desdits éléments, l’inscription de son comportement dans l’infraction unique et continue.
306 Ainsi, d’une part, l’allégation de la requérante selon laquelle elle n’appartenait pas à un prétendu « noyau dur » de transporteurs incriminés dont la participation à l’infraction unique et continue avait été plus intense est sans incidence sur la légalité du constat de sa participation à ladite infraction. En effet, ainsi qu’il est indiqué au point 280 ci-dessus, la circonstance que l’intensité de la participation à cette infraction ait pu varier entre les transporteurs incriminés n’a vocation à être prise en considération que lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et de la détermination du montant de l’amende (voir, à cet égard, l’examen des deuxième et troisième branches du septième moyen ci-après). En tout état de cause, cette allégation repose sur une prémisse erronée, la Commission n’ayant pas identifié un tel « noyau dur » dans la décision attaquée et n’étant nullement tenue de le faire (voir points 280 et 281 ci-dessus).
307 D’autre part, l’allégation de la requérante selon laquelle son siège n’a pas été en contact avec le siège des autres transporteurs manque en fait.
308 Ainsi, s’agissant de la STS, il ressort du considérant 611 de la décision attaquée que Lufthansa a adressé en octobre 2001 une lettre-type justifiant le recours à cette surtaxe aux directeurs généraux des divisions cargo de plusieurs transporteurs, dont la requérante. Quant à la circonstance que cet envoi était non sollicité et que la requérante n’y a pas répondu, il suffit de rappeler qu’un mode passif de participation à une infraction est de nature à engager la responsabilité de l’entreprise qui y prend part (voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C 204/00 P, C 205/00 P, C 211/00 P, C 213/00 P, C 217/00 P et C 219/00 P, EU:C:2004:6, points 82 et 84, et du 21 janvier 2016, Eturas e.a., C 74/14, EU:C:2016:42, points 46 à 49).
309 De même, la requérante ne conteste pas que les courriels décrits aux considérants 446, 450, 482 et 495 de la décision attaquée, par lesquels Lufthansa a communiqué ses annonces d’augmentation de la STC à différents transporteurs, relevaient d’une communication de siège à siège. Or, ces éléments, contrairement à ce qu’affirme la requérante, ne sauraient être écartés au motif qu’ils relèvent de « déclarations dans le domaine public relatives à l’entreprise commune [entre la requérante et Lufthansa] » (voir point 339 ci-après).
310 Enfin, il ressort de plusieurs considérants de la décision attaquée que le personnel local de la requérante, encouragé en ce sens par son siège, entretenait des contacts avec le siège d’autres transporteurs ou cherchait à obtenir, via ses homologues locaux, des informations sur la position exprimée par ledit siège. Ainsi, au considérant 687 de cette décision, il est fait état d’un contact qu’un employé de la requérante a eu avec « la direction de [Lufthansa] » en janvier 2006 au sujet du refus de paiement de commissions. De même, au considérant 232 de ladite décision, il est indiqué qu’un employé de la requérante, après avoir été encouragé par le siège à discuter avec le « transporteur national » de son ressort, a contacté Qantas aux fins de savoir si « l’administration centrale de [Qantas] avait donné une indication concernant toute action possible sur [l]e sujet [de la STC] ». Inversement, il ressort par exemple du considérant 150 de la même décision que le siège de la requérante, en l’occurrence en la personne du directeur de sa division cargo, était contacté par des représentants locaux d’autres transporteurs, ces derniers faisant ensuite rapport de la position de la requérante à leur propre siège. S’il s’agit là, certes, de prises de contact qui ne se font pas directement entre le siège de la requérante et celui d’autres transporteurs, il n’en demeure pas moins que l’information échangée l’a été, en fin de compte, entre sièges. Dès lors, bien qu’indirects, il y a lieu de considérer que ces échanges s’inscrivent dans le périmètre de l’organisation à plusieurs niveaux de l’entente litigieuse décrite dans la décision en question (voir points 325 et 326 ci-après), y compris en ce qu’elle suppose l’existence de « contacts mutuels » entre sièges.
311 Ces arguments subsidiaires ayant été écartés, il convient d’examiner chacun des arguments soulevés à titre principal par la requérante au soutien de la présente branche.
i) Sur la prise en compte de contacts échappant à la compétence de la Commission
312 En premier lieu, dans la mesure où la requérante se plaint de l’utilisation prétendument illégale des contacts en rapport avec les services de fret entrants au motif que la Commission n’était pas compétente à leur égard, il y a lieu de rappeler le rejet du sixième moyen, tiré d’un défaut de compétence de la Commission pour constater et sanctionner une violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes. La prémisse sur laquelle repose cet argument de la requérante est dès lors erronée.
313 En deuxième lieu, dans la mesure où la requérante se plaint de l’utilisation prétendument illégale des contacts en rapport avec les liaisons Union-pays tiers antérieurs au 1er mai 2004, tout d’abord, il y a lieu de relever que la Commission n’a, dans le dispositif de la décision attaquée, constaté aucune violation de l’article 101 TFUE sur des liaisons Union-pays tiers avant le 1er mai 2004.
314 La requérante n’en considère pas moins que la Commission a entaché la décision attaquée d’illégalités en se référant à des contacts afférents à ces liaisons et intervenus antérieurement à cette date. Elle cite, à cet égard, 41 considérants de ladite décision dont la Commission n’aurait pas pu tenir compte (considérants 139, 147, 149, 150, 158, 165, 171, 173, 196, 197, 201, 206, 208, 232, 234, 238, 241, 244, 257, 273, 274, 279, 292, 294, 295, 322, 346, 581, 585, 586, 588, 609, 611, 616 à 618, 637, 658, 663, 666 et 701).
315 D’emblée, il convient de relever que les éléments du dossier n’étayent pas entièrement l’interprétation du contenu des contacts visés au point précédent (ci-après les « contacts contestés ») que la requérante a défendue devant le Tribunal. Il y a ainsi lieu d’observer que plusieurs de ces contacts impliquaient des employés établis dans l’EEE et que la Commission pouvait considérer qu’ils portaient, à tout le moins en partie, sur des liaisons qui relevaient de sa compétence (considérants 139, 173, 196, 273, 274, 279, 322, 346 et 609 de la décision attaquée).
316 Ainsi, premièrement, la « réunion amicale » du 22 janvier 2001 décrite aux considérants 173 et 174 de la décision attaquée a notamment porté sur la mise en œuvre de la STC. Il ressort ainsi d’un mémorandum interne d’une employée de Martinair au sujet de cette réunion, tel que résumé au considérant 174 de la décision attaquée, que « [Lufthansa] devait réduire le niveau de la STC au 1er février 2001, tandis que [Cargolux, Swiss, un autre transporteur, KLM et British Airways] maintenaient le niveau de la STC ».
317 Il est vrai que, comme le relève la requérante, il ne ressort pas du considérant 174 de la décision attaquée qu’elle a assisté à cette réunion, à laquelle elle était néanmoins invitée. Cette circonstance est, cependant, dépourvue d’incidence sur la portée du contact en cause.
318 Deuxièmement, au considérant 274 de la décision attaquée, il est fait état d’un courriel du 17 février 2003 par lequel Lufthansa a transféré à plusieurs transporteurs, dont la requérante, son annonce d’augmentation de la STC. Or, il ne ressort pas dudit considérant que cette annonce ne concernait pas les liaisons intra-EEE, la requérante n’avançant d’ailleurs aucun élément en ce sens.
319 Troisièmement, au considérant 279 de la décision attaquée, il est fait état d’un courriel du 10 mars 2003 par lequel Lufthansa a transféré à plusieurs transporteurs, dont la requérante, le communiqué de presse concernant son augmentation de la STC. Or, il y a lieu de constater que plusieurs des destinataires de ce courriel étaient établis dans l’EEE, à savoir AF, Cargolux, KLM, Martinair et SAS. En l’absence d’éléments en sens contraire produits par la requérante, il ne saurait être déduit du contenu du courriel du 10 mars 2003, tel que rapporté au considérant 279 de la décision attaquée, qu’il ne concernait pas les liaisons intra-EEE. Il en va de même du courriel du 27 avril 2004 visé au considérant 346 de cette décision, par lequel Lufthansa a transmis à plusieurs transporteurs, dont la requérante et des transporteurs établis dans l’EEE, une annonce d’augmentation de la STC.
320 Quatrièmement, quant au considérant 609 de ladite décision, il décrit un courriel du 11 octobre 2001 par lequel le directeur local de la requérante en France a informé plusieurs transporteurs, dont Cargolux, AF, British Airways, Lufthansa, KLM et Martinair, que son siège lui avait donné pour instruction de suivre le transporteur national en ce qui concerne la STS. De même, les considérants 139, 196, 273, 322, 346 et 611 de cette décision concernent des situations survenues dans l’EEE et des transporteurs établis dans l’EEE.
321 Or, s’agissant de contacts impliquant plusieurs transporteurs établis dans l’EEE, au vu de l’applicabilité générale des surtaxes constatée au considérant 889 de la décision attaquée et en l’absence d’éléments concrets tendant à indiquer que les liaisons intra-EEE étaient exclues de la discussion, il ne saurait être considéré qu’il était question des seuls liaisons EEE-pays tiers.
322 Quant aux contacts contestés restants, il est constant entre les parties qu’ils sont intervenus dans des pays tiers ou, à tout le moins, qu’ils impliquaient des employés locaux des transporteurs incriminés dans ces pays. Il y a, cependant, lieu de relever que rien n’empêchait les transporteurs incriminés de se coordonner ou d’échanger des informations dans de tels pays au sujet d’autres services de fret, notamment intra-EEE. À titre d’illustration, au considérant 296 de la décision attaquée, il est fait état d’un courriel interne du bureau de Qantas à Singapour du 18 février 2003, dans lequel il est fait référence à l’introduction d’une STC d’un certain montant par British Airways « en Europe ». De même, au considérant 206 de la décision attaquée, il est fait état d’un courrier du 19 novembre 2001, dans lequel le président du SCC du BAR à Hong Kong a invité les membres de l’association à « indiquer si [leur] administration centrale a[vait] l’intention de réduire ou de retirer la [STC] dans les marchés d’outremer ».
323 Cela étant posé, il convient de relever que le présent grief serait voué à l’échec quand bien même les contacts contestés autres que ceux discutés aux points 315 à 321 ci-dessus concernaient tous exclusivement des liaisons qui, aux périodes en cause, échappaient à la compétence de la Commission.
324 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Commission peut s’appuyer sur des contacts antérieurs à la période infractionnelle afin de construire une image globale de la situation et ainsi corroborer l’interprétation de certains éléments de preuve (arrêt du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T 54/03, non publié, EU:T:2008:255, points 427 et 428). Tel est le cas même dans l’hypothèse où la Commission n’était pas compétente pour constater et sanctionner une infraction aux règles de concurrence antérieurement à cette période (voir, en ce sens, arrêts du 30 mai 2006, Bank Austria Creditanstalt/Commission, T 198/03, EU:T:2006:136, point 89, et du 22 mars 2012, Slovak Telekom/Commission, T 458/09 et T 171/10, EU:T:2012:145, points 45 à 52).
325 Au point 4.1 de la décision attaquée intitulé « Principes de base et structure de l’entente », dans les considérants 107 et 108 de ladite décision, la Commission a indiqué que son enquête avait révélé une entente d’ampleur mondiale fondée sur un réseau de contacts bilatéraux et multilatéraux, qui avaient lieu « à divers niveaux au sein des entreprises concernées […] et ont porté, dans certains cas, sur diverses zones géographiques ».
326 Aux considérants 109, 110, 876, 889 et 1046 et à la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, la Commission a précisé les modalités de fonctionnement de cette organisation à plusieurs niveaux. Selon elle, les surtaxes étaient des mesures d’application générale qui n’étaient pas spécifiques à une liaison, mais qui avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons, au niveau mondial. Les décisions concernant les surtaxes auraient généralement été prises au niveau des sièges de chaque transporteur. Les sièges des transporteurs auraient ainsi été en « contact mutuel » lorsqu’un changement de niveau de surtaxe était imminent. Au niveau local, les transporteurs se seraient coordonnés, dans le but, d’une part, de mieux exécuter les instructions de leurs sièges respectifs et de les adapter aux conditions de marché et à la réglementation locales et, d’autre part, de coordonner et de mettre en œuvre les initiatives locales. Au considérant 111 de ladite décision, la Commission a précisé que les associations locales de représentants de transporteurs avaient été utilisées à cette fin, notamment à Hong Kong et en Suisse.
327 Or, les contacts que cite la requérante au soutien du présent grief s’inscrivaient précisément dans ce cadre. En effet, premièrement, ces contacts portaient, en tout ou en partie, sur l’instauration et la mise en œuvre des surtaxes ou du refus de paiement de commissions à Hong Kong (considérants 147, 149, 150, 165, 208, 238, 241, 294, 585, 618, 658, 663 et 666), à Singapour (considérant 295), au Japon (considérants 244 et 257), en Inde (considérants 617 et 701), à Taïwan (considérant 586), au Canada (considérants 234 et 292) ainsi que sur les liaisons entre des pays tiers et, respectivement, l’Italie (considérant 201), le Royaume-Uni (considérant 158) la France (considérants 171, 197, 616 et 637) et l’Allemagne (considérant 581). Deuxièmement, plusieurs de ces contacts ont, soit impliqué des employés du siège de transporteurs incriminés, soit fait état d’instructions de leur part ou de communications avec eux (considérants 158, 171, 232, 585, 586 et 618). Troisièmement, pour nombre d’entre eux, ces contacts, soit reflètent au niveau local des annonces effectuées ou des décisions prises au préalable au niveau central (considérants 147, 149, 165, 171, 197, 208, 232 et 244), soit sont contemporains de discussions entre les sièges ou de décisions prises au niveau de ceux-ci concernant les surtaxes (considérants 201, 294, 295, 585, 586, 588 et 616). Quatrièmement, bon nombre de ces contacts ont eu lieu dans le cadre ou en marge d’associations locales de représentants de transporteurs (considérants 147, 149, 165, 208, 238, 295, 581, 588, 616, 617, 618, 637, 663, 666 et 701).
328 La requérante reste d’ailleurs en défaut de soutenir que ces contacts ne corroboraient pas l’interprétation d’autres éléments de preuve retenus aux fins d’établir sa participation à l’infraction unique et continue et dont il n’est pas allégué qu’ils échappaient à la compétence de la Commission. Ainsi, la quarantaine de contacts que la requérante cite dans la requête comptent parmi les près de 90 de contacts litigieux que la Commission a cités aux considérants 757 à 759 de la décision attaquée pour établir la participation de la requérante aux trois composantes de l’infraction unique et continue.
329 C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission s’est fondée, dans la décision attaquée, sur les contacts décrits aux considérants 139, 147, 149, 150, 158, 165, 171, 173, 196, 197, 201, 206, 208, 232, 234, 238, 241, 244, 257, 273, 274, 279, 292, 294, 295, 322, 346, 581, 585, 586, 588, 609, 611, 616 à 618, 637, 658, 663, 666 et 701 de ladite décision pour établir la participation de la requérante à l’infraction unique et continue.
330 En troisième lieu, dans la mesure où la requérante se plaint de l’utilisation prétendument illégale des contacts en rapport avec les liaisons Suisse-pays tiers, il y a lieu tout d’abord de relever que la Commission n’a, dans le dispositif de la décision attaquée, constaté aucune infraction sur des liaisons Suisse-pays tiers.
331 La requérante n’en considère pas moins que la Commission a entaché la décision attaquée d’illégalités en se référant à des contacts afférents à ces liaisons. Elle cite, à cet égard, douze considérants de ladite décision (considérants 426, 427, 441, 463, 499, 501, 502, 535, 563, 690, 692 et 693), auquel il convient d’ajouter celui visé au considérant 176, que la requérante a rangé, dans ses écritures, dans la catégorie des contacts afférents aux liaisons Union-pays tiers avant le 1er mai 2004.
332 À cet égard, il convient d’emblée de constater que les arguments de la requérante ne sont aucunement de nature à démontrer que la Commission n’était pas fondée à considérer que les contacts décrits à ces considérants portaient aussi sur des liaisons qui relevaient de sa compétence, dont les liaisons Union-Suisse. Il est, en effet, constant entre les parties que des transporteurs de l’Union, dont AF, KLM, British Airways, Lufthansa, Swiss et Martinair, dont il n’est pas contesté qu’elles disposaient de droits de trafic sur les liaisons Union-Suisse, comptaient parmi les membres de l’Air Cargo Council Switzerland (Conseil du Fret Aérien Suisse, ci-après l’« ACCS »). Or, ces transporteurs ont activement participé à plusieurs des contacts en cause, tant s’agissant de la STC que du refus de paiement de commissions sur les surtaxes (voir, notamment, considérants 427, 501, 502, 690 et 692). Dans la mesure où ces contacts visaient les liaisons au départ de la Suisse sans distinction, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir considéré qu’ils concernaient également les liaisons Union-Suisse, fût-ce dans une moindre mesure.
333 En outre, à supposer même que lesdits contacts concernaient exclusivement des liaisons qui échappaient à la compétence de la Commission, il ressort de l’examen des contacts décrits aux considérants mentionnés au point 331 ci-dessus que ces derniers tendent à corroborer les près de 90 contacts que la Commission a retenus aux considérants 757 à 759 pour établir la participation de la requérante aux trois composantes de l’infraction unique et continue et s’inscrivent dans le cadre résumé aux points 325 et 326 ci-dessus.
334 Ainsi, les contacts en cause décrivent la mise en œuvre et l’instauration des surtaxes ou du refus de paiement de commissions en Suisse. Ils s’inscrivaient en majorité dans le cadre d’associations locales de représentants de transporteurs, en l’occurrence l’ACCS, (considérants 427, 463, 499, 501, 502, 535, 563, 692 et 693), et soit reflétaient au niveau local des annonces effectuées ou des décisions prises au préalable au niveau central (considérants 427, 463, 501, 502 et 563), soit étaient à tout le moins contemporains de discussions entre les sièges ou de décisions prises au niveau de ceux-ci concernant les surtaxes (considérants 426, 499 690, 692 et 693).
335 C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission s’est fondée, dans la décision attaquée, sur les contacts décrits aux considérants 426, 427, 441, 463, 499, 501, 502, 535, 563, 690, 692 et 693 de ladite décision pour établir la participation de la requérante à l’infraction unique et continue.
ii) Sur la prise en compte de contacts relevant prétendument du domaine public
336 Il convient de comprendre le présent grief, qui porte sur les considérants 273, 274, 279, 346, 411, 446, 450, 482, 495, 422, 485, 292, 409, 444, 426, 427, 441, 463, 499, 501, 502, 535, 563 ainsi que 201, 234, 414, 668, 616, 663 et 669 de la décision attaquée, comme étant dirigé contre les appréciations de la Commission concernant la nature anticoncurrentielle des contacts auxquels la requérante a pris part, dans la mesure où elles s’appuient sur des pièces qui ne feraient que révéler la connaissance qu’avaient les transporteurs d’informations qui étaient déjà dans le domaine public.
337 Il convient de constater que la requérante n’apporte aucun élément au soutien de son allégation selon laquelle les informations échangées à l’occasion de ces contacts étaient dans le domaine public, étant rappelé qu’il ne saurait être tenu compte des précisions apportées à cet égard pour la première fois dans l’annexe C.1 de la réplique, ainsi qu’il ressort du point 304 ci-dessus. Partant, la circonstance de fait sur laquelle repose le présent grief n’est aucunement étayée et il y a lieu, dès lors, de le rejeter.
338 En tout état de cause, il ressort du contenu de plusieurs des contacts décrits dans les considérants cités au point 336 ci-dessus qu’ils ne se bornent pas à faire état d’une information qui se trouvait dans le domaine public.
339 Ainsi, il convient d’observer que, dans le cadre des contacts décrits aux considérants 274, 279, 346, 411, 446, 450, 482 et 495 de la décision attaquée, Lufthansa ne s’est pas contentée de faire part d’informations publiquement accessibles, mais a, au contraire, envoyé des courriels collectifs, révélant ainsi à tous les destinataires l’identité de transporteurs concernés (voir considérant 797 de la décision attaquée). La justification avancée par ailleurs par la requérante selon laquelle ces courriels lui étaient adressés dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise commune établie entre elle et Lufthansa ne saurait être retenue, dans la mesure où elle ne cadre pas avec le caractère collectif de ces envois, la requérante ne soutenant pas, au demeurant, que les autres destinataires auraient également été engagés avec Lufthansa dans des partenariats similaires. Au surplus, le fait que ces contacts servaient, à tout le moins en partie, de support à l’entente litigieuse est confirmé par le considérant 482 de ladite décision, dans lequel la Commission a mentionné la réponse d’un autre transporteur au courriel de Lufthansa cité au même considérant. Dans cette réponse, le transporteur en question informe Lufthansa de ce qui suit : « nous avons donné instruction à nos bureaux d’appliquer l’augmentation en conséquence ».
340 C’est également le cas de plusieurs des autres considérants de la décision attaquée cités par la requérante. Ainsi, les considérants 422 et 485 de ladite décision portent sur des contacts bilatéraux entre la requérante et KLM, d’une part, et entre la requérante et un autre transporteur, d’autre part, dans le cadre desquels la requérante, soit est à l’origine, soit est destinataire d’une démarche visant à discuter de l’augmentation de la STC avec un autre transporteur. Le considérant 292 de cette décision porte quant à lui sur la tenue d’une réunion multilatérale entre transporteurs lors de laquelle « le principal sujet était de vérifier qui taxe quoi ». Les considérants 409 et 444 de la même décision font état de concertations entre transporteurs sur le niveau d’augmentation de la STC ou la date de mise en œuvre de celle-ci respectivement en Belgique et en Inde. Quant au considérant 427 de la décision en question, à supposer qu’il puisse, isolément, s’analyser comme une tentative du président d’une association de transporteurs, en l’occurrence l’ACCS en Suisse, de recenser des informations déjà rendues publiques sur les intentions des transporteurs au sujet de la STC, il doit s’apprécier à la lumière du considérant 426 de la décision en cause, d’une part, dont il ressort notamment que la requérante était à tout le moins au courant, la veille de l’envoi du courriel repris au considérant 427 de ladite décision, d’intentions d’augmentation de la STC d’autres transporteurs en Suisse avant leur annonce publique (« Nous nous attendons à ce que […] suive très probablement à 0,38 CHF/kg ») et, d’autre part, de sa participation à des efforts de coordination tarifaire, autour de cette période du 21 au 24 septembre 2004, en Belgique (considérants 409 et 414) et à Hong Kong (considérant 431). En outre, il ressort du libellé même du considérant 499 de cette décision que les informations échangées n’étaient pas publiques. En effet, ce serait « selon [la requérante] » que KLM a décidé d’augmenter sa STC. Quant à Swiss, l’augmentation est indiquée comme étant probable et à décider lors d’un conseil d’administration à venir. Quant au considérant 201 de la décision concernée, il en ressort que la directrice régionale pour l’Italie de la requérante ne s’est pas contentée de résumer des informations, prétendument publiques, sur l’abrogation de la STC à l’attention d’un autre transporteur mais a indiqué à celui-ci qu’elle aimerait également connaître sa position. S’agissant du considérant 616 de la même décision, il en ressort que le syndicat des compagnies aériennes de fret en France (ci-après le « SYCAFF ») entendait se réunir à la fin du mois d’octobre 2001 « pour faire une première évaluation » en ce qui concerne la STS, ce qui laisse entendre que ces échanges à venir entre transporteurs excéderaient le simple recensement d’informations déjà publiques sur la mise en œuvre de la STS. Enfin, le considérant 663 de la décision en cause reprend un courriel de Martinair à destination, notamment, de la requérante dans lequel celui-ci a suggéré que, « puisque le lobbying est efficace […], une réunion du BAR [de Hong Kong] se tienne la semaine prochaine afin de discuter d’autres mesures avec d’autres transporteurs pour arriver à ce que [tous] les [transporteurs] appliquent la même STS sur le marché ».
341 Pour le reste, à supposer que les informations échangées à l’occasion des autres contacts visés par la requérante soient dans le domaine public, il y a lieu de rappeler que l’échange d’informations publiquement accessibles enfreint l’article 101, paragraphe 1, TFUE lorsqu’il constitue le support d’un autre mécanisme anticoncurrentiel (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C 204/00 P, C 205/00 P, C 211/00 P, C 213/00 P, C 217/00 P et C 219/00 P, EU:C:2004:6, point 281).
342 Or, les contacts visés aux considérants 441, 463, 501, 502, 535, 563, 234, 668 et 669 de la décision attaquée, qu’ils constituent une communication bilatérale sur une augmentation de la STC (considérant 441) ou une action plus large de recensement des positions des transporteurs à ce sujet, au niveau d’une association de transporteurs telle que l’ACCS (considérants 463, 501, 502, 535, 563) ou le BAR de Hong Kong (considérants 668 et 669), ou à l’initiative d’un seul transporteur (considérant 234), contribuent de toute évidence à la surveillance des actions respectives des parties à l’entente litigieuse en matière de modification du niveau des surtaxes et, partant, au succès des efforts de coordination tarifaire entrepris dans le cadre de celle-ci, dont attestent, notamment, les éléments repris au point 340 ci-dessus.
343 C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission s’est fondée, dans la décision attaquée, sur les contacts décrits aux considérants 273, 274, 279, 346, 411, 446, 450, 482, 495, 422, 485, 292, 409, 444, 426, 427, 441, 463, 499, 501, 502, 535, 563 ainsi que 201, 234, 414, 668, 616, 663 et 669 de ladite décision pour établir la participation de la requérante à l’infraction unique et continue.
iii) Sur la prise en compte de contacts rendus nécessaires par le respect d’obligations réglementaires
344 Il y a lieu de constater que l’argumentation de la requérante dirigée contre les appréciations de la Commission concernant la nature anticoncurrentielle des contacts auxquels elle a pris part, dans la mesure où ces appréciations s’appuient sur des pièces qui ne feraient que révéler des agissements rendus nécessaires par les systèmes réglementaires de certains pays tiers, se confond avec l’argumentation développée au soutien du cinquième moyen.
345 Au regard de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la présente branche, sous réserve de l’argumentation tenant au caractère nécessaire des agissements en cause compte tenu des régimes réglementaires de certains pays tiers, qui sera traitée dans le cadre du cinquième moyen ci-après (voir points 378 à 511 ci-après).
d) Sur la quatrième branche, prise, en substance, d’erreurs dans l’établissement de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue au regard de sa contribution intentionnelle au plan global poursuivi par ladite infraction
346 La requérante soutient que la Commission n’a pas démontré que ses contacts avaient eu une portée autre que locale ou même présenté un lien de complémentarité avec la coordination à l’œuvre dans le cadre de la prétendue entente globale. Elle soutient que, ce faisant, la Commission a également ignoré les explications alternatives données pour ses comportements sur les liaisons avec des pays tiers et n’a pas tenu correctement compte des variations importantes, au niveau local, du niveau et du calendrier de mise en œuvre des surtaxes appliquées par elle, qui divergeaient des constatations relatives à l’entente effectuées dans la décision attaquée. Elle estime dès lors qu’il n’est pas établi qu’elle a entendu, par ses agissements concernant certains des aspects de l’infraction unique et continue, contribuer à l’objectif commun identifié par la Commission, ni qu’elle y a effectivement participé. En particulier, la démonstration de sa contribution aux objectifs poursuivis par le « noyau dur » de transporteurs européens ne serait pas apportée.
347 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
348 Selon la jurisprudence, une entreprise ayant participé à une infraction unique et complexe par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C 441/11 P, EU:C:2012:778, point 42 et jurisprudence citée).
349 Ainsi, une entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, auquel cas la Commission est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de ladite infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle-ci dans son ensemble (arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C 441/11 P, EU:C:2012:778, point 43).
350 Il en ressort que trois conditions doivent être réunies afin d’établir la participation à une infraction unique et continue, à savoir l’existence d’un plan global poursuivant un objectif commun, la contribution intentionnelle de l’entreprise concernée à ce plan et le fait qu’elle avait connaissance (prouvée ou présumée) des comportements infractionnels des autres participants auxquels elle n’a pas directement participé (arrêt du 16 juin 2011, Putters International/Commission, T 211/08, EU:T:2011:289, point 35 ; voir, également, arrêt du 13 juillet 2018, Stührk Delikatessen Import/Commission, T 58/14, non publié, EU:T:2018:474, point 118 et jurisprudence citée).
351 La présente branche porte sur la deuxième de ces conditions. Il convient donc d’examiner si c’est à juste titre que la Commission a considéré que la requérante entendait contribuer par son propre comportement à l’objectif commun poursuivi par l’ensemble des transporteurs incriminés.
352 En l’espèce, il convient de constater que la requérante ne conteste pas utilement, dans le cadre du présent moyen, que, comme il ressort des considérants 872 à 876 de la décision attaquée, l’infraction unique et continue poursuivait l’objectif anticoncurrentiel unique de restreindre la concurrence entre transporteurs incriminés sur les surtaxes au moins au sein de l’Union, de l’EEE et en Suisse.
353 Or, il ressort de la décision attaquée que la requérante a entendu contribuer à la réalisation de cet objectif par son propre comportement. La Commission a décrit, aux considérants 757 à 759 de la décision attaquée, les nombreux contacts que la requérante a eus avec les autres transporteurs durant la période infractionnelle visant à coordonner les prix dans le secteur du fret. Ainsi que la Commission l’a relevé aux considérants 755 et 756 de cette décision, ces contacts ont été à la fois bilatéraux et multilatéraux et révèlent l’implication de la requérante dans les trois composantes de l’infraction unique et continue.
354 De plus, il ressort des éléments retenus dans la décision attaquée que les contacts anticoncurrentiels auxquels la requérante avait pris part sont intervenus non seulement à Hong Kong (considérants 147, 149, 150, 165, 206, 208, 238, 241, 294, 368, 369, 370, 394, 430, 431, 503, 505, 540, 618, 658, 660, 663, 665, 666, 668 et 670), mais également à Singapour (considérants 295 et 576), au Japon (considérants 244 et 257), en Italie (considérants 201, 694 et 696), en Inde (considérants 617 et 701), au Canada (considérants 234 et 292), au Royaume-Uni (considérants 139, 158, 196 et 273), en France (considérants 171, 197, 424, 585, 609, 616 et 637), en Suisse (considérants 426, 427, 441, 463, 499, 501, 502, 535, 563, 690, 692 et 693), en Allemagne (considérant 173) et en Belgique (considérants 409 et 414).
355 Il ressort également de plusieurs contacts cités dans la décision attaquée que la requérante organisait de manière centralisée la mise en œuvre au niveau local de la coordination relative aux surtaxes en enjoignant à ses représentants locaux de se rapprocher de leurs concurrents. Ainsi, il est indiqué au considérant 232 de cette décision qu’un employé de la requérante a chargé les employés locaux de discuter activement avec les « transporteurs nationaux » et les « interlines » afin de plaider en faveur de la STC. Au considérant 385 de ladite décision, il est indiqué que « l’administration centrale de [la requérante] a envoyé des courriels internes au personnel local, les 20 juillet 2004 et 29 juillet 2004, concernant la demande suivante : “à ceux qui n’ont pas décidé de la mise en œuvre du cinquième niveau de la STC, prière de faire de votre mieux pour faire pression sur les transporteurs nationaux afin que nous puissions suivre” ». Au considérant 572 de la même décision, il est indiqué que, « dans un courriel interne de [la requérante], daté du 8 février 2006, l’administration centrale de [la requérante] a demandé au personnel local de “bien vouloir vérifier et notifier le plan de votre compagnie nationale et de votre principal concurrent” ». Au considérant 683 de la décision en question, il est fait référence à un mémorandum interne de la requérante intitulé « Traitement des demandes de commissions sur les surtaxes », envoyé aux directeurs des ventes de fret, le 8 juillet 2005, indiquant que « tant que les conditions locales le permettent, [la requérante] devrait adopter une approche et une réponse communes à la question [des demandes de commission sur les surtaxes] » et que « [la requérante] devrait donc envisager de suivre tout rejet d’une telle demande ou d’une telle revendication de commission, ainsi que toute action y afférente pouvant être coordonnée par vos associations de [transporteurs] locales ».
356 En outre, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la portée de plusieurs contacts auxquels cette dernière a pris part ne saurait être limitée aux liaisons EEE-pays tiers. Ainsi, en l’absence d’éléments produits par la requérante qui laisseraient supposer le contraire, il y a lieu de constater que plusieurs de ces contacts avaient trait à des informations sur les surtaxes qui concernaient tant les liaisons intra-EEE que les liaisons EEE-pays tiers. Il en est ainsi, par exemple, des contacts décrits aux considérants 274, 279, 346, 411, 446, 450, 482 et 495 de la décision attaquée par lesquels Lufthansa a transféré à de nombreux transporteurs incriminés, dont la requérante, ses communiqués de presse annonçant une augmentation du montant de la STC. C’est également le cas des contacts visés au considérant 197 de ladite décision, d’une part, et aux considérants 409 et 414 de cette décision, d’autre part, concernant, respectivement, les intentions en matière de STC d’AF et de plusieurs transporteurs, notamment européens, sur les liaisons au départ de Bruxelles. Enfin, la réunion organisée dans les locaux de Lufthansa le 22 janvier 2001 et à laquelle la requérante a été invitée visait à « discuter du marché » et notamment à aborder la question de la STC. Elle couvrait plusieurs régions géographiques et un point à l’ordre du jour traitait spécifiquement de la région « Afrique et Europe », ainsi qu’il ressort du courriel d’invitation de Lufthansa mentionné au considérant 173 de la même décision et produit par la Commission en annexe du mémoire en défense.
357 Enfin, la requérante a non seulement encouragé la continuation de l’infraction unique et continue et compromis sa découverte en s’abstenant de se distancier publiquement du contenu des contacts relatifs aux liaisons EEE-pays tiers auxquels elle a pris part ou de les dénoncer aux entités administratives compétentes, mais a également, en coordonnant les surtaxes et le refus de paiement de commissions sur les liaisons EEE-pays tiers, et en particulier celles entre l’EEE et Hong Kong, contribué à assurer que les transitaires ne puissent contourner le paiement de surtaxes sur des liaisons EEE-pays tiers en empruntant des itinéraires alternatifs notamment via Hong Kong et, par suite, à la réalisation de l’objectif anticoncurrentiel commun identifié aux considérants 872 à 876 de la décision attaquée.
358 Au regard de ce qui précède, il y a lieu, d’une part, de rejeter l’allégation de la requérante selon laquelle les contacts auxquels elle a pris part n’ont pas eu d’autre portée que locale et de constater, d’autre part, que la requérante, par son comportement, entendait contribuer à la réalisation de l’objectif anticoncurrentiel commun à l’ensemble des transporteurs incriminés identifié aux considérants 872 à 876 et 899 de la décision attaquée (voir point 273 ci-dessus).
359 Aucun des autres arguments de la requérante n’est de nature à remettre en cause cette conclusion.
360 En premier lieu, il convient de constater que l’argument de la requérante pris d’une omission, par la Commission, d’examiner les liens de complémentarité entre les comportements de la requérante dans les pays tiers et les « accords de l’entente globale » doit être rejeté compte tenu de la jurisprudence rappelée aux points 285 et 286 ci-dessus. En tout état de cause, pour autant que, par cet argument, la requérante mette en doute les liens de complémentarité qui existeraient entre les comportements afférents aux liaisons EEE-pays tiers et les comportements afférents aux autres catégories de liaisons, il y a lieu de l’écarter, pour des motifs analogues à ceux énoncés au point 357 ci-dessus quant à la nécessité d’une application uniforme des surtaxes à une échelle mondiale pour prévenir les stratégies de contournement des transitaires.
361 En deuxième lieu, il convient de rejeter l’argument de la requérante pris de « raisons alternatives susceptibles d’expliquer le comportement de la requérante à Hong Kong et dans les juridictions d’autres pays tiers » comme étant nullement étayé. En tout état de cause, pour autant que, par cet argument, la requérante invoque des spécificités des régimes réglementaires des pays tiers, il y a lieu de renvoyer à l’examen, ci-après, du cinquième moyen, en particulier sa deuxième branche.
362 En troisième lieu, il convient de rejeter, en renvoyant aux points 280, 281 et 305 ci-dessus, l’argument de la requérante par lequel elle fait valoir que la Commission ne pouvait conclure qu’elle avait l’intention de contribuer à la réalisation de l’objectif anticoncurrentiel commun poursuivi par l’infraction unique et continue, faute d’établir sa participation au « noyau dur » de transporteurs européens.
363 En quatrième lieu, l’argument de la requérante tiré de ce que les montants des surtaxes qu’elle appliquait durant la période infractionnelle connaissaient des variations importantes d’un pays à l’autre ne témoigne pas de son absence d’intention de contribuer à l’objectif anticoncurrentiel commun poursuivi dans le cadre de l’infraction unique et continue.
364 En effet, ainsi qu’il est exposé au point 326 ci-dessus, la décision attaquée décrit une entente organisée à plusieurs niveaux, central et local, pour la mise en œuvre des surtaxes tout en précisant que les contacts fréquents au niveau local avaient notamment pour but d’adapter les instructions de l’administration centrale aux conditions de marché et à la réglementation locales. C’est pourquoi, ainsi que la Commission l’a relevé dans la note en bas de page no 1323 de ladite décision, les taux des surtaxes pouvait varier et faisait l’objet de discussions distinctes « compte tenu des conditions ou de la réglementation des marchés locaux ».
365 Quant aux écarts ponctuels identifiés par la requérante entre le calendrier des modifications de la STC introduites par les membres de l’entente litigieuse, tel qu’il ressort de la décision attaquée, et le calendrier effectivement observé par la requérante, il y a lieu de constater qu’ils ne sont pas de nature à écarter sa responsabilité. En effet, au terme d’une jurisprudence constante, la circonstance qu’une entreprise a adopté, de manière sporadique, un comportement réticent à l’égard de la coordination convenue dans le cadre d’une entente n’est pas de nature à la disculper, sauf à se distancier publiquement de son contenu (voir arrêt du 27 juin 2012, Berning & Söhne/Commission, T 445/07, non publié, EU:T:2012:321, point 113 et jurisprudence citée).
366 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la présente branche.
e) Sur la cinquième branche, prise, en substance, d’erreurs dans l’établissement de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue au regard de sa connaissance des comportements infractionnels des autres participants
367 La requérante soutient que la Commission n’a pas établi qu’elle avait la connaissance requise des comportements infractionnels des autres participants. Selon elle, la Commission a omis de procéder à un examen concret à cet égard, alors que sa situation, en particulier le fait qu’elle est établie à Hong Kong, et les contacts qui lui sont opposés, ayant principalement trait à ce territoire et à d’autres pays tiers, ne permettent pas de conclure à l’existence d’une telle connaissance.
368 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
369 Tout d’abord, il convient de renvoyer aux principes applicables, dans le cadre d’une infraction unique et continue, à l’établissement de la responsabilité d’une entreprise pour les comportements auxquels elle n’a pas directement participé, mais dont elle avait la connaissance, avérée ou présumée (voir points 348 à 350 ci-dessus).
370 Il convient, en outre, de rappeler que c’est à la Commission qu’incombe la charge de prouver que l’entreprise concernée avait la connaissance requise des comportements anticoncurrentiels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente globale mais auxquels elle n’a pas directement participé (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C 441/11 P, EU:C:2012:778, point 67).
371 Pour ce faire, la Commission doit réunir des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour établir que l’entreprise concernée avait une telle connaissance (voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 2002, Sigma Tecnologie/Commission, T 28/99, EU:T:2002:76, point 51).
372 La Commission n’est, cependant, pas tenue de démontrer que l’entreprise concernée avait ou aurait dû avoir connaissance, dans le détail, des concertations intervenues dans le cadre des contacts litigieux auxquels celle-ci n’a pas participé. Elle n’est pas davantage tenue d’établir que l’entreprise en cause avait ou aurait dû avoir connaissance de l’ensemble de ces contacts (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T 259/02 à T 264/02 et T 271/02, EU:T:2006:396, point 193).
373 L’entreprise concernée doit ainsi simplement connaître la portée générale et les caractéristiques essentielles de l’entente globale (voir arrêt du 10 octobre 2014, Soliver/Commission, T 68/09, EU:T:2014:867, point 64 et jurisprudence citée).
374 Ainsi qu’il ressort des points 325 et 326 ci-dessus, la Commission a décrit la portée générale et les caractéristiques essentielles de l’entente litigieuse au point 4.1 de la décision attaquée. Elle a décrit plus avant les concertations relatives à la STC au point 4.3.2 de ladite décision, qu’elle a intitulé « Nature des contacts illicites entre concurrents concernant la [STC] », et a expliqué que les mêmes principes s’appliquaient, mutatis mutandis, aux composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STS et au refus de paiement de commissions.
375 Or, il ressort des contacts retenus contre la requérante aux considérants 757 à 759 de la décision attaquée qu’elle avait connaissance de l’ensemble de ces principes. En effet, l’examen des multiples contacts bilatéraux et multilatéraux auxquels la requérante a participé dans différents États membres et pays tiers démontrent qu’elle ne pouvait pas ignorer l’existence d’un réseau de contacts dans le cadre duquel s’opérait un échange d’informations et une coordination concernant le niveau, le calendrier d’introduction et la mise en œuvre locale de la STC et de la STS ainsi que concernant le refus de paiement de commissions (voir, notamment, considérants 139, 149, 150, 152, 158, 171, 173, 176, 196, 206, 241, 244, 273, 274, 279, 292, 346, 368, 369, 385, 409, 411, 422, 426, 431, 446, 450, 466, 482, 485, 495, 499, 503, 543, 563, 576, 580, 581, 585, 611, 616 à 618, 637, 660, 663, 665 à 667, 669, 683, 687 et 692 à 694 de cette décision). Au vu de ces contacts, elle ne pouvait pas davantage ignorer l’attente partagée qu’une discipline soit respectée sur le marché en matière de surtaxes, ni l’existence d’un système à plusieurs niveaux. Au vu de la portée géographique des annonces et discussions relatives à la STC relevées au point 356 ci-dessus, de la multitude de pays dans lesquels la requérante a pris part à des contacts collusoires (voir point 354 ci-dessus) et des nombreuses initiatives prises par cette dernière tendant à inciter, en parallèle, le personnel de ses filiales à se coordonner avec leurs concurrents au niveau local (voir point 355 ci-dessus), la requérante aurait également raisonnablement pu savoir et assumer le risque que la coordination et la surveillance en cause avaient vocation à englober toutes les liaisons, au niveau mondial.
376 Pour l’essentiel, la requérante s’est d’ailleurs bornée, par des affirmations générales relatives à son établissement à Hong Kong et les « nombreuses références la concernant » en lien avec ce territoire et d’autres pays tiers, à reprocher à la Commission de ne pas avoir établi qu’elle avait la connaissance requise des activités anticoncurrentielles des autres transporteurs incriminés auxquelles elle n’a pas directement participé. À cet égard, l’invocation, réitérée, de sa non appartenance à un prétendu « noyau dur » de transporteurs européens doit être rejetée comme étant dénuée de fondement (voir points 280, 281 et 306 ci-dessus), tandis que l’invocation de son implication dans un seul forum multilatéral, en l’occurrence le BAR de Hong Kong, est non seulement impropre à renverser les constats qui précèdent, mais est aussi inexacte. En effet, le dossier atteste de son implication dans plusieurs autres forums de ce type, à savoir, notamment, le SYCAFF (considérants 616 et 637 de la décision attaquée), le BAR de l’Inde (considérant 617 de cette décision), le BAR de Singapour (considérant 295 de ladite décision) et l’ACCS (considérants 427, 463, 499, 501, 502, 535, 563, 692 et 693 de la même décision).
377 La présente branche doit donc être rejetée et, par voie de conséquence, le présent moyen dans son ensemble.
7. Sur le cinquième moyen, tiré de plusieurs erreurs, d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’un défaut de motivation concernant les activités de la requérante dans des États tiers au regard des spécificités de la réglementation qui y était applicable
378 Dans le cadre du présent moyen, la requérante soutient, en substance, que la Commission a retenu qu’elle avait participé à l’infraction unique et continue sans tenir compte de l’explication alternative plausible de son comportement dans certains pays tiers, en particulier Hong Kong, où les régimes réglementaires locaux imposaient aux transporteurs de formuler des demandes collectives d’agrément des surtaxes, induisant une coordination tarifaire.
379 D’emblée, il y lieu de relever que, en ce qui concerne les Philippines et le Sri Lanka, la requérante, en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, a déclaré qu’elle n’entendait pas maintenir ses arguments formulés dans ses écritures et tirés du cadre réglementaire afférent à ces pays tiers, ce dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience.
380 Le présent moyen est articulé, en substance, en trois branches, prises, la première, d’une violation de l’obligation de motivation, la deuxième, de diverses erreurs dans l’appréciation des régimes réglementaires dans les pays tiers et, la troisième, d’une violation du principe d’égalité de traitement.
a) Sur la première branche, prise d’une violation de l’obligation de motivation
381 La requérante soutient que la Commission a violé l’obligation de motivation en ignorant l’explication alternative de son comportement tirée des régimes réglementaires en vigueur dans les pays tiers. S’agissant, plus particulièrement, du régime réglementaire de Hong Kong, elle fait valoir que la Commission, tout en reconnaissant, au considérant 992 de la décision attaquée, que la pratique administrative des autorités locales ait pu encourager les demandes collectives, ne préciserait pas pourquoi cet élément n’est pas pertinent aux fins de l’appréciation des éléments de preuve retenus à son égard. La Commission aurait également négligé de s’expliquer sur le régime réglementaire de Hong Kong aux considérants 872 à 876 de ladite décision relatifs à l’objectif anticoncurrentiel unique de l’infraction unique et continue.
382 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
383 À cet égard, il convient de renvoyer aux principes applicables en matière de contrôle du respect de l’obligation de motivation, tels qu’ils sont rappelés aux points 259 à 261 ci-dessus.
384 Aux considérants 972 à 1019 de la décision attaquée, la Commission a analysé les régimes réglementaires applicables dans plusieurs pays tiers. Celui de Hong Kong est examiné aux considérants 976 à 993 de ladite décision. Au considérant 1020 de cette décision, la Commission en a déduit qu’aucune obligation imposée par un État ne pouvait justifier l’inapplication de l’article 101 TFUE aux comportements incriminés. Néanmoins, au considérant 1021 de la décision en question, puis aux considérants 1260 à 1265 de la même décision, elle a estimé que, si les transporteurs n’avaient pas été empêchés d’agir de façon autonome par une obligation imposée par un État, les régimes réglementaires et l’approche des autorités en cause avaient encouragé des comportements anticoncurrentiels. C’est à ce titre que la Commission a considéré qu’il était justifié d’octroyer la réduction générale de 15 % aux transporteurs incriminés.
385 Les motifs de la décision attaquée permettent également de comprendre pourquoi la Commission a considéré que les contacts intervenus dans les pays tiers étaient pertinents. D’une part, il y a lieu de renvoyer au point 357 ci-dessus quant à la nécessité d’une application uniforme des surtaxes à une échelle mondiale pour prévenir les stratégies de contournement des transitaires. D’autre part, il ressort des considérants 112 et 885 à 887 de la décision attaquée que les considérants 888 à 890 de cette décision visaient spécifiquement à répondre à des arguments mettant en doute la pertinence de contacts intervenus dans des pays tiers. Il s’agissait, notamment, selon la Commission, de permettre au personnel local d’adapter aux conditions locales les mesures d’application générale, « à toutes les liaisons, au niveau mondial », qu’étaient les surtaxes et le refus de paiement de commissions (considérants 889 et 890 de ladite décision et note en bas de page no 1323 de la même décision). Or, il ressort des considérants 755 à 759 de la décision en question que la requérante a directement participé à bon nombre de ces contacts.
386 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision attaquée fait apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de la Commission en réponse aux arguments des transporteurs relatifs aux régimes réglementaires dans les pays tiers, dont Hong Kong.
387 Partant, la première branche du cinquième moyen doit être rejetée.
b) Sur la deuxième branche, prise d’erreurs de la Commission lors de l’appréciation des régimes réglementaires des pays tiers
388 La requérante soutient que c’est par erreur que la Commission s’est appuyée sur l’existence de contacts entre elle et d’autre transporteurs dans les pays tiers, de sorte que les preuves relatives à ces contacts ne devaient pas être prises en compte. Elle estime que, si l’un de ses arguments devait être accueilli, le constat de sa participation à l’infraction unique et continue serait vicié dans son ensemble, dans la mesure où la coordination relative aux liaisons EEE-pays tiers à laquelle elle aurait prétendument participé ne serait pas, dans la décision attaquée, qualifiée par ailleurs d’infraction distincte.
389 La requérante fait valoir que son comportement dans les pays tiers était légal et que les autorités compétentes en matière d’aviation civile « exigeaient, ou à tout le moins demandaient, dans la pratique », que tous les transporteurs actifs sur leur territoire présentent des demandes collectives d’agrément des surtaxes, ce qui justifiait que ces derniers se coordonnent sur les tarifs. Elle soutient également que l’objectif de ces régimes d’agrément était de permettre aux régulateurs de déterminer le montant approprié des surtaxes et que, même en l’absence d’un régime d’agrément collectif, les transporteurs ne rivalisaient pas sur les prix, ces derniers étant règlementés. Or, au sujet du régime des surtaxes à Hong Kong notamment, la Commission se serait uniquement préoccupée de savoir si l’autorité locale exigeait la coordination tarifaire.
390 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
391 À titre liminaire, et pour autant que, par son argumentation, la requérante considère qu’une éventuelle contrainte étatique faisait obstacle à ce que la Commission inclue dans l’infraction unique et continue les liaisons entre l’EEE, d’une part, et Hong Kong, le Japon, l’Inde, et Singapour, d’autre part, il y a lieu de rappeler que l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne vise que des comportements anticoncurrentiels qui ont été adoptés par les entreprises de leur propre initiative. Si un comportement anticoncurrentiel est imposé aux entreprises par une législation nationale ou si celle-ci crée un cadre juridique qui lui-même élimine toute possibilité de comportement concurrentiel de leur part, l’article 101 TFUE n’est pas d’application. Dans une telle situation, la restriction de concurrence ne trouve pas sa cause, ainsi que l’implique cette disposition, dans des comportements autonomes des entreprises (voir arrêt du 11 novembre 1997, Commission et France/Ladbroke Racing, C 359/95 P et C 379/95 P, EU:C:1997:531, point 33 et jurisprudence citée).
392 Inversement, si une réglementation nationale laisse subsister la possibilité d’une concurrence susceptible d’être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes des entreprises, l’article 101 TFUE peut s’appliquer. En l’absence d’une disposition réglementaire contraignante imposant un comportement anticoncurrentiel, la Commission ne peut conclure à une absence d’autonomie dans le chef des opérateurs mis en cause que s’il apparaît sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants que ce comportement leur a été unilatéralement imposé par les autorités nationales par l’exercice de pressions irrésistibles, telles que la menace de l’adoption de mesures étatiques susceptibles de leur faire subir des pertes importantes (voir arrêt du 11 décembre 2003, Minoan Lines/Commission, T 66/99, EU:T:2003:337, points 177 et 179 et jurisprudence citée).
393 Selon la jurisprudence, tel n’est pas le cas lorsqu’une loi ou un comportement se limite à inciter ou à faciliter l’adoption, par les entreprises, de comportements anticoncurrentiels autonomes (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T 259/02 à T 264/02 et T 271/02, EU:T:2006:396, point 258).
394 Enfin, il ressort de la jurisprudence que c’est aux entreprises concernées qu’il appartient de démontrer qu’une loi ou un comportement étatique était d’une nature telle qu’il les privait de toute autonomie dans le choix de leur politique commerciale (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 1999, Irish Sugar/Commission, T 228/97, EU:T:1999:246, point 129). En effet, s’il incombe à l’autorité qui allègue une violation des règles de concurrence d’en apporter la preuve, il appartient à l’entreprise soulevant un moyen de défense contre la constatation d’une infraction à ces règles d’apporter la preuve que les conditions d’application de la règle dont est déduit ce moyen de défense sont remplies, de sorte que ladite autorité devra alors recourir à d’autres éléments de preuve (voir arrêt du 16 février 2017, Hansen & Rosenthal et H&R Wax Company Vertrieb/Commission, C 90/15 P, non publié, EU:C:2017:123, point 19 et jurisprudence citée).
395 Il ressort ainsi de la jurisprudence que le critère pertinent pour apprécier l’existence d’une contrainte étatique justifiant l’inapplication de l’article 101 TFUE est qu’un comportement anticoncurrentiel soit, non pas admis ou même encouragé, mais rendu obligatoire au titre du cadre réglementaire d’un pays tiers. En outre, la circonstance que le cadre règlementaire considéré consiste en un régime d’agrément préalable des tarifs, permettant à l’autorité compétente de contrôler le caractère approprié de ceux-ci, ne saurait justifier, en tant que telle, une telle inapplication tant que subsiste la possibilité d’une concurrence susceptible d’être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes des opérateurs concernés.
396 Ce n’est donc que dans la mesure où l’argumentation de la requérante tend à soutenir que les régimes réglementaires en cause en l’espèce contraignaient les transporteurs à se coordonner sur les surtaxes qu’elle est apte à fonder, dans le cadre de la présente branche, le constat d’une erreur de la Commission.
397 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les trois griefs que soulève, en substance, la requérante. Le premier est tiré d’erreurs relatives à l’appréciation du régime réglementaire de Hong Kong. Le deuxième est tiré d’erreurs relatives à l’appréciation du régime réglementaire japonais. Le troisième étend l’argumentation développée dans le cadre des premier et deuxième griefs à d’autres pays tiers, à savoir l’Inde et Singapour.
1) Hong Kong
398 Les considérants 976 à 993 de la décision attaquée portent, d’une part, sur les accords internationaux relatifs aux services aériens (ci-après les « ASA ») signés par la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine et, d’autre part, sur le régime réglementaire de Hong Kong. Aux termes de ces considérants, la Commission a estimé qu’aucune exigence de discuter des tarifs n’avait été imposée aux transporteurs à Hong Kong.
399 En premier lieu, la Commission a reconnu, aux considérants 981 à 986 de la décision attaquée, que les ASA signés par la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine exigeaient, pour la plupart, que les tarifs portés en compte par les transporteurs désignés des pays contractants soient approuvés par les autorités compétentes, à savoir, pour Hong Kong, le département de l’aviation civile de Hong Kong (ci-après le « DAC »), et qu’ils autorisaient des consultations préalables sur les prix entre les transporteurs désignés. Il n’en reste pas moins, selon cette décision, que lesdits ASA n’imposaient en aucun cas ce type de consultations avant une demande d’approbation.
400 Au soutien de cette conclusion, la Commission a repris au considérant 983 de la décision attaquée la formulation d’une clause standard de plusieurs ASA qui prévoit :
« Les tarifs auxquels il est fait référence au paragraphe 1 du présent article peuvent être convenus par les compagnies aériennes désignées des parties contractantes cherchant à obtenir l’approbation des tarifs, lesquelles peuvent consulter d’autres compagnies aériennes actives sur la totalité ou une partie de la même liaison avant de proposer de tels tarifs. Rien ne s’opposera toutefois à ce qu’une compagnie aérienne désignée propose et rien n’interdira aux autorités aéronautiques des parties contractantes d’approuver tout tarif si cette compagnie aérienne n’a pas obtenu l’accord des autres compagnies aériennes désignées sur un tel tarif ou parce qu’aucune autre compagnie aérienne désignée n’est active sur la même liaison. »
401 Au considérant 985 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que l’ASA entre la République tchèque et la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine, par exemple, indiquait qu’aucun pays n’exigerait des transporteurs qu’ils discutent des tarifs.
402 En second lieu, s’agissant de la pratique administrative de Hong Kong, la Commission a retenu, aux considérants 987 à 989 de la décision attaquée, qu’il n’était pas établi que le DAC ait exigé une consultation des transporteurs aux fins de la présentation d’une demande collective d’approbation des tarifs. En particulier, aucun des transporteurs n’aurait fourni de preuve établissant que le DAC ait explicitement imposé le dépôt de demandes collectives.
403 Au considérant 992 de la décision attaquée, la Commission a conclu, d’une part, s’agissant de la STC, que le DAC n’était pas prêt à accepter des demandes individuelles pour un mécanisme de STC, mais qu’il était prêt à accepter des demandes individuelles pour une STC d’un montant fixe et, d’autre part, pour les autres surtaxes, que les transporteurs n’avaient pas allégué que le DAC exigeait des demandes collectives.
404 La requérante fait valoir que ce raisonnement est entaché de plusieurs erreurs. Elle soutient, en substance, que la Commission a, premièrement, méconnu les règles sur la charge et l’administration de la preuve, deuxièmement, commis des erreurs d’appréciation des faits, et, troisièmement, appliqué à tort le moyen de défense tiré de la contrainte étatique aux régimes réglementaires de pays tiers et violé les principes de courtoisie internationale et de non-ingérence.
i) Sur les arguments tirés de la méconnaissance des règles sur la charge et l’administration de la preuve
405 La requérante soutient que, en principe, la Commission doit établir l’objet anticoncurrentiel d’un accord au sens de l’article 101 TFUE, ce qui supposait, en l’espèce, de fournir des preuves établissant que son comportement était lié à l’infraction unique et continue. Selon elle, la Commission n’a pourtant pas démontré ou tenté de démontrer que son comportement avait eu un objet autre que celui de se conformer à la règlementation applicable à Hong Kong. En outre, elle affirme que, étant donné que le cadre règlementaire à Hong Kong apporte une explication complète et plausible de ses contacts avec d’autres transporteurs, la Commission aurait dû lui accorder le bénéfice du doute.
406 En outre, la requérante soutient avoir produit, durant la procédure administrative, mais aussi dans le cadre du recours ayant donné lieu à l’arrêt du 16 décembre 2015, Cathay Pacific Airways/Commission (T 38/11, non publié, EU:T:2015:985), un avis juridique rédigé par un expert du droit de Hong Kong et fondé sur une analyse circonstanciée des dispositions juridiques pertinentes (ci-après l’« avis juridique »). D’une part, la Commission n’aurait pas répondu à cet avis dans la décision attaquée et, d’autre part, elle n’aurait pas dû l’écarter ou le réfuter sans disposer de sa propre analyse émanant d’un expert du droit de Hong Kong, puisqu’elle ne serait pas elle-même qualifiée pour se prononcer sur le sujet.
407 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
408 Aucun des arguments de la requérante ne saurait prospérer.
409 Premièrement, il convient de relever que la requérante se méprend quant à la répartition de la charge de la preuve, comme il ressort du point 394 ci-dessus.
410 Par conséquent, ayant établi la participation de la requérante à l’infraction unique et continue sur la base des éléments résumés aux considérants 755 à 759 de la décision attaquée, puis estimé, aux considérants 903 à 910 de ladite décision, que, s’agissant d’une coordination tarifaire, le comportement litigieux comptait parmi ceux qui empêchent, restreignent ou faussent, de par leur nature même, la concurrence au sens de l’article 101 TFUE, ce que la requérante a échoué à remettre en cause dans le cadre du troisième moyen, la Commission pouvait considérer que le comportement de la requérante avait un objet anticoncurrentiel. Pour échapper à l’application dudit article au titre du moyen de défense tiré de la contrainte étatique, il incombait à la requérante de prouver que son comportement à Hong Kong se justifiait au titre d’une obligation découlant de la règlementation locale.
411 Or, la Commission ayant considéré, au terme de l’examen du cadre règlementaire de Hong Kong tel qu’exposé aux considérants 981 à 989 de la décision attaquée, que les éléments produits par les transporteurs n’étaient pas suffisants pour établir à suffisance que ces derniers étaient contraints de se concerter sur les tarifs, elle n’était pas tenue d’accorder le bénéfice du doute à la requérante.
412 Deuxièmement, le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves et le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité (voir arrêt du 27 avril 2017, FSL e.a./Commission, C 469/15 P, EU:C:2017:308, point 38 et jurisprudence citée). Partant, c’est à tort que la requérante soutient que la Commission était tenue de produire une analyse émanant d’un expert du droit de Hong Kong au seul motif qu’elle avait elle-même produit l’avis juridique.
413 En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a pas ignoré l’avis juridique lors de l’examen des preuves produites par les transporteurs au sujet du régime réglementaire de Hong Kong puisqu’elle a visé les documents annexés audit avis aux notes de bas de page nos 1448 et 1449 sous le considérant 988, sous a), de la décision attaquée.
414 La question de savoir si l’avis juridique est susceptible de démontrer que la Commission a commis des erreurs dans l’appréciation de la règlementation applicable à Hong Kong est appréciée aux points 416 à 451 ci-après, dans le cadre de l’examen des arguments de la requérante tirés d’erreurs dans l’appréciation des faits.
415 Il ressort de ce qui précède que les arguments de la requérante tirés de la méconnaissance des règles sur la charge et l’administration de la preuve doivent être rejetés.
ii) Sur les arguments tirés d’erreurs dans l’appréciation des faits
416 La requérante se prévaut de la jurisprudence rappelée au point 391 ci-dessus selon laquelle un comportement anticoncurrentiel ne tombe pas sous le coup de l’article 101 TFUE lorsqu’il est imposé par des mesures étatiques et que les entreprises ne disposent d’aucune autonomie. En l’espèce, la Commission aurait conclu à tort qu’aucune exigence de discuter des tarifs n’avait été imposée aux transporteurs à Hong Kong.
417 Premièrement, il ressortirait de l’avis juridique, qui a été produit à l’occasion de la procédure administrative, que les ASA en cause, qui seraient intégrés dans le droit interne, prévoyaient et autorisaient expressément les consultations tarifaires entre transporteurs, de telle sorte que le DAC aurait exercé sa compétence conformément à ces accords. Ce serait donc à tort que la Commission aurait retenu sa propre interprétation des ASA selon laquelle, en application de leurs dispositions tarifaires, le DAC préférait, mais n’imposait pas l’introduction de demandes collectives.
418 Deuxièmement, la requérante fait valoir, tout d’abord, que, alors qu’aucune surtaxe ne pouvait être appliquée sans l’autorisation préalable du DAC, celui-ci a instauré, pour des motifs de faisabilité administrative, un système d’agrément collectif des tarifs. Le DAC aurait ainsi exigé que l’introduction de nouvelles surtaxes procède de demandes collectives présentées par le SCC du BAR, au sein duquel les transporteurs se consultaient afin de parvenir à un accord, la requérante collectant, en toute transparence, les informations nécessaires aux demandes d’agrément en sa qualité de présidente du SCC. Les tarifs approuvés auraient été obligatoires pour les transporteurs ayant pris part à la demande collective. Bien que les transporteurs ne fussent pas contraints de participer à une demande collective, ceux qui ne le faisaient pas n’auraient pas eu le droit d’appliquer une surtaxe approuvée.
419 En particulier, s’agissant de la STC, au cours de la période 2002-2007, le DAC aurait exigé que toutes les demandes de STC fondées sur l’indice soient présentées collectivement.
420 La requérante se prévaut, non seulement de l’avis juridique, mais aussi de plusieurs courriers ou courriels, échangés entre le DAC et certains transporteurs, ou entre transporteurs, qui figureraient en annexes dudit avis ou aux considérants de la décision attaquée et confirmeraient ses allégations. Elle fait également valoir que, le 3 septembre 2009, le directeur-général du DAC aurait écrit au président de la Commission afin de l’informer de l’existence du système ainsi mis en place. Cette lettre démontrerait le bien-fondé de l’avis juridique et ce serait à tort que la Commission aurait refusé d’en tenir compte au motif, retenu au considérant 977 de la décision attaquée, qu’il ne s’agissait pas d’un « document préexistant ». Ladite décision ne mentionnerait qu’une précédente lettre du DAC adressée à la Commission, en date du 5 septembre 2008, qu’elle aurait interprété de façon erronée. En présence de tels courriers, la Commission aurait pourtant dû demander au DAC des clarifications au sujet du régime régulateur de Hong Kong alors en vigueur.
421 Ensuite, en ce qui concerne les demandes individuelles relatives à la STC, la requérante soutient qu’elles ne pouvaient pas être présentées dans la mesure où les surtaxes pour des montants fixes, ne suivant pas l’évolution des prix du carburant, n’auraient pas rempli la justification permettant d’imposer une STC et n’auraient donc pas été avalisées par le DAC. Ce ne serait que postérieurement à la période infractionnelle que le DAC aurait permis aux transporteurs de déposer des demandes, individuelles ou collectives, portant sur une STC non fondée sur un indice. Visant le considérant 977 de la décision attaquée, la requérante ajoute que, à l’occasion d’une réunion du 26 septembre 2006, le DAC lui a indiqué qu’il pourrait examiner des demandes individuelles pour une STC d’un montant fixe, mais que la demande devait être introduite 90 jours au préalable, que toute approbation ne serait valable que pour deux mois et que, étant donné que le prix du carburant était instable, il était probable que le taux de STC approuvé ne correspondît alors pas aux prix du carburant en vigueur.
422 La Commission conteste ces arguments.
423 Il y a lieu de constater que les éléments dont se prévaut la requérante ne contredisent pas les conclusions auxquelles est parvenue la Commission.
424 En premier lieu, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la valeur juridique des ASA dans l’ordre juridique de Hong Kong ou la cohérence entre leurs clauses et les pratiques du DAC, il y a lieu d’observer que la requérante fait valoir que les ASA conclus par la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine « prévoyaient ou autorisaient » la coordination tarifaire, voire « réserv[aient] expressément » cette possibilité. De même, selon les conclusions de l’avis juridique, le comportement incriminé des transporteurs était officiellement approuvé ou spécifiquement autorisé au titre desdits ASA.
425 Or, ces arguments ne remettent pas en cause les constatations effectuées aux considérants 984, 985 et 991 de la décision attaquée, selon lesquelles les ASA pertinents autorisaient les consultations sur les prix entre transporteurs mais n’imposaient pas d’obligation à cet égard.
426 En deuxième lieu, s’agissant de la pratique administrative du DAC, il est constant que les transporteurs devaient obtenir l’agrément préalable de cette autorité avant d’appliquer leurs tarifs. Les parties s’opposent sur le point de savoir si des erreurs entachent les conclusions de la Commission exposées au considérant 992 de la décision attaquée selon lesquelles, dans le cadre de cette procédure d’agrément, d’une part, pour les surtaxes autres que la STC, il n’était pas établi que le DAC exigeait des demandes collectives et, d’autre part, s’agissant de la STC, le DAC n’était pas prêt à accepter des demandes individuelles pour une STC fondée sur un indice, mais pouvait accepter des demandes individuelles pour une STC d’un montant fixe, étant précisé que la circonstance que de telles demandes auraient pu être plus difficiles ou moins pratiques n’équivaut pas à une exigence de déposer des demandes collectives.
427 Les arguments de la requérante ne sauraient prospérer.
428 En effet, premièrement, il y a lieu de relever que la lettre du DAC du 5 septembre 2008 indique que celui-ci exigeait, durant la période 2000-2007, que tous les transporteurs désireux d’imposer une surtaxe sur le fret en provenance de Hong Kong obtiennent une autorisation préalable, que, dans ce contexte, le DAC considérait que des demandes collectives étaient à la fois efficaces, raisonnables et légales et qu’une telle pratique était conforme aux ASA conclus par la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine. Or, le fait qu’il soit précisé que la demande collective est un moyen efficace pour introduire une demande et examiner et approuver des surtaxes et que le DAC considère cette forme de demande comme légale à Hong Kong ne témoigne pas de ce que la réglementation ou les pratiques administratives de Hong Kong imposaient les demandes collectives et excluraient les demandes individuelles concernant les surtaxes.
429 Deuxièmement, s’agissant spécifiquement de la STS, la requérante se prévaut des éléments suivants :
– une lettre du DAC du 29 mars 1996 adressée au représentant du BAR et libellée comme suit :
« Nous devons également déterminer très clairement les éléments précis à intégrer dans les coûts dont doit être dérivée cette redevance. Il n’y a aucune raison, selon moi, d’essayer d’inclure dans cette redevance les coûts individuels que différents transporteurs exposent pour répondre à des exigences particulières. Les coûts de chaque transporteur sont nécessairement différents et chacun est confronté à des exigences spécifiques. Je ne souhaite pas être tenu d’apprécier les coûts de sécurité exposés à titre individuel par les compagnies. »
– l’avis juridique dont il ressort, d’une part, que les demandes d’agrément de la STS étaient présentées collectivement par les membres du SCC du BAR durant la période 2001-2004 et que le DAC les a examinées et, le cas échéant, approuvées et, d’autre part, qu’il était fort probable que le DAC aurait exigé que les demandes relatives à la STS soient présentées collectivement dans l’hypothèse où le SCC du BAR n’aurait pas volontairement retenu une telle pratique, parce que le DAC examinait déjà les demandes relatives à la STC sur une base collective, qu’il avait une préférence pour ce type de demande, que les demandes individuelles auraient pu provenir d’un nombre important de transporteurs et que leur examen aurait été coûteux sur le plan administratif, étant toutefois précisé qu’il serait difficile d’être catégorique à cet égard en l’absence de preuves.
430 Or, d’une part, la lettre du DAC du 29 mars 1996, à supposer qu’elle soit pertinente, alors qu’elle est antérieure à l’instauration de la STS, n’indique pas expressément que les demandes collectives relatives à la STS étaient obligatoires, mais témoigne tout au plus, selon les propres termes de la requérante, d’un « manque d’enthousiasme » du DAC pour des demandes individuelles.
431 D’autre part, la position de la requérante selon laquelle toutes les demandes relatives aux surtaxes devaient être présentées collectivement n’est pas étayée par l’avis juridique. En effet, il ressort seulement de cet avis que les demandes collectives relatives à la STS étaient autorisées par le DAC. Les considérations contenues dans ledit avis relatives à ce qu’aurait pu être la pratique du DAC en l’absence de la coordination tarifaire initiée par le SCC du BAR ont un caractère spéculatif et ne sauraient suffire à établir, devant le Tribunal, l’existence d’une obligation ou même d’une pression étatique irrésistible en faveur de la coordination tarifaire. Au demeurant, elles tendent plutôt à confirmer l’analyse de la Commission relative aux surtaxes autres que la STC, exposée au point 426 ci-dessus, selon laquelle il n’était pas établi que le DAC exigeait des transporteurs qu’ils déposent des demandes collectives.
432 Troisièmement, s’agissant spécifiquement de la STC, tout d’abord, il est vrai qu’il ressort de l’avis juridique que, durant la période 2000-2007, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le DAC a autorisé la requérante à conclure des accords collectifs avec d’autres transporteurs et a exigé des transporteurs que les demandes relatives à la STC fondées sur un indice soient présentées collectivement.
433 De même, la lettre du DAC du 3 septembre 2009, à supposer que la Commission ait dû en tenir compte alors qu’elle est postérieure à la période infractionnelle, corrobore l’avis juridique. Elle détaille aussi les conditions auxquelles les transporteurs étaient soumis lorsqu’ils déposaient des demandes collectives relatives à une STC fondée sur un indice.
434 Cette lettre est libellée comme suit :
« Il doit être absolument clair pour la Commission que, s’agissant du mécanisme relatif à la [STC] pour le fret basé sur un indice, nous exigeons que le [SCC du BAR] et les transporteurs participants se mettent d’accord sur les détails des demandes collectives, y compris sur le montant de la surtaxe pour laquelle l’approbation était demandée, sur les preuves qui devaient être fournies au DAC pour étayer les demandes et sur le mécanisme unique qui devait être utilisé pour la détermination de la surtaxe. Le DAC a également donné mandat aux transporteurs participants et exigé d’eux qu’ils perçoivent spécifiquement la surtaxe approuvée. De plus, nous avons donné mandat au SCC du BAR et exigé de lui qu’il soumette à l’approbation du DAC toute modification de la liste des transporteurs participant aux demandes collectives et nous avons clairement indiqué que ces transporteurs ne devaient pas percevoir de [STC] sans l’approbation expresse du DAC adressée au SCC du BAR. »
435 Il n’en demeure pas moins que l’argumentation de la requérante, telle qu’elle est étayée par les documents mentionnés aux points 432 à 434 ci-dessus, ne démontre pas d’erreur de la Commission. Il y a lieu d’observer que, au considérant 992 de la décision attaquée, la Commission a admis que le DAC n’était pas prêt à accepter des demandes individuelles pour une STC fondée sur un indice. La conclusion de la Commission selon laquelle l’article 101 TFUE demeurait applicable aux contacts entre transporteurs à Hong Kong repose sur le constat selon lequel le DAC pouvait admettre des demandes individuelles pour une STC d’un montant fixe. Or, dans lesdits documents, il n’est pas fait allusion à l’impossibilité d’introduire une telle demande.
436 Enfin, s’agissant des arguments de la requérante visant à établir l’impossibilité d’introduire des demandes individuelles relatives à la STC, il est vrai que, contrairement à ce qu’a retenu la Commission au considérant 988, sous a), de la décision attaquée, la possibilité d’introduire de telles demandes ne ressort pas clairement de la lettre du DAC du 1er juin 2005 adressée au SCC du BAR.
437 En effet, la lettre du DAC du 1er juin 2005 est libellée comme suit :
« Si un changement devait se produire dans la liste des [transporteurs] qui nous a été soumise, il convient d’introduire une demande distincte auprès du présent département pour approbation. Une telle compagnie aérienne ne devrait pas prélever de [STC] sans l’approbation expresse du présent département. Il incombe également au BAR de notifier au présent département tout autre changement dans la liste des [transporteurs]. »
438 Ainsi que le fait valoir la requérante, la lettre du DAC du 1er juin 2005 peut être interprétée en ce sens que, lorsqu’une compagnie aérienne avait été ajoutée à la liste des compagnies pour lesquelles la STC en cours avait été approuvée, une nouvelle demande devait être introduite auprès du SCC du BAR afin que la nouvelle compagnie aérienne figure sur la liste et bénéficie de l’agrément collectif.
439 Il n’en reste pas moins que la lettre du DAC du 1er juin 2005 ne constitue que l’un des éléments examinés au considérant 988 de la décision attaquée. La seule circonstance que ladite lettre ne prouve pas que le DAC admettait d’examiner des demandes individuelles relatives à la STC ne suffit à pas à contredire l’ensemble des motifs retenus par la Commission aux considérants 987 à 989 de ladite décision.
440 En outre, alors que, conformément à la jurisprudence citée au point 409 ci-dessus, la charge de la preuve d’une contrainte étatique pèse sur la requérante, il y a lieu d’observer que les autres arguments développés par cette dernière ne démontrent pas que le DAC refusait d’examiner des demandes individuelles.
441 En effet, la requérante s’appuie sur les éléments suivants :
– une lettre du DAC du 8 septembre 2006 adressée à Lufthansa, libellée comme suit :
« [m]erci pour votre lettre, en date du 7 septembre 2006, par laquelle vous nous avertissez de la modification intervenue dans la méthode de calcul de l’indice des prix de carburant de [Lufthansa]. Je crois que vous faites référence à l’indice utilisé dans le mécanisme STC pour le fret présenté par le SCC du BAR au nom des [transporteurs]. Étant donné que les demandes de STC pour le fret de [Lufthansa] sont traitées par l’intermédiaire du SCC du BAR, je vous propose de demander au SCC du BAR de nous envoyer, pour examen de notre part, les détails de la modification. »
– une lettre du DAC du 19 septembre 2006 adressée au SCC du BAR, libellée comme suit :
« Nous croyons savoir qu’il sera procédé à une modification de la méthode de calcul de l’indice des prix de carburant de [Lufthansa], qui affectera les mécanismes STC pour le fret présentés par le SCC du BAR au nom des [transporteurs]. Nous saurions gré au SCC du BAR de nous informer en quoi le mécanisme actuel sera affecté et de nous aviser des changements requis. »
– un courriel d’un employé de Lufthansa du 19 septembre 2006 adressé à un employé de la requérante, libellé comme suit :
« Dès lors que le DAC n’accepte pas de demandes de [transporteurs] individuelles, mais exige une demande commune du SCC du BAR, [Lufthansa Cargo] continuera à participer aux dépôts communs de demandes de STC auprès du DAC par le SCC du BAR. »
442 Or, les lettres du DAC des 8 et 19 septembre 2006 font référence à des changements de l’indice des prix de carburant de Lufthansa, sans jamais évoquer expressément l’interdiction, pour un transporteur, de déposer une demande individuelle pour une STC d’un montant fixe.
443 Quant au courriel d’un employé de Lufthansa du 19 septembre 2006, il s’agit, comme le relève la Commission, d’un document émanant des transporteurs eux-mêmes. En outre, il ressort de la pièce soumise à l’appréciation du Tribunal que ledit courriel s’inscrit dans le cadre d’un échange trouvant son origine dans un précédent courriel du 15 septembre 2006 dans lequel Lufthansa indiquait ne plus vouloir communiquer d’informations sur l’évolution de son indice relatif à la STC ou maintenir ou mettre à jour ledit indice. Il ne ressort pas clairement de cet échange, même interprété à la lumière de la lettre du DAC du 1er juin 2005 que, comme le soutient la requérante dans la réplique, le refus du DAC de considérer la demande individuelle de Lufthansa trouve son origine dans une obligation inconditionnelle de présenter des demandes collectives portant sur la STC par le truchement du SCC du BAR. Par conséquent, le courriel de Lufthansa du 19 septembre 2006 ne constitue pas une preuve que le DAC refusait d’examiner des demandes individuelles pour une STC d’un montant fixe.
444 Au demeurant, aux fins de contredire les constats contenus au considérant 977 de la décision attaquée, la requérante se réfère à une réunion avec le DAC qui se serait tenue le 29 septembre 2006 et dont la teneur aurait été retranscrite dans l’avis juridique. Elle fait valoir que, à cette occasion, le DAC lui a confirmé que, s’il n’approuvait pas de demandes individuelles pour une STC fondée sur un indice, il examinerait des demandes individuelles pour une STC d’un montant fixe, sous réserve qu’elles soient introduites 90 jours au préalable, tout en précisant que toute approbation ne serait valable que pour deux mois. Or, selon elle, une demande pour une STC d’un montant fixe était irréaliste, car celle-ci « était beaucoup moins pratique dans le calendrier prévu, étant donné que le prix du carburant [était] instable et qu’il était probable que le taux de STC approuvé ne correspondît pas aux prix du carburant en vigueur » et « [c]ela était susceptible d’aboutir à des déficits ou excédents de recouvrement et, inévitablement, à des plaintes de la part des transitaires et expéditeurs ».
445 Cependant, il convient d’observer que cette argumentation tend plutôt à contredire les autres allégations de la requérante selon lesquelles le DAC refusait les demandes individuelles pour une STC d’un montant fixe.
446 En outre, c’est en vain que, dans la réplique, la requérante fait valoir que l’idée d’une STC non fondée sur un indice n’a fait son apparition qu’à la fin de l’année 2006, en raison de l’enquête de la Commission, que c’est en raison de l’insistance des transporteurs que le DAC a déclaré, à l’occasion de la réunion qui se serait tenue le 29 septembre 2006, admettre le dépôt de demandes individuelles pour une STC d’un montant fixe et que cette pratique n’aurait été véritablement admise qu’au début de l’année 2007.
447 À cet égard, il convient de rappeler qu’une annexe à la requête ne peut être prise en considération que dans la mesure où elle étaye ou complète des arguments expressément invoqués par la partie requérante dans le corps de la requête et où il est possible pour le Tribunal de déterminer avec précision quels sont les éléments que l’annexe contient qui étayent ou complètent lesdits arguments (voir point 297 ci-dessus).
448 Or, au soutien de ses allégations, la requérante, dans la réplique, se borne à renvoyer à l’annexe C.1 de la réplique, dont le Tribunal a jugé au point 304 ci-dessus qu’elle était irrecevable pour autant qu’il y était renvoyé au soutien de la troisième branche du troisième moyen. Il y a lieu de constater que, dans le cadre de la présente branche, la requérante n’a pas indiqué en quoi cette annexe permettrait d’étayer ses allégations relatives à l’impossibilité d’introduire devant le DAC des demandes individuelles pour une STC d’un montant fixe ni précisé quels étaient les éléments de ladite annexe, comportant dix pages, qui sont censés étayer ou compléter ces allégations. L’annexe en question ne peut donc être prise en considération dans le cadre de l’examen de la présente branche, ainsi que la Commission l’a fait valoir à l’audience.
449 La requérante ne produisant aucune autre preuve au soutien des allégations en cause, celles-ci doivent, par conséquent, être rejetées.
450 Quatrièmement, s’agissant des arguments de la requérante relatifs à la réunion avec le DAC qui se serait tenue le 29 septembre 2006, il y a également lieu de relever que la circonstance que le dépôt de demandes individuelles relatives à la STC, bien qu’il soit autorisé, apparaisse comme étant, selon les allégations de la requérante, « beaucoup moins pratique » et aboutisse à « des déficits ou excédents de recouvrement et, inévitablement, à des plaintes de la part des transitaires et expéditeurs », ne correspond pas à une obligation formelle de déposer des demandes collectives. Ces mêmes allégations, uniquement étayées par la requérante au moyen des déclarations figurant à l’avis juridique selon lesquelles « les demandes individuelles auraient été très lourdes et impraticables sur le plan commercial, non seulement pour les [transporteurs] mais pour le DAC, dès lors que la surtaxe en résultant ne pourrait suivre avec précision les fluctuations des prix du carburant », ne sauraient être assimilées à des indices objectifs et concordants démontrant qu’un comportement a été unilatéralement imposé à un opérateur par les autorités nationales par l’exercice de pressions irrésistibles, telles que la menace de l’adoption de mesures étatiques susceptibles de lui faire subir des pertes importantes, au sens de la jurisprudence citée au point 392 ci-dessus.
451 Il résulte de ce qui précède que la requérante n’a pas démontré que le cadre règlementaire de Hong Kong l’obligeait à discuter de ses tarifs avec d’autres transporteurs et aurait rendu impossible l’introduction d’une demande individuelle auprès du DAC pour une STC d’un montant fixe. Elle n’établit donc pas que c’est à tort que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que la réglementation de Hong Kong ne faisait pas obstacle à l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.
iii) Sur les arguments tirés de l’inapplicabilité du moyen de défense tiré de la contrainte étatique dans les pays tiers et d’une violation des principes de courtoisie internationale » et de non-ingérence
452 Premièrement, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur en retenant que le moyen de défense tiré de la contrainte étatique s’appliquait également à la réglementation des pays tiers, alors que les autorités publiques dans ces pays ne sont pas soumises au respect du droit de l’Union. Elle fait également grief à la Commission de n’avoir pas tenu compte du fait que les transporteurs ne jouissaient d’aucune véritable autonomie commerciale dans le cadre règlementaire de Hong Kong.
453 Deuxièmement, la requérante soutient que la décision attaquée viole les principes de courtoisie internationale et de non-ingérence. Tout d’abord, alors qu’il ressortirait de la lettre du DAC du 3 septembre 2009 que la coordination tarifaire était exigée par cette autorité, la Commission aurait occulté cet élément et considéré que les transporteurs devaient refuser de respecter cette exigence au risque de voir leurs licences révoquées. En outre, à la suite de la réception de ladite lettre, émanant d’un organe d’un gouvernement étranger souverain visant à l’informer de l’existence du régime réglementaire en vigueur, elle aurait dû solliciter le DAC afin d’obtenir des clarifications.
454 Par ailleurs, la requérante soutient que la Commission serait tenue de respecter toutes les exigences imposées aux entreprises par les autorités d’un pays tiers et que c’est à tort qu’elle aurait distingué les obligations résultant de la loi de celles résultant de la pratique administrative d’une autorité.
455 Enfin, la Commission aurait eu connaissance de la pratique du DAC. Il ressortirait ainsi de deux lettres, datées du 27 novembre et du 23 décembre 2003, qu’elle serait intervenue auprès du DAC au nom de plusieurs transporteurs européens, aux fins de l’approbation d’une STS d’un montant d’un dollar à Hong Kong, ou de l’inapplication de cette surtaxe, et qu’elle se serait alors heurtée aux réticences du DAC puis aurait déploré un « changement d’attitude surprenant » de celui-ci. Elle aurait ainsi essayé d’influencer la procédure d’approbation des tarifs par le DAC, ce qui serait difficilement compatible avec la position selon laquelle le régime règlementaire de Hong Kong n’aurait pas de conséquences sur le constat d’une infraction.
456 La Commission conteste les arguments des requérantes.
457 Aucun des arguments de la requérante ne saurait prospérer.
458 En premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le moyen de défense tiré de la contrainte étatique ne devrait pas s’appliquer à la réglementation des pays tiers, il convient de relever qu’il est contredit par la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T 191/98 et T 212/98 à T 214/98, EU:T:2003:245, point 1131).
459 La circonstance que les autorités des pays tiers, comme celles de Hong Kong, ne soient pas soumises au respect du droit de l’Union n’est pas susceptible de remettre en cause cette solution. En effet, il ressort de la jurisprudence citée aux points 391 à 393 ci-dessus que le moyen de défense tiré de la contrainte étatique trouve sa justification non dans le principe de coopération loyale, d’effet direct ou de primauté du droit de l’Union, mais dans l’absence d’autonomie des entreprises concernées dans le choix de leur politique commerciale, qui justifie l’inapplication de l’article 101 TFUE.
460 S’il est vrai que, à la différence des pays tiers, les États membres sont tenus de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures susceptibles d’éliminer l’effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises (arrêt du 9 septembre 2003, CIF, C 198/01, EU:C:2003:430, point 45), il n’en reste pas moins que, dans le cadre de l’examen de l’applicabilité de l’article 101 TFUE aux comportements des entreprises qui se conforment à une législation d’un État membre, l’évaluation préalable de cette législation ne porte que sur la question de savoir si elle laisse subsister la possibilité d’une concurrence susceptible d’être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes de leur part, de telle sorte que sa compatibilité avec les règles de concurrence du traité ne saurait être considérée comme déterminante (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 1997, Commission et France/Ladbroke Racing, C 359/95 P et C 379/95 P, EU:C:1997:531, points 31 et 35).
461 En l’espèce, tout d’abord, il convient de constater que l’argumentation de la requérante procède de la prémisse selon laquelle, d’une part, il ressort du courrier du DAC du 3 septembre 2009 que toutes les demandes relatives à la STC devaient être déposées collectivement et, d’autre part, il serait établi que le cadre règlementaire de Hong Kong exigeait des transporteurs qu’ils se coordonnent sur les tarifs.
462 Cependant, cette prémisse est erronée, que la Commission ait ou non dû tenir compte du courrier du DAC du 3 septembre 2009 alors qu’il est postérieur à la période infractionnelle. D’une part, il a été relevé aux points 434 et 435 ci-dessus que ce courrier n’indiquait pas que toutes les demandes relative à la STC devaient être présentées collectivement, mais que les demandes relatives à la STC fondées sur un indice devaient satisfaire à cette condition, ce qui a été admis par la Commission au considérant 992 de la décision attaquée. D’autre part, ainsi que cela ressort des points 416 à 451 ci-dessus, la requérante reste en défaut d’établir que le DAC exigeait la coordination tarifaire entre transporteurs, de sorte qu’elle ne peut soutenir utilement que la Commission l’a obligée à ne pas respecter une obligation de coordination au risque de voir sa licence révoquée.
463 Ensuite, la requérante se borne à faire référence à la courtoisie internationale en mentionnant certaines obligations générales qui en auraient été déduites par des juridictions des États-Unis d’Amérique, et à viser le principe de non-ingérence en soutenant qu’il n’a pas à ce jour été invoqué pour s’opposer au constat d’une infraction car les juridictions de l’Union n’auraient pas constaté de conflits de loi, sans indiquer pourquoi ces principes imposeraient à une institution de l’Union de prendre attache d’une autorité étrangère dans une situation telle que celle de l’espèce. La requérante n’explique ni en quoi ces principes seraient violés du fait que la Commission n’aurait pas pris contact avec le DAC à la suite de l’envoi du courrier du DAC du 3 septembre 2009 ni, a fortiori, en quoi cette violation alléguée pourrait emporter l’annulation en tout ou partie de la décision attaquée.
464 L’application de l’article 101 TFUE à des comportements d’entreprises intervenus et mis en œuvre dans des pays tiers se justifie au regard du droit international public, dès lors qu’il est prévisible que lesdits comportements produisent des effets immédiats et substantiels dans l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2018, Viscas/Commission, T 422/14, non publié, EU:T:2018:446, point 101 et jurisprudence citée).
465 En revanche, aucun principe de droit international public n’oblige la Commission, dès lors que les entreprises en cause ont produit un commencement de preuve d’une contrainte étatique, à prendre attache avec les autorités du pays tiers concerné pour obtenir des compléments d’information. Lorsqu’un tel commencement de preuve est apporté, il appartient simplement à la Commission, conformément à la jurisprudence citée au point 394 ci-dessus, de recourir à d’autres éléments de preuve. Le principe qui prévaut alors en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves et le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité, conformément à la jurisprudence citée au point 412 ci-dessus.
466 Pour autant que la requérante soutienne que la Commission a refusé de reconnaître que les autorités de Hong Kong tenaient leurs compétences du pouvoir souverain de la République populaire de Chine, ou fait application de l’article 101 TFUE en ignorant l’existence du cadre règlementaire en vigueur à Hong Kong, une telle argumentation ne saurait prospérer. Il y a lieu d’observer que la Commission a reconnu l’existence du cadre règlementaire de Hong Kong puisque, au regard des preuves soumises par les transporteurs, elle a examiné, aux considérants 976 à 993 de la décision attaquée, s’il imposait une coordination sur les tarifs. En outre, cet examen a été effectué en vertu de la jurisprudence citée aux points 391 à 393 ci-dessus, au titre de laquelle il n’existe pas, en principe, de risque de conflit entre les règles du droit de l’Union et celles du pays tiers concerné, puisqu’elle justifie l’inapplication de l’article 101 TFUE dès lors que des comportements anticoncurrentiels d’opérateurs économiques sont rendus obligatoires par les régimes réglementaires des pays tiers.
467 Enfin, c’est à tort que la requérante soutient que la Commission a effectué une distinction entre les obligations prévues par la loi d’un pays tiers et celles imposées par la pratique administrative d’une autorité étrangère. En effet, il ressort des considérants 974 et 975 de la décision attaquée que la Commission, en réponse aux arguments des transporteurs relatifs aux régimes réglementaires dans les pays tiers, a estimé nécessaire d’apprécier non seulement les ASA et les dispositions légales pertinentes, mais aussi la pratique administrative dans les pays tiers. À ce titre, elle a notamment examiné, aux considérants 987 à 989 de ladite décision, la pratique du DAC lors de l’appréciation du régime réglementaire de Hong Kong, avant de conclure, au considérant 992 de cette décision, qu’il ne ressortait pas de celle-ci que la coordination tarifaire était obligatoire. Ainsi, elle a mis sur le même plan les obligations prévues par la loi et celles découlant d’une pratique administrative.
468 En second lieu, la circonstance que, dans le courant de l’année 2003, certains services de la Commission, saisis par plusieurs transporteurs européens, aient pu préparer ou envoyer une lettre au DAC afin de déplorer certaines pratiques de ce dernier relatives à la STS ne saurait justifier l’annulation de la décision attaquée.
469 Tout d’abord, la Commission soutient, sans être contredite par la requérante, qu’un des deux documents versés au dossier constitue un projet de lettre de la délégation de la Commission à Hong Kong datant du 27 novembre 2003 qui est restée à l’état de projet et n’a jamais été envoyée telle quelle au DAC.
470 Ensuite, ainsi que le fait valoir la Commission, tant au considérant 988, sous e), de la décision attaquée que devant le Tribunal, aucun desdits documents ne constitue une décision prise en application de l’article 101 TFUE approuvant une entente tarifaire entre transporteurs.
471 Enfin, dans les deux documents versés au dossier, il n’est fait nulle part mention d’une pratique règlementaire du DAC selon laquelle les transporteurs étaient tenus de se concerter au sujet des tarifs avant l’approbation de ceux-ci. Tout au plus ressort-il du projet de lettre du 27 novembre 2003 que certains services de la Commission auraient pu envisager de demander au DAC qu’il approuve une STS d’un montant de 1 dollar de Hong Kong (HKD) jusqu’à nouvel ordre pour tous les transporteurs exploitant des lignes depuis et vers Hong Kong. Lesdits documents ne démontrent donc pas que la Commission avait connaissance d’une procédure en vigueur à Hong Kong imposant que les demandes d’approbation des surtaxes soient faites collectivement.
472 Il s’ensuit que les arguments de la requérante pris de l’inapplicabilité du moyen de défense tiré de la contrainte étatique dans les pays tiers et d’une violation des principes de courtoisie internationale et de non-ingérence doivent être rejetés.
473 Partant, les arguments de la requérante tiré d’erreurs relatives à l’appréciation du régime réglementaire de Hong Kong doivent être rejetés dans leur ensemble.
2) Japon
474 La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur dans l’appréciation de l’existence d’une contrainte étatique au Japon. Elle soutient que les ASA conclus par le Japon produisaient un effet direct dans l’ordre juridique japonais, que, au titre de la loi japonaise, les transporteurs devaient déposer des demandes d’agrément de leurs tarifs auprès du Bureau japonais de l’aviation civile (BJAC) et que l’agrément ne serait délivré par le ministre de l’Aménagement du territoire, des infrastructures, des transports et du tourisme (MILT), dont relève le BJAC, que si les tarifs étaient conformes à l’ASA pertinent pour la liaison considérée. Or, l’ASA conclu entre la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine et le Japon contiendrait une clause exigeant que les transporteurs désignés sur une liaison quelconque s’entendent sur les tarifs.
475 La requérante fait valoir que la Commission n’a pas démontré que le MILT aurait méconnu la loi japonaise en mettant en place ce système d’agrément, que, en tout état de cause, celui-ci avait choisi ce système et qu’il ne saurait être imposé aux entreprises une obligation de contester en justice les actes des autorités souveraines d’un pays tiers.
476 La Commission conteste cette argumentation.
477 Les considérants 995 à 1012 de la décision attaquée portent, d’une part, sur les ASA conclus par le Japon et, d’autre part, sur le régime réglementaire japonais. Aux termes de ces considérants, la Commission a estimé qu’aucune exigence de discuter des tarifs n’avait été imposée aux transporteurs au Japon.
478 En premier lieu, s’agissant des ASA conclus par le Japon, la décision attaquée, en son considérant 995, reproduit le libellé d’une clause figurant dans l’accord conclu avec le Royaume des Pays-Bas, qui se retrouve dans d’autres accords, et qui prévoit ce qui suit :
« Dans la mesure du possible, les compagnies aériennes désignées atteindront un accord sur les tarifs par l’application du mécanisme de tarification de l’IATA. Si ceci n’est pas possible, les tarifs pour chacune des liaisons spécifiées seront convenus par les compagnies aériennes désignées ».
479 Après avoir relevé, au considérant 996 de la décision attaquée, que, selon un transporteur, les ASA exigeaient des accords sur les prix plutôt qu’ils ne les autorisaient, la Commission a souligné, au considérant 997 de ladite décision, que l’accord conclu avec le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord avait été modifié en 2000 par un protocole d’accord prévoyant que les transporteurs désignés ne devaient pas se consulter sur les tarifs préalablement à une demande d’approbation. Selon les considérants 1005 à 1008 de cette décision, quand bien même il ressortirait des ASA que, sous réserve de certaines conditions, les transporteurs doivent se mettre d’accord sur les tarifs, de telles discussions seraient strictement limitées aux transporteurs désignés sur des liaisons déterminées et ne concerneraient en aucun cas des discussions générales entre transporteurs multiples. Enfin, en pratique, les parties aux ASA ne revendiqueraient pas l’application de ces accords, de sorte que les obligations découleraient plutôt des dispositions légales et administratives nationales en vigueur au Japon, ce qui serait renforcé par le fait que les parties invoquent que la coordination était requise pour la STC, mais pas pour la STS.
480 En second lieu, s’agissant de la règlementation et de la pratique administrative japonaises, la Commission a mentionné, aux considérants 998 à 1004 de la décision attaquée, certaines dispositions de la loi japonaise sur l’aviation civile ainsi que des déclarations de transporteurs concernant les directives du BJAC. Aux considérants 1009 à 1011 de ladite décision, elle a retenu, d’une part, qu’il ne ressortait pas expressément de cette loi que la coordination tarifaire était obligatoire et, d’autre part, que les transporteurs incriminés n’avaient apporté aucun élément de preuve établissant qu’une telle obligation avait été imposée par la pratique administrative du BJAC.
481 L’argumentation de la requérante n’est pas de nature à démontrer que ces appréciations sont entachées d’illégalité.
482 En effet, en premier lieu, même à supposer que les ASA soient directement applicables dans l’ordre juridique japonais et que leurs clauses tarifaires exigent de façon inconditionnelle une coordination tarifaire entre transporteurs, il ressort de la clause tarifaire de l’ASA conclu entre la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine et le Japon reproduite dans la requête que la portée de cette obligation est limitée aux transporteurs désignés sur des liaisons déterminées, ainsi que l’a retenu la Commission au considérant 1007 de la décision attaquée.
483 Or, cette clause limitant strictement les discussions tarifaires aux transporteurs désignés sur des liaisons déterminées, elle ne saurait en aucun cas justifier des discussions générales entre transporteurs multiples du type de celles constitutives de l’infraction unique et continue.
484 En second lieu, selon la requérante, la procédure d’agrément instituée par le MILT, d’une part, était applicable à toutes les liaisons au départ du Japon afin de répondre aux exigences posées « par l’ASA » et, d’autre part, « prévoyait le dépôt préalable de demandes par les compagnies japonaises désireuses d’obtenir l’agrément, les autres compagnies étant ensuite tenues d’introduire leurs propres demandes en vue d’obtenir le même agrément ».
485 Or, d’une part, la circonstance que les transporteurs non japonais étaient tenus d’introduire leurs propres demandes en vue d’obtenir « le même agrément » que celui déjà demandé par les transporteurs japonais, à supposer qu’elle soit établie, n’implique pas qu’ils étaient formellement contraints de se concerter avec les transporteurs japonais ou soumis à des pressions étatiques irrésistibles en ce sens. L’argumentation de la requérante tend plutôt à établir que, en pratique, les transporteurs non japonais alignaient leurs tarifs sur ceux des transporteurs japonais préalablement approuvés.
486 D’autre part, et en tout état de cause, la requérante ne produit aucun élément de preuve au soutien de ses allégations relatives à la procédure d’agrément des tarifs, ni dans la requête, ni dans la réplique, ni même en réponse à une question posée par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure.
487 Les arguments de la requérante tiré d’erreurs relatives à l’appréciation du régime réglementaire japonais doivent donc être rejetés.
3) Autres pays tiers
488 La requérante, premièrement, fait valoir que les contacts survenus entre les transporteurs en Inde et à Singapour étaient imposés par les régimes réglementaires locaux et que la Commission n’était pas fondée à les invoquer, en renvoyant à ses arguments relatifs aux régimes réglementaires de Hong Kong et du Japon tirés de l’absence d’objet anticoncurrentiel de son comportement, de l’inapplicabilité du moyen de défense tiré de la contrainte étatique dans les pays tiers et de la violation des principes de courtoisie internationale et de non-ingérence.
489 Deuxièmement, la Commission n’aurait procédé à aucun examen adéquat des régimes règlementaires dans les pays tiers en cause. Notamment, elle n’aurait pas cherché à obtenir un avis juridique émanant d’experts et se serait bornée à procéder à des recherches incomplètes ou à se fonder sur sa propre perception des règles locales. Ainsi, la République de Singapour et l’Inde ne seraient abordés, respectivement, qu’aux considérants 1016 et 1010 de la décision attaquée. S’agissant en particulier de l’Inde, la Commission aurait écarté l’avis juridique d’un expert en droit indien produit par la requérante durant la procédure administrative. La Commission aurait dû entendre les gouvernements de ces pays tiers, a fortiori dans la mesure où l’article 101 TFUE n’a pas d’effet direct dans ces pays, avant de rejeter les arguments des transporteurs.
490 Au considérant 1014 de la décision attaquée, la Commission a constaté que les clauses tarifaires des ASA conclus par l’Inde prévoyaient que les tarifs seraient, si possible, convenus entre les transporteurs désignés concernés pour chacune des liaisons spécifiées et que ceux-ci devaient être approuvés par les autorités indiennes compétentes. Il ressort du considérant 1016 que les ASA conclus par la République de Singapour contiennent, en général, une clause selon laquelle les tarifs seront, si possible, convenus entre les transporteurs désignés concernés pour chacune des liaisons spécifiées.
491 Au considérant 1019 de la décision attaquée, la Commission a estimé que, « [s]uivant le raisonnement […] en ce qui concerne Hong Kong et le Japon », le moyen de défense tiré de la contrainte étatique n’était pas étayé dans le cas de l’Inde et de Singapour.
492 Au même considérant, la Commission a précisé que cette analogie était valable au motif, premièrement, que les dispositions tarifaires prévues dans les ASA applicables en Inde et à Singapour étaient limitées aux transporteurs désignés sur des liaisons déterminées et ne s’étendaient pas à des discussions tarifaires générales entre opérateurs multiples, assurant des services vers des destinations nationales multiples et, deuxièmement, qu’il n’avait pas été démontré que les dispositions légales et administratives nationales applicables exigeaient la coordination tarifaire.
493 Aucun des arguments des requérantes ne démontre que ces appréciations sont entachées d’erreurs.
494 En premier lieu, pour soutenir que la Commission a commis des erreurs lors de l’examen des régimes règlementaires indien et singapourien, la requérante ne peut se borner à renvoyer à ses premier et deuxième griefs relatifs au régimes réglementaires de Hong Kong et du Japon. En effet, il ressort des points 398 à 487 ci-dessus que les griefs relatifs auxdits régimes réglementaires doivent être rejetés. Par conséquent, l’argumentation consistant à étendre le raisonnement développé dans le cadre de ces griefs aux autres territoires faisant l’objet d’une réglementation particulière doit être également rejetée.
495 En deuxième lieu, s’agissant des arguments de la requérante selon lesquels la Commission a procédé à un examen inadéquat des régimes règlementaires indien et singapourien, car elle se serait bornée à procéder à des recherches incomplètes ou à se fonder sur sa propre perception des règles locales, il convient de rappeler d’emblée que, conformément à la jurisprudence citée au point 394 ci-dessus, la charge de la preuve d’une contrainte étatique pèse sur les transporteurs.
496 En ce qui concerne l’Inde, la requérante se borne, d’une part, à soutenir que la Commission n’aurait pas tenu compte de l’avis juridique d’un expert en droit indien qu’elle aurait joint à sa réponse à la communication des griefs et, d’autre part, à produire, en annexe, ledit avis, sans présenter d’arguments plus précis dans ses écritures. Dès lors, le Tribunal n’est en mesure ni de comprendre en quoi l’analyse du régime réglementaire indien effectuée par la Commission serait erronée, ni de déterminer avec précision quels sont les éléments de ladite annexe qui étayeraient l’argumentation de la requérante (voir point 297 ci-dessus). S’agissant de Singapour, la requérante se limite à déplorer que la Commission ne consacre que le considérant 1016 de la décision attaquée à l’examen du régime en vigueur dans ce pays tiers, sans expliquer les éléments qui auraient pu être omis ou appréciés de façon erronée par la Commission et, partant, sans mettre le Tribunal en mesure de constater une quelconque erreur.
497 En troisième lieu, pour les motifs exposés aux points 412 et 463 ci-dessus, les arguments faisant grief à la Commission de ne pas avoir cherché à obtenir l’avis juridique d’experts ou de ne pas avoir consulté les autorités compétentes des pays tiers ne sont pas fondés. L’allégation, non autrement étayée, selon laquelle il ressortirait d’une décision antérieure de la Commission que cette institution avait consulté les autorités grecques au sujet de certains éléments factuels à l’occasion d’une procédure antérieure faisant application de l’article 101 TFUE n’a aucune incidence à cet égard. En effet, il ne saurait aucunement en être déduit que la Commission était tenue de consulter les autorités d’un pays tiers.
498 Il résulte de tout ce qui précède que le présent grief, qui étend l’argumentation développée dans le cadre des premier et deuxième griefs à d’autres pays tiers doit être rejeté, de même que la deuxième branche du cinquième moyen dans son ensemble.
c) Sur la troisième branche, prise d’une violation du principe d’égalité de traitement
499 La requérante soutient que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement, au regard du traitement dont aurait bénéficié un autre transporteur. Selon elle, l’abandon des griefs retenus contre ce transporteur résulte de l’existence d’une contrainte étatique à Dubaï (Émirats arabes unis), et ce alors que cette réglementation présenterait les mêmes caractéristiques que la réglementation de Hong Kong.
500 La requérante ajoute que les griefs ont également été abandonnés à l’encontre de certains transporteurs au titre des réglementations nationales indiennes et japonaises visées dans le présent moyen. Ainsi, la décision attaquée ne serait pas adressée aux transporteurs nationaux indiens et, pour le Japon, elle serait adressée seulement à Japan Airlines, mais pas à deux autres transporteurs.
501 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
502 Il convient d’emblée de relever que, même à supposer que la Commission ait commis une illégalité en ne retenant pas la responsabilité d’autres transporteurs, une telle illégalité, dont le Tribunal n’est pas saisi dans le cadre du présent recours, ne saurait en aucun cas l’amener à constater une discrimination et, partant, une illégalité à l’égard de la requérante, dès lors qu’il résulte de la jurisprudence que le principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect de la légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêt du 17 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission, C 634/13 P, EU:C:2015:614, point 55).
503 Au surplus, s’agissant de Dubaï, il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement, qui constitue un principe général du droit de l’Union, consacré par l’article 20 de la Charte, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C 580/12 P, EU:C:2014:2363, point 51 et jurisprudence citée).
504 La violation du principe d’égalité de traitement du fait d’un traitement différencié présuppose ainsi que les situations visées soient comparables eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause (voir arrêt du 20 mai 2015, Timab Industries et CFPR/Commission, T 456/10, EU:T:2015:296, point 202 et jurisprudence citée).
505 En l’espèce, il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante repose sur la prémisse selon laquelle « les déclarations et la pratique » de l’autorité administrative compétente à Dubaï seraient semblables à celles du DAC de Hong Kong de sorte que, dans les territoires concernés, les transporteurs seraient dans une situation similaire, à savoir qu’ils étaient tenus de discuter des surtaxes avant de demander leur approbation.
506 Or, cette prémisse est erronée.
507 Il est vrai que, devant le Tribunal, la Commission a indiqué que les contacts entre transporteurs à Dubaï n’avaient pas été retenus dans la décision attaquée au motif qu’elle avait été destinataire d’une lettre de l’autorité de l’aviation civile de Dubaï (DCAA) dont il ressortait que cette dernière prescrivait aux transporteurs de se coordonner sur les tarifs.
508 Il n’en reste pas moins que, ainsi que cela ressort des points 416 à 451 ci-dessus, la requérante reste en défaut d’établir que les transporteurs étaient soumis à une exigence de coordination tarifaire à Hong Kong.
509 Dès lors, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la situation des transporteurs à Hong Kong était comparable à celle des transporteurs soumis au régime réglementaire de Dubaï en ce qu’ils seraient, dans les territoires concernés, soumis à l’obligation de se coordonner s’agissant des tarifs.
510 Partant, la troisième branche du cinquième moyen doit être rejetée.
511 Il résulte de tout ce qui précède que le cinquième moyen doit être rejeté dans son ensemble.
8. Sur le septième moyen, tiré d’erreurs dans le calcul du montant de l’amende
512 Le présent moyen, par lequel la requérante reproche à la Commission d’avoir commis plusieurs erreurs dans le calcul du montant de l’amende, s’articule en trois branches, concernant, la première, la détermination de la valeur des ventes, la deuxième, la détermination du coefficient de gravité et, la troisième, les circonstances atténuantes à prendre en considération.
a) Sur la première branche, concernant la détermination de la valeur des ventes
513 La requérante soutient que, en ce qui concerne la détermination de la valeur des ventes, la Commission a violé les lignes directrices de 2006 ainsi que les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement. Elle développe des arguments, relatifs, d’une part, à la prise en compte du chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons entrantes et, d’autre part, à la prise en compte de l’entier prix des services de fret plutôt qu’aux seuls revenus liés aux surtaxes collectées.
514 Le Tribunal estime qu’il est opportun d’examiner les arguments de la requérante relatifs à la prise en compte de l’entier prix des services de fret plutôt qu’aux seuls revenus liés aux surtaxes avant ceux relatifs à la prise en compte du chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons entrantes.
1) Sur les arguments relatifs à la prise en compte de l’entier prix des services de fret
515 La requérante estime que la Commission ne pouvait pas inclure dans la valeur des ventes le prix entier des services de fret, dès lors que l’infraction unique et continue ne portait que sur une composante du prix distincte, identifiée et comptabilisée séparément, à savoir les surtaxes. Elle ajoute que la Commission ne produit pas d’éléments de preuve ni d’analyse pour rejeter son argument selon lequel un effet de vases communicants empêcherait la coordination des surtaxes d’avoir un impact sur le prix global des services de fret. Au stade de la réplique, la requérante ajoute qu’il serait contradictoire d’inclure dans la valeur des ventes les revenus liés aux tarifs, les griefs retenus à titre provisoire à cet égard dans la communication des griefs ayant été abandonnés. Elle invoque aussi la pratique décisionnelle de la Commission et indique que le montant de l’amende aurait été le même si l’infraction unique et continue avait porté sur le prix entier des services de fret.
516 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
517 Il convient d’examiner, dans un premier temps, le grief pris de la violation des lignes directrices de 2006, dans un deuxième temps, celui pris de la violation du principe de proportionnalité et, dans un troisième temps, celui pris de la violation du principe d’égalité de traitement.
i) Sur le premier grief, déduit d’une violation des lignes directrices de 2006
518 À titre liminaire, il importe de souligner que, dans la requête, la requérante n’identifie pas les dispositions des lignes directrices de 2006 que la Commission a, selon elle, violées en incluant dans la valeur des ventes l’entier prix des services de fret. Il peut, néanmoins, être déduit de son argumentation qu’elle entend se prévaloir d’une violation du paragraphe 13 de ces lignes directrices.
519 Il y a lieu de rappeler que la notion de valeur des ventes, au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, reflète le prix hors taxes facturé au client pour le bien ou service qui a fait l’objet de l’infraction en cause (voir, en ce sens, arrêts du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T 127/04, EU:T:2009:142, point 91, et du 18 juin 2013, ICF/Commission, T 406/08, EU:T:2013:322, point 176 et jurisprudence citée). Eu égard à l’objectif poursuivi par ledit paragraphe, repris au paragraphe 6 des mêmes lignes directrices, qui consiste à retenir comme point de départ pour le calcul du montant de l’amende infligée à une entreprise un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids relatif de cette entreprise dans celle-ci, la notion de valeur des ventes doit ainsi être comprise comme visant les ventes réalisées sur le marché concerné par l’infraction (voir arrêt du 1er février 2018, Kühne + Nagel International e.a./Commission, C 261/16 P, non publié, EU:C:2018:56, point 65 et jurisprudence citée).
520 La Commission peut donc utiliser pour déterminer la valeur des ventes le prix total que l’entreprise a facturé à ses clients sur le marché de biens ou de services concerné, sans qu’il soit nécessaire de distinguer ou de déduire les différents éléments de ce prix selon qu’ils ont ou non fait l’objet d’une coordination (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2018, Kühne + Nagel International e.a./Commission, C 261/16 P, non publié, EU:C:2018:56, points 66 et 67).
521 Or, comme le relève en substance la Commission, la STC et la STS ne sont pas des biens ou des services distincts pouvant faire l’objet d’une infraction aux articles 101 ou 102 TFUE. Au contraire, ainsi qu’il ressort des considérants 17, 108 et 1187 de la décision attaquée, la STC et la STS ne sont que deux éléments du prix des services en cause.
522 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 ne s’opposait pas à ce que la Commission tienne compte de l’entier montant des ventes liées aux services en cause, sans le diviser en ses éléments constitutifs.
523 Au surplus, il convient d’observer que l’approche préconisée par la requérante revient à considérer que les éléments du prix qui n’ont pas spécifiquement fait l’objet d’une coordination entre les transporteurs incriminés doivent être exclus de la valeur des ventes.
524 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il n’existe aucune raison valable d’exclure de la valeur des ventes les intrants dont le coût échappe au contrôle des parties à l’infraction alléguée (voir, en ce sens, arrêt du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T 127/04, EU:T:2009:142, point 91). Contrairement à ce que soutient la requérante, il en va de même des éléments de prix qui, tels les tarifs, n’ont pas spécifiquement fait l’objet d’une coordination, mais font partie intégrante du prix de vente du produit ou service en cause (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T 25/95, T 26/95, T 30/95 à T 32/95, T 34/95 à T 39/95, T 42/95 à T 46/95, T 48/95, T 50/95 à T 65/95, T 68/95 à T 71/95, T 87/95, T 88/95, T 103/95 et T 104/95, EU:T:2000:77, point 5030).
525 En juger autrement aurait pour conséquence d’imposer à la Commission de ne pas prendre en compte le chiffre d’affaires brut dans certains cas, mais de le prendre en considération dans d’autres cas, en fonction d’un seuil qui serait difficile à appliquer et ouvrirait la porte à des litiges sans fin et insolubles, y compris à des allégations de discrimination (arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C 272/09 P, EU:C:2011:810, point 53).
526 C’est donc sans se contredire ni violer le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 que la Commission a conclu, au considérant 1190 de la décision attaquée, qu’il convenait de tenir compte de l’entier montant des ventes liées aux services de fret, sans qu’il soit besoin de le diviser en ses éléments constitutifs.
527 Le présent grief doit donc être rejeté.
ii) Sur le deuxième grief, déduit d’une violation du principe de proportionnalité
528 Il importe de rappeler que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but légitime poursuivi (arrêts du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C 331/88, EU:C:1990:391, point 13, et du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T 30/05, non publié, EU:T:2007:267, point 223).
529 Dans le cadre des procédures engagées par la Commission pour sanctionner les infractions aux règles de concurrence, l’application du principe de proportionnalité exige que les amendes ne soient pas démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est-à-dire par rapport au respect de ces règles, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence soit proportionné à celle-ci, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de sa gravité et de sa durée [voir arrêt du 29 février 2016, Panalpina World Transport (Holding) e.a./Commission, T 270/12, non publié, EU:T:2016:109, point 103 et jurisprudence citée].
530 Dans le cadre de l’appréciation de la gravité d’une infraction aux règles de concurrence, la Commission doit tenir compte d’un grand nombre d’éléments dont le caractère et l’importance varient selon le type de l’infraction et ses circonstances particulières. Parmi ces éléments peuvent, selon les cas, figurer le volume et la valeur des marchandises qui ont fait l’objet de l’infraction ainsi que la taille et la puissance économique de l’entreprise et, partant, l’influence que celle-ci a pu exercer sur le marché (arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C 534/07 P, EU:C:2009:505, point 96).
531 Selon la jurisprudence, la partie du chiffre d’affaires global provenant de la vente des produits ou des services qui font l’objet de l’infraction est la mieux à même de refléter l’importance économique de cette infraction [arrêt du 29 février 2016, Panalpina World Transport (Holding) e.a./Commission, T 270/12, non publié, EU:T:2016:109, point 106].
532 La valeur des ventes présente aussi l’avantage de constituer un critère objectif facile à appliquer. Elle rend ainsi l’action de la Commission plus prévisible pour les entreprises et leur permet, dans un objectif de dissuasion générale, d’évaluer l’importance du montant d’une amende à laquelle elles s’exposent lorsqu’elles décident de participer à une entente illicite [voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2016, Panalpina World Transport (Holding) e.a./Commission, T 270/12, non publié, EU:T:2016:109, point 159].
533 Le paragraphe 6 des lignes directrices de 2006 reprend ces principes de la manière suivante :
« […] la combinaison de la valeur des ventes en relation avec l’infraction et de la durée est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction. La référence à ces indicateurs donne une bonne indication de l’ordre de grandeur de l’amende et ne devrait pas être comprise comme la base d’une méthode de calcul automatique et arithmétique. »
534 Or, au considérant 1190 de la décision attaquée, la Commission a précisément conclu qu’il convenait de tenir compte du chiffre d’affaires global provenant de la vente de services de fret plutôt que des seuls éléments de leur prix qui ont spécifiquement fait l’objet d’une coordination entre les transporteurs incriminés, à savoir les surtaxes.
535 Contrairement à ce que soutient la requérante, la seule circonstance que les surtaxes ne représentaient qu’un pourcentage limité de ses recettes totales liées à la vente de services de fret et que l’exclusion de la valeur des ventes des autres composantes de leur prix aurait abouti à une amende substantiellement plus faible n’est pas de nature à démontrer que cette approche était disproportionnée au regard de l’importance économique de l’infraction unique et continue.
536 En effet, le fait même qu’une entreprise effectue des ventes à des prix dont seul un ou plusieurs éléments ont été fixés ou ont fait l’objet d’échanges illicites d’informations entraîne une distorsion de concurrence affectant l’ensemble du marché pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C 227/14 P, EU:C:2015:258, point 62).
537 Quant à l’incidence de l’infraction unique et continue sur le prix global des services de fret, il y a lieu de rappeler que la détermination de la valeur des ventes ne tient pas compte de critères tels que l’incidence concrète de l’infraction sur le marché ou le dommage causé (voir, en ce sens, arrêts du 29 février 2016, UTi Worldwide e.a./Commission, T 264/12, non publié, EU:T:2016:112, point 259, et du 12 juillet 2018, Viscas/Commission, T 422/14, non publié, EU:T:2018:446, point 193).
538 Ce n’est qu’au stade distinct et ultérieur de la détermination du coefficient de gravité, qui fait l’objet de la seconde branche du présent moyen, que la Commission peut, le cas échéant, prendre en considération un critère de cette nature [voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2016, Panalpina World Transport (Holding) e.a./Commission, T 270/12, non publié, EU:T:2016:109, point 94].
539 Il s’ensuit que l’approche suivie au considérant 1190 de la décision attaquée, consistant à tenir compte du chiffre d’affaires global provenant de la vente de services de fret, est apte à contribuer à la réalisation du premier objectif visé au paragraphe 6 des lignes directrices de 2006, consistant à refléter adéquatement l’importance économique de l’infraction unique et continue. Par ailleurs, la requérante ne démontre pas que cette approche était inapte à contribuer à la réalisation du second objectif visé audit paragraphe, consistant à refléter adéquatement le poids relatif de chaque transporteur incriminé.
540 La requérante ne saurait pas non plus soutenir que la Commission l’a sanctionnée comme si l’entente litigieuse avait également porté sur les tarifs. En effet, selon la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006, la nature de l’infraction est prise en compte à un stade ultérieur du calcul de l’amende, lors de la détermination du coefficient de gravité, qui, en application du paragraphe 20 de ces lignes directrices, est apprécié au cas par cas pour chaque type d’infraction, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce (arrêt du 29 février 2016, Schenker/Commission, T 265/12, EU:T:2016:111, points 296 et 297).
541 Enfin, s’agissant des arguments tirés de décisions antérieures de la Commission, il suffit de rappeler que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans le règlement no 1/2003 et dans les lignes directrices de 2006 (voir arrêt du 9 septembre 2011, Alliance One International/Commission, T 25/06, EU:T:2011:442, point 242 et jurisprudence citée), et qu’il n’est, en tout état de cause, pas démontré que les données circonstancielles relatives aux affaires ayant donné lieu à ces décisions, telles que les marchés, les produits, les pays, les entreprises et les périodes concernés, étaient comparables à celles de l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T 360/09, EU:T:2012:332, point 262 et jurisprudence citée).
542 C’est donc sans violer le principe de proportionnalité que la Commission a conclu, au considérant 1190 de la décision attaquée, qu’il convenait de tenir compte de l’entier montant des ventes liées aux services de fret, sans qu’il soit besoin de le diviser en ses éléments constitutifs.
iii) Sur le grief pris de la violation du principe d’égalité de traitement
543 Il suffit d’observer que la requérante n’a aucunement expliqué en quoi la prise en compte de l’entier prix des services de fret aurait amené la Commission à traiter de manière différente des transporteurs incriminés qui se trouvaient dans une situation comparable ou à traiter de manière égale de transporteurs incriminés qui se trouvaient dans une situation différente.
544 Il s’ensuit que le présent grief ne peut qu’être rejeté, de même que les arguments relatifs à la prise en compte de l’entier prix des services de fret dans leur ensemble.
2) Sur les arguments relatifs à la prise en compte du chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons entrantes
545 La requérante estime, en substance, que la Commission a appliqué un critère exempt de toute « pertinence concurrentielle », tenant au lieu de livraison, pour inclure dans la valeur des ventes le chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons entrantes. Selon elle, la Commission aurait dû se fonder sur le lieu d’établissement du client, voire sur le lieu de facturation, ce qui aurait abouti à exclure ce chiffre d’affaires de la valeur des ventes.
546 La requérante fait également valoir que la Commission aurait dû exclure de la valeur des ventes le chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons entrantes plutôt que d’accorder aux transporteurs incriminés la réduction générale de 50 %. Cette dernière serait arbitraire, ne permettrait pas d’ajuster correctement le montant de base de l’amende, aurait une incidence manifestement inéquitable sur la requérante en tant que transporteur établi en dehors de l’Union et favoriserait excessivement certains transporteurs européens.
547 La requérante ajoute que, dans la mesure où la Commission n’est pas compétente pour constater et sanctionner une violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes, elle aurait dû exclure de la valeur des ventes le chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons entrantes.
548 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
549 À cet égard, il convient de rappeler que le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 subordonne l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant des biens ou des services de l’entreprise concernée à la condition que les ventes en cause aient été « réalisées […] en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE ».
550 Le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 ne fait ainsi état ni de « ventes négociées » ni de « ventes facturées » à l’intérieur de l’EEE, mais se réfère uniquement aux « ventes réalisées » dans l’EEE. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, ledit paragraphe ne s’oppose pas à ce que la Commission retienne les ventes effectuées auprès de clients établis à l’extérieur de l’EEE, pas plus qu’il n’impose de tenir compte des ventes négociées ou facturées dans l’EEE. Autrement, il suffirait à une entreprise participant à une infraction de faire en sorte qu’elle négocie ses ventes avec les filiales de ses clients situées à l’extérieur de l’EEE ou les leur facture pour obtenir que ces ventes ne soient pas prises en considération pour le calcul du montant d’une éventuelle amende, laquelle serait, dès lors, beaucoup moins significative [voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2017, Samsung SDI et Samsung SDI (Malaysia)/Commission, C 615/15 P, non publié, EU:C:2017:190, point 55].
551 Contrairement à ce que soutient encore la requérante, la Commission n’est pas non plus tenue, aux fins de l’application du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, d’opter pour les critères qui ont pu être jugés pertinents en matière de contrôle de concentrations, et notamment ceux identifiés dans la communication consolidée sur la compétence. Cette dernière a, en effet, pour objectif de fournir des orientations concernant les questions de compétence qui se posent dans le contexte du contrôle d’opérations de concentration. Elle ne lie donc pas la Commission quant à la méthode à adopter pour le calcul du montant des amendes dans les affaires d’entente, laquelle repose sur des finalités propres (arrêt du 29 février 2016, Kühne + Nagel International e.a./Commission, T 254/12, non publié, EU:T:2016:113, point 252 ; voir également, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Samsung SDI e.a./Commission, T 84/13, non publié, EU:T:2015:611, point 206).
552 Quant à l’interprétation de la notion de « ventes réalisées […] à l’intérieur du territoire de l’EEE » que la requérante entend tirer notamment de la décision de la Commission dans l’affaire COMP/39.406 – Tuyaux marins, il suffit de rappeler que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans le règlement no 1/2003 et dans les lignes directrices de 2006 et qu’il n’est, en tout état de cause, pas démontré que les données circonstancielles relatives à l’affaire ayant donné lieu à cette décision étaient comparables à celles de l’espèce.
553 Ladite notion doit s’interpréter à la lumière de l’objectif du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006. Cet objectif est, comme il ressort des points 519 et 531 à 533 ci-dessus, de retenir comme point de départ pour le calcul des amendes un montant qui reflète notamment l’importance économique de l’infraction sur le marché concerné, le chiffre d’affaires réalisé sur les produits ou les services faisant l’objet de l’infraction constituant un élément objectif qui donne une juste mesure de sa nocivité pour le jeu normal de la concurrence (voir arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T 208/13, EU:T:2016:368, point 236 et jurisprudence citée).
554 Il appartient ainsi à la Commission, aux fins de déterminer si des ventes ont été « réalisées […] à l’intérieur du territoire de l’EEE », au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, d’opter pour un critère qui soit le reflet de la réalité du marché, c’est-à-dire qui soit le plus à même de cerner les conséquences de l’entente sur la concurrence dans l’EEE.
555 Aux considérants 1186 et 1197 de la décision attaquée, la Commission a indiqué avoir tenu compte, pour calculer la valeur des ventes, du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret sur les liaisons intra-EEE, les liaisons Union-pays tiers, les liaisons Union-Suisse et les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Ainsi qu’il ressort du considérant 1194 de cette décision, les ventes liées aux liaisons Union-pays tiers et EEE sauf Union-pays tiers comprenaient à la fois les ventes de services de fret sur les liaisons sortantes et celles de services de fret entrants.
556 Au même considérant, pour justifier l’inclusion du chiffre d’affaires provenant de la vente de ces services dans la valeur des ventes, la Commission a renvoyé à la nécessité de tenir compte de leurs « particularités ». Elle a ainsi notamment observé que l’infraction unique et continue se rapportait à ces services et que les « arrangements anticoncurrentiels [étaie]nt susceptibles d’avoir un impact négatif sur le marché intérieur en ce qui [les] concern[ait] ».
557 Or, comme il ressort des points 96 à 170 ci-dessus et contrairement à ce que soutient la requérante, il était prévisible que l’infraction unique et continue, y compris en tant qu’elle portait sur les liaisons entrantes, aurait des effets substantiels et immédiats dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE et était ainsi susceptible de nuire au jeu normal de la concurrence à l’intérieur du territoire de l’EEE. Aux considérants 1194 et 1241 de la décision attaquée, la Commission a néanmoins reconnu qu’une partie du « préjudice » afférent au comportement litigieux sur les liaisons EEE-pays tiers était susceptible de se matérialiser à l’extérieur de l’EEE. Elle a également souligné qu’une partie de ces services était prestée à l’extérieur de l’EEE. Elle s’est, en conséquence, appuyée sur le paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 et a, pour les liaisons EEE-pays tiers, accordé aux transporteurs incriminés une réduction de 50 % du montant de base de l’amende.
558 Contrairement à ce que soutiennent la requérante, cette réduction n’est pas entachée d’illégalité. Ainsi qu’il ressort du considérant 1241 et de la note en bas de page no 1536 de la décision attaquée, la Commission a appliqué ladite réduction au titre du paragraphe 37 des lignes directrices de 2006, lequel l’habilite à s’écarter de la méthodologie générale exposée dans les mêmes lignes directrices lorsque les particularités d’une affaire donnée ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particulière le justifient.
559 Les raisons pour lesquelles la Commission a décidé de s’écarter ainsi de la méthodologie générale exposée dans les lignes directrices de 2006, qu’elle avait suivie lors des précédentes étapes du calcul du montant de base de l’amende, figurent aux considérants 1194 et 1241 de la décision attaquée. Il s’agit de deux critères objectifs, dont la requérante n’a d’ailleurs pas utilement contesté la validité, à savoir, d’une part, les lieux de prestation physique des services de fret sur les liaisons EEE-pays tiers et, d’autre part, les lieux de matérialisation du préjudice résultant de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concernait ces liaisons.
560 Dans ces conditions, la Commission pouvait procéder à une adaptation exceptionnelle du montant de base en considérant que les deux critères retenus justifiaient une réduction telle que celle octroyée. L’argument tiré du caractère arbitraire de la réduction générale de 50 % ne saurait donc être retenu.
561 L’argument de la requérante selon lequel elle a réalisé un chiffre d’affaires plus important sur les liaisons entrantes que sur les liaisons sortantes est dépourvu de pertinence à cet égard. En effet, d’une part, cet argument, qui se rapporte exclusivement à la situation individuelle de la requérante, n’est pas de nature à démontrer le caractère erroné des deux critères retenus aux considérants 1194 et 1241 de la décision attaquée, lesquels se rapportent plus généralement aux services de fret entrants et sortants et au préjudice causé par l’infraction unique et continue en lien avec ces derniers. D’autre part et en tout état de cause, ledit argument suppose que la réduction générale de 50 % procède de la prémisse que le chiffre d’affaires pertinent se répartissait également entre liaisons entrantes et liaisons sortantes, ce qui ne ressort pas de la décision attaquée.
562 Pour autant que la requérante fasse valoir que la Commission aurait néanmoins dû ajuster le pourcentage de cette réduction en fonction de la répartition du chiffre d’affaires de chacun des transporteurs incriminés, il convient de rappeler qu’il ne saurait, lors de la détermination du montant de l’amende, être opéré par l’application de méthodes de calcul différentes une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, par analogie, arrêt du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission et Commission/Alliance One International e.a, C 628/10 P et C 14/11 P, EU:C:2012:479, point 58 et jurisprudence citée).
563 Appliquer une méthode de calcul différenciée aux transporteurs incriminés selon la répartition de leur chiffre d’affaires entre liaisons entrantes et liaisons sortantes reviendrait au demeurant à avantager certains d’entre eux sur la base d’un critère qui est sans pertinence au regard de la gravité et de la durée de l’infraction (voir, par analogie, arrêt du 7 septembre 2016, Pilkington Group e.a./Commission, C 101/15 P, EU:C:2016:631, point 66 et jurisprudence citée).
564 Par ailleurs, pour autant que la requérante se prévaut d’une inégalité de traitement par rapport aux transporteurs incriminés qui auraient réalisé un chiffre d’affaires plus important sur les liaisons sortantes que sur les liaisons entrantes, il y a lieu de rappeler que c’est à la requérante qu’il incombe d’identifier avec précision les situations comparables dont elle estime qu’elles ont été traitées de manière différente ou les situations différentes dont elle estime qu’elles ont été traitées de manière identique [voir, en ce sens, arrêt du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T 31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 311].
565 Or, en l’espèce, la requérante est restée en défaut d’identifier de telles situations, se contentant de renvoyer sans autre explication à « certains transporteurs européens » et aux « transporteurs qui réalisent la majorité de leurs ventes sur des liaisons sortantes ».
566 Il s’ensuit que la Commission pouvait utiliser 50 % du chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons EEE-pays tiers, en tant qu’élément objectif donnant une juste mesure de la nocivité de la participation de la requérante à l’entente litigieuse sur le jeu normal de la concurrence, pourvu qu’il fût le résultat des ventes présentant un lien avec l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T 91/11, EU:T:2014:92, point 47).
567 Or, un tel lien existe en l’espèce s’agissant des liaisons entrantes, dès lors que, comme il ressort des considérants 1194 et 1241 de la décision attaquée et comme le soutient la Commission dans ses écritures, les services de fret entrants sont en partie fournis à l’intérieur de l’EEE. En effet, comme il a été indiqué au point 130 ci-dessus, lesdits services visent précisément à permettre l’acheminement de marchandises de pays tiers vers l’EEE. Ainsi que le relève à juste titre la Commission, une partie de leur prestation « physique » s’effectue par définition dans l’EEE, où a lieu une partie du transport de ces marchandises et où atterrit l’avion-cargo.
568 Dans ces conditions, la Commission était fondée à considérer que les ventes de services de fret entrants avaient été réalisées au sein de l’EEE au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006.
569 Il y a donc lieu de rejeter le présent grief et de conclure que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a inclus dans la valeur des ventes 50 % du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants.
570 Quant à la violation alléguée du principe de proportionnalité, il convient de relever que, comme il ressort du point 566 ci-dessus, exclure de la valeur des ventes la totalité du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ferait obstacle à ce que la Commission inflige à la requérante une amende qui soit une juste mesure de la nocivité de sa participation à l’entente litigieuse sur le jeu normal de la concurrence. La requérante reste d’ailleurs en défaut d’expliquer pourquoi l’inclusion dans la valeur des ventes de 50 % du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants était inapte aux objectifs légitimes poursuivis, consistant à refléter adéquatement l’importance économique de l’infraction unique et continue et le poids relatif de chaque transporteur incriminé, ou dépassait ce qui était approprié et nécessaire pour les atteindre.
571 Il s’ensuit que les arguments relatifs à la prise en compte du chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons entrantes doivent être rejetés, de même que la présente branche dans son ensemble.
b) Sur la deuxième branche, concernant la détermination du coefficient de gravité
572 La requérante soutient que, en ce qui concerne la détermination du coefficient de gravité, la Commission a violé les lignes directrices de 2006 ainsi que les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement en omettant, premièrement, de tenir compte de l’absence de connaissance de sa part de la totalité de l’infraction unique et continue, deuxièmement, de prendre en compte l’impact particulièrement limité du comportement litigieux sur le marché de l’EEE et, troisièmement, d’appliquer un coefficient de gravité différencié en fonction de la gravité relative de la participation des différentes transporteurs incriminés, en particulier entre le « noyau dur » et les autres transporteurs incriminés.
573 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
574 Selon l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, pour déterminer le montant de l’amende, il convient notamment de prendre en considération la gravité de l’infraction.
575 Les paragraphes 19 à 23 des lignes directrices de 2006 prévoient ce qui suit :
« 19. Le montant de base de l’amende sera lié à une proportion de la valeur des ventes, déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction.
20. L’appréciation de la gravité sera faite au cas par cas pour chaque type d’infraction, tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce.
21. En règle générale, la proportion de la valeur des ventes prise en compte sera fixée à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 %.
22. Afin de décider si la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération dans un cas donné devrait être au bas ou au haut de cette échelle, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction, et la mise en œuvre ou non de l’infraction.
23. Les accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production, qui sont généralement secrets, comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves. Au titre de la politique de la concurrence, ils doivent être sévèrement sanctionnés. Par conséquent, la proportion des ventes prise en compte pour de telles infractions sera généralement retenue en haut de l’échelle. »
576 Selon la jurisprudence, un accord horizontal par lequel les entreprises concernées s’entendent non sur le prix total, mais sur un élément de celui-ci, constitue un accord horizontal de fixation de prix, au sens du paragraphe 23 des lignes directrices de 2006, et compte, dès lors, parmi les restrictions de concurrence les plus graves (voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2016, UTi Worldwide e.a./Commission, T 264/12, non publié, EU:T:2016:112, points 277 et 278).
577 Il s’ensuit que, comme l’a rappelé la Commission au considérant 1208 de la décision attaquée, un tel accord mérite généralement un coefficient de gravité situé en haut de l’échelle de 0 à 30 % visée au paragraphe 21 des lignes directrices de 2006.
578 Selon la jurisprudence, un coefficient de gravité sensiblement plus faible que la limite supérieure de cette échelle est très favorable à une entreprise qui est partie à un tel accord (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C 444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 125) et peut même se justifier au regard de la seule nature de l’infraction (voir arrêt du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission, C 98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 103 et jurisprudence citée).
579 Or, au considérant 1199 de la décision attaquée, la Commission a précisément estimé que les « accords et/ou pratiques concertées auxquels la […] décision [attaquée] se rapporte concern[ai]ent la fixation de divers éléments de prix ».
580 C’est donc à juste titre que la Commission a, aux considérants 1199, 1200 et 1208 de la décision attaquée, qualifié le comportement litigieux d’accord ou de pratique horizontale en matière de prix, quand bien même il n’aurait « pas couvert le prix entier pour les services en question ».
581 La Commission était dès lors fondée à conclure, au considérant 1208 de la décision attaquée, que les accords et pratiques litigieux comptaient parmi les restrictions à la concurrence les plus graves et méritaient donc un coefficient de gravité « en haut de l’échelle ».
582 Le coefficient de gravité de 16 % que la Commission a retenu au considérant 1212 de la décision attaquée, sensiblement plus faible que la limite supérieure de l’échelle visée au paragraphe 21 des lignes directrices de 2006, pourrait donc se justifier au regard de la seule nature de l’infraction unique et continue.
583 Il y a, cependant, lieu d’observer que, comme il ressort des considérants 1209 à 1212 de la décision attaquée, la Commission ne s’est pas fondée sur la seule nature de l’infraction unique et continue pour fixer à 16 % le coefficient de gravité. La Commission s’est ainsi référée dans cette décision aux parts de marché cumulées des transporteurs incriminés au niveau mondial et sur les liaisons intra-EEE et EEE-pays tiers (considérant 1209), à la portée géographique de l’entente litigieuse (considérant 1210) et à la mise en œuvre des accords et pratiques litigieux (considérant 1211).
584 Toutefois, la requérante ne conteste pas, dans le cadre de la présente branche, le bien-fondé de ces facteurs aux fins de la fixation du coefficient de gravité.
585 Dans ces conditions, la requérante ne saurait soutenir qu’un coefficient de gravité de 16 % fût illégal.
586 Aucun des arguments de la requérante ne saurait remettre en cause cette conclusion.
587 En premier lieu, s’agissant de l’impact prétendument limité de l’infraction unique et continue sur le marché de l’EEE, il y a lieu de rappeler que les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3) prévoyaient que l’évaluation du caractère de gravité de l’infraction devait prendre en considération, notamment, son impact concret sur le marché lorsqu’il était mesurable.
588 Toutefois, cette exigence ne figure plus dans les lignes directrices de 2006, qui sont applicables en l’espèce. Ces lignes directrices n’imposent donc pas à la Commission de prendre en considération l’impact concret sur le marché de l’infraction afin de déterminer la proportion de la valeur des ventes retenue au titre de la gravité conformément aux paragraphes 19 à 24 desdites lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T 655/11, EU:T:2015:383, point 539).
589 La jurisprudence ne le lui impose pas davantage, à tout le moins s’agissant d’une restriction de concurrence « par objet ».
590 En effet, comme il a été indiqué au point 530 ci-dessus, la gravité d’une infraction aux règles de concurrence doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments. Parmi ceux-ci figurent, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C 137/95 P, EU:C:1996:130, point 54, et arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C 189/02 P, C 202/02 P, C 205/02 P à C 208/02 P et C 213/02 P, EU:C:2005:408, point 241).
591 Les effets sur le marché peuvent, certes, être pris en considération parmi ces éléments, mais ils ne revêtent une importance essentielle qu’en présence d’accords, de décisions ou de pratiques concertées qui n’ont pas directement pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, et qui ne sont donc susceptibles de tomber dans le champ d’application de l’article 101 TFUE que par suite de leurs effets concrets (arrêt du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission, T 691/14, sous pourvoi, EU:T:2018:922, point 1809).
592 Autrement, la Commission se verrait, au stade du calcul du montant de l’amende, imposer une obligation à laquelle, selon une jurisprudence constante, elle n’est pas tenue aux fins de l’application de l’article 101 TFUE dès lors que l’infraction en cause a un objet anticoncurrentiel (voir arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C 534/07 P, EU:C:2009:505, point 64 et jurisprudence citée).
593 Or, au considérant 903 de la décision attaquée, la Commission a qualifié le comportement litigieux de restriction de concurrence par objet. Elle n’était donc pas tenue de prendre en considération l’impact concret de l’infraction unique et continue sur le marché.
594 Il n’en demeure pas moins que, si la Commission estime opportun, aux fins du calcul du montant de l’amende, de tenir compte de l’impact concret de l’infraction sur le marché, elle ne peut se limiter à s’appuyer sur une simple présomption, mais doit apporter des indices concrets, crédibles et suffisants permettant d’apprécier l’influence effective que l’infraction a pu avoir au regard de la concurrence sur ledit marché (arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C 534/07 P, EU:C:2009:505, point 82).
595 De même, si la Commission n’est pas tenue, en vue de fixer les amendes, d’établir que l’infraction en cause a procuré un avantage illicite aux entreprises concernées, ni de prendre en considération, le cas échéant, l’absence d’un tel avantage, l’appréciation du profit illicite engendré par l’infraction peut être pertinente si la Commission se fonde précisément sur ce dernier en vue de fixer le coefficient de gravité (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T 25/95, T 26/95, T 30/95 à T 32/95, T 34/95 à T 39/95, T 42/95 à T 46/95, T 48/95, T 50/95 à T 65/95, T 68/95 à T 71/95, T 87/95, T 88/95, T 103/95 et T 104/95, EU:T:2000:77, points 4881 et 4882).
596 Au considérant 1199 de la décision attaquée, au titre de la fixation du coefficient de gravité, la Commission a retenu que les accords et pratiques litigieux avaient « profité aux [transporteurs incriminés], au détriment [des] clients et en finalité du grand public ». Or, elle n’a pas invoqué le moindre élément de preuve à l’appui de ce constat.
597 Il convient, cependant, d’observer que le constat en cause n’est pas un motif autonome sur lequel la Commission s’est appuyée pour apprécier la gravité de l’infraction unique et continue, mais une considération parmi d’autres dont elle a tenu compte aux fins de l’appréciation de la nature de cette infraction aux considérants 1199 à 1208 de la décision attaquée. Or, cette considération ne constitue pas le fondement nécessaire de la conclusion selon laquelle ladite infraction tendait à la fixation d’éléments du prix des services de fret et était, dès lors, de nature à justifier un coefficient de gravité situé à la limite inférieure du « haut de l’échelle » visé au paragraphe 23 des lignes directrices de 2006 pour les restrictions de concurrence les plus graves. Dès lors, le présent argument n’est pas de nature à remettre en cause l’appréciation de la nature de l’infraction en question figurant dans la décision attaquée. Par conséquent, la requérante n’ayant pas démontré que le coefficient de gravité n’était pas justifié au regard des autres facteurs pris en compte dans cette décision (voir points 583 et 584 ci-dessus), il y a lieu de rejeter cet argument.
598 En second lieu, s’agissant du caractère prétendument limité de l’implication de la requérante dans l’infraction unique et continue, il convient de rappeler que figurent, parmi les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité des infractions, le comportement de chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d’elles dans l’établissement de l’entente, le profit qu’elles ont pu tirer de celle-ci, leur taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent pour les objectifs de l’Union (voir arrêt du 26 janvier 2017, Roca Sanitario/Commission, C 636/13 P, EU:C:2017:56, point 49 et jurisprudence citée).
599 Il convient, cependant, de rappeler que la prise en compte d’éventuelles différences entre le comportement des diverses entreprises ayant participé à une même infraction ne doit pas nécessairement intervenir lors de la fixation des coefficients de gravité, mais peut intervenir à un autre stade du calcul de l’amende, tel que lors de l’ajustement du montant de base en fonction de circonstances atténuantes et aggravantes, au titre des paragraphes 28 et 29 des lignes directrices de 2006 (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Roca/Commission, C 638/13 P, EU:C:2017:53, point 67 et jurisprudence citée).
600 Or, dans le cadre de la détermination du coefficient de gravité, au considérant 1208 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle apprécierait le « fait que certains transporteurs aient pu jouer un rôle mineur […] comme une éventuelle circonstance atténuante ». C’est ainsi qu’elle a estimé, aux considérants 1258 et 1259 de ladite décision, que la participation de certains transporteurs incriminés à l’infraction unique et continue avait revêtu un caractère limité et leur a, en conséquence, accordé une réduction du montant de base de l’amende de 10 % au titre des circonstances atténuantes. La requérante ne comptait pas parmi ces transporteurs.
601 Il s’ensuit que la Commission n’a pas commis d’erreur en ne tenant pas compte du degré d’implication prétendument limité de la requérante dans l’infraction unique et continue aussi au stade de la fixation du coefficient de gravité.
602 Quant à la violation alléguée du principe d’égalité de traitement, il suffit d’observer que la requérante n’a aucunement expliqué en quoi la prise en compte du degré de sa participation à l’infraction unique et continue au titre des circonstances atténuantes plutôt qu’au titre du coefficient de gravité aurait amené la Commission à traiter de manière différente des transporteurs incriminés qui se trouvaient dans une situation comparable à la sienne ou à traiter de la même manière des transporteurs incriminés qui se trouvaient dans une situation différente de la sienne.
603 La présente branche ne peut donc qu’être rejetée.
c) Sur la troisième branche, concernant les circonstances atténuantes à prendre en considération
604 La requérante fait valoir que, en ce qui concerne les circonstances atténuantes à prendre en considération, la Commission a commis plusieurs erreurs. Elle invoque à l’appui de son argumentation deux griefs, relatifs, le premier, à l’insuffisance de la réduction générale de 15 % et, le second, en substance, au caractère limité de sa participation à l’infraction unique et continue.
1) Sur le premier grief, relatif à l’insuffisance de la réduction générale de 15 %
605 La requérante fait valoir que, quand bien même le Tribunal rejetterait l’argument selon lequel les transporteurs étaient tenus de déposer des demandes collectives d’agrément des tarifs à Hong Kong, il y aurait lieu de considérer que le régime réglementaire local constituait, à tout le moins, un encouragement très significatif à adopter un comportement anticoncurrentiel. Visant les lignes directrices de 2006, elle soutient que, en tant qu’entreprise établie à Hong Kong, et investie d’un rôle dans la procédure d’agrément des surtaxes, elle n’a eu aucune raison de penser que son comportement était susceptible de violer l’article 101 TFUE. Elle estime que ces considérations valent également en ce qui concerne son comportement dans d’autres pays tiers où les surtaxes étaient règlementées. Compte tenu de ces arguments, ainsi que du fait que la Commission aurait accordé des réductions de 40 % ou de 60 % dans des décisions antérieures en raison de l’existence d’un cadre règlementaire, une réduction de 15 % serait inadéquate.
606 La Commission conteste cette argumentation.
607 À cet égard, il convient de rappeler que le paragraphe 27 des lignes directrices de 2006 prévoit que, dans la détermination du montant de l’amende, la Commission peut prendre en compte des circonstances qui mènent à une augmentation ou à une réduction du montant de base, sur le fondement d’une appréciation globale tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes.
608 Le paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 dispose que le montant de base de l’amende peut être réduit lorsque la Commission constate l’existence de circonstances atténuantes. Ce paragraphe énonce, à titre indicatif et non limitatif, cinq types de circonstances atténuantes susceptibles d’être prises en considération, dont l’autorisation ou l’encouragement du comportement anticoncurrentiel en cause par les autorités publiques ou la réglementation.
609 Au considérant 1263 de la décision attaquée, la Commission a constaté qu’aucun régime réglementaire n’avait obligé les transporteurs incriminés à se concerter sur leurs tarifs. Toutefois, elle a estimé, aux considérants 1264 et 1265 de ladite décision, que certains régimes réglementaires avaient pu inciter les transporteurs incriminés à adopter un comportement anticoncurrentiel et leur a, en conséquence, accordé la réduction générale de 15 %, conformément au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006.
610 L’argumentation de la requérante n’est pas susceptible de remettre en cause ces conclusions.
611 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’argumentation de la requérante visant à établir que les transporteurs étaient soumis à l’obligation de déposer des demandes collectives d’agrément des surtaxes à Hong Kong a été rejetée aux points 416 à 451 ci-dessus.
612 S’agissant de l’argumentation de la requérante relative au caractère insuffisant de la réduction de 15 %, en premier lieu, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 114 ci-dessus, le fait pour une entreprise participant à un accord ou à une pratique concertée d’être située dans un pays tiers ne fait pas obstacle à l’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, dès lors que cet accord ou cette pratique produit ses effets, respectivement, sur le territoire du marché intérieur ou au sein de l’EEE. Par conséquent, même à supposer que la requérante ait pu être investie d’un rôle particulier dans la procédure d’agrément à Hong Kong, son argument selon lequel elle n’a pas pu envisager que son comportement était susceptible de violer les dispositions susmentionnées du fait qu’elle est établie sur ce territoire tiers ne saurait prospérer. La requérante ne pouvait pas non plus ignorer que son comportement dans d’autres pays tiers était susceptible de tomber sous le coup de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE.
613 En second lieu, s’agissant des arguments tirés de décisions antérieures de la Commission, il suffit de rappeler que le seul fait que la Commission a accordé, dans sa pratique décisionnelle antérieure, un certain taux de réduction pour un comportement déterminé n’implique pas qu’elle est tenue d’accorder la même réduction lors de l’appréciation d’un comportement similaire dans le cadre d’une procédure administrative ultérieure (voir arrêt du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T 127/04, EU:T:2009:142, point 140 et jurisprudence citée). La requérante ne saurait, par conséquent, se prévaloir de la réduction du montant d’amendes accordée dans ces autres affaires.
614 Il ressort de tout ce qui précède que le grief relatif à l’insuffisance de la réduction générale de 15 % doit être rejeté.
2) Sur le second grief, relatif au caractère limité de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue
615 La requérante avance qu’il est manifestement inéquitable d’avoir refusé de considérer qu’elle opérait à la périphérie de l’entente litigieuse, à l’instar d’Air Canada, de Lan Cargo et de SAS, et de l’avoir, par suite, privée de la réduction de 10 % du montant de base qui a été octroyée à ces dernières. Premièrement, elle soutient qu’elle n’a pas fait partie du « noyau dur » des transporteurs incriminés. Deuxièmement, elle affirme que son comportement à Hong Kong et dans d’autres territoires réglementés à l’extérieur de l’EEE a été sans commune mesure avec les activités essentiellement européennes du « noyau dur » desdits transporteurs. Troisièmement, elle estime que son comportement dans ces territoires aurait, en tout état de cause, dû être considéré comme étant légal. Quatrièmement, elle fait valoir que le nombre d’éléments à charge retenus contre elle est limité.
616 La Commission conteste l’argumentation de la requérante.
617 Selon la jurisprudence, une entreprise dont la responsabilité est établie s’agissant de plusieurs branches d’une entente contribue davantage à l’efficacité et à la gravité de celle-ci qu’une contrevenante qui n’est impliquée que dans une seule d’entre elles. Partant, la première entreprise commet une infraction plus grave que la seconde (voir arrêt du 15 juillet 2015, Trafilerie Meridionali/Commission, T 422/10, EU:T:2015:512, point 103 et jurisprudence citée).
618 Aux considérants 1258 et 1259 de la décision attaquée, la Commission a considéré que Latam, Air Canada et SAS avaient eu une participation limitée dans l’infraction unique et continue, dans la mesure où ils opéraient en périphérie de l’entente litigieuse, entretenaient des contacts en nombre limité avec d’autres transporteurs et n’avaient pas participé à toutes les composantes de l’infraction. Elle leur a accordé en conséquence une réduction de 10 % du montant de base de l’amende. En revanche, comme indiqué au point 600 ci-dessus, elle n’a pas estimé qu’il y avait lieu de conclure à la participation limitée de la requérante à l’infraction unique et continue et ne lui a pas, en conséquence, octroyé de réduction du montant de base de l’amende à ce titre.
619 Ainsi qu’il ressort des considérants 881 à 883 de la décision attaquée, la référence au défaut de participation d’Air Canada, de Lan Cargo et de SAS à « tous les éléments de l’infraction » unique et continue doit s’entendre en ce sens que ces transporteurs n’ont pas directement participé à l’ensemble de ses trois composantes, mais en avaient la connaissance requise.
620 À l’inverse, la requérante a directement participé aux trois composantes de l’infraction unique et continue. Sa situation n’est, dès lors, pas comparable à celle d’Air Canada, de Lan Cargo et de SAS.
621 La requérante n’est donc pas fondée à se prévaloir d’une quelconque similitude entre sa situation et celle d’Air Canada, de Lan Cargo et de SAS.
622 La requérante n’est pas davantage fondée à prétendre que sa participation à l’infraction unique et continue était limitée.
623 Premièrement, s’agissant du l’argument tiré de la non-appartenance de la requérante à un « noyau dur » de transporteurs, il convient d’observer que la Commission n’a pas constaté l’existence de ce dernier ni n’en a défini les contours (voir points 280 et 281 ci-dessus).
624 Deuxièmement, s’agissant des différences entre le comportement de la requérante et celui d’un prétendu « noyau dur », il y a lieu de rappeler que c’est à la requérante d’avancer les circonstances de nature à justifier la reconnaissance de la circonstance atténuante sollicitée en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2011, Quinn Barlo e.a./Commission, T 208/06, EU:T:2011:701, points 231 et 239).
625 Or, en l’espèce, la requérante reste en défaut non seulement d’établir l’existence d’un prétendu « noyau dur » de transporteurs ou d’en définir les contours, mais également d’identifier et d’étayer les différences de comportement dont elle se prévaut.
626 Troisièmement, il convient d’observer que c’est à tort que la requérante soutient que son comportement à Hong Kong et dans d’autres territoires réglementés à l’extérieur de l’EEE aurait dû être considéré comme légal, ainsi qu’il ressort de l’examen du cinquième moyen (voir points 378 à 511 ci-dessus).
627 Quatrièmement, il ne ressort pas des considérants 757 à 759 de la décision attaquée, auxquels la Commission a décrit l’ensemble des contacts dont elle a tenu rigueur à la requérante, que les éléments à charge retenus contre elle étaient limités. Au contraire, il ressort de ces considérants que la requérante a entretenu de nombreux contacts bilatéraux et multilatéraux avec d’autres transporteurs tant dans l’EEE que dans des pays tiers.
628 Le présent grief doit donc être rejeté, de même que la présente branche dans son ensemble.
629 Dès lors, les trois branches du présent moyen ayant été rejetées, il convient d’écarter ce dernier dans son ensemble.
630 Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le deuxième moyen. Il convient d’annuler, en conséquence, l’article 1er, paragraphes 1, sous g), et 4, sous g), de la décision attaquée.
631 En revanche, il ne saurait être considéré que cette illégalité est de nature à emporter l’annulation de la décision attaquée dans son intégralité. En effet, bien que la Commission ait violé les règles en matière de prescription en sanctionnant la requérante pour l’infraction unique et continue s’agissant des liaisons intra-EEE et Union-Suisse, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas démontré, dans le cadre du présent recours, que la Commission avait commis une erreur en constatant qu’elle avait participé à ladite infraction.
632 Les conclusions en annulation doivent être rejetées pour le surplus.
B. Sur les conclusions tendant à la modification du montant de l’amende infligée à la requérante
633 À titre subsidiaire, la requérante invite le Tribunal à exercer sa compétence de pleine juridiction pour réduire à un montant symbolique l’amende qui lui a été infligée ou pour lui octroyer une réduction plus significative que celle qui lui a été accordée dans la décision attaquée, dans l’hypothèse où il jugerait qu’il n’y a pas lieu d’annuler la décision attaquée en ce qui la concerne.
634 À titre liminaire, il convient de constater que la requérante est restée en défaut d’identifier explicitement les griefs qu’elle entend invoquer à l’appui des présentes conclusions. Cependant, dans le paragraphe introductif du septième moyen, elle a indiqué qu’elle demandait une réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée « à titre subsidiaire ». Il s’en déduit que la requérante se prévaut, au soutien des présentes conclusions, d’arguments en substance identiques à ceux qu’elle a invoqués à l’appui du septième moyen de ses conclusions en annulation. À ces arguments s’en ajoute un qu’elle invoque dans ses réponses aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal et qui concernent les ventes réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse.
635 Les deux premiers arguments se rattachent au calcul de la valeur des ventes :
– par son premier argument, la requérante soutient qu’il ne devrait être tenu compte que de la seule valeur des surtaxes et non du prix total des services de fret ;
– par son deuxième argument, la requérante avance que son chiffre d’affaires provenant de services des fret entrants ne saurait être inclus dans la valeur des ventes.
636 Les troisième à cinquième arguments que la requérante invoque au soutien des présentes conclusions concernent le coefficient de gravité :
– par son troisième argument, la requérante avance il conviendrait de tenir compte de l’absence de connaissance de sa part de la totalité de l’infraction unique et continue ;
– par son quatrième argument, la requérante soutient qu’il convient de tenir compte de l’impact particulièrement limité du comportement litigieux sur le marché de l’EEE ;
– par son cinquième argument, la requérante fait valoir qu’il convient de tenir compte des degrés très variés d’implication des transporteurs incriminés dans l’infraction unique et continue.
637 Les sixième et septième arguments que la requérante invoque au soutien des présentes conclusions concernent les circonstances atténuantes. Elle fait ainsi valoir que le régime réglementaire à Hong Kong était de telle nature qu’il justifiait, à son bénéfice, une réduction du montant de l’amende supérieure à la réduction générale de 15 % octroyée par la Commission dans la décision attaquée. Elle soutient, en outre, qu’elle opérait en périphérie de l’entente litigieuse, à l’instar d’Air Canada, de Lan Cargo et de SAS, ce qui justifierait qu’elle bénéficie, comme ceux-ci, d’une réduction du montant de l’amende au titre de sa participation limitée à l’infraction unique et continue.
638 Enfin, par son huitième argument, invoqué en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, la requérante a soutenu qu’une réduction du montant de l’amende serait justifiée dans l’hypothèse où le Tribunal accueillerait le moyen relevé d’office.
639 La Commission conclut au rejet des conclusions de la requérante et demande que le bénéfice de la réduction générale de 50 % et de celle de 15 % lui soit retiré dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes.
640 Dans le droit de la concurrence de l’Union, le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge de l’Union, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou l’astreinte infligée (voir arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C 386/10 P, EU:C:2011:815, point 63 et jurisprudence citée).
641 Cet exercice suppose, en application de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, de prendre en considération, pour chaque entreprise sanctionnée, la gravité de l’infraction en cause ainsi que la durée de celle-ci, dans le respect des principes, notamment, de motivation, de proportionnalité, d’individualisation des sanctions et d’égalité de traitement, et sans que le juge de l’Union soit lié par les règles indicatives définies par la Commission dans ses lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C 603/13 P, EU:C:2016:38, point 90). Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction prévue à l’article 261 TFUE et à l’article 31 du règlement no 1/2003 n’équivaut pas à un contrôle d’office et que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. À l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, c’est dès lors à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de la décision litigieuse et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C 386/10 P, EU:C:2011:815, point 64).
642 Il appartient ainsi à la partie requérante d’identifier les éléments contestés de la décision attaquée, de formuler des griefs à cet égard et d’apporter des preuves, qui peuvent être constituées d’indices sérieux, tendant à démontrer que ses griefs sont fondés (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C 386/10 P, EU:C:2011:815, point 65).
643 Afin de satisfaire aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la Charte en ce qui concerne l’amende, le juge de l’Union est, quant à lui, tenu, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE, d’examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (voir arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C 434/13 P, EU:C:2014:2456, point 75 et jurisprudence citée ; arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch Austria/Commission, C 626/13 P, EU:C:2017:54, point 82).
644 Enfin, pour la détermination du montant des amendes, il appartient au juge de l’Union d’apprécier lui-même les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause (arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C 603/13 P, EU:C:2016:38, point 89) et de prendre en considération toutes les circonstances de fait (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C 534/07 P, EU:C:2009:505, point 86), en ce compris, le cas échéant, des éléments d’information complémentaires non mentionnés dans la décision de la Commission infligeant l’amende (voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C 286/98 P, EU:C:2000:630, point 57, et du 12 juillet 2011, Fuji Electric/Commission, T 132/07, EU:T:2011:344, point 209).
645 En l’espèce, il appartient au Tribunal, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, de déterminer, au regard de l’argumentation avancée par les parties à l’appui des présentes conclusions, le montant de l’amende qu’il estime le plus approprié, eu égard notamment aux constatations effectuées dans le cadre de l’examen des moyens soulevés à l’appui des conclusions en annulation et du moyen relevé d’office, et en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait pertinentes.
646 Le Tribunal estime qu’il n’est pas, afin de déterminer le montant de l’amende à infliger à la requérante, opportun de s’écarter de la méthode de calcul suivie par la Commission dans la décision attaquée et dont il n’a pas préalablement déterminé qu’elle était entachée d’illégalité, ainsi qu’il ressort de l’examen du septième moyen ci-dessus. En effet, s’il appartient au juge, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, d’apprécier lui-même les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause afin de déterminer le montant de l’amende, l’exercice d’une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes infligées, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien. Par suite, les orientations pouvant être dégagées des lignes directrices sont, en règle générale, susceptibles de guider les juridictions de l’Union lorsqu’elles exercent ladite compétence, dès lors que ces lignes directrices ont été appliquées par la Commission aux fins du calcul du montant des amendes infligées aux autres entreprises sanctionnées par la décision dont elles ont à connaître (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C 441/11 P, EU:C:2012:778, point 80 et jurisprudence citée).
647 Dans ces conditions, tout d’abord, il y a lieu d’observer que le total de la valeur des ventes réalisées par la requérante en 2005 s’élevait à 386 091 120 euros. Cette valeur n’inclut aucune recette réalisée sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse, dont le Tribunal a jugé aux points 192 à 217 ci-dessus qu’elles ne relevaient pas du périmètre de l’infraction unique et continue. Il ressort, en effet, des réponses de la requérante aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal qu’elle n’a réalisé aucun chiffre d’affaires sur ces liaisons au cours de l’année 2005.
648 La valeur des ventes retenue dans la décision attaquée n’inclut pas davantage de recettes réalisées sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse, s’agissant desquelles le Tribunal a jugé aux points 218 à 247 ci-dessus que la requérante ne pouvait être tenue pour responsable de l’infraction unique et continue. En effet, la requérante n’a réalisé aucun chiffre d’affaires sur ces liaisons pendant la période pertinente.
649 Par ailleurs, il convient d’observer que le premier argument, lequel porte en substance sur l’inclusion du prix entier des services de fret dans la valeur des ventes, renvoie à la première série d’arguments de la première branche du septième moyen invoquée à l’appui des conclusions en annulation. Or, le Tribunal a rejeté cette série aux points 515 à 544 ci-dessus et rien dans l’argumentation que la requérante a soulevée à son appui ne permet de considérer que l’inclusion dans la valeur des ventes du prix entier des services de fret était de nature à aboutir à retenir une valeur des ventes inappropriée. Au contraire, exclure de la valeur des ventes les éléments du prix des services de fret autres que les surtaxes reviendrait à minimiser artificiellement l’importance économique de l’infraction unique et continue.
650 Pour ce qui est du deuxième argument, qui porte sur l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants, il y a lieu d’observer qu’il renvoie à la seconde série d’arguments de la première branche du septième moyen invoqué à l’appui des conclusions en annulation. Or, le Tribunal a examiné et rejeté cette série aux points 545 à 571 ci-dessus et rien dans l’argumentation soulevée à son appui ne permet de considérer que l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants était de nature à aboutir à retenir une valeur des ventes inappropriée. Au contraire, comme il ressort du point 566 ci-dessus, exclure de la valeur des ventes le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ferait obstacle à ce qu’il soit infligé à la requérante une amende qui soit une juste mesure de la nocivité de sa participation à l’entente litigieuse sur le jeu normal de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T 208/13, EU:T:2016:368, point 236).
651 Ensuite, il convient de relever que, pour les motifs retenus aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, l’infraction unique et continue mérite un coefficient de gravité de 16 %.
652 Les troisième à cinquième arguments ne démontrent pas le contraire. Ces arguments renvoient, en effet, à la deuxième branche du septième moyen que la requérante a soulevée à l’appui des conclusions en annulation. Or, le Tribunal a examiné et rejeté cette branche aux points 572 à 603 ci-dessus et rien ne permet de considérer que ces arguments justifient un coefficient de gravité inférieur à 16 %.
653 S’agissant, en particulier, de l’impact prétendument limité du comportement litigieux sur le marché de l’EEE, visée par le quatrième argument, il convient d’ajouter que le montant d’une amende ne saurait être considéré comme étant inapproprié au seul motif qu’il ne reflète pas le préjudice économique ayant été ou ayant pu être causé par l’infraction alléguée (arrêt du 29 février 2016, Schenker/Commission, T 265/12, EU:T:2016:111, point 287). Cet argument ne justifie donc pas une réduction du coefficient de gravité.
654 Pour ce qui est du montant additionnel, il convient de rappeler que le paragraphe 25 des lignes directrices de 2006 prévoit que, indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura dans le montant de base une somme comprise entre 15 et 25 % de la valeur des ventes, afin de dissuader les entreprises de même participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production. Ce paragraphe précise que, en vue de décider de la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte dans un cas donné, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, en particulier ceux identifiés au paragraphe 22 des mêmes lignes directrices. Ces facteurs sont ceux dont la Commission tient compte aux fins de la fixation du coefficient de gravité et incluent la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction.
655 Le juge de l’Union en a déduit que, même si la Commission n’exposait pas de motivation spécifique en ce qui concerne la proportion de la valeur des ventes utilisée au titre du montant additionnel, le simple renvoi à l’analyse des facteurs utilisés pour apprécier la gravité suffisait à cet égard (arrêt du 15 juillet 2015, SLM et Ori Martin/Commission, T 389/10 et T 419/10, EU:T:2015:513, point 264).
656 Au considérant 1219 de la décision attaquée, la Commission a estimé que le « pourcentage à appliquer pour le montant additionnel d[evai]t être de 16 % » au vu des « circonstances spécifiques de l’affaire » et des critères retenus aux fins de déterminer le coefficient de gravité.
657 Il s’ensuit que, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, le Tribunal estime qu’un montant additionnel de 16 % est approprié.
658 Par ailleurs, il convient d’observer que, la participation de la requérante à l’infraction unique et continue ne pouvant être légalement établie s’agissant des liaisons intra-EEE et Union-Suisse, les facteurs de multiplication retenus aux considérants 1214 et 1216 de la décision attaquée ne sauraient être pris en compte aux fins du calcul du montant de l’amende.
659 Il convient, cependant, de tenir compte du fait que, en l’absence de chiffre d’affaires réalisé par la requérante sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse et compte tenu de la méthode employée par la Commission dans la décision attaquée consistant à attribuer, à chaque catégorie de liaisons concernée, une valeur des ventes spécifique calculée à partir du chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise sur cette catégorie de liaisons (voir point 52 ci-dessus), la valeur des ventes retenue, respectivement, pour les liaisons intra-EEE et pour les liaisons Union-Suisse est, s’agissant de la requérante, égale à zéro. Ainsi, le facteur de multiplication lié à la durée de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue est venu s’imputer, s’agissant des liaisons intra-EEE et Union-Suisse, sur une assiette de zéro. Partant, le fait, pour le Tribunal, en ne s’écartant pas de la méthode ainsi décrite, de s’abstenir néanmoins de tenir compte des facteurs de multiplication retenus aux considérants 1214 et 1216 de la décision attaquée n’est pas de nature à réduire le montant d’amende infligée à la requérante. Autrement dit, par la méthode que la Commission a employée pour calculer le montant d’amende infligée à la requérante, cette dernière a déjà échappé pour l’essentiel à l’imposition d’une amende au titre de sa responsabilité pour l’infraction unique et continue en tant qu’elle concerne les liaisons intra-EEE et Union-Suisse.
660 Quant aux facteurs de multiplication liés aux liaisons Union-pays tiers et EEE sauf Union-pays tiers, qui ne sont pas contestés, ils doivent demeurer fixés à 1 et 9/12 et à 8/12, respectivement.
661 Il y a donc lieu de fixer le montant de base de l’amende à 169 840 468 euros.
662 S’agissant de la réduction générale de 50 %, il ne saurait être fait droit à la demande de la Commission d’en retirer le bénéfice à la requérante. Ainsi qu’il ressort du mémoire en défense, cette demande suppose que le Tribunal juge que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes. Or, le Tribunal a refusé de le faire au point 650 ci-dessus.
663 Dès lors, le montant de base de l’amende après application de la réduction générale de 50 %, qui ne s’applique qu’au montant de base en tant qu’il concerne les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et Union-pays tiers (voir considérant 1241 de la décision attaquée), que la requérante a échoué à remettre en cause dans le cadre des conclusions en annulation et qui n’est pas inappropriée, doit être fixé, après arrondissement, à 84 000 000 euros. À cet égard, le Tribunal estime approprié d’arrondir le montant de base à la baisse aux deux premiers chiffres, excepté dans les cas où cette réduction représente plus de 2 % du montant avant arrondissement, auquel cas ce montant est arrondi aux trois premiers chiffres. Cette méthode est objective, permet à tous les transporteurs incriminés ayant introduit un recours à l’encontre de la décision attaquée de bénéficier d’une réduction et évite une inégalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T 91/11, EU:T:2014:92, point 166).
664 Enfin, pour ce qui est des ajustements du montant de base de l’amende, il convient de rappeler que la requérante a bénéficié de la réduction générale de 15 %, dont elle conteste le caractère suffisant dans le cadre du premier grief de la troisième branche du septième moyen invoqué à l’appui des conclusions en annulation ainsi que dans le cadre du sixième argument. Or, pour des motifs analogues à ceux retenus aux points 605 à 614 ci-dessus, il y a lieu de constater que rien dans l’argumentation invoquée dans ce cadre n’est de nature à démontrer le caractère inapproprié de cette réduction. À l’inverse, il ne saurait être fait droit à la demande de la Commission visant au retrait du bénéfice de cette réduction, pour des raisons analogues à celles exposées au point 662 ci-dessus.
665 Par ailleurs, dans la mesure où c’est à tort que la Commission a imputé l’infraction unique et continue en tant qu’elle concernait les liaisons intra-EEE et Union-Suisse à la requérante (voir points 218 à 247 ci-dessus), il y a lieu d’observer que cette dernière ne pouvait être tenue pour responsable de ladite infraction qu’en tant qu’elle concernait les liaisons Union-pays tiers et les liaisons EEE sauf Union-pays tiers.
666 Il s’ensuit que la participation de la requérante à l’infraction unique et continue était significativement moindre que celle de la plupart des autres transporteurs incriminés. Le Tribunal estime que le caractère limité de cette participation est de nature à justifier une réduction du montant de l’amende supérieure à celle dont ont bénéficié Air Canada, Lan Cargo et SAS au considérant 1258 de la décision attaquée, au motif qu’ils « opéraient en périphérie de l’entente [litigieuse], qu’ils entretenaient des contacts en nombre limité avec d’autres transporteurs et qu’ils n’ont pas participé à tous les éléments de l’infraction [unique et continue] ».
667 Dans ces conditions, le Tribunal considère qu’il convient d’octroyer à la requérante une réduction de 15 % du montant de l’amende au titre de sa participation limitée à l’infraction unique et continue, ce niveau de réduction tenant compte des spécificités de l’espèce rappelées au point 659 ci-dessus.
668 En revanche, le Tribunal ne considère pas que le septième argument, qui renvoie aux arguments soulevés à l’appui du second grief de la troisième branche du septième moyen, soit de nature à démontrer que la participation de la requérante à l’infraction unique et continue était suffisamment limitée pour justifier une réduction du montant de l’amende supérieure à 15 %.
669 Le Tribunal ne considère pas non plus que le huitième argument justifie l’octroi à la requérante d’une réduction supplémentaire du montant de l’amende. Cet argument suppose que le Tribunal ait fait droit au moyen relevé d’office. Or, comme il ressort des points 192 à 217 ci-dessus, le Tribunal a rejeté ce moyen dans son intégralité.
670 En outre, il convient de rappeler que la requérante a bénéficié au titre de la clémence d’une réduction de 20 %, dont elle ne conteste pas le caractère approprié.
671 Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de calculer le montant de l’amende infligée à la requérante comme suit : tout d’abord, le montant de base est déterminé en appliquant, compte tenu de la gravité de l’infraction unique et continue, un pourcentage de 16 % à la valeur des ventes réalisées par la requérante en 2005 sur les liaisons Union-pays tiers et EEE sauf Union-pays tiers, puis, au titre de la durée de l’infraction, des facteurs de multiplication de 1 et 9/12 et 8/12, respectivement, et enfin un montant additionnel de 16 %, ce qui aboutit à un montant intermédiaire de 166 655 719 euros. Après application de la réduction générale de 50 %, ce montant, arrondi, doit être fixé à 84 000 000 euros. Ensuite, après application de la réduction générale de 15 % et d’une réduction supplémentaire de 15 % au titre de la participation limitée de la requérante à l’infraction unique et continue, ce montant doit être fixé à 58 800 000 euros. Enfin, ce dernier montant doit être réduit de 20 % au titre de la clémence, ce qui aboutit à une amende d’un montant final de 47 040 000 euros.
IV. Sur les dépens
672 Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.
673 En l’espèce, la requérante a obtenu satisfaction pour une partie substantielle de ses conclusions. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la requérante supporte le tiers de ses propres dépens et que la Commission supporte ses propres dépens et les deux tiers de ceux de la requérante.
Par ces motifs, Le Tribunal (4e CHAMBRE ÉLARGIE)
déclare et arrête :
1) L’article 1er, paragraphes 1, sous g), et 4, sous g), de la décision C(2017) 1742 final de la Commission, du 17 mars 2017, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (affaire AT.39258 – Fret aérien) est annulé.
2) Le montant de l’amende infligée à Cathay Pacific Airways Ltd, à l’article 3, sous g), de ladite décision, est fixé à 47 040 000 euros.
3) Le recours est rejeté pour le surplus.
4) Cathay Pacific Airways supportera le tiers de ses propres dépens.
5) La Commission européenne supportera ses propres dépens et les deux tiers des dépens de Cathay Pacific Airways.