TUE, 4e ch. élargie, 30 mars 2022, n° T-344/17
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Latam Airlines Group SA, Lan Cargo SA
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Kanninen (rapporteur)
Juges :
M. Schwarcz, M. Iliopoulos, M. Spielmann, Mme Reine
LE TRIBUNAL (4e CHAMBRE ÉLARGIE),
I. Antécédents du litige
1 La première requérante, Latam Airlines Group SA, anciennement Lan Airlines SA, est la société mère de la seconde requérante, Lan Cargo SA. Cette dernière est active sur le marché des services de fret aérien (ci-après le « fret »).
2 Dans le secteur du fret, des compagnies aériennes assurent le transport de cargaisons par voie aérienne (ci-après les « transporteurs »). En règle générale, les transporteurs fournissent des services de fret aux transitaires, qui organisent l’acheminement de ces cargaisons au nom des expéditeurs. En contrepartie, ces transitaires s’acquittent auprès des transporteurs d’un prix qui se compose, d’une part, de tarifs calculés au kilogramme et négociés soit pour une période longue (généralement une saison, c’est-à-dire six mois), soit de façon ponctuelle, et, d’autre part, de diverses surtaxes, qui visent à couvrir certains coûts.
3 Quatre types de transporteurs se distinguent : premièrement, ceux qui exploitent exclusivement des avions tout cargo, deuxièmement, ceux qui, sur leurs vols destinés aux passagers, réservent une partie de la soute de l’avion au transport de marchandises, troisièmement, ceux qui disposent à la fois d’avions-cargos et d’un espace réservé pour le fret dans la soute d’avions de transport de passagers (compagnies aériennes mixtes) et, quatrièmement, les intégrateurs, qui disposent d’avions-cargos fournissant à la fois des services de livraison express intégrés et des services de fret généraux.
4 Aucun transporteur n’étant en mesure de desservir, dans le monde, toutes les destinations majeures de fret à des fréquences suffisantes, la conclusion d’accords entre eux pour augmenter leur couverture du réseau ou améliorer leurs horaires s’est développée, y compris dans le cadre d’alliances commerciales plus vastes entre transporteurs. Parmi ces alliances figurait notamment, à l’époque des faits, l’alliance WOW, qui réunissait Deutsche Lufthansa AG (ci-après « Lufthansa »), SAS Cargo Group A/S (ci-après « SAS Cargo »), Singapore Airlines Cargo Pte Ltd (ci-après « SAC ») et Japan Airlines International Co. Ltd (ci-après « Japan Airlines »).
A. Procédure administrative
5 Le 7 décembre 2005, la Commission des Communautés européennes a reçu, au titre de sa communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3), une demande d’immunité introduite par Lufthansa et ses filiales, Lufthansa Cargo AG et Swiss International Air Lines AG (ci-après « Swiss »). Selon cette demande, des contacts anticoncurrentiels intensifs existaient entre plusieurs transporteurs, portant, notamment, sur :
– la surtaxe carburant (ci-après la « STC »), qui aurait été introduite pour faire face au coût croissant du carburant ;
– la surtaxe sécurité (ci-après la « STS »), qui aurait été introduite pour faire face au coût de certaines mesures de sécurité imposées après les attaques terroristes du 11 septembre 2001.
6 Les 14 et 15 février 2006, la Commission a procédé à des inspections inopinées dans les locaux de plusieurs transporteurs, conformément à l’article 20 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).
7 Après les inspections, plusieurs transporteurs, dont les requérantes, ont introduit une demande au titre de la communication de 2002 mentionnée au point 5 ci-dessus.
8 Le 19 décembre 2007, après avoir envoyé plusieurs demandes de renseignements, la Commission a adressé une communication des griefs à 27 transporteurs, dont les requérantes (ci-après la « communication des griefs »). Elle a indiqué que ces transporteurs avaient enfreint l’article 101 TFUE, l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) et l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (ci-après l’« accord CE-Suisse sur le transport aérien »), en participant à une entente portant, notamment, sur la STC, la STS et un refus de paiement de commissions sur les surtaxes (ci-après le « refus de paiement de commissions »).
9 En réponse à la communication des griefs, ses destinataires ont soumis des observations écrites.
10 Une audition s’est tenue du 30 juin au 4 juillet 2008.
B. Décision du 9 novembre 2010
11 Le 9 novembre 2010, la Commission a adopté la décision C(2010) 7694 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] (affaire COMP/39258 – Fret aérien) (ci-après la « décision du 9 novembre 2010 »). Cette décision a pour destinataires 21 transporteurs (ci après les « transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 »), à savoir :
– Air Canada ;
– Air France-KLM (ci-après « AF-KLM ») ;
– Société Air France (ci-après « AF ») ;
– Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV (ci-après « KLM ») ;
– British Airways plc ;
– Cargolux Airlines International SA (ci-après « Cargolux ») ;
– Cathay Pacific Airways Ltd (ci-après « CPA ») ;
– Japan Airlines Corp. ;
– Japan Airlines ;
– La première requérante ;
– La seconde requérante ;
– Lufthansa Cargo ;
– Lufthansa ;
– Swiss ;
– Martinair Holland NV (ci-après « Martinair ») ;
– Qantas Airways Ltd (ci-après « Qantas ») ;
– SAS AB ;
– SAS Cargo ;
– Scandinavian Airlines System Denmark-Norway-Sweden (ci-après « SAS Consortium ») ;
– SAC ;
– Singapore Airlines Ltd (ci-après « SIA »).
12 Les griefs retenus provisoirement à l’égard des autres destinataires de la communication des griefs ont été abandonnés (ci-après les « transporteurs non incriminés »).
13 La décision du 9 novembre 2010 décrivait, dans ses motifs, une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, couvrant le territoire de l’EEE et de la Suisse, par laquelle les transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 auraient coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret.
14 Le dispositif de la décision du 9 novembre 2010, pour autant qu’il concernait les requérantes, se lisait comme suit :
« Article 2
Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE, pendant les périodes suivantes :
[…]
j) [Lan], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;
k) [La seconde requérante], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;
[…]
Article 5
Les amendes suivantes sont infligées pour les infractions visées aux articles 1er à 4 [de la décision du 9 novembre 2010] :
[…]
i) [Les requérantes] conjointement et solidairement : 8 220 000 EUR ;
[…]
Article 6
Les entreprises visées aux articles 1er à 4 mettent immédiatement fin aux infractions visées auxdits articles, dans la mesure où elles ne l’ont pas encore fait.
Elles s’abstiennent dorénavant de tout acte ou comportement visés aux articles 1er à 4, ainsi que de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire. »
C. Recours contre la décision du 9 novembre 2010 devant le Tribunal
15 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 janvier 2011, les requérantes ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du 9 novembre 2010, en tant qu’elle les concernait, ainsi que, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende qui leur avait été infligée. Les autres transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010, à l’exception de Qantas, ont également introduit devant le Tribunal des recours contre cette décision.
16 Par arrêts du 16 décembre 2015, Air Canada/Commission (T 9/11, non publié, EU:T:2015:994), Koninklijke Luchtvaart Maatschappij/Commission (T 28/11, non publié, EU:T:2015:995), Japan Airlines/Commission (T 36/11, non publié, EU:T:2015:992), Cathay Pacific Airways/Commission (T 38/11, non publié, EU:T:2015:985), Cargolux Airlines/Commission (T 39/11, non publié, EU:T:2015:991), Latam Airlines Group et Lan Cargo/Commission (T 40/11, non publié, EU:T:2015:986), Singapore Airlines et Singapore Airlines Cargo Pte/Commission (T 43/11, non publié, EU:T:2015:989), Deutsche Lufthansa e.a./Commission (T 46/11, non publié, EU:T:2015:987), British Airways/Commission (T 48/11, non publié, EU:T:2015:988), SAS Cargo Group e.a./Commission (T 56/11, non publié, EU:T:2015:990), Air France-KLM/Commission (T 62/11, non publié, EU:T:2015:996), Air France/Commission (T 63/11, non publié, EU:T:2015:993), et Martinair Holland/Commission (T 67/11, EU:T:2015:984), le Tribunal a annulé, en tout ou en partie, la décision du 9 novembre 2010 pour autant qu’elle visait, respectivement, Air Canada, KLM, Japan Airlines et Japan Airlines Corp., CPA, Cargolux, les requérantes, SAC et SIA, Lufthansa, Lufthansa Cargo et Swiss, British Airways, SAS Cargo, SAS Consortium et SAS, AF-KLM, AF et Martinair. Le Tribunal a estimé que cette décision était entachée d’un vice de motivation.
17 À cet égard, en premier lieu, le Tribunal a constaté que la décision du 9 novembre 2010 était entachée de contradictions entre ses motifs et son dispositif. Les motifs de cette décision décrivaient une seule infraction unique et continue, relative à toutes les liaisons couvertes par l’entente, à laquelle les transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 auraient participé. En revanche, le dispositif de ladite décision identifiait soit quatre infractions uniques et continues distinctes, soit une seule infraction unique et continue dont la responsabilité ne serait imputée qu’aux transporteurs qui, sur les liaisons visées par les articles 1er à 4 de la même décision, auraient directement participé aux comportements infractionnels visés par chacun desdits articles ou auraient eu connaissance d’une collusion sur ces liaisons, dont ils acceptaient le risque. Or, aucune de ces deux lectures du dispositif de la décision en question n’était conforme à ses motifs.
18 Le Tribunal a aussi rejeté comme étant incompatible avec les motifs de la décision du 9 novembre 2010 la lecture alternative de son dispositif proposée par la Commission, consistant à considérer que l’absence de mention de certains des transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 dans les articles 1er, 3 et 4 de cette décision pouvait s’expliquer, sans qu’il soit besoin de considérer que ces articles constataient des infractions uniques et continues distinctes, par le fait que lesdits transporteurs n’assuraient pas les liaisons couvertes par ces dispositions.
19 En deuxième lieu, le Tribunal a considéré que les motifs de la décision du 9 novembre 2010 contenaient d’importantes contradictions internes.
20 En troisième lieu, après avoir relevé qu’aucune des deux lectures possibles du dispositif de la décision du 9 novembre 2010 n’était conforme à ses motifs, le Tribunal a examiné si, dans le cadre d’au moins l’une de ces deux lectures possibles, les contradictions internes à ladite décision étaient de nature à porter atteinte aux droits de la défense des requérantes et à empêcher le Tribunal d’exercer son contrôle. S’agissant de la première lecture retenant l’existence de quatre infractions uniques et continues distinctes, premièrement, il a jugé que les requérantes n’avaient pas été en situation de comprendre dans quelle mesure les éléments de preuve exposés dans les motifs, liés à l’existence d’une infraction unique et continue, étaient susceptibles d’établir l’existence des quatre infractions distinctes constatées dans le dispositif et n’avaient donc pas davantage été en situation de pouvoir contester leur suffisance. Deuxièmement, il a jugé que les requérantes s’étaient trouvées dans l’impossibilité de comprendre la logique qui avait conduit la Commission à la considérer comme responsable d’une infraction, y compris pour des liaisons non assurées à l’intérieur du périmètre défini par chaque article de la décision du 9 novembre 2010.
D. Décision attaquée
21 Le 20 mai 2016, à la suite de l’annulation prononcée par le Tribunal, la Commission a adressé une lettre aux transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 ayant introduit un recours contre cette dernière devant le Tribunal, les informant que sa direction générale (DG) de la concurrence entendait lui proposer d’adopter une nouvelle décision concluant qu’ils avaient participé à une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien sur toutes les liaisons mentionnées dans cette décision.
22 Les destinataires de la lettre de la Commission mentionnée au point 21 ci-dessus ont été invités à faire part de leur point de vue sur la proposition de la DG de la concurrence de la Commission dans un délai d’un mois. Tous, y compris les requérantes, ont fait usage de cette possibilité.
23 Le 17 mars 2017, la Commission a adopté la décision C(2017) 1742 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] (affaire AT.39258 – Fret aérien) (ci-après la « décision attaquée »). Ladite décision a pour destinataires 19 transporteurs (ci-après les « transporteurs incriminés »), à savoir :
– Air Canada ;
– AF-KLM ;
– AF ;
– KLM ;
– British Airways ;
– Cargolux ;
– CPA ;
– Japan Airlines ;
– La première requérante ;
– La seconde requérante ;
– Lufthansa Cargo ;
– Lufthansa ;
– Swiss ;
– Martinair ;
– SAS ;
– SAS Cargo ;
– SAS Consortium ;
– SAC ;
– SIA.
24 La décision attaquée ne retient pas de griefs à l’encontre des autres destinataires de la communication des griefs.
25 La décision attaquée décrit, dans ses motifs, une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, par laquelle les transporteurs incriminés auraient coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret dans le monde entier par le biais de la STC, de la STS et du paiement d’une commission sur les surtaxes.
26 En premier lieu, au point 4.1 de la décision attaquée, la Commission a décrit les « [p]rincipes de base et [la] structure de l’entente ». Aux considérants 107 et 108 de cette décision, elle a indiqué que l’enquête avait révélé une entente d’ampleur mondiale fondée sur un réseau de contacts bilatéraux et multilatéraux entretenus sur une longue période entre les concurrents, concernant le comportement qu’ils avaient décidé, prévu ou envisagé d’adopter en rapport avec divers éléments du prix des services de fret, à savoir la STC, la STS et le refus de paiement de commissions. Elle a souligné que ce réseau de contacts avait pour objectif commun de coordonner le comportement des concurrents en matière de tarification ou de réduire l’incertitude en ce qui concerne leur politique de prix (ci-après l’« entente litigieuse »).
27 Selon le considérant 109 de la décision attaquée, l’application coordonnée de la STC avait pour but de s’assurer que les transporteurs du monde entier imposent une surtaxe forfaitaire par kilo pour tous les envois concernés. Un réseau complexe de contacts, principalement bilatéraux, entre transporteurs aurait été institué dans le but de coordonner et de surveiller l’application de la STC, la date précise d’application étant souvent, selon la Commission, décidée au niveau local, le principal transporteur local prenant généralement la direction et les autres suivant. Cette approche coordonnée aurait été étendue à la STS, tout comme au refus de paiement de commissions, si bien que ces dernières seraient devenues des revenus nets pour les transporteurs et auraient constitué une mesure d’encouragement supplémentaire pour amener ceux-ci à suivre la coordination relative aux surtaxes.
28 Selon le considérant 110 de la décision attaquée, la direction générale du siège de plusieurs transporteurs aurait été soit directement impliquée dans les contacts avec les concurrents, soit régulièrement informée de ceux-ci. Dans le cas des surtaxes, les employés responsables du siège auraient été en contact mutuel lorsqu’un changement de niveau de la surtaxe était imminent. Le refus de paiement de commissions aurait également été confirmé à plusieurs reprises lors de contacts se tenant au niveau de l’administration centrale. Des contacts fréquents auraient également eu lieu au niveau local dans le but, d’une part, de mieux exécuter les instructions données par les administrations centrales et de les adapter aux conditions de marché locales et, d’autre part, de coordonner et de mettre en œuvre les initiatives locales. Dans ce dernier cas, les sièges des transporteurs auraient généralement autorisé l’action proposée ou en auraient été informés.
29 Selon le considérant 111 de la décision attaquée, les transporteurs auraient pris contact les uns avec les autres, soit de manière bilatérale, soit en petits groupes, soit, dans certains cas, en grands forums multilatéraux. Les associations locales de représentants de transporteurs auraient été utilisées, notamment à Hong Kong et en Suisse, pour discuter de mesures d’amélioration du rendement et pour coordonner les surtaxes. Des réunions d’alliances telles que l’alliance WOW auraient également été exploitées à ces fins.
30 En deuxième lieu, aux points 4.3, 4.4 et 4.5 de la décision attaquée, la Commission a décrit les contacts concernant, respectivement, la STC, la STS et le refus de paiement de commissions (ci-après les « contacts litigieux »).
31 Ainsi, premièrement, aux considérants 118 à 120 de la décision attaquée, la Commission a résumé les contacts relatifs à la STC comme suit :
« (118) Un réseau de contacts bilatéraux, impliquant plusieurs compagnies aériennes, a été institué fin 1999-début 2000, permettant un partage d’informations sur les actions des entreprises par les participants entre tous les membres du réseau. Les transporteurs prenaient régulièrement contact les uns avec les autres afin de discuter de toute question se posant en rapport avec la STC, notamment les modifications du mécanisme, les changements du niveau de la STC, l’application cohérente du mécanisme et les situations dans lesquelles certaines compagnies aériennes ne suivaient pas le système.
(119) Pour la mise en œuvre des STC au niveau local, un système par lequel les compagnies aériennes dominantes sur certaines liaisons ou dans certains pays annonçaient en premier le changement et étaient ensuite suivies par les autres, a souvent été appliqué […]
(120) La coordination anticoncurrentielle concernant la STC se déroulait principalement dans quatre contextes : en rapport avec l’introduction des STC au début 2000, la réintroduction d’un mécanisme de STC après l’annulation du mécanisme prévu par l’[Association du transport aérien international (IATA)], l’introduction de nouveaux seuils de déclenchement (augmentant le niveau maximal de la STC) et surtout le moment où les indices de carburant approchaient le seuil auquel une augmentation ou une diminution de la STC allait être déclenchée. »
32 Deuxièmement, au considérant 579 de la décision attaquée, la Commission a résumé les contacts relatifs à la STS comme suit :
« Plusieurs [transporteurs incriminés] ont discuté, entre autres, de leurs intentions d’introduire une STS […] De plus, le montant de la surtaxe et le calendrier d’introduction ont également été discutés. Les [transporteurs incriminés] ont en outre partagé des idées sur la justification à donner à leurs clients. Des contacts ponctuels concernant la mise en œuvre de la STS ont eu lieu pendant toute la période couvrant les années 2002 à 2006. La coordination illicite a eu lieu à la fois au niveau des administrations centrales et au niveau local. »
33 Troisièmement, au considérant 676 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les transporteurs incriminés avaient « continué à refuser de payer une commission sur les surtaxes et s[’étaient] confirmé mutuellement leur intention dans ce domaine lors de nombreux contacts ».
34 En troisième lieu, au point 4.6 de la décision attaquée, la Commission a procédé à l’appréciation des contacts litigieux. L’appréciation de ceux retenus contre les requérantes figure aux considérants 766 et 767 de cette décision.
35 Au considérant 768 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que la seconde requérante ne contestait pas que ses activités en rapport avec la STC avaient débouché sur une infraction à l’article 101 TFUE.
36 En quatrième lieu, au point 5 de la décision attaquée, la Commission a procédé à l’application aux faits de l’espèce de l’article 101 TFUE, tout en précisant, à la note en bas de page no 1289 de cette décision, que les considérations retenues valaient également pour l’article 53 de l’accord EEE et l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien. Ainsi, premièrement, au considérant 846 de ladite décision, elle a retenu que les transporteurs incriminés avaient coordonné leur comportement ou influencé la tarification, « ce qui rev[enai]t en définitive à une fixation de prix en rapport avec » la STC, la STS et le paiement d’une commission sur les surtaxes. Au considérant 861 de la même décision, elle a qualifié le « système général de coordination du comportement de tarification pour des services de fret » dont son enquête avait révélé l’existence d’« infraction complexe se composant de diverses actions qui [pouvaient] être qualifiées soit d’accord, soit de pratique concertée dans le cadre desquels les concurrents [avaie]nt sciemment substitué la coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence ».
37 Deuxièmement, au considérant 869 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le « comportement en cause constitu[ait] une infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE ». Elle a ainsi considéré que les arrangements en cause poursuivaient un objectif anticoncurrentiel unique consistant à entraver la concurrence dans le secteur du fret au sein de l’EEE, y compris lorsque la coordination s’était déroulée au niveau local et avait connu des variations locales (considérants 872 à 876), portaient sur un « [p]roduit/services unique », à savoir « la fourniture de services de fret […] et leur tarification » (considérant 877), concernaient les mêmes entreprises (considérant 878), revêtaient une nature unique (considérant 879) et portaient sur trois composantes, à savoir la STC, la STS et le refus de paiement de commissions, qui ont « fréquemment été discuté[e]s conjointement au cours du même contact avec les concurrents » (considérant 880).
38 Au considérant 883 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que la seconde requérante était impliquée dans l’une des composantes de l’infraction unique, c’est-à-dire la STC, mais que « des éléments de preuve dans le dossier démontraient [que celle-ci] était au courant des discussions entre transporteurs sur la STS et le paiement de commissions sur les surtaxes ».
39 Troisièmement, au considérant 884 de la décision attaquée, la Commission a conclu au caractère continu de l’infraction en cause.
40 Quatrièmement, aux considérants 885 à 890 de la décision attaquée, la Commission a examiné la pertinence des contacts intervenus dans des pays tiers et des contacts concernant des liaisons que les transporteurs n’avaient jamais desservies ou qu’ils n’auraient pas pu légalement desservir. Elle a estimé que, au regard du caractère mondial de l’entente litigieuse, ces contacts étaient pertinents pour établir l’existence de l’infraction unique et continue. En particulier, d’une part, elle a relevé que les surtaxes étaient des mesures d’application générale qui n’étaient pas spécifiques à une liaison, mais avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons, au niveau mondial, y compris sur les liaisons au départ et à destination de l’EEE et de la Suisse. Elle a indiqué que le refus de paiement de commissions revêtait également un caractère général. D’autre part, elle a considéré qu’aucune barrière insurmontable n’empêchait les transporteurs de fournir des services de fret sur les liaisons qu’ils n’avaient jamais desservies ou qu’ils n’auraient pas pu légalement desservir, notamment grâce aux accords qu’ils étaient en mesure de conclure entre eux.
41 Cinquièmement, au considérant 903 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le comportement litigieux avait pour objet de restreindre la concurrence « au moins au sein de l’U[nion], dans l’EEE et en Suisse ». Au considérant 917 de cette décision, elle a, en substance, ajouté qu’il n’était, dès lors, pas nécessaire de prendre en considération les « effets concrets » de ce comportement.
42 Sixièmement, aux considérants 972 à 1021 de la décision attaquée, la Commission a examiné la réglementation de sept pays tiers, dont plusieurs transporteurs incriminés soutenaient qu’elle leur imposait de se concerter sur les surtaxes, faisant ainsi obstacle à l’application des règles de concurrence pertinentes. La Commission a considéré que ces transporteurs étaient restés en défaut de prouver qu’ils avaient agi sous la contrainte desdits pays tiers.
43 Septièmement, aux considérants 1024 à 1035 de la décision attaquée, la Commission a retenu que l’infraction unique et continue était susceptible d’affecter de manière sensible les échanges entre États membres, entre les parties contractantes à l’accord EEE et entre les parties contractantes à l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.
44 Huitièmement, la Commission a examiné les limites de sa compétence territoriale et temporelle pour constater et sanctionner une infraction aux règles de concurrence dans le cas d’espèce. D’une part, aux considérants 822 à 832 de la décision attaquée, sous le titre « Compétence de la Commission », elle a, en substance, retenu qu’elle n’appliquerait pas, tout d’abord, l’article 101 TFUE aux accords et pratiques antérieurs au 1er mai 2004 concernant les liaisons entre des aéroports au sein de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE (ci-après les « liaisons Union-pays tiers »), ensuite, l’article 53 de l’accord EEE aux accords et pratiques antérieurs au 19 mai 2005 concernant les liaisons Union-pays tiers et les liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont parties contractantes à l’accord EEE et qui ne sont pas membres de l’Union et des aéroports situés dans des pays tiers (ci-après les « liaisons EEE sauf Union-pays tiers » et, conjointement avec les liaisons Union-pays tiers, les « liaisons EEE-pays tiers ») et, enfin, l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien aux accords et pratiques antérieurs au 1er juin 2002 concernant les liaisons entre des aéroports au sein de l’Union et des aéroports suisses (ci-après les « liaisons Union-Suisse »). Elle a aussi précisé que la décision attaquée n’avait « nullement la prétention de révéler une quelconque infraction à l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] concernant les services de fret [entre] la Suisse [et] des pays tiers ».
45 D’autre part, aux considérants 1036 à 1046 de la décision attaquée, sous le titre « L’applicabilité de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE aux liaisons entrantes », la Commission a rejeté les arguments de différents transporteurs incriminés selon lesquels elle outrepassait les limites de sa compétence territoriale au regard des règles de droit international public en constatant et en sanctionnant une infraction à ces deux dispositions sur les liaisons au départ de pays tiers et à destination de l’EEE (ci-après les « liaisons entrantes » et, s’agissant des services de fret offerts sur ces liaisons, les « services de fret entrants »). En particulier, au considérant 1042 de cette décision, elle a rappelé comme suit les critères qu’elle estimait applicables :
« En ce qui concerne l’application extraterritoriale de l’article 101 du TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, ces dispositions sont applicables aux accords qui sont mis en œuvre au sein de l’U[nion] (théorie de la mise en œuvre) ou qui ont des effets immédiats, substantiels et prévisibles au sein de l’U[nion] (théorie des effets). »
46 Aux considérants 1043 à 1046 de la décision attaquée, la Commission a appliqué les critères en question aux faits de l’espèce :
« (1043) Dans le cas des services de fret [entrants], l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE sont applicables parce que le service lui-même, qui fait l’objet de l’infraction en matière de fixation de prix, doit être rendu et est en effet rendu en partie sur le territoire de l’EEE. De plus, de nombreux contacts par lesquels les destinataires ont coordonné les surtaxes et le [refus de] paiement de commissions ont eu lieu à l’intérieur de l’EEE ou ont impliqué des participants se trouvant dans l’EEE.
(1044) […] l’exemple cité dans la communication [consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2008, C 95, p. 1 et rectificatif JO 2009, C 43, p. 10)] n’est pas pertinent ici. La[dite] communication se rapporte à la répartition géographique du chiffre d’affaires entre les entreprises aux fins de déterminer si les seuils de chiffre d’affaires de l’article 1er du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises [(JO 2004, L 24, p. 1)] sont atteints.
(1045) En outre, les pratiques anticoncurrentielles dans les pays tiers en ce qui concerne le transport du fret […] vers l’Union et l’EEE sont susceptibles d’avoir des effets immédiats, substantiels et prévisibles au sein de l’Union et de l’EEE, étant donné que les coûts accrus du transport aérien vers l’EEE et donc les prix plus élevés des marchandises importées sont, de par leur nature, susceptibles d’avoir des effets sur les consommateurs au sein de l’EEE. En l’espèce, les pratiques anticoncurrentielles éliminant la concurrence entre les transporteurs qui offrent des services de fret [entrants] étaient susceptibles d’avoir de tels effets également sur la fourniture de services de [fret] par d’autres transporteurs au sein de l’EEE, entre les plateformes de correspondance (“hubs”) dans l’EEE utilisées par les transporteurs de pays tiers et les aéroports de destination de ces envois dans l’EEE qui ne sont pas desservis par le transporteur du pays tiers.
(1046) Enfin, il convient de souligner que la Commission a découvert une entente au niveau mondial. L’entente a été mise en œuvre mondialement et les arrangements de l’entente concernant les liaisons entrantes faisaient partie intégrante de l’infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE. Les arrangements de l’entente étaient, dans de nombreux cas, organisés au niveau central et le personnel local ne faisait que les appliquer. L’application uniforme des surtaxes à une échelle mondiale était un élément clé de l’entente. »
47 En cinquième lieu, au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission a retenu que l’entente litigieuse avait débuté le 7 décembre 1999 et duré jusqu’au 14 février 2006. Au même considérant, elle a précisé que cette entente avait enfreint :
– l’article 101 TFUE, du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien entre des aéroports au sein de l’Union ;
– l’article 101 TFUE, du 1er mai 2004 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons Union-pays tiers ;
– l’article 53 de l’accord EEE, du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien entre les aéroports au sein de l’EEE (ci-après les « liaisons intra-EEE ») ;
– l’article 53 de l’accord EEE, du 19 mai 2005 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers ;
– l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, du 1er juin 2002 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons Union-Suisse.
48 En ce qui concerne les requérantes, la Commission a retenu que la durée de l’infraction s’étendait du 25 février 2003 au 14 février 2006.
49 En sixième lieu, au point 8 de la décision attaquée, la Commission s’est penchée sur les mesures correctives à prendre et les amendes à infliger.
50 S’agissant, en particulier, de la détermination du montant des amendes, la Commission a indiqué avoir pris en compte la gravité et la durée de l’infraction unique et continue ainsi que les éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes. Elle s’est référée à cet égard aux lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).
51 Aux considérants 1184 et 1185 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le montant de base de l’amende se composait d’une proportion pouvant aller jusqu’à 30 % de la valeur des ventes de l’entreprise, déterminée en fonction de la gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années de participation de l’entreprise à l’infraction, à laquelle s’ajoutait un montant additionnel compris entre 15 et 25 % de la valeur des ventes (ci-après le « montant additionnel »).
52 Au considérant 1197 de la décision attaquée, la Commission a déterminé la valeur des ventes en additionnant, sur l’année 2005, qui était la dernière année complète avant la fin de l’infraction unique et continue, le chiffre d’affaires lié aux vols dans les deux sens sur les liaisons intra-EEE, sur les liaisons Union-pays tiers, sur les liaisons Union-Suisse ainsi que sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Elle a également tenu compte de l’adhésion à l’Union de nouveaux États membres en 2004.
53 Aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, tenant compte de la nature de l’infraction (accords horizontaux de fixation de prix), de la part de marché cumulée des transporteurs incriminés (34 % au niveau mondial et au moins autant sur les liaisons intra-EEE et EEE-pays tiers), de l’étendue géographique de l’entente litigieuse (mondiale) et de sa mise en œuvre effective, la Commission a fixé le coefficient de gravité à 16 %.
54 Aux considérants 1214 à 1217 de la décision attaquée, la Commission a déterminé la durée de la participation des requérantes à l’infraction unique et continue comme suit, en fonction des liaisons concernées :
– en ce qui concernait les liaisons intra-EEE : du 25 février 2003 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à deux ans et onze mois, et un facteur de multiplication de 2 et 11/12 ;
– en ce qui concernait les liaisons Union-pays tiers : du 1er mai 2004 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à un an et neuf mois, et un facteur de multiplication de 1 et 9/12 ;
– en ce qui concernait les liaisons Union-Suisse : du 25 février 2003 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à deux ans et onze mois, et un facteur de multiplication de 2 et 11/12 ;
– en ce qui concernait les liaisons EEE sauf Union-pays tiers : du 19 mai 2005 au 14 février 2006, évaluée, en nombre de mois, à huit mois, et un facteur de multiplication de 8/12.
55 Au considérant 1219 de la décision attaquée, la Commission a retenu que, au regard des circonstances spécifiques de l’affaire et des critères exposés au point 53 ci-dessus, le montant additionnel devait correspondre à 16 % de la valeur des ventes.
56 En conséquence, aux considérants 1240 à 1242 de la décision attaquée, le montant de base évalué pour les requérantes à 27 000 000 euros a été arrêté à 13 700 000 euros, après application d’une réduction de 50 % fondée sur le paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 (ci-après la « réduction générale de 50 % ») et liée au fait qu’une partie des services relatifs aux liaisons entrantes et aux liaisons au départ de l’EEE et à destination de pays tiers (ci-après les « liaisons sortantes ») était fournie hors du territoire couvert par l’accord EEE et qu’une part du préjudice était donc susceptible de se produire en dehors dudit territoire.
57 Aux considérants 1258 et 1259 de la décision attaquée, en application du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, motif pris de leur participation limitée à l’infraction unique et continue, la Commission a accordé aux requérantes, au titre des circonstances atténuantes, une réduction de 10 % du montant de base de l’amende.
58 Aux considérants 1264 et 1265 de la décision attaquée, en application du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, la Commission a octroyé aux transporteurs incriminés une réduction supplémentaire du montant de base de l’amende de 15 % (ci-après la « réduction générale de 15 % »), au motif que certains régimes réglementaires avaient encouragé l’entente litigieuse.
59 En conséquence, au considérant 1293 de la décision attaquée, la Commission a fixé le montant de base de l’amende des requérantes après ajustement à 10 275 000 euros.
60 Aux considérants 1339 à 1346 de la décision attaquée, la Commission a tenu compte de la contribution des requérantes dans le cadre de leur demande de clémence en appliquant une réduction de 20 % au montant de l’amende, de sorte que, comme il est indiqué au considérant 1404 de la décision attaquée, le montant de l’amende infligée aux requérantes a été fixé à 8 220 000 euros.
61 Le dispositif de la décision attaquée, pour autant qu’il concerne le présent litige, se lit comme suit :
« Article premier
En coordonnant leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de [fret] dans le monde entier en ce qui concerne la [STC], la [STS] et le paiement d’une commission sur les surtaxes, les entreprises suivantes ont commis l’infraction unique et continue suivante à l’article 101 [TFUE], à l’article 53 de [l’accord EEE] et à l’article 8 de [l’accord CE-Suisse sur le transport aérien] en ce qui concerne les liaisons suivantes et pendant les périodes suivantes.
1) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons [intra-EEE], pendant les périodes suivantes :
[…]
i) [la première requérante], du 25 février 2003 au 14 février 2006 ;
j) [la seconde requérante], du 25 février 2003 au 14 février 2006 ;
[…]
2) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE en ce qui concerne les liaisons [Union-pays tiers], pendant les périodes suivantes :
[…]
i) [la première requérante], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;
j) [la seconde requérante], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;
[…]
3) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons [EEE sauf Union-pays tiers], pendant les périodes suivantes :
[…]
i) [la première requérante], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;
j) [la seconde requérante], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;
[…]
4) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 8 de l’accord [CE-Suisse] sur le transport aérien en ce qui concerne les liaisons [Union-Suisse], pendant les périodes suivantes :
[…]
i) [la première requérante], du 25 février 2003 au 14 février 2006 ;
j) [la seconde requérante], du 25 février 2003 au 14 février 2006 ;
[…]
Article 2
La décision […] du 9 novembre 2010 est modifiée comme suit :
à l’article 5, les [sous] j), k) et l) sont abrogés.
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction unique et continue visée à l’article 1er de la présente décision et en ce qui concerne British Airways […], également pour les aspects des articles 1er à 4 de la décision […] du 9 novembre 2010 qui sont devenus définitifs :
[…]
i) [les requérantes] conjointement et solidairement : 8 220 000 EUR ;
[…]
Article 4
Les entreprises visées à l’article 1er mettent immédiatement fin à l’infraction unique et continue visée audit article, dans la mesure où elles ne l’ont pas encore fait.
Elles s’abstiennent également de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire.
Article 5
Sont destinataires de la présente décision :
[…]
[les requérantes]
[…] »
II. Procédure et conclusions des parties
62 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 mai 2017, les requérantes ont introduit le présent recours.
63 La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 29 septembre 2017.
64 Les requérantes ont déposé la réplique au greffe du Tribunal le 29 décembre 2017.
65 La Commission a déposé la duplique au greffe du Tribunal le 1er mars 2018.
66 Le 24 avril 2019, sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer la présente affaire devant une formation de jugement élargie.
67 Le 27 juin 2019, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties. Ces dernières ont répondu dans le délai imparti.
68 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 juillet 2019.
69 Par ordonnance du 31 juillet 2020, le Tribunal (quatrième chambre élargie), considérant qu’il était insuffisamment éclairé et qu’il y avait lieu d’inviter les parties à présenter leurs observations concernant un argument sur lequel elles n’avaient pas débattu, a ordonné la réouverture de la phase orale de la procédure en application de l’article 113 du règlement de procédure.
70 Les parties ont, dans le délai imparti, répondu à une série de questions posées par le Tribunal le 4 août 2020, puis soumis des observations sur leurs réponses respectives.
71 Par décision du 6 novembre 2020, le Tribunal a clos de nouveau la phase orale de la procédure.
72 Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée, en tant qu’elle les concerne ;
– à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée dans la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
73 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner les requérantes aux dépens.
III. En droit
74 Dans le cadre de leur recours, les requérantes formulent tant des conclusions en annulation de la décision attaquée que des conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée.
A. Sur les conclusions en annulation
75 Les requérantes invoquent sept moyens à l’appui de leurs conclusions en annulation. Ces moyens sont tirés :
– le premier, d’erreurs de droit et de fait dans l’établissement de la participation de la seconde requérante à l’infraction unique et continue, s’agissant de la STS et du refus de paiement de commissions ;
– le deuxième, d’erreurs de droit et de fait dans l’établissement de la participation de la seconde requérante à ladite infraction, s’agissant de la STC ;
– le troisième, d’erreurs dans l’établissement de la responsabilité des requérantes concernant les liaisons identifiées à l’article premier, paragraphes 1, 3 et 4, de la décision attaquée ;
– le quatrième, d’erreurs de fait et de droit et d’une violation de l’obligation de motivation tenant à la constatation d’une entente au niveau mondial ;
– le cinquième, d’erreurs de fait et de droit et d’une violation de l’obligation de motivation tenant à la constatation de cette infraction ;
– le sixième, d’une violation des droits de la défense et d’un vice de motivation ;
– le septième, d’erreurs de droit et de fait et d’un vice de motivation dans le calcul de l’amende.
76 Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner, en premier lieu, le moyen relevé d’office tiré d’un défaut de compétence de la Commission, au regard de l’article 11 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, pour constater et sanctionner une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont parties contractantes à l’accord EEE et qui ne sont pas membres de l’Union et des aéroports situés en Suisse (ci-après les « liaisons EEE sauf Union-Suisse »), en deuxième lieu, les troisième et sixième moyens, en troisième lieu, les quatrième et cinquième moyens, en quatrième lieu, les deuxième et premier moyens et, en cinquième lieu, le septième moyen.
1. Sur le moyen, relevé d’office, tiré d’un défaut de compétence de la Commission au regard de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pour constater et sanctionner une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse
77 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union d’examiner d’office le moyen, qui est d’ordre public, tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C 210/98 P, EU:C:2000:397, point 56).
78 De jurisprudence constante, le juge de l’Union ne peut, en principe, fonder sa décision sur un moyen de droit relevé d’office, fût-il d’ordre public, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations à ce sujet (voir arrêt du 17 décembre 2009, Réexamen M/EMEA, C 197/09 RX II, EU:C:2009:804, point 57 et jurisprudence citée).
79 En l’espèce, le Tribunal estime qu’il lui appartient d’examiner d’office si la Commission a outrepassé les limites de sa propre compétence au titre de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, s’agissant des liaisons EEE sauf Union-Suisse, en constatant, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et a invité les parties à présenter leurs observations à ce sujet dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure.
80 Les requérantes font valoir que la référence aux « pays tiers » à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée inclut la Confédération suisse. Cette dernière serait, en effet, un pays tiers au sens de l’accord EEE, dont la violation est constatée audit article. Elles en déduisent que la Commission a, audit article, constaté une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse et a ainsi outrepassé les limites de sa compétence au titre de l’article 11, paragraphe 2, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien. Selon elles, il convient en conséquence d’annuler la décision attaquée dans son intégralité, à moins de considérer que le constat d’une telle infraction est séparable du reste de ladite décision.
81 La Commission répond que la référence, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, aux « liaisons entre aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des aéroports situés dans des pays tiers » ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle inclut les liaisons EEE sauf Union-Suisse. Selon elle, la notion de « pays tiers » au sens de cet article exclut la Confédération suisse.
82 La Commission ajoute que, s’il y avait lieu de considérer qu’elle a tenu les requérantes pour responsables d’une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, elle aurait outrepassé les limites que l’article 11, paragraphe 2, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pose à sa compétence.
83 La Commission fait par ailleurs valoir que la décision attaquée ne devrait pas être annulée dans son intégralité dans l’hypothèse où il y aurait lieu d’interpréter l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée en ce sens qu’elle s’est déclarée compétente pour connaître et sanctionner une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse sortantes et entrantes. Selon elle, un tel constat est séparable du reste de cette décision.
84 Il y a lieu de déterminer si, comme le soutiennent les requérantes, la Commission a constaté une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée et, le cas échéant, si elle a ainsi outrepassé les limites de la compétence dont elle est investie au titre de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.
85 À cet égard, il convient de rappeler que le principe de protection juridictionnelle effective est un principe général du droit de l’Union aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Ce principe, qui correspond, dans le droit de l’Union, à l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, exige que le dispositif d’une décision par laquelle la Commission constate des violations aux règles de concurrence soit particulièrement clair et précis et que les entreprises tenues pour responsables et sanctionnées soient en mesure de comprendre et de contester l’attribution de cette responsabilité et l’imposition de ces sanctions, telles qu’elles ressortent des termes dudit dispositif (voir arrêt du 16 décembre 2015, Martinair Holland/Commission, T 67/11, EU:T:2015:984, point 31 et jurisprudence citée).
86 C’est, en effet, par le dispositif de ses décisions que la Commission indique la nature et l’étendue des infractions qu’elle sanctionne. S’agissant précisément de la portée et de la nature des infractions sanctionnées, c’est ainsi en principe le dispositif, et non les motifs, qui importe. C’est uniquement dans le cas d’un manque de clarté des termes utilisés dans le dispositif qu’il convient de l’interpréter en ayant recours aux motifs de la décision (voir arrêt du 16 décembre 2015, Martinair Holland/Commission, T 67/11, EU:T:2015:984, point 32 et jurisprudence citée).
87 À l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, la Commission a constaté que les requérantes avaient « enfreint l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons entre aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des aéroports situés dans des pays tiers » du 19 mai 2005 au 14 février 2006. Elle n’a pas expressément inclus dans ces liaisons les liaisons EEE sauf Union-Suisse, ni ne les en a expressément exclues.
88 Il convient donc de vérifier si la Confédération suisse relève des « pays tiers » visés à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée.
89 À cet égard, il convient d’observer que l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée distingue les « pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres » et les pays tiers. Il est vrai que, comme le relèvent les requérantes, la Confédération suisse n’est pas partie à l’accord EEE et compte donc parmi les pays tiers à celui-ci.
90 Il convient, cependant, de rappeler que, compte tenu des exigences d’unité et de cohérence de l’ordre juridique de l’Union, les mêmes termes employés dans un même acte doivent être présumés avoir la même signification.
91 Or, à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, la Commission a retenu une infraction à l’article 101 TFUE sur les « liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE ». Cette notion n’inclut pas les aéroports situés en Suisse, alors même que la Confédération suisse n’est pas partie à l’accord EEE et que ses aéroports doivent dès lors formellement être considérés comme étant « situés en dehors de l’EEE » ou, autrement dit, dans un pays tiers à cet accord. Ces aéroports font l’objet de l’article 1er, paragraphe 4, de la décision attaquée, qui retient une infraction à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien sur les « liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en Suisse ».
92 Conformément au principe rappelé au point 90 ci-dessus, il doit donc être présumé que les termes « aéroports situés dans des pays tiers » employés à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée ont la même signification que les termes « aéroports situés en dehors de l’EEE » employés au paragraphe 2 de cet article et excluent, par suite, les aéroports situés en Suisse.
93 En l’absence de la moindre indication dans le dispositif de la décision attaquée que la Commission aurait entendu donner une signification différente à la notion de « pays tiers » visée à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, il convient de conclure que la notion de « pays tiers » visée à son article 1er, paragraphe 3, exclut la Confédération suisse.
94 Il ne saurait donc être considéré que la Commission a tenu les requérantes pour responsables d’une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée.
95 Le dispositif de la décision attaquée ne prêtant pas au doute, c’est donc uniquement à titre surabondant que le Tribunal ajoute que ses motifs ne contredisent pas cette conclusion.
96 Au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les « arrangements anticoncurrentiels » qu’elle avait décrits enfreignaient l’article 101 TFUE du 1er mai 2004 au 14 février 2006 « en ce qui concerne le transport aérien entre des aéroports au sein de l’U[nion] et des aéroports situés en dehors de l’EEE ». Dans la note en bas de page afférente (no 1514), la Commission a précisé ce qui suit : « Aux fins de la présente décision, les “aéroports situés en dehors de l’EEE” désignent les aéroports situés dans des pays autres que la [Confédération s]uisse et les parties contractantes à l’accord EEE ».
97 Il est vrai que, lorsqu’elle a décrit la portée de l’infraction à l’article 53 de l’accord EEE au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission n’a pas fait référence à la notion d’« aéroports situés en dehors de l’EEE », mais à celle d’« aéroports situés dans les pays tiers ». Il ne saurait cependant en être déduit que la Commission a entendu donner une signification différente à la notion d’« aéroports situés en dehors de l’EEE » aux fins de l’application de l’article 101 TFUE et à celle d’« aéroports situés dans des pays tiers » aux fins de l’application de l’article 53 de l’accord EEE. Au contraire, la Commission a utilisé ces deux expressions de manière interchangeable dans la décision attaquée. Ainsi, au considérant 824 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle « n’appliquera[it] pas l’article 101 du TFUE aux accords et pratiques anticoncurrentiels concernant le transport aérien entre les aéroports de l’U[nion] et les aéroports de pays tiers qui ont eu lieu avant le 1er mai 2004 ». De même, au considérant 1222 de cette décision, s’agissant de la cessation de la participation de SAS Consortium à l’infraction unique et continue, la Commission a fait référence à sa compétence au titre de ces dispositions « pour les liaisons entre l’U[nion] et les pays tiers ainsi que les liaisons entre l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein et les pays situés en dehors de l’EEE ».
98 Les motifs de la décision attaquée confirment donc que les notions d’« aéroports situés dans des pays tiers » et d’« aéroports situés en dehors de l’EEE » ont la même signification. Conformément à la clause de définition figurant à la note en bas de page no 1514, il convient dès lors de considérer que toutes deux excluent les aéroports situés en Suisse.
99 Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les considérants 1194 et 1241 de la décision attaquée ne plaident pas pour une autre solution. Certes, au considérant 1194 de cette décision, la Commission a fait référence aux « liaisons entre l’EEE et les pays tiers, à l’exception des liaisons entre l’U[nion] et la Suisse ». De même, au considérant 1241 de cette décision, dans le cadre de la « détermination de la valeur des ventes sur les liaisons avec les pays tiers », la Commission a réduit de 50 % le montant de base pour les « liaisons EEE-pays tiers, à l’exception des liaisons entre l’U[nion] et la Suisse, pour lesquelles [elle] agit sous l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] ». Or, il pourrait être considéré que, comme le relève en substance la requérante, si la Commission a pris le soin d’insérer dans ces considérants la mention « à l’exception des liaisons entre l’Union et la Suisse », c’est qu’elle considérait que la Confédération suisse relevait de la notion de « pays tiers » pour autant qu’il était question des liaisons EEE-pays tiers.
100 La Commission a d’ailleurs admis qu’il était possible qu’elle ait « par inadvertance » inclus dans la valeur des ventes le chiffre d’affaires que certains transporteurs incriminés avaient réalisé sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse pendant la période concernée. Selon elle, la raison en est que, dans une demande d’informations du 26 janvier 2009, concernant certains chiffres d’affaires, elle n’a pas avisé les transporteurs concernés qu’il y avait lieu d’exclure le chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse de la valeur des ventes réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers.
101 Il y a néanmoins lieu de constater, à l’instar de la Commission, que ces éléments concernent exclusivement les recettes à prendre en compte aux fins du calcul du montant de base de l’amende et non la définition du périmètre géographique de l’infraction unique et continue, dont il est question ici.
102 Le présent moyen doit donc être écarté.
2. Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs dans l’imputation aux requérantes de l’infraction unique et continue sur les liaisons intra-EEE, EEE sauf Union-pays tiers et Union-Suisse
103 Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir commis plusieurs erreurs en leur imputant l’infraction unique et continue sur les liaisons intra-EEE, les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et les liaisons Union-Suisse. Ce moyen s’articule, en substance, en trois branches, prises, la première, de l’acquisition de la prescription, la deuxième, d’un vice d’incompétence ainsi que de violations de l’obligation de motivation et des principes ne bis in idem et de « courtoisie internationale » et, la troisième, d’une violation du principe ne bis in idem.
a) Sur la première branche, prise de l’acquisition de la prescription
104 Les requérantes font valoir que la prescription est acquise pour le comportement infractionnel visé à l’article 1er, paragraphes 1, 3 et 4, de la décision attaquée. Selon elles, le délai de prescription a recommencé à courir à compter de l’adoption de la décision du 9 novembre 2010 et n’a pas été suspendu par l’introduction d’un recours à l’encontre de celle-ci. Elles estiment que cette décision ne lui a pas imputé le comportement infractionnel visé à l’article 1er, paragraphes 1, 3 et 4, de la décision attaquée et que ledit recours n’a tendu qu’à l’annulation de la décision du 9 novembre 2010, en ce qui les concernait.
105 La solution retenue par le Tribunal dans l’arrêt du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (T 305/94 à T 307/94, T 313/94 à T 316/94, T 318/94, T 325/94, T 328/94, T 329/94 et T 335/94, EU:T:1999:80), selon laquelle la prescription est suspendue lorsque le recours aboutit à la reconnaissance d’une erreur imputable à la Commission, devrait être distinguée, dans la mesure où les requérantes n’auraient pas cherché en l’espèce à faire reconnaître des erreurs imputables à la Commission pour la partie du dispositif de la décision du 9 novembre 2010 qui ne les concernait pas.
106 L’existence d’un acquittement dans la décision du 9 novembre 2010 serait dénuée de pertinence. Seule importerait la date de cessation de l’enquête. L’article 25, paragraphe 4, du règlement no 1/2003, qui disposerait que l’interruption de la prescription vaut à l’égard de toutes les entreprises et associations d’entreprises ayant participé à l’infraction, ne s’appliquerait pas à un cas de suspension en vertu du paragraphe 6 dudit article.
107 Enfin, il ne s’agirait pas d’une hypothèse de constat d’infraction non assorti de sanctions qui, en tout état de cause, aurait requis la démonstration par la Commission d’un intérêt légitime à l’adoption d’une telle décision.
108 Les requérantes en déduisent qu’il convient d’annuler l’article 1er, paragraphes 1, 3 et 4, de la décision attaquée et d’écarter comme étant irrecevables les éléments de preuve apportés au soutien des constats opérés auxdits paragraphes pour établir le constat visé à l’article 1er, paragraphe 2, de ce dispositif.
109 La Commission rétorque que la prescription n’est pas acquise compte tenu de la suspension du délai de prescription entre la date de dépôt du recours introduit par les requérantes et l’arrêt du 16 décembre 2015, Latam Airlines Group et Lan Cargo/Commission (T 40/11, non publié, EU:T:2015:986). Peu importerait, aux termes de l’article 25, paragraphe 6, du règlement no 1/2003, que les requérantes n’aient contesté que certains aspects de la décision du 9 novembre 2010. Au vu du caractère public d’une procédure de recours en annulation, la Commission estime qu’il n’est pas douteux que celle-ci ait un effet suspensif de prescription à l’égard de l’ensemble des entreprises ayant participé à l’infraction, indépendamment de l’application de l’article 25, paragraphe 4, dudit règlement. Au demeurant, ladite décision décrirait une infraction unique et continue, indépendamment des liaisons concernées. Ce serait au regard de cette interprétation qu’il conviendrait de comprendre la portée du recours en annulation qui avait été introduit par les requérantes contre cette décision.
110 La Commission fait également valoir que la décision du 9 novembre 2010 n’a pas acquitté de manière définitive les requérantes de l’infraction unique et continue concernant les liaisons intra-EEE, les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et les liaisons Union-Suisse.
111 Enfin, la Commission relève que, dès lors qu’elle dispose du pouvoir d’infliger une amende et qu’elle en fait usage, elle n’est pas tenue de motiver davantage son intérêt légitime à constater une infraction. Dans la duplique, elle précise que, si le Tribunal devait considérer que la prescription était acquise, il ne s’agirait pas d’un cas dans lequel la Commission disposait d’un intérêt légitime à constater une infraction.
112 À titre subsidiaire, la Commission soutient que la présente branche est inopérante, dans la mesure où la décision attaquée n’inflige aux requérantes aucune amende supplémentaire concernant les liaisons intra-EEE, les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et les liaisons Union-Suisse.
113 Il convient de rappeler que, en application de l’article 25, paragraphe 1, sous b), et paragraphes 2, 3 et 5, du règlement no 1/2003, la prescription du pouvoir d’imposer une amende est acquise dès lors que :
– la Commission n’a pas imposé une amende dans les cinq ans à compter du jour où l’infraction a pris fin [paragraphe 1, sous b)] sans que, entre-temps, soit intervenu un acte interruptif (paragraphe 3) ;
– ou au plus tard, dans les dix ans à compter du jour où l’infraction a pris fin si des actes interruptifs ont été accomplis (paragraphe 5).
114 En outre, l’article 25, paragraphe 6, du règlement no 1/2003 prévoit que la prescription est suspendue aussi longtemps que la décision de la Commission fait l’objet d’une procédure pendante devant la Cour de justice. En vertu du paragraphe 5 du même article, le délai de prescription de dix ans est prorogé de la période pendant laquelle la prescription est suspendue conformément à son paragraphe 6.
115 Conformément à l’article 25, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, la prescription est interrompue par tout acte de la Commission visant à l’instruction ou à la poursuite de l’infraction, notifié à au moins une entreprise ayant participé à l’infraction. Conformément à l’article 25, paragraphe 4, du même règlement, l’interruption de la prescription vaut à l’égard de toutes les entreprises ayant participé à l’infraction en cause.
116 Il en ressort que la circonstance qu’une entreprise n’ait pas été désignée comme ayant participé à l’infraction dans un ou plusieurs actes pris pour l’instruction ou la poursuite de l’infraction durant la procédure administrative ne s’oppose pas à ce que l’interruption de la prescription vaille également à son égard, pour autant que l’entreprise concernée soit ultérieurement identifiée comme ayant participé à l’infraction (arrêt du 31 mars 2009, ArcelorMittal Luxembourg e.a./Commission, T 405/06, EU:T:2009:90, points 143 et 144).
117 En revanche, la Cour a dit pour droit que, à la différence de l’effet erga omnes des actes interruptifs de prescription visés à l’article 25, paragraphes 3 et 4, du règlement no 1/2003, l’effet suspensif de la prescription qu’attache l’article 25, paragraphe 6, de ce même règlement aux procédures judiciaires n’a d’effet qu’inter partes (arrêt du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C 201/09 P et C 216/09 P, EU:C:2011:190, point 148).
118 Ainsi, à l’égard des entreprises qui n’ont pas introduit de recours contre une décision finale de la Commission, le recours d’une autre entreprise contre la même décision finale ne peut avoir aucun effet suspensif (arrêt du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C 201/09 P et C 216/09 P, EU:C:2011:190, point 145).
119 Enfin, le fait que la Commission n’ait plus le pouvoir d’infliger des amendes aux auteurs d’une infraction du fait de l’écoulement du délai de prescription ne fait pas en soi obstacle à l’adoption d’une décision constatant que cette infraction a été commise, sous réserve que la Commission démontre, en pareil cas, un intérêt légitime à prendre une décision constatant une telle infraction (voir, par analogie, arrêt du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T 22/02 et T 23/02, EU:T:2005:349, points 131 et 132).
120 En l’espèce, il n’est pas contesté que le point de départ du délai de prescription est la date de cessation de l’infraction unique et continue, à savoir le 14 février 2006, conformément à l’article 25, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.
121 Par ailleurs, les requérantes estiment que le dernier acte interruptif de prescription, au sens de l’article 25, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, était la décision du 9 novembre 2010, moyennant quoi la prescription aurait été acquise le 9 novembre 2015, ce que la Commission ne conteste pas.
122 La Commission avance néanmoins, à la différence des requérantes, que le délai de prescription a été suspendu, conformément à l’article 25, paragraphe 6, de ce règlement, tant qu’était pendante la procédure ayant donné lieu à l’arrêt du 16 décembre 2015, Latam Airlines Group et Lan Cargo/Commission (T 40/11, non publié, EU:T:2015:986), de sorte que la prescription n’avait pas été acquise à la date d’adoption de la décision attaquée.
123 Il y a donc lieu de déterminer si le recours introduit par les requérantes contre la décision du 9 novembre 2010 a eu pour effet de suspendre le délai de prescription de cinq ans s’agissant de leur comportement infractionnel constaté à l’article 1er, paragraphes 1, 3 et 4, de la décision attaquée, respectivement sur les liaisons intra-EEE, sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et sur les liaisons Union-Suisse.
124 À cet égard, il convient de relever que, pour conclure à la nature inter partes de l’effet suspensif de prescription d’un recours contre une décision de sanction de la Commission (point 117 ci-dessus), la Cour s’est notamment appuyée sur les contours de l’objet du litige qu’est conduit à trancher le juge de l’Union devant lequel est porté le recours en annulation, en rappelant que le juge n’est saisi que des éléments de la décision qui concernent le demandeur en annulation (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C 201/09 P et C 216/09 P, EU:C:2011:190, point 142). Il en résulte une nécessaire cohérence entre la portée du recours en annulation et la portée de l’effet sur la prescription qui s’y attache en vertu de l’article 25, paragraphe 6, du règlement no 1/2003.
125 Il importe donc de déterminer la portée du recours des requérantes contre la décision du 9 novembre 2010, et en particulier si le Tribunal était saisi, dans le cadre du litige porté devant lui par les requérantes, des comportements afférents aux liaisons intra-EEE, EEE sauf Union-pays tiers et Union-Suisse.
126 À cet égard, il est de jurisprudence constante que les appréciations formulées dans les motifs d’une décision ne sont pas susceptibles de faire, en tant que telles, l’objet d’un recours en annulation et ne peuvent être soumises au contrôle de légalité du juge de l’Union que dans la mesure où, en tant que motifs d’un acte faisant grief, elles constituent le support nécessaire du dispositif de cet acte (voir arrêt du 11 juin 2015, Laboratoires CTRS/Commission, T 452/14, non publié, EU:T:2015:373, point 51 et jurisprudence citée).
127 Par ailleurs, la Cour a jugé qu’une décision adoptée en matière de concurrence à l’égard de plusieurs entreprises, bien que rédigée et publiée sous la forme d’une seule décision, devait s’analyser comme un faisceau de décisions individuelles constatant à l’égard de chacune des entreprises destinataires la ou les infractions retenues à sa charge et lui infligeant, le cas échéant, une amende (arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C 238/99 P, C 244/99 P, C 245/99 P, C 247/99 P, C 250/99 P à C 252/99 P et C 254/99 P, EU:C:2002:582, point 100). Elle a également jugé que, si un destinataire d’une décision décidait d’introduire un recours en annulation, le juge de l’Union n’était saisi que des éléments de la décision le concernant, tandis que ceux concernant d’autres destinataires n’entraient pas dans l’objet du litige que le juge de l’Union était appelé à trancher, sous réserve de circonstances particulières (arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C 444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 66).
128 Partant, l’objet du recours introduit par les requérantes à l’encontre de la décision du 9 novembre 2010 doit être circonscrit au dispositif de ladite décision, en tant qu’elle les concernait, ainsi qu’aux motifs qui en étaient le soutien nécessaire. Or, ce dispositif, en tant qu’il constatait la participation des entreprises destinataires de cette décision aux comportements infractionnels qui y étaient mentionnées, ne procédait à un tel constat s’agissant des requérantes qu’à l’égard des liaisons Union-pays tiers (article 2). En revanche, ledit dispositif, dans la mesure où il ne faisait pas mention des requérantes en ses articles 1er, 3 et 4, ne retenait pas leur responsabilité pour les comportements liés aux liaisons intra-EEE, aux liaison EEE sauf Union-pays tiers et aux liaisons Union-Suisse et ne constituait dès lors pas un élément de la décision qui les concernait susceptible d’être soumis à la censure du Tribunal.
129 Ce constat n’est pas remis en cause par la circonstance, avancée par la Commission, que la décision du 9 novembre 2010 n’aurait pas acquitté de manière définitive les requérantes s’agissant des liaisons intra-EEE, des liaisons EEE sauf Union-pays tiers et des liaisons Union-Suisse. L’existence d’un tel acquittement est certes pertinente aux fins de l’application du principe ne bis in idem, qui interdit, en matière de concurrence, qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d’un comportement anticoncurrentiel du chef duquel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n’est plus susceptible de recours (voir arrêt du 14 février 2012, Toshiba Corporation e.a., C 17/10, EU:C:2012:72, point 94 et jurisprudence citée). En revanche, comme le relèvent à juste titre les requérantes, l’existence d’un tel acquittement est dénuée de pertinence pour déterminer si la prescription est acquise, dans la mesure où celle-ci ne suppose pas, à la différence du principe ne bis in idem, une action positive antérieure de l’autorité de poursuite à l’égard de la personne concernée.
130 Le constat en question n’est pas non plus remis en cause par la circonstance, avancée par la Commission lors de l’audience, que les requérantes auraient recherché l’annulation de la décision du 9 novembre 2010 dans son intégralité.
131 En effet, ladite décision devant s’analyser comme un faisceau de décisions individuelles constatant à l’égard de chacun des transporteurs qu’elle incrimine la ou les infractions retenues à sa charge, les requérantes, en sollicitant l’annulation de l’intégralité de cette décision, a demandé l’annulation de la décision individuelle qui leur était adressée et qui ne leur imputait pas les comportements commis sur les liaisons intra-EEE, EEE sauf Union-pays tiers et Union-Suisse. Cela est confirmé par le dispositif de l’arrêt du 16 décembre 2015, Latam Airlines Group et Lan Cargo/Commission (T 40/11, non publié, EU:T:2015:986), qui précise que la décision du 9 novembre 2010 est annulée en ce qu’elle visait les requérantes.
132 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le recours introduit par les requérantes contre la décision du 9 novembre 2010 n’était pas susceptible d’entraîner la suspension du délai de prescription prévue à l’article 25, paragraphe 6, du règlement no 1/2003, s’agissant des comportements infractionnels liés aux liaisons intra-EEE, EEE sauf Union-pays tiers et Union-Suisse.
133 Partant, à défaut de suspension du délai de prescription, et dans la mesure où le dernier acte interruptif de prescription, au sens de l’article 25, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, est intervenu, au plus tard, par l’adoption de la décision du 9 novembre 2010 (voir point 121 ci-dessus), l’exercice par la Commission de son pouvoir de sanction à l’égard des comportements en cause était prescrit à compter du 9 novembre 2015, soit à une date antérieure à la date d’adoption de la décision attaquée.
134 Il s’ensuit que, en sanctionnant, dans la décision attaquée, les requérantes pour l’infraction unique et continue s’agissant des liaisons intra-EEE, EEE sauf Union-pays tiers et Union-Suisse, la Commission a violé les règles en matière de prescription établies à l’article 25 du règlement no 1/2003.
135 Quant à l’argument tiré du caractère inopérant de la présente branche, dans la mesure où la décision attaquée n’inflige aux requérantes aucune amende supplémentaire concernant les liaisons intra-EEE, les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et les liaisons Union-Suisse, il convient de rappeler que le juge de l’Union peut rejeter comme tel un moyen ou un grief lorsqu’il constate que celui-ci n’est pas apte, dans l’hypothèse où il serait fondé, à entraîner l’annulation poursuivie (arrêt du 19 novembre 2009, Michail/Commission, T 50/08 P, EU:T:2009:457, point 59).
136 À cet égard, il convient de relever que la Commission concède, dans ses écritures, ne pas disposer d’un intérêt légitime à constater l’existence desdits comportements infractionnels dans l’hypothèse où son pouvoir d’infliger une amende à ce titre serait prescrit. Aucune justification de l’existence d’un tel intérêt n’a ainsi été avancée devant le Tribunal par la Commission, alors que c’est sur cette dernière que pèse la charge d’établir l’existence de cet intérêt (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T 22/02 et T 23/02, EU:T:2005:349, point 136, et du 16 novembre 2011, Stempher et Koninklijke Verpakkingsindustrie Stempher/Commission, T 68/06, non publié, EU:T:2011:670, point 44).
137 Or, en l’absence de démonstration d’un tel intérêt, le fait pour la Commission de ne plus avoir le pouvoir d’infliger des amendes aux auteurs d’une infraction du fait de l’écoulement du délai de prescription fait obstacle à l’adoption d’une décision constatant une infraction commise par les requérantes s’agissant des liaisons intra-EEE, EEE sauf Union-pays tiers et Union-Suisse, ainsi qu’il ressort des principes rappelés au point 119 ci-dessus.
138 Il s’ensuit que la présente branche est susceptible d’aboutir à l’annulation de l’article 1er, paragraphes 1, sous i) et j), 3, sous i) et j), et 4, sous i) et j), de la décision attaquée, quand bien même la Commission n’aurait pas infligé d’amende aux requérantes en lien avec les liaisons intra-EEE, les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et les liaisons Union-Suisse visées auxdits paragraphes. Partant, la présente branche ne saurait être écartée comme étant inopérante.
139 Par conséquent, il y a lieu d’accueillir la présente branche et d’annuler l’article 1er, paragraphes 1, sous i) et j), 3, sous i) et j), et 4, sous i) et j), de la décision attaquée.
140 En revanche, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les requérantes à l’égard des éléments de preuve apportés au soutien des constats opérés dans l’article 1er, paragraphes 1, sous i) et j), 3, sous i) et j), et 4, sous i) et j), de la décision attaquée et qui, selon ces dernières, ne pourraient servir à établir l’infraction visée à l’article 1er, paragraphe 2, de ladite décision. En effet, si l’acquisition de la prescription s’agissant du pouvoir d’infliger des amendes aux auteurs d’une infraction a une incidence non seulement sur ce pouvoir, mais également sur le pouvoir de la Commission de constater l’existence de ladite infraction, elle n’a pas en revanche d’effet sur la possibilité, pour la Commission, d’utiliser des preuves pour établir l’existence d’autres comportements infractionnels, quand bien même ces preuves serviraient, également, à établir l’infraction couverte par la prescription.
141 À cet égard, il convient de rappeler que le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves et que le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité (voir arrêt du 27 avril 2017, FSL e.a./Commission, C 469/15 P, EU:C:2017:308, point 38 et jurisprudence citée). S’il peut y avoir lieu de déroger à ce principe lorsque cela reviendrait, dans le cas contraire, à admettre des preuves recueillies en méconnaissance totale de la procédure prévue pour leur établissement et visant à protéger les droits fondamentaux des intéressés (arrêt du 8 septembre 2016, Goldfish e.a./Commission, T 54/14, EU:T:2016:455, point 47), les requérantes sont en défaut d’expliquer en quoi les preuves en cause, au demeurant non identifiées par elles, entreraient dans ce cas de figure ni, plus généralement, en quoi elles ont été obtenues par la Commission par des moyens illégitimes.
b) Sur la deuxième branche, prise d’un vice d’incompétence ainsi que de violations de l’obligation de motivation et des principes ne bis in idem et de « courtoisie internationale »
142 Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir outrepassé les limites de sa compétence et d’avoir violé l’obligation de motivation et les principes ne bis in idem et de « courtoisie internationale » en définissant la durée de l’infraction unique et continue. Elles soulèvent, en substance, trois griefs à l’appui de cette thèse, tirés, le premier, d’un vice d’incompétence et d’une violation de l’obligation de motivation tenant à la constatation d’une « entente au niveau mondial » et d’une infraction à l’article 101 TFUE sur les liaisons intra-Union avant le 1er mai 2004 et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons intra-EEE avant le 19 mai 2005, le deuxième, d’un vice d’incompétence tenant à la constatation d’une infraction à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pendant toute la période infractionnelle, et, le troisième, d’une violation des principes ne bis in idem et de « courtoisie internationale » quant à cette durée.
1) Sur le premier grief
143 Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir outrepassé les limites de sa compétence en constatant leur participation à une « entente au niveau mondial », ainsi qu’en enquêtant sur, et en retenant leur participation à, une infraction à l’article 101 TFUE sur les liaisons intra-Union avant le 1er mai 2004 et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons intra-EEE avant le 19 mai 2005.
144 Selon les requérantes, le droit de l’Union ne confère pas à la Commission le pouvoir de procéder à une enquête et de constater une « entente au niveau mondial ». Cette notion ne figurerait ni dans le traité, ni dans les règlements pertinents.
145 Les requérantes en déduisent que la notion d’« entente au niveau mondial » est susceptible de s’interpréter de deux manières. D’une part, il serait possible d’interpréter cette notion comme renvoyant à un instrument juridique sui generis non écrit. Elles estiment que, si tel était le cas, ladite notion renverrait à quelque chose de plus large et de différent qu’une infraction à l’article 101 TFUE ou à l’article 53 de l’accord EEE. Or, aucun fondement juridique ne justifierait cette conclusion et, en l’absence d’explication dans la décision attaquée, il y aurait lieu de conclure que cette dernière est entachée d’une violation de l’obligation de motivation.
146 D’autre part, il serait possible d’interpréter la référence à une « entente au niveau mondial » comme désignant une infraction à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, dont l’objet anticoncurrentiel s’étendait à toutes les liaisons au niveau mondial. La Commission ne serait cependant pas non plus compétente dans cette hypothèse. En effet, elle n’aurait pas été compétente pour appliquer l’article 101 TFUE aux liaisons Union-pays tiers avant le 1er mai 2004. Or, dans la mesure où la seconde requérante ne desservait que ces liaisons, ce ne serait que sur ces dernières qu’elle aurait pu contribuer à l’objectif anticoncurrentiel par son « propre comportement », au sens de l’arrêt du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni (C 49/92 P, EU:C:1999:356).
147 Dans la réplique, les requérantes reprochent à la Commission d’être restée en défaut de démontrer en quoi il était probable que le « propre comportement » de la seconde requérante, au sens de l’arrêt du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni (C 49/92 P, EU:C:1999:356, points 83, 87 et 203), produise des effets restrictifs de concurrence immédiats et substantiels et ait une incidence sur le commerce entre États membres, alors même qu’il était limité aux liaisons Union-pays tiers. La Commission aurait d’ailleurs elle-même reconnu au considérant 917 de la décision attaquée qu’elle ne procédait à aucune appréciation économique.
148 Les requérantes ajoutent que le recours à la notion d’infraction unique et continue ne saurait avoir pour effet de rendre illégal un comportement légal vis-à-vis duquel la Commission ne serait pas compétente.
149 Quant à l’invocation par la Commission, au considérant 890 de la décision attaquée, de la possibilité théorique pour les requérantes de desservir n’importe quelle liaison dans le monde, elle aurait été opérée en l’absence d’un examen approprié et serait erronée et dénuée de pertinence. Dans la réplique, les requérantes indiquent que la Commission est restée en défaut d’établir que leur comportement constitue une restriction de concurrence produisant des effets anticoncurrentiels immédiats et substantiels dans l’EEE ayant une incidence sur le commerce entre États membres.
150 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
151 Il convient de constater que le présent grief procède d’une prémisse erronée. En effet, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la référence à une « entente au niveau mondial » dans la décision attaquée ne désigne ni un « fondement juridique sui generis non écrit » ni une infraction à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, dont l’objet anticoncurrentiel s’étendrait à toutes les liaisons au niveau mondial. La référence à la coordination du comportement des transporteurs incriminés « en matière de tarification pour la fourniture de services de fret […] dans le monde entier » dans le paragraphe introductif de l’article 1er de cette décision n’est qu’un constat de faits que la Commission a qualifiés aux paragraphes 1 à 4 de l’article 1er de la décision attaquée d’infraction aux règles de concurrence applicables sur les liaisons dont elle a estimé qu’elles relevaient, aux périodes en cause, de sa compétence, à savoir, les liaisons intra-EEE entre le 7 décembre 1999 et le 14 février 2006 (paragraphe 1), les liaisons Union-pays tiers entre le 1er mai 2004 et le 14 février 2006 (paragraphe 2), les liaisons EEE sauf Union-pays tiers entre le 19 mai 2005 et le 14 février 2006 (paragraphe 3) et les liaisons Union-Suisse entre le 1er juin 2002 et le 14 février 2006 (paragraphe 4). En revanche, la Commission n’a pas retenu d’infraction sur les liaisons entre aéroports extérieurs à l’EEE.
152 Cette distinction se retrouve dans les motifs de la décision attaquée. Ces motifs font ainsi référence, d’une part, à une infraction aux règles de concurrence applicables dont la portée géographique est limitée à des types de liaisons déterminés (considérants 1146 et 1187) et, d’autre part, à une « entente mondiale » (considérants 74, 112, 832 et 1300), de « caractère mondial » (considérant 887) ou « mise en œuvre mondialement » (considérant 1046).
153 Le considérant 1210 de la décision attaquée déroge, il est vrai, à la règle, en ce qu’il fait référence à « la portée géographique de l’infraction [qui] était mondiale ». Il y a cependant lieu de constater que le contexte dans lequel s’inscrit cette référence isolée à une infraction mondiale tend à démontrer qu’il s’agit d’une simple erreur de plume et qu’il faut lire « la portée géographique de l’entente [litigieuse] était mondiale ». En effet, ladite référence est suivie des phrases suivantes :
« Aux fins de déterminer la gravité de l’infraction, cela signifie que l’entente [litigieuse] couvrait l’ensemble de l’EEE et la Suisse. Cela inclut les services de fret […] sur les liaisons dans les deux directions entre des aéroports situés dans l’EEE, entre des aéroports situés dans l’Union et des aéroports situés en dehors de l’EEE, entre des aéroports situés dans l’Union et des aéroports situés en Suisse et entre des aéroports situés sur le territoire de parties contractantes à l’EEE qui ne sont pas des États membres et des aéroports situés dans des pays tiers. »
154 La Commission n’a pas davantage retenu que l’infraction unique et continue avait pour objet de restreindre la concurrence sur les liaisons entre aéroports extérieurs à l’EEE. Ainsi qu’il ressort notamment des considérants 872 et 903 de la décision attaquée, elle a considéré que cette infraction avait pour objet de restreindre la concurrence au sein de l’Union, dans l’EEE et en Suisse.
155 Par ailleurs, pour autant que, indépendamment du recours à la notion d’« entente au niveau mondial », les requérantes invoquent un argument tiré d’un vice d’incompétence tenant à ce qu’elles ont été tenues responsables d’une infraction à l’article 101 TFUE sur les liaisons intra-Union avant le 1er mai 2004 et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons intra-EEE avant le 19 mai 2005, il convient de rappeler que la première branche du présent moyen a été accueillie et que, en conséquence, la décision attaquée a été annulée en tant qu’elle imputait aux requérantes l’infraction unique et continue pour ces liaisons.
156 Il s’ensuit que l’examen d’un tel argument est devenu inutile.
2) Sur le deuxième grief
157 Les requérantes font valoir que pour des raisons identiques à celles exposées dans le cadre du premier grief, la Commission n’était pas compétente pour leur imputer une infraction à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien sur les liaisons Union-Suisse.
158 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
159 Par le présent grief, les requérantes reprochent, en substance, à la Commission de les avoir illégalement tenues pour responsables de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concernait les liaisons Union-Suisse. Or, l’accueil de la première branche du présent moyen et, en conséquence, l’annulation de l’article 1er, paragraphe 4, sous i) et j), de la décision attaquée, a rendu inutile l’examen du présent grief.
3) Sur le troisième grief
160 Les requérantes soutiennent que la Commission a violé les principes de « courtoisie internationale » et ne bis in idem en les sanctionnant pour un comportement adopté en dehors de l’EEE. Selon elles, ce faisant, la Commission empêche les autorités de pays tiers de les sanctionner en raison de ce dernier principe et les a sanctionnées pour un comportement pour lequel les autorités de concurrence sud-coréenne, brésilienne, suisse, australienne, néo-zélandaise et sud-africaine les ont acquittées, au sens de l’article 50 de la Charte. Dans la réplique, elles ajoutent qu’il ne saurait être exigé d’elles de citer des cas dans lesquels une autorité de concurrence n’a pas pu leur infliger d’amende en raison du principe en question. Elles estiment que, la charge de la preuve incombe à la Commission et que, en tout état de cause, il ne saurait être exigé d’elles la preuve d’un fait négatif.
161 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
162 Dans la mesure où les requérantes reprochent à la Commission d’avoir violé le principe ne bis in idem en les sanctionnant pour un comportement adopté en dehors de l’EEE et en empêchant ainsi des autorités de concurrence de pays tiers de les sanctionner à leur tour, il convient de rappeler que ce principe doit être respecté dans les procédures tendant à l’infliction d’amendes relevant du droit de la concurrence. Comme indiqué au point 129 ci-dessus, ce principe interdit, en matière de concurrence, qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d’un comportement anticoncurrentiel pour lequel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n’est plus susceptible de recours.
163 Le principe ne bis in idem ne peut ainsi être invoqué qu’à l’encontre d’une décision clôturant une éventuelle seconde procédure, qui porterait sur la même infraction pour laquelle les requérantes ont été condamnées ou poursuivies dans le cadre d’une première procédure. Inversement, il ne saurait être invoqué à l’encontre de la décision clôturant cette première procédure (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, T 128/11, EU:T:2014:88, point 242).
164 Or, en l’espèce, les requérantes invoquent le principe ne bis in idem contre la décision attaquée au motif qu’elle était susceptible de faire obstacle à l’ouverture ultérieure d’autres procédures portant sur le comportement litigieux.
165 C’est donc à tort que les requérantes reprochent à la Commission d’avoir violé le principe ne bis in idem en les sanctionnant pour un comportement adopté en dehors de l’EEE et en empêchant ainsi des autorités de concurrence de pays tiers de les sanctionner à leur tour.
166 Au surplus, il convient de constater, à l’instar de la Commission, que le présent grief est purement spéculatif. À cet égard, il convient de rappeler que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, c’est bien à elles qu’il appartient de s’acquitter de la charge de prouver la violation du principe ne bis in idem qu’elles allèguent. Conformément à une jurisprudence constante, c’est, en effet, en principe à la personne qui allègue des faits au soutien d’une demande d’apporter la preuve de leur réalité [ordonnance du 25 janvier 2008, Provincia di Ascoli Piceno et Comune di Monte Urano/Apache Footwear e.a., C 464/07 P(I), non publiée, EU:C:2008:49, point 9].
167 Or, en l’espèce, les requérantes n’ont pas prouvé que la décision de la Commission de les sanctionner pour leur participation à l’infraction unique et continue était susceptible de faire obstacle à ce qu’elles soient poursuivies et sanctionnées pour leur participation à l’entente litigieuse dans ne fût-ce qu’un seul pays tiers.
168 Dans la mesure où les requérantes reprochent à la Commission de les avoir sanctionnées pour un comportement pour lequel des autorités de concurrence de pays tiers les avaient déjà sanctionnées, il convient de rappeler que, lorsque la Commission sanctionne au titre du droit de la concurrence de l’Union le comportement illicite d’une entreprise, même ayant son origine dans une entente à caractère international, elle vise à sauvegarder la libre concurrence à l’intérieur du marché intérieur qui constitue, en vertu de l’article 3 TUE lu en combinaison avec le protocole no 27 sur le marché intérieur et la concurrence, annexé au traité UE et au traité FUE en tant que composante du marché intérieur, un objectif fondamental de l’Union. En effet, par la spécificité du bien juridique protégé au niveau de l’Union, les appréciations opérées par la Commission, en vertu de ses compétences en la matière, peuvent diverger considérablement de celles effectuées par des autorités d’États tiers. Il s’ensuit que, comme il a été retenu au considérant 1196 de la décision attaquée, le principe non bis in idem ne s’applique pas à des situations dans lesquelles les ordres juridiques et les autorités de la concurrence d’États tiers sont intervenus dans le cadre de leurs compétences propres (arrêts du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission, C 289/04 P, EU:C:2006:431, points 55 et 56, et du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C 328/05 P, EU:C:2007:277, points 27 et 28).
169 Or, en l’espèce, les requérantes se prévalent précisément de la décision des autorités de concurrence sud-coréenne, brésilienne, suisse, australienne, néo-zélandaise et sud-africaine. Le principe ne bis in idem ne s’applique donc pas à la situation que dénoncent les requérantes.
170 Quant au principe de « courtoisie internationale », il suffit de relever qu’il n’est pas susceptible d’obliger la Commission à tenir compte de poursuites et des sanctions dont les requérantes pourraient, en matière de droit de la concurrence, faire l’objet dans des États tiers (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2006, Showa Denko/Commission, C 289/04 P, EU:C:2006:431, points 57 et 58). À plus forte raison, un tel principe ne saurait contraindre la Commission de tenir compte de la possibilité que sa décision de sanctionner un comportement adopté à l’extérieur de l’EEE, mais qui relève de sa compétence ratione loci, puisse faire obstacle à ce qu’une autorité de concurrence d’un pays tiers poursuive et sanctionne celui-ci.
171 Le présent grief ne peut donc qu’être rejeté et, partant la deuxième branche dans son ensemble.
c) Sur la troisième branche, prise d’une violation du principe ne bis in idem
172 Les requérantes font valoir que la Commission a violé le principe ne bis in idem en les déclarant responsables de l’infraction unique et continue en ce qu’elle concerne les liaisons intra-EEE, EEE sauf Union-pays tiers et Union-Suisse, alors qu’elle les a acquittées de la même infraction dans la décision du 9 novembre 2010. Elles relèvent que les motifs figurant au considérant 1124 de cette décision, sont explicites à cet égard et cohérents avec son dispositif, en ce qui les concerne. Elles considèrent également que la solution dégagée par la Cour dans l’arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C 238/99 P, C 244/99 P, C 245/99 P, C 247/99 P, C 250/99 P à C 252/99 P et C 254/99 P, EU:C:2002:582), selon laquelle le principe ne bis in idem n’est pas applicable en cas d’annulation pour des « motifs de forme », n’est pas transposable à la présente affaire. Selon elles, l’annulation prononcée par le Tribunal dans l’arrêt du 16 décembre 2015, Latam Airlines Group et Lan Cargo/Commission (T 40/11, non publié, EU:T:2015:986), ne concerne pas un motif de pure forme, mais un vice de motivation, dont la remédiation nécessite d’apporter d’importantes modifications à ladite décision.
173 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
174 Par la présente branche, les requérantes reprochent, en substance, à la Commission de les avoir illégalement tenues pour responsables de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concernait les liaisons intra-EEE, EEE sauf Union-pays tiers et Union-Suisse. Or, l’accueil de la première branche du présent moyen et en conséquence, l’annulation de l’article 1er, paragraphes 1, sous i) et j), 3, sous i) et j), et 4, sous i) et j), de la décision attaquée a rendu inutile l’examen de la présente branche.
3. Sur le sixième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et d’un vice de motivation
175 Le présent moyen, par lequel les requérantes reprochent à la Commission d’avoir violé leurs droits de la défense ainsi que l’obligation de motivation, s’articule, en substance, en trois branches. Elles sont prises, la première, d’une violation du droit d’être entendu quant à certains constats et certaines pièces qui leur sont opposés dans la décision attaquée, la deuxième, d’incohérences entre le dispositif et les motifs de la décision attaquée et, la troisième, de la violation de l’obligation de motivation et du droit d’être entendu quant à l’abandon de certains griefs retenus dans la communication des griefs.
a) Sur la première branche, prise d’une violation du droit d’être entendu des requérantes quant à certains constats et certaines pièces qui leur sont opposés dans la décision attaquée
176 Les requérantes font grief à la Commission d’avoir violé leur droit d’être entendues, premièrement, quant à la connaissance de la seconde requérante des composantes de l’infraction unique et continue relatives à la STS et au refus de paiement de commissions, deuxièmement, quant aux arguments étayant le constat d’une entente au niveau mondial et, troisièmement, quant à l’importance de certains éléments de preuve qui leur sont opposés dans la décision attaquée. Il échet de rappeler, au préalable, les principes applicables à l’examen de ces trois griefs.
1) Sur les principes applicables
177 À cet égard, il convient de rappeler que la communication des griefs constitue la garantie procédurale appliquant le principe fondamental du droit de l’Union qui exige le respect des droits de la défense dans toute procédure (arrêt du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C 322/07 P, C 327/07 P et C 338/07 P, EU:C:2009:500, point 35).
178 Ce principe exige notamment que la communication des griefs adressée par la Commission à une entreprise à l’encontre de laquelle elle envisage d’infliger une sanction pour violation des règles de concurrence contienne les éléments essentiels retenus à l’encontre de cette entreprise, tels que les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée et les éléments de preuve sur lesquels la Commission se fonde, afin que cette entreprise soit en mesure de faire valoir utilement ses arguments dans le cadre de la procédure administrative engagée à son encontre (arrêt du 3 septembre 2009, Papierfabrik August Koehler e.a./Commission, C 322/07 P, C 327/07 P et C 338/07 P, EU:C:2009:500, point 36).
179 À cet égard, seuls les documents qui ont été cités ou mentionnés dans la communication des griefs constituent, en principe, des moyens de preuve opposables au destinataire de la communication des griefs (arrêt du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T 191/98 et T 212/98 à T 214/98, EU:T:2003:245, point 162). Par ailleurs, des documents annexés à la communication des griefs et qui y sont mentionnés à l’appui d’un grief déterminé ne peuvent être retenus dans la décision à l’appui d’un grief différent contre la même entreprise que si cette dernière a pu déduire raisonnablement, à partir de la communication des griefs et du contenu des documents, les conclusions que la Commission entendait en tirer (voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 1992, Shell/Commission, T 11/89, EU:T:1992:33, point 62 et du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T 446/05, EU:T:2010:165, point 315).
180 L’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 et l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) no 773/2004, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), qui font application du principe du respect des droits de la défense, prescrivent à la Commission de ne retenir dans sa décision finale que les griefs au sujet desquels les entreprises et associations d’entreprises intéressées ont eu l’occasion de faire connaître leur point de vue.
181 Il doit être tenu compte dans le même temps de la nature provisoire de la communication des griefs qui implique que l’existence de différences entre ce dernier document et la décision finale est non seulement possible, mais licite, dans la mesure où la décision finale reflète l’ensemble des éléments produits et discutés durant la procédure administrative, y compris après l’envoi de la communication des griefs (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C 204/00 P, C 205/00 P, C 211/00 P, C 213/00 P, C 217/00 P et C 219/00 P, EU:C:2004:6, point 67).
2) Sur le premier grief, pris de la violation du droit d’être entendu quant à la connaissance de la seconde requérante des composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STS et au refus de paiement de commissions
182 Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir violé leur droit d’être entendues en retenant dans la décision attaquée que la seconde requérante avait connaissance des composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STS et au refus de paiement de commissions, sans que cela ne ressorte de la communication des griefs. Selon elles, d’une part, la seconde requérante n’aurait pas été citée expressément parmi les participants auxdites composantes. D’autre part, rien dans la communication des griefs n’aurait indiqué que la seconde requérante était au courant de la coordination relative à ces composantes.
183 Dans ces conditions, les requérantes estiment qu’elles pouvaient raisonnablement présumer que la Commission n’entendait pas les tenir pour responsables des composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STS et au refus de paiement de commissions. Elles n’auraient pas pris position à cet égard dans leur réponse à la communication des griefs. Elles affirment que la Commission était d’ailleurs au courant de la perception qu’elles avaient des allégations formulées à leur égard.
184 En outre, les requérantes soutiennent que, si elles avaient su que la Commission entendait les tenir pour responsables des composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STS et au refus de paiement de commissions, elles auraient pu se prononcer à cet égard dans leur réponse à la communication des griefs et, partant, mieux se défendre dans le cadre de la procédure administrative.
185 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
186 En l’espèce, la Commission a indiqué, au considérant 883 de la décision attaquée, que la seconde requérante était « impliquée » dans la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC, et que « des éléments de preuve dans le dossier démontraient qu’elle était au courant des discussions entre transporteurs sur la STS et le paiement de commissions sur les surtaxes ». Ces éléments de preuve sont décrits aux considérants 487, 634 et 681 de ladite décision (voir notes en bas de page nos 1321 et 1322).
187 Il en ressort que la Commission a imputé aux requérantes l’infraction unique et continue, en ce qu’elle concerne les composantes de ladite infraction tenant à la STS et au refus de paiement de commissions, au motif que la seconde requérante avait une connaissance avérée ou présumée de ces composantes.
188 Quant à la communication des griefs, elle indique, en son point 3, ce qui suit :
« [l]es destinataires de la présente communication des griefs ont participé à une infraction unique et continue […] dans le cadre de laquelle ils ont coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret aérien dans le monde entier [on a global basis], en ce qui concerne différentes surtaxes […] et le paiement d’une commission sur les surtaxes, en particulier […] la [STC] ; la [STS] […] et le [refus de paiement de commissions] ».
189 Cette affirmation est reprise, pour l’essentiel, au point 1409 de la communication des griefs.
190 Aux points 1103 à 1378 de la communication des griefs, la Commission a énuméré les éléments de preuve spécifiquement opposés à chaque destinataire de cette communication, au moyen d’un renvoi aux points de ladite communication décrivant lesdites éléments et d’un résumé de ces derniers en lien avec les différentes composantes de l’infraction unique et continue retenues à ce stade.
191 S’agissant des requérantes, la Commission a énuméré, au point 1247 de la communication des griefs, les contacts qui leur étaient opposés. Parmi ceux-ci, figuraient les contacts décrits aux points 535, 700 et 1073 de ladite communication, qui correspondent aux contacts décrits aux considérants 487, 634 et 681 de la décision attaquée sur lesquels la Commission s’est appuyée pour établir la connaissance de la seconde requérante des composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STS et au refus de paiement de commissions.
192 Au point 1248 de la communication des griefs, la Commission résumait ainsi, de manière générale, la teneur des contacts énumérés au point 1247 de cette communication :
« Les éléments de preuve concernant [la seconde requérante] s’étendent du 25 février 2003 au 14 février 2006. [Cette dernière] a eu de nombreux contacts avec des concurrents ayant pour objet d’échanger des informations sur la tarification dans le secteur du [fret]. Ces contacts étaient à la fois bilatéraux et multilatéraux, sous la forme de courriels (à la fois envoyés et reçus), d’appels téléphoniques et de réunions. »
193 Au point 1249 de la communication des griefs, la Commission a indiqué que « [la seconde requérante] était impliquée au moins dans les aspects suivants : STC et tarifs ». Aux points 1250 à 1255 de ladite communication, elle a procédé à un résumé détaillé des éléments de preuve tendant à établir l’implication de la seconde requérante dans ces deux composantes alléguées de l’infraction unique et continue.
194 Aux points 1415 à 1418 de la communication des griefs, la Commission a rappelé les principes d’établissement de la responsabilité individuelle d’une entreprise prenant part à une infraction unique et continue. À cet égard, elle a souligné qu’elle était en droit, ainsi qu’il ressortait de la jurisprudence du juge de l’Union, d’imputer à une entreprise l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction même si elle n’avait directement participé qu’à une partie desdits comportements, pour autant qu’elle avait connaissance, ou aurait dû avoir connaissance, de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs.
195 D’une part, il ressort de la description de la communication des griefs aux points 188 à 194 ci-dessus, et, en particulier, des points 3 et 1409 de ladite communication, que la Commission considérait que l’ensemble des destinataires de cette communication, en ce compris la seconde requérante, avaient « participé » à l’infraction unique et continue, toutes composantes confondues.
196 Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne saurait être déduit du libellé du point 1249 de la communication des griefs que la Commission entendait revenir sur cette position. En effet, interprété à la lumière des indications de ladite communication reprises au point 195 ci-dessus, ce considérant se comprend comme faisant référence à la participation directe de cette dernière dans certaines composantes de l’infraction unique et continue, sans préjudice de la faculté pour la Commission d’établir la responsabilité de la seconde requérante pour les autres composantes de ladite infraction au regard de la connaissance, présumée ou avérée, que celle-ci en aurait.
197 Cette lecture est corroborée par les éléments de preuves opposés aux requérantes au point 1247 de la communication des griefs, dont le champ excède les seuls comportements décrits au titre des composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STC et aux tarifs.
198 En outre, il convient de relever la précision apportée au point 1249 de la communication des griefs selon laquelle la seconde requérante était impliquée « au moins » dans certaines composantes de l’infraction unique et continue. En effet, la Commission ne pouvant retenir à l’encontre des destinataires de ladite communication que les griefs au sujet desquels ils ont eu l’occasion de faire connaître leur point de vue, l’indication selon laquelle elle entendait retenir, « au moins », leur responsabilité pour certaines composantes serait superflue. Cela résulte de ce que, en tout état de cause, la Commission ne pouvait constater dans la décision finale la responsabilité de ces destinataires pour les autres composantes pour lesquelles elle n’avait pas précisé si elle avait ou non l’intention de les tenir responsables. Inversement, il était loisible à la Commission de préciser, après avoir affirmé qu’elle entendait tenir les destinataires responsables de l’infraction unique et continue dans toutes ses composantes, que leur participation directe était établie « au moins » pour certaines composantes, en laissant ouvert, pour les autres composantes, la question de savoir si leur responsabilité devait être établie au titre de leur participation directe à celles-ci ou simplement au titre de leur connaissance.
199 D’autre part, il ressort du point1247 de la communication des griefs que la Commission a identifié, dans ladite communication, parmi les éléments de preuve au dossier, un certain nombre de contacts qu’elle entendait opposer spécifiquement aux requérantes. Parmi ces contacts, figuraient ceux utilisés par la Commission pour établir, dans la décision attaquée, la connaissance de la seconde requérante des composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STS et au refus de paiement de commissions.
200 S’il est vrai, comme le soulignent les requérantes, que les points de la communication des griefs dans lesquels sont décrits les contacts en cause n’informent pas précisément sur l’utilisation qu’entendait en faire la Commission, il y a lieu de relever, d’une part, que le point 700 de ladite communication figure sous le titre « Contacts entre concurrents au sujet de la STS entre 2002 et 2006 – implication de l’administration centrale » et, d’autre part, que le point 1073 de cette communication figure sous le titre « Discussions concernant le paiement d’une commission sur les surtaxes ». Ainsi, il ressortait de toute évidence de la communication des griefs que la Commission estimait que ces éléments, que les requérantes savaient leur être opposés, contribuaient à établir leur responsabilité pour les composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STS et au refus de paiement de commissions.
201 S’agissant des éléments repris au point 535 de la communication des griefs, il ne ressort en revanche pas explicitement du point dans lequel ils s’insèrent, intitulée « Contacts entre concurrents au sujet des augmentations de la STC durant l’été 2005 », qu’ils étaient susceptibles d’être utilisés pour établir, dans la décision attaquée, la responsabilité des requérantes pour la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions.
202 Pour autant, il y a lieu de relever que la communication des griefs faisait état de ce que cet élément leur était opposé, sans circonscrire sa portée à la seule composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC (voir point 191 ci-dessus) et indiquait en outre que la responsabilité des requérantes était recherchée, y compris pour la composante de ladite infraction tenant au refus de paiement de commissions (voir point 195 ci-dessus). Qui plus est, il ressort du contenu du document décrit au point 535 de ladite communication que les requérantes pouvaient raisonnablement en déduire que la Commission en tirerait, également, des conclusions sur leur responsabilité pour cette dernière composante. En effet, ce document, un courriel interne de la seconde requérante, fait rapport notamment de ce que « [Lufthansa] avait résisté à la pression exercée par les transitaires visant à obtenir le paiement d’une commission sur la STC ».
203 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater que la Commission, dans la communication des griefs, a mis les requérantes en mesure de faire valoir utilement leurs arguments sur la connaissance qu’avait la seconde requérante de la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STS et au refus de paiement de commissions. Dès lors, le présent grief doit être rejeté.
3) Sur le deuxième grief, pris de la violation du droit d’être entendu quant aux arguments étayant le constat d’une entente au niveau mondial
204 Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir violé leur droit d’être entendues en retenant, pour étayer le constat d’une entente au niveau mondial, deux arguments qui ne figuraient pas dans la communication des griefs. En premier lieu, au considérant 890 de la décision attaquée, la Commission aurait retenu qu’aucune barrière insurmontable n’empêchait les transporteurs incriminés de fournir des services de fret sur toutes les liaisons dans le monde entier et que « chaque transporteur aurait pu surmonter n’importe quelle entrave juridique ou technique » à l’exploitation de n’importe quelle liaison au moyen d’accords de coopération. Or, dans ladite communication, elle n’aurait jamais expressément conclu que de tels accords étaient juridiquement ou techniquement possibles sur toutes les liaisons et offraient ainsi une opportunité d’exploiter toute liaison au niveau mondial. En second lieu, dans la note en bas de page afférente au considérant 889 de ladite décision, elle citerait des éléments de preuve au soutien du constat selon lequel les surtaxes étaient destinées à être appliquées à toutes les liaisons au niveau mondial. Or, dans cette communication, ces éléments de preuve auraient été mentionnés mais la conclusion qu’en a tiré la Commission dans cette décision n’aurait fait l’objet d’aucune explication.
205 Les requérantes ajoutent que, si elles avaient été entendues au sujet des deux éléments en cause, elles auraient pu faire valoir des arguments qui auraient pu conduire à ce que la décision attaquée ait un contenu différent.
206 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
207 En l’espèce, s’agissant du premier argument prétendument nouveau figurant au considérant 890 de la décision attaquée, il consiste, pour la Commission, à indiquer que les accords passés avec d’autres transporteurs étaient de nature à permettre à ces derniers de « surmonter n’importe quelle entrave juridique ou technique à la prestation de services de fret […] sur les liaisons qu’il[s] n’exploitai[en]t pas ou qu’il[s] n’aurai[en]t pas pu légalement exploiter ».
208 Or, d’une part, il échet de constater que, ainsi qu’il ressort des considérants 112, 886 et 887 de la décision attaquée, l’indication en cause est formulée par la Commission en réponse aux arguments de certains destinataires de la communication des griefs, tendant à remettre en cause la pertinence des contacts intervenus dans les pays tiers et des contacts concernant des liaisons qu’ils n’avaient jamais desservies ou n’auraient pas pu légalement desservir.
209 Dès lors, l’indication en cause s’inscrit dans la possibilité reconnue à la Commission, au vu de la procédure administrative, de réviser ou d’ajouter des arguments de fait ou de droit à l’appui des griefs qu’elle a formulés (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission, T 336/07, EU:T:2012:172, point 82).
210 D’autre part, l’argument prétendument nouveau de la Commission formulé au considérant 890 de la décision attaquée s’appuie en réalité sur des éléments qui figuraient déjà dans la communication des griefs.
211 Ainsi, au point 7 de la communication des griefs, la Commission indiquait ce qui suit :
« [a]ucune compagnie aérienne n’est en mesure de desservir toutes les destinations majeures de fret dans le monde à des fréquences suffisantes avec son propre réseau, de sorte que la conclusion d’accords entre transporteurs pour augmenter leur couverture du réseau ou améliorer leurs horaires est monnaie courante. De tels accords peuvent prendre diverses formes telles qu’un simple achat de capacité ou un certain degré de partage de coûts et de revenus. Il est souvent fait référence à ces accords au sein du secteur sous la dénomination “entreprises communes” (“joint ventures”), même s’il ne s’agit en réalité que d’accords d’achat de capacité ».
212 Au point 102 de la communication des griefs, la Commission ajoutait ce qui suit :
« [l]a plupart des fournisseurs de services de fret aérien opèrent à l’échelle mondiale. Le transport aérien est généralement exécuté sur une longue distance et les marchandises sont souvent transportées d’un continent vers un autre. Le marché du fret aérien est mondial. La plupart des fournisseurs de services de fret aérien exploitent un réseau de liaisons sur lesquelles ils offrent des services réguliers dans les deux sens. D’une manière générale, ils offrent des services en provenance et à destination de plusieurs aéroports dans leur région d’origine et un large éventail d’aéroports dans d’autres parties du monde. Par le biais d’accords passés avec d’autres transporteurs, ils peuvent également offrir des services de fret aérien en provenance et à destination d’aéroports que leurs propres avions ne desservent pas ou pour du fret pour lequel ils n’ont pas de capacité disponible ».
213 S’agissant du second argument prétendument nouveau formulé au considérant 889 de la décision attaquée et dans la note en bas de page no 1323, il consiste, pour la Commission, à s’appuyer sur un certain nombre de contacts pour alléguer que « les annonces d’augmentation ou de diminution de la STC ou de la STS par divers transporteurs faisaient référence à une application mondiale de la surtaxe qui ne se limitait pas une liaison spécifique ».
214 À cet égard, il est constant, tout d’abord, que l’ensemble des contacts sur lesquels la Commission s’est appuyée étaient mentionnés dans la communication des griefs.
215 Ensuite, la communication des griefs fait état d’une entente mondiale en ce qui concernait la STC et la STS. Ainsi, le point 3 de ladite communication se faisait référence à la coordination du comportement des transporteurs dans le monde entier s’agissant de différentes surtaxes et du refus de paiement de commissions (point 188 ci-dessus).
216 De même, le point 125 de la communication des griefs se lit comme suit « [l]’application coordonnée de la [STC] avait pour objectif de veiller à ce que les transporteurs de fret aérien dans le monde entier [throughout the world] imposent une surtaxe forfaitaire par kilo sur tous les envois pertinents. […] Cette approche coordonnée était étendue aux [STS] […]. En outre, les [transporteurs] coordonnaient leur refus de payer une commission sur les surtaxes […] ».
217 Il s’ensuit que tant les pièces que le constat de fait sur lesquels reposent le second argument prétendument nouveau de la Commission étaient contenus dans la communication des griefs.
218 En outre, le présent argument, à l’instar du premier argument prétendument nouveau, était formulé en réponse aux arguments de certains destinataires de la communication des griefs qui sont résumés au considérant 887 de la décision attaquée. Même à supposer qu’il présentât un caractère nouveau, il y a lieu de considérer qu’il s’inscrivait dans la possibilité reconnue à la Commission, au vu de la procédure administrative, de réviser ou ajouter des arguments de fait ou de droit à l’appui des griefs qu’elle a formulés (voir point 209 ci-dessus).
219 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission, en formulant les deux arguments en cause, n’a pas violé le droit des requérantes d’être entendues.
220 Par conséquent, le présent grief doit être rejeté.
4) Sur le troisième grief, pris de la violation du droit d’être entendu quant à l’importance de certains éléments de preuve qui leur sont opposés dans la décision attaquée
221 Les requérantes font grief à la Commission de s’être appuyée sur deux pièces dont l’importance n’avait pas été expliquée dans la communication des griefs et qui devraient, par suite, être écartées. La première de ces pièces est un courriel interne de la seconde requérante du 22 août 2005, décrit au considérant 893 de la décision attaquée. La seconde est un courriel interne de la seconde requérante du 11 février 2006 visé au considérant 634 de ladite décision.
i) Sur le courriel interne de la seconde requérante du 22 août 2005
222 Les requérantes avancent que le courriel interne de la seconde requérante du 22 août 2005 est le seul élément invoqué à l’appui de l’allégation selon laquelle celle-ci était informée ou consciente que Lufthansa communiquait directement et régulièrement avec d’autres transporteurs au sujet de la STC. Elles soutiennent également que, dans la communication des griefs, la Commission ne les a pas informées de l’interprétation que celle-ci faisait de cette pièce, ni du fait que cette dernière serait retenue à l’appui de cette allégation. Elles affirment que ce courriel n’était pas du tout mentionné dans ladite communication, laissant entendre que la Commission ne le considérait pas comme un élément de preuve pertinent à leur égard. Elles soulignent qu’il est indifférent qu’elles aient mentionné ledit courriel dans leur réponse à cette communication, car elles n’ont pas su quelle utilisation la Commission en ferait dans la décision attaquée.
223 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
224 À cet égard, il est constant que le courriel interne de la seconde requérante du 22 août 2005 n’est pas mentionné dans la communication des griefs, mais figure dans le dossier auquel les requérantes ont eu accès durant la procédure administrative.
225 En outre, il ressort du considérant 893 de la décision attaquée que ce sont les requérantes elles-mêmes, dans leur réponse à la communication des griefs, qui ont fait référence au courriel interne de la seconde requérante du 22 août 2005, au soutien de leur argument selon lequel elle n’avait jamais été informée ni consciente que Lufthansa communiquait directement sur une base régulière avec de nombreux autres transporteurs concernant la STC.
226 Dès lors, conformément à la jurisprudence citée aux points 181 et 209 ci-dessus, il ne saurait être reproché à la Commission de s’être appuyée, dans la décision attaquée, sur une pièce invoquée dans leur réponse à la communication des griefs pour répondre aux arguments des requérantes que ladite pièce était censée étayer.
ii) Sur le courriel interne de la seconde requérante du 11 février 2006
227 Les requérantes font valoir que le courriel interne de la seconde requérante du 11 février 2006 décrit au considérant 634 de la décision attaquée constitue le seul élément invoqué à l’appui de l’allégation selon laquelle la seconde requérante était au courant des discussions entre d’autres transporteurs au sujet de la STS. Elles présument qu’il s’agit aussi de la seule pièce sur laquelle la Commission s’est fondée pour conclure que la seconde requérante était au courant de l’existence d’un plan anticoncurrentiel d’ensemble couvrant la STS. Il en irait de même des courriels décrits aux considérants 487 et 681 de la décision attaquée sur lesquels la Commission se fonderait pour étayer l’allégation selon laquelle la seconde requérante était au courant des contacts relatifs au refus de paiement de commissions. Or, une lecture raisonnable de la communication des griefs aurait laissé entendre que tous ces courriels ne seraient retenus qu’à titre de preuve supplémentaire des contacts entre les autres transporteurs.
228 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
229 À cet égard, il y a lieu de relever que le Tribunal a déjà constaté, aux points 195 à 203 ci-dessus, que les requérantes avaient été mises en mesure de faire valoir utilement leurs arguments sur la connaissance qu’avait la seconde requérante des composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STS et au refus de paiement de commissions, y compris quant aux courriels, visés dans le présent grief, qui leur étaient opposés par la Commission.
230 Les requérantes ne sont donc pas fondées à soutenir qu’elles n’ont pas été utilement entendues quant au courriel interne de la seconde requérante du 11 février 2006.
231 Il s’ensuit que le présent grief doit être rejeté, et partant la première branche du sixième moyen dans son ensemble.
b) Sur la deuxième branche, prise d’incohérences entre le dispositif et les motifs de la décision attaquée
232 Les requérantes soutiennent, en substance, que la décision attaquée est entachée d’un vice de motivation identique à celui ayant entraîné l’annulation de la décision du 9 novembre 2010, dans la mesure où British Airways et Qantas ne sont pas tenues pour responsables de l’infraction unique et continue dans son intégralité. Pour le même motif, la Commission aurait violé une condition essentielle de procédure interdisant l’adoption de décisions contradictoires. Ainsi, premièrement, les motifs de la décision attaquée indiqueraient que British Airways a participé à cette infraction dans son intégralité, sans restriction géographique ou temporelle. À l’inverse, le dispositif de cette décision ne tiendrait pas British Airways responsable de toutes les composantes, liaisons ou périodes de ladite infraction. British Airways demeurerait responsable de l’infraction distincte constatée à l’article 1er de la décision du 9 novembre 2010. Deuxièmement, la décision attaquée serait fondée sur les mêmes éléments de preuve et les mêmes griefs que la décision du 9 novembre 2010. Cela vaudrait également pour Qantas, qui ne figurerait pourtant pas parmi les transporteurs incriminés et resterait donc responsable des infractions distinctes constatées dans le dispositif de cette dernière décision. Selon les requérantes, la Commission aurait donc dû retirer la décision en question à l’encontre de Qantas et la tenir responsable de l’infraction unique et continue dans une nouvelle décision.
233 Les requérantes ajoutent que la Commission aurait aisément pu corriger ce vice de motivation, comme elle l’aurait fait pour Lufthansa. Or, ce vice pourrait avoir des conséquences graves et inacceptables dans le cadre d’actions en dommages et intérêts. Elles soutiennent d’une part que, s’agissant du préjudice au titre des liaisons intra-Union pendant la période infractionnelle retenue à leur égard et des vols sur les liaisons sortantes (à l’exclusion de ceux à destination de Hong Kong, du Japon, de l’Inde, de la Thaïlande, de Singapour, de la Corée du Sud et du Brésil) pour la période postérieure au 1er mai 2004 ou au 19 mai 2005, elles pourraient exercer une action récursoire contre tous les autres transporteurs incriminés à l’exception de British Airways et de Qantas. D’autre part, elles affirment que, s’agissant du préjudice au titre des vols sur les liaisons entrantes en provenance de Hong Kong, du Japon, de l’Inde, de la Thaïlande, de Singapour, de Corée du Sud et du Brésil, elles pourraient exercer une action récursoire contre tous les autres transporteurs incriminés à l’exception de British Airways.
234 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
235 Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 296 TFUE et de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte, les décisions adoptées par la Commission doivent être motivées.
236 La motivation d’un acte doit être logique, ne présentant notamment pas de contradiction interne entravant la bonne compréhension des raisons sous-tendant cet acte (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C 521/09 P, EU:C:2011:620, point 151).
237 Selon la jurisprudence, une contradiction dans la motivation d’une décision n’est cependant de nature à affecter sa validité que si le destinataire de l’acte n’est pas en mesure de connaître les motifs réels de la décision, en tout ou en partie, et que, de ce fait, le dispositif de l’acte est, en tout ou en partie, dépourvu de tout support juridique (arrêts du 24 janvier 1995, Tremblay e.a./Commission, T 5/93, EU:T:1995:12, point 42, et du 30 mars 2000, Kish Glass/Commission, T 65/96, EU:T:2000:93, point 85).
238 Or, comme il ressort des points 127 et 131 ci-dessus, une décision telle que la décision attaquée doit s’analyser comme une décision individuelle constatant, à l’égard des requérantes, l’infraction unique et continue et leur infligeant une amende.
239 Il s’ensuit que le contenu de la décision attaquée, en ce qu’il a trait à la responsabilité d’autres transporteurs, ne saurait être le support juridique du dispositif de ladite décision. Dès lors, les contradictions invoquées par les requérantes ne sont pas de nature à les priver de la connaissance des motifs réels de cette décision.
240 En tout état de cause, il ressort du dispositif de la décision attaquée, lu à la lumière des considérants 9, 11, 1091 et 1092 de ladite décision, que les constats d’infraction retenus dans le dispositif à l’encontre de British Airways sont limités aux aspects de la décision du 9 novembre 2010 qui ont été annulés par le Tribunal dans son arrêt du 16 décembre 2015, British Airways/Commission (T 48/11, non publié, EU:T:2015:988). Les autres aspects de cette décision, dans la mesure où ils n’avaient pas été contestés par British Airways, sont devenus définitifs.
241 Quant à Qantas, la Commission a indiqué, aux considérants 8 et 13 de la décision attaquée, que celle-ci n’avait pas contesté la décision du 9 novembre 2010, que cette dernière décision était devenue définitive en ce qu’elle la concernait et partant, que la décision attaquée ne lui était pas adressée.
242 Ainsi, la Commission a dûment expliqué, dans la décision attaquée, pourquoi, d’une part, elle a restreint le périmètre des constats d’infraction opérés à l’égard de British Airways et, d’autre part, elle s’est abstenue d’adresser ladite décision à Qantas.
243 Certes, l’approche retenue par la Commission conduit à faire coexister des constats d’infractions qui diffèrent notamment à raison du fait que leurs coauteurs ne sont pas strictement les mêmes. Ainsi, les composantes de l’infraction unique et continue relatives aux liaisons intra-EEE, EEE sauf Union-pays tiers et Union-Suisse sont imputées, dans la décision attaquée, à plusieurs transporteurs qui ne s’étaient pas vus imputer ces comportements dans la décision du 9 novembre 2010.
244 Toutefois, il n’en résulte pas de contradiction entravant la bonne compréhension de la décision attaquée. Cette situation n’est, en effet, que le résultat du système des voies de recours, dans le cadre duquel le juge de la légalité ne peut, sous peine de statuer ultra petita, prononcer une annulation excédant celle sollicitée par la partie requérante, et de la circonstance que British Airways n’a demandé que l’annulation partielle de la décision du 9 novembre 2010, tandis que Qantas ne l’a pas contestée devant le juge de l’Union.
245 Il s’ensuit que la motivation de la décision attaquée est exempte à cet égard de toute contradiction interne entravant la bonne compréhension des raisons la sous-tendant.
246 La présente branche doit donc être rejetée.
c) Sur la troisième branche, prise de la violation de l’obligation de motivation et du droit d’être entendu quant à l’abandon de certains griefs retenus dans la communication des griefs
247 Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir suffisamment motivé, et de ne pas leur avoir donné la possibilité de s’exprimer sur, l’abandon des griefs à l’encontre des transporteurs non incriminés et l’exclusion du champ de l’infraction unique et continue de comportements retenus dans la communication des griefs.
248 En premier lieu, s’agissant de l’abandon des griefs à l’égard des transporteurs non incriminés, les requérantes avancent que la Commission continue de se fonder sur des contacts anticoncurrentiels auxquels ces transporteurs ont participé. Elles relèvent que la décision attaquée renferme de nombreux éléments de preuve démontrant la participation de ces transporteurs à des échanges d’informations qui entrent dans le champ de l’infraction unique et continue. La Commission serait pourtant restée en défaut de motiver l’abandon des poursuites à l’égard desdits transporteurs. Les requérantes estiment que cet abandon aurait nécessairement un fondement factuel et juridique dont elles devraient avoir connaissance pour leur défense.
249 Les requérantes ajoutent que la question présente une importance certaine au regard des actions en dommages et intérêts qui ont été introduites devant les juridictions nationales. Selon elles, l’abandon des griefs à l’égard des transporteurs non incriminés pourrait avoir des conséquences défavorables sur la possibilité d’intenter des actions récursoires à leur égard.
250 En deuxième lieu, les requérantes font valoir que l’exclusion du champ de l’infraction unique et continue de plusieurs composantes de ladite infraction visées dans la communication des griefs a considérablement modifié la portée du plan d’ensemble auquel il était reproché aux transporteurs incriminés d’avoir participé dans ladite communication. Selon elles, la Commission s’appuie dans la décision attaquée sur l’existence d’un plan d’ensemble identique à celui constaté dans cette communication, sans motivation adéquate et sans leur avoir permis de se prononcer à cet égard.
251 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
252 En premier lieu, il convient de relever que la Commission n’a aucune obligation d’exposer, dans une décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE, les raisons pour lesquelles certaines entreprises n’ont pas été poursuivies ou sanctionnées. En effet, l’obligation de motivation d’un acte ne saurait englober une obligation pour l’institution qui en est l’auteur de motiver le fait de ne pas avoir adopté d’autres actes similaires adressés à des parties tierces (arrêt du 8 juillet 2004, JFE Engineering/Commission, T 67/00, T 68/00, T 71/00 et T 78/00, EU:T:2004:221, point 414).
253 Or, en l’espèce, les requérantes se prévalent précisément de l’omission de la Commission d’expliquer pourquoi des entreprises qui se seraient trouvées dans une situation semblable à la leur n’ont pas été tenues pour responsables de l’infraction unique et continue.
254 De même, s’agissant de la violation du droit d’être entendu que les requérantes reprochent à la Commission, il suffit de rappeler que lorsque, comme en l’espèce, la Commission abandonne l’ensemble des griefs retenus contre certaines sociétés initialement impliquées dans la procédure concernée, elle ne saurait être tenue de permettre aux sociétés finalement destinataires de sa décision de faire connaître leur point de vue sur cet abandon, dès lors que la communication aux intéressés d’un complément de griefs et, partant, la faculté laissée à ceux-ci de faire valoir leur point de vue le concernant ne s’imposent que dans le cas où la Commission est amenée à mettre à la charge des entreprises concernées des actes nouveaux ou à modifier sensiblement les éléments de preuve des infractions contestées (arrêt du 9 octobre 2014, ICF/Commission, C 467/13 P, non publié, EU:C:2014:2274, point 36).
255 En second lieu, s’agissant de la prétendue violation de l’obligation de motivation et du droit d’être entendu concernant l’exclusion du champ de l’infraction unique et continue de plusieurs composantes de ladite infraction visées dans la communication des griefs, tout d’abord, il échet de constater que cette exclusion était conforme aux intérêts des requérantes, en conduisant à l’abandon de certains des griefs qui leur étaient opposés. Partant, le respect des droits de la défense n’exigeait pas qu’elles aient été mises en mesure de présenter leurs observations à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C 204/00 P, C 205/00 P, C 211/00 P, C 213/00 P, C 217/00 P et C 219/00 P, EU:C:2004:6, point 193).
256 Ensuite, les griefs invoqués par les requérantes reposent sur la prémisse que l’exclusion du champ de l’infraction unique et continue de plusieurs composantes de ladite infraction visées dans la communication des griefs aurait eu pour effet de modifier considérablement la portée du plan d’ensemble de cette infraction à laquelle il leur était reproché d’avoir participé.
257 Or, en guise de modification de la portée du plan d’ensemble, les requérantes ne font qu’avancer la circonstance que ne s’inséraient plus dans ledit plan que trois des composantes de l’infraction unique et continue qui avaient été retenues dans la communication des griefs. Partant, elles sont en défaut d’apporter la preuve que la Commission a mis à leur charge des griefs nouveaux ou retenu des éléments de preuve ou de fait sur lesquels elles n’avaient pas eu l’occasion de s’expliquer.
258 Enfin, quant au respect de l’obligation de motivation, il suffit d’observer que la Commission n’est pas tenue d’expliquer les différences éventuelles existant entre ses appréciations définitives et ses appréciations provisoires contenues dans la communication des griefs (arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T 91/11, EU:T:2014:92, point 96). Dans cette mesure, la Commission était en droit d’abandonner certains griefs à l’égard des requérantes, comme en l’espèce, sans s’en expliquer.
259 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la présente branche et, partant, le sixième moyen dans son ensemble.
4. Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs de fait et de droit et d’une violation de l’obligation de motivation tenant à la constatation d’une entente au niveau mondial
260 Le présent moyen, par lequel les requérantes soutiennent que la Commission a commis des erreurs de fait et de droit et violé l’obligation de motivation en constatant la participation des transporteurs incriminés à une « entente au niveau mondial », s’articule en quatre branches. Elles sont prises, en substance, la première, de l’absence de preuve du caractère mondial de l’entente litigieuse, la deuxième, d’une erreur manifeste dans l’appréciation de l’étendue de l’infraction unique et continue, la troisième, d’un vice d’incompétence et d’une violation de l’obligation de motivation quant à la portée géographique de cette infraction et, la quatrième, d’une contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision attaquée s’agissant de la nature et de la portée de ladite infraction.
a) Sur la première branche, prise de l’absence de preuve du caractère mondial de l’entente litigieuse
261 Les requérantes reprochent, en substance, à la Commission d’avoir fondé sa constatation de l’existence d’une « entente au niveau mondial » sur des éléments de preuve « extrêmement limités », en particulier au regard du volume important du dossier. La Commission s’appuierait sur huit cas allégués de références à la STC et deux cas allégués de références à la STS. Aucune de ces pièces ne porterait sur le refus de paiement des commissions, dont la Commission ne prouverait pas l’application au niveau mondial. Aussi, seule l’une de ces pièces concernerait la seconde requérante et serait donc susceptible de démontrer qu’elle a participé à une entente de dimension mondiale ou en a eu connaissance. Il s’agirait d’un communiqué de presse sur la STC que le directeur des ventes de Lufthansa en Allemagne n’aurait envoyé qu’aux salariés locaux d’autres transporteurs, dont ceux du bureau local de la seconde requérante à Francfort (Allemagne). Or, ce communiqué ne ferait pas référence à l’application mondiale de la STC et ne démontrerait pas que la seconde requérante avait connaissance du caractère mondial de l’entente litigieuse. Au contraire, il ressortirait du libellé dudit communiqué qu’il ne concernait que la STC appliquée aux vols au départ de Francfort.
262 Par ailleurs, la Commission ne serait pas fondée à conclure au caractère mondial de l’entente litigieuse, au motif que la plupart des transporteurs opéraient à l’échelle mondiale. En effet, la seconde requérante n’opèrerait pas à l’échelle mondiale. La Commission ne serait pas davantage fondée à se prévaloir de la possibilité alléguée de conclure des accords de coopération ou de leur légalité pour conclure que toutes les liaisons que les transporteurs n’ont jamais exploitées sont pertinentes aux fins d’établir l’existence d’une entente au niveau mondial. Les droits de trafic seraient très réglementés et il ne serait pas facile de les obtenir ou de les contourner au moyen de tels accords.
263 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
264 À l’appui du constat du caractère mondial de l’entente litigieuse (voir points 151 et 152 ci-dessus), la Commission a indiqué que l’entente litigieuse « fonctionnait sur une base mondiale » (considérant 832 de la décision attaquée). La Commission a expliqué que l’entente litigieuse était fondée sur un réseau complexe de contacts, principalement bilatéraux, entretenus dans plusieurs endroits dans le monde et à divers niveaux au sein des entreprises concernées (considérants 109 et 1300 de ladite décision). Selon la Commission, les « arrangements de l’entente [litigieuse] étaient, dans de nombreux cas, organisés au niveau central » et appliqués localement par le personnel local (considérant 1046 de ladite décision). Il s’agissait, selon la Commission, de permettre au personnel local d’adapter aux conditions locales les mesures d’application générale, « à toutes les liaisons, au niveau mondial », qu’étaient les surtaxes et le refus de paiement de commissions (considérants 876, 889 et 890 et note en bas de page no 1323 de ladite décision).
265 Dans le cadre de la présente branche, les requérantes ne contestent pas les appréciations relatives à l’organisation de l’entente litigieuse, mais se contentent de critiquer celle tenant à l’applicabilité générale, « à toutes les liaisons, au niveau mondial », des différentes composantes de l’infraction unique et continue.
266 Or, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, cette appréciation se fonde sur des éléments de preuve de la Commission qui n’ont rien d’« extrêmement limités », d’autant qu’il est usuel que les activités que les accords anticoncurrentiels comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation qui y est afférente soit réduite au minimum (voir arrêt du 16 février 2017, H&R ChemPharm/Commission, C 95/15 P, non publié, EU:C:2017:125, point 39 et jurisprudence citée).
267 Ainsi, pour ce qui est des surtaxes, les requérantes elles-mêmes relèvent que la Commission a rassemblé plusieurs éléments de preuve et restent, dans le cadre de la présente branche, en défaut d’expliquer en quoi ceux-ci seraient insuffisamment probants.
268 Or, ces éléments de preuve, dont plusieurs sont cités à titre d’exemple à la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, étayent à suffisance la conclusion de la Commission tenant à l’applicabilité générale des surtaxes, « à toutes les liaisons, au niveau mondial ». D’une part, s’agissant de la STC, il convient notamment de relever que le considérant 140 de la décision attaquée fait référence à un courriel interne de Swiss, dans lequel il est indiqué qu’AF « prélèvera, au niveau mondial, une [STC] de 0,10 EUR/0,10 USD par kg », que KLM « fera exactement la même chose » et que Lufthansa « va dans le même sens, mais n’a pas encore confirmé ce point à l’heure actuelle ». Aussi, au considérant 162 de cette décision, il est fait état d’un échange de courriels entre Lufthansa et Japan Airlines du 27 septembre 2000 dans lequel il est indiqué que Lufthansa Cargo compte appliquer un certain montant de STC « au niveau mondial », tandis que, au considérant 210 de cette décision, il est renvoyé à la déclaration de clémence de Martinair, selon laquelle cette dernière a eu des contacts avec plusieurs transporteurs sur la mise en œuvre d’une STC mondiale.
269 De même, dans la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, il est fait état d’annonces d’augmentation ou de diminution de la STC ou de la STS qui faisaient référence à une application mondiale de ces surtaxes, laquelle « ne se limitait pas à une liaison spécifique ».
270 D’autre part, s’agissant de la STS, il convient de constater que, au considérant 608 de la décision attaquée, la Commission a mentionné un courriel dans lequel British Airways explique à Lufthansa vouloir introduire une « taxe de manutention exceptionnelle » dans le monde entier. Aussi, au considérant 666 de cette décision, la Commission a fait référence au compte rendu d’une réunion du 30 mars 2004 du comité exécutif du sous-comité cargo (ci-après le « SCC ») du Board of Airline Representatives (Association des représentants des compagnies aériennes, ci-après le « BAR ») à Hong Kong. Il ressort de ce compte rendu que le montant de la STS au départ de Hong Kong serait fondé sur l’« élément de référence mondial ».
271 Pour ce qui est du refus de paiement de commissions, il est vrai que la Commission n’a pas, dans la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, cité d’exemple spécifique d’éléments de preuve qui tendraient à étayer son applicabilité générale, « à toutes les liaisons, au niveau mondial ».
272 Cependant, d’une part, il convient de constater que, dans la mesure où les surtaxes étaient généralement applicables « à toutes les liaisons, au niveau mondial », il était vraisemblable que le refus de paiement de commissions l’était également. En effet, au considérant 879 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le refus de paiement de commissions et les deux autres composantes de l’infraction unique et continue étaient complémentaires en ce qu’il avait « permis de soustraire les surtaxes à la concurrence liée à la négociation de commissions (en réalité des ristournes sur les surtaxes) avec les clients ».
273 D’autre part, il importe de souligner que la Commission a, ailleurs qu’à la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, fait état d’éléments de preuve tendant à étayer l’applicabilité du refus de paiement de commissions « à toutes les liaisons, au niveau mondial ». Ainsi, au considérant 679 de la décision attaquée, la Commission a fait état d’un courriel interne relatif au refus de paiement de commissions, dans lequel le responsable en chef du fret de Swiss a demandé à ses directeurs régionaux de « participer aux réunions locales du BAR chaque fois que cela appara[issai]t pertinent ». De même, au considérant 683 de la décision attaquée, la Commission mentionne un mémo interne adressé aux directeurs des ventes de fret de CPA, dans lequel il est indiqué que « tant que les conditions locales le permettent, C[PA] devrait adopter une approche et une réponse communes à la question [des demandes de commission sur les surtaxes] » et « devrait donc envisager de suivre tout rejet d’une telle demande ou d’une telle revendication de commission, ainsi que toute autre action y afférente pouvant être coordonnée par vos associations de [transporteurs] locales ».
274 La Commission a d’ailleurs apporté des éléments de preuve tendant à démontrer qu’une telle coordination s’était produite dans de nombreux pays à travers le monde, dont Hong Kong (considérant 503 de la décision attaquée), la Suisse (considérant 692 de cette décision), l’Italie (considérants 694 à 698 de ladite décision), la France (considérant 699 de ladite décision), l’Espagne (considérant 700 de la même décision), l’Inde (considérant 701 de la décision en cause) et les États-Unis (considérant 702 de la décision en cause).
275 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la circonstance que les comportements infractionnels décrits dans la décision attaquée n’auraient spécifiquement visé que 19 marchés extérieurs à l’Union n’était pas de nature à faire obstacle à ce que la Commission conclue à l’existence d’une entente de dimension mondiale.
276 Quant aux circonstances que la seconde requérante n’opérait pas à l’échelle mondiale et que les contacts litigieux sur lesquels la Commission s’est appuyée pour conclure à l’existence d’une entente au niveau mondial n’impliquaient majoritairement pas celle-ci, elles sont dépourvues de toute pertinence aux fins de l’examen de la preuve de l’existence d’une « entente au niveau mondial » que soulève la présente branche.
277 Il s’ensuit que les requérantes ont échoué à démontrer que la Commission avait commis une erreur en concluant que l’entente litigieuse revêtait une dimension mondiale.
278 Il convient donc de rejeter la présente branche.
b) Sur la deuxième branche, prise, en substance, d’une erreur dans l’appréciation de l’étendue de l’infraction unique et continue et d’une violation de l’obligation de motivation
279 Les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission a commis une erreur d’appréciation en constatant que l’infraction unique et continue portait sur toutes les liaisons, au niveau mondial.
280 En premier lieu, s’agissant des surtaxes, cette infraction n’aurait pas pu porter sur de nombreuses liaisons, parce que des mesures règlementaires ne laissaient pas aux transporteurs incriminés la possibilité d’agir de façon autonome. Tel aurait notamment été le cas sur les liaisons entre l’EEE et Hong Kong, le Japon, l’Inde, la Thaïlande, Singapour, la Corée du Sud et le Brésil, où la réglementation applicable assujettissait l’introduction de surtaxes à l’approbation des autorités compétentes. Les autorités compétentes de Hong Kong, japonaises et thaïlandaises auraient exercé leurs pouvoirs règlementaires pour s’assurer de l’existence d’un seul système ou d’un seul niveau de STC dans leurs pays respectifs.
281 Dans la réplique, les requérantes ajoutent que c’était à la Commission qu’il incombait de démontrer que la réglementation à Hong Kong, au Japon, en Inde, en Thaïlande, à Singapour, en Corée du Sud et au Brésil ne faisait pas obstacle à la constatation d’une infraction à l’article 101 TFUE. À l’audience, les requérantes ont également invoqué une insuffisance de motivation de la décision attaquée s’agissant de Singapour, de la Corée du Sud et du Brésil.
282 En second lieu, les requérantes font valoir que la Commission ne pouvait pas les tenir pour responsables d’une infraction sur des liaisons entre l’Union et les Émirats arabes unis.
283 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
284 À titre liminaire, il convient de constater que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’éventuelle existence d’une contrainte étatique à Hong Kong, au Japon, en Inde, à Dubaï, en Thaïlande, à Singapour, en Corée du Sud et au Brésil n’est pas, en tant que telle, contradictoire avec le constat d’une entente de portée mondiale.
285 En effet, comme il ressort de l’examen de la première branche du présent moyen, c’est à juste titre que la Commission a constaté que les différentes composantes de l’infraction unique et continue étaient des mesures d’application générale qui avaient pour but d’être appliquées sur toutes les liaisons, au niveau mondial. Or l’exclusion du champ de l’entente litigieuse d’un comportement local ne contredit pas sa vocation mondiale.
286 Au demeurant, la Commission a précisé, dans la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, que la mise en œuvre des surtaxes s’opérait dans le cadre d’un système à plusieurs niveaux et que le taux des surtaxes pouvait varier et faisait l’objet de discussions distinctes « compte tenu des conditions ou de la réglementation des marchés locaux ».
287 En outre et pour autant que, par leur argumentation, les requérantes considèrent qu’une éventuelle contrainte étatique faisait obstacle à ce que la Commission inclue dans l’infraction unique et continue les liaisons entre l’EEE et Hong Kong, le Japon, l’Inde, Dubaï, la Thaïlande, Singapour, la Corée du Sud et le Brésil, il y a lieu de rappeler que l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne vise que des comportements anticoncurrentiels qui ont été adoptés par les entreprises de leur propre initiative. Si un comportement anticoncurrentiel est imposé aux entreprises par une législation nationale ou si celle-ci crée un cadre juridique qui lui-même élimine toute possibilité de comportement concurrentiel de leur part, l’article 101 TFUE n’est pas d’application. Dans une telle situation, la restriction de concurrence ne trouve pas sa cause, ainsi que l’implique cette disposition, dans des comportements autonomes des entreprises (voir arrêt du 11 novembre 1997, Commission et France/Ladbroke Racing, C 359/95 P et C 379/95 P, EU:C:1997:531, point 33 et jurisprudence citée).
288 Inversement, si une réglementation nationale laisse subsister la possibilité d’une concurrence susceptible d’être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes des entreprises, l’article 101 TFUE peut s’appliquer. En l’absence d’une disposition réglementaire contraignante imposant un comportement anticoncurrentiel, la Commission ne peut conclure à une absence d’autonomie dans le chef des opérateurs mis en cause que s’il apparaît sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants que ce comportement leur a été unilatéralement imposé par les autorités nationales par l’exercice de pressions irrésistibles, telles que la menace de l’adoption de mesures étatiques susceptibles de leur faire subir des pertes importantes (voir arrêt du 11 décembre 2003, Minoan Lines/Commission, T 66/99, EU:T:2003:337, points 177 et 179 et jurisprudence citée).
289 Selon la jurisprudence, tel n’est pas le cas lorsqu’une loi ou un comportement se limite à inciter ou à faciliter l’adoption, par les entreprises, de comportements anticoncurrentiels autonomes (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T 259/02 à T 264/02 et T 271/02, EU:T:2006:396, point 258).
290 Enfin, il ressort de la jurisprudence que c’est aux entreprises concernées qu’il appartient de démontrer qu’une loi ou un comportement étatique était d’une nature telle qu’il les privait de toute autonomie dans le choix de leur politique commerciale (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 1999, Irish Sugar/Commission, T 228/97, EU:T:1999:246, point 129). En effet, s’il incombe à l’autorité qui allègue une violation des règles de concurrence d’en apporter la preuve, il appartient à l’entreprise soulevant un moyen de défense contre la constatation d’une infraction à ces règles d’apporter la preuve que les conditions d’application de la règle dont est déduit ce moyen de défense sont remplies, de sorte que ladite autorité devra alors recourir à d’autres éléments de preuve (voir arrêt du 16 février 2017, Hansen & Rosenthal et H&R Wax Company Vertrieb/Commission, C 90/15 P, non publié, EU:C:2017:123, point 19 et jurisprudence citée).
291 Il ressort ainsi de la jurisprudence que le critère pertinent pour apprécier l’existence d’une contrainte étatique justifiant l’inapplication de l’article 101 TFUE est qu’un comportement anticoncurrentiel soit, non pas admis ou même encouragé, mais rendu obligatoire au titre du cadre réglementaire d’un pays tiers.
292 Ce n’est donc que dans la mesure où l’argumentation des requérantes tend à soutenir que les régimes réglementaires en cause en l’espèce contraignaient les transporteurs à se coordonner sur les surtaxes qu’elle est apte à fonder, dans le cadre de la présente branche, le constat d’une erreur de la Commission.
293 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si les requérantes sont fondées à soutenir que la Commission a commis des erreurs dans son examen des régimes réglementaires applicables aux liaisons entre l’EEE, d’une part, et Hong Kong, le Japon, l’Inde, Dubaï, la Thaïlande, Singapour, la Corée du Sud et le Brésil, d’autre part.
1) Hong Kong
294 Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir commis des erreurs dans l’appréciation de l’existence d’une contrainte étatique à Hong Kong.
295 D’une part, les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur lors de l’appréciation du régime réglementaire de Hong Kong, dans la mesure où les transporteurs désignés en vertu des accords internationaux relatifs aux services aériens (ci-après les « ASA ») relatifs aux liaisons EEE-Hong Kong étaient légalement tenus de présenter des demandes collectives relatives aux tarifs auprès du département de l’aviation civile de Hong Kong (ci-après le « DAC »), pour approbation. Elles se prévalent à cet égard de la loi fondamentale de Hong Kong et mentionnent l’existence d’une lettre du DAC du 3 septembre 2009 adressée à la Commission.
296 D’autre part, dans la réplique, les requérantes soutiennent qu’il ne ressort pas des déclarations des transporteurs reproduites aux considérants 976 à 980 de la décision attaquée que des demandes individuelles portant sur la STC étaient possibles après du DAC et que, au contraire, les déclarations figurant au considérant 978 de ladite décision témoignaient de l’impossibilité d’introduire de telles demandes. Au vu d’un tel commencement de preuve, la Commission aurait dû démontrer que la contrainte étatique à Hong Kong ne s’opposait pas à l’application de l’article 101 TFUE. De plus, le courriel de Qantas produit par la Commission dans le mémoire en défense, ainsi que les déclarations de ce transporteur reproduites aux considérants 205 et 207 de cette décision visés par la Commission dans ledit mémoire, seraient non pertinents car antérieurs à la période infractionnelle.
297 La Commission conteste les arguments des requérantes.
298 Les considérants 976 à 993 de la décision attaquée portent, d’une part, sur les ASA signés par la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine et, d’autre part, sur le régime réglementaire de Hong Kong. Aux termes de ces considérants, la Commission a estimé qu’aucune exigence de discuter des tarifs n’avait été imposée aux transporteurs à Hong Kong.
299 En premier lieu, la Commission a reconnu, aux considérants 981 à 986 de la décision attaquée, que les ASA signés par la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine exigeaient, pour la plupart, que les tarifs portés en compte par les transporteurs désignés des pays contractants soient approuvés par les autorités compétentes, à savoir, pour Hong Kong, le DAC, et qu’ils autorisaient des consultations préalables sur les prix entre les transporteurs désignés. Il n’en reste pas moins, selon cette décision, que lesdits ASA n’imposaient en aucun cas ce type de consultations avant une demande d’approbation.
300 Au soutien de cette conclusion, la Commission a repris au considérant 983 de la décision attaquée la formulation d’une clause standard de plusieurs ASA qui prévoit :
« Les tarifs auxquels il est fait référence au paragraphe 1 du présent article peuvent être convenus par les compagnies aériennes désignées des parties contractantes cherchant à obtenir l’approbation des tarifs, lesquelles peuvent consulter d’autres compagnies aériennes actives sur la totalité ou une partie de la même liaison avant de proposer de tels tarifs. Rien ne s’opposera toutefois à ce qu’une compagnie aérienne désignée propose et rien n’interdira aux autorités aéronautiques des parties contractantes d’approuver tout tarif si cette compagnie aérienne n’a pas obtenu l’accord des autres compagnies aériennes désignées sur un tel tarif ou parce qu’aucune autre compagnie aérienne désignée n’est active sur la même liaison. »
301 Au considérant 985 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que l’ASA entre la République tchèque et la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine, par exemple, indiquait qu’aucun pays n’exigerait des transporteurs qu’ils discutent des tarifs.
302 En second lieu, s’agissant de la pratique administrative de Hong Kong, la Commission a retenu, aux considérants 987 à 989 de la décision attaquée, qu’il n’était pas établi que le DAC ait exigé une consultation des transporteurs aux fins de la présentation d’une demande collective d’approbation des tarifs. En particulier, aucun des transporteurs n’aurait fourni de preuve établissant que le DAC ait explicitement imposé le dépôt de demandes collectives.
303 Au considérant 992 de la décision attaquée, la Commission a conclu, d’une part, s’agissant de la STC, que le DAC n’était pas prêt à accepter des demandes individuelles pour un mécanisme de STC, mais qu’il était prêt à accepter des demandes individuelles pour une STC d’un montant fixe et, d’autre part, pour les autres surtaxes, que les transporteurs n’avaient pas allégué que le DAC exigeait des demandes collectives.
304 Les arguments des requérantes concernant l’appréciation du régime réglementaire de Hong Kong ne démontrent pas que la décision attaquée est entachée d’erreurs à cet égard.
305 En premier lieu, tout d’abord, s’agissant de la version intégrale de la loi fondamentale de Hong Kong dont les requérantes se prévalent au soutien de leur argumentation, il convient de constater qu’elles n’en visent aucune disposition. En outre, il ne ressort pas des articles 128 à 135 de la même loi qui sont spécialement consacrés à l’aviation civile, que les demandes d’approbation des tarifs doivent obligatoirement être présentées collectivement par les transporteurs auprès du DAC. Pour autant que les requérantes se prévalent de cette loi pour établir l’effet direct des dispositions des ASA à Hong Kong, il y a lieu de relever qu’elles ne contestent pas le constat opéré au considérant 984 de la décision attaquée, selon lequel la clause tarifaire standard des ASA conclus par Hong Kong, reproduite au point 300 ci-dessus, n’impose pas aux transporteurs de discuter des tarifs et prévoit que des augmentations tarifaires peuvent être proposées sans accord préalable entre transporteurs.
306 Ensuite, pour ce qui est de la lettre du DAC du 3 septembre 2009, qui confirmerait le caractère obligatoire des demandes collectives d’approbation des tarifs, il y a lieu de constater que ses termes sont reproduits par la Commission dans le mémoire en défense, sans que ceux-ci ne soient contestés par les requérantes.
307 Cette lettre est libellée comme suit :
« Il doit être absolument clair pour la Commission que, s’agissant du mécanisme relatif à la [STC] pour le fret basé sur un indice, nous exigeons que le [SCC du BAR] et les transporteurs participants se mettent d’accord sur les détails des demandes collectives, y compris sur le montant de la surtaxe pour laquelle l’approbation était demandée, sur les preuves qui devaient être fournies au DAC pour étayer les demandes et sur le mécanisme unique qui devait être utilisé pour la détermination de la surtaxe. Le DAC a également donné mandat aux transporteurs participants et exigé d’eux qu’ils perçoivent spécifiquement la surtaxe approuvée. De plus, nous avons donné mandat au SCC du BAR et exigé de lui qu’il soumette à l’approbation du DAC toute modification de la liste des transporteurs participant aux demandes collectives et nous avons clairement indiqué que ces transporteurs ne devaient pas percevoir de [STC] sans l’approbation expresse du DAC adressée au SCC du BAR ».
308 Cette lettre se limite ainsi à détailler les conditions exigées par le DAC lorsque le SCC du BAR et les transporteurs envisagent une demande collective relative à la STC fondée sur un indice. En revanche, elle ne fait pas allusion à une obligation générale d’introduire une demande collective pour une STC, ni à l’impossibilité d’introduire une demande individuelle pour une STC fixe. Elle ne contredit donc pas le considérant 992 de la décision attaquée, dont il ressort que les demandes collectives impliquant des discussions entre transporteurs n’étaient imposées que pour un mécanisme de STC fondé sur un indice, et que des demandes individuelles demeuraient possibles pour une STC d’un montant fixe.
309 En second lieu, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence citée au point 290 ci-dessus, la charge de la preuve d’une contrainte étatique pèse sur les entreprises, contrairement à ce que soutiennent les requérantes.
310 Or, en l’espèce, les requérantes ne démontrent pas que la Commission a ignoré les arguments des transporteurs relatifs au régime réglementaire de Hong Kong ou que ce serait à tort qu’elle les a rejetés.
311 En effet, dans la décision attaquée, pour aboutir à la conclusion selon laquelle le cadre règlementaire applicable à Hong Kong n’exigeait pas des transporteurs qu’ils se coordonnent s’agissant de la STC, la Commission ne s’est pas appuyée de façon déterminante sur les déclarations qui sont reproduites au considérant 978 de ladite décision, pour en dénaturer les termes, mais a, aux considérants 976 à 993 de cette décision, procédé à une appréciation globale dans laquelle lesdites déclarations ne constituent qu’un élément parmi d’autres. De plus, dans le cadre de cette appréciation, il ne saurait être fait grief à la Commission de ne pas avoir considéré les arguments des transporteurs reproduits aux considérants 976 à 980 de la même décision comme un commencement de preuve de l’existence d’une contrainte étatique, dès lors que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, lesdits arguments, pris ensemble, étaient équivoques en ce qui concerne la possibilité de déposer une demande individuelle d’approbation de la STC auprès du DAC.
312 Enfin, même à supposer que le courriel de Qantas produit par la Commission dans le mémoire en défense et les déclarations de ce transporteur reproduites aux considérants 205 et 207 de la décision attaquée soient, comme le soutiennent les requérantes, dénués de pertinence, car antérieurs à la période infractionnelle, il y a lieu de constater que la Commission ne s’est pas appuyée sur ces éléments dans le cadre de l’examen exposé aux considérants 976 à 993 de ladite décision, dont les requérantes ont échoué à démontrer qu’il était entaché d’erreurs.
313 Par conséquent, les arguments des requérantes visant à contester l’appréciation faite par la Commission du régime réglementaire applicable à Hong Kong doivent être rejetés dans leur ensemble.
2) Japon
314 Les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur dans l’appréciation de l’existence d’une contrainte étatique au Japon, dans la mesure où, aux fins de l’approbation de leurs tarifs par le Bureau japonais de l’aviation civile (ci-après le « BJAC »), les transporteurs étaient obligés de se coordonner au préalable de façon à ce que les transporteurs japonais présentent d’abord une demande puis que les autres transporteurs présentent une demande identique. Elles se prévalent, dans la requête, de l’article 98 de la constitution japonaise en tant qu’il rendrait directement applicables en droit japonais les ASA, ainsi que des articles 105, 110, 111 et 129 de la loi japonaise no 231 du 15 juillet 1952 sur l’aéronautique civile et, dans la réplique, des considérants 1002 à 1004 de la décision attaquée.
315 La Commission conteste les arguments des requérantes.
316 Les considérants 995 à 1012 de la décision attaquée portent, d’une part, sur les ASA conclus par le Japon et, d’autre part, sur le régime réglementaire japonais. Aux termes de ces considérants, la Commission a estimé qu’aucune exigence de discuter des tarifs n’avait été imposée aux transporteurs au Japon.
317 En premier lieu, s’agissant des ASA conclus par le Japon, la décision attaquée, en son considérant 995, reproduit le libellé d’une clause figurant dans l’accord conclu avec le Royaume des Pays-Bas qui se retrouve dans d’autres accords et qui prévoit ce qui suit :
« Dans la mesure du possible, les compagnies aériennes désignées atteindront un accord sur les tarifs par l’application du mécanisme de tarification de l’IATA. Si ceci n’est pas possible, les tarifs pour chacune des liaisons spécifiées seront convenus par les compagnies aériennes désignées. »
318 Après avoir relevé, au considérant 996 de la décision attaquée, que, selon un transporteur, les ASA exigeaient des accords sur les prix plutôt qu’ils ne les autorisaient, la Commission a souligné, au considérant 997 de ladite décision, que l’accord conclu avec le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord avait été modifié en 2000 par un protocole d’accord prévoyant que les transporteurs désignés ne devaient pas se consulter sur les tarifs préalablement à une demande d’approbation. Selon les considérants 1005 à 1008 de cette décision, quand bien même il ressortirait des ASA que, sous réserve de certaines conditions, les transporteurs doivent se mettre d’accord sur les tarifs, de telles discussions seraient strictement limitées aux transporteurs désignés sur des liaisons déterminées et ne concerneraient en aucun cas des discussions générales entre transporteurs multiples. Enfin, en pratique, les parties aux ASA ne revendiqueraient pas l’application de ces accords, de sorte que les obligations découleraient plutôt des dispositions légales et administratives nationales en vigueur au Japon, ce qui serait renforcé par le fait que les parties invoquent que la coordination était requise pour la STC, mais pas pour la STS.
319 En second lieu, s’agissant de la règlementation et de la pratique administrative japonaises, la Commission a mentionné, aux considérants 998 à 1004 de la décision attaquée, certaines dispositions de la loi japonaise sur l’aviation civile ainsi que des déclarations de transporteurs concernant les directives du BJAC. Aux considérants 1009 à 1011 de ladite décision, elle a retenu, d’une part, qu’il ne ressortait pas expressément de cette loi que la coordination tarifaire était obligatoire et, d’autre part, que les transporteurs incriminés n’avaient apporté aucun élément de preuve établissant qu’une telle obligation avait été imposée par la pratique administrative du BJAC.
320 L’argumentation des requérantes ne saurait démontrer que ces appréciations sont entachées d’illégalité.
321 En premier lieu, s’il ressort de l’alinéa 2 de l’article 98 de la constitution japonaise, visé par les requérantes, que les traités conclus par ce pays ainsi que le droit international doivent être respectés fidèlement, il n’en reste pas moins que, à supposer que la valeur contraignante des clauses tarifaires des ASA, en raison de l’effet direct de ces derniers, serait ainsi établie, les requérantes restent en défaut de prouver que lesdites clauses rendaient obligatoires les contacts entre transporteurs multiples desservant des destinations multiples visés par la Commission dans la décision attaquée.
322 En deuxième lieu, l’article 105 de la loi japonaise no 231 du 15 juillet 1952 prévoit que les tarifs pratiqués par les transporteurs établis au Japon, en ce compris les surtaxes, doivent être approuvés préalablement par le BJAC, lequel tient compte de la conformité aux dispositions de l’ASA applicable ou de tout autre accord international pertinent pour un service de transport aérien. L’article 129 2 de ladite loi impose cette obligation d’approbation préalable aux transporteurs étrangers. Les articles 110 et 111 de cette loi prévoient que les dispositions de la loi japonaise relative à l’interdiction des monopoles privés et le maintien de conditions de commerce équitables ne s’appliquent pas aux accords entre transporteurs approuvés par le ministre en charge des transports.
323 Au regard des dispositions ainsi soumises à l’examen du Tribunal par les requérantes, il convient de relever qu’elles n’étayent pas l’allégation des requérantes selon laquelle, dans un premier temps, les transporteurs japonais sollicitaient l’approbation de leurs tarifs auprès du BJAC et, dans un second temps, les autres transporteurs déposaient des demandes portant sur des tarifs identiques à ceux des transporteurs japonais. Les requérantes n’établissent donc pas que la Commission a commis un erreur en retenant, au considérant 1009 de la décision attaquée, que la « loi japonaise en matière d’aviation civile » n’imposait pas expressément aux transporteurs une obligation de se coordonner sur les tarifs.
324 En troisième lieu, aux termes du considérant 1011 de la décision attaquée, les déclarations des transporteurs exposées aux considérants 1002 à 1004 de ladite décision, selon lesquelles la pratique du BJAC impliquait une coordination tarifaire relatives à la STC pour les vols au départ du Japon, n’ont pas été retenues par la Commission faute d’être étayées par des preuves écrites pertinentes. Or, devant le Tribunal, les requérantes se bornent à se prévaloir desdites déclarations, sans produire d’éléments supplémentaires qui auraient été ignorés lors de la procédure administrative ou qui témoigneraient d’erreurs de la Commission. Elles restent donc en défaut d’expliquer en quoi l’examen du cadre règlementaire japonais effectué par la Commission serait insuffisamment approfondi ou erroné.
325 Par conséquent, les arguments des requérantes visant à contester l’appréciation faite par la Commission du régime réglementaire applicable au Japon doivent être rejetés dans leur ensemble.
3) Thaïlande
326 Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir commis des erreurs dans l’appréciation de l’existence d’une contrainte étatique en Thaïlande. D’une part, elles font valoir que, au titre de la loi thaïlandaise BE2497 sur la navigation aérienne, l’instauration de la STC nécessitait une approbation préalable par le Bureau du département de l’aviation civile, ce qui aurait incité les transporteurs à coordonner leur approche dans leurs rapports avec les autorités. D’autre part, ladite loi, qui aurait notamment pour objet de mettre en œuvre la convention relative à l’aviation civile internationale, signée à Chicago (États-Unis) le 7 décembre 1944, rendrait exécutoires les ASA conclus par le Royaume de Thaïlande avec d’autres pays, lesquels nécessiteraient des consultations sur les tarifs entre transporteurs.
327 La Commission conteste les arguments des requérantes.
328 Au considérant 1015 de la décision attaquée, la Commission a analysé le régime règlementaire applicable en Thaïlande. Elle a relevé que les ASA conclus entre ce pays tiers et des États membres de l’Union prévoyaient, en règle générale, une clause selon laquelle les tarifs seraient, « si possible, convenus entre les [transporteurs désignés concernés] pour chacune des liaisons spécifiées » et qu’ils devaient être déposés auprès des organismes régulateurs compétents.
329 Au considérant 1019 de la décision attaquée, la Commission a estimé que, « [s]uivant le raisonnement […] en ce qui concerne Hong Kong et le Japon », le moyen de défense tiré de la contrainte étatique n’était pas étayé dans le cas de la Thaïlande.
330 Au même considérant, la Commission a précisé que cette analogie était valable au motif, premièrement, que les dispositions tarifaires prévues dans les ASA applicables en Thaïlande étaient limitées aux transporteurs désignés sur des liaisons déterminées et ne s’étendaient pas à des discussions tarifaires générales entre opérateurs multiples, assurant des services vers des destinations nationales multiples et, deuxièmement, qu’il n’avait pas été démontré que les dispositions légales et administratives nationales applicables exigeaient la coordination tarifaire.
331 Aucun des arguments des requérantes ne démontre que ces appréciations sont entachées d’erreurs.
332 En effet, d’une part, ainsi qu’il ressort du point 292 ci-dessus, les requérantes ne sont pas fondées à se prévaloir du simple effet incitatif de la législation thaïlandaise pour conclure que la coordination entre transporteurs en Thaïlande ne devrait pas être incluse dans l’infraction unique et continue.
333 D’autre part, quand bien même la loi thaïlandaise BE2497 sur la navigation aérienne rendrait exécutoires les ASA conclus par le Royaume de Thaïlande, il ressort du considérant 1019 de la décision attaquée que les clauses de ces accords se rapportant aux discussions tarifaires sont strictement limitées aux transporteurs désignés sur des liaisons déterminées et qu’elles ne concernent pas des discussions générales sur le tarif entre de multiples transporteurs, ainsi que la Commission a pu le relever au considérant 1008 de la décision attaquée, s’agissant des clauses des ASA conclus par le Japon, le raisonnement relatif à ce dernier pays tiers étant visé par analogie dans la décision attaquée aux fins de l’examen concernant le Royaume de Thaïlande. Tout au plus lesdites clauses prévoient-elles, comme les requérantes le soulignent, que les transporteurs désignés consultent les autres transporteurs qui exploitent tout ou partie de la même liaison. Cela ne saurait justifier des échanges multilatéraux de l’ampleur de ceux exposés aux considérants 185 à 199, 244 et 256 à 257 de ladite décision, intervenus indépendamment des liaisons en cause et des transporteurs désignés sur ces liaisons.
334 Par conséquent, les arguments des requérantes visant à contester l’appréciation faite par la Commission du régime réglementaire applicable en Thaïlande doivent être rejetés dans leur ensemble.
4) Autres pays tiers
335 Les requérantes font valoir que la Commission n’a pas suffisamment examiné les régimes réglementaires en Inde, à Singapour, en Corée du Sud et au Brésil et s’est bornée à affirmer qu’elle n’estimait pas que l’argument de l’obligation imposée par l’État avait été prouvé par les transporteurs incriminés. En particulier, s’agissant du Brésil, la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que l’organisme de contrôle compétent n’a autorisé l’utilisation d’un indice de la surtaxe carburant qu’en septembre 2005. À l’audience, les requérantes ont également invoqué une insuffisance de motivation de la décision attaquée s’agissant de Singapour, de la Corée du Sud et du Brésil.
336 La Commission conteste les arguments des requérantes.
337 Les considérants 1013 à 1014 et 1016 à 1019 de la décision attaquée sont relatifs aux systèmes régulateurs applicables en Inde, à Singapour, en Corée du Sud et au Brésil. Au considérant 1014 de ladite décision, la Commission a constaté que les clauses tarifaires des ASA conclus par l’Inde prévoyaient que les tarifs seraient, si possible, convenus entre les transporteurs désignés concernés pour chacune des liaisons spécifiées et que ceux-ci devaient être approuvés par les autorités indiennes compétentes. Il ressort du considérant 1016 de cette décision que les ASA conclus par la République de Singapour contiennent, en général, des clauses similaires à la clause standard contenue aux accords conclus par le Royaume de Thaïlande selon laquelle les tarifs seront, si possible, convenus entre les transporteurs désignés concernés pour chacune des liaisons spécifiées. Au considérant 1017 de la même décision, la Commission a estimé que les ASA conclus par la République de Corée ne contenaient pas de clause encourageant la coordination tarifaire, mais uniquement une exigence de notification préalable des tarifs aux autorités régulatrices de ce pays tiers, pour approbation. Au considérant 1018 de la décision en question, la Commission a retenu que la République fédérative du Brésil est partie à des ASA avec des États membres de l’EEE et a mentionné l’autorité nationale compétente. Au considérant 1019 de pareille décision, la Commission, a estimé que, « [s]uivant le raisonnement […] en ce qui concerne Hong Kong et le Japon », le moyen de défense tiré de la contrainte étatique n’était pas étayé dans le cas de l’Inde, de Singapour, de la Corée du Sud et du Brésil et a expliqué que cette analogie était valable pour les motifs exposés au point 330 ci-dessus.
338 Aucun des arguments des requérantes ne démontre que ces appréciations sont entachées d’erreurs.
339 Premièrement, en ce qui concerne le grief tiré de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée, il convient de rappeler que la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C 521/09 P, EU:C:2011:620, point 147).
340 Le respect de l’obligation de motivation doit être apprécié en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées par celui-ci au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE et de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C 521/09 P, EU:C:2011:620, point 150, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T 95/15, EU:T:2016:722, point 45).
341 Or, il ressort du point 337 ci-dessus que la Commission a exposé à suffisance de droit les motifs pour lesquels elle a rejeté les arguments des transporteurs relatifs au cadre règlementaire en vigueur à Singapour, en Corée du Sud et au Brésil, permettant aux requérantes de les comprendre et au juge d’exercer son contrôle.
342 Deuxièmement, pour autant que les requérantes font grief à la Commission de ne pas avoir effectivement procédé à l’examen des régimes réglementaires indien, singapourien, sud-coréen et brésilien, leur argumentation doit être rejetée.
343 En effet, ainsi que le soutient à bon droit la Commission en réponse à une question du Tribunal, conformément à la jurisprudence citée au point 290 ci-dessus, il revenait aux transporteurs incriminés de prouver que les règlementations applicables dans les pays tiers en cause imposaient une obligation de coordination tarifaire. Or, les requérantes ne produisent aucun élément démontrant que la Commission a ignoré ou mal interprété les preuves que les transporteurs incriminés auraient produites lors de la procédure administrative s’agissant de la réglementation applicable en Inde, à Singapour et en Corée du Sud.
344 Quant au Brésil, les requérantes se bornent à évoquer le considérant 539 de la décision attaquée, dont il ressortirait que l’organisme de contrôle compétent dans ce pays tiers n’a autorisé l’utilisation d’un indice de la STC qu’en septembre 2005.
345 Il ressort du considérant 539 de la décision attaquée, en ce qui concerne les pratiques administratives au Brésil, que :
« L[ufthansa] a envoyé un courriel à AF, KL[M], […] et […], le 8 septembre 2005, les informant qu’après autorisation du DAC d’utiliser l’indice de la STC, L[ufthansa] augmenterait la STC à 0,50 USD à partir du 1er octobre 2005 et qu’à partir de ce moment-là, la politique mondiale de L[ufthansa] en matière de STC serait suivie également au Brésil ».
346 S’il est vrai que cet élément n’est pas repris au considérant 1018 de la décision attaquée, il n’en reste pas moins que, ainsi que le relève la Commission, cette brève référence à une décision des autorités brésiliennes figurant dans des échanges de courriels entre employés des transporteurs incriminés ne constitue pas, en elle-même, une preuve que l’application d’une STC fondée sur un indice était interdite au Brésil avant septembre 2005. Partant, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir procédé à un examen insuffisant du régime réglementaire brésilien au seul motif qu’elle n’aurait pas retenu cet élément aux considérants 1018 et 1019 de la décision attaquée.
347 Il ressort de ce qui précède que les arguments des requérantes visant à contester l’appréciation faite par la Commission des régimes réglementaires indien, singapourien, sud-coréen et brésilien doivent être rejetés dans leur ensemble.
5) Dubaï
348 Les requérantes font valoir qu’il est très probable que la Commission ait clôturé son enquête relative à un autre transporteur sans sanctionner ce transporteur au motif que les décisions prises par les autorités compétentes à Dubaï (Émirats arabes unis) ne laissaient pas aux transporteurs la possibilité d’agir de façon autonome en matière de surtaxes sur les liaisons EEE-Émirats arabes unis. Elles estiment que la décision attaquée devrait donc être annulée dans la mesure où celle-ci les tient pour responsables d’une infraction sur ces liaisons.
349 La Commission conteste les arguments des requérantes.
350 Il convient de relever que l’argumentation des requérantes se fonde sur l’abandon des poursuites contre un autre transporteur, dont elles soupçonnent qu’il résulte de l’existence d’une contrainte étatique à Dubaï. Cependant, les requérantes elles-mêmes reconnaissent, au point 145 de la requête, ne pas pouvoir « savoir avec certitude pourquoi la Commission a mis fin à son enquête sur [cet autre transporteur] ».
351 Dans ces conditions, les requérantes n’ayant, par ailleurs, pas apporté le moindre élément de preuve tendant à établir l’existence d’une contrainte étatique à Dubaï, il convient de rejeter le présent grief.
352 Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter la présente branche dans son ensemble.
c) Sur la troisième branche, prise d’un vice d’incompétence et d’une violation de l’obligation de motivation quant à la portée géographique de l’infraction unique et continue
353 Les requérantes reprochent, en substance, à la Commission d’avoir entaché la décision attaquée d’un vice d’incompétence, d’un vice de motivation et d’erreurs manifestes d’appréciation en retenant que les transporteurs incriminés avaient coordonné leur comportement en matière tarifaire sur des liaisons entre des aéroports situés à l’extérieur de l’EEE. Bien que, dans le dispositif de ladite décision, la Commission n’ait pas mentionné les liaisons entre de tels aéroports, elle aurait retenu que les transporteurs incriminés avaient coordonné leur comportement en matière tarifaire « dans le monde entier ». Or, au regard des motifs de cette décision, il faudrait interpréter cette expression comme renvoyant à « toutes les liaisons, au niveau mondial », soit aussi aux liaisons entre des aéroports situés à l’extérieur de l’EEE.
354 Au vu du risque d’actions en dommages et intérêts devant les juridictions nationales, il serait indispensable que la Commission définisse avec précision la portée géographique et temporelle d’une infraction aux règles de concurrence. Or, en l’espèce, la Commission ne se serait pas acquittée de cette obligation, le dispositif de la décision attaquée comportant une contradiction quant à la portée géographique de l’infraction unique et continue. Un juge national saisi d’une action en dommages et intérêts ne serait pas en mesure de déterminer avec certitude si l’effet contraignant de ladite décision englobe les liaisons entre des aéroports situés à l’extérieur de l’EEE. Dans la mesure où un tel juge se fonderait sur le libellé de cette décision, les clarifications figurant dans le mémoire en défense ne résoudraient pas le problème.
355 Les requérantes ajoutent que, si le Tribunal décidait de ne pas annuler la décision attaquée, cette dernière comporterait des constatations relatives à la matière pénale, que les requérantes ne pourraient pas contester, en violation du droit à un recours effectif, et qui pourraient être invoquées à leur égard dans des pays tiers. Le Tribunal devrait dans ces conditions modifier sa jurisprudence et annuler ces constatations.
356 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
357 À cet égard, il convient de rappeler que, s’agissant de la portée et de la nature des infractions sanctionnées, c’est en principe le dispositif de la décision attaquée, et non les motifs, qui importe et que c’est donc uniquement dans le cas d’un manque de clarté des termes utilisés dans le dispositif qu’il convient de l’interpréter en ayant recours aux motifs de la décision (voir point 98 ci-dessus).
358 En l’espèce, il y a lieu de constater que, comme il a été indiqué au point 151 ci-dessus, la référence, dans le paragraphe introductif de l’article 1er de la décision attaquée, à l’existence d’une coordination tarifaire pour la fourniture de services de fret « dans le monde entier » n’est qu’un constat de faits que la Commission a qualifiés aux paragraphes 1 à 4 du même article d’infraction aux règles de concurrence applicables aux liaisons dont elle a estimé qu’elles relevaient, aux périodes en cause, de sa compétence, à l’exclusion des liaisons entre aéroports situés à l’extérieur de l’EEE.
359 Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient valablement se plaindre d’une contradiction interne dans le dispositif de la décision attaquée.
360 Au surplus, comme il a été indiqué au point 152 ci-dessus, les motifs de la décision attaquée confortent cette conclusion.
361 Il ressort de ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à invoquer une contradiction interne dans le dispositif de la décision attaquée. Dans ces conditions, les requérantes ne sauraient pas non plus valablement invoquer le risque résultant d’une définition insuffisamment précise de la portée de l’infraction unique et continue en vue d’actions en dommages et intérêts.
362 Il ressort également de ce qui précède que les requérantes sont mal fondées à se plaindre d’un vice d’incompétence. Leur argumentation à cet égard procède, en effet, de la prémisse erronée selon laquelle la Commission a, dans le dispositif de la décision attaquée, constaté une infraction aux règles de concurrence qui engloberait les liaisons entre des aéroports situés à l’extérieur de l’EEE (voir points 151 et 358 ci-dessus).
363 Pour ce qui est de l’argument des requérantes tiré du droit à un recours effectif, il suffit de constater que les requérantes ont contesté les constatations de la Commission quant à l’existence d’une « entente au niveau mondial » dans le cadre de la première branche du présent moyen et que le Tribunal a examiné le bien-fondé de cette dernière.
364 La présente branche ne peut donc qu’être rejetée.
d) Sur la quatrième branche, prise d’une contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision attaquée et d’une erreur manifeste d’appréciation s’agissant de la nature et de la portée de l’infraction unique et continue
365 Les requérantes soutiennent que la Commission n’a pas clairement défini l’objet anticoncurrentiel de l’infraction unique et continue et a ainsi entaché la décision attaquée d’un vice de motivation et d’une erreur manifeste d’appréciation. Aux considérants 872 et 903 de la décision attaquée, la Commission aurait conclu à l’existence d’une restriction de concurrence dont l’objet aurait été d’entraver la concurrence dans le secteur du fret au sein de l’EEE et en Suisse. À l’inverse, l’article 1er de la décision attaquée ferait référence à une coordination en matière de tarification dans le monde entier. La Commission mentionnerait également à maintes reprises l’existence d’une entente au niveau mondial ou, au considérant 1210 de ladite décision, une infraction de portée mondiale. La référence à la portée mondiale de l’objet anticoncurrentiel de l’infraction unique et continue s’expliquerait par le fait que, en présence d’une infraction dont l’objet était limité à l’EEE, la Commission n’aurait pas pu retenir la responsabilité des requérantes s’agissant de l’application de la STC sur des liaisons Union-Suisse sur lesquelles elles ne sont pas actives.
366 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
367 En l’espèce, il ressort des points 360 à 363 ci-dessus qu’il n’y a entre les motifs et le dispositif de la décision attaquée aucune contradiction quant à la portée géographique de l’infraction unique et continue.
368 La présente branche doit donc être rejetée, de même que le présent moyen dans son ensemble.
5. Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs de fait et de droit et d’une violation de l’obligation de motivation tenant à la constatation d’une infraction unique et continue
369 Le présent moyen, par lequel les requérantes invoquent des erreurs de fait et de droit et une violation de l’obligation de motivation que la Commission aurait commises en constatant l’existence d’une infraction unique et continue, s’articule en six branches. Elles sont prises, la première, de l’absence de démonstration d’un objectif anticoncurrentiel unique, la deuxième, de l’absence de démonstration de l’existence d’un service unique, la troisième, d’une erreur dans l’identification d’un groupe d’entreprises commun aux trois composantes de ladite infraction, ainsi que d’une erreur dans les conséquences qu’en tirerait la Commission, la quatrième, de l’absence de démonstration de la nature unique de l’infraction en cause, la cinquième, de l’absence de démonstration de l’existence de discussions « en parallèle » sur les différents volets de cette infraction et, la sixième, de l’absence de démonstration du caractère anticoncurrentiel du refus de paiement de commissions ainsi que de l’absence d’examen de ce dernier au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE.
370 Selon la jurisprudence, une violation de l’interdiction de principe prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition. Ainsi, lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C 441/11 P, EU:C:2012:778, point 41 et jurisprudence citée).
371 Lors de l’appréciation du caractère unique de l’infraction et de l’existence d’un plan d’ensemble, le fait que les différentes actions des entreprises s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, revêt un caractère déterminant. Aux fins de cette appréciation, l’identité au moins partielle des entreprises concernées (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2013, Total Raffinage Marketing/Commission, T 566/08, EU:T:2013:423, points 265 et 266 et jurisprudence citée), de même que les différents chevauchements matériels, géographiques et temporels entre les actes et les comportements en cause peuvent être pertinents.
372 Tel est notamment le cas de l’identité des produits et des services concernés, de l’identité des modalités de mise en œuvre, de l’identité des personnes physiques impliquées pour le compte des entreprises et de l’identité du champ d’application géographique des pratiques en cause (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2013, Trelleborg Industrie et Trelleborg/Commission, T 147/09 et T 148/09, EU:T:2013:259, point 60).
373 Selon la jurisprudence, ces éléments doivent faire l’objet d’une appréciation d’ensemble (arrêt du 16 septembre 2013, Masco e.a./Commission, T 378/10, EU:T:2013:469, point 58).
374 En l’espèce, aux considérants 872 à 883 de la décision attaquée, la Commission a retenu six facteurs pour conclure que les comportements litigieux relevaient d’une infraction unique. Il s’agit, premièrement, de l’existence d’un objectif anticoncurrentiel unique (considérants 872 à 876), deuxièmement, du fait que ces comportements portaient sur un « [p]roduit/services unique », à savoir « la fourniture de services de fret […] et leur tarification » (considérant 877), troisièmement, de l’identité des entreprises impliquées dans les différents agissements en cause (considérant 878), quatrièmement, de la nature unique de l’infraction (considérant 879), cinquièmement, de la circonstance que les discussions auxquelles ont participé les transporteurs incriminés avaient lieu en parallèle (considérant 880) et, sixièmement, de l’implication de la majorité des transporteurs incriminés dans les trois composantes de l’infraction unique et continue (considérants 881 à 883).
375 Au considérant 900 de la décision attaquée, la Commission a ajouté à ces facteurs la circonstance que les mêmes personnes auraient été impliquées dans les différents agissements en cause.
376 Les cinq premières branches du présent moyen portent sur les six facteurs retenus aux considérants 872 à 883 de la décision attaquée, tandis que la sixième concerne spécifiquement le refus de paiement de commissions.
a) Sur la première branche, prise de l’absence de démonstration d’un objectif anticoncurrentiel unique
377 Les requérantes font valoir que les trois composantes de l’infraction unique et continue ne s’inscrivaient pas dans un même plan d’ensemble. Le fait que certains types de comportements différents aient eu pour objectif de fausser les prix ne suffirait pas à démontrer qu’ils visaient tous la mise en œuvre d’un tel plan.
378 Les requérantes soulèvent trois arguments supplémentaires à l’appui de leur thèse. En premier lieu, l’existence d’une coordination globale de la tarification des services de fret ne serait pas démontrée. Le refus de paiement de commissions ne constituerait même pas un élément de la tarification des services de fret. En deuxième lieu, la Commission s’appuierait pour étayer la constatation de l’existence d’un objectif unique sur un prétendu réseau de contacts, mais resterait en défaut de s’expliquer plus avant à son sujet. En tout état de cause, cette constatation serait erronée, les contacts en cause étant éclatés entre plusieurs groupes distincts, bilatéraux pour la plupart. Le sens des déclarations de certains transporteurs, citées dans la décision attaquée, aurait été déformé par la Commission. En troisième lieu, aucun élément de preuve cité dans la décision attaquée ne conforterait l’allégation selon laquelle la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STS serait une extension de sa composante tenant à la STC.
379 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
380 Il est vrai que, comme le soutiennent les requérantes, la notion d’objectif unique ne saurait être déterminée par la référence générale à la distorsion de la concurrence dans un secteur donné, dès lors que l’affectation de la concurrence constitue, en tant qu’objet ou effet, un élément consubstantiel à tout comportement relevant du champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Une telle définition de la notion d’objectif unique risquerait, en effet, de priver la notion d’infraction unique et continue d’une partie de son sens dans la mesure où elle aurait comme conséquence que plusieurs comportements concernant un secteur économique, interdits par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, devraient systématiquement être qualifiés d’éléments constitutifs d’une infraction unique (arrêts du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T 446/05, EU:T:2010:165, point 92, et du 30 novembre 2011, Quinn Barlo e.a./Commission, T 208/06, EU:T:2011:701, point 149).
381 Or, en l’espèce, la Commission ne s’est pas contentée de déterminer l’objectif anticoncurrentiel unique poursuivi par les transporteurs incriminés par une référence générale à la distorsion de concurrence dans le secteur du fret. Au considérant 872 de la décision attaquée, elle a, en effet, retenu que cet objectif « consista[i]t à entraver la concurrence dans le secteur du fret […] en coordonnant [le] comportement [des transporteurs incriminés] en matière de tarification en ce qui concerne la fourniture de services de fret en supprimant la concurrence concernant l’imposition, le montant et le calendrier des STC et STS et le [refus de paiement de commissions] au profit des transitaires ». Au considérant 874 de cette décision, elle a fait référence à un « réseau de contacts qui a[vait] garanti le maintien de la discipline sur le marché et l’application intégrale et coordonnée des augmentations résultant des indices du carburant, supprimant ainsi l’incertitude en matière de tarification ». Elle a ajouté que « [c]ette action s’[était] étendue à la STS où les parties [avaient] à nouveau cherché à lever l’incertitude en matière de tarification » et que « [cela avait] été renforcé » par le refus de paiement de commissions sur les surtaxes, qui « permettait de maintenir sous contrôle l’incertitude en matière de tarification que la concurrence sur le paiement de commissions [dans le cadre des négociations avec les transitaires] aurait pu créer ». Au considérant 899 de ladite décision, elle a précisé que l’« objectif global » consistait à « se mettre d’accord sur la tarification ou à tout le moins lever l’incertitude en matière de tarification dans le secteur du [fret] en ce qui concerne la STC, la STS et le refus de [paiement] de commissions ».
382 Aucun des trois arguments supplémentaires que les requérantes soulèvent à l’appui de la présente branche n’est de nature à remettre en cause cette analyse.
383 En premier lieu, s’agissant de l’omission de la Commission de démontrer l’existence d’une coordination globale de la tarification des services de fret, il convient de constater que les requérantes se méprennent à deux titres.
384 En effet, d’une part, il échet de relever que la Commission n’a pas conclu à l’existence d’une telle coordination. Elle a, au contraire, retenu que l’infraction unique et continue portait exclusivement sur certains éléments du prix des services de fret, dont les tarifs étaient exclus (voir, notamment, considérants 107, 108 et 703 de la décision attaquée).
385 D’autre part, pour ce qui est du refus de paiement de commissions, il est vrai que la Commission l’a qualifié d’élément du prix des services de fret au considérant 108 de la décision attaquée et a estimé qu’il contribuait à la coordination du comportement des transporteurs incriminés en matière de tarification de ces services au considérant 872 de cette décision. Ces considérants doivent, cependant, être lues dans leur contexte.
386 Le considérant 5 de la décision attaquée se lit comme suit :
« […] En refusant de payer une commission, les transporteurs faisaient en sorte que les surtaxes ne soient pas soumises à la concurrence par des remises négociées avec leurs clients. »
387 De même, au considérant 879 de la décision attaquée, la Commission a considéré que les commissions étaient « en réalité » des ristournes sur les surtaxes, faisant ainsi apparaître qu’elle n’entérinait pas, par le biais de l’utilisation du terme « commissions », l’existence d’un modèle d’agence entre transporteurs et transitaires.
388 Il ressort de ces deux considérants que la Commission a analysé le refus de paiement de commissions comme une mesure de coordination tarifaire ayant pour objectif d’aligner le comportement des transporteurs incriminés devant répondre à des demandes de remises ou de ristournes de leurs clients transitaires.
389 Il est vrai que, au considérant 879 de la décision attaquée, la Commission a aussi indiqué que « les commissions sur les surtaxes […] auraient autrement dû être payées si [les surtaxes] avaient fait partie intégrante des tarifs ».
390 Toutefois, cette phrase ne contredit pas les passages de la décision attaquée cités aux points 386 et 387 ci-dessus.
391 En effet, d’une part, il ressort des considérants 675 à 702 de la décision attaquée que les ristournes demandées par les transitaires à partir de 2004 étaient présentées comme des commissions sur la perception des surtaxes auprès des expéditeurs, et que les transporteurs eux-mêmes employaient, dans leurs contacts à ce sujet, les expressions « commission » ou « rémunération », comme en attestent notamment les considérants 681 à 683, 685, 695, 696, 698 et 700 de ladite décision.
392 Il s’ensuit que l’emploi du terme « commissions » par la Commission pour désigner les comportements couverts par la composante en cause de l’infraction unique et continue, loin de constituer une prise de position sur le modèle de relations commerciales alors en vigueur entre transporteurs et transitaires, ne faisait que refléter la manière dont ceux-ci désignaient les ristournes demandées par les transitaires à partir de 2004.
393 Il n’y a donc pas lieu de considérer que l’évocation de « commissions sur les surtaxes » au considérant 879 de la décision attaquée est contradictoire avec l’évocation, au même considérant et ailleurs dans ladite décision, de « ristournes sur les surtaxes ».
394 D’autre part, il importe de relever que la référence, au considérant 879 de la décision attaquée, au fait que des commissions auraient été dues si les surtaxes avaient fait partie intégrante des tarifs figure immédiatement après le constat que le refus de paiement de commissions a été facilité par le maintien des surtaxes « en tant qu’éléments séparés du prix global, distincts des tarifs ». Lue dans son contexte, ladite référence se comprend donc en ce sens que les transporteurs, en distinguant les surtaxes des tarifs dans leur facturation, évitaient l’application aux surtaxes des ristournes, ou « commissions », qui étaient applicables aux tarifs.
395 Ainsi, la référence en cause, qui ne concerne pas les ristournes sur les surtaxes, mais les ristournes sur les tarifs, ne porte pas sur la nature des « commissions sur les surtaxes » et n’appuie pas en particulier la conclusion selon laquelle celles-ci représentaient, non une ristourne ou une remise, mais un élément du prix des services de fret dont les transitaires auraient dû s’acquitter auprès des transporteurs.
396 Or, dans la mesure où la Commission pouvait qualifier les commissions de ristournes ou de remises, elle était fondée à retenir, au considérant 874 de la décision attaquée, que le refus de paiement de commissions « permettait de maintenir sous contrôle l’incertitude en matière de tarification que la concurrence sur le paiement de commissions [dans le cadre des négociations avec les transitaires] aurait pu créer ». Il s’ensuit qu’elle était également fondée à retenir, au considérant 872 de cette décision, que le refus de paiement de commissions contribuait à la réalisation de l’objectif anticoncurrentiel unique poursuivi.
397 En deuxième lieu, quant à l’argument des requérantes selon lequel la Commission ne se serait pas expliquée sur l’existence d’un « réseau de contacts » au considérant 874 de la décision attaquée, il convient de relever qu’il est mal fondé. La Commission a, en effet, décrit ce réseau aux considérants 107 et 109 à 112 de ladite décision. Il est vrai que, comme le relèvent les requérantes, il était question de différents types de contacts. Toutefois, comme il ressort des considérants 107 et 109 à 111 de cette décision, ces contacts s’inscrivaient tous dans un réseau complexe et plus vaste, qui comprenait des contacts qui ont eu lieu au sein de divers forums, à divers niveaux au sein des transporteurs incriminés, ont revêtu des formes diverses et ont porté, dans certains cas, sur différentes régions géographiques.
398 L’affirmation des requérantes selon laquelle les contacts entretenus au sein du BAR à Singapour et du SCC du BAR à Hong Kong étaient distincts de ceux entretenus au sein de l’alliance WOW ou du « groupe restreint » n’étant aucunement étayée, elle ne saurait remettre en cause cette appréciation.
399 En troisième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes relatif à l’extension à la STS de la coordination relative à la STC, il convient de constater que la Commission est restée en défaut d’étayer son analyse dans la décision attaquée. Elle a d’ailleurs omis de répondre à cet argument dans ses écritures devant le Tribunal. Il convient, cependant, d’observer que ladite extension ne constitue pas le fondement nécessaire de l’appréciation de la Commission selon laquelle les trois composantes de l’infraction unique et continue poursuivaient un objectif anticoncurrentiel unique.
400 Les requérantes ayant échoué à remettre en cause la validité des autres éléments sur lesquels se fonde cette appréciation, le présent argument doit être rejeté comme étant inopérant.
401 La présente branche ne peut donc qu’être écartée.
b) Sur la deuxième branche, prise de l’absence de démonstration de l’existence d’un service unique
402 Les requérantes estiment que la Commission aurait dû définir en l’espèce le marché de services concerné par l’enquête en cause, dans la mesure où celle-ci constate une infraction sur la base de comportements sur des liaisons qui n’affectent pas le commerce entre États membres. Selon elles, la Commission aurait dû établir, à tout le moins, l’existence d’un service unique. En tout état de cause, les services en cause varieraient sur un plan tant matériel que géographique.
403 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
404 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans le cadre de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, c’est pour déterminer si un accord est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur qu’il faut définir le marché en cause. L’obligation d’opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne s’impose ainsi à la Commission que lorsque, sans une telle délimitation, il n’est pas possible de déterminer si l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur (voir arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T 91/11, EU:T:2014:92, point 129 et jurisprudence citée).
405 Or, en l’espèce, les requérantes n’allèguent pas qu’il était impossible de déterminer si l’infraction unique et continue avait pour objet de restreindre et de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur sans définir au préalable le marché en cause. Quant à la condition d’affectation du commerce entre États membres, elles se contentent de souligner que le « comportement sur des liaisons qui n’affectent pas le commerce dans l’Union ou entre États membres (par exemple la coordination de la [STC] sur les vols entre des aéroports situés en dehors de l’U[nion]) sert de fondement à la constatation d’une infraction à l’article 101 TFUE ». Or, comme il a été retenu aux points 357 à 363 ci-dessus, la Commission n’a pas inclus les liaisons entre aéroports extérieurs à l’EEE dans le périmètre de l’infraction unique et continue.
406 Pour autant que les requérantes visent les liaisons EEE-pays tiers, il convient de rappeler que l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE n’exigent pas que chaque composante d’un accord, prise isolément, soit susceptible d’exercer une influence significative ou sensible sur le commerce entre États membres. C’est l’accord pris dans son ensemble qui doit être susceptible d’avoir une influence de cette nature (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 1997, VGB e.a./Commission, T 77/94, EU:T:1997:70, point 126). Un tel examen d’ensemble se justifie également en présence d’une infraction unique et continue (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C 125/07 P, C 133/07 P, C 135/07 P et C 137/07 P, EU:C:2009:576, points 55 à 59).
407 Dans ces conditions, il ne saurait être considéré qu’il était nécessaire de définir le marché pertinent pour déterminer si l’infraction unique et continue était susceptible d’affecter le commerce entre États membres. C’est donc à bon droit que la Commission a retenu, au considérant 74 de la décision attaquée, qu’elle n’était pas tenue de délimiter ce marché et s’est, par suite, gardée de le faire.
408 C’est également à juste titre que, au considérant 877 de la décision attaquée, la Commission a néanmoins retenu que les « arrangements port[ai]ent sur la fourniture de services de fret aérien et leur tarification » et a fait référence à un « [p]roduit/services unique ».
409 En présence d’infractions à l’article 101 TFUE telles que celle dont il est question en l’espèce, ce sont, en effet, les accords et les activités de l’entente qui déterminent les marchés pertinents (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T 91/11, EU:T:2014:92, point 131 et jurisprudence citée).
410 Or, comme il a été retenu aux points 266 à 277 ci-dessus, c’est à juste titre que la Commission a conclu que les surtaxes étaient des mesures d’application générale qui avaient vocation à être appliquée « à toutes les liaisons, au niveau mondial » et que le refus de paiement de commissions « revêtait également un caractère général ».
411 Il s’ensuit que les membres de l’entente litigieuse ont eux-mêmes déterminé les produits ou les services faisant l’objet de leurs discussions et pratiques concertées en incluant dans leurs discussions les services de fret, sans distinction selon leur lieu de départ ou d’origine, si ce n’est pour procéder à des ajustements en fonction des conditions locales (note en bas de page no 1323 de la décision attaquée).
412 Quant à l’argument des requérantes selon lequel la « nature du service rendu varie, par exemple […], selon qu’il inclut ou non des prestations de manutention au sol et selon que le fret fait l’objet d’un traitement express ou standard », il suffit de relever que rien ne tend à démontrer que les discussions entre les transporteurs incriminés ont distingué les services de fret en fonction de ces critères.
413 La Commission était donc fondée à qualifier de « service unique » la fourniture de services de fret, telle qu’elle les a décrits aux considérants 14 à 18 de la décision attaquée.
414 La présente branche doit donc être rejetée.
c) Sur la troisième branche, prise d’une erreur dans l’identification d’un groupe d’entreprises commun aux trois composantes de l’infraction unique et continue, ainsi que d’une erreur dans les conséquences qu’en tire la Commission
415 Les requérantes font valoir que l’affirmation de la Commission selon laquelle les mêmes entreprises étaient impliquées dans le comportement constitutif de l’infraction unique et continue est en contradiction avec le constat, d’une part, que seul un groupe plus limité a participé à la STS et au refus de paiement de commissions et, d’autre part, qu’existait un « groupe restreint » de transporteurs dont les modalités d’échanges se distinguaient, sans qu’il ne soit démontré que ces derniers renforcent les effets des contacts entretenus entre d’autres transporteurs ou sur d’autres marchés.
416 Les requérantes ajoutent que, même à supposer qu’il y ait une identité de participants aux trois composantes de l’infraction unique et continue, cette circonstance ne suffit pas en soi à établir l’existence d’une stratégie commune. Ce serait d’autant plus vrai quand, comme en l’espèce, le seuil retenu pour établir la participation d’une entreprise à l’infraction est particulièrement bas.
417 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
418 Il convient de rappeler que, lors de l’appréciation du caractère unique de l’infraction et de l’existence d’un plan d’ensemble, l’identité des entreprises impliquées dans les différents agissements en cause peut être prise en compte (voir point 371 ci-dessus). Ainsi que la Commission l’a rappelé à bon droit au considérant 878 de la décision attaquée, cette identité ne doit pas être parfaite, mais peut être partielle (voir, en ce sens, arrêts du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T 91/11, EU:T:2014:92, point 128, et du 9 septembre 2015, Samsung SDI e.a./Commission, T 84/13, non publié, EU:T:2015:611, point 43).
419 Il ne saurait donc être reproché à la Commission de s’être appuyée au considérant 878 de la décision attaquée, sur l’identité des entreprises ayant participé aux composantes tenant à la STS, à la STC et au refus de paiement de commissions en tant qu’élément, qui, parmi d’autres, tendait à démontrer que ces trois composantes relevaient d’une infraction unique.
420 C’est donc sans commettre d’erreur ni entacher la décision la décision attaquée de contradiction que, au considérant 878 de la décision attaquée, la Commission s’est fondée sur l’identité partielle des entreprises ayant participé aux différentes composantes de l’infraction unique et continue.
421 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments des requérantes.
422 Pour ce qui est de l’argument des requérantes relatif à un « groupe restreint » de transporteurs dont les modalités d’échanges se distinguaient de celui des autres transporteurs incriminés, il suffit d’observer que celles-ci restent en défaut d’expliquer en quoi il tendrait à démontrer que la Commission a commis une erreur en constatant que, au considérant 878 de la décision attaquée, que les « mêmes entreprises sont impliquées dans les arrangements ».
423 Quant à l’argument des requérantes selon lequel l’identité des entreprises impliquées ne suffit pas en soi à établir l’existence d’une stratégie commune, il suffit d’observer qu’il ne s’agit là que de l’un des facteurs sur lesquels la Commission s’est fondée pour conclure au caractère unique de l’infraction en cause.
424 Il y a donc lieu de rejeter la présente branche.
d) Sur la quatrième branche, prise de l’absence de démonstration de la nature unique de l’infraction unique et continue
425 Les requérantes font valoir que c’est à tort que la Commission a retenu que l’infraction unique et continue présentait une « nature unique ». Premièrement, elles avancent que la Commission a retenu que les trois composantes de ladite infraction touchaient à la tarification des services de fret, alors que les STC étaient différentes d’une région à l’autre et n’étaient pas appliquées de façon homogène. Deuxièmement, selon elles, rien ne prouve que les contacts afférents à la STC ont été étendus à la STS, ni que les contacts afférents à la STS n’ont pas débuté séparément de ceux afférents à la STC. Troisièmement, rien ne prouverait que la coordination en matière de refus de paiement de commissions contribuait à la réalisation des objectifs poursuivis par les surtaxes. Les commissions concerneraient des marchés d’achat de prestations auprès des transitaires qui sont distincts des marchés concernés par les surtaxes.
426 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
427 Il convient d’observer que, au considérant 879 de la décision attaquée, la Commission a conclu que les trois composantes de l’infraction unique et continue avaient une « nature unique ». Ce considérant se lit comme suit :
« L’infraction concerne la coordination des prix. Fondamentalement, les divers éléments concernent des questions de tarification, plus particulièrement les surtaxes. […] [L]es contacts entre les transporteurs concernant la tarification ont initialement démarré en rapport avec la STC et se sont étendus à l’introduction et à l’application de la STS dans le but d’éliminer la concurrence en rapport avec l’application et le niveau de ces surtaxes. Étant donné que la STC et la STS ont été maintenues en tant qu’éléments séparés du prix global, distincts des tarifs, les transporteurs ont été en mesure de coopérer davantage en refusant de payer des commissions sur les surtaxes qui auraient autrement dû être payées si elles avaient fait partie intégrante des tarifs. Ceci a permis de soustraire les surtaxes à la concurrence liée à la négociation de commissions (en réalité des ristournes sur les surtaxes) avec les clients. Les contacts concernant la STC, la STS et le refus de [paiement] d[e] commissions […] affichaient donc un lien de complémentarité étant donné que chacun avait pour but de traiter une ou plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence et, par cette interaction, de contribuer à la réalisation de l’objectif unique poursuivi par les responsables, dans le cadre d’un plan global. Les contacts anticoncurrentiels avaient un lien direct avec le niveau des surtaxes et, en dernier ressort, avec le niveau du prix final à payer par les clients. »
428 En l’espèce, les requérantes contestent les trois motifs qui fondent cette analyse, à savoir, premièrement, le fait que les trois composantes de l’infraction unique et continue toucheraient à la tarification des services de fret, deuxièmement, l’existence d’un lien de complémentarité entre ces trois composantes et, troisièmement, l’extension à la STS des contacts relatifs à la STC.
429 Premièrement, s’agissant de la question de savoir si les trois composantes de l’infraction unique et continue touchaient à la tarification des services de fret, il y a lieu de relever que les requérantes se contentent, en substance, d’invoquer des différences régionales dans la mise en œuvre de la STC. De telles différences n’enlèvent, cependant, rien au fait que la STC est un élément du prix des services de fret (considérant 17 de la décision attaquée) et que la composante de ladite infraction afférente à la STC concerne, par suite, la tarification des services de fret.
430 Quant aux différences régionales dont se prévalent les requérantes, il convient de relever que, comme il ressort déjà du point 286 ci-dessus, elles tiennent au système à plusieurs niveaux dans lequel s’opérait la mise en œuvre de la STC (considérants 109, 110, 876, 889 et 1046 de la décision attaquée et note en bas de page no 1323 de ladite décision). En effet, selon la Commission, les surtaxes étaient des mesures d’application générale qui n’étaient pas spécifiques à une liaison, mais qui avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons, au niveau mondial. Les décisions concernant les surtaxes auraient généralement été prises au niveau des sièges de chaque transporteur, lesquels étaient en contact mutuel lorsqu’un changement de niveau de surtaxe était imminent. Au niveau local, les transporteurs se seraient coordonnés, dans le but, d’une part, de mieux exécuter les instructions de leurs sièges respectifs et de les adapter aux conditions de marché et à la réglementation locales et, d’autre part, de coordonner et de mettre en œuvre les initiatives locales.
431 Deuxièmement, s’agissant de l’existence d’un lien de complémentarité entre les différentes composantes de l’infraction unique et continue, il convient d’observer que l’argumentation des requérantes procède de la prémisse selon laquelle la perception de commissions par les transitaires concerne des marchés d’achat de prestations auprès de ces derniers qui sont distincts de la fourniture de services de fret. Or, les requérantes ont renoncé à cet argument lors de l’audience, ce dont il a été pris acte au procès-verbal d’audience.
432 Troisièmement, il y a lieu d’observer que, comme il ressort déjà du point 399 ci-dessus s’agissant du constat d’un objectif anticoncurrentiel unique, la Commission n’a ni expliqué ce qu’elle entendait par l’extension à la STS des contacts relatifs à la STC, ni n’a permis au Tribunal d’identifier les éléments de preuve sur lesquels elle a fondé son analyse.
433 Les requérantes ayant, cependant, échoué à remettre en cause la validité des autres motifs sur lesquels se fonde le considérant 879 de la décision attaquée, lesquels permettent à eux seuls de soutenir la conclusion figurant audit considérant (voir points 429 à 431 ci-dessus), ladite conclusion demeure fondée.
434 Il convient donc de rejeter la présente branche.
e) Sur la cinquième branche, prise de l’absence de démonstration de l’existence de discussions conjointes sur les différentes composantes de l’infraction unique et continue
435 Les requérantes font valoir que les « nombreux » éléments de preuve cités au considérant 880 de la décision attaquée sont, en réalité, rares et n’étayent pas de manière convaincante la conclusion selon laquelle les différentes composantes de l’infraction unique et continue « ont fréquemment été discutés conjointement au cours du même contact ». Dans un contexte où des pièces ont été produites pour bien plus de 500 contacts allégués, l’emploi de l’adjectif « nombreux » pour décrire un sous–ensemble représentant moins de 1 % de ces contacts constituerait une déformation manifeste de la réalité. Il aurait été extrêmement rare que les contacts portent sur l’ensemble des trois composantes de ladite infraction. Ces composantes auraient, en réalité, été traitées séparément.
436 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
437 Il convient d’observer que, au considérant 880 de la décision attaquée, la Commission a constaté que les surtaxes et le refus de paiement de commissions avaient « fréquemment été discutés conjointement au cours du même contact avec les concurrents ». À l’appui de ce constat, elle a indiqué que de « nombreux exemples de ceci figur[ai]ent dans [son] dossier ». Selon elle, ces « exemples » incluaient, « notamment », les contacts litigieux décrits aux considérants 387, 393, 503, 530, 560, 640, 695 et 697 de la décision attaquée.
438 Or, il y a lieu de constater que ces huit contacts établissent que les surtaxes et le refus de paiement de commissions ont « fréquemment été discutés conjointement au cours du même contact avec les concurrents ».
439 Ainsi, en premier lieu, le considérant 387 fait état d’un courriel du 23 août 2004, dans lequel un employé de Martinair a indiqué qu’une réunion entre les « patrons européens » de cinq transporteurs incriminés aurait lieu le jeudi suivant. Au considérant 880, deuxième tiret, de la décision attaquée, la Commission a constaté que la « question des surtaxes a[vait] été discutée de manière générale » lors de cette réunion.
440 Il est vrai que, comme le relèvent les requérantes, le courriel de Martinair du 23 août 2004 ne mentionne pas expressément la STS. Les requérantes ne sont, toutefois, pas fondées à en déduire que la STS n’a pas été discutée lors de la réunion du jeudi suivant. Il y a, en effet, lieu de constater que, au considérant 387 de la décision attaquée, la Commission s’est appuyée sur la déclaration de clémence de Martinair pour retenir que cette réunion s’était tenue à Amsterdam (Pays-Bas) et avait inclus une « discussion générale sur le marché, un partage d’expériences du marché » et sur les « surtaxes de manière générale ». Or, dans la mesure où les mois qui ont suivi et précédé ladite réunion ont vu les transporteurs concernés s’entretenir à plusieurs reprises au sujet de la STS et en l’absence de toute autre explication, la Commission pouvait déduire de cette utilisation du pluriel que la discussion avait également porté sur la STS.
441 Quant à la question de savoir si ces discussions ont porté sur la « fixation » des surtaxes, elle est dépourvue de pertinence. Il ressort, en effet, de la décision attaquée et notamment de son considérant 908, que l’entente litigieuse ne se limitait pas à la coordination des surtaxes et du refus de paiement de commissions, mais impliquait également l’échange d’informations.
442 En deuxième lieu, au considérant 393 de la décision attaquée, la Commission a fait référence à un courriel du 13 juillet 2004 de Martinair intitulé « Évaluation du drink des transporteurs européens (DTE) ». Ce courriel concernait une réunion de la veille au soir entre plusieurs transporteurs incriminés. Les requérantes ne contestent pas que les discussions ont porté à la fois sur la STC et sur STS ni qu’il a été retenu ce qui suit lors de cette réunion : « Nous étions tous d’accord qu’il est utile de se réunir régulièrement de façon informelle ».
443 Les requérantes soutiennent, en revanche, que la Commission n’a présenté aucun élément de preuve tendant à démontrer que les trois composantes de l’infraction unique et continue ont été examinés en parallèle avant le 13 juillet 2004, alors même que ladite infraction a débuté en 1999.
444 Cet argument ne saurait prospérer. En effet, d’une part, il convient de constater que les discussions relatives au refus de paiement de commissions n’ont véritablement débuté qu’en janvier 2005, en réponse à une initiative concertée des transitaires. Il ne saurait donc être reproché à la Commission de ne pas avoir apporté de preuves de la discussion conjointe des surtaxes et du refus de paiement de commissions avant juillet 2004.
445 D’autre part, pour ce qui est de l’existence de discussions conjointes au sujet de la STC et de la STS, il convient de constater que la STS n’a été instaurée qu’à compter de la fin de l’année 2001 et n’aurait donc pas pu faire l’objet de discussions conjointes avec la STC dès 1999. En outre, il ressort du point 223 ci-dessus que les huit contacts cités au considérant 880 de la décision attaquée ne l’ont expressément été qu’à titre d’illustration et n’ont donc pas vocation à l’exhaustivité. Or, la décision attaquée recense plusieurs autres éléments de preuve tendant à démontrer que les différentes composantes de l’infraction unique et continue, y compris à l’extérieur d’un éventuel « groupe restreint », ont fait l’objet de discussions conjointes avant juillet 2004. Tel est notamment le cas des considérants 368 et 667 de la décision attaquée, qui font état d’un courriel de Martinair du 12 mai 2004 au comité exécutif du SCC du BAR, lequel fait référence à la hausse envisagée de la STC et de la STS. Tel est aussi le cas du considérant 369 de la même décision, qui renvoie au procès-verbal d’une réunion du comité exécutif du SCC du BAR du 17 mai 2004, lors de laquelle des informations sensibles ont été échangées au sujet de la STC et de la STS.
446 Quant à l’argument des requérantes selon lequel le courriel décrit au considérant 393 de la décision attaquée laisse supposer que le « groupe restreint » a examiné les surtaxes conjointement « à cette unique occasion », mais ne permet pas de penser que le « groupe élargi » de transporteurs a été impliqué dans des « contacts parallèles » de cette nature, il convient d’observer qu’il est mal fondé. Les contacts décrits aux considérants 387, 503, 695 et 697 de ladite décision, auxquels il est renvoyé au considérant 880 de cette décision, impliquent en effet des transporteurs dont les requérantes ne soutiennent pas qu’ils auraient appartenu à un quelconque « groupe restreint ».
447 En troisième lieu, au considérant 503 de la décision attaquée, la Commission fait référence à une réunion du SCC du BAR du 11 juillet 2005, lors de laquelle ont été discutés tant la STC que le refus de paiement de commissions. Il est vrai que, comme le relèvent en substance les requérantes, ces deux sujets ont été consignés sous des rubriques séparées dans le procès-verbal de la réunion. Il convient, cependant, de constater, à l’instar de la Commission, que lesdits sujets étaient liés dans l’esprit des participants. Ainsi, le procès-verbal de la réunion indique notamment ce qui suit :
« [Le] SCC du BAR a reçu de HAFFA une lettre proposant qu’une commission de perception de 5 % sur toutes les surtaxes répercutées (telles que le carburant et la sécurité) soit facturée par les membres de HAFFA sur toute lettre de transport émise à Hong Kong […].
[Le] SCC du BAR s’inquiète d’un tel régime de commissions en raison des importants montants d’argent impliqué et de la couverture déjà insuffisante de la [STC] sur le coût incrémental du carburant en raison de la fluctuation du prix du pétrole telle que mentionnée sous la rubrique [relative à la STC] ».
448 En quatrième lieu, au considérant 530 de la décision attaquée, il est fait référence à une réunion du 19 octobre 2005 entre AF et Lufthansa. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ressort dudit considérant que ladite réunion n’a pas porté sur la seule STC. Comme le relève à juste titre la Commission, l’examen de ce considérant tend à indiquer que ladite réunion a également porté sur le refus de paiement de commissions. Il ressort, en effet, du même considérant qu’AF et Lufthansa se « sont assur[é]s mutuellement de l’application cohérente des surtaxes, sont conven[u]s qu’aucune autre mesure unilatérale telle que le plafonnement de la STC par AF ne serait répétée, et que les transitaires ne devaient pas recevoir de commissions sur les surtaxes ».
449 En cinquième lieu, aux considérants 560, 640, 695 et 697 de la décision attaquée, il est fait état de discussions dans le cadre de l’initiative « BLACKS » [nom dérivé des acronymes BA (British Airways), LH (Lufthansa), AF, CV (Cargolux), KL (KLM) et Swiss] en Italie et dont les requérantes ne contestent ni la pertinence ni que, comme il ressort du considérant 880 de cette décision, elles ont « couvert les questions de la STC, de la STS et, au sein d’un groupe plus large, le refus de paiement d’une commission aux transitaires ».
450 Il ressort de ce qui précède que la Commission pouvait, sans commettre d’erreur, déduire l’existence de discussions conjointes sur différentes composantes de l’infraction en cause des considérants 387, 393, 503, 530, 560, 640 et 697 de la décision attaquée.
451 La présente branche doit donc être écartée.
f) Sur la sixième branche, prise de l’absence de démonstration du caractère anticoncurrentiel du refus de paiement de commissions ainsi que de l’absence d’examen au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE
452 Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir omis de tenir compte du contexte juridique dans lequel intervenait le refus de paiement de commissions en qualifiant ce dernier de restriction de concurrence « par objet » et en refusant de lui appliquer l’article 101, paragraphe 3, TFUE. Le refus de paiement de commissions serait intervenu en réaction à une tentative concertée des transitaires de faire admettre un droit à une telle commission et les transporteurs auraient simplement cherché à coordonner leur interprétation d’une disposition des règles adoptées par l’IATA, dans un contexte où il était légitime d’agir à l’échelle sectorielle.
453 Les requérantes font aussi valoir que la décision est entachée d’une erreur d’appréciation en ce que l’article 101, paragraphe 3, TFUE n’a pas été appliqué en l’espèce.
454 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
455 Il convient de constater que l’argumentation des requérantes procède de la prémisse que les transporteurs incriminés se sont bornés à coordonner leur interprétation d’une disposition des règles de l’IATA en réponse aux demandes concertées des transitaires. Cette prémisse manque cependant en fait.
456 Il ressort, certes, des considérants 675 à 702 de la décision attaquée que la question du paiement de commissions faisait l’objet d’interprétations juridiques divergentes entre les transporteurs et les transitaires. Cependant, les transporteurs incriminés ne se sont pas bornés à définir une position commune à ce sujet pour la défendre de manière coordonnée devant les juridictions compétentes ou la promouvoir collectivement auprès des autorités publiques et d’autres associations professionnelles.
457 Au contraire, les transporteurs incriminés se sont concertés en convenant – à un niveau multilatéral – de refuser de négocier le paiement de commissions avec les transitaires et de leur octroyer des ristournes sur les surtaxes. Ainsi, au considérant 695 de la décision attaquée, la Commission s’est référée à un courriel du 19 mai 2005, dans lequel un gestionnaire régional de Swiss en Italie indique que « tous [les participants à une réunion tenue le 12 mai 2005 ont] confirmé [leur] volonté de ne pas accepter de rémunération STC/STS ». Au considérant 696 de ladite décision, il est fait état d’un courriel interne du 14 juillet 2005 dans lequel CPA indique que « tous [les participants à une réunion tenue la veille] ont reconfirmé leur ferme intention de ne pas accepter de négociation concernant » le paiement de commissions. Aussi, au considérant 700 de la même décision, la Commission a invoqué un courriel interne dans lequel une employée de Cargolux informait son administration centrale de la tenue d’une réunion « avec tou[s] les [transporteurs] opérant à l’aéroport de [Barcelone] » et indiquait que, « de l’avis général, nous ne devrions pas payer de commissions sur les surtaxes ».
458 Il ressort également de la décision attaquée que plusieurs transporteurs ont échangé des informations – à un niveau bilatéral – pour s’assurer mutuellement de leur adhésion continue au refus de paiement de commissions dont ils étaient convenus au préalable. À titre d’illustration, le considérant 688 de cette décision décrit une conversation téléphonique du 9 février 2006 au cours de laquelle Lufthansa a demandé à AF si sa position au sujet du refus de paiement de commissions restait inchangée.
459 Quant à l’exception visée à l’article 101, paragraphe 3, TFUE, pour qu’elle trouve à s’appliquer à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions, il faut que les quatre conditions cumulatives prévues par cette disposition soient remplies. Premièrement, les accords doivent contribuer à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, deuxièmement, ils doivent réserver aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, troisièmement, ils ne doivent pas imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs et, quatrièmement, ils ne doivent pas donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits ou des services en cause, d’éliminer la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2013, Slovenská sporiteľňa, C 68/12, EU:C:2013:71, point 31).
460 De manière générale, il s’agit de déterminer les effets pro-concurrentiels produits par l’accord enfreignant l’article 101, paragraphe 1, TFUE et de voir si ces effets pro concurrentiels l’emportent sur les effets anticoncurrentiels (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2003, Van den Bergh Foods/Commission, T 65/98, EU:T:2003:281, point 107).
461 Il résulte de ce qui précède que, aux fins de l’application de l’article 101, paragraphe 3, TFUE, les effets anticoncurrentiels découlant de l’accord ou de la pratique en cause sont examinés au regard des effets pro-concurrentiels de ces derniers. Cet examen est indissociable de celui des objectifs, prétendument légitimes, que cet accord ou cette pratique poursuivent effectivement au moyen, notamment, de certaines restrictions. Ce n’est ainsi que si les restrictions en cause s’inscrivent dans la réalisation de tels objectifs légitimes qu’elles sont susceptibles d’être couvertes par l’exception visée à l’article 101, paragraphe 3, TFUE.
462 Or, aux considérants 1047 à 1052 de la décision attaquée, la Commission a refusé de faire application de cette exception en l’espèce. Les requérantes restent en défaut d’expliquer en quoi cette appréciation serait entachée d’erreur, si ce n’est qu’elles avancent que les contacts relatifs au refus de paiement de commissions avaient pour objectif de définir une « position commune sur des questions d’interprétation de stipulations contractuelles avec des transitaires ». Or, comme il ressort des points 455 à 458 ci-dessus, cette prémisse est erronée en fait.
463 La présente branche doit donc être écartée, de même que le présent moyen dans son ensemble.
6. Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de droit et de fait dans l’établissement de la participation de la seconde requérante à l’infraction unique et continue, s’agissant de la STC
464 Les requérantes soutiennent qu’il n’est pas établi à suffisance de droit que la seconde requérante a participé à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC, ce que la Commission conteste.
465 Une entreprise ayant participé à une infraction unique et complexe par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C 441/11 P, EU:C:2012:778, point 42 et jurisprudence citée).
466 Ainsi, une entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, auquel cas la Commission est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de ladite infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle-ci dans son ensemble (arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C 441/11 P, EU:C:2012:778, point 43).
467 Pour imputer aux requérantes l’infraction unique et continue dans son ensemble, la Commission était ainsi tenue d’établir, soit qu’elles avaient participé à l’ensemble des comportements composant cette infraction, soit qu’elles avaient eu connaissance de l’ensemble des comportements infractionnels que les autres participants à l’entente ont envisagé ou mis en œuvre dans la poursuite des mêmes objectifs et auxquels elles n’avaient pas directement participé, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque.
468 Au considérant 883 de la décision attaquée, la Commission a retenu que la seconde requérante n’était « impliquée » que dans l’une des trois composantes de l’infraction unique et continue, à savoir celle tenant à la STC, mais avait connaissance des « discussions entre transporteurs sur la STS et le [refus de] paiement de commissions ». Au considérant 1258 de ladite décision, elle a ajouté que ladite requérante n’avait « pas participé à tous les éléments de [cette infraction] ».
469 Il en ressort que la Commission a imputé aux requérantes l’infraction unique et continue au motif notamment, d’une part, que la seconde requérante avait une connaissance avérée ou présumée des composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STS et au refus de paiement de commissions et, d’autre part, avait directement participé à sa composante tenant à la STC.
470 La Commission n’en a pas moins reconnu, au considérant 1258 de la décision attaquée, que les requérantes « opéraient en périphérie de l’entente [litigieuse] » et « entretenaient des contacts en nombre limité avec d’autres transporteurs ». Il est ainsi constant que les requérantes n’ont pas directement participé à l’ensemble des concertations relatives à la STC. Il est également constant que les requérantes ont entretenu des contacts « essentiellement » avec Lufthansa.
471 La question sur laquelle s’opposent les parties est celle de savoir si les différents contacts que la Commission a retenus contre les requérantes s’agissant de la STC étaient de nature à établir la connaissance par ces dernières des concertations relatives à la STC auxquelles celles-ci n’avaient pas participé ou, pour reprendre les termes que celles-ci emploient, d’une « entente plus vaste ».
472 À cet égard, il convient de rappeler que c’est à la Commission qu’incombe la charge de prouver que l’entreprise concernée avait la connaissance requise des comportements anticoncurrentiels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente globale, mais auxquels elle n’a pas directement participé (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C 441/11 P, EU:C:2012:778, point 67).
473 Pour ce faire, la Commission doit réunir des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour établir que l’entreprise concernée avait une telle connaissance (voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 2002, Sigma Tecnologie/Commission, T 28/99, EU:T:2002:76, point 51).
474 La Commission n’est, cependant, pas tenue de démontrer que l’entreprise concernée avait ou aurait dû avoir connaissance, dans le détail, des concertations intervenues dans le cadre des contacts litigieux auxquels celle-ci n’a pas participé. Elle n’est pas davantage tenue d’établir que l’entreprise en cause avait ou aurait dû avoir connaissance de l’ensemble de ces contacts (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T 259/02 à T 264/02 et T 271/02, EU:T:2006:396, point 193).
475 L’entreprise concernée doit ainsi simplement connaître la portée générale et les caractéristiques essentielles de l’entente globale (voir arrêt du 10 octobre 2014, Soliver/Commission, T 68/09, EU:T:2014:867, point 64 et jurisprudence citée).
476 La Commission a décrit la portée générale et les caractéristiques essentielles de l’entente litigieuse au point 4.1 de la décision attaquée, qu’elle a intitulé « Principes de base et structure de l’entente ». Elle a décrit plus avant les concertations relatives à la STC au point 4.3.2 de ladite décision, qu’elle a intitulé « Nature des contacts illicites entre concurrents concernant la surtaxe carburant ». Il ressort de ces points que ladite entente était d’ampleur mondiale et se fondait sur un réseau de contacts bilatéraux et multilatéraux entretenus sur une longue période entre les concurrents aux fins de coordonner leur comportement en matière de tarification ou de réduire l’incertitude en ce qui concerne leur politique de prix. Pour ce qui est, en particulier, de la STC, la Commission a retenu qu’il s’agissait de coordonner et de surveiller son application et notamment d’assurer que les concurrents adopteraient les mêmes mesures, que la discipline serait suivie et que l’augmentation (ou la diminution) résultant de la méthode publiée serait appliquée de manière intégrale et coordonnée.
477 Aux considérants 108, 876, 889 et 1046 de la décision attaquée et à la note en bas de page no 1323 de ladite décision, la Commission a précisé que la mise en œuvre de la STC s’opérait dans le cadre d’un système à plusieurs niveaux (voir point 430 ci-dessus).
478 La Commission invoque les éléments de preuve rapportés dans 32 considérants de la décision attaquée ainsi que plusieurs déclarations des requérantes pour retenir que celles-ci avaient la connaissance requise de la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC. Il y a lieu de distinguer parmi ces éléments cinq catégories différentes. Il s’agit, premièrement, de déclarations des requérantes que la Commission qualifie d’« aveux », deuxièmement, des échanges de courriels bilatéraux que les requérantes et Lufthansa ont entretenus entre février 2003 et janvier 2006 (considérants 275, 353, 375, 410, 420, 453, 455, 457, 458, 474, 486, 487, 493, 538, 548, 553, 556 et 568 de ladite décision), troisièmement, d’autres contacts bilatéraux ou multilatéraux avec Lufthansa, intervenus entre le 17 février 2003 et fin 2005 ou début 2006 (considérants 274, 279, 313, 346, 410, 411, 446, 495, 516 et 893 de cette décision), quatrièmement, d’un communiqué de presse qu’un autre transporteur a transmis à la seconde requérante et à Swiss par courriel du 3 décembre 2003 (considérant 312 de la même décision) et, cinquièmement, de contacts bilatéraux ou multilatéraux impliquant un ou plusieurs transporteurs incriminés autres que Lufthansa et ledit autre transporteur (considérants 347, 352 et 492 de la décision en question).
479 Cependant, comme le reconnaissent tant les requérantes que la Commission, les éléments de preuve appartenant à la deuxième des catégories en cause ne sauraient servir à établir que les requérantes avaient la connaissance requise des concertations relatives à la STC auxquelles elles n’ont pas participé.
480 Conformément à la jurisprudence rappelée aux points 472 à 475 ci-dessus, il y a donc lieu de vérifier si la Commission était fondée à considérer que le faisceau d’indices composé des éléments de preuve appartenant aux première et troisième à cinquième catégories en cause permettait d’établir que les requérantes avaient la connaissance requise de la portée générale et des caractéristiques essentielles de la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC, telles que décrites aux points 476 et 477 ci-dessus. À cette fin, il convient d’examiner les éléments de preuve relevant de chacune de ces catégories pour déterminer leur valeur probante avant de procéder à une appréciation globale dudit faisceau d’indices pour déterminer s’il permet d’établir la participation de la seconde requérante à l’infraction unique et continue.
a) Sur les éléments de preuve relevant de la première catégorie en cause
481 En ce qui concerne les « aveux » des requérantes, la Commission fait référence dans le mémoire en défense à quatre déclarations de celles-ci. Les deux premiers « aveux » seraient issus des déclarations orales des requérantes des 10 avril et 7 septembre 2006, et les deux derniers « aveux » figureraient dans leur réponse à la communication des griefs.
1) Sur les « aveux » issus de déclarations orales des requérantes
482 La Commission fait valoir que les « aveux » issus des déclarations orales des requérantes des 10 avril et 7 septembre 2006 permettent de conclure que celles-ci savaient ou auraient raisonnablement dû savoir que la « fixation des prix de la STC allait au-delà des discussions habituelles qu[e la seconde requérante] avait avec Lufthansa et que celles-ci concernaient également d’autres transporteurs ». Selon elle, ces « aveux » confirment aussi que le « comportement des autres [transporteurs] entrait en ligne de compte dans la stratégie de La[n Cargo] relative à la STC et dans sa décision de communiquer avec L[ufthansa] sur ce sujet ».
483 Les requérantes répondent que la Commission ne saurait leur opposer des « aveux » issus de leurs déclarations orales des 10 avril et 7 septembre 2006. D’une part, ces déclarations n’auraient pas été mentionnées dans la décision attaquée. D’autre part, elles n’étayeraient pas l’argumentation de la Commission. Elles feraient, en effet, simplement référence à des observations relatives à des comportements sur le marché qui étaient publics et évidents pour tout acteur du secteur. Il n’aurait pas été apparent que la similitude des comportements en question résultait d’une entente et non d’une approche consistant, pour les transporteurs, à suivre un chef de file.
484 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 263 TFUE, le Tribunal doit se limiter à un contrôle de légalité de la décision attaquée sur la base des motifs contenus dans cette dernière (voir arrêt du 9 septembre 2015, Philips/Commission, T 92/13, non publié, EU:T:2015:605, point 43 et jurisprudence citée). La participation d’une entreprise à une infraction aux règles de concurrence doit ainsi être appréciée en fonction des seuls éléments de preuve réunis par la Commission dans cette décision. La seule question pertinente est donc celle de savoir si la preuve de cette participation est ou non rapportée au vu desdits éléments de preuve (arrêts du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T 25/95, T 26/95, T 30/95 à T 32/95, T 34/95 à T 39/95, T 42/95 à T 46/95, T 48/95, T 50/95 à T 65/95, T 68/95 à T 71/95, T 87/95, T 88/95, T 103/95 et T 104/95, EU:T:2000:77, point 726, et du 12 juillet 2018, The Goldman Sachs Group/Commission, T 419/14, EU:T:2018:445, point 85).
485 Or, comme le relèvent les requérantes, la Commission ne s’est pas appuyée dans la décision attaquée sur les passages en cause des déclarations orales de celles-ci des 10 avril et 7 septembre 2006.
486 Il ne saurait donc être tenu compte de ces passages en l’espèce.
2) Sur les « aveux » figurant dans la réponse des requérantes à la communication des griefs
487 La Commission fait valoir que les requérantes ont « avoué » la participation de la seconde requérante à l’infraction unique et continue en se fondant, d’une part, sur les points 2 et 3 de leur réponse à la communication des griefs et, d’autre part, sur le point 34 de cette réponse.
488 En premier lieu, la Commission déduit, en substance, des points 2 et 3 de la réponse des requérantes à la communication des griefs qu’elles ne contestent pas que la seconde requérante a participé à l’infraction unique et continue.
489 Les requérantes rétorquent que cet « aveu » se limitait à leurs discussions bilatérales avec Lufthansa, dont la Commission n’aurait jamais estimé qu’elles constituaient, en soi et en dehors du contexte de l’infraction unique et continue, une infraction à l’article 101 TFUE. Elles affirment avoir toujours indiqué ne pas avoir eu connaissance des éléments constitutifs de ladite infraction.
490 Il convient de constater que, comme il ressort du considérant 768 de la décision attaquée, les requérantes ont, au point 2 de leur réponse à la communication des griefs, indiqué ne pas contester que leurs activités en rapport avec la STC avaient débouché sur une infraction à l’article 101 TFUE. En revanche, et contrairement à ce que la Commission a retenu au même considérant, il ne ressort pas des points 2 et 3 de cette réponse que les requérantes ont aussi admis leur participation, même mineure et limitée, à l’infraction unique et continue. Au contraire, même si les requérantes ont évoqué, au point 3 de ladite réponse, leur « participation aux événements et actions décrits par la Commission », c’était pour indiquer que cette participation « était à la fois mineure et limitée » et pour préciser qu’elle ne consistait qu’en l’accord de partage de capacités qu’elles avaient conclu avec Lufthansa, étant également indiqué qu’elles ignoraient que cette dernière était au centre d’une vaste entente mondiale.
491 Comme le relèvent à juste titre les requérantes, il en ressort qu’elles ont reconnu la contrariété à l’article 101 TFUE de leurs échanges bilatéraux avec Lufthansa, mais n’ont pas admis avoir participé à l’infraction unique et continue ni même avoir eu la connaissance requise de sa composante tenant à la STC.
492 Tout au plus l’« aveu » figurant aux points 2 et 3 de la réponse à la communication des griefs a-t-il donc une valeur probante en ce qui concerne la reconnaissance par les requérantes de leur participation à des échanges bilatéraux illicites avec Lufthansa.
493 En second lieu, la Commission s’appuie sur l’« aveu » tiré du point 34 de la réponse des requérantes à la communication des griefs.
494 Au considérant 893 de la décision attaquée, la Commission a résumé cet « aveu » comme suit, en relevant qu’il contredisait l’argument des requérantes selon lequel celles-ci n’avaient, au cours de la période infractionnelle, jamais été informées ni conscientes que Lufthansa communiquait directement sur une base régulière avec de nombreux autres transporteurs concernant la STC :
« Au point 34 de la réponse à la communication des griefs, [la seconde requérante] a également confirmé qu’en automne 2005, [A (Lufthansa)] [lui avait dit] que [Lufthansa] entretenait des contacts réguliers avec KLM concernant les niveaux de la STC ».
495 À cet égard, les requérantes font valoir que l’« aveu » en cause provient de leur déclaration orale du 10 avril 2006. Selon elles, cette déclaration ne ferait pas référence à des « contacts réguliers » entre KLM et Lufthansa dont cette dernière les aurait informés. Elles estiment qu’il ressort de ladite déclaration que, Lufthansa s’est bornée à les informer, à l’automne 2005, « à une seule reprise », des entretiens que celle-ci conduisait à propos de la STC avec d’autres transporteurs, dont KLM.
496 Par ailleurs, le contenu des contacts intervenus entre la seconde requérante et Lufthansa à cette époque laisserait supposer que le contact dans le cadre duquel cette dernière aurait informé ladite requérante de ces entretiens se rapportait au régime réglementaire en vigueur au Brésil.
497 La Commission répond, en substance, que la référence à des « contacts réguliers » entre Lufthansa et KLM figure bien au point 34 de la communication des griefs. Elle ajoute que rien ne prouve que la seconde requérante ait d’une manière ou d’une autre été interloquée par ce qui lui a été dit au sujet de ces contacts et que l’argument des requérantes selon lequel l’échange en cause s’inscrivait dans le contexte de la situation réglementaire spécifique au Brésil n’est pas étayé.
498 Il convient de constater que le résumé de l’« aveu » figurant au considérant 893 de la décision attaquée correspond au libellé du point 34 de la réponse des requérantes à la communication des griefs, y compris en tant qu’il fait référence aux « contacts réguliers » entre Lufthansa et KLM. Ce point est, en effet, libellé comme suit :
« Ce n’est qu’à l’automne 2005 que [A] a finalement dit à [B] que Lufthansa avait eu des contacts réguliers sur les niveaux de [STC] avec KLM ».
499 Il est vrai que le passage de leur déclaration orale du 10 avril 2006 qu’invoquent les requérantes ne fait pas référence au « caractère régulier » de ces contacts. Il convient, cependant, d’observer que ce passage ne se confond pas avec le contenu du point 34 de la réponse des requérantes à la communication des griefs ni ne le contredit. Ledit passage ne fait aucunement référence à la régularité des contacts entre Lufthansa et KLM. Dans ledit passage, les requérantes ont noté que « [B] a[vait] également indiqué qu[e,] à une seule reprise, au cours de l’automne de 2005, [A] lui avait dit que Lufthansa menait des entretiens avec d’autres transporteurs, dont KLM, sur la question d’une augmentation éventuelle de la [STC] ». Or, l’expression « à une seule reprise » ne renvoie pas à la fréquence des contacts entre Lufthansa et d’autres transporteurs, mais au nombre de fois que la seconde requérante a été informée de ces contacts.
500 Il s’ensuit que l’« aveu » figurant au point 34 de la réponse des requérantes à la communication des griefs a une valeur probante en ce qui concerne la circonstance qu’elles étaient, à l’automne 2005, conscientes du fait que Lufthansa s’entretenait régulièrement au sujet de la STC avec un autre transporteur incriminé, à savoir KLM. Il ne saurait cependant être inféré de ce seul « aveu » que les requérantes étaient au courant des échanges réguliers entre Lufthansa et d’autres transporteurs incriminés et encore moins qu’elles avaient la connaissance requise de la portée générale et des caractéristiques essentielles de la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC.
501 L’« aveu » figurant au point 34 de la réponse des requérantes à la communication des griefs ne permet donc pas, à lui seul, d’établir que les requérantes avaient la connaissance requise de la portée générale et des caractéristiques essentielles de la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC. Conformément à une jurisprudence constante (arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C 407/08 P, EU:C:2010:389, point 47 et jurisprudence citée), il importe néanmoins d’examiner si, conjointement avec d’autres éléments, cet aveu pouvait constituer un faisceau d’indices qui permettait à la Commission de conclure que tel était le cas (voir points 571 à 582 ci-après).
b) Sur les éléments de preuve relevant de la troisième catégorie en cause
502 En ce qui concerne les contacts bilatéraux ou multilatéraux avec Lufthansa, intervenus entre le 17 février 2003 et fin 2005 ou début 2006, la Commission s’est fondée sur trois types de pièces. Il s’agit, premièrement, d’annonces d’augmentation de la STC transmises à la seconde requérante et à d’autres transporteurs (considérants 274, 279, 313, 346, 410, 411, 446 et 495 de la décision attaquée), deuxièmement, d’un courriel interne de ladite requérante du 22 août 2005 (considérant 893 de ladite décision) et, troisièmement, d’une réunion du 21 septembre 2005 entre cette requérante et Lufthansa (considérant 516 de cette décision).
1) Sur les annonces d’augmentation de la STC adressées à la seconde requérante et à d’autres transporteurs
503 Les requérantes avancent que la Commission n’a pas expliqué pourquoi les sept courriels par lesquels Lufthansa avait transmis ses annonces d’augmentation du niveau de la STC à la seconde requérante et à d’autres transporteurs (considérants 274, 279, 313, 346, 410, 411, 446 et 495 de la décision attaquée) montraient que ladite requérante avait la connaissance requise de la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC.
504 Les requérantes font aussi valoir que la Commission a omis de prendre en considération trois éléments. Premièrement, il ne pourrait être déduit des courriels en cause que leurs destinataires formaient une entente ou étaient membres d’un réseau de partage d’informations. N’ayant pas connaissance de l’entente litigieuse, la seconde requérante n’aurait eu aucune raison de soupçonner que lesdits courriels attestaient de l’existence d’un comportement anticoncurrentiel. Lufthansa aurait d’ailleurs délibérément exclu ladite requérante de ses autres communications multilatérales au sujet de la STC. Deuxièmement, Lufthansa aurait dans certains cas envoyé ses communiqués de presse à des messageries génériques de transporteurs. Or, il serait très improbable que Lufthansa ait communiqué des informations secrètes ou illégales de cette manière. Cela contredirait au demeurant la constatation de la Commission selon laquelle les transporteurs incriminés se seraient efforcés de garder secrète ladite entente. Troisièmement, il ne pourrait être considéré que les courriels en question témoignaient d’échanges au niveau des sièges. Ces courriels auraient, en effet, été envoyés par les directeurs des ventes régionaux ou locaux de Lufthansa à Francfort, généralement à d’autres personnes qu’elles connaissaient et qui étaient aussi employées dans cette ville.
505 Les requérantes ajoutent que deux des courriels en cause étaient adressés aux « [c]hers partenaires » de Lufthansa. Selon elles, cela signifie que leurs destinataires étaient des partenaires commerciaux de Lufthansa. Par ailleurs, la seconde requérante ayant eu connaissance de ces relations entre Lufthansa et les autres destinataires desdits courriels, elle aurait pensé qu’ils s’inscrivaient dans ce contexte.
506 La Commission précise dans le mémoire en défense que, dans la décision attaquée, elle ne s’est appuyée en réalité que sur cinq des sept courriels en cause « en tant que preuve[s] d’une conspiration plus large », à savoir ceux visés aux considérants 274, 279, 346, 446 et 495 de ladite décision. Selon elle, ces cinq courriels démontrent que Lufthansa incluait la seconde requérante, ainsi que de nombreux autres transporteurs, dans ses échanges d’informations sur la modification du montant de la STC et que ladite requérante savait que Lufthansa communiquait avec d’autres transporteurs à ce sujet. La circonstance que ces informations étaient publiques ou sur le point d’être publiées ne les exclurait pas du champ de l’article 101 TFUE.
507 La Commission ajoute que les requérantes ne proposent aucune autre explication de la transmission des annonces en cause à ces transporteurs. L’hypothèse des requérantes selon laquelle chacun desdits transporteurs entretenait une relation commerciale avec Lufthansa ne serait nullement étayée. Il aurait été plus simple pour elles de supposer que les transporteurs participaient avec Lufthansa à des discussions quant à la fixation du montant de la STC. La seconde requérante ayant admis s’être concertée au sujet du montant de sa STC avec Lufthansa, la décision de cette dernière de transmettre ainsi ses propositions d’augmentation de la STC aurait été susceptible d’avoir été considérée par la seconde requérante comme faisant partie de discussions plus vastes entre Lufthansa et d’autres transporteurs au sujet de la STC.
508 Selon la Commission, cette conclusion n’est pas altérée par l’observation des requérantes selon laquelle les courriels en cause étaient adressés aux messageries génériques de certains transporteurs. Dans la mesure où ces courriels auraient été incriminants non pas tant au regard de leur contenu que de leur contexte, leurs destinataires ne se seraient pas étonnés de constater que, dans certains cas, ils avaient été envoyés à une telle messagerie.
509 Quant au fait que les courriels en cause étaient adressés à des employés locaux de la seconde requérante, il ne démontrerait pas qu’ils n’ont pas transmis d’informations au siège.
510 Il y a lieu de relever que, aux considérants 274, 279, 346, 446 et 495 de la décision attaquée, la Commission s’appuie sur cinq courriels par lesquels Lufthansa a transmis à plusieurs transporteurs, dont la seconde requérante, des annonces d’augmentation de la STC.
511 Il convient de constater que les cinq courriels en cause datent, respectivement, du 17 février 2003 (considérant 274 de la décision attaquée), du 10 mars 2003 (considérant 279 de ladite décision), du 27 avril 2004 (considérant 346 de cette décision) et des 7 mars (considérant 446 de la même décision) et 22 août 2005 (considérant 495 de la décision en question).
512 Comme le reconnaît la Commission, les cinq courriels en cause ne sont pas, à eux seuls, de nature à établir la connaissance requise par les requérantes de la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC. Appréciés de manière isolée, ces courriels auraient, en effet, pu porter à croire que Lufthansa se contentait d’informer de manière non sollicitée et non réciproque certains de ses partenaires commerciaux des modifications à venir de sa STC. Les requérantes n’ont, certes, pas établi que l’ensemble des destinataires de ces courriels étaient parties à des accords commerciaux avec Lufthansa. Il est néanmoins constant qu’elles-mêmes et plusieurs autres l’étaient. Au vu des seuls courriels en cause, il n’aurait dès lors pas été déraisonnable de supposer que tel était le cas de tous les destinataires.
513 Ainsi que le relèvent les requérantes, le fait que les cinq courriels en cause étaient envoyés aux messageries génériques de certains transporteurs était susceptible de renforcer cette impression.
514 Il n’en demeure pas moins que, à la différence des accords commerciaux dont la seconde requérante a fait état dans ses écritures, les annonces jointes aux cinq courriels en cause n’étaient pas limitées dans leur portée. Par ailleurs, ces courriels sont tous contemporains des échanges bilatéraux entre la seconde requérante et Lufthansa dont les requérantes ne contestent pas qu’ils excédaient le champ de leur accord de réservation de capacités et revêtaient, par suite, un caractère anticoncurrentiel. Appréciés à la lumière de ces échanges, lesdits courriels pouvaient donc laisser entendre qu’à tout le moins certains de leurs destinataires entretenaient avec Lufthansa des contacts au sujet du niveau de la STC.
515 Les cinq courriels en cause ne permettent donc pas, à eux seul, d’établir que les requérantes avaient la connaissance requise de la portée générale et des caractéristiques essentielles de la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC. Conformément à la jurisprudence citée au point 501 ci-dessus, il importe néanmoins d’examiner si, conjointement avec d’autres éléments, ces courriels pouvaient constituer un faisceau d’indices qui permettait à la Commission de conclure que tel était le cas (voir points 571 à 582 ci-après).
2) Sur le courriel interne de la seconde requérante du 22 août 2005
516 Les requérantes font valoir que la Commission a, au considérant 893 de la décision attaquée, commis des erreurs dans son appréciation de la portée du courriel interne de la seconde requérante du 22 août 2005. Elles font valoir qu’il ne peut être déduit du contenu de ce courriel que Lufthansa a informé ladite requérante de ses contacts, passés ou à venir, au sujet de la STC avec d’autres transporteurs. Ledit courriel se limiterait, en effet, à indiquer que Lufthansa « examinerait peut-être » la question de l’application de la STC au poids taxable avec d’autres transporteurs.
517 Par ailleurs, le courriel interne de la seconde requérante du 22 août 2005 aurait spécifiquement concerné la situation au Brésil. Cette dernière aurait constitué un cas particulier, l’autorité brésilienne compétente ayant, pour la première fois au cours de l’automne 2005, approuvé un indice de STC.
518 La Commission répond qu’il peut être déduit du courriel interne de la seconde requérante du 22 août 2005 que cette dernière pensait que des contacts entre Lufthansa et d’autres transporteurs au sujet de l’étendue de la STC étaient « routiniers et normaux » et que ledit courriel étaye ainsi la conclusion selon laquelle celle-ci savait ou aurait raisonnablement dû savoir que d’autres transporteurs participaient aux discussions sur la STC.
519 La Commission ajoute que la référence dans le courriel interne de la seconde requérante du 22 août 2005 à la situation brésilienne n’est qu’une réflexion a posteriori.
520 Il convient de constater que, au considérant 893 de la décision attaquée, la Commission a renvoyé à un courriel interne de la seconde requérante du 22 août 2005 pour écarter l’argument des requérantes selon lequel elles n’avaient, au cours de la période infractionnelle, jamais été informées ni conscientes que Lufthansa communiquait directement sur une base régulière avec de nombreux autres transporteurs concernant la STC. Elle résume le contenu de ce courriel comme suit :
« [B (la seconde requérante)] a déclaré qu’il a parlé à [A (Lufthansa)] concernant la mise en place de la STC et que ce dernier a fait référence à ses conversations avec d’autres transporteurs ».
521 Il est vrai que, comme le relèvent les requérantes, le résumé en cause est partiellement inexact. En effet, ainsi qu’il ressort du courriel interne de la seconde requérante du 22 août 2005, B a demandé à A s’il pensait que d’autres transporteurs suivraient Lufthansa si cette dernière appliquait la STC au poids taxable. A aurait répondu qu’il n’en était pas sûr mais qu’il s’agissait d’une question dont il discuterait « peut-être avec d’autres transporteurs », sans pour autant confirmer qu’il le ferait. B a indiqué qu’il poserait la question à A lors de leur prochaine conversation.
522 Il n’en demeure pas moins que, comme le relève la Commission, le courriel interne de la seconde requérante du 22 août 2005 tend, à lui seul, à indiquer que cette dernière considérait qu’il était vraisemblable ou à tout le moins envisageable que Lufthansa se concertait avec d’autres transporteurs au sujet de la STC. Il en ressort également que Lufthansa s’est montrée ouverte, bien qu’évasive, à la possibilité de discuter de l’application de la STC au poids taxable avec d’autres transporteurs.
523 La référence à la situation brésilienne dans le courriel interne de la seconde requérante du 22 août 2005 ne remet pas en cause cette interprétation. Il convient, en effet, de constater que cette référence n’intervient qu’à la fin dudit courriel, sous la forme suivante : « Je l’ai avisé de quand nous ferions ce changement au Brésil ; ils répliqueraient probablement ce changement pour cette origine ». Or, cette référence est précédée de références aux situations européenne et asiatique, de considérations quant aux manières de répondre à la baisse de profitabilité de la STC dont rien ne porte à croire qu’elles se rapportaient au seul Brésil et de la discussion décrite au point 521 ci-dessus quant à la possibilité de contacter d’autres transporteurs.
524 Il s’ensuit que, sans être de nature à démontrer à lui seul que les requérantes avaient la connaissance requise de la portée générale et des caractéristiques essentielles de la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC, le courriel interne de la seconde requérante du 22 août 2005 a une valeur probante en ce qui concerne la connaissance par cette dernière des discussions que Lufthansa entretenait avec d’autres transporteurs au sujet de la STC.
3) Sur la réunion du 21 septembre 2005 entre la seconde requérante et Lufthansa
525 Les requérantes soutiennent que l’évocation, lors de la réunion du 21 septembre 2005 entre la seconde requérante et Lufthansa, des préconisations de Cargolux au sujet de la STC aurait été comprise par ladite requérante comme se rattachant à la mise en œuvre de l’accord de partage de capacités approuvé par le département américain des transports auquel Lufthansa et Cargolux étaient parties et non comme s’inscrivant dans le contexte d’une entente au niveau mondial. Ces préconisations n’auraient au demeurant concerné que la méthode relative à la STC, qui relèverait d’une pratique standard entre parties à un tel accord dans le secteur du fret.
526 La Commission rétorque que, les requérantes ayant admis que les contacts de la seconde requérante avec Lufthansa à propos de la STC étaient anticoncurrentiels et excédaient le champ de leur accord de partage de capacités, il est difficilement concevable qu’elles aient interprété les discussions entre Lufthansa et Cargolux autrement que comme étant anticoncurrentielles.
527 Il convient de relever que, au considérant 516 de la décision attaquée, la Commission a fait référence à une réunion du 21 septembre 2005 entre la seconde requérante et Lufthansa, lors de laquelle la discussion a notamment porté sur l’application de la STC. Ces sociétés ont, notamment, discuté de la « tentative de C[argolux] de promouvoir l’idée de réduire la STC pour les vols courts-courriers et d’appliquer la surtaxe normale exclusivement aux vols longs-courriers ».
528 Il est vrai que, comme le soutiennent les requérantes, Lufthansa et Cargolux était parties à un accord de réservation de capacités et de partage de codes. La Commission ne conteste d’ailleurs pas que la seconde requérante était au courant de l’existence de cet accord.
529 Il y a, cependant, lieu d’observer que l’accord en cause ne portait que sur les liaisons Francfort-Detroit-Los Angeles et Francfort-Detroit-San Francisco. Or, ces vols ne sauraient être considérés comme étant court-courriers. Les requérantes ne pouvaient donc raisonnablement considérer qu’une préconisation relative à des vols court-courriers pouvait se rattacher à l’exécution de l’accord de réservation de capacités et de partage de codes entre Lufthansa et Cargolux.
530 Il s’ensuit que, sans être de nature à démontrer à elle seule que les requérantes avaient la connaissance requise de la portée générale et des caractéristiques essentielles de la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC, la réunion du 21 septembre 2005 entre la seconde requérante et Lufthansa a une valeur probante en ce qui concerne la connaissance par ladite requérante des discussions que Lufthansa entretenait avec d’autres transporteurs au sujet de la STC.
c) Sur les éléments de preuve relevant de la quatrième catégorie en cause
531 En ce qui concerne le courriel d’un transporteur du 3 décembre 2003, par lequel cette société a transmis à la seconde requérante et à Swiss un communiqué de presse annonçant l’augmentation de sa STC, les requérantes invoquent, en substance, trois griefs à l’appui de leur argumentation dirigée contre l’appréciation de la Commission.
532 En premier lieu, les requérantes soutiennent que la Commission n’était pas fondée à s’appuyer sur le courriel en cause pour conclure, au considérant 767 de la décision attaquée, que la seconde requérante avait envoyé des courriels à Swiss.
533 En deuxième lieu, les requérantes font valoir que le courriel en cause ne démontre pas que la seconde requérante avait connaissance des contacts illicites ou anticoncurrentiels entre le transporteur en cause et Swiss. Bien qu’elle ait pu être au courant de ces contacts, ladite requérante aurait vraisemblablement présumé qu’ils étaient légitimes. Tant Swiss que cette requérante auraient, en effet, été parties à des alliances bilatérales avec le transporteur en cause. Ces alliances auraient bénéficié d’une immunité au regard des règles de concurrence américaines (ci-après l’ « immunité antitrust »), laquelle aurait permis aux intéressés de déterminer conjointement différents aspects de leur tarification.
534 Ce serait par commodité que le transporteur en cause aurait en un seul courriel transmis à ses deux partenaires commerciaux le communiqué en cause, qui aurait au demeurant porté sur une augmentation de la STC qui avait déjà été annoncée publiquement.
535 En troisième lieu, le transporteur en cause n’aurait pas compté parmi les transporteurs incriminés.
536 La Commission rétorque que, combiné aux autres pièces du dossier le courriel en cause est un élément de plus à l’appui de sa conclusion selon laquelle la seconde requérante avait connaissance de la participation d’autres transporteurs à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC.
537 La Commission fait valoir que l’immunité antitrust dont bénéficiaient les alliances entre le transporteur en cause et la seconde requérante et entre le transporteur en cause et Swiss n’était pas générale. Elle ne s’étendait pas aux activités de fixation des prix qui ne présentaient pas de lien avec les activités menées conjointement dans le cadre de cette alliance.
538 Par ailleurs, les requérantes ayant elles-mêmes eu avec Lufthansa des discussions anticoncurrentielles qui excédaient les objectifs pro-concurrentiels de l’accord de réservation de capacités qu’elles avaient conclu, il serait probable que la seconde requérante ait à tout le moins soupçonné que la relation entre le transporteur en cause et Swiss était de même nature.
539 Quant au fait que les informations figurant dans le communiqué de presse du transporteur en cause avaient déjà fait l’objet d’une annonce publique, il serait indifférent aux fins de l’application de l’article 101 TFUE.
540 Il convient d’observer que, au considérant 312 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, par courriel du 3 décembre 2003, le transporteur en cause avait transféré à la seconde requérante et à Swiss son communiqué de presse concernant l’augmentation de la STC. Il ressort des pièces annexées à la requête que ce communiqué avait déjà été publié, le même jour, et portait sur l’augmentation du niveau de la STC à compter du 16 décembre 2003. Cette augmentation avait vocation à s’appliquer au transport de fret tant international depuis les États-Unis qu’interne aux États-Unis. S’agissant du transport de fret international à l’origine de pays autres que les États-Unis, l’ajustement de la STC se ferait dans la mesure où les réglementations locales le permettaient.
541 Aux considérants 767 et 770 de la décision attaquée, la Commission en a déduit que la seconde requérante, respectivement, avait « envoyé des courriels à [Swiss] et L[ufthansa] et en a[vait] reçus […] » et « était au courant des contacts existant entre […] et [Swiss] concernant le niveau de la STC ».
542 Il y a lieu de constater que, comme en convient la Commission dans le mémoire en défense, c’est à tort que le considérant 767 de la décision attaquée déduit du courriel du transporteur en cause du 3 décembre 2003 que la seconde requérante a envoyé des courriels à Swiss.
543 C’est, en revanche, à juste titre que, au considérant 770 de la décision attaquée, la Commission a retenu que les requérantes pouvaient inférer dudit courriel que Swiss et le transporteur en cause étaient en contact au sujet du niveau de la STC. Il ne saurait, certes, être exclu que ledit courriel ait pu être interprété en ce sens qu’il visait à informer les partenaires commerciaux du transporteur en cause d’une augmentation prochaine de la STC. Il ne saurait davantage être exclu que ce soit par commodité que le transporteur en cause s’est adressé à eux au moyen d’un seul courriel plutôt que deux. Il n’en demeure pas moins que, comme le relève la Commission, les informations figurant dans le communiqué de presse joint au courriel du transporteur en cause du 3 décembre 2003 excédaient le champ de l’immunité antitrust dont bénéficiaient les alliances entre le transporteur en cause et la seconde requérante et entre le transporteur en cause et Swiss. En effet, cette immunité revêtait une portée géographique sensiblement plus limitée que ledit communiqué de presse.
544 Dans ces conditions, au vu des échanges réguliers que les requérantes entretenaient avec Lufthansa depuis environ sept mois (voir, notamment, considérants 275, 353, 375, 410 et 420 de la décision attaquée), il y a lieu de considérer que le communiqué de presse joint au courriel du transporteur en cause du 3 décembre 2003 était de nature à informer les requérantes de l’existence de discussions relatives à la STC entre des transporteurs autres qu’elle-même et Lufthansa.
545 Il y a, cependant, lieu de constater que, comme le concède la Commission dans la duplique, le courriel du transporteur en cause du 3 décembre 2003 n’était, à tout le moins à lui seul, pas de nature à établir que la seconde requérante disposait de la connaissance requise de la portée générale et les caractéristiques essentielles composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC. Conformément à la jurisprudence citée au point 501 ci-dessus, il importe néanmoins d’examiner si, conjointement avec d’autres éléments, ledit courriel pouvait constituer un faisceau d’indices qui permettait à la Commission de conclure que tel était le cas (voir points 571 à 582 ci-après).
546 La circonstance que le transporteur en cause ne figure pas parmi les transporteurs incriminés ne modifie pas cette conclusion. Il convient, en effet, de rappeler que, comme il ressort du considérant 845 de la décision attaquée, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement fonder la ferme conviction que chaque élément de l’infraction a été commis. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement et dont les différents éléments peuvent se renforcer mutuellement, réponde à cette exigence (voir arrêt du 16 novembre 2011, Sachsa Verpackung/Commission, T 79/06, non publié, EU:T:2011:674, point 60 et jurisprudence citée).
547 C’est donc à bon droit que, au considérant 716 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle « n’accord[ait] pas forcément la même valeur à chaque considérant […] ni à chaque élément de preuve individuel qu’il contient » et que « [l]es considérants auxquels il [était] fait référence [faisaient] plutôt partie de 1’ensemble global de preuves sur lequel [elle] se fond[ait] et d[evai]ent être appréciés dans ce contexte ».
548 Or, il n’est pas démontré que la Commission disposait à l’encontre du transporteur en cause dans les contacts en cause un faisceau d’indices équivalent à celui dont elle disposait à l’encontre de la requérante.
549 Pour ce qui est du fait que les informations figurant dans le communiqué de presse du transporteur en cause avaient déjà fait l’objet d’une annonce publique, il ne suffit pas, en lui-même, à exclure que le courriel du transporteur en cause du 3 décembre 2003 ait revêtu un caractère anticoncurrentiel. En effet, il convient de rappeler que l’échange d’informations publiquement accessibles enfreint l’article 101, paragraphe 1, TFUE lorsqu’il constitue le support d’un autre mécanisme anticoncurrentiel (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C 204/00 P, C 205/00 P, C 211/00 P, C 213/00 P, C 217/00 P et C 219/00 P, EU:C:2004:6, point 281).
550 Or, la Commission soutient précisément que le courriel du transporteur en cause du 3 décembre 2003 doit être vu « dans le contexte plus large de l’entente [litigieuse] ».
d) Sur les éléments de preuve relevant de la cinquième catégorie en cause
551 En ce qui concerne les contacts bilatéraux ou multilatéraux impliquant un ou plusieurs transporteurs incriminés autres que Lufthansa et le transporteur en cause, les requérantes contestent, en substance, que les contacts entre la seconde requérante et ces transporteurs qui sont décrits aux considérants 347, 352 et 492 de la décision attaquée puissent établir leur connaissance de l’existence d’une entente mondiale. La Commission aurait commis une erreur d’appréciation en déduisant de ces contacts l’implication des sièges des transporteurs, alors que seuls étaient impliqués des salariés locaux aux pouvoirs limités. Les requérantes soulignent aussi que les constats de l’existence de contacts avec Martinair et AF au sujet de la STC reposent sur deux courriels internes de la seconde requérante émanant de salariés locaux. Or, le premier, qui est visé au considérant 347 de ladite décision, pourrait être interprété comme n’ayant pas en réalité impliqué de contacts avec Martinair. Au vu du contexte pertinent, il serait, en effet, plus probable que ladite requérante ait simplement présumé que Martinair réfléchissait à une modification du niveau de la STC. Quant au second, qui est décrit au considérant 352 de cette décision, il pourrait refléter les déductions internes de cette requérante à partir d’une information divulguée par AF qui n’est pas en soi problématique, à savoir la date de modification de la STC. Les réactions de la même requérante à cette information exprimeraient l’étonnement de ses employés quant au non-respect par AF d’une pratique générale consistant à ménager un préavis de 15 jours entre l’annonce et la mise en œuvre d’une modification de la STC.
552 Pour ce qui est du courriel d’Aviainform du 22 juillet 2005, visé au considérant 492 de la décision attaquée, il émanerait d’un cabinet de conseil. Ce cabinet aurait précédemment organisé un atelier à l’attention de plusieurs directeurs des ventes, dont les destinataires de ce courriel, et aurait tenté de rester en contact avec des clients potentiels en leur transmettant des informations de manière non sollicitée. Ce courriel ne prouverait pas que les transporteurs qui en ont été les destinataires avaient connaissance d’une entente au niveau mondial concernant la STC. Bien au contraire, les échanges qui ont suivi ledit courriel n’auraient à aucun moment porté sur les niveaux des STC propres aux transporteurs parties à ces échanges.
553 La Commission conteste l’argumentation des requérantes. Tout d’abord, s’agissant du courriel interne visé au considérant 347 de la décision attaquée, elle fait valoir qu’il démontre que la seconde requérante avait à tout le moins connaissance de contacts avec Martinair au sujet de la STC. La circonstance, invoquée par les requérantes, que ce courriel concernait des contacts entre agents locaux, ne remettrait pas en cause ce constat. En effet, d’une part, l’infraction unique et continue aurait couvert les comportements locaux, au niveau desquels se serait décidée la date précise d’adaptation de la STC. D’autre part, le siège de la seconde requérante aurait tenu compte et aurait été influencé par le courriel en question émanant d’un salarié local.
554 Ensuite, s’agissant des courriels internes évoquant des discussions avec AF, la Commission avance, en substance, que, au vu des réactions suscitées par les informations en cause au sein de la seconde requérante, il y avait lieu pour elle de considérer que ces courriels étayaient le constat qu’AF et la seconde requérante discutaient de la STC et échangeaient des informations confidentielles à ce sujet. Rien n’indiquerait à cet égard que les réactions de la seconde requérante doivent s’interpréter uniquement comme étant en lien avec le non-respect par AF d’une pratique générale consistant à ménager un préavis entre l’annonce et la mise en œuvre d’une modification de la STC.
555 Enfin, s’agissant du courriel d’Aviainform du 22 juillet 2005, la Commission estime que les échanges entre transporteurs qui ont suivi son envoi et dont la seconde requérante était destinataire attestent de ce que cette dernière faisait partie d’un groupe de transporteurs plus large prenant pour acquis qu’il était normal d’appliquer la STC et qu’y déroger constituait un abus.
556 Il convient d’examiner successivement les courriels décrits aux considérants 347, 352 et 492 de la décision attaquée.
557 Tout d’abord, quant au courriel interne de la seconde requérante du 27 avril 2004 décrit au considérant 347 de la décision attaquée, il convient de constater qu’il répond à la transmission, elle aussi interne, d’une dépêche de presse de la veille selon laquelle Lufthansa avait annoncé qu’elle augmenterait le niveau de sa STC à compter du 10 mai 2004. Dans ce courriel, un employé de la seconde requérante propose d’opter pour la même date que Lufthansa, en raison de la « situation politique » avec cette dernière, et indique que Cargolux a déjà augmenté sa STC le 26 avril 2004, tandis que « M[artinair] y pense ».
558 Au considérant 767 de la décision attaquée, la Commission en a déduit que des courriels internes de la seconde requérante en cause faisaient référence, notamment, à des discussions entre cette dernière et Martinair.
559 Il est vrai que le courriel interne de la seconde requérante du 27 avril 2004 ne fait pas directement référence à une discussion entre ladite requérante et Martinair au sujet de la STC. Les requérantes elles-mêmes reconnaissent que ce courriel « peut être interprétée comme signifiant que [son expéditeur] avait contacté M[artinair], avait demandé quand elle augmenterait la [STC] et que celle–ci avait déclaré y réfléchir encore ». Cette interprétation est sensiblement plus plausible que l’explication alternative des requérantes selon laquelle l’expéditeur dudit courriel présumait simplement, au vu du contexte, que Martinair réfléchissait encore à l’augmentation de la STC. En effet, les termes « M[artinair] y pense » laissent entendre que cette requérante ne se contentait pas de supputer les intentions de Martinair, mais en avait une connaissance privilégiée. Or, les requérantes n’ayant pas établi ni même allégué avoir obtenu cette connaissance d’un tiers, c’est à juste titre que la Commission a pu considérer que la seconde requérante l’avait acquise auprès de Martinair.
560 Il s’ensuit que le courriel interne de la seconde requérante du 27 avril 2004 tend à indiquer que la seconde requérante s’est entretenue de la STC avec des transporteurs autres que Lufthansa et le transporteur en cause.
561 Ensuite, quant au courriel interne de la seconde requérante du 13 mai 2004, il y a lieu de constater qu’il est résumé comme suit au considérant 352 de la décision attaquée :
« Un courriel interne de [la seconde requérante], daté du 13 mai 2004, contient des observations concernant l’annonce d’AF en rapport avec l’augmentation de la STC, le jour même. Un employé de [la seconde requérante] a déclaré que l’augmentation lui semblait étrange, étant donné qu’il avait parlé avec AF le matin même, lors d’une réunion […], et qu’il lui avait été confirmé qu’AF maintiendrait la STC jusqu[’à] la fin mai ».
562 Il ressort des pièces annexées à la requête que l’annonce qui se trouve à l’origine du courriel interne de la seconde requérante du 13 mai 2004 portait sur une augmentation de la STC à compter du 17 mai suivant. La diffusion de cette annonce au sein de ladite requérante a suscité une réaction d’étonnement d’un de ses employés, qui s’est demandé si AF ne « respect[ait] pas le préavis ». Ce n’est qu’en réponse à cette réaction qu’un autre de ses employés a envoyé le courriel du 13 mai 2004. Il convient d’observer que, comme le relèvent les requérantes, ce courriel met l’accent sur la question du préavis. L’expéditeur dudit courriel, souligne ainsi qu’AF lui avait, le matin même, indiqué que l’augmentation de la STC ne serait appliquée que le 15 juin, en observant un préavis de 15 jours.
563 Il y a donc lieu de considérer que cet échange tend à prouver que la seconde requérante et AF ont échangé des informations au sujet du calendrier de mise en œuvre de la STC.
564 Il s’ensuit que le courriel interne de la seconde requérante du 13 mai 2004 tend, lui aussi, à indiquer que cette dernière s’était entretenue de la STC avec des transporteurs autres que Lufthansa et le transporteur en cause.
565 Enfin, pour ce qui est du courriel du directeur d’Aviainform du 22 juillet 2005 visé au considérant 492 de la décision attaquée, il y a lieu de constater qu’il était adressé à plusieurs transporteurs, parmi lesquels figuraient Lufthansa, Cargolux, Martinair, SAC, Air Canada ou encore un autre transporteur. Ce courriel fait référence à une publicité parue sur le site Internet inforwarding.com. Cette publicité était l’œuvre d’une petite compagnie aérienne, qui n’opérait qu’en Europe et ne facturait pas de STC sur une liaison entre l’Allemagne et le Royaume-Uni. Ladite publicité s’intitule : « [STC] ?? Non merci !! ». Dans son courriel, Aviainform a critiqué ladite publicité et sa diffusion sur ce site Internet. Elle a ainsi indiqué que la même publicité exerçait une « pression additionnelle non nécessaire, ce qui serait particulièrement reflété dans la situation actuelle du rendement ». Elle a également pointé un manque de réflexion quant à l’effet sur le marché d’affirmations telles que celles contenues dans la publicité en question.
566 En réponse, plusieurs destinataires du courriel d’Aviainform du 22 juillet 2005 ont dénoncé cette utilisation du site Internet inforwarding.com comme un abus, tandis qu’un transporteur a indiqué avoir essayé de contacter la petite compagnie aérienne, laquelle lui aurait dit que « cela ne le regardait pas ».
567 Il est vrai que, comme le relèvent en substance les requérantes, ces échanges n’avaient pas directement pour objet le niveau de la STC ou encore la méthode à suivre dans ce domaine et encore moins la fixation de la STC d’un commun accord.
568 Les échanges en cause et en particulier les réactions quant à l’utilisation du site Internet inforwarding.com et la tentative d’un transporteur de contacter l’auteur de la publicité en cause n’en témoignent pas moins de l’attente partagée par plusieurs transporteurs incriminés qu’une discipline soit respectée sur le marché en matière de STC.
569 Il s’ensuit que lesdits échanges tendaient à renseigner les requérantes sur l’ampleur du réseau de contacts que l’enquête de la Commission a révélé et sur les objectifs communs sous-tendant la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC.
570 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que les courriels décrits aux considérants 347, 352 et 492 de la décision attaquée ne permettent pas, à eux seul, d’établir que les requérantes avaient la connaissance requise de la portée générale et des caractéristiques essentielles de la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC. Conformément à la jurisprudence citée au point 501 ci-dessus, il importe néanmoins d’examiner si, conjointement avec d’autres éléments, ces courriels pouvaient constituer un faisceau d’indices qui permettait à la Commission de conclure que tel était le cas (voir points 571 à 582 ci-après).
e) Sur l’appréciation globale du faisceau d’indices
571 Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la Commission s’est fondée dans la décision attaquée sur un faisceau de onze indices pour retenir que les requérantes avaient la connaissance requise de la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC. En effet, au sein de ladite décision sont mentionnés, chronologiquement :
– les courriels de Lufthansa des 17 février et 10 mars 2003, par lesquels cette dernière a transmis des annonces d’augmentation du niveau de la STC à plusieurs transporteurs (considérants 274 et 279) ;
– le courriel du transporteur en cause du 3 décembre 2003, par lequel cette dernière a transmis son annonce d’augmentation du niveau de la STC à la seconde requérante et à Swiss (considérant 312) ;
– le courriel de Lufthansa du 27 avril 2004, par lequel cette dernière a transmis une annonce d’augmentation du niveau de la STC à plusieurs transporteurs (considérant 346) ;
– le courriel interne de la seconde requérante du 27 avril 2004 (considérant 347) ;
– le courriel interne de ladite requérante du 13 mai 2004 (considérant 352) ;
– le courriel de Lufthansa du 7 mars 2005, par lequel cette dernière a transmis une annonce d’augmentation du niveau de la STC à plusieurs transporteurs (considérant 446) ;
– l’échange de courriels du 22 juillet 2005 en réaction à la publication d’une publicité sur le site Internet inforwarding.com (considérant 492) ;
– le courriel de Lufthansa du 22 août 2005, par lequel cette dernière a transmis une annonce d’augmentation du niveau de la STC à plusieurs transporteurs (considérant 495) ;
– le courriel interne de la seconde requérante du 22 août 2005 (considérant 893) ;
– l’« aveu » des requérantes quant aux « contacts réguliers » entre Lufthansa et KLM (considérant 893) ; et
– la réunion du 21 septembre 2005 entre la seconde requérante et Lufthansa (considérant 516).
572 Il convient de constater que les contacts visés aux considérants 274, 279, 312, 346, 347, 352 et 446 de la décision attaquée étaient de nature à renseigner les requérantes sur l’existence d’échanges d’informations au sujet du calendrier et du niveau de la STC dont la portée dépassait la seule relation bilatérale entre Lufthansa et les requérantes. Il pouvait aussi être raisonnablement déduit de ces contacts que la STC revêtait une portée générale. En effet, d’une part, les contacts visés aux considérants 274 et 279 de ladite décision concernaient des annonces d’augmentations de la STC sur l’ensemble du réseau global de Lufthansa. Quant aux annonces décrites aux considérants 346 et 446 de cette décision, elles ne comportaient aucune limitation géographique. D’autre part, l’augmentation du niveau de la STC visée au considérant 312 de la même décision avait vocation à s’appliquer au transport de fret tant international depuis les États-Unis qu’interne aux États-Unis, de même qu’au transport de fret international à l’origine de pays autres que les États-Unis, sous réserve des réglementations locales.
573 En revanche, mêmes pris ensemble, ces contacts n’étaient de nature à établir la connaissance requise par les requérantes ni de l’ampleur du réseau de contacts que l’enquête de la Commission a révélé, ni qu’il était attendu qu’une discipline soit respectée en matière de fixation du montant de la STC, ni du système à plusieurs niveaux dans lequel s’opérait la mise en œuvre de la STC.
574 Ce n’est que l’inclusion dans le faisceau d’indices d’un échange multilatéral de courriels du 22 juillet 2005 décrit au considérant 492 de la décision attaquée (corroboré en tout ou en partie par des contacts ultérieurs recensés notamment aux considérants 516 et 893 de cette décision) qui permet de combler ces lacunes. En effet, soit cet échange supposait une connaissance des autres caractéristiques essentielles de l’entente litigieuse et des aspects de sa portée générale dont il n’est pas démontré que les requérantes étaient au courant précédemment, soit il était de nature à renseigner les requérantes sur ces éléments pour les motifs suivants. Tout d’abord, ces courriels tendent à démontrer qu’il existait, parmi les différents transporteurs incriminés qui en étaient destinataires, une attente partagée qu’une discipline soit respectée sur le marché en matière de STC. Au vu de la nature des échanges bilatéraux et multilatéraux qu’elles avaient jusqu’alors entretenus avec Lufthansa, le transporteur en cause (considérant 312 de ladite décision), Martinair (considérant 347 de la même décision) et AF (considérant 352 de la décision en question), les requérantes auraient, à tout le moins, raisonnablement pu déduire desdits courriels que cette discipline était maintenue au moyen de la coordination du calendrier et du niveau de la STC et de la surveillance de son application. Au vu de la portée géographique des annonces antérieures d’augmentation du niveau de la STC décrites aux considérants 274, 279, 312 ou encore 346 de la décision en cause, les requérantes auraient également raisonnablement pu savoir et assumer le risque que cette coordination et cette surveillance avaient vocation à englober toutes les liaisons, au niveau mondial.
575 Ensuite, il convient de constater que Lufthansa, Cargolux, SAC, Air Canada et Martinair comptaient parmi les destinataires des courriels visés au considérant 492 de la décision. Or, d’une part, les requérantes avaient déjà elles-mêmes eu des contacts bilatéraux avec Lufthansa et Martinair au sujet de la STC. D’autre part, Cargolux, SAC, Air Canada et Martinair figuraient tous parmi les destinataires des annonces que Lufthansa avait précédemment transmises à la seconde requérante sur une base multilatérale. Au vu de l’attente partagée parmi les destinataires des courriels visés audit considérant 492 qu’une discipline soit respectée sur le marché en matière de STC, les requérantes ne pouvaient raisonnablement ignorer que l’ensemble de leurs contacts antérieurs s’intégraient dans un réseau de contacts bilatéraux et multilatéraux plus vaste.
576 Pour des motifs analogues, il y a lieu de considérer que les courriels décrits au considérant 492 de la décision attaquée étaient de nature à établir la connaissance requise par les requérantes de l’existence de contacts entre Lufthansa et d’autres transporteurs incriminés.
577 Le courriel interne de la seconde requérante du 22 août 2005 décrit au considérant 893 de la décision attaquée corrobore cette interprétation. En effet, dans ce courriel, un employé de ladite requérante rapporte avoir demandé à un employé de Lufthansa s’il pensait que d’autres transporteurs suivraient Lufthansa si cette dernière appliquait la STC au poids taxable et indique qu’il entend le relancer à ce sujet lors de leur prochaine conversation. Or, lu à la lumière de l’échange intervenu un mois plus tôt au sujet du site Internet inforwarding.com (considérant 492 de ladite décision) et du courriel du même jour par lequel Lufthansa a communiqué une annonce d’augmentation du niveau de la STC à plusieurs transporteurs (considérant 495 de cette décision), ces indications doivent être comprises en ce sens que les requérantes avaient connaissance ou auraient raisonnablement dû prévoir et assumer le risque des contacts litigieux entre Lufthansa et d’autres transporteurs incriminés.
578 Il en va de même, d’une part, de l’« aveu » décrit au considérant 893 de la décision attaquée, dont il ressort que, à l’automne 2005, les requérantes étaient au courant de « contacts réguliers » entre Lufthansa et KLM au sujet de la STC et, d’autre part, de la réunion du 21 septembre 2005 entre la seconde requérante et Lufthansa décrite au considérant 516 de ladite décision, dont il ressort que la première aurait, à tout le moins, pu raisonnablement prévoir et accepter le risque afférent aux discussions entre la seconde et Cargolux.
579 Enfin, il convient d’observer que, comme le relèvent les requérantes, l’échange de courriels décrit au considérant 492 de la décision attaquée a impliqué des directeurs des ventes établis à Francfort. Or, au vu des précédents échanges des requérantes, dont certains impliquaient des employés locaux et de l’administration centrale (voir, notamment, considérants 347 et 457 de ladite décision) et de la référence à l’éventuelle nécessité d’ajuster la STC en fonction des conditions locales dans le courriel visé au considérant 312 de cette décision, il pouvait raisonnablement être déduit de cet échange que la coordination de la STC s’opérait dans un système à plusieurs niveaux, central et local.
580 Il s’ensuit que la Commission était fondée à retenir que la seconde requérante avait la connaissance requise de la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC, mais uniquement à compter du 22 juillet 2005. Il y a donc lieu de considérer que la Commission a commis une erreur en tenant les requérantes pour responsables de l’infraction unique et continue, dans sa composante tenant à la STC, avant cette date.
581 Cependant, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne saurait être considéré que cette erreur est de nature à emporter l’annulation de la décision attaquée dans son intégralité. En effet, bien que la Commission ait commis une erreur en retenant que les requérantes pouvaient être tenues pour responsables de la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC du 25 février 2003 au 21 juillet 2005, ces dernières n’ont pas démontré qu’elle a commis une erreur en constatant qu’elles avaient participé à ladite infraction après cette dernière date.
582 L’article 1er, paragraphe 2, sous i) et j), de la décision attaquée doit en conséquence être annulé en tant qu’il impute aux requérantes l’infraction unique et continue, dans sa composante tenant à la STC, avant le 22 juillet 2005.
7. Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de droit et de fait dans l’établissement de la participation de la seconde requérante à l’infraction unique et continue, s’agissant de la STS et du refus de paiement de commissions
583 Le présent moyen, par lequel les requérantes reprochent à la Commission d’avoir commis des erreurs de droit et de fait en concluant que la seconde requérante avait participé à l’infraction unique et continue, s’articule en deux branches. Elles sont relatives, la première, à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions et, la seconde, à la composante de ladite infraction tenant à la STS.
a) Sur la première branche, prise d’erreurs dans l’établissement de la participation de la seconde requérante à l’infraction unique et continue, s’agissant du refus de paiement de commissions
584 Les requérantes font valoir, d’une part, qu’il résulte de la décision attaquée que les comportements anticoncurrentiels des autres transporteurs relatifs au refus de paiement de commissions n’ont débuté qu’en janvier 2005 et que, par conséquent, il n’y a pas de comportements antérieurs dont la seconde requérante aurait pu avoir connaissance, au sens de l’arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens (C 441/11 P, EU:C:2012:778). Elles estiment donc que le constat, dans le dispositif de la décision attaquée, selon lequel elles doivent être tenues pour responsables de la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions depuis le 25 février 2003 est erroné.
585 D’autre part, les requérantes estiment que la Commission ne saurait conclure sans commettre d’erreur que la seconde requérante avait connaissance de la coordination relative au refus de paiement de commissions avant la date du premier élément de preuve qui leur est opposé, à savoir un courriel de cette dernière du 17 juin 2005.
586 Qui plus est, le courriel de la seconde requérante du 17 juin 2005 ainsi que la chaîne de courriels dans laquelle il s’inscrit ne permettraient pas de conclure que ladite requérante avait connaissance de ladite coordination à cette date. Cela ressortirait tant de leur contenu, dont il serait douteux qu’il se rattache à une entente au niveau mondial, que de l’identité des parties à l’échange, qui étaient toutes partenaires dans le cadre d’alliances aériennes légitimes et, partant, fondées à échanger des informations relatives à leurs prix respectifs. Les requérantes relèvent que l’un de ces partenaires fait partie des transporteurs non incriminés, si bien que ses propos ne sauraient refléter une connaissance de la coordination relative au refus de paiement de commissions.
587 Il en serait de même d’un courriel interne de la seconde requérante du 4 juillet 2005, qui témoignerait d’un échange légitime entre ladite requérante et Lufthansa, partenaires dans le cadre d’une alliance et, en tant qu’il porte sur des informations relatives à d’autres transporteurs, ne recèlerait que des informations déjà publiques.
588 La Commission conteste l’argumentation des requérantes. D’une part, elle indique que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le dispositif de la décision attaquée ne fait pas débuter la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions avant janvier 2005. Les requérantes confondraient le début de l’infraction unique et continue et le début de l’éventuel élargissement de sa portée matérielle au refus de paiement de commissions.
589 D’autre part, la Commission fait valoir que le courriel interne de la seconde requérante du 4 juillet 2005 révèle que ladite requérante et Lufthansa ont abordé le volet de l’infraction unique et continue relatif au refus de paiement de commissions dans le cadre de leurs discussions concernant la STC. Le fait que ces sociétés étaient partenaires au sein d’une alliance ne justifierait pas lesdites discussions, contrairement à ce que les requérantes soutiennent, pour la première fois, devant le Tribunal. Sur la base de cet élément et des courriels échangés du 17 au 20 juin 2005 entre cette requérante et un autre transporteur, lors desquels ce dernier aurait employé l’expression « se désolidariser » en lien avec la question du paiement de commissions sur les surtaxes, il aurait été naturel pour la Commission de conclure que la même requérante savait ou à tout le moins aurait dû savoir que ladite infraction s’étendait au refus de paiement de commissions.
590 D’emblée, il convient de constater que, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, la Commission n’a pas retenu que la seconde requérante avait connaissance de la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions pour la période antérieure à janvier 2005.
591 Les requérantes se méprennent, à cet égard, sur le sens et la portée des références, à l’article 1er de la décision attaquée, aux dates de début de leur participation à l’infraction unique et continue en tant qu’elle concerne les différentes catégories de liaisons qui y sont visées. En effet, il ressort du libellé de cet article que les périodes visées sont celles pour lesquelles la responsabilité des transporteurs incriminés doit être retenue au titre de leur implication dans ladite infraction. Ledit article ne fait, en revanche, nullement mention de l’implication des transporteurs incriminés dans chacune des trois composantes de cette infraction pour l’ensemble de la durée de leur participation à l’infraction en question.
592 Les motifs de la décision attaquée confirment cette lecture du dispositif de ladite décision. En particulier, il ressort du considérant 907 de cette décision que, s’agissant du refus de paiement de commissions, la coordination a eu lieu de janvier 2005 jusqu’en février 2006. Il s’en déduit, implicitement mais nécessairement, que la Commission n’entendait pas tenir les transporteurs incriminés, en ce compris les requérantes, pour responsables de cette composante de l’infraction unique et continue avant janvier 2005.
593 Il s’ensuit que l’article 1er de la décision attaquée ne saurait être lu comme retenant que la seconde requérante avait la connaissance requise des comportements afférents à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions avant janvier 2005.
594 Partant, il convient d’examiner, au regard des principes jurisprudentiels rappelés aux points 472 à 475 ci-dessus si les éléments de preuve qui sont opposés aux requérantes par la Commission au considérant 883 de la décision attaquée suffisaient pour établir que la seconde requérante avait la connaissance requise de la portée générale et des caractéristiques essentielles de la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions, telles que décrites dans ladite décision.
595 À cet égard, il convient de rappeler que, au point 4.5 de la décision attaquée, la Commission a décrit les concertations relatives au refus de paiement de commissions.
596 La Commission a ainsi relevé, au considérant 676 de la décision attaquée que, à la suite des discussions entre transitaires sur l’absence de rémunération associée à la perception des surtaxes et à l’implication, fin 2004, de la Fédération internationale des associations de transitaires et assimilées (FIATA), « les [transporteurs] ont continué à refuser de payer une commission sur les surtaxes et se sont confirmé mutuellement leur intention dans ce domaine lors de nombreux contacts ».
597 Les « [p]rincipes de base et [la] structure de l’entente » décrits au point 4.1 de la décision attaquée (voir points 476 et 477 ci-dessus) s’appliquaient, selon la Commission, à l’ensemble des composantes de l’infraction unique et continue, en ce compris le refus de paiement de commissions.
598 Au considérant 883 de la décision attaquée, la Commission a considéré que, si la seconde requérante n’avait pas participé à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions, elle avait néanmoins connaissance des discussions entre transporteurs à cet égard, ainsi qu’en attesteraient les contacts décrits aux considérants 487 et 681 de ladite décision.
599 En premier lieu, s’agissant de la valeur probante des courriels échangés du 17 au 20 juin 2005 entre la seconde requérante et un autre transporteur, il y a lieu de relever que ces derniers sont décrits de la manière suivante au considérant 681 de la décision attaquée :
« [C (la seconde requérante)] a envoyé un courriel à [D (…)], le 17 juin 2005, lui demandant si […] “a subi un certain type de pression ou reçu des informations de la part des transitaires concernant le paiement d’une commission sur les surtaxes. Certains transitaires avec lesquels nous travaillons ont insisté sur ce point”. [D] a répondu, le 20 juin 2005, confirmant […] a reçu des revendications similaires de la part des transitaires et les a rejetées. Il a fait remarquer que “nous ne voyons aucun avantage ou besoin de se désolidariser sur cette question”. [C] a transmis le courriel en interne chez [les requérantes], faisant également référence à la position de [Lufthansa] sur ce point. »
600 Il se déduit des courriels échangés du 17 au 20 juin 2005 entre la seconde requérante et un autre transporteur que la première a pris part à un échange d’informations avec le second, un concurrent, portant sur le paiement d’une commission sur les surtaxes. Cet échange s’analyse en un contact bilatéral qui, s’il ne va pas jusqu’à attester d’un objectif commun de ses deux parties de se coordonner sur le paiement de commissions sur les surtaxes, tend à tout le moins à réduire l’incertitude en ce qui concerne leurs politiques respectives à cet égard.
601 Quant à la réponse de l’autre transporteur à la seconde requérante, il convient d’apprécier la mesure dans laquelle l’emploi de l’expression « se désolidariser » pouvait établir la connaissance par ladite requérante d’une coordination plus vaste sur la question du refus de paiement de commissions sur les surtaxes, à la lumière des autres éléments ressortant des courriels échangés du 17 au 20 juin 2005 entre cette requérante et l’autre transporteur.
602 Ainsi, il échet de constater que, contrairement à ce que soutient la Commission, l’expression « se désolidariser » ne suppose pas nécessairement l’existence préalable d’une coordination entre transporteurs. Seul peut en être inférée avec un degré suffisant de certitude l’existence d’une approche commune en matière de paiement de commissions, dont il ne peut être exclu, ainsi que le soutiennent les requérantes, qu’elle résulte d’un parallélisme de comportements observé par l’autre transporteur.
603 Il ne ressort pas moins des courriels échangés du 17 au 20 juin 2005 entre la seconde requérante et l’autre transporteur que ladite requérante a échangé des informations au sujet de la demande de paiement de commissions des transitaires, tant avec ledit transporteur qu’avec Lufthansa. Ainsi, cette requérante savait que ces transporteurs étaient disposés à substituer, avec elle, une coopération pratique aux risques de la concurrence s’agissant de la négociation d’une commission sur les surtaxes. Elle pouvait dès lors raisonnablement en inférer que ces transporteurs étaient susceptibles de procéder de la sorte avec d’autres transporteurs.
604 Il peut donc être déduit des courriels échangés du 17 au 20 juin 2005 entre la seconde requérante et l’autre transporteur que ladite requérante avait connaissance de contacts bilatéraux visant à réduire l’incertitude entre transporteurs sur leurs politiques respectives en matière de refus de paiement de commissions. En revanche, cet échange ne permet pas, à lui seul, d’établir que cette requérante avait ou aurait dû avoir connaissance de l’existence d’une coordination, de portée plus vaste, sur la question du refus de paiement de commissions. Ledit échange n’en demeure pas moins un indice en ce sens susceptible de contribuer à établir une telle connaissance dans le cadre d’un faisceau d’indices plus large.
605 Il est vrai que, comme le soulignent les requérantes, l’autre transporteur et la seconde requérante étaient engagés à l’époque des faits dans une alliance bénéficiant de l’immunité antitrust.
606 Toutefois, les courriels échangés du 17 au 20 juin 2005 entre la seconde requérante et l’autre transporteur excédaient manifestement le champ géographique limité de l’alliance en cause. Ils ne font ainsi pas référence à des liaisons ou à un projet spécifique couverts par ladite alliance. En outre, l’autre transporteur mentionne, dans sa réponse à la seconde requérante, la situation en Europe, dont il n’est ni allégué, ni a fortiori démontré, qu’elle relevait du champ de cette alliance.
607 Une telle conclusion s’impose également s’agissant de l’alliance entre la seconde requérante et Lufthansa. En effet, les requérantes se bornent à invoquer cette alliance sans alléguer ni a fortiori démontrer que les informations données par Lufthansa à la seconde requérante au sujet du refus de paiement de commissions tombaient dans le champ, limité, de ladite alliance.
608 Quant à la circonstance que l’autre transporteur ne figure pas parmi les transporteurs incriminés, elle n’entache pas la valeur probante courriels échangés du 17 au 20 juin 2005 entre la seconde requérante et ledit transporteur pour les motifs retenus au point 548 ci-dessus.
609 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de considérer que courriels échangés du 17 au 20 juin 2005 entre la seconde requérante et l’autre transporteur ne démontrent pas, à eux seuls, que la seconde requérante avait la connaissance requise de la portée générale et des caractéristiques essentielles de la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions. En particulier, le contenu desdits courriels est ambigu quant à l’existence d’une coordination plus vaste entre transporteurs quant à ce refus. Conformément à la jurisprudence citée au point 501 ci-dessus, il importe néanmoins d’examiner si, conjointement avec d’autres éléments, ces courriels pouvaient constituer un faisceau d’indices qui permettait à la Commission de conclure que tel était le cas (voir point 614 ci-après).
610 En second lieu, s’agissant de la valeur probante du courriel interne de la seconde requérante du 4 juillet 2005, il convient de relever que ce dernier est décrit de la manière suivante au considérant 487 de la décision attaquée :
« Dans un courriel interne de [la seconde requérante], daté du 4 juillet 2005, [C] a rendu compte d’une conversation avec [A (Lufthansa)]. [A] lui a dit que [Lufthansa] avait envisagé d’augmenter les taux de base et de réduire la STC, mais en avait rejeté l’idée, puisqu’il s’ensuivrait peu après une pression pour abaisser les tarifs, principalement sur les marchés caractérisés par une surcapacité, alors que le marché comprend et accepte que la STC n’est pas négociable. [A] a également déclaré qu’“en augmentant la STC de 0,35 à 0,40 euro, ils ont calculé qu’il leur restait 0,03 euro en poche sur les 0,05 euro d’augmentation, le reste partant en ristournes sur les tarifs”. Il a finalement souligné que [Lufthansa] avait résisté à la pression exercée par les transitaires visant à obtenir le paiement d’une commission sur la STC. »
611 Le courriel interne de la seconde requérante du 4 juillet 2005 confirme que ladite requérante et Lufthansa étaient en contact sur la question du refus de paiement de commissions. Le caractère « légitime » de ce contact ne saurait, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, découler de ce que les deux transporteurs étaient partenaires au sein d’une alliance. En effet, il ne ressort pas dudit courriel interne que ces informations auraient été circonscrites dans leur portée au champ, limité, de ladite alliance. En revanche, les requérantes soutiennent à juste titre que cette pièce ne tend pas à démontrer que cette requérante avait connaissance de l’existence d’une entente plus large, dans la mesure où elle ne fait rapport que de la position de Lufthansa quant à ce refus et où il n’en ressort pas que cette dernière aurait été en contact avec d’autres transporteurs à ce sujet.
612 Il est vrai que, comme l’avance la Commission, le fait que la seconde requérante et Lufthansa aient évoqué conjointement la STC et le refus de paiement de commissions pouvait informer la première sur la propension du second à faire de même avec les autres transporteurs avec lesquels il entretient des contacts bilatéraux au sujet de la STC. Toutefois, cet élément ne saurait, à lui seul, permettre d’établir la connaissance, avérée ou présumée, par ladite requérante de l’existence d’échanges réguliers entre Lufthansa et d’autres transporteurs au sujet dudit refus. Au demeurant, la preuve que cette requérante avait la connaissance requise de l’existence de contacts entre Lufthansa et d’autres transporteurs au sujet de la STC n’est apportée par la Commission qu’à compter du 22 juillet 2005, soit postérieurement au courriel interne de la seconde requérante du 4 juillet 2005 (voir points 576 et 580 ci-dessus).
613 Il s’ensuit que le courriel interne de la seconde requérante du 4 juillet 2005 corrobore les conclusions tirées au point 603 ci-dessus des courriels échangés du 17 au 20 juin 2005 entre ladite requérante et un autre transporteur, dans la mesure où il confirme que cette requérante prenait part à des contacts bilatéraux avec Lufthansa visant à réduire l’incertitude entre ces transporteurs sur leurs politiques respectives en matière de refus de paiement de commissions. Les requérantes ne sauraient donc valablement soutenir qu’elles n’avaient pas connaissance de l’existence de tels contacts. S’agissant de la connaissance par la même requérante de l’existence d’une collusion plus large entre transporteurs quant à ce refus, il y a lieu de considérer que ce courriel interne ne revêt qu’une valeur probante limitée. En effet, ledit courriel interne ne contribue à établir une telle connaissance qu’en tant qu’il peut s’en déduire, du point de vue de la requérante en question, que Lufthansa évoquait probablement de manière conjointe la STC et ledit refus avec d’autres transporteurs.
614 Or, eu égard à la valeur probante limitée du courriel interne de la seconde requérante du 4 juillet 2005 et à l’ambiguïté du contenu des courriels échangés du 17 au 20 juin 2005 entre ladite requérante et un autre transporteur concernant la connaissance, avérée ou présumée, par cette requérante de l’existence d’une coordination de portée plus vaste, bi- et multilatérale, qui excéderait les échanges bilatéraux de cette dernière avec ledit transporteur et Lufthansa sur la question du refus de paiement de commissions, il y lieu de considérer que la Commission n’a pas fait état d’un faisceau d’indices suffisant. Ce constat demeure même une fois tenu compte de la participation de la même requérante à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC.
615 C’est donc à tort que la Commission a retenu que la seconde requérante avait la connaissance requise de la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions. Partant, c’est à tort qu’elle a tenu les requérantes pour responsables de ladite infraction dans sa composante tenant au refus de paiement de commissions.
b) Sur la seconde branche, prise d’erreurs dans l’établissement de la participation de la seconde requérante à l’infraction unique et continue, s’agissant de la STS
616 Les requérantes font valoir que la Commission ne saurait conclure que la seconde requérante avait connaissance de la coordination relative à la STS avant la date du premier élément de preuve qui lui est opposé, des courriels échangés les 10 et 11 février 2006. Ces courriels ne permettraient pas non plus de conclure que ladite requérante a eu connaissance de ladite coordination à cette dernière date, dans la mesure où ils ont trait à une information publique relative à une surtaxe qui ne serait pas la STS. Enfin, la Commission n’aurait établi ni la tenue effective, ni l’objet de la réunion entre plusieurs transporteurs également mentionnée dans le courriel interne du 11 février 2006. À supposer que cette réunion ait eu lieu et qu’elle ait porté sur la STS, la Commission n’établit pas, selon les requérantes, en quoi le fait que la seconde requérante a été informée de l’existence de ladite réunion caractérise sa connaissance de la coordination illicite relative à la STS. Les requérantes relèvent à cet égard que deux des trois transporteurs mentionnés, dans le courriel interne en question, comme participant à la réunion en cause n’étaient pas des transporteurs incriminés et que le troisième opérait, de l’aveu même de la Commission, en périphérie de l’entente litigieuse.
617 Dans la réplique, les requérantes font valoir que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement en appliquant un standard de preuve moins élevé qu’aux autres transporteurs pour imputer à la seconde requérante la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STS. Elles ajoutent que les conclusions que la Commission tirerait, pour la première fois dans le mémoire en défense, de la prétendue absence de surprise de ladite requérante à la réception des courriels en cause, reviendraient à faire peser, de manière inappropriée, la charge de la preuve sur elles.
618 La Commission conteste l’argumentation des requérantes. Tout d’abord, elle estime avoir été fondée à considérer que la connaissance de la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STS par la seconde requérante était antérieure aux courriels échangés les 10 et 11 février 2006, au motif que rien dans ledit échange ne donnait à penser que ladite requérante était surprise de leur teneur. Ensuite, elle considère que le contenu du courriel interne du 11 février 2006 montre que cette requérante savait que ladite infraction comprenait une composante relative à la STS. Enfin, eu égard au contexte entourant la mention d’une « réunion » lors de cet échange, elle estime qu’elle pouvait en déduire que cette réunion s’était bien tenue et avait bien porté sur la question de la coordination de la STS.
619 Aux considérants 577 à 579 de la décision attaquée, la Commission a résumé l’objectif et la teneur des contacts relatifs à la STS comme suit :
« La STS – également appelée Exceptional Handling Charge (EHC, taxe de manutention exceptionnelle) chez British Airways ou surtaxe Assurance, Risque, Crise chez AF – a été introduite par les [transporteurs à la] suite [des] attaques terroristes du 11 septembre 2001 à New York. Les [transporteurs] ont justifié 1’introduction de la surtaxe par le fait qu’elles devaient supporter des augmentations de coûts suite aux primes d’assurance plus élevées, aux coûts accrus pour assurer la sécurité et aux inefficacités opérationnelles telles que le changement d’itinéraire de certains vols.
La plupart des [transporteurs] ont calculé la STS par kilogramme. Cette surtaxe est appliquée au niveau mondial.
Plusieurs [transporteurs incriminés] ont discuté, [notamment], de leurs intentions d’introduire ou non une STS et, dans l’affirmative, du point de savoir si celle-ci devait être calculée par lettre de transport aérien ou par kilogramme. De plus, le montant de la surtaxe et le calendrier d’introduction ont également été discutés. Les [transporteurs] ont en outre partagé des idées sur la justification à donner à leurs clients. Des contacts ponctuels concernant la mise en œuvre de la STS ont eu lieu cependant toute la période couvrant les années 2002 à 2006. La coordination illicite a eu lieu à la fois au niveau des administrations centrales et au niveau local ».
620 Les « [p]rincipes de base et [la] structure de l’entente » décrits au point 4.1 de la décision attaquée (voir points 476 et 477 ci-dessus) s’appliquaient, selon la Commission, à l’ensemble des composantes de l’infraction unique et continue, en ce compris la STS.
621 Au considérant 883 de la décision attaquée, la Commission a considéré que, si la seconde requérante n’avait pas participé à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STS, elle avait néanmoins connaissance des discussions entre transporteurs à cet égard, ainsi qu’en attesterait le contact décrit au considérant 634 de ladite décision.
622 Le considérant 634 de la décision attaquée se lit de la manière suivante :
« [E (…)] a transféré un flash d’information de […] à [F (la seconde requérante)], le 10 février 2006. [F] a ensuite transféré le courriel en interne, le 11 février 2006, précisant que le bulletin d’information de […] concernant la STS suivant [Lufthansa] était annexé. Il a précisé qu’une réunion se tiendrait lundi avec […], [Air Canada], […], etc. dans le bureau de […]. »
623 L’argumentation des requérantes est dirigée, d’une part, contre la valeur probante des courriels échangés les 10 et 11 février 2006, dans la mesure où ils sont censés fonder le constat de la connaissance que la seconde requérante avait de la composante tenant à la STS. D’autre part, elle porte sur la déduction opérée par la Commission desdits courriels selon laquelle ladite requérante avait connaissance de cette composante de l’infraction unique et continue pour toute la durée de sa participation à ladite infraction constatée dans la décision attaquée, c’est-à-dire dès le 25 février 2003.
624 À cet égard, il échet de constater que, par son courriel du 10 février 2006, le transporteur en cause a transmis à la seconde requérante un communiqué de presse dont il ressort que, à compter du 15 février 2006, ce transporteur appliquera une surtaxe de sécurité présentée, dans ledit communiqué, comme une « redevance EU 2320 », par référence au règlement (CE) no 2320/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à l’instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l’aviation civile (JO 2002, L 355, p. 1).
625 Invitées par le Tribunal, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, à préciser en quoi la « redevance EU 2320 » se distinguerait, comme elles le soutiennent, de la STS, les requérantes ont indiqué que son introduction serait liée à l’entrée en vigueur, au 1er février 2006, de nouvelles obligations en vertu du droit allemand rendant les transporteurs responsables du fret dit « non sécurisé » au sens du règlement no 2320/2002. Ce serait en raison des frais additionnels liés à cette obligation nouvelle que le transporteur en cause aurait introduit une telle redevance, qui serait distincte de la STS et s’ajouterait à celle-ci.
626 Il y a lieu de constater que ces allégations des requérantes sont corroborées par les documents qu’elles ont annexés à leur réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal. C’est le cas de la date d’entrée en vigueur du nouveau dispositif au 1er février 2006, qui ressort notamment de l’annexe F.4 dans laquelle est rapportée une information communiquée par plusieurs chambres locales de commerce et d’industrie en Allemagne selon laquelle les conditions d’expédition de fret à compter de cette date seraient plus strictes. C’est le cas également du lien établi par les transporteurs, tels Lufthansa, qui ont également introduit une « redevance EU 2320 », entre les obligations découlant de ce nouveau dispositif et l’introduction de ladite redevance pour le fret « non sécurisé », qui ressort de l’annexe F.1 faisant rapport du communiqué de presse de Lufthansa du 2 février 2006 à ce sujet.
627 De même, le courriel interne de la seconde requérante du 11 février 2006, bien qu’il fasse référence, comme le relève la Commission, à une « surtaxe de sécurité » en général plutôt qu’à la « redevance EU 2320 », porte à l’évidence sur les modalités spécifiques de cette dernière. En effet, la seconde requérante y insiste sur la dichotomie entre fret « sécurisé » et fret « non sécurisé » et y évoque l’objectif de couvrir, au moins en partie, les « frais additionnels » encourus. Dans ce contexte, la réunion, mentionnée dans ce courriel interne, dont la tenue est annoncée pour le lundi suivant, devait, selon toute vraisemblance, porter sur la « redevance EU 2320 ».
628 Certes, les spécificités de la « redevance EU 2320 » ne sont pas nécessairement de nature à exclure qu’une coordination à son égard puisse s’inscrire dans une coordination plus vaste concernant la STS. Il en est ainsi, d’abord, de la circonstance que la « redevance EU 2320 » n’était d’application, selon les requérantes, qu’au départ des aéroports de l’Union, ce qui n’est nullement contradictoire avec le système à « plusieurs niveaux » pour la mise en œuvre des surtaxes décrit dans la décision attaquée, dans le cadre duquel, en particulier, le niveau de la STS est susceptible d’être adapté aux conditions de marché et à la réglementation locales (voir point 477 ci-dessus). De même, le fait que la « redevance EU 2320 » ait pour objectif de couvrir des coûts associés à la mise en œuvre du règlement no 2320/2002 est conforme à l’objet de la STS décrit dans la décision attaquée, consistant notamment à couvrir les « coûts accrus pour assurer la sécurité » (voir point 619 ci-dessus). Enfin, la Commission a elle-même relevé, dans ladite décision, que la « plupart » des transporteurs calculaient la STS par kilogramme (considérant 578 de la décision attaquée), ce qui revient à constater que certains calculaient la STS (également) par lettre de transport aérien, à l’instar de la « redevance EU 2320 ».
629 Pour autant, il y a lieu de constater que les courriels échangés les 10 et 11 février 2006 ne suffisent pas, à eux seuls, à établir la connaissance par la seconde requérante de la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STS. En effet, il peut être raisonnablement déduit du contenu de ces courriels que leur portée n’excédait pas la « redevance EU 2320 ». Or, il a été relevé aux points 625 à 627 ci-dessus que l’introduction de ladite redevance s’inscrivait dans un contexte réglementaire, géographique et temporel spécifique, que ladite requérante comprenait comme tel. Par ailleurs, le contenu desdits courriels ne laisse transparaître aucune référence à la portée matérielle, géographique et temporelle plus étendue qui caractérisait la coordination relative à la STS décrite dans la décision attaquée. Contrairement à ce que soutient en substance la Commission, l’emploi par cette requérante de l’expression « surtaxe de sécurité » ne saurait suffire à fonder le constat de sa connaissance, avérée ou présumée, des caractéristiques essentielles et de la portée générale de la composante tenant à la STS. Cela est d’autant plus vrai que l’emploi de cette expression doit être apprécié à l’aune du reste du courriel interne de la même requérante du 11 février 2006 (voir point 627 ci-dessus).
630 La Commission n’ayant pas opposé d’autres preuves ou indices aux requérantes, il convient de conclure que c’est à tort qu’elle a retenu que la seconde requérante avait la connaissance requise de la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STS. Partant, c’est à tort qu’elle a tenu les requérantes pour responsables de ladite infraction dans cette composante.
c) Conclusion sur le premier moyen
631 Au regard de ce qui précède, il y a lieu d’accueillir les deux branches du présent moyen et d’annuler l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée en tant qu’il impute aux requérantes les composantes de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions, d’une part, et à la STS, d’autre part.
632 En revanche, contrairement à ce que font valoir les requérantes, il n’y a pas lieu d’annuler l’intégralité de la décision attaquée pour ces motifs. En effet, nonobstant les erreurs commises par la Commission quant à la responsabilité des requérantes pour les deux composantes en cause de l’infraction unique et continue, ces dernières n’ont pas démontré que la Commission avait commis une erreur de droit en constatant qu’elles avaient participé à ladite infraction (voir point 581 ci-dessus).
8. Sur le septième moyen, tiré d’erreurs de droit et de fait et d’un vice de motivation dans le calcul de l’amende
633 Le présent moyen, par lequel les requérantes reprochent à la Commission d’avoir commis plusieurs erreurs dans le calcul de l’amende, s’articule en quatre branches. Elles sont prises, la première, d’une erreur dans l’appréciation de la gravité de l’infraction unique et continue, la deuxième, d’une violation des principes d’égalité de traitement, de proportionnalité et d’équité tenant à l’omission de prendre en compte des mesures réglementaires pertinentes et la nature limitée de la part de marché cumulée des transporteurs incriminés, la troisième, d’une erreur de fait et de droit, d’un vice de motivation et d’une violation des principes d’égalité de traitement et de responsabilité personnelle dans la détermination du montant de base de l’amende et, la quatrième, d’une erreur de fait et de droit, d’un vice de motivation et d’une violation des principes d’égalité de traitement et de responsabilité personnelle dans la détermination de la réduction de l’amende au titre des circonstances atténuantes.
a) Sur la première branche, prise d’une erreur et d’un vice de motivation dans l’appréciation de la gravité de l’infraction unique et continue
634 À l’appui de la présente branche, les requérantes invoquent, en substance, trois griefs, relatifs à la détermination, le premier, du coefficient de gravité et du montant additionnel et, le second, de la valeur des ventes.
1) Sur le coefficient de gravité et le montant additionnel
635 À titre principal, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir violé l’obligation de motivation et d’avoir commis une erreur dans la détermination du coefficient de gravité et du montant additionnel.
636 Premièrement, les requérantes font, en substance, valoir que la Commission a violé l’obligation de motivation en retenant, sans autre motivation, que le fait que l’infraction unique et continue n’ait pas couvert le prix entier des services en cause n’était pas pertinent pour déterminer le coefficient de gravité et le pourcentage retenu au titre du montant additionnel.
637 Deuxièmement, les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur dans la détermination du coefficient de gravité, dans la mesure où l’infraction unique et continue ne concernait que deux éléments du prix des services en cause, à savoir la STC et la STS, le refus de paiement de commissions ne relevant pas de ce prix. Cette infraction n’aurait donc pas porté sur l’élément le plus important dudit prix, à savoir le taux réel du fret, ni sur la surtaxe pour risque de guerre ou encore la surtaxe douanière aux États-Unis. Or, la concurrence entre transporteurs s’exercerait sur le prix total des services de fret. L’augmentation des surtaxes aurait ainsi pu être compensée par la diminution des autres éléments de ce prix par un effet de vases communicants. Dans la réplique, les requérantes précisent que les transporteurs pouvaient avoir intérêt à coordonner des éléments du même prix sans en augmenter le prix total, par exemple si cela réduisait leurs coûts de transaction.
638 Les requérantes ajoutent que cette erreur s’étend mutatis mutandis au montant additionnel visé au considérant 1219 de la décision attaquée.
639 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
640 Premièrement, quant à l’insuffisance de motivation alléguée, il convient de renvoyer aux principes rappelés aux points 339 et 340 ci-dessus.
641 Aux considérants 1199 à 1208 de la décision attaquée, la Commission a examiné la « [n]ature » de l’infraction unique et continue aux fins de déterminer le coefficient de gravité. Au considérant 1199 de la décision attaquée, la Commission a rappelé que les « pratique horizontales en matière de prix compt[ai]ent, par leur nature, parmi les restrictions les plus préjudiciables de la concurrence, étant donné qu’elles perturbent la concurrence sur un des paramètres clés ». Au même considérant, la Commission a ajouté que les « accords et/ou pratiques concertées auxquels la […] décision [attaquée] se rapport[ait] concern[ai]ent la fixation de divers éléments de prix ».
642 Au considérant 1200 de la décision attaquée, la Commission a précisé que le « fait que les arrangements n’aient pas couvert le prix entier pour les services en question n’[était] pas pertinent ».
643 Il en ressort que, pour la Commission, le simple fait qu’une pratique horizontale porte sur la fixation d’un prix suffit à la ranger parmi les restrictions qui figurent, par leur nature, parmi les plus préjudiciables de la concurrence. En revanche, selon la Commission, le fait que la pratique en cause ne couvrait qu’une partie du prix final ne permettait pas de l’exclure de cette catégorie de restrictions, la fixation d’une partie de ce prix suffisant à perturber la concurrence sur un de ses paramètres clés.
644 Pour ce qui est du montant additionnel, il convient de rappeler que le paragraphe 25 des lignes directrices de 2006 prévoit que, indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura dans le montant de base une somme comprise entre 15 % et 25 % de la valeur des ventes, afin de dissuader les entreprises de même participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production. Ce paragraphe précise que, en vue de décider la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte dans un cas donné, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, en particulier ceux identifiés au paragraphe 22 des mêmes lignes directrices. Ces facteurs sont ceux dont la Commission tient compte aux fins de la fixation du coefficient de gravité et incluent la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction, et la mise en œuvre ou non de l’infraction.
645 Le juge de l’Union en a déduit que, même si la Commission n’exposait pas de motivation spécifique en ce qui concerne la proportion de la valeur des ventes utilisée au titre du montant additionnel, le simple renvoi à l’analyse des facteurs utilisés pour apprécier la gravité suffisait à cet égard (arrêt du 15 juillet 2015, SLM et Ori Martin/Commission, T 389/10 et T 419/10, EU:T:2015:513, point 264).
646 Au considérant 1219 de la décision attaquée, la Commission a estimé que le « pourcentage à appliquer pour le montant additionnel d[evai]t être de 16 % » au vu des « circonstances spécifiques de l’affaire » et des critères retenus aux fins de déterminer le coefficient de gravité.
647 Les motifs de la décision attaquée permettent donc, d’une part, aux requérantes de comprendre les motifs pour lesquels la Commission a considéré que le fait que l’infraction unique et continue n’ait pas couvert le prix entier des services en cause n’était pas pertinent pour déterminer le coefficient de gravité et le pourcentage retenu au titre du montant additionnel et, d’autre part, au Tribunal d’exercer son contrôle.
648 Le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation doit donc être écarté.
649 Deuxièmement, quant au bien-fondé de la détermination de la Commission, il importe de relever que, selon l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, pour déterminer le montant de l’amende, il convient notamment de prendre en considération la gravité de l’infraction.
650 Les paragraphes 19 à 23 des lignes directrices de 2006 prévoient ce qui suit :
« 19. Le montant de base de l’amende sera lié à une proportion de la valeur des ventes, déterminée en fonction du degré de gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années d’infraction.
20. L’appréciation de la gravité sera faite au cas par cas pour chaque type d’infraction, tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce.
21. En règle générale, la proportion de la valeur des ventes prise en compte sera fixée à un niveau pouvant aller jusqu’à 30 %.
22. Afin de décider si la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération dans un cas donné devrait être au bas ou au haut de cette échelle, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction, et la mise en œuvre ou non de l’infraction.
23. Les accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production, qui sont généralement secrets, comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves. Au titre de la politique de la concurrence, ils doivent être sévèrement sanctionnés. Par conséquent, la proportion des ventes prise en compte pour de telles infractions sera généralement retenue en haut de l’échelle. »
651 Selon la jurisprudence, un accord horizontal par lequel les entreprises concernées s’entendent non sur le prix total, mais sur un élément de celui-ci, constitue un accord horizontal de fixation de prix, au sens du paragraphe 23 des lignes directrices de 2006 et compte, dès lors, parmi les restrictions de concurrence les plus graves (voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2016, UTi Worldwide e.a./Commission, T 264/12, non publié, EU:T:2016:112, points 277 et 278).
652 Il s’ensuit que, comme l’a rappelé la Commission au considérant 1208 de la décision attaquée, un tel accord mérite généralement un coefficient de gravité situé en haut de l’échelle de 0 à 30 % visée au paragraphe 21 des lignes directrices de 2006.
653 Selon la jurisprudence, un coefficient de gravité sensiblement plus faible que la limite supérieure de cette échelle est très favorable à une entreprise qui est partie à un tel accord (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C 444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 125) et peut même se justifier au regard de la seule nature de l’infraction (voir arrêt du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission, C 98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 103 et jurisprudence citée).
654 Or, au considérant 1199 de la décision attaquée, la Commission a précisément estimé que les « accords et/ou pratiques concertées auxquels la […] décision [attaquée] se rapporte concern[ai]ent la fixation de divers éléments de prix ».
655 C’est donc à juste titre que la Commission a, aux considérants 1199, 1200 et 1208 de la décision attaquée, qualifié le comportement litigieux d’accord ou de pratique horizontale en matière de prix, quand bien même il n’aurait « pas couvert le prix entier pour les services en question ».
656 La Commission était dès lors fondée à conclure, au considérant 1208 de la décision attaquée, que les accords et pratiques litigieux comptaient parmi les restrictions à la concurrence les plus graves et méritaient donc un coefficient de gravité « en haut de l’échelle ».
657 Le coefficient de gravité de 16 % que la Commission a retenu au considérant 1212 de la décision attaquée, sensiblement plus faible que la limite supérieure de l’échelle visée au paragraphe 21 des lignes directrices de 2006, pourrait donc se justifier au regard de la seule nature de l’infraction unique et continue (voir point 656 ci-dessus).
658 Il y a, cependant, lieu d’observer que, comme il ressort des considérants 1209 à 1212 de la décision attaquée, la Commission ne s’est pas fondée sur la seule nature de l’infraction unique et continue pour fixer à 16 % le coefficient de gravité. La Commission s’est ainsi référée dans cette décision aux parts de marché cumulées des transporteurs incriminés au niveau mondial et sur les liaisons intra-EEE et EEE-pays tiers (considérant 1209), à la portée géographique de l’entente litigieuse (considérant 1210) et à la mise en œuvre des accords et pratiques litigieux (considérant 1211).
659 Toutefois, les requérantes ne contestent pas, dans le cadre de la présente branche, le bien-fondé de ces facteurs aux fins de la fixation du coefficient de gravité.
660 Dans ces conditions, les requérantes ne sauraient soutenir qu’un coefficient de gravité de 16 % fût illégal.
661 Aucun des arguments des requérantes ne saurait remettre en cause cette conclusion.
662 En premier lieu, s’agissant de la possibilité, au demeurant non étayée, que l’augmentation des surtaxes ait pu être compensée par la diminution des autres éléments de ce prix par un effet de vases communicants, il y a lieu de rappeler que les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3) prévoyaient que l’évaluation du caractère de gravité de l’infraction devait prendre en considération, notamment, son impact concret sur le marché lorsqu’il était mesurable.
663 Toutefois, cette exigence ne figure plus dans les lignes directrices de 2006, qui sont applicables en l’espèce. Ces lignes directrices n’imposent donc pas à la Commission de prendre en considération l’impact concret sur le marché de l’infraction afin de déterminer la proportion de la valeur des ventes retenue au titre de la gravité conformément aux paragraphes 19 à 24 desdites lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T 655/11, EU:T:2015:383, point 539).
664 La jurisprudence ne le lui impose pas davantage, à tout le moins s’agissant d’une restriction de concurrence « par objet ».
665 En effet, la gravité d’une infraction aux règles de concurrence doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments. Parmi ceux-ci figurent, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C 137/95 P, EU:C:1996:130, point 54, et arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C 189/02 P, C 202/02 P, C 205/02 P à C 208/02 P et C 213/02 P, EU:C:2005:408, point 241).
666 Les effets sur le marché peuvent, certes, être pris en considération parmi ces éléments, mais ils ne revêtent une importance essentielle qu’en présence d’accords, de décisions ou de pratiques concertées qui n’ont pas directement pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, et qui ne sont donc susceptibles de tomber dans le champ d’application de l’article 101 TFUE que par suite de leurs effets concrets (arrêt du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission, T 691/14, sous pourvoi, EU:T:2018:922, point 1809).
667 Autrement, la Commission se verrait, au stade du calcul du montant de l’amende, imposer une obligation à laquelle, selon une jurisprudence constante, elle n’est pas tenue aux fins de l’application de l’article 101 TFUE dès lors que l’infraction en cause a un objet anticoncurrentiel (voir arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C 534/07 P, EU:C:2009:505, point 64 et jurisprudence citée).
668 Or, au considérant 903 de la décision attaquée, la Commission a qualifié le comportement litigieux de restriction de concurrence « par objet ». Elle n’était donc pas tenue de prendre en considération l’impact concret de l’infraction unique et continue sur le marché.
669 Il n’en demeure pas moins que, si la Commission estime opportun, aux fins du calcul du montant de l’amende, de tenir compte de l’impact concret de l’infraction sur le marché, elle ne peut se limiter à s’appuyer sur une simple présomption, mais doit apporter des indices concrets, crédibles et suffisants permettant d’apprécier l’influence effective que l’infraction a pu avoir au regard de la concurrence sur ledit marché (arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C 534/07 P, EU:C:2009:505, point 82).
670 De même, si la Commission n’est pas tenue, en vue de fixer les amendes, d’établir que l’infraction en cause a procuré un avantage illicite aux entreprises concernées, ni de prendre en considération, le cas échéant, l’absence d’un tel avantage, l’appréciation du profit illicite engendré par l’infraction peut être pertinente si la Commission se fonde précisément sur ce dernier en vue de fixer le coefficient de gravité (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T 25/95, T 26/95, T 30/95 à T 32/95, T 34/95 à T 39/95, T 42/95 à T 46/95, T 48/95, T 50/95 à T 65/95, T 68/95 à T 71/95, T 87/95, T 88/95, T 103/95 et T 104/95, EU:T:2000:77, points 4881 et 4882).
671 Au considérant 1199 de la décision attaquée, au titre de la fixation du coefficient de gravité, la Commission a retenu que les accords et pratiques litigieux avaient « profité aux [transporteurs incriminés], au détriment [des] clients et en finalité du grand public ». Or, elle n’a pas invoqué le moindre élément de preuve à l’appui de ce constat.
672 Il convient, cependant, d’observer que le constat en cause n’est pas un motif autonome sur lequel la Commission s’est appuyée pour apprécier la gravité de l’infraction unique et continue, mais une considération parmi d’autres dont elle a tenu compte aux fins de l’appréciation de la nature de cette infraction aux considérants 1199 à 1208 de la décision attaquée. Or, cette considération ne constitue pas le fondement nécessaire de la conclusion selon laquelle ladite infraction tendait à la fixation d’éléments du prix des services de fret et était, dès lors, de nature à justifier un coefficient de gravité situé à la limite inférieure du « haut de l’échelle » visé au paragraphe 23 des lignes directrices de 2006 pour les restrictions de concurrence les plus graves. Dès lors, le présent argument n’est pas de nature à remettre en cause l’appréciation de la gravité de l’infraction en question figurant dans la décision attaquée. Par conséquent, la requérante n’ayant pas démontré que le coefficient de gravité n’était pas justifié au regard des autres facteurs pris en compte dans cette décision (voir points 658 et 659 ci-dessus), il y a lieu de rejeter cet argument.
673 Pour ce qui est du montant additionnel, compte tenu des points 644 à 646 ci-dessus, il suffit de constater que les arguments que les requérantes avancent s’agissant du montant additionnel se confondent avec ceux qu’elles ont soulevés s’agissant du coefficient de gravité et que le Tribunal a rejetés aux points 649 à 672 ci-dessus. Ces arguments doivent donc être rejetés pour des motifs analogues à ceux retenus à ces points.
674 Il s’ensuit que le présent grief ne peut qu’être rejeté.
2) Sur la valeur des ventes
675 À titre subsidiaire, les requérantes font grief à la Commission de ne pas avoir considéré que, au vu de la portée de l’infraction unique et continue, seules les recettes générées par les surtaxes et les coûts évités du fait du refus de paiement de commissions devaient être inclus dans la valeur des ventes. En réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, les requérantes ont précisé, en substance, qu’il serait disproportionné et contraire aux lignes directrices de 2006 de sanctionner l’infraction unique et continue comme un accord fixant la totalité du prix en lui appliquant un coefficient de gravité de 16 % tout en incluant dans la valeur des ventes pour l’entier montant des ventes liées aux services cartellisés.
676 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
677 Il y a lieu de rappeler que la notion de valeur des ventes, au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, reflète le prix hors taxes facturé au client pour le bien ou service qui a fait l’objet de l’infraction en cause (voir, en ce sens, arrêts du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T 127/04, EU:T:2009:142, point 91, et du 18 juin 2013, ICF/Commission, T 406/08, EU:T:2013:322, point 176 et jurisprudence citée). Eu égard à l’objectif poursuivi par ledit paragraphe, repris au paragraphe 6 des mêmes lignes directrices, qui consiste à retenir comme point de départ pour le calcul du montant de l’amende infligée à une entreprise un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids relatif de cette entreprise dans celle-ci, la notion de valeur des ventes doit ainsi être comprise comme visant les ventes réalisées sur le marché concerné par l’infraction (voir arrêt du 1er février 2018, Kühne + Nagel International e.a./Commission, C 261/16 P, non publié, EU:C:2018:56, point 65 et jurisprudence citée).
678 La Commission peut donc utiliser pour déterminer la valeur des ventes le prix total que l’entreprise a facturé à ses clients sur le marché de biens ou de services concerné, sans qu’il soit nécessaire de distinguer ou de déduire les différents éléments de ce prix selon qu’ils ont ou non fait l’objet d’une coordination (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2018, Kühne + Nagel International e.a./Commission, C 261/16 P, non publié, EU:C:2018:56, points 66 et 67).
679 Or, comme le relève en substance la Commission, la STC et la STS ne sont pas des biens ou des services distincts pouvant faire l’objet d’une infraction aux articles 101 ou 102 TFUE. Au contraire, ainsi qu’il ressort des considérants 17, 108 et 1187 de la décision attaquée, la STC et la STS ne sont que deux éléments du prix des services en cause.
680 Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 ne s’opposait pas à ce que la Commission tienne compte de l’entier montant des ventes liées aux services en cause, sans le diviser en ses éléments constitutifs.
681 Au surplus, il convient d’observer que l’approche préconisée par les requérantes revient à considérer que les éléments du prix qui n’ont pas spécifiquement fait l’objet d’une coordination entre les transporteurs incriminés doivent être exclus de la valeur des ventes.
682 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il n’existe aucune raison valable d’exclure de la valeur des ventes les intrants dont le coût échappe au contrôle des parties à l’infraction alléguée (voir, en ce sens, arrêt du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T 127/04, EU:T:2009:142, point 91). Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il en va de même des éléments de prix qui, tels les tarifs, n’ont pas spécifiquement fait l’objet d’une coordination, mais font partie intégrante du prix de vente du produit ou service en cause (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T 25/95, T 26/95, T 30/95 à T 32/95, T 34/95 à T 39/95, T 42/95 à T 46/95, T 48/95, T 50/95 à T 65/95, T 68/95 à T 71/95, T 87/95, T 88/95, T 103/95 et T 104/95, EU:T:2000:77, point 5030).
683 En juger autrement aurait pour conséquence d’imposer à la Commission de ne pas prendre en compte le chiffre d’affaires brut dans certains cas, mais de le prendre en considération dans d’autres cas, en fonction d’un seuil qui serait difficile à appliquer et ouvrirait la porte à des litiges sans fin et insolubles, y compris à des allégations de discrimination (arrêt du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C 272/09 P, EU:C:2011:810, point 53).
684 C’est donc sans violer le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 que la Commission a conclu, au considérant 1190 de la décision attaquée, qu’il convenait de tenir compte de l’entier montant des ventes liées aux services en cause, sans qu’il soit besoin de le diviser en ses éléments constitutifs.
685 Pour ce qui est du principe de proportionnalité, il importe de rappeler que ce dernier exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but légitime poursuivi (arrêts du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C 331/88, EU:C:1990:391, point 13, et du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T 30/05, non publié, EU:T:2007:267, point 223).
686 Dans le cadre des procédures engagées par la Commission pour sanctionner les infractions aux règles de concurrence, l’application du principe de proportionnalité exige que les amendes ne soient pas démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est-à-dire par rapport au respect de ces règles, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence soit proportionné à celle-ci, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de sa gravité et de sa durée [voir arrêt du 29 février 2016, Panalpina World Transport (Holding) e.a./Commission, T 270/12, non publié, EU:T:2016:109, point 103 et jurisprudence citée].
687 Dans le cadre de l’appréciation de la gravité d’une infraction aux règles de concurrence, comme indiqué au point 665 ci-dessus, la Commission doit tenir compte d’un grand nombre d’éléments dont le caractère et l’importance varient selon le type de l’infraction et ses circonstances particulières. Parmi ces éléments peuvent, selon les cas, figurer le volume et la valeur des marchandises qui ont fait l’objet de l’infraction ainsi que la taille et la puissance économique de l’entreprise et, partant, l’influence que celle-ci a pu exercer sur le marché (arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C 534/07 P, EU:C:2009:505, point 96).
688 Selon la jurisprudence, la partie du chiffre d’affaires global provenant de la vente des produits ou des services qui font l’objet de l’infraction est la mieux à même de refléter l’importance économique de cette infraction [arrêt du 29 février 2016, Panalpina World Transport (Holding) e.a./Commission, T 270/12, non publié, EU:T:2016:109, point 106].
689 La valeur des ventes présente aussi l’avantage de constituer un critère objectif facile à appliquer. Elle rend ainsi l’action de la Commission plus prévisible pour les entreprises et leur permet, dans un objectif de dissuasion générale, d’évaluer l’importance du montant d’une amende à laquelle elles s’exposent lorsqu’elles décident de participer à une entente illicite [voir, en ce sens, arrêt du 29 février 2016, Panalpina World Transport (Holding) e.a./Commission, T 270/12, non publié, EU:T:2016:109, point 159].
690 Le paragraphe 6 des lignes directrices de 2006 reprend ces principes de la manière suivante :
« […] la combinaison de la valeur des ventes en relation avec l’infraction et de la durée est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction. La référence à ces indicateurs donne une bonne indication de l’ordre de grandeur de l’amende et ne devrait pas être comprise comme la base d’une méthode de calcul automatique et arithmétique. »
691 Or, au considérant 1190 de la décision attaquée, la Commission a précisément conclu qu’il convenait de tenir compte du chiffre d’affaires global provenant de la vente de services de fret plutôt que des seuls éléments de leur prix qui ont spécifiquement fait l’objet d’une coordination entre les transporteurs incriminés, à savoir les surtaxes.
692 La seule circonstance que les surtaxes ne représentaient qu’un pourcentage limité des recettes totales de la seconde requérante liées à la vente de services de fret n’est pas de nature à démontrer que cette approche était disproportionnée au regard de l’importance économique de l’infraction unique et continue.
693 En effet, le fait même qu’une entreprise effectue des ventes à des prix dont seul un ou plusieurs éléments ont été fixés ou ont fait l’objet d’échanges illicites d’informations entraîne une distorsion de concurrence affectant l’ensemble du marché pertinent (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2015, LG Display et LG Display Taiwan/Commission, C 227/14 P, EU:C:2015:258, point 62).
694 Il s’ensuit que l’approche suivie au considérant 1190 de la décision attaquée, consistant à tenir compte du chiffre d’affaires global provenant de la vente de services de fret est apte à contribuer à la réalisation du premier objectif visé au paragraphe 6 des lignes directrices de 2006, consistant à refléter adéquatement l’importance économique de l’infraction unique et continue. Par ailleurs, les requérantes ne démontrent pas que cette approche était inapte à contribuer à la réalisation du second objectif visé audit paragraphe, consistant à refléter adéquatement le poids relatif de chaque transporteur incriminé.
695 Les requérantes ne sauraient pas non plus soutenir que la Commission les a sanctionnées comme si l’entente litigieuse avait porté sur la totalité du prix des services de fret. En effet, selon la méthode générale prévue par les lignes directrices de 2006, la nature de l’infraction est prise en compte à un stade ultérieur du calcul de l’amende, lors de la détermination du coefficient de gravité, qui, en application du paragraphe 20 de ces lignes directrices, est apprécié au cas par cas pour chaque type d’infraction, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes de l’espèce (arrêt du 29 février 2016, Schenker/Commission, T 265/12, EU:T:2016:111, points 296 et 297).
696 En l’espèce, il est vrai que la Commission a retenu, au considérant 1200 de la décision attaquée, dans le cadre de l’appréciation de la nature de l’infraction unique et continue aux fins de la fixation du coefficient de gravité, que le « fait que les arrangements n’aient pas couvert le prix entier pour les services en question n’[était] pas pertinent ». Ainsi qu’il ressort du point 643 ci-dessus, ce considérant doit être lu dans son contexte, qui tient à la catégorisation du comportement litigieux parmi les restrictions qui figurent, par leur nature, parmi les plus préjudiciables de la concurrence. Il doit également être lu à la lumière du coefficient de gravité très favorable que la Commission a retenu dans la décision attaquée pour des entreprises telles que le requérantes qui ont participé à des pratiques de fixation horizontale de prix (voir point 653 ci-dessus).
697 C’est donc sans violer le principe de proportionnalité que la Commission a conclu, au considérant 1190 de la décision attaquée, qu’il convenait de tenir compte de l’entier montant des ventes liées aux services en cause, sans qu’il soit besoin de le diviser en ses éléments constitutifs.
698 La présente branche doit donc être rejetée.
b) Sur la deuxième branche, prise d’une violation des principes d’égalité de traitement, de proportionnalité et d’équité tenant à l’omission de prendre en compte des mesures réglementaires pertinentes ainsi que la nature limitée de la part de marché cumulée des transporteurs incriminés
699 Les requérantes avancent que la Commission n’a pas dûment tenu compte du caractère limité des parts de marché cumulées des transporteurs incriminés au niveau mondial, qui ne s’élevait qu’à 34 % en 2005 et aurait justifié que soit retenu un coefficient de gravité inférieur à 16 % au regard de la pratique décisionnelle de la Commission. Elles ajoutent que la Commission n’a pas non plus dûment tenu compte du cadre réglementaire, qui aurait eu une influence importante sur le comportement litigieux, notamment en laissant entendre qu’il n’était pas illégal.
700 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
701 Ainsi qu’il ressort notamment du paragraphe 22 des lignes directrices de 2006 (voir point 650 ci-dessus), la gravité d’une infraction aux règles de concurrence doit être établie en fonction de différents facteurs. Parmi ceux-ci figurent, notamment, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées.
702 Au considérant 1209 de la décision attaquée, la Commission a tenu compte de la part de marché cumulée des transporteurs incriminés, estimant qu’elle atteignait 34 % au niveau mondial et était au moins aussi élevée sur les liaisons intra-EEE et EEE-pays tiers.
703 Le seul argument que les requérantes soulèvent à l’appui de leur argumentation selon laquelle les principes d’égalité de traitement, de proportionnalité et d’équité justifiaient la fixation du coefficient de gravité à un niveau inférieur à 16 % en présence de parts de marché cumulée des transporteurs incriminés estimée à 34 % se fonde sur une comparaison avec les coefficients de gravité fixés dans d’autres décisions de la Commission.
704 Il y a, cependant, lieu de rappeler que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas en elle-même de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans le règlement no 1/2003 et dans les lignes directrices de 2006 (voir arrêt du 9 septembre 2011, Alliance One International/Commission, T 25/06, EU:T:2011:442, point 242 et jurisprudence citée), et qu’il n’est, en tout état de cause, pas démontré que les données circonstancielles relatives aux affaires ayant donné lieu à ces décisions, telles que les marchés, les produits, les pays, les entreprises et les périodes concernés, étaient comparables à celles de l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T 360/09, EU:T:2012:332, point 262 et jurisprudence citée).
705 Il s’ensuit que l’argument des requérantes selon lequel les parts de marché cumulées des transporteurs incriminés estimée à 34 % faisaient obstacle à ce que la Commission fixe le coefficient de gravité à 16 % ne saurait prospérer.
706 Pour ce qui est du cadre réglementaire applicable, il convient d’observer que, s’il ne figure pas parmi les facteurs énumérés au paragraphe 22 des lignes directrices de 2006, ces facteurs ne le sont toutefois qu’à titre d’exemples et ne forment, par suite, pas une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte afin d’apprécier la gravité d’une infraction (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C 99/17 P, EU:C:2018:773, point 198 et jurisprudence citée).
707 Il s’ensuit que, selon les circonstances particulières de l’espèce, la Commission peut tenir compte du régime réglementaire applicable aux fins de la fixation du coefficient de gravité. Elle n’est, cependant, pas tenue de le faire si la proportion choisie est, comme en l’espèce, justifiée par d’autres éléments susceptibles d’influer sur la détermination de la gravité.
708 L’approche retenue par la Commission pour la fixation du coefficient de gravité est d’autant plus justifiée qu’elle a, par ailleurs, tenu compte des régimes réglementaires applicables au titre des circonstances atténuantes. Elle a ainsi reconnu, aux considérants 1264 et 1265 de la décision attaquée, que le comportement litigieux avait été encouragé par le « régime [réglementaire] et dans certains cas par son application » et a, en conséquence, accordé aux transporteurs incriminés une réduction de 15 % du montant de base de l’amende au titre du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006.
709 Or, les requérantes sont restées en défaut d’indiquer en quoi cette conclusion est entachée d’une violation des principes d’égalité de traitement, de proportionnalité et d’équité, si ce n’est pas la voie de l’affirmation générale et non étayée selon laquelle les réglementations en cause avaient « eu une influence importante sur le comportement allégué, en particulier parce qu’elles ont pu conduire les transporteurs à considérer que le comportement qu’ils adoptaient n’était pas illégal ».
710 La présente branche ne peut donc qu’être écartée.
c) Sur la troisième branche, prise d’une erreur de fait et de droit, d’un vice de motivation et d’une violation des principes d’égalité de traitement et de responsabilité personnelle dans le calcul du montant de base de l’amende
711 Les requérantes font valoir que la Commission a commis des erreurs de droit et de fait et violé l’obligation de motivation et les principes d’égalité de traitement et de responsabilité personnelle en fixant le montant de l’amende et le pourcentage de celle-ci qu’il convenait d’appliquer selon des modalités identiques pour tous les transporteurs incriminés, sans tenir compte de leurs degrés très variés d’implication et sans justification objective. Elles estiment que, en particulier, la Commission n’a pas tenu compte du fait qu’elles étaient les seules parmi les transporteurs incriminés à n’avoir participé qu’à l’une des trois composantes de l’infraction unique et continue, à savoir celle qui concernait la STC.
712 Les requérantes précisent que leur participation limitée doit être prise en compte au stade de la détermination du montant de base de l’amende et non au stade de son ajustement.
713 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
714 D’emblée, il convient d’écarter comme n’étant pas fondé le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation. Lu à la lumière de la jurisprudence pertinente (voir points 715 et 716 ci-après), les considérants 1208, 1258 et 1259 de la décision attaquée permettent, en effet, aux parties requérantes de connaître les motifs pour lesquels la Commission a pris en compte leur participation limitée au stade de l’ajustement du montant de base et au Tribunal d’exercer son contrôle.
715 Quant au bien-fondé de la manière de procéder de la Commission, il convient de rappeler que figurent, parmi les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité des infractions, le comportement de chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d’elles dans l’établissement de l’entente, le profit qu’elles ont pu tirer de celle-ci, leur taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent pour les objectifs de l’Union (voir arrêt du 26 janvier 2017, Roca Sanitario/Commission, C 636/13 P, EU:C:2017:56, point 49 et jurisprudence citée).
716 Il convient, cependant, de rappeler que la prise en compte d’éventuelles différences entre le comportement des diverses entreprises ayant participé à une même infraction ne doit pas nécessairement intervenir lors de la fixation des coefficients de gravité, mais peut intervenir à un autre stade du calcul de l’amende, tel que lors de l’ajustement du montant de base en fonction de circonstances atténuantes et aggravantes, au titre des paragraphes 28 et 29 des lignes directrices de 2006 (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Roca/Commission, C 638/13 P, EU:C:2017:53, point 67 et jurisprudence citée).
717 Or, dans le cadre de la détermination du coefficient de gravité, au considérant 1208 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle apprécierait le « fait que certains transporteurs aient pu jouer un rôle mineur […] comme une éventuelle circonstance atténuante ». C’est ainsi qu’elle a estimé, aux considérants 1258 et 1259 de ladite décision, que la participation des requérantes à l’infraction unique et continue avait revêtu un caractère limité et leur a, en conséquence, accordé une réduction du montant de base de l’amende de 10 % au titre des circonstances atténuantes.
718 Il s’ensuit que la Commission n’a commis aucune erreur en ne tenant compte de la participation limitée des requérantes à l’infraction unique et continue qu’au titre des circonstances atténuantes.
719 Quant à la violation alléguée du principe de responsabilité personnelle, il suffit de relever que les requérantes sont restées en défaut d’indiquer en quoi la prise en compte du degré de leur participation à l’infraction unique et continue au titre des circonstances atténuantes plutôt qu’au titre du coefficient de gravité était de nature à faire obstacle à ce que la Commission examine la gravité relative de la participation de chacun des transporteurs incriminés. De même, s’agissant de la violation alléguée du principe d’égalité de traitement, il suffit d’observer que les requérantes n’ont aucunement expliqué en quoi la prise en compte du degré de leur participation à l’infraction unique et continue au titre des circonstances atténuantes plutôt qu’au titre du coefficient de gravité aurait amené la Commission à traiter de manière différente des transporteurs incriminés qui se trouvaient dans une situation comparable ou à traiter de manière égale de transporteurs incriminés qui se trouvaient dans une situation différente.
720 La présente branche ne peut donc qu’être rejetée.
d) Sur la quatrième branche, prise d’une erreur de fait et de droit, d’un vice de motivation et d’une violation des principes d’égalité de traitement et de responsabilité personnelle dans la détermination de la réduction de l’amende au titre des circonstances atténuantes
721 Les requérantes se plaignent d’avoir obtenu au titre des circonstances atténuantes une réduction identique à celle qu’ont obtenue Air Canada et SAS, alors même que leur participation à l’entente litigieuse aurait été de nature plus limitée, ce que la Commission conteste.
722 À cet égard, il convient de rappeler que le paragraphe 27 des lignes directrices de 2006 prévoit que, dans la détermination du montant de l’amende, la Commission peut prendre en considération des circonstances qui mènent à une augmentation ou à une réduction du montant de base de l’amende, sur le fondement d’une appréciation globale tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes. Le paragraphe 29 des mêmes lignes directrices dispose que le montant de base de l’amende peut être réduit lorsque la Commission constate l’existence de circonstances atténuantes. Ce paragraphe énonce, à titre indicatif et non limitatif, plusieurs types de circonstances atténuantes susceptibles d’être prises en considération, parmi lesquelles le caractère substantiellement réduit de la participation de l’entreprise concernée à l’infraction.
723 Aux considérants 1246 à 1290 de la décision attaquée, la Commission a examiné l’existence de circonstances atténuantes. En particulier, comme indiqué au point 717, aux considérants 1258 et 1259 de ladite décision, elle a octroyé aux requérantes une réduction de 10 % du montant de base de l’amende au titre de leur « participation limitée dans l’infraction ».
724 En revanche, au considérant 1258 de la décision attaquée, la Commission a rejeté l’argument des requérantes tirés du rôle prétendument passif qu’elles auraient joué dans l’infraction unique et continue.
725 Les requérantes font valoir que ces appréciations sont entachées de trois erreurs. La première se rapporterait, en substance, au caractère périphérique de leur participation à l’entente litigieuse, la deuxième, au nombre limité de contacts qu’elles entretenaient avec d’autres transporteurs et, la troisième, à la circonstance qu’elles n’ont directement participé qu’à l’une des trois composantes de l’infraction unique et continue.
726 Il convient d’examiner les première et deuxième erreurs alléguées conjointement avant de se pencher sur la troisième.
1) Sur le caractère périphérique de la participation des requérantes à l’entente litigieuse et le nombre de contacts qu’elles entretenaient avec d’autres transporteurs
727 Les requérantes font grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que la seconde requérante opérait encore plus en périphérie de l’entente litigieuse qu’Air Canada et SAS, dont le rôle aurait été plus actif et central. En effet, ladite requérante n’aurait jamais joué aucun rôle dans l’organisation ou la coordination de l’infraction unique et continue. Son rôle aurait principalement porté sur la mise en œuvre initiale de la STC en 2003 et été limité à des contacts avec Lufthansa, qui était son partenaire dans le cadre d’une entreprise commune. Par la suite, les contacts de cette requérante auraient été de nature principalement passive et auraient consisté en la réception de communiqués de presse de Lufthansa. À l’inverse, le comportement de SAS et Air Canada aurait visé à coordonner les prix dans le secteur du fret et non à simplement mettre en œuvre la STC. Toutes deux auraient d’ailleurs participé à différentes réunions, appels téléphoniques et échanges de courriels. SAS aurait même lancé la coordination avec l’introduction de la STC en 1999 en adressant un courriel à des concurrents.
728 Les requérantes reprochent également à la Commission de n’avoir pas tenu compte du fait que les contacts auxquels la seconde requérante avait participé étaient moins nombreux et moins fréquents que ceux auxquels Air Canada et SAS avaient participé. Ainsi, lesdits contacts auraient concerné la mise en œuvre de sa STC, introduite en 2003, été peu nombreux, été entretenus de façon quasi-exclusive avec Lufthansa et pris la forme principalement d’une transmission d’annonces publiques de Lufthansa. À l’inverse, Air Canada et SAS auraient participé à de nombreux contacts, qui auraient pris différentes formes, avec leurs concurrents.
729 La Commission rétorque ne pas reconnaître le fait de jouer un rôle passif comme une circonstance atténuante. Si elle avait accordé une réduction supplémentaire aux requérantes à ce titre, elle aurait prêté le flanc aux critiques pour ne pas avoir respecté les lignes directrices de 2006. Elle ajoute que les requérantes ne sauraient qualifier leur participation à l’infraction unique et continue de « généralement passive ». Elles auraient, en effet, demandé à plusieurs reprises, des informations sur la STC à Lufthansa.
730 Il y a lieu de constater que, parmi les motifs que la Commission a retenus au considérant 1258 de la décision attaquée pour conclure au caractère limité de la participation des requérantes à l’infraction unique et continue, figure le fait que, à l’instar de SAS et d’Air Canada, elles opéraient « en périphérie de l’entente » litigieuse et « entretenaient des contacts en nombre limité avec d’autres transporteurs ».
731 Il ressort, cependant, de la décision attaquée que la nature de l’implication des requérantes dans l’infraction unique et continue n’était pas comparable à celle de l’implication d’Air Canada et de SAS dans cette dernière. En effet, tout d’abord, il est constant que les requérantes ont entretenu des contacts « essentiellement » avec Lufthansa (voir point 470 ci-dessus). La Commission soutient, certes, que tel aurait également été le cas d’Air Canada et de SAS. Il convient, cependant, de constater que ces dernières ont entretenu des contacts avec un plus grand nombre de transporteurs que les requérantes, y compris dans le cadre d’associations professionnelles ou encore d’alliances ou de grandes réunions multilatérales (considérants 719, 720, 791 et 792 de ladite décision).
732 Ensuite, il ressort des considérants 719, 720, 767, 791 et 792 de la décision attaquée que la Commission n’a retenu contre les requérantes qu’une trentaine de contacts litigieux, contre une quarantaine contre Air Canada et une cinquantaine contre SAS.
733 Enfin, à l’inverse de SAS (considérant 791 de la décision attaquée), les requérantes n’ont pas lancé la coordination de l’introduction de la STC. Ce n’est, en effet, qu’à partir du 22 juillet 2005 que la Commission est parvenue à établir leur participation à l’infraction unique et continue.
734 Les requérantes sont donc fondées à soutenir que la Commission n’a pas, aux fins du caractère périphérique de leur participation à l’infraction unique et continue, suffisamment différencié entre leur comportement, d’une part, et celui d’Air Canada et de SAS, d’autre part.
735 Les requérantes ne sauraient, en revanche, se prévaloir du caractère passif de leur participation à l’infraction unique et continue. Il convient, en effet, de rappeler que, si « un rôle exclusivement passif ou suiviste [de l’entreprise concernée] dans la réalisation de l’infraction » en cause était expressément mentionnée en tant que circonstance atténuante éventuelle dans les lignes directrices pour le calcul du montant des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3), elle ne figure plus parmi les circonstances atténuantes énumérées dans les lignes directrices de 2006. Cela reflète un choix politique délibéré de ne plus « encourager » le comportement passif des participants à une infraction aux règles de concurrence (arrêt du 12 juillet 2018, Sumitomo Electric Industries et J-Power Systems/Commission, T 450/14, non publié, EU:T:2018:455, point 114), qui relève de la marge d’appréciation de la Commission dans la détermination et la mise en œuvre de la politique de concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T 104/13, EU:T:2015:610, point 207).
736 Il n’en demeure pas moins que, dans la mesure où la liste établie au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 n’était pas exhaustive, le rôle exclusivement passif ou suiviste dans la réalisation de l’infraction n’aurait, contrairement à ce que soutient la Commission, su être écarté dans son principe au titre des circonstances qui pouvaient amener à une diminution du montant de base de l’amende (arrêt du 25 octobre 2011, Aragonesas Industrias y Energía/Commission, T 348/08, EU:T:2011:621, point 281).
737 Selon la jurisprudence, le rôle « exclusivement passif ou suiviste » d’une entreprise dans la réalisation de l’infraction implique, par définition, qu’elle ait fait « profil bas », c’est-à-dire qu’elle n’ait pas activement participé à l’élaboration du ou des accords anticoncurrentiels ou pratiques concertées. Parmi les éléments de nature à révéler que l’entreprise concernée a joué un tel rôle figurent, notamment, le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux concertations par rapport aux membres ordinaires de l’entente, de même que l’existence de déclarations expresses quant au rôle joué par cette entreprise dans l’entente et émanant de représentants d’entreprises tierces ayant participé à l’infraction (voir arrêt du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T 220/00, EU:T:2003:193, points 167 et 168 et jurisprudence citée).
738 En revanche, la circonstance qu’une entreprise s’est limitée à recevoir des informations communiquées unilatéralement par un concurrent, sans avoir manifesté aucune réserve ou opposition, ne saurait jouer aucun rôle pour établir le rôle passif de cette entreprise au sein d’une entente (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T 25/95, T 26/95, T 30/95 à T 32/95, T 34/95 à T 39/95, T 42/95 à T 46/95, T 48/95, T 50/95 à T 65/95, T 68/95 à T 71/95, T 87/95, T 88/95, T 103/95 et T 104/95, EU:T:2000:77, point 1849).
739 Or, en l’espèce, les requérantes ont participé, fût-ce passivement, à un nombre non négligeable de contacts anticoncurrentiels, sans jamais manifester aucune réserve ou opposition, ainsi qu’il ressort notamment des considérants 410, 474, 487, 516, 538 et 893 de la décision attaquée, en en prenant même parfois l’initiative (voir, notamment, considérants 474 et 538 de ladite décision) et en participant activement dans ce cadre à des discussions ou à des échanges d’informations anticoncurrentiels (voir, notamment, considérants 516 et 538 de cette décision). Ce faisant, les requérantes ont donné l’impression à leurs concurrents qu’elles prenaient part à l’entente litigieuse et ont, ainsi, contribué à l’encourager.
740 Quant à la circonstance que d’autres transporteurs incriminés ont joué un rôle plus actif dans la réalisation de l’infraction unique et continue que les requérantes, elle n’implique pas que ces dernières ont eu un rôle exclusivement passif ou suiviste.
741 Il ne saurait donc être fait grief à la Commission de n’avoir pas retenu que le rôle des requérantes dans la réalisation de l’infraction unique et continue avait revêtu un caractère exclusivement passif.
742 Les présents griefs ne doivent donc être accueillis qu’en tant qu’il est reproché à la Commission de n’avoir pas, aux fins de l’appréciation du caractère périphérique de leur participation à l’infraction unique et continue et du nombre de contacts entretenus avec d’autres transporteurs, suffisamment différencié le comportement des requérantes, d’une part, et celui d’Air Canada et de SAS, d’autre part.
2) Sur la circonstance que les requérantes n’ont directement participé qu’à l’une des trois composantes de l’infraction
743 Les requérantes font grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que, à la différence d’Air Canada et de SAS, la seconde requérante n’avait directement participé qu’à l’une des trois composantes de l’infraction unique et continue, à savoir celle relative à la STC. Elles ajoutent que, dans l’hypothèse où il devrait être considéré que cette circonstance ne doit pas se traduire par le calcul d’un montant de base de l’amende plus faible, il conviendrait de réduire encore davantage ce montant au titre du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006.
744 La Commission conteste l’argumentation des requérantes. Elle estime que le fait que les contacts de la seconde requérante se sont limités à la STC ne diminue en rien la gravité de sa participation à l’infraction unique et continue.
745 Selon la jurisprudence, une entreprise dont la responsabilité est établie s’agissant de plusieurs branches d’une entente contribue davantage à l’efficacité et à la gravité de celle-ci qu’une contrevenante qui n’est impliquée que dans une seule d’entre elles. Partant, la première entreprise commet une infraction plus grave que la seconde (voir arrêt du 15 juillet 2015, Trafilerie Meridionali/Commission, T 422/10, EU:T:2015:512, point 103 et jurisprudence citée).
746 Au considérant 1258 de la décision attaquée, la Commission a, aux fins de l’appréciation du caractère limité de la participation à l’infraction unique et continue de la seconde requérante, de SAS et d’Air Canada, tenu compte du fait que celles-ci « n’avaient pas participé à tous les éléments de l[adite] infraction ».
747 Le degré de participation à l’infraction unique et continue de la seconde requérante, de SAS et d’Air Canada est décrit aux considérants 882 et 883 de la décision attaquée. Dans ces considérants, la Commission a retenu que les requérantes et Air Canada n’avaient directement participé qu’à une ou deux des trois composantes de l’infraction unique et continue, mais pouvaient également être tenues pour responsables de celles auxquelles celles-ci n’avaient pas directement participé, au motif que celles-ci en avaient connaissance ou pouvait raisonnablement les prévoir et étaient prêtes à en accepter le risque.
748 Or, dans le cadre de l’examen du premier moyen, il a été jugé que la Commission avait commis une erreur en retenant que les requérantes avaient une connaissance, prouvée ou présumée, des composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STS et au refus de paiement de commissions et pouvaient donc être tenues pour responsables de celle-ci. À la différence d’Air Canada et de SAS, les requérantes ne pouvaient donc être tenues pour responsables que de l’une des composantes de ladite infraction. Conformément à la jurisprudence visée au point 745 ci-dessus, la Commission aurait donc dû reconnaître que les requérantes avaient contribué à l’efficacité et à la gravité de l’entente litigieuse dans une moindre mesure qu’Air Canada et SAS et avaient, en conséquence, commis une infraction moins grave que ces dernières.
749 Il y a donc lieu de conclure que la Commission a entaché d’illégalité la décision attaquée en n’accordant pas aux requérantes une réduction de montant de base de l’amende supérieure à 10 % au titre de leur participation limitée à l’infraction unique et continue.
750 L’article 3, sous i), de la décision attaquée doit donc être annulé en tant que la Commission n’a pas accordé aux requérantes une réduction de montant de base de l’amende supérieure à 10 % au titre de leur participation limitée à cette infraction.
751 Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir la première branche du troisième moyen, le deuxième moyen dans la mesure où la Commission a commis une erreur en tenant les requérantes pour responsables de l’infraction unique et continue, dans sa composante tenant à la STC, avant le 22 juillet 2005, le premier moyen ainsi que la quatrième branche du septième moyen. Il convient d’annuler, en conséquence, l’article 1er, paragraphes 1, sous i) et j), 3, sous i) et j), et 4, sous i) et j), de la décision attaquée, ainsi que l’article 1er, paragraphe 2, sous i) et j), de ladite décision, en tant qu’il impute aux requérantes ladite infraction, d’une part, dans ses composantes tenant à la STS et au refus de paiement de commissions et, d’autre part, dans sa composante tenant à la STC avant le 22 juillet 2005. Il convient également d’annuler l’article 3, sous i), de cette décision, au motif que la Commission n’a pas accordé aux requérantes une réduction de montant de base de l’amende supérieure à 10 % au titre de leur participation limitée à cette infraction.
752 En revanche, il ne saurait être considéré que ces illégalités sont de nature à emporter l’annulation de la décision attaquée dans son intégralité. En effet, bien que la Commission ait, premièrement, violé les règles en matière de prescription en sanctionnant les requérantes pour cette infraction s’agissant des liaisons intra-EEE, EEE sauf Union-pays tiers et Union-Suisse et, deuxièmement, commis des erreurs d’appréciation en imputant aux requérantes ladite infraction dans ses composantes tenant à la STS et au refus de paiement de commissions ainsi que dans sa composante tenant à la STC avant le 22 juillet 2005, il y a lieu de constater qu’il n’a pas été établi, dans le cadre du présent recours, que la Commission avait commis une erreur en constatant qu’elle avait participé à l’infraction en cause.
753 Les conclusions en annulation doivent être rejetées pour le surplus.
B. Sur les conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes
754 Les requérantes demandent, en substance, au Tribunal d’exercer sa compétence de pleine juridiction pour réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée dans l’hypothèse où il jugerait qu’il n’y a pas lieu d’annuler la décision attaquée en ce qui les concerne.
755 À titre liminaire, il convient de constater que les requérantes sont restées en défaut d’identifier explicitement les griefs qu’elles entendent invoquer à l’appui des présentes conclusions. Cependant, dans le paragraphe introductif du septième moyen, elles ont indiqué qu’elles demandaient une réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée « dans l’hypothèse où [le Tribunal] jugerait qu’il n’y a pas lieu d’annuler la décision attaquée ». Il s’en déduit que les requérantes se prévalent, au soutien des présentes conclusions, d’arguments en substance identiques à ceux qu’elles ont invoqués à l’appui du septième moyen de leurs conclusions en annulation. À ces arguments s’en ajoute un que les requérantes invoquent dans leurs réponses aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal et qui concerne les ventes réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse.
756 Le premier argument que les requérantes invoquent au soutien des présentes conclusions concerne, en substance, le calcul de la valeur des ventes. Selon cet argument, il conviendrait d’exclure de la valeur des ventes les montants autres que les recettes générées par les surtaxes et les coûts évités du fait du refus de paiement de commissions.
757 Les deuxième à sixième arguments que les requérantes invoquent au soutien des présentes conclusions concernent, en substance, le coefficient de gravité et le montant additionnel :
– par leur deuxième argument, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, les requérantes font valoir que l’exclusion du périmètre géographique de l’infraction unique et continue des liaisons EEE sauf Union-Suisse est de nature à justifier une réduction du coefficient de gravité et du montant additionnel ;
– par leur troisième argument, les requérantes soutiennent que le fait que l’infraction unique et continue n’ait pas couvert le prix entier des services de fret est de nature à justifier une réduction du coefficient de gravité et du montant additionnel ;
– par leur quatrième argument, les requérantes avancent qu’il conviendrait de tenir compte du caractère limité des parts de marché cumulées des transporteurs incriminés au niveau mondial ;
– par leur cinquième argument, les requérantes font valoir qu’il conviendrait de tenir compte des régimes réglementaires de pays tiers ;
– par leur sixième argument, les requérantes avancent qu’il conviendrait de tenir compte des degrés très variés d’implication des transporteurs incriminés dans l’infraction unique et continue.
758 Le septième argument que les requérantes invoquent au soutien des présentes conclusions concerne, en substance, les circonstances atténuantes. Selon cet argument, la participation de la seconde requérante à l’infraction unique et continue aurait été encore plus limitée que celle d’Air Canada et de SAS. Celles-ci auraient, en effet, joué un rôle plus actif et central que celui de la seconde requérante et aurait, à la différence de cette dernière, directement participé à plus d’une composante de l’infraction unique et continue.
759 La Commission conclut au rejet des présentes conclusions.
760 Dans le droit de la concurrence de l’Union, le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge de l’Union, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou l’astreinte infligée (voir arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C 386/10 P, EU:C:2011:815, point 63 et jurisprudence citée).
761 Cet exercice suppose, en application de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, de prendre en considération, pour chaque entreprise sanctionnée, la gravité de l’infraction en cause ainsi que la durée de celle-ci, dans le respect des principes, notamment, de motivation, de proportionnalité, d’individualisation des sanctions et d’égalité de traitement, et sans que le juge de l’Union soit lié par les règles indicatives définies par la Commission dans ses lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C 603/13 P, EU:C:2016:38, point 90). Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction prévue à l’article 261 TFUE et à l’article 31 du règlement no 1/2003 n’équivaut pas à un contrôle d’office et que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. À l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, c’est dès lors à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de la décision litigieuse et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C 386/10 P, EU:C:2011:815, point 64).
762 Il appartient ainsi à la partie requérante d’identifier les éléments contestés de la décision attaquée, de formuler des griefs à cet égard et d’apporter des preuves, qui peuvent être constituées d’indices sérieux, tendant à démontrer que ses griefs sont fondés (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C 386/10 P, EU:C:2011:815, point 65).
763 Afin de satisfaire aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la Charte en ce qui concerne l’amende, le juge de l’Union est, quant à lui, tenu, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE, d’examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (voir arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C 434/13 P, EU:C:2014:2456, point 75 et jurisprudence citée ; arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch Austria/Commission, C 626/13 P, EU:C:2017:54, point 82).
764 Enfin, pour la détermination du montant des amendes, il appartient au juge de l’Union d’apprécier lui-même les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause (arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C 603/13 P, EU:C:2016:38, point 89) et de prendre en considération toutes les circonstances de fait (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C 534/07 P, EU:C:2009:505, point 86), en ce compris, le cas échéant, des éléments d’information complémentaires non mentionnés dans la décision de la Commission infligeant l’amende (voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C 286/98 P, EU:C:2000:630, point 57, et du 12 juillet 2011, Fuji Electric/Commission, T 132/07, EU:T:2011:344, point 209).
765 En l’espèce, il appartient au Tribunal, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, de déterminer, au regard de l’argumentation avancée par les parties à l’appui des présentes conclusions, le montant de l’amende qu’il estime le plus approprié, eu égard notamment aux constatations effectuées dans le cadre de l’examen des moyens soulevés à l’appui des conclusions en annulation et du moyen relevé d’office, et en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait pertinentes.
766 Le Tribunal estime qu’il n’est pas, afin de déterminer le montant de l’amende à infliger aux requérantes opportun de s’écarter de la méthode de calcul suivie par la Commission dans la décision attaquée et dont il n’a pas préalablement déterminé qu’elle était entachée d’illégalité, ainsi qu’il ressort de l’examen du septième moyen ci-dessus. En effet, s’il appartient au juge, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, d’apprécier lui-même les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause afin de déterminer le montant de l’amende, l’exercice d’une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes infligées, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien. Par suite, les orientations pouvant être dégagées des lignes directrices sont, en règle générale, susceptibles de guider les juridictions de l’Union lorsqu’elles exercent ladite compétence, dès lors que ces lignes directrices ont été appliquées par la Commission aux fins du calcul du montant des amendes infligées aux autres entreprises sanctionnées par la décision dont elles ont à connaître (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C 441/11 P, EU:C:2012:778, point 80 et jurisprudence citée).
767 Dans ces conditions, tout d’abord, il y a lieu d’observer que le total de la valeur des ventes réalisées par les requérantes en 2005 s’élevait à 62 604 661 euros. Cette valeur n’inclut aucune recette réalisée sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse, dont le Tribunal a jugé aux points 77 à 102 ci-dessus qu’elles ne relevaient pas du périmètre de l’infraction unique et continue. Il ressort, en effet, des réponses des requérantes aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, qu’elles n’ont réalisé aucun chiffre d’affaires sur ces liaisons au cours de l’année 2005.
768 La valeur des ventes retenue dans la décision attaquée n’inclut pas davantage de recettes réalisées sur les liaisons intra-EEE, Union-Suisse et EEE sauf Union-pays tiers, s’agissant desquelles le Tribunal a jugé aux points 104 à 141 ci-dessus que les requérantes ne pouvaient être tenues responsables de l’infraction unique et continue. En effet, les requérantes n’ont réalisé aucun chiffre d’affaires sur ces liaisons au cours de l’année 2005.
769 En revanche, il convient d’inclure dans la valeur des ventes le chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons Union-pays tiers en 2005, bien que la participation des requérantes à l’infraction unique et continue ne puisse être retenue avant le 22 juillet 2005 et ne concerne que la STC. En effet, conformément au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, il convient de tenir compte des ventes que les requérantes ont réalisées lors de la dernière année complète de l’infraction unique et continue, à savoir 2005.
770 Par ailleurs, il convient d’observer que le premier argument, lequel porte en substance sur l’inclusion du prix entier des services de fret dans la valeur des ventes, renvoie au second grief de la première branche du septième moyen invoqué à l’appui des conclusions en annulation. Or, le Tribunal a rejeté ce grief aux points 675 à 698 ci-dessus et rien dans l’argumentation que les requérantes ont soulevée à son appui ne permet de considérer que l’inclusion dans la valeur des ventes du prix entier des services de fret était de nature à aboutir à retenir une valeur des ventes inappropriée. Au contraire, exclure de la valeur des ventes les éléments du prix des services de fret autres que les surtaxes reviendrait à minimiser artificiellement l’importance économique de l’infraction unique et continue.
771 Ensuite, il convient de relever que, pour les motifs retenus aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, l’infraction unique et continue mérite un coefficient de gravité de 16 %.
772 Les deuxième à sixième arguments ne démontrent pas le contraire. Le deuxième argument suppose que le Tribunal ait fait droit au moyen relevé d’office. Or, comme il ressort des points 77 à 102 ci-dessus, le Tribunal a rejeté ce moyen dans son intégralité. Quant aux troisième à sixième arguments, ils renvoient, en substance, aux premières à troisième branches du septième moyen que les requérantes ont soulevées à l’appui des conclusions en annulation. Or, le Tribunal a rejeté ces branches aux points 635 à 720 ci-dessus et rien ne permet de considérer que ces arguments justifient un coefficient de gravité inférieur à 16 %.
773 Pour ce qui est du montant additionnel, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée et au vu des considérations retenues aux points 644 à 646 ci-dessus, le Tribunal estime qu’un montant additionnel de 16 % est approprié.
774 Par ailleurs, il convient d’observer que, la participation des requérantes à l’infraction unique et continue ne pouvant être légalement établie s’agissant des liaisons intra-EEE, EEE sauf Union-pays tiers et Union-Suisse, les facteurs de multiplication retenus aux considérants 1214, 1216 et 1217 de la décision attaquée ne sauraient être pris en compte aux fins du calcul du montant de l’amende.
775 Il convient, cependant, de tenir compte du fait que, en l’absence de chiffre d’affaires réalisé par les requérantes sur les liaisons intra-EEE, EEE sauf Union-pays tiers et Union-Suisse et compte tenu de la méthode employée par la Commission dans la décision attaquée consistant à attribuer, à chaque catégorie de liaisons concernée, une valeur des ventes spécifique calculée à partir du chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise sur cette catégorie de liaisons (voir point 52 ci-dessus), la valeur des ventes retenue, respectivement, pour les liaisons intra-EEE, pour les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et pour les liaisons Union-Suisse est, s’agissant des requérantes, égale à zéro. Ainsi, le facteur de multiplication lié à la durée de la participation des requérantes à l’infraction unique et continue est venu s’imputer, s’agissant des liaisons intra-EEE, EEE sauf Union-pays tiers et Union-Suisse, sur une assiette de zéro. Partant, le fait, pour le Tribunal, en ne s’écartant pas de la méthode ainsi décrite, de s’abstenir néanmoins de tenir compte des facteurs de multiplication retenus aux considérants 1214, 1216 et 1217 de la décision attaquée n’est pas de nature à réduire le montant d’amende infligée aux requérantes. Autrement dit, par la méthode que la Commission a employée pour calculer le montant d’amende infligée à aux requérantes, ces dernières ont déjà échappé pour l’essentiel à l’imposition d’une amende au titre de leur responsabilité pour l’infraction unique et continue en tant qu’elle concerne les liaisons intra-EEE, EEE sauf Union-pays tiers et Union-Suisse.
776 Quant au facteur de multiplication lié aux liaisons Union-pays tiers, il doit être fixé à 6/12. La participation des requérantes à l’infraction unique et continue en tant qu’elle concerne ces liaisons a, en effet, été légalement constatée uniquement pour une période de six mois (voir points 580 à 582 ci-dessus).
777 Il y a donc lieu de fixer le montant de base de l’amende à 15 025 118 euros.
778 Dès lors, le montant de base de l’amende après application de la réduction générale de 50 %, qui ne s’applique qu’au montant de base en tant qu’il concerne les liaisons Union-pays tiers (voir considérant 1241 de la décision attaquée), que les requérantes n’ont pas contestée dans le cadre des conclusions en annulation et qui n’est pas inappropriée, doit être fixé, après arrondissement, à 7 500 000 euros. À cet égard, le Tribunal estime approprié d’arrondir ce montant de base à la baisse aux deux premiers chiffres, excepté dans les cas où cette réduction représente plus de 2 % du montant avant arrondissement, auquel cas ce montant est arrondi aux trois premiers chiffres. Cette méthode est objective, permet à tous les transporteurs incriminés ayant introduit un recours à l’encontre de la décision attaquée de bénéficier d’une réduction et évite une inégalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T 91/11, EU:T:2014:92, point 166).
779 Enfin, pour ce qui est des ajustements du montant de base de l’amende, il convient de rappeler que les requérantes ont bénéficié de la réduction générale de 15 %, dont le caractère approprié n’est pas contesté.
780 Par ailleurs, quant au septième argument que les requérantes invoquent à l’appui des présentes conclusions, il convient de rappeler que, aux considérants 1258 et 1259 de la décision attaquée, la Commission a octroyé aux requérantes, à SAS et à Air Canada une réduction du montant de base de l’amende de 10 % au motif qu’elles « opéraient en périphérie de l’entente, […] entretenaient des contacts en nombre limité avec d’autres transporteurs et […] n’avaient pas participé à tous les éléments de l’infraction » unique et continue. Il convient, cependant, de rappeler que les requérantes opéraient encore davantage en périphérie de l’entente litigieuse qu’Air Canada et SAS, entretenaient encore moins de contacts avec d’autres transporteurs qu’eux et ne pouvaient être tenues responsables que pour l’une des trois composantes de l’infraction unique et continue (voir points 721 à 749 ci-dessus).
781 Il convient également de rappeler que les requérantes ne pouvaient se voir imputer l’infraction unique et continue en tant qu’elle concerne les liaisons intra-EEE, EEE sauf Union-pays tiers et Union-Suisse (points 134 à 139 ci-dessus).
782 Il y a donc lieu de retenir que la participation des requérantes à l’infraction unique et continue était significativement moindre que ne l’a retenu la Commission aux fins de l’examen des circonstances atténuantes et justifie une réduction du montant de l’amende sensiblement supérieure à 10 %.
783 Dans ces conditions, le Tribunal considère qu’il convient d’octroyer aux requérantes une réduction de 56 % du montant de l’amende au titre de leur participation limitée à l’infraction unique et continue, ce niveau de réduction tenant compte des spécificités de l’espèce rappelées au point 775 ci-dessus.
784 En outre, il convient de considérer que la réduction de 20 % dont les requérantes ont bénéficié au titre de la clémence demeure appropriée.
785 Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de calculer le montant de l’amende infligée aux requérantes comme suit : tout d’abord, le montant de base est déterminé en appliquant, compte tenu de la gravité de l’infraction unique et continue, un pourcentage de 16 % à la valeur des ventes réalisées par les requérantes en 2005 sur les liaisons Union-pays tiers, puis, au titre de la durée de l’infraction, un facteur de multiplication de 6/12 et enfin un montant additionnel de 16 %, ce qui aboutit à un montant intermédiaire de 15 025 118 euros. Après application de la réduction générale de 50 %, ce montant, arrondi, doit être fixé à 7 500 000 euros. Ensuite, après application de la réduction générale de 15 % et d’une réduction supplémentaire de 56 % au titre de la participation limitée des requérantes à l’infraction unique et continue, ce montant doit être fixé à 2 805 000 euros. Enfin, ce dernier montant doit être réduit de 20 % au titre de la clémence, ce qui aboutit à une amende d’un montant final de 2 244 000 euros.
IV. Sur les dépens
786 Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.
787 En l’espèce, les requérantes ont obtenu satisfaction pour l’essentiel de leurs conclusions. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en condamnant la Commission aux dépens.
Par ces motifs, Le Tribunal (4e CHAMBRE ÉLARGIE),
déclare et arrête :
1) L’article 1er, paragraphes 1, sous i) et j), 3, sous i) et j), et 4, sous i) et j), de la décision C(2017) 1742 final de la Commission, du 17 mars 2017, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (affaire AT.39258 – Fret aérien) est annulé.
2) L’article 1er, paragraphes 2, sous i) et j), de ladite décision est annulé en tant qu’il retient la participation de Latam Airlines Group SA et de Lan Cargo SA, d’une part, aux composantes de l’infraction unique et continue tenant à la surtaxe sécurité et au refus de paiement de commissions et, d’autre part, à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la surtaxe carburant avant le 22 juillet 2005.
3) L’article 3, sous i), de cette décision est annulé.
4) Le montant de l’amende infligée solidairement à Latam Airlines Group et à Lan Cargo est fixé à 2 244 000 euros.
5) Le recours est rejeté pour le surplus.
6) La Commission européenne est condamnée aux dépens.