TUE, 4e ch. élargie, 30 mars 2022, n° T-350/17
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Singapore Airlines Ltd, Singapore Airlines Cargo Pte Ltd
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Kanninen (rapporteur)
Juges :
M. Schwarcz, M. Iliopoulos, M. Spielmann, Mme Reine
LE TRIBUNAL (4e CHAMBRE ÉLARGIE),
I. Antécédents du litige
1 Les requérantes sont Singapore Airlines Ltd (ci-après « SIA ») et sa filiale, Singapore Airlines Cargo Pte Ltd (ci-après « SAC ») (ci-après, ensemble ou séparément, les « requérantes »). SAC est active sur le marché du fret aérien (ci-après le « fret »).
2 Dans le secteur du fret, des compagnies aériennes assurent le transport de cargaisons par voie aérienne (ci-après les « transporteurs »). En règle générale, les transporteurs fournissent des services de fret aux transitaires, qui organisent l’acheminement de ces cargaisons au nom des expéditeurs. En contrepartie, ces transitaires s’acquittent auprès des transporteurs d’un prix qui se compose, d’une part, de tarifs calculés au kilogramme et négociés soit pour une période longue (généralement une saison, c’est-à-dire six mois), soit de façon ponctuelle, et, d’autre part, de diverses surtaxes, qui visent à couvrir certains coûts.
3 Quatre types de transporteurs se distinguent : premièrement, ceux qui exploitent exclusivement des avions tout cargo, deuxièmement, ceux qui, sur leurs vols destinés aux passagers, réservent une partie de la soute de l’avion au transport de marchandises, troisièmement, ceux qui disposent à la fois d’avions-cargos et d’un espace réservé pour le fret dans la soute d’avions de transport de passagers (compagnies aériennes mixtes) et, quatrièmement, les intégrateurs, qui disposent d’avions-cargos fournissant à la fois des services de livraison express intégrés et des services de fret généraux.
4 Aucun transporteur n’étant en mesure de desservir, dans le monde, toutes les destinations majeures de fret à des fréquences suffisantes, la conclusion d’accords entre eux pour augmenter leur couverture du réseau ou améliorer leurs horaires s’est développée, y compris dans le cadre d’alliances commerciales plus vastes entre transporteurs. Parmi ces alliances figurait notamment, à l’époque des faits, l’alliance WOW, qui réunissait Deutsche Lufthansa AG (ci-après « Lufthansa »), SAS Cargo Group A/S (ci-après « SAS Cargo »), les requérantes et Japan Airlines International Co. Ltd (ci-après « Japan Airlines »).
A. Procédure administrative
5 Le 7 décembre 2005, la Commission des Communautés européennes a reçu, au titre de sa communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3), une demande d’immunité introduite par Lufthansa et ses filiales, Lufthansa Cargo AG et Swiss International Air Lines AG (ci-après « Swiss »). Selon cette demande, des contacts anticoncurrentiels intensifs existaient entre plusieurs transporteurs portant, notamment, sur :
– la surtaxe carburant (ci-après la « STC »), qui aurait été introduite pour faire face au coût croissant du carburant ;
– la surtaxe sécurité (ci-après la « STS »), qui aurait été introduite pour faire face au coût de certaines mesures de sécurité imposées après les attaques terroristes du 11 septembre 2001.
6 Les 14 et 15 février 2006, la Commission a procédé à des inspections inopinées dans les locaux de plusieurs transporteurs, conformément à l’article 20 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).
7 Après les inspections, plusieurs transporteurs ont introduit une demande au titre de la communication de 2002 mentionnée au point 5 ci-dessus.
8 Le 19 décembre 2007, après avoir envoyé plusieurs demandes de renseignements, la Commission a adressé une communication des griefs à 27 transporteurs, dont les requérantes (ci-après la « communication des griefs »). Elle a indiqué que ces transporteurs avaient enfreint l’article 101 TFUE, l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) et l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (ci-après l’« accord CE-Suisse sur le transport aérien »), en participant à une entente portant, notamment, sur la STC, la STS et un refus de paiement de commissions sur les surtaxes (ci-après le « refus de paiement de commissions »).
9 En réponse à la communication des griefs, ses destinataires ont soumis des observations écrites.
10 Une audition s’est tenue du 30 juin au 4 juillet 2008.
B. Décision du 9 novembre 2010
11 Le 9 novembre 2010, la Commission a adopté la décision C(2010) 7694 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] (affaire COMP/39258 – Fret aérien) (ci-après la « décision du 9 novembre 2010 »). Cette décision a pour destinataires 21 transporteurs (ci après les « transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 »), à savoir :
– Air Canada ;
– Air France-KLM (ci-après « AF-KLM ») ;
– Société Air France (ci-après « AF ») ;
– Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV (ci-après « KLM ») ;
– British Airways plc ;
– Cargolux Airlines International SA (ci-après « Cargolux ») ;
– Cathay Pacific Airways Ltd (ci-après « CPA ») ;
– Japan Airlines Corp. ;
– Japan Airlines ;
– Lan Airlines SA ;
– Lan Cargo SA ;
– Lufthansa Cargo ;
– Lufthansa ;
– Swiss ;
– Martinair Holland NV (ci-après « Martinair ») ;
– Qantas Airways Ltd (ci-après « Qantas ») ;
– SAS AB ;
– SAS Cargo ;
– Scandinavian Airlines System Denmark-Norway-Sweden (ci-après « SAS Consortium ») ;
– SAC ;
– SIA.
12 Les griefs retenus provisoirement à l’égard des autres destinataires de la communication des griefs ont été abandonnés (ci-après les « transporteurs non incriminés »).
13 La décision du 9 novembre 2010 décrivait, dans ses motifs, une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, couvrant le territoire de l’EEE et de la Suisse, par laquelle les transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 auraient coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret.
14 Le dispositif de la décision du 9 novembre 2010, pour autant qu’il concernait les requérantes, se lisait comme suit :
« Article 2
Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE, pendant les périodes suivantes :
[…]
s) [SAC], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;
t) [SIA], du 1er mai 2004 au 14 février 2006.
Article 3
Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 53 de l’accord EEE en participant à une infraction se composant à la fois d’accords et de pratiques concertées par lesquels elles ont coordonné divers éléments de prix à porter en compte pour des services de [fret] sur des liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des pays tiers, pendant les périodes suivantes :
[…]
q) [SAC], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;
r) [SIA], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;
Article 5
Les amendes suivantes sont infligées pour les infractions visées aux articles 1er à 4 [de la décision du 9 novembre 2010] :
[…]
t) [les requérantes] conjointement et solidairement : 74 800 000 EUR.
[…]
Article 6
Les entreprises visées aux articles 1er à 4 mettent immédiatement fin aux infractions visées auxdits articles, dans la mesure où elles ne l’ont pas encore fait.
Elles s’abstiennent dorénavant de tout acte ou comportement visés aux articles 1er à 4, ainsi que de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire. »
C. Recours contre la décision du 9 novembre 2010 devant le Tribunal
15 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 janvier 2011, les requérantes ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du 9 novembre 2010, en tant qu’elle les concernait, ainsi que, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende qui leur avait été infligée. Les autres transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010, à l’exception de Qantas, ont également introduit devant le Tribunal des recours contre cette décision.
16 Par arrêts du 16 décembre 2015, Air Canada/Commission (T 9/11, non publié, EU:T:2015:994), Koninklijke Luchtvaart Maatschappij/Commission (T 28/11, non publié, EU:T:2015:995), Japan Airlines/Commission (T 36/11, non publié, EU:T:2015:992), Cathay Pacific Airways/Commission (T 38/11, non publié, EU:T:2015:985), Cargolux Airlines/Commission (T 39/11, non publié, EU:T:2015:991), Latam Airlines Group et Lan Cargo/Commission (T 40/11, non publié, EU:T:2015:986), Singapore Airlines et Singapore Airlines Cargo Pte/Commission (T 43/11, non publié, EU:T:2015:989), Deutsche Lufthansa e.a./Commission (T 46/11, non publié, EU:T:2015:987), British Airways/Commission (T 48/11, non publié, EU:T:2015:988), SAS Cargo Group e.a./Commission (T 56/11, non publié, EU:T:2015:990), Air France-KLM/Commission (T 62/11, non publié, EU:T:2015:996), Air France/Commission (T 63/11, non publié, EU:T:2015:993), et Martinair Holland/Commission (T 67/11, EU:T:2015:984), le Tribunal a annulé, en tout ou en partie, la décision du 9 novembre 2010 pour autant qu’elle visait, respectivement, Air Canada, KLM, Japan Airlines et Japan Airlines Corp., CPA, Cargolux, Latam Airlines Group SA (anciennement Lan Airlines) et Lan Cargo, les requérantes, Lufthansa, Lufthansa Cargo et Swiss, British Airways, SAS Cargo, SAS Consortium et SAS, AF-KLM, AF et Martinair. Le Tribunal a estimé que cette décision était entachée d’un vice de motivation.
17 À cet égard, en premier lieu, le Tribunal a constaté que la décision du 9 novembre 2010 était entachée de contradictions entre ses motifs et son dispositif. Les motifs de cette décision décrivaient une seule infraction unique et continue, relative à toutes les liaisons couvertes par l’entente, à laquelle les transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 auraient participé. En revanche, le dispositif de ladite décision identifiait soit quatre infractions uniques et continues distinctes, soit une seule infraction unique et continue dont la responsabilité ne serait imputée qu’aux transporteurs qui, sur les liaisons visées par les articles 1er à 4 de la même décision, auraient directement participé aux comportements infractionnels visés par chacun desdits articles ou auraient eu connaissance d’une collusion sur ces liaisons, dont ils acceptaient le risque. Or, aucune de ces deux lectures du dispositif de la décision en question n’était conforme à ses motifs.
18 Le Tribunal a aussi rejeté comme étant incompatible avec les motifs de la décision du 9 novembre 2010 la lecture alternative de son dispositif proposée par la Commission, consistant à considérer que l’absence de mention de certains des transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 dans les articles 1er, 3 et 4 de cette décision pouvait s’expliquer, sans qu’il soit besoin de considérer que ces articles constataient des infractions uniques et continues distinctes, par le fait que lesdits transporteurs n’assuraient pas les liaisons couvertes par ces dispositions.
19 En deuxième lieu, le Tribunal a considéré que les motifs de la décision du 9 novembre 2010 contenaient d’importantes contradictions internes.
20 En troisième lieu, après avoir relevé qu’aucune des deux lectures possibles du dispositif de la décision du 9 novembre 2010 n’était conforme à ses motifs, le Tribunal a examiné si, dans le cadre d’au moins l’une de ces deux lectures possibles, les contradictions internes à ladite décision étaient de nature à porter atteinte aux droits de la défense des requérantes et à empêcher le Tribunal d’exercer son contrôle. S’agissant de la première lecture, retenant l’existence de quatre infractions uniques et continues distinctes, premièrement, il a jugé que les requérantes n’avaient pas été en situation de comprendre dans quelle mesure les éléments de preuve exposés dans les motifs, liés à l’existence d’une infraction unique et continue, étaient susceptibles d’établir l’existence des quatre infractions distinctes constatées dans le dispositif et qu’elles n’avaient donc pas davantage été en situation de pouvoir contester leur suffisance. Deuxièmement, il a jugé que les requérantes s’étaient trouvées dans l’impossibilité de comprendre la logique qui avait conduit la Commission à les considérer comme responsables d’une infraction, y compris pour des liaisons non assurées à l’intérieur du périmètre défini par chaque article de la décision du 9 novembre 2010.
D. Décision attaquée
21 Le 20 mai 2016, à la suite de l’annulation prononcée par le Tribunal, la Commission a adressé une lettre aux transporteurs incriminés par la décision du 9 novembre 2010 ayant introduit un recours contre cette dernière devant le Tribunal, les informant que sa direction générale (DG) de la concurrence entendait lui proposer d’adopter une nouvelle décision concluant qu’ils avaient participé à une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien sur toutes les liaisons mentionnées dans cette décision.
22 Les destinataires de la lettre de la Commission mentionnée au point 21 ci-dessus ont été invités à faire part de leur point de vue sur la proposition de la DG de la concurrence de la Commission dans un délai d’un mois. Tous, y compris les requérantes, ont fait usage de cette possibilité.
23 Le 17 mars 2017, la Commission a adopté la décision C(2017) 1742 final, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] (affaire AT.39258 – Fret aérien) (ci-après la « décision attaquée »). Ladite décision a pour destinataires 19 transporteurs (ci-après les « transporteurs incriminés »), à savoir :
– Air Canada ;
– AF-KLM ;
– AF ;
– KLM ;
– British Airways ;
– Cargolux ;
– CPA ;
– Japan Airlines ;
– Latam Airlines Group ;
– Lan Cargo ;
– Lufthansa Cargo ;
– Lufthansa ;
– Swiss ;
– Martinair ;
– SAS ;
– SAS Cargo ;
– SAS Consortium ;
– SAC ;
– SIA.
24 La décision attaquée ne retient pas de griefs à l’encontre des autres destinataires de la communication des griefs.
25 La décision attaquée décrit, dans ses motifs, une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, par laquelle les transporteurs incriminés auraient coordonné leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de fret dans le monde entier par le biais de la STC, de la STS et du paiement d’une commission sur les surtaxes.
26 En premier lieu, au point 4.1 de la décision attaquée, la Commission a décrit les « [p]rincipes de base et [la] structure de l’entente ». Aux considérants 107 et 108 de cette décision, elle a indiqué que l’enquête avait révélé une entente d’ampleur mondiale fondée sur un réseau de contacts bilatéraux et multilatéraux entretenus sur une longue période entre les concurrents, concernant le comportement qu’ils avaient décidé, prévu ou envisagé d’adopter en rapport avec divers éléments du prix des services de fret, à savoir la STC, la STS et le refus de paiement de commissions. Elle a souligné que ce réseau de contacts avait pour objectif commun de coordonner le comportement des concurrents en matière de tarification ou de réduire l’incertitude en ce qui concerne leur politique de prix (ci-après l’« entente litigieuse »).
27 Selon le considérant 109 de la décision attaquée, l’application coordonnée de la STC avait pour but de s’assurer que les transporteurs du monde entier imposent une surtaxe forfaitaire par kilo pour tous les envois concernés. Un réseau complexe de contacts, principalement bilatéraux, entre transporteurs aurait été institué dans le but de coordonner et de surveiller l’application de la STC, la date précise d’application étant souvent, selon la Commission, décidée au niveau local, le principal transporteur local prenant généralement la direction et les autres suivant. Cette approche coordonnée aurait été étendue à la STS, tout comme au refus de paiement de commissions, si bien que ces dernières seraient devenues des revenus nets pour les transporteurs et auraient constitué une mesure d’encouragement supplémentaire pour amener ceux-ci à suivre la coordination relative aux surtaxes.
28 Selon le considérant 110 de la décision attaquée, la direction générale du siège de plusieurs transporteurs aurait été soit directement impliquée dans les contacts avec les concurrents, soit régulièrement informée de ceux-ci. Dans le cas des surtaxes, les employés responsables du siège auraient été en contact mutuel lorsqu’un changement de niveau de la surtaxe était imminent. Le refus de paiement de commissions aurait également été confirmé à plusieurs reprises lors de contacts se tenant au niveau de l’administration centrale. Des contacts fréquents auraient également eu lieu au niveau local dans le but, d’une part, de mieux exécuter les instructions données par les administrations centrales et de les adapter aux conditions de marché locales et, d’autre part, de coordonner et de mettre en œuvre les initiatives locales. Dans ce dernier cas, les sièges des transporteurs auraient généralement autorisé l’action proposée ou en auraient été informés.
29 Selon le considérant 111 de la décision attaquée, les transporteurs auraient pris contact les uns avec les autres, soit de manière bilatérale, soit en petits groupes, soit, dans certains cas, en grands forums multilatéraux. Les associations locales de représentants de transporteurs auraient été utilisées, notamment à Hong Kong et en Suisse, pour discuter de mesures d’amélioration du rendement et pour coordonner les surtaxes. Des réunions d’alliances telles que l’alliance WOW auraient également été exploitées à ces fins.
30 En deuxième lieu, aux points 4.3, 4.4 et 4.5 de la décision attaquée, la Commission a décrit les contacts concernant, respectivement, la STC, la STS et le refus de paiement de commissions (ci-après les « contacts litigieux »).
31 Ainsi, premièrement, aux considérants 118 à 120 de la décision attaquée, la Commission a résumé les contacts relatifs à la STC comme suit :
« (118) Un réseau de contacts bilatéraux, impliquant plusieurs compagnies aériennes, a été institué fin 1999-début 2000, permettant un partage d’informations sur les actions des entreprises par les participants entre tous les membres du réseau. Les transporteurs prenaient régulièrement contact les uns avec les autres afin de discuter de toute question se posant en rapport avec la STC, notamment les modifications du mécanisme, les changements du niveau de la STC, l’application cohérente du mécanisme et les situations dans lesquelles certaines compagnies aériennes ne suivaient pas le système.
(119) Pour la mise en œuvre des STC au niveau local, un système par lequel les compagnies aériennes dominantes sur certaines liaisons ou dans certains pays annonçaient en premier le changement et étaient ensuite suivies par les autres, a souvent été appliqué […]
(120) La coordination anticoncurrentielle concernant la STC se déroulait principalement dans quatre contextes : en rapport avec l’introduction des STC au début 2000, la réintroduction d’un mécanisme de STC après l’annulation du mécanisme prévu par l’[Association du transport aérien international (IATA)], l’introduction de nouveaux seuils de déclenchement (augmentant le niveau maximal de la STC) et surtout le moment où les indices de carburant approchaient le seuil auquel une augmentation ou une diminution de la STC allait être déclenchée. »
32 Deuxièmement, au considérant 579 de la décision attaquée, la Commission a résumé les contacts relatifs à la STS comme suit :
« Plusieurs [transporteurs incriminés] ont discuté, entre autres, de leurs intentions d’introduire une STS […] De plus, le montant de la surtaxe et le calendrier d’introduction ont également été discutés. Les [transporteurs incriminés] ont en outre partagé des idées sur la justification à donner à leurs clients. Des contacts ponctuels concernant la mise en œuvre de la STS ont eu lieu pendant toute la période couvrant les années 2002 à 2006. La coordination illicite a eu lieu à la fois au niveau des administrations centrales et au niveau local. »
33 Troisièmement, au considérant 676 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les transporteurs incriminés avaient « continué à refuser de payer une commission sur les surtaxes et s[’étaient] confirmé mutuellement leur intention dans ce domaine lors de nombreux contacts ».
34 En troisième lieu, au point 4.6 de la décision attaquée, la Commission a procédé à l’appréciation des contacts litigieux. L’appréciation de ceux retenus contre les requérantes figure aux considérants 803 à 806 de cette décision.
35 En quatrième lieu, au point 5 de la décision attaquée, la Commission a procédé à l’application aux faits de l’espèce de l’article 101 TFUE, tout en précisant, à la note en bas de page no 1289 de cette décision que les considérations retenues valaient également pour l’article 53 de l’accord EEE et l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien. Ainsi, premièrement, au considérant 846 de ladite décision, elle a retenu que les transporteurs incriminés avaient coordonné leur comportement ou influencé la tarification, « ce qui rev[enai]t en définitive à une fixation de prix en rapport avec » la STC, la STS et le paiement d’une commission sur les surtaxes. Au considérant 861 de la même décision, elle a qualifié le « système général de coordination du comportement de tarification pour des services de fret » dont son enquête avait révélé l’existence d’« infraction complexe se composant de diverses actions qui [pouvaient] être qualifiées soit d’accord, soit de pratique concertée dans le cadre desquels les concurrents [avaie]nt sciemment substitué la coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence ».
36 Deuxièmement, au considérant 869 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le « comportement en cause constitu[ait] une infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE ». Elle a ainsi considéré que les arrangements en cause poursuivaient un objectif anticoncurrentiel unique consistant à entraver la concurrence dans le secteur du fret au sein de l’EEE, y compris lorsque la coordination s’était déroulée au niveau local et avait connu des variations locales (considérants 872 à 876), portaient sur un « [p]roduit/services unique », à savoir « la fourniture de services de fret […] et leur tarification » (considérant 877), concernaient les mêmes entreprises (considérant 878), revêtaient une nature unique (considérant 879) et portaient sur trois composantes, à savoir la STC, la STS et le refus de paiement de commissions, qui ont « fréquemment été discuté[e]s conjointement au cours du même contact avec les concurrents » (considérant 880).
37 Au considérant 881 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que « la majorité des parties », dont les requérantes, était impliquée dans les trois composantes de l’infraction unique.
38 Troisièmement, au considérant 884 de la décision attaquée, la Commission a conclu au caractère continu de l’infraction en cause.
39 Quatrièmement, aux considérants 885 à 890 de la décision attaquée, la Commission a examiné la pertinence des contacts intervenus dans des pays tiers et des contacts concernant des liaisons que les transporteurs n’avaient jamais desservies ou qu’ils n’auraient pas pu légalement desservir. Elle a estimé que, au regard du caractère mondial de l’entente litigieuse, ces contacts étaient pertinents pour établir l’existence de l’infraction unique et continue. En particulier, d’une part, elle a relevé que les surtaxes étaient des mesures d’application générale qui n’étaient pas spécifiques à une liaison, mais avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons, au niveau mondial, y compris sur les liaisons au départ et à destination de l’EEE et de la Suisse. Elle a indiqué que le refus de paiement de commissions revêtait également un caractère général. D’autre part, elle a considéré qu’aucune barrière insurmontable n’empêchait les transporteurs de fournir des services de fret sur les liaisons qu’ils n’avaient jamais desservies ou qu’ils n’auraient pas pu légalement desservir, notamment grâce aux accords qu’ils étaient en mesure de conclure entre eux.
40 Cinquièmement, au considérant 903 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le comportement litigieux avait pour objet de restreindre la concurrence « au moins au sein de l’U[nion], dans l’EEE et en Suisse ». Au considérant 917 de cette décision, elle a, en substance, ajouté qu’il n’était, dès lors, pas nécessaire de prendre en considération les « effets concrets » de ce comportement.
41 Sixièmement, aux considérants 922 à 971 de la décision attaquée, la Commission s’est penchée sur l’alliance WOW. Au considérant 971 de cette décision, elle a conclu ce qui suit :
« Étant donné la teneur de l’accord d’alliance WOW et sa mise en œuvre, la Commission considère que la coordination des surtaxes entre les membres de l[’alliance] WOW s’est déroulée en dehors du cadre légitime de l’alliance, qui ne la justifie pas. Les membres avaient en réalité connaissance de l’illicéité d’une telle coordination. Ils étaient en outre au courant que la coordination des surtaxes impliquait plusieurs [transporteurs] qui ne participaient pas à l[’alliance] WOW. La Commission estime donc que les éléments probants concernant des contacts entre les membres de l[’alliance] WOW […] constituent la preuve de leur participation à l’infraction à l’article 101 du TFUE telle qu’elle est décrite dans la présente décision. »
42 Septièmement, aux considérants 972 à 1021 de la décision attaquée, la Commission a examiné la réglementation de sept pays tiers, dont plusieurs transporteurs incriminés soutenaient qu’elle leur imposait de se concerter sur les surtaxes, faisant ainsi obstacle à l’application des règles de concurrence pertinentes. La Commission a considéré que ces transporteurs étaient restés en défaut de prouver qu’ils avaient agi sous la contrainte desdits pays tiers.
43 Huitièmement, aux considérants 1024 à 1035 de la décision attaquée, la Commission a retenu que l’infraction unique et continue était susceptible d’affecter de manière sensible les échanges entre États membres, entre les parties contractantes à l’accord EEE et entre les parties contractantes à l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.
44 Neuvièmement, la Commission a examiné les limites de sa compétence territoriale et temporelle pour constater et sanctionner une infraction aux règles de concurrence dans le cas d’espèce. D’une part, aux considérants 822 à 832 de la décision attaquée, sous le titre « Compétence de la Commission », elle a, en substance, retenu qu’elle n’appliquerait pas, tout d’abord, l’article 101 TFUE aux accords et pratiques antérieurs au 1er mai 2004 concernant les liaisons entre des aéroports au sein de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE (ci-après les « liaisons Union-pays tiers »), ensuite, l’article 53 de l’accord EEE aux accords et pratiques antérieurs au 19 mai 2005 concernant les liaisons Union-pays tiers et les liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont parties contractantes à l’accord EEE et qui ne sont pas membres de l’Union et des aéroports situés dans des pays tiers (ci-après les « liaisons EEE sauf Union-pays tiers » et, conjointement avec les liaisons Union-pays tiers, les « liaisons EEE-pays tiers ») et, enfin, l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien aux accords et pratiques antérieurs au 1er juin 2002 concernant les liaisons entre des aéroports au sein de l’Union et des aéroports suisses (ci-après les « liaisons Union-Suisse »). Elle a aussi précisé que la décision attaquée n’avait « nullement la prétention de révéler une quelconque infraction à l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] concernant les services de fret [entre] la Suisse [et] des pays tiers ».
45 D’autre part, aux considérants 1036 à 1046 de la décision attaquée, sous le titre « L’applicabilité de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE aux liaisons entrantes », la Commission a rejeté les arguments de différents transporteurs incriminés selon lesquels elle outrepassait les limites de sa compétence territoriale au regard des règles de droit international public en constatant et en sanctionnant une infraction à ces deux dispositions sur les liaisons au départ de pays tiers et à destination de l’EEE (ci-après les « liaisons entrantes » et, s’agissant des services de fret offerts sur ces liaisons, les « services de fret entrants »). En particulier, au considérant 1042 de cette décision, elle a rappelé comme suit les critères qu’elle estimait applicables :
« En ce qui concerne l’application extraterritoriale de l’article 101 du TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, ces dispositions sont applicables aux accords qui sont mis en œuvre au sein de l’U[nion] (théorie de la mise en œuvre) ou qui ont des effets immédiats, substantiels et prévisibles au sein de l’U[nion] (théorie des effets). »
46 Aux considérants 1043 à 1046 de la décision attaquée, la Commission a appliqué les critères en question aux faits de l’espèce :
« (1043) Dans le cas des services de fret [entrants], l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE sont applicables parce que le service lui-même, qui fait l’objet de l’infraction en matière de fixation de prix, doit être rendu et est en effet rendu en partie sur le territoire de l’EEE. De plus, de nombreux contacts par lesquels les destinataires ont coordonné les surtaxes et le [refus de] paiement de commissions ont eu lieu à l’intérieur de l’EEE ou ont impliqué des participants se trouvant dans l’EEE.
(1044) […] l’exemple cité dans la communication [consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2008, C 95, p. 1 et rectificatif JO 2009, C 43, p. 10)] n’est pas pertinent ici. La[dite] communication se rapporte à la répartition géographique du chiffre d’affaires entre les entreprises aux fins de déterminer si les seuils de chiffre d’affaires de l’article 1er du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises [(JO 2004, L 24, p. 1)] sont atteints.
(1045) En outre, les pratiques anticoncurrentielles dans les pays tiers en ce qui concerne le transport du fret […] vers l’Union et l’EEE sont susceptibles d’avoir des effets immédiats, substantiels et prévisibles au sein de l’Union et de l’EEE, étant donné que les coûts accrus du transport aérien vers l’EEE et donc les prix plus élevés des marchandises importées sont, de par leur nature, susceptibles d’avoir des effets sur les consommateurs au sein de l’EEE. En l’espèce, les pratiques anticoncurrentielles éliminant la concurrence entre les transporteurs qui offrent des services de fret [entrants] étaient susceptibles d’avoir de tels effets également sur la fourniture de services de [fret] par d’autres transporteurs au sein de l’EEE, entre les plateformes de correspondance (“hubs”) dans l’EEE utilisées par les transporteurs de pays tiers et les aéroports de destination de ces envois dans l’EEE qui ne sont pas desservis par le transporteur du pays tiers.
(1046) Enfin, il convient de souligner que la Commission a découvert une entente au niveau mondial. L’entente a été mise en œuvre mondialement et les arrangements de l’entente concernant les liaisons entrantes faisaient partie intégrante de l’infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE. Les arrangements de l’entente étaient, dans de nombreux cas, organisés au niveau central et le personnel local ne faisait que les appliquer. L’application uniforme des surtaxes à une échelle mondiale était un élément clé de l’entente. »
47 En cinquième lieu, au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission a retenu que l’entente litigieuse avait débuté le 7 décembre 1999 et duré jusqu’au 14 février 2006. Au même considérant, elle a précisé que cette entente avait enfreint :
– l’article 101 TFUE, du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien entre des aéroports au sein de l’Union ;
– l’article 101 TFUE, du 1er mai 2004 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons Union-pays tiers ;
– l’article 53 de l’accord EEE, du 7 décembre 1999 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien entre les aéroports au sein de l’EEE (ci-après les « liaisons intra-EEE ») ;
– l’article 53 de l’accord EEE, du 19 mai 2005 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers ;
– l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, du 1er juin 2002 au 14 février 2006, en ce qui concernait le transport aérien sur les liaisons Union-Suisse.
48 En ce qui concerne les requérantes, la Commission a retenu que la durée de l’infraction s’étendait du 4 janvier 2000 au 14 février 2006.
49 En sixième lieu, au point 8 de la décision attaquée, la Commission s’est penchée sur les mesures correctives à prendre et les amendes à infliger.
50 S’agissant, en particulier, de la détermination du montant des amendes, la Commission a indiqué avoir pris en compte la gravité et la durée de l’infraction unique et continue ainsi que les éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes. Elle s’est référée à cet égard aux lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).
51 Aux considérants 1184 et 1185 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le montant de base de l’amende se composait d’une proportion pouvant aller jusqu’à 30 % de la valeur des ventes de l’entreprise, déterminée en fonction de la gravité de l’infraction, multipliée par le nombre d’années de participation de l’entreprise à l’infraction, à laquelle s’ajoutait un montant additionnel compris entre 15 et 25 % de la valeur des ventes (ci-après le « montant additionnel »).
52 Au considérant 1197 de la décision attaquée, la Commission a déterminé la valeur des ventes en additionnant, sur l’année 2005, qui était la dernière année complète avant la fin de l’infraction unique et continue, le chiffre d’affaires lié aux vols dans les deux sens sur les liaisons intra-EEE, sur les liaisons Union-pays tiers, sur les liaisons Union-Suisse ainsi que sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Elle a également tenu compte de l’adhésion à l’Union de nouveaux États membres en 2004.
53 Aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, tenant compte de la nature de l’infraction (accords horizontaux de fixation de prix), de la part de marché cumulée des transporteurs incriminés (34 % au niveau mondial et au moins autant sur les liaisons intra-EEE et EEE-pays tiers), de l’étendue géographique de l’entente litigieuse (mondiale) et de sa mise en œuvre effective, la Commission a fixé le coefficient de gravité à 16 %.
54 Aux considérants 1214 à 1217 de la décision attaquée, la Commission a déterminé la durée de la participation des requérantes à l’infraction unique et continue comme suit, en fonction des liaisons concernées :
– en ce qui concernait les liaisons intra-EEE, pour SAC et SIA, respectivement, du 1er juillet 2001 au 14 février 2006 et du 4 janvier 2000 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, respectivement, à quatre ans et sept mois et six ans et un mois, et un facteur de multiplication, respectivement, de 4 et 7/12 et de 6 et 1/12 ;
– en ce qui concernait les liaisons Union-pays tiers, pour SAC et SIA, du 1er mai 2004 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à un an et neuf mois, et un facteur de multiplication de 1 et 9/12 ;
– en ce qui concernait les liaisons Union-Suisse, pour SAC et SIA, du 1er juin 2002 au 14 février 2006, évaluée, en nombre d’années et de mois, à trois ans et huit mois, et un facteur de multiplication de 3 et 8/12 ;
– en ce qui concernait les liaisons EEE sauf Union-pays tiers, pour SAC et SIA : du 19 mai 2005 au 14 février 2006, évaluée, en nombre de mois, à huit mois, et un facteur de multiplication de 8/12.
55 Au considérant 1219 de la décision attaquée, la Commission a retenu que, au regard des circonstances spécifiques de l’affaire et des critères exposés au point 53 ci-dessus, le montant additionnel devait correspondre à 16 % de la valeur des ventes.
56 En conséquence, aux considérants 1240 à 1242 de la décision attaquée, le montant de base évalué pour les requérantes à 177 000 000 euros a été arrêté à 88 000 000 euros, après application d’une réduction de 50 % fondée sur le paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 (ci-après la « réduction générale de 50 % ») et liée au fait qu’une partie des services relatifs aux liaisons entrantes et aux liaisons au départ de l’EEE et à destination de pays tiers (ci-après les « liaisons sortantes ») était fournie hors du territoire couvert par l’accord EEE et qu’une part du préjudice était donc susceptible de se produire en dehors dudit territoire.
57 Aux considérants 1264 et 1265 de la décision attaquée, en application du paragraphe 29 des lignes directrices de 2006, la Commission a octroyé aux transporteurs incriminés une réduction supplémentaire du montant de base de l’amende de 15 % (ci-après la « réduction générale de 15 % »), au motif que certains régimes réglementaires avaient encouragé l’entente litigieuse.
58 En conséquence, au considérant 1293 de la décision attaquée, la Commission a fixé le montant de base de l’amende des requérantes après ajustement à 74,8 millions d’euros.
59 Le dispositif de la décision attaquée, pour autant qu’il concerne le présent litige, se lit comme suit :
« Article premier
En coordonnant leur comportement en matière de tarification pour la fourniture de services de [fret] dans le monde entier en ce qui concerne la [STC], la [STS] et le paiement d’une commission sur les surtaxes, les entreprises suivantes ont commis l’infraction unique et continue suivante à l’article 101 [TFUE], à l’article 53 de [l’accord EEE] et à l’article 8 de [l’accord CE-Suisse sur le transport aérien] en ce qui concerne les liaisons suivantes et pendant les périodes suivantes.
1) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE et l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons [intra-EEE], pendant les périodes suivantes :
[…]
r) [SAC], du 1er juillet 2001 au 14 février 2006 ;
s) [SIA], du 4 janvier 2000 au 14 février 2006.
2) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 101 du TFUE en ce qui concerne les liaisons [Union-pays tiers], pendant les périodes suivantes :
[…]
q) [SAC], du 1er mai 2004 au 14 février 2006 ;
r) [SIA], du 1er mai 2004 au 14 février 2006.
3) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons [EEE sauf Union-pays tiers], pendant les périodes suivantes :
[…]
q) [SAC], du 19 mai 2005 au 14 février 2006 ;
r) [SIA], du 19 mai 2005 au 14 février 2006.
4) Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 8 de l’accord [CE-Suisse] sur le transport aérien en ce qui concerne les liaisons [Union-Suisse], pendant les périodes suivantes :
[…]
r) [SAC], du 1er juin 2002 au 14 février 2006 ;
s) [SIA], du 1er juin 2002 au 14 février 2006.
Article 2
La décision […] du 9 novembre 2010 est modifiée comme suit :
à l’article 5, les [sous] j), k) et l) sont abrogés.
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction unique et continue visée à l’article 1er de la présente décision et en ce qui concerne British Airways […], également pour les aspects des articles 1er à 4 de la décision […] du 9 novembre 2010 qui sont devenus définitifs :
[…]
s) [les requérantes] conjointement et solidairement : 74 800 000 EUR ;
[…] »
Article 4
Les entreprises visées à l’article 1er mettent immédiatement fin à l’infraction unique et continue visée audit article, dans la mesure où elles ne l’ont pas encore fait.
Elles s’abstiennent également de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire.
Article 5
Sont destinataires de la présente décision :
[…]
[les requérantes]
[…] »
II. Procédure et conclusions des parties
60 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er juin 2017, les requérantes ont introduit le présent recours.
61 La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 29 septembre 2017.
62 Les requérantes ont déposé la réplique au greffe du Tribunal le 15 décembre 2017.
63 La Commission a déposé la duplique au greffe du Tribunal le 2 mars 2018.
64 Le 24 avril 2019, sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer la présente affaire devant une formation de jugement élargie.
65 Le 7 juin 2019, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties. Ces dernières ont répondu dans le délai imparti.
66 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 26 juin 2019. Les requérantes ont produit, à cette occasion, une nouvelle pièce que le Tribunal a décidé de verser au dossier tout en réservant la question de sa recevabilité.
67 Par ordonnance du 31 juillet 2020, le Tribunal (quatrième chambre élargie), considérant qu’il était insuffisamment éclairé et qu’il y avait lieu d’inviter les parties à présenter leurs observations concernant un argument sur lequel elles n’avaient pas débattu, a ordonné la réouverture de la phase orale de la procédure en application de l’article 113 du règlement de procédure.
68 Les parties ont, dans le délai imparti, répondu à une série de questions posées par le Tribunal le 4 août 2020, puis soumis des observations sur leurs réponses respectives.
69 Par décision du 6 novembre 2020, le Tribunal a clos de nouveau la phase orale de la procédure.
70 Les requérantes concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée, en tout ou en partie, en tant qu’elle les concerne ;
– en outre, ou à titre subsidiaire, réduire significativement le montant de l’amende qui leur a été infligée ;
– condamner la Commission aux dépens ;
– adopter toute mesure nécessaire dans les circonstances de l’affaire.
71 La Commission conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– modifier le montant de l’amende infligée aux requérantes en leur retirant le bénéfice de la réduction générale de 50 % et de la réduction générale de 15 % dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes ;
– condamner les requérantes aux dépens.
III. En droit
72 Dans le cadre de leur recours, les requérantes formulent tant des conclusions en annulation de la décision attaquée que des conclusions tendant à la réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée. Quant à la Commission, elle a formulé une demande tendant, en substance, à la modification du montant de l’amende infligée aux requérantes dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes.
A. Sur les conclusions en annulation
73 Les requérantes invoquent cinq moyens à l’appui de leurs conclusions en annulation. Ces moyens sont tirés :
– le premier, d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’établissement de l’existence de l’infraction unique et continue ;
– le deuxième, d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation s’agissant du refus de paiement de commissions ;
– le troisième, d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’examen des contacts intervenus au sein de l’alliance WOW ;
– le quatrième, d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’établissement de la participation des requérantes à l’infraction unique et continue ;
– le cinquième, d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’imputation de la responsabilité de l’infraction unique et continue aux requérantes.
74 Le Tribunal estime opportun d’examiner, tout d’abord, la deuxième branche du premier moyen, qui est prise d’un défaut de compétence pour constater et sanctionner une violation de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes, ensuite, le moyen relevé d’office, tiré de l’incompétence de la Commission au regard de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pour constater et sanctionner une infraction sur les liaisons entre des aéroports situés dans des pays qui sont parties contractantes à l’accord EEE et qui ne sont pas membres de l’Union et des aéroports situés en Suisse (ci-après les « liaisons EEE sauf Union-Suisse »), et, enfin, les trois branches restantes du premier moyen, ainsi que les deuxième à cinquième moyens.
1. Sur la deuxième branche du premier moyen, prise du défaut de compétence de la Commission pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants
75 La présente branche, par laquelle les requérantes soutiennent que la Commission n’était pas compétente pour appliquer l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE aux services de fret entrants, s’articule, en substance, en trois griefs. Ils sont tirés, le premier, du défaut de pertinence du règlement (CE) no 411/2004 du Conseil, du 26 février 2004, abrogeant le règlement (CEE) no 3975/87 et modifiant le règlement (CEE) no 3976/87 ainsi que le règlement no 1/2003, en ce qui concerne les transports aériens entre la Communauté et les pays tiers (JO 2004, L 68, p. 1), le deuxième, de l’application erronée du critère de la mise en œuvre et, le troisième, de l’application erronée du critère des effets qualifiés.
a) Sur le premier grief, tiré d’une erreur dans l’interprétation du règlement no 411/2004
76 Les requérantes soutiennent qu’il est dénué de pertinence que l’article 101 TFUE soit, comme il ressort du considérant 1041 de la décision attaquée, applicable aux pratiques anticoncurrentielles sur les liaisons Union-pays tiers « dans les deux sens ». En effet, l’applicabilité de l’article 101 TFUE au transport aérien entrant ne serait pas en cause, pour autant que les conditions relatives à la compétence soient satisfaites. Dans le secteur du transport aérien de passagers, l’article 101 TFUE serait couramment appliqué au trafic entrant, parce que la majeure partie des ventes dans l’Union concernerait des vols allers-retours. À l’inverse, en matière de services de fret, les vols seraient unidirectionnels et les ventes auraient lieu dans l’aéroport d’origine.
77 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
78 À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 103, paragraphe 1, TFUE investit le Conseil de l’Union européenne de la compétence d’arrêter les règlements ou directives utiles en vue de l’application des principes figurant aux articles 101 et 102 TFUE.
79 En l’absence d’une telle réglementation, les articles 104 et 105 TFUE s’appliquent et imposent, en substance, aux autorités des États membres l’obligation d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE et limitent les pouvoirs de la Commission en la matière à la faculté d’instruire, sur demande d’un État membre ou d’office, et en liaison avec les autorités compétentes des États membres qui lui prêtent leur assistance, les cas d’infraction présumée aux principes fixés par ces dispositions et, le cas échéant, de proposer les moyens propres à y mettre fin (arrêt du 30 avril 1986, Asjes e.a., 209/84 à 213/84, EU:C:1986:188, points 52 à 54 et 58).
80 Le 6 février 1962, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article [103 TFUE], le règlement no 17, premier règlement d’application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 1962, 13, p. 204).
81 Toutefois, le règlement no 141 du Conseil, du 26 novembre 1962, portant non-application du règlement no 17 du Conseil au secteur des transports (JO 1962, 124, p. 2751), a soustrait l’ensemble du secteur des transports à l’application du règlement no 17 (arrêt du 11 mars 1997, Commission/UIC, C 264/95 P, EU:C:1997:143, point 44). Dans ces conditions, en l’absence d’une réglementation telle que celle prévue à l’article 103, paragraphe 1, TFUE, les articles 104 et 105 TFUE sont initialement demeurés applicables aux transports aériens (arrêt du 30 avril 1986, Asjes e.a., 209/84 à 213/84, EU:C:1986:188, points 51 et 52).
82 La conséquence en a été une répartition des compétences entre les États membres et la Commission pour l’application des articles 101 et 102 TFUE telle que celle décrite au point 79 ci-dessus.
83 Ce n’est qu’en 1987 que le Conseil a adopté un règlement concernant le transport aérien au titre de l’article 103, paragraphe 1, TFUE. Il s’agit du règlement (CEE) no 3975/87 du Conseil, du 14 décembre 1987, déterminant les modalités d’application des règles de concurrence applicables aux entreprises de transports aériens (JO 1987, L 374, p. 1), qui a conféré à la Commission le pouvoir d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE aux transports aériens internationaux entre des aéroports au sein de l’Union, à l’exclusion des transports aériens internationaux entre les aéroports d’un État membre et ceux d’un pays tiers (arrêt du 11 avril 1989, Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro, 66/86, EU:C:1989:140, point 11). Ces derniers sont demeurés assujettis aux articles 104 et 105 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2000, Aéroports de Paris/Commission, T 128/98, EU:T:2000:290, point 55).
84 L’entrée en vigueur, en 1994, du protocole 21 de l’accord EEE concernant la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises (JO 1994, L 1, p. 181) a étendu ce régime à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues par l’accord EEE, excluant ainsi que la Commission puisse appliquer les articles 53 et 54 de l’accord EEE aux transports aériens internationaux entre les aéroports des États parties à l’EEE qui ne sont pas membres de l’Union et ceux de pays tiers.
85 Le règlement no 1/2003 et la décision du Comité mixte de l’EEE no 130/2004, du 24 septembre 2004, modifiant l’annexe XIV (Concurrence), le protocole 21 (concernant la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises) et le protocole 23 (concernant la coopération entre les autorités de surveillance) de l’accord EEE (JO 2005, L 64, p. 57), qui a par la suite incorporé ce règlement à l’accord EEE, ont initialement laissé intact ce régime. L’article 32, sous c), dudit règlement prévoyait, en effet, que ce dernier « ne s’appliqu[ait] pas aux transports aériens entre les aéroports de [l’Union] et des pays tiers ».
86 Le règlement no 411/2004, dont l’article 1er a abrogé le règlement no 3975/87 et dont l’article 3 a supprimé l’article 32, sous c), du règlement no 1/2003, a conféré à la Commission le pouvoir d’appliquer les articles 101 et 102 TFUE aux liaisons Union-pays tiers à compter du 1er mai 2004.
87 La décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005, du 11 mars 2005, modifiant l’annexe XIII (Transports) et le protocole 21 (concernant la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises) de l’accord EEE (JO 2005, L 198, p. 38), a incorporé le règlement no 411/2004 à l’accord EEE, conférant à la Commission le pouvoir d’appliquer les articles 53 et 54 de l’accord EEE aux liaisons EEE sauf Union-pays tiers à compter du 19 mai 2005.
88 Dans la présente affaire, les requérantes ne contestent pas que, comme il ressort du considérant 1041 de la décision attaquée, il se déduit des considérants 2 et 3 du règlement no 411/2004 que l’article 101 TFUE était applicable aux liaisons Union-pays tiers « dans les deux sens ». Les requérantes ne soutiennent pas davantage que l’article 53 de l’accord EEE demeurerait inapplicable aux liaisons EEE sauf Union-pays tiers entrantes à la suite de l’entrée en vigueur de la décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005.
89 Il s’ensuit que règlement no 411/2004 ne fait pas obstacle à ce que la Commission applique l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE s’agissant des liaisons entrantes. L’étendue du champ d’application du règlement no 411/2004 n’est donc pas dénuée de pertinence aux fins de délimiter cette compétence.
b) Sur les deuxième et troisième griefs, tirés, respectivement, d’une erreur dans l’application du critère de la mise en œuvre et d’une erreur dans l’application du critère des effets qualifiés
90 Il convient d’observer que, comme le font valoir les requérantes, s’agissant d’un comportement adopté en dehors du territoire de l’EEE, la seule existence de directives ou règlements visés à l’article 103, paragraphe 1, TFUE ne suffit pas à fonder la compétence de la Commission au regard du droit international public pour constater et sanctionner une violation de l’article 101 TFUE ou de l’article 53 de l’accord EEE.
91 Encore faut-il que la Commission puisse établir cette compétence au regard du critère de la mise en œuvre ou au regard du critère des effets qualifiés (voir, en ce sens, arrêts du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, points 40 à 47, et du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T 441/14, EU:T:2018:453, points 95 à 97).
92 Ces critères sont alternatifs et non cumulatifs (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T 441/14, EU:T:2018:453, point 98 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, points 62 à 64).
93 Aux considérants 1043 à 1046 de la décision attaquée, la Commission s’est fondée tant sur le critère de la mise en œuvre que sur le critère des effets qualifiés pour établir au regard du droit international public sa compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes.
94 Les requérantes invoquant une erreur dans l’application de chacun de ces deux critères, le Tribunal estime qu’il est opportun d’examiner d’abord si la Commission était fondée à se prévaloir du critère des effets qualifiés. Conformément à la jurisprudence citée au point 92 ci-dessus, ce n’est que dans la négative qu’il conviendra de vérifier si la Commission pouvait s’appuyer sur le critère de la mise en œuvre.
95 Les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission ne saurait tirer du critère des effets qualifiés la compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons entrantes. La Commission serait, en effet, restée en défaut d’apporter les indices factuels nécessaires pour étayer sa compétence sur cette base. Elle se contenterait de se prévaloir, au considérant 1045 de la décision attaquée, des coûts accrus du transport aérien vers l’EEE et des prix plus élevés des marchandises importées qui en aurait résulté. Ceci reviendrait à supposer que le comportement litigieux a eu un effet sensible sur la tarification des services de transport aérien, ce que les requérantes et d’autres transporteurs auraient vivement contesté lors de la procédure administrative. Or, la Commission se serait bornée à écarter leurs arguments en indiquant, au considérant 917 de la décision attaquée, qu’elle ne procédait à aucune appréciation des effets anticoncurrentiels.
96 Au stade de la réplique, les requérantes ajoutent qu’une augmentation du prix des marchandises importées relève d’un préjudice économique et non d’une restriction de la concurrence, et ne peut dès lors constituer un « effet qualifié », qui, selon la jurisprudence, devrait prendre la forme d’une restriction du jeu de la concurrence.
97 Les requérantes font également valoir que le motif figurant au considérant 1046 de la décision attaquée, tiré du caractère mondial de l’entente litigieuse, est peu clair et dénué de pertinence. En l’absence de toute définition adéquate du marché pertinent dans la décision attaquée et de toute démonstration du caractère mondial de celui-ci, il serait loin d’être clair en quoi ce motif constituerait un fondement sur lequel la Commission pourrait asseoir sa compétence en matière de tarification sur des marchés situés hors de l’Union alors que ni le critère de la mise en œuvre ni le critère des effets qualifiés ne sont satisfaits. À l’appui de leur argumentation, les requérantes invoquent l’arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission (T 91/11, EU:T:2014:92, point 59).
98 Au stade de la réplique, les requérantes ajoutent, en substance, que la Commission ne saurait, en s’appuyant sur le considérant 1046 de la décision attaquée et sur l’arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C 413/14 P, EU:C:2017:632, point 50), se prévaloir du fait que la coordination des prix sur les liaisons entrantes faisait partie intégrante de l’infraction unique et continue pour établir sa compétence.
99 En effet, premièrement, la décision attaquée indiquerait expressément, au considérant 917, qu’elle ne procède à aucune appréciation des effets anticoncurrentiels.
100 Deuxièmement, la Commission serait tenue de satisfaire à l’exigence tirée du libellé explicite de l’article 101 TFUE, selon lequel les accords ou les pratiques concertées ne sont contraires à cette disposition que s’ils ont pour objet ou pour effet de restreindre le jeu de la concurrence dans le marché intérieur. Or, la restriction de la concurrence dans une affaire relative à la tarification aurait lieu au point de vente, qui, pour les services de fret entrants, se trouve hors du marché intérieur.
101 Troisièmement, l’application du point 50 de l’arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission (C 413/14 P, EU:C:2017:632), serait plus complexe dans le cadre de l’article 101 TFUE que dans le cadre de l’article 102 TFUE. Dans le cadre d’une affaire relevant de l’article 102 TFUE concernant une pratique d’éviction abusive, l’effet anticoncurrentiel se réfèrerait au maintien ou à l’augmentation du pouvoir de marché d’une entreprise ayant une position dominante dans l’Union. Un système ou un plan anticoncurrentiel visant cet objectif constituerait un abus unique et la stratégie globale dans cette situation créerait un lien entre tous les comportements et l’effet anticoncurrentiel. À l’inverse, dans une affaire relevant de l’article 101 TFUE, l’effet anticoncurrentiel se réfère à une restriction du jeu de la concurrence au sein du marché intérieur. Afin de déterminer si un comportement s’inscrivant dans une infraction unique et continue entraîne cet effet concret, il pourrait s’avérer opportun d’examiner les effets cumulés des comportements dans les cas où une infraction unique et continue dans une affaire relevant de l’article 101 TFUE implique une stratégie ou des comportements globaux sur plusieurs marchés qui sont complémentaires. À l’inverse, lorsqu’une infraction unique et continue reposerait, comme en l’espèce, sur un objet commun et des liens de connexité sans qu’il soit possible de conclure à l’existence d’un plan ou d’une stratégie globaux explicites, cette approche ne fonctionnerait pas. Autrement, il serait possible d’appliquer l’article 101 TFUE à la tarification sur des liaisons entièrement extérieures à l’Union.
102 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
103 Dans la décision attaquée, la Commission s’est, en substance, appuyée sur trois motifs autonomes pour retenir que le critère des effets qualifiés était satisfait en l’espèce.
104 Les deux premiers motifs figurent au considérant 1045 de la décision attaquée. Ainsi que la Commission l’a confirmé en réponse aux questions écrites et orales du Tribunal, ces motifs portent sur les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément. Le premier motif tient à ce que les « coûts accrus du transport aérien vers l’EEE et donc les prix plus élevés des marchandises importées [étaie]nt, de par leur nature, susceptibles d’avoir des effets sur les consommateurs au sein de l’EEE ». Le deuxième motif concerne les effets de la coordination relative aux services de fret entrants « également sur la fourniture de services de [fret] par d’autres transporteurs au sein de l’EEE, entre les plateformes de correspondance (“hubs”) dans l’EEE utilisées par les transporteurs de pays tiers et les aéroports de destination de ces envois dans l’EEE qui ne sont pas desservis par le transporteur du pays tiers ».
105 Le troisième motif figure au considérant 1046 de la décision attaquée et concerne, comme il ressort des réponses de la Commission aux questions écrites et orales du Tribunal, les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.
106 Le Tribunal estime qu’il est opportun d’examiner tant les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément que ceux de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble, en commençant par les premiers.
1) Sur les effets de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément
107 Il convient d’examiner d’abord le bien-fondé du premier motif sur lequel se fonde la conclusion de la Commission selon laquelle le critère des effets qualifiés est satisfait en l’espèce (ci-après l’« effet en cause »).
108 À cet égard, il convient de rappeler que, comme il ressort du considérant 1042 de la décision attaquée, le critère des effets qualifiés permet de justifier l’application des règles de concurrence de l’Union et de l’EEE au regard du droit international public lorsqu’il est prévisible que le comportement litigieux produise un effet immédiat et substantiel dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, point 49 ; voir également, en ce sens, arrêt du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T 102/96, EU:T:1999:65, point 90).
109 En l’espèce, les requérantes contestent tant la pertinence de l’effet en cause (voir points 112 à 128 ci-après) que son caractère prévisible (voir points 129 à 144 ci-après), son caractère substantiel (voir points 145 à 155 ci-après) et son caractère immédiat (voir points 156 à 161 ci-après).
i) Sur la pertinence de l’effet en cause
110 Il ressort de la jurisprudence que le fait pour une entreprise participant à un accord ou à une pratique concertée d’être située dans un État tiers ne fait pas obstacle à l’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, dès lors que cet accord ou cette pratique produit ses effets, respectivement, dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin Import, 22/71, EU:C:1971:113, point 11).
111 L’application du critère des effets qualifiés a précisément pour objectif d’appréhender des comportements qui n’ont, certes, pas été adoptés sur le territoire de l’EEE, mais dont les effets anticoncurrentiels sont susceptibles de se faire sentir dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, point 45).
112 Ce critère n’exige pas d’établir que le comportement litigieux a produit des effets qui se sont effectivement matérialisés dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE. Au contraire, selon la jurisprudence, il suffit de tenir compte de l’effet probable de ce comportement sur la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, point 51).
113 Il incombe, en effet, à la Commission d’assurer la protection de la concurrence dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE contre les menaces à son fonctionnement effectif.
114 En présence d’un comportement dont la Commission a, comme en l’espèce, considéré qu’il révélait un degré de nocivité à l’égard de la concurrence dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE tel qu’il pouvait être qualifié de restriction de concurrence « par objet » au sens de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, l’application du critère des effets qualifiés ne saurait, contrairement à ce que laissent entendre les requérantes, pas non plus exiger la démonstration des effets concrets que suppose la qualification d’un comportement de restriction de concurrence « par effet » au sens de ces dispositions.
115 À cet égard, il convient de rappeler que le critère des effets qualifiés est ancré dans le libellé de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE, qui tendent à appréhender les accords et les pratiques qui limitent le jeu de la concurrence, respectivement, dans le marché intérieur et au sein de l’EEE. Ces dispositions interdisent, en effet, les accords et les pratiques des entreprises qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, respectivement, « à l’intérieur du marché intérieur » et « à l’intérieur du territoire couvert par [l’accord EEE] » (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, point 42).
116 Or, il est de jurisprudence constante que l’objet et l’effet anticoncurrentiel sont des conditions non pas cumulatives, mais alternatives pour apprécier si un comportement relève des interdictions énoncées aux articles 101 TFUE et 53 de l’accord EEE (voir, en ce sens, arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C 8/08, EU:C:2009:343, point 28 et jurisprudence citée).
117 Il en résulte que, comme l’a relevé la Commission au considérant 917 de la décision attaquée, la prise en considération des effets concrets du comportement litigieux est superflue, dès lors que l’objet anticoncurrentiel de ce dernier est établi (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, p. 496, et du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C 501/06 P, C 513/06 P, C 515/06 P et C 519/06 P, EU:C:2009:610, point 55).
118 Dans ces conditions, interpréter le critère des effets qualifiés comme semblent le préconiser les requérantes, en ce sens qu’il exigerait la preuve des effets concrets du comportement litigieux même en présence d’une restriction de concurrence « par objet », reviendrait à assujettir la compétence de la Commission pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE à une condition qui ne trouve pas de fondement dans le texte de ces dispositions.
119 Les requérantes ne sauraient par conséquent valablement reprocher à la Commission d’avoir commis une erreur en retenant que le critère des effets qualifiés était satisfait, alors même que celle-ci avait, aux considérants 917, 1190 et 1277 de la décision attaquée, indiqué ne pas être tenue de procéder à une appréciation des effets anticoncurrentiels du comportement litigieux au vu de l’objet anticoncurrentiel de ce dernier. Elle ne saurait pas davantage déduire de ces considérants que la Commission n’a effectué aucune analyse des effets produits par ledit comportement dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE aux fins de l’application de ce critère. À plus forte raison, elles ne sauraient s’appuyer sur une analyse économique pour démontrer qu’il était « impossible de postuler de tels effets dans le secteur du fret ».
120 En effet, au considérant 1045 de la décision attaquée, la Commission a considéré, en substance, que l’infraction unique et continue, en tant qu’elle portait sur les liaisons entrantes, était susceptible d’accroître le montant des surtaxes et, en conséquence, le prix total des services de fret entrants et que les transitaires avaient répercuté ce surcoût sur les expéditeurs implantés dans l’EEE, qui avaient dû payer pour les marchandises qu’ils avaient achetées un prix plus élevé que celui qui leur aurait été facturé en l’absence de ladite infraction.
121 Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne saurait être considéré que cet effet est dénué de pertinence aux fins de l’application du critère des effets qualifiés, au motif qu’il relèverait du préjudice économique plutôt que de la restriction de concurrence.
122 C’est, en effet, à tort que les requérantes avancent que le comportement litigieux, en tant qu’il portait sur les liaisons entrantes, n’était pas susceptible de restreindre la concurrence dans l’EEE, au motif que celle-ci ne s’exerçait que dans les pays tiers où sont établis les transitaires qui s’approvisionnaient en services de fret entrants auprès des transporteurs incriminés.
123 À cet égard, il convient de relever que l’application du critère des effets qualifiés doit s’effectuer au regard du contexte économique et juridique dans lequel s’inscrit le comportement en cause (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 1971, Béguelin Import, 22/71, EU:C:1971:113, point 13).
124 En l’espèce, il ressort des considérants 14, 17 et 70 de la décision attaquée et des réponses des parties aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal que les transporteurs vendent exclusivement ou presque leurs services de fret à des transitaires. Or, s’agissant des services de fret entrants, la vente s’effectue au point d’origine des liaisons en cause, à l’extérieur de l’EEE, où sont établis lesdits transitaires. Il ressort, en effet, de la requête que, entre le 1er mai 2004 et le 14 février 2006, les requérantes n’ont réalisé aucune de leurs ventes de services de fret entrants auprès de clients implantés dans l’EEE.
125 Il convient, cependant, d’observer que, si les transitaires achètent ces services, c’est notamment en qualité d’intermédiaires, pour les consolider dans un lot de services dont l’objet est, par définition, d’organiser le transport intégré de marchandises vers le territoire de l’EEE au nom d’expéditeurs. Ainsi qu’il ressort du considérant 70 de la décision attaquée, ces derniers peuvent notamment être les acheteurs ou les propriétaires des marchandises transportées. Il est donc à tout le moins vraisemblable qu’ils soient établis dans l’EEE.
126 Il s’ensuit que, pour peu que les transitaires répercutent sur le prix de leurs lots de services l’éventuel surcoût résultant de l’entente litigieuse, c’est notamment sur la concurrence que se livrent les transitaires pour capter la clientèle de ces expéditeurs que l’infraction unique et continue, en tant qu’elle concerne les liaisons entrantes, est susceptible d’avoir une incidence et, par suite, c’est dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE que l’effet en cause est susceptible de se matérialiser.
127 En conséquence, le surcoût dont les expéditeurs sont susceptibles d’avoir dû s’acquitter et le renchérissement des marchandises importées dans l’EEE qui peut en avoir résulté comptent parmi les effets produits par le comportement litigieux sur lesquels la Commission était fondée à s’appuyer aux fins de l’application du critère des effets qualifiés.
128 Conformément à la jurisprudence citée au point 108 ci-dessus, la question est donc de savoir si cet effet présente le caractère prévisible, substantiel et immédiat requis.
ii) Sur le caractère prévisible de l’effet en cause
129 L’exigence de prévisibilité vise à assurer la sécurité juridique en garantissant que les entreprises concernées ne puissent être sanctionnées du fait d’effets qui résulteraient, certes, de leur comportement, mais dont elles ne pouvaient pas raisonnablement s’attendre à ce qu’ils surviennent (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Otis Gesellschaft e.a., C 435/18, EU:C:2019:651, point 83).
130 Satisfont ainsi à l’exigence de prévisibilité les effets dont les parties à l’entente en cause doivent raisonnablement savoir, dans les limites des choses généralement connues, qu’ils surviendront, par opposition aux effets qui procèdent d’un déroulement parfaitement inhabituel de circonstances et, de ce fait, d’un enchaînement atypique de causes (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C 557/12, EU:C:2014:45, point 42).
131 Or, il ressort des considérants 846, 909, 1199 et 1208 de la décision attaquée qu’il est, en l’espèce, question d’un comportement collusoire de fixation horizontale des prix, dont l’expérience montre qu’il entraîne notamment des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C 67/13 P, EU:C:2014:2204, point 51).
132 Il ressort également des considérants 846, 909, 1199 et 1208 de la décision attaquée que ce comportement se rapportait à la STC, à la STS et au refus de paiement de commissions.
133 En l’espèce, il était donc prévisible pour les transporteurs incriminés que la fixation horizontale de la STC et de la STS entraînerait l’augmentation du niveau de celles-ci. Comme il ressort des considérants 874, 879 et 899 de la décision attaquée, le refus de paiement de commissions était de nature à renforcer une telle augmentation. Il s’analysait, en effet, en un refus concerté d’octroyer aux transitaires des ristournes sur les surtaxes et tendait ainsi à permettre aux transporteurs incriminés de « maintenir sous contrôle l’incertitude en matière de tarification que la concurrence sur le paiement de commissions [dans le cadre des négociations avec les transitaires] aurait pu créer » (considérant 874 de ladite décision) et de soustraire ainsi les surtaxes au jeu de la concurrence (considérant 879 de cette décision).
134 Or, il ressort du considérant 17 de la décision attaquée que le prix des services de fret se compose des tarifs et de surtaxes, dont la STC et la STS. Sauf à considérer qu’une augmentation de la STC et de la STS serait, par un effet de vases communicants suffisamment probable, compensée par une baisse correspondante des tarifs et d’autres surtaxes, une telle augmentation était, en principe, de nature à entraîner une augmentation du prix total des services de fret entrants. Or, les requérantes sont restées en défaut de démontrer qu’un effet de vases communicants était probable au point de rendre imprévisible l’effet en cause.
135 Dans ces conditions, les parties à l’entente litigieuse auraient raisonnablement pu prévoir que l’infraction unique et continue aurait pour effet, en tant qu’elle concernait les services de fret entrants, une augmentation du prix des services de fret sur les liaisons entrantes.
136 La question est donc de savoir s’il était prévisible pour les transporteurs incriminés que les transitaires répercuteraient un tel surcoût sur leurs propres clients, à savoir les expéditeurs.
137 À cet égard, il ressort des considérants 14 et 70 de la décision attaquée que le prix des services de fret constitue un intrant pour les transitaires. Il s’agit là d’un coût variable, dont l’accroissement a, en principe, pour effet d’augmenter le coût marginal au regard duquel les transitaires définissent leurs propres prix.
138 Les requérantes n’apportent aucun élément démontrant que les circonstances de l’espèce étaient peu propices à la répercussion en aval, sur les expéditeurs, du surcoût résultant de l’infraction unique et continue sur les liaisons entrantes.
139 Dans ces conditions, il était raisonnablement prévisible pour les transporteurs incriminés que les transitaires répercuteraient un tel surcoût sur les expéditeurs par le truchement d’une augmentation du prix des services de transit.
140 Or, comme il ressort des considérants 70 et 1031 de la décision attaquée, le coût des marchandises dont les transitaires organisent généralement le transport intégré au nom des expéditeurs intègre le prix des services de transit et notamment celui des services de fret, qui en sont un élément constitutif.
141 Au regard de ce qui précède, il était donc prévisible pour les transporteurs incriminés que l’infraction unique et continue aurait pour effet, en tant qu’elle portait sur les liaisons entrantes, une augmentation du prix des marchandises importées.
142 Pour les motifs retenus au point 125 ci-dessus, il était tout aussi prévisible pour les transporteurs incriminés que, comme il ressort du considérant 1045 de la décision attaquée, cet effet se produise dans l’EEE.
143 L’effet en cause ayant relevé du cours normal des choses et de la rationalité économique, il n’était, au demeurant, nullement nécessaire pour les requérantes d’opérer sur le marché de l’importation de marchandises ou de leur revente en aval pour pouvoir le prévoir.
144 Il y a donc lieu de conclure que la Commission a établi à suffisance que l’effet en cause revêtait le caractère prévisible requis.
iii) Sur le caractère substantiel de l’effet en cause
145 L’appréciation du caractère substantiel des effets produits par le comportement litigieux doit s’effectuer au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes de l’espèce. Parmi ces circonstances figurent notamment la durée, la nature et la portée de l’infraction. D’autres circonstances, telles que l’importance des entreprises ayant participé à ce comportement, peuvent aussi être pertinentes (voir, en ce sens, arrêts du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T 104/13, EU:T:2015:610, point 159, et du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T 441/14, EU:T:2018:453, point 112).
146 Lorsque l’effet examiné tient à une augmentation du prix d’un bien ou d’un service fini dérivé du service cartellisé ou qui le contient, la proportion du prix du bien ou du service fini que représente le service cartellisé peut également entrer en ligne de compte.
147 En l’espèce, au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes, il convient de considérer que l’effet en cause, tenant à l’accroissement du prix des marchandises importées dans l’EEE, présente un caractère substantiel.
148 En effet, en premier lieu, il ressort du considérant 1146 de la décision attaquée que la durée de l’infraction unique et continue s’élève à 21 mois pour autant qu’elle concernait les liaisons Union-pays tiers et à 8 mois pour autant qu’elle concernait les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Il ressort des considérants 1215 et 1217 de cette décision que telle était aussi la durée de la participation de l’ensemble des transporteurs incriminés, à l’exception de Lufthansa Cargo et de Swiss.
149 En deuxième lieu, s’agissant de la portée de l’infraction, il ressort du considérant 889 de la décision attaquée que la STC et la STS étaient des « mesures d’application générale qui n[’étaient] pas spécifiques à une liaison » et qui « avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons, au niveau mondial, y compris sur les liaisons […] à destination de l’EEE ».
150 En troisième lieu, s’agissant de la nature de l’infraction, il ressort du considérant 1030 de la décision attaquée que l’infraction unique et continue avait pour objet de restreindre la concurrence entre les transporteurs incriminés, notamment sur des liaisons EEE-pays tiers. Au considérant 1208 de ladite décision, la Commission a conclu que la « fixation de divers éléments du prix, y compris certaines surtaxes, constitu[ait] l’une des restrictions à la concurrence les plus graves » et a, en conséquence, retenu que l’infraction unique et continue méritait l’application d’un coefficient de gravité situé « en haut de l’échelle » prévue par les lignes directrices de 2006.
151 À titre surabondant, s’agissant de la proportion du prix du service cartellisé dans le bien ou le service qui en est dérivé ou le contient, il convient d’observer que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les surtaxes représentaient pendant la période infractionnelle une proportion importante du prix total des services de fret.
152 Il ressort ainsi d’une lettre du 8 juillet 2005 de la Hong Kong Association of Freight Forwarding & Logistics (Association de Hong Kong du transit et de la logistique) (HAFFA) au président du sous-comité cargo (ci-après le « SCC ») du Board of Airline Representatives (Association des représentants des compagnies aériennes, ci-après le « BAR ») à Hong Kong que les surtaxes représentent une « part très conséquente » du prix total des lettres de transport aérien dont devaient s’acquitter les transitaires. De même, dans la réponse des requérantes à la demande d’information de la Commission du 26 janvier 2009, il est indiqué que les surtaxes représentaient environ 14,5 % du prix des services de fret sur les liaisons entrantes des requérantes entre le 1er avril 2004 et le 31 mars 2005.
153 Or, comme il ressort du considérant 1031 de la décision attaquée, le prix des services de fret constituait lui-même un « élément important du coût des marchandises transportées, qui a un impact sur leur vente ».
154 Toujours à titre surabondant, s’agissant de l’importance des entreprises ayant participé au comportement litigieux, il ressort du considérant 1209 de la décision attaquée que la part de marché cumulée des transporteurs incriminés sur le « marché mondial » s’élevait à 34 % en 2005 et était « au moins aussi grande pour les services de fret […] fournis […] sur des liaisons [EEE-pays tiers] », lesquelles comprennent à la fois les liaisons sortantes et les liaisons entrantes. Les requérantes elles-mêmes réalisaient d’ailleurs pendant la période infractionnelle un chiffre d’affaires important sur les liaisons entrantes, d’un montant de plus de 229 000 000 euros entre le 1er avril 2004 et le 31 mars 2005.
155 Il y a donc lieu de conclure que la Commission a établi à suffisance que l’effet en cause présentait le caractère substantiel requis.
iv) Sur le caractère immédiat de l’effet en cause
156 L’exigence d’immédiateté des effets produits par le comportement litigieux vise le lien de causalité entre le comportement en cause et l’effet examiné. Cette exigence a pour objet d’assurer que la Commission ne puisse, pour justifier sa compétence pour constater et sanctionner une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE, se prévaloir de tous les effets possibles, ni des effets très éloignés qui pourraient résulter de ce comportement à titre de conditio sine qua non (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C 557/12, EU:C:2014:45, points 33 et 34).
157 La causalité immédiate ne saurait toutefois se confondre avec une causalité unique qui exigerait de constater de manière systématique et absolue la rupture du lien de causalité lorsqu’un tiers a contribué à la survenance des effets en cause (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C 557/12, EU:C:2014:45, points 36 et 37).
158 En l’espèce, l’intervention des transitaires dont il était prévisible que, en toute autonomie, ils répercuteraient sur les expéditeurs le surcoût dont ils avaient dû s’acquitter, est, certes, de nature à avoir contribué à la survenance de l’effet en cause. Toutefois, cette intervention n’était pas, à elle seule, de nature à rompre la chaîne de causalité entre le comportement litigieux et ledit effet et, ainsi, à le priver de son caractère immédiat.
159 Au contraire, lorsqu’elle n’est pas fautive, mais découle objectivement de l’entente en cause, selon le fonctionnement normal du marché, une telle intervention ne rompt pas la chaîne de causalité (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2005, CD Cartondruck/Conseil et Commission, T 320/00, non publié, EU:T:2005:452, points 172 à 182), mais la poursuit (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Kone e.a., C 557/12, EU:C:2014:45, point 37).
160 Or, en l’espèce, les requérantes n’établissent ni même n’allèguent que la prévisible répercussion du surcoût sur les expéditeurs implantés dans l’EEE serait fautive ou étrangère au fonctionnement normal du marché.
161 Il s’ensuit que l’effet en cause présente le caractère immédiat requis.
162 Il résulte de ce qui précède que l’effet en cause présente le caractère prévisible, substantiel et immédiat requis et que le premier motif sur lequel la Commission s’est appuyée pour conclure que le critère des effets qualifiés était satisfait est fondé. Il y a donc lieu de constater que la Commission pouvait, sans commettre d’erreur, retenir que ledit critère était satisfait s’agissant de la coordination relative aux services de fret entrants prise isolément, sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé du second motif retenu au considérant 1045 de la décision attaquée.
2) Sur les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble
163 Il convient d’emblée de rappeler que rien n’interdit d’apprécier si la Commission dispose de la compétence nécessaire pour appliquer, dans chaque cas, le droit de la concurrence de l’Union au regard du comportement de l’entreprise ou des entreprises en cause, pris dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, point 50).
164 Selon la jurisprudence, l’article 101 TFUE est susceptible de s’appliquer à des pratiques et à des accords servant un même objectif anticoncurrentiel, dès lors qu’il est prévisible que, pris ensemble, ils auront des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieur. Il ne saurait en effet être permis aux entreprises de se soustraire à l’application des règles de concurrence de l’Union en combinant plusieurs comportements poursuivant un objectif identique, dont chacun, pris isolément, n’est pas susceptible de produire un effet immédiat et substantiel dans ledit marché, mais qui, pris ensemble, sont susceptibles de produire un tel effet (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T 441/14, EU:T:2018:453, point 106).
165 La Commission peut ainsi fonder sa compétence pour appliquer l’article 101 TFUE à une infraction unique et continue telle qu’elle a été constatée dans la décision litigieuse sur les effets prévisibles, immédiats et substantiels de celle-ci dans le marché intérieur (arrêt du 12 juillet 2018, Brugg Kabel et Kabelwerke Brugg/Commission, T 441/14, EU:T:2018:453, point 105).
166 Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne ressort pas de cette jurisprudence que sa portée dans des cas d’application de l’article 101 TFUE ou de l’article 53 de l’accord EEE serait restreinte à des hypothèses dans lesquels il existe « un plan ou une stratégie globaux explicites », mais ne trouverait pas à s’appliquer dans un cas tel que celui de l’espèce, dans lequel l’infraction unique « repose[rait] sur un objet commun et des liens de connexité ».
167 Ces considérations valent, mutatis mutandis, pour l’article 53 de l’accord EEE.
168 Or, au considérant 869 de la décision attaquée, la Commission a qualifié le comportement litigieux d’infraction unique et continue, y compris en tant qu’il concernait les services de fret entrants. Dans la mesure où les requérantes contestent cette qualification en général et le constat de l’existence d’un objectif anticoncurrentiel unique tendant à entraver la concurrence au sein de l’EEE sur laquelle elle se fonde, ses arguments seront examinés dans le cadre de la quatrième branche du premier moyen, qui se rapporte à cette question.
169 Au considérant 1046 de la décision attaquée, la Commission a, comme il ressort de ses réponses aux questions écrites et orales du Tribunal, examiné les effets de cette infraction prise dans son ensemble. Elle a ainsi notamment retenu que son enquête avait révélé une « entente mise en œuvre mondialement », dont les « arrangements […] concernant les liaisons entrantes faisaient partie intégrante de l’infraction unique et continue à l’article 101 du TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE ». Elle a ajouté que l’« application uniforme des surtaxes à une échelle mondiale était un élément clé de l’entente [litigieuse] ». Comme l’a indiqué la Commission en réponse aux questions écrites du Tribunal, l’application uniforme des surtaxes s’intégrait dans une stratégie d’ensemble visant à neutraliser le risque que les transitaires puissent contourner les effets de cette entente en optant pour des liaisons indirectes qui ne seraient pas assujetties à des surtaxes coordonnées pour acheminer des marchandises du point d’origine au point de destination. La raison en est, comme il ressort du considérant 72 de la décision attaquée, que le « facteur temps est moins important pour le transport de [fret] que pour le transport de passagers », si bien que le fret « peut être acheminé avec un nombre d’escales plus élevé » et que les liaisons indirectes peuvent, en conséquence, se substituer aux liaisons directes.
170 Dans ces conditions, c’est à juste titre que la Commission fait valoir que lui interdire d’appliquer le critère des effets qualifiés au comportement litigieux pris dans son ensemble risquerait de conduire à une fragmentation artificielle d’un comportement anticoncurrentiel global, susceptible d’affecter la structure du marché au sein de l’EEE, en une série de comportements distincts susceptibles d’échapper, en tout ou en partie, à la compétence de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C 413/14 P, EU:C:2017:632, point 57).
171 Il y a donc lieu de considérer que la Commission pouvait, au considérant 1046 de la décision attaquée, examiner les effets de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.
172 Or, s’agissant d’accords et de pratiques, premièrement, qui avaient pour objet de restreindre la concurrence au moins au sein de l’Union, dans l’EEE et en Suisse (considérant 903 de cette décision), deuxièmement, qui réunissaient des transporteurs aux parts de marchés importantes (considérant 1209 de ladite décision) et, troisièmement, dont une partie significative a porté sur des liaisons intra-EEE pendant une période de plus de six ans (considérant 1146 de la même décision), il ne fait guère de doute qu’il était prévisible que, prise dans son ensemble, l’infraction unique et continue produise des effets immédiats et substantiels dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE.
173 Aucun des autres arguments des requérantes n’est susceptible de remettre en cause cette conclusion.
174 En premier lieu, il convient de constater que c’est en vain que les requérantes invoquent le point 59 de l’arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission (T 91/11, EU:T:2014:92). Ce point se limite, en effet, à rappeler les principes régissant l’application du critère de la mise en œuvre et n’édicte aucune limitation à la compétence pour appliquer l’article 101 TFUE à une infraction unique et continue telle qu’elle a été constatée dans la décision litigieuse sur le fondement de ses effets prévisibles, immédiats et substantiels au sein du marché intérieur ou sur le territoire de l’EEE.
175 En deuxième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la Commission aurait expressément indiqué ne procéder à aucune appréciation des effets anticoncurrentiels, il doit être rejeté pour des motifs analogues à ceux indiqués aux points 112 à 120 ci-dessus.
176 En troisième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la concurrence pour les services de fret entrants s’exercerait hors du marché intérieur, il suffit, d’une part, de renvoyer aux points 121 à 126 ci-dessus et, d’autre part, de rappeler qu’il est ici question non de la seule coordination relative aux services de fret entrants, mais de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.
177 Il s’ensuit que la Commission était également fondée à retenir, au considérant 1046 de la décision attaquée, que le critère des effets qualifiés était satisfait s’agissant de l’infraction unique et continue prise dans son ensemble.
178 La Commission ayant ainsi établi à suffisance qu’il était prévisible que le comportement litigieux produirait un effet substantiel et immédiat dans l’EEE, il convient de rejeter le présent grief et, en conséquence, la présente branche dans son ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner le grief pris d’erreurs dans l’application du critère de la mise en œuvre.
2. Sur le moyen, relevé d’office, tiré d’un défaut de compétence de la Commission au regard de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pour constater et sanctionner une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse
179 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union d’examiner d’office le moyen, qui est d’ordre public, tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C 210/98 P, EU:C:2000:397, point 56).
180 De jurisprudence constante, le juge de l’Union ne peut, en principe, fonder sa décision sur un moyen de droit relevé d’office, fût-il d’ordre public, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations à ce sujet (voir arrêt du 17 décembre 2009, Réexamen M/EMEA, C 197/09 RX II, EU:C:2009:804, point 57 et jurisprudence citée).
181 En l’espèce, le Tribunal estime qu’il lui appartient d’examiner d’office si la Commission a outrepassé les limites de sa propre compétence au titre de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, s’agissant des liaisons EEE sauf Union-Suisse, en constatant, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et a invité les parties à présenter leurs observations à ce sujet dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure.
182 Les requérantes font valoir que, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, la Commission a constaté une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse, ce que confirmeraient les considérants 1194 et 1241 de cette décision et la demande d’informations de la Commission du 26 janvier 2009, la pratique décisionnelle de cette dernière et la législation en matière de transport aérien. Elles ajoutent que, ce faisant, la Commission a violé l’article 11, paragraphe 2, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien et ainsi outrepassé les limites de ses compétences. Selon elles, ces illégalités justifient l’annulation de l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée. Une annulation partielle de ce paragraphe, dont la rédaction ne serait pas modifiée, créerait une insécurité juridique significative, en particulier pour les actions en dommages et intérêts « de suivi ». Ce paragraphe continuerait, en effet, alors de faire partie de l’ordre juridique de l’Union et pourrait permettre à des tiers de demander des dommages et intérêts en rapport avec les liaisons EEE sauf Union-Suisse.
183 La Commission répond que la référence, à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, aux « liaisons entre aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des aéroports situés dans des pays tiers » ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle inclut les liaisons EEE sauf Union-Suisse. Selon elle, la notion de « pays tiers » au sens de cet article exclut la Confédération suisse.
184 La Commission ajoute que, s’il y avait lieu de considérer qu’elle a tenu les requérantes pour responsables d’une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, elle aurait outrepassé les limites que l’article 11, paragraphe 2, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien pose à sa compétence.
185 La Commission fait par ailleurs valoir que la décision attaquée ne devrait pas être annulée dans son intégralité dans l’hypothèse où il y aurait lieu d’interpréter l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée en ce sens qu’elle s’est déclarée compétente pour connaître et sanctionner une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse sortantes et entrantes. Selon elle, un tel constat est séparable du reste de cette décision.
186 Il y a lieu de déterminer si, comme le soutiennent les requérantes, la Commission a constaté une violation de l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée et, le cas échéant, si elle a ainsi outrepassé les limites de la compétence dont elle est investie au titre de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.
187 À cet égard, il convient de rappeler que le principe de protection juridictionnelle effective est un principe général du droit de l’Union aujourd’hui exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Ce principe, qui correspond, dans le droit de l’Union, à l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, exige que le dispositif d’une décision par laquelle la Commission constate des violations aux règles de concurrence soit particulièrement clair et précis et que les entreprises tenues pour responsables et sanctionnées soient en mesure de comprendre et de contester l’attribution de cette responsabilité et l’imposition de ces sanctions, telles qu’elles ressortent des termes dudit dispositif (voir arrêt du 16 décembre 2015, Martinair Holland/Commission, T 67/11, EU:T:2015:984, point 31 et jurisprudence citée).
188 C’est, en effet, par le dispositif de ses décisions que la Commission indique la nature et l’étendue des infractions qu’elle sanctionne. S’agissant précisément de la portée et de la nature des infractions sanctionnées, c’est ainsi en principe le dispositif, et non les motifs, qui importe. C’est uniquement dans le cas d’un manque de clarté des termes utilisés dans le dispositif qu’il convient de l’interpréter en ayant recours aux motifs de la décision (voir arrêt du 16 décembre 2015, Martinair Holland/Commission, T 67/11, EU:T:2015:984, point 32 et jurisprudence citée).
189 À l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, la Commission a constaté que les requérantes avaient « enfreint l’article 53 de l’accord EEE en ce qui concerne les liaisons entre aéroports situés dans des pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres, et des aéroports situés dans des pays tiers » du 19 mai 2005 au 14 février 2006. Elle n’a pas expressément inclus dans ces liaisons les liaisons EEE sauf Union-Suisse, ni ne les en a expressément exclues.
190 Il convient donc de vérifier si la Confédération suisse relève des « pays tiers » visés à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée.
191 À cet égard, il convient d’observer que l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée distingue les « pays qui sont des parties contractantes à l’accord EEE, mais ne sont pas des États membres » et les pays tiers. Il est vrai que, comme le relèvent les requérantes, la Confédération suisse n’est pas partie à l’accord EEE et compte donc parmi les pays tiers à celui-ci.
192 Il convient, cependant, de rappeler que, compte tenu des exigences d’unité et de cohérence de l’ordre juridique de l’Union, les mêmes termes employés dans un même acte doivent être présumés avoir la même signification.
193 Or, à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, la Commission a retenu une infraction à l’article 101 TFUE sur les « liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en dehors de l’EEE ». Cette notion n’inclut pas les aéroports situés en Suisse, alors même que la Confédération suisse n’est pas partie à l’accord EEE et que ses aéroports doivent dès lors formellement être considérés comme étant « situés en dehors de l’EEE » ou, autrement dit, dans un pays tiers à cet accord. Ces aéroports font l’objet de l’article 1er, paragraphe 4, de la décision attaquée, qui retient une infraction à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien sur les « liaisons entre des aéroports situés à l’intérieur de l’Union européenne et des aéroports situés en Suisse ».
194 Conformément au principe rappelé au point 192 ci-dessus, il doit donc être présumé que les termes « aéroports situés dans des pays tiers » employés à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée ont la même signification que les termes « aéroports situés en dehors de l’EEE » employés au paragraphe 2 de cet article et excluent, par suite, les aéroports situés en Suisse.
195 En l’absence de la moindre indication dans le dispositif de la décision attaquée que la Commission aurait entendu donner une signification différente à la notion de « pays tiers » visée à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, il convient de conclure que la notion de « pays tiers » visée à son article 1er, paragraphe 3, exclut la Confédération suisse.
196 Il ne saurait donc être considéré que la Commission a tenu les requérantes pour responsables d’une infraction à l’article 53 de l’accord EEE sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée.
197 Le dispositif de la décision attaquée ne prêtant pas au doute, c’est donc uniquement à titre surabondant que le Tribunal ajoute que ses motifs ne contredisent pas cette conclusion.
198 Au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les « arrangements anticoncurrentiels » qu’elle avait décrits enfreignaient l’article 101 TFUE du 1er mai 2004 au 14 février 2006 « en ce qui concerne le transport aérien entre des aéroports au sein de l’U[nion] et des aéroports situés en dehors de l’EEE ». Dans la note en bas de page afférente (no 1514), la Commission a précisé ce qui suit : « Aux fins de la présente décision, les “aéroports situés en dehors de l’EEE” désignent les aéroports situés dans des pays autres que la [Confédération s]uisse et les parties contractantes à l’accord EEE ».
199 Il est vrai que, lorsqu’elle a décrit la portée de l’infraction à l’article 53 de l’accord EEE au considérant 1146 de la décision attaquée, la Commission n’a pas fait référence à la notion d’« aéroports situés en dehors de l’EEE », mais à celle d’« aéroports situés dans les pays tiers ». Il ne saurait cependant en être déduit que la Commission a entendu donner une signification différente à la notion d’« aéroports situés en dehors de l’EEE » aux fins de l’application de l’article 101 TFUE et à celle d’« aéroports situés dans des pays tiers » aux fins de l’application de l’article 53 de l’accord EEE. Au contraire, la Commission a utilisé ces deux expressions de manière interchangeable dans la décision attaquée. Ainsi, au considérant 824 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle « n’appliquera[it] pas l’article 101 du TFUE aux accords et pratiques anticoncurrentiels concernant le transport aérien entre les aéroports de l’U[nion] et les aéroports de pays tiers qui ont eu lieu avant le 1er mai 2004 ». De même, au considérant 1222 de cette décision, s’agissant de la cessation de la participation de SAS Consortium à l’infraction unique et continue, la Commission a fait référence à sa compétence au titre de ces dispositions « pour les liaisons entre l’U[nion] et les pays tiers ainsi que les liaisons entre l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein et les pays situés en dehors de l’EEE ».
200 Les motifs de la décision attaquée confirment donc que les notions d’« aéroports situés dans des pays tiers » et d’« aéroports situés en dehors de l’EEE » ont la même signification. Conformément à la clause de définition figurant à la note en bas de page no 1514, il convient dès lors de considérer que toutes deux excluent les aéroports situés en Suisse.
201 Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les considérants 1194 et 1241 de la décision attaquée ne plaident pas pour une autre solution. Certes, au considérant 1194 de cette décision, la Commission a fait référence aux « liaisons entre l’EEE et les pays tiers, à l’exception des liaisons entre l’U[nion] et la Suisse ». De même, au considérant 1241 de cette décision, dans le cadre de la « détermination de la valeur des ventes sur les liaisons avec les pays tiers », la Commission a réduit de 50 % le montant de base pour les « liaisons EEE-pays tiers, à l’exception des liaisons entre l’U[nion] et la Suisse, pour lesquelles [elle] agit sous l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] ». Or, il pourrait être considéré que, comme le relèvent en substance les requérantes, si la Commission a pris le soin d’insérer dans ces considérants la mention « à l’exception des liaisons entre l’Union et la Suisse », c’est qu’elle considérait que la Confédération suisse relevait de la notion de « pays tiers » pour autant qu’il était question des liaisons EEE-pays tiers.
202 La Commission a d’ailleurs admis qu’il était possible qu’elle ait « par inadvertance » inclus dans la valeur des ventes le chiffre d’affaires que certains transporteurs incriminés avaient réalisé sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse pendant la période concernée. Selon elle, la raison en est que, dans une demande d’informations du 26 janvier 2009, concernant certains chiffres d’affaires, elle n’a pas avisé les transporteurs concernés qu’il y avait lieu d’exclure le chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse de la valeur des ventes réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers.
203 Il y a néanmoins lieu de constater, à l’instar de la Commission, que ces éléments concernent exclusivement les recettes à prendre en compte aux fins du calcul du montant de base de l’amende et non la définition du périmètre géographique de l’infraction unique et continue, dont il est question ici.
204 Le présent moyen doit donc être écarté.
3. Sur les première, troisième et quatrième branches du premier moyen, tirées d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans la constatation de l’existence de l’infraction unique et continue
205 Dans le cadre du premier moyen, dont la deuxième branche a déjà été examinée, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir commis des erreurs de droit, de fait et d’appréciation en constatant l’existence de l’infraction unique et continue. La première branche de ce moyen est prise de ce que la Commission n’a pas établi l’existence d’une entente à l’échelle mondiale, tandis que la troisième est prise d’erreurs dans l’application du moyen de défense tiré de la contrainte étatique. La quatrième est prise de ce que la Commission n’a pas établi à suffisance un lien entre les différentes composantes de l’infraction unique et continue.
a) Sur la première branche, prise de ce que la Commission n’a pas établi l’existence d’une entente à l’échelle mondiale
206 Les requérantes font valoir que la Commission n’établit pas à suffisance, dans la décision attaquée, l’existence d’une entente à l’échelle mondiale. Les requérantes invoquent, en substance, trois arguments à l’appui de cette thèse.
207 En premier lieu, les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur en constatant que les surtaxes étaient des « mesures d’application générale », qui ne sont pas spécifiques à une liaison. Ces surtaxes auraient, en réalité, dépendu de conditions de marché locales tant quant à leur introduction qu’à leur niveau, ce dont attesterait l’exposé des faits figurant dans les arrêts de la Federal Court of Australia (Cour fédérale, Australie) mettant fin aux procédures introduites en Australie à l’égard de certains transporteurs concernant l’arrangement relatif à la STC.
208 Les requérantes ajoutent que les comportements infractionnels décrits dans la décision attaquée ne concernent que 19 marchés hors de l’Union.
209 En deuxième lieu, les requérantes contestent que la Commission puisse établir l’existence d’une « entente mondiale » sur la base de la concurrence potentielle susceptible de s’exercer entre les participants à l’infraction unique et continue sur l’ensemble des liaisons depuis et vers l’Union. Elles relèvent à cet égard que le critère jurisprudentiel de l’absence de « barrière insurmontable » n’est pas applicable en l’espèce. Il aurait appartenu à la Commission d’apprécier de façon réaliste pour chaque transporteur les possibilités d’entrée sur chacune des liaisons concernées. Or, la Commission aurait omis de le faire.
210 En troisième lieu, les requérantes soutiennent que s’oppose à la constatation d’une entente mondiale la circonstance que la majeure partie des comportements décrits n’étaient pas interdits par l’article 101 TFUE ou par les règles de concurrence en vigueur dans les pays où ils ont eu lieu. En particulier, la Commission aurait abandonné les griefs retenus contre un transporteur dans la communication des griefs au motif que les autorités des Émirats arabes unis contraignaient les transporteurs à se coordonner sur les surtaxes, tout en retenant que les liaisons entre l’EEE et les Émirats arabes unis étaient couvertes par l’entente litigieuse.
211 La Commission conteste les arguments des requérantes.
212 D’emblée, il convient de constater que, dès lors qu’elle faisait référence, dans la décision attaquée, au caractère mondial de l’entente litigieuse, la Commission a pu faire l’économie d’une mention expresse de chaque pays concerné, sans que cette omission ne soit de nature à nuire à la compréhension des motifs de ladite décision.
213 Il convient de rappeler que le paragraphe introductif de l’article 1er de la décision attaquée fait référence à l’existence d’une coordination tarifaire pour la fourniture de services de fret « dans le monde entier ». De même, les motifs de cette décision renvoient à l’existence d’une « entente mondiale » (considérants 74, 112, 832 et 1300), de « caractère mondial » (considérant 887) ou « mise en œuvre mondialement » (considérant 1046).
214 À l’appui de ce constat, la Commission a indiqué que l’entente litigieuse « fonctionnait sur une base mondiale » (considérant 832 de la décision attaquée). La Commission a expliqué que l’entente litigieuse était fondée sur un réseau complexe de contacts, principalement bilatéraux, entretenus dans plusieurs endroits dans le monde et à divers niveaux au sein des entreprises concernées (considérants 109 et 1300 de ladite décision). Selon la Commission, les « arrangements de l’entente [litigieuse] étaient, dans de nombreux cas, organisés au niveau central » et appliqués localement par le personnel local (considérant 1046 de ladite décision). Il s’agissait, selon la Commission, de permettre au personnel local d’adapter aux conditions locales les mesures d’application générale, « à toutes les liaisons, au niveau mondial », qu’étaient les surtaxes et le refus de paiement de commissions (considérants 876, 889 et 890 et note en bas de page no 1323 de ladite décision).
215 Dans le cadre de la présente branche, les requérantes ne contestent pas les appréciations relatives à l’organisation de l’entente litigieuse, mais se contentent de critiquer deux des trois motifs que la Commission a retenus, aux considérants 888 à 890 de la décision attaquée en réponse aux arguments de certains destinataires de la communication des griefs, tendant à remettre en cause la pertinence des contacts intervenus dans les pays tiers et des contacts concernant des liaisons qu’ils n’avaient jamais desservies ou n’auraient pas pu légalement desservir, ainsi qu’il ressort des considérants 112, 886 et 887 de cette décision. Il s’agit des motifs selon lesquels, premièrement, les surtaxes et le refus de paiement de commissions étaient des mesures d’application générale qui n’étaient pas spécifiques à une liaison (considérant 889 de cette décision) et, deuxièmement, aucune barrière insurmontable n’empêchait les transporteurs incriminés de fournir des services de fret sur ces liaisons (considérant 890 de ladite décision).
216 Premièrement, pour ce qui est de l’applicabilité générale des surtaxes et du refus de paiement de commissions, il convient d’observer que la Commission a fait état dans la décision attaquée de multiples éléments de preuve, dont les requérantes restent, dans le cadre de la présente branche, en défaut d’expliquer en quoi ils seraient insuffisamment probants.
217 Or, ces éléments de preuve, dont plusieurs sont cités à titre d’exemple à la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, étayent à suffisance la conclusion de la Commission tenant à l’applicabilité générale des surtaxes, « à toutes les liaisons, au niveau mondial ». D’une part, s’agissant de la STC, il convient notamment de relever que le considérant 140 de la décision attaquée fait référence à un courriel interne de Swiss, dans lequel il est indiqué qu’AF « prélèvera, au niveau mondial, une [STC] de 0,10 EUR/0,10 USD par kg », que KLM « fera exactement la même chose » et que Lufthansa « va dans le même sens, mais n’a pas encore confirmé ce point à l’heure actuelle ». Aussi, au considérant 162 de cette décision, il est fait état d’un échange de courriels entre Lufthansa et Japan Airlines du 27 septembre 2000 dans lequel il est indiqué que Lufthansa Cargo compte appliquer un certain montant de STC « au niveau mondial », tandis que, au considérant 210 de cette décision, il est renvoyé à la déclaration de clémence de Martinair, selon laquelle cette dernière a eu des contacts avec plusieurs transporteurs sur la mise en œuvre d’une STC mondiale.
218 De même, dans la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, il est fait état d’annonces d’augmentation ou de diminution de la STC ou de la STS qui « faisaient référence à une application mondiale de ces surtaxes, laquelle ne se limitait pas à une liaison spécifique », ce que les requérantes ne contestent pas.
219 D’autre part, s’agissant de la STS, il convient de constater que, au considérant 608 de la décision attaquée, la Commission a mentionné un courriel dans lequel British Airways explique à Lufthansa vouloir introduire une « taxe de manutention exceptionnelle » dans le monde entier. Aussi, au considérant 666 de cette décision, la Commission a fait référence au compte rendu d’une réunion du 30 mars 2004 du comité exécutif du SCC du BAR à Hong Kong. Il ressort de ce compte rendu que le montant de la STS au départ de Hong Kong serait fondé sur l’« élément de référence mondial ».
220 Quant à la circonstance que le niveau et la date d’introduction des surtaxes au niveau local auraient dépendu des conditions locales, elle est conforme au système à « plusieurs niveaux » pour la mise en œuvre des surtaxes décrit dans la décision attaquée, dans le cadre duquel, en particulier, le niveau des surtaxes pouvait varier et faire l’objet de discussions distinctes « compte tenu des conditions ou de la réglementation des marchés locaux » (note en bas de page no 1323 de la décision attaquée). L’arrêt de la Federal Court of Australia (Cour fédérale d’Australie) présenté en annexe 1.B à la réponse des requérantes aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal du 7 juin 2019 confirme d’ailleurs cette interprétation :
« Il existait des exceptions à l’imposition par chacune des parties défenderesses de surtaxes carburant respectant la méthode de calcul des surtaxes, dans les cas où les conditions locales faisaient obstacle à l’imposition d’une surtaxe conformément à cette méthode (ou à son imposition complète et/ou immédiate) depuis un aéroport donné ou dans une zone géographique donnée. »
221 Pour ce qui est du refus de paiement de commissions, il est vrai que la Commission n’a pas, dans la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, cité d’exemple spécifique d’éléments de preuve qui tendraient à étayer son applicabilité générale, « à toutes les liaisons, au niveau mondial ».
222 Cependant, d’une part, il convient de constater que, dans la mesure où les surtaxes étaient généralement applicables « à toutes les liaisons, au niveau mondial », il était vraisemblable que le refus de paiement de commissions l’était également. En effet, au considérant 879 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le refus de paiement de commissions et les deux autres composantes de l’infraction unique et continue étaient complémentaires en ce qu’il avait « permis de soustraire les surtaxes à la concurrence liée à la négociation de commissions (en réalité des ristournes sur les surtaxes) avec les clients ».
223 D’autre part, il importe de souligner que la Commission a, ailleurs qu’à la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, fait état d’éléments de preuve tendant à étayer l’applicabilité du refus de paiement de commissions « à toutes les liaisons, au niveau mondial ». Ainsi, au considérant 679 de la décision attaquée, la Commission a fait état d’un courriel interne relatif au refus de paiement de commissions, dans lequel le responsable en chef du fret de Swiss a demandé à ses directeurs régionaux de « participer aux réunions locales du BAR chaque fois que cela apparai[ssait] pertinent ». De même, au considérant 683 de la décision attaquée, la Commission mentionne un mémorandum interne adressé aux directeurs des ventes de fret de CPA, dans lequel il est indiqué que « tant que les conditions locales le permettent, C[PA] devrait adopter une approche et une réponse communes à la question [des demandes de commission sur les surtaxes] » et « devrait donc envisager de suivre tout rejet d’une telle demande ou d’une telle revendication de commission, ainsi que toute autre action y afférente pouvant être coordonnée par vos associations de [transporteurs] locales ».
224 La Commission a d’ailleurs apporté des éléments de preuve tendant à démontrer qu’une telle coordination s’était produite dans de nombreux pays à travers le monde, dont Hong Kong (considérant 503 de la décision attaquée), la Confédération suisse (considérant 692 de cette décision), l’Italie (considérants 694 à 698 de ladite décision), la France (considérant 699 de ladite décision), l’Espagne (considérant 700 de la même décision), l’Inde (considérant 701 de la décision en cause) et les États-Unis (considérant 702 de la décision en cause).
225 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la circonstance que les comportements infractionnels décrits dans la décision attaquée n’auraient spécifiquement visé que dix-neuf marchés extérieurs à l’Union n’était pas de nature à faire obstacle à ce que la Commission conclue à l’existence d’une entente de dimension mondiale.
226 Quant aux comportements qui n’étaient, selon les requérantes, pas interdits par les règles de concurrences applicables, il y a lieu d’observer que les requérantes visent les comportements relatifs aux prix sur les liaisons Union-pays tiers antérieurs au 1er mai 2004 et les cas où la coordination entre transporteurs était prétendument nécessaire afin de se conformer aux obligations légales locales. Or, les arguments des requérantes quant aux premiers se confondent avec ceux développés dans le cadre du quatrième moyen, tandis que leurs arguments quant aux seconds se confondent avec ceux développés dans le cadre de la troisième branche du présent moyen. Partant, c’est dans ce cadre qu’ils seront examinés.
227 Pour ce qui est de l’abandon des poursuites contre un transporteur, il convient de constater que les requérantes soutiennent qu’il résulte de l’existence d’une contrainte étatique à Dubaï. Les requérantes avancent, certes, que cela relève de l’évidence. Il y a, cependant, lieu de constater que la Commission n’a à aucun moment expliqué pourquoi elle avait abandonné les poursuites contre ledit transporteur et n’était, conformément à une jurisprudence constante, aucunement tenue de le faire (voir arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T 91/11, EU:T:2014:92, point 141 et jurisprudence citée). Il s’ensuit qu’il ne saurait être déduit de l’abandon des poursuites à l’encontre dudit transporteur l’existence d’une contrainte étatique à Dubaï. A fortiori, cette circonstance n’est pas de nature à remettre en cause le constat de l’existence d’une entente mondiale.
228 Deuxièmement, s’agissant de l’argument tiré de l’absence de démonstration d’un rapport de concurrence potentielle, il y a lieu de constater que les développements de la Commission quant à l’absence de barrières insurmontables ne sont pas indispensables au constat de l’ampleur mondiale de l’entente litigieuse. Les éléments retenus aux points 213 à 224 ci-dessus suffisent, en effet, à fonder ce constat. L’argumentation des requérantes doit donc être écartée comme inopérante.
229 Il s’ensuit que les requérantes ont échoué à démontrer que la Commission a commis une erreur en concluant que l’entente litigieuse revêtait une dimension mondiale.
230 Il convient donc de rejeter la présente branche.
b) Sur la troisième branche, prise d’erreurs dans l’application du moyen de défense tiré de la contrainte étatique
231 En premier lieu, les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur en considérant que les conditions dans lesquelles un comportement échappe à l’application de l’article 101 TFUE en raison de l’existence d’une obligation imposée par un État membre s’apprécient de la même manière lorsqu’il s’agit d’une obligation imposée par un pays tiers. Elles s’appuient à cet égard sur l’incapacité de la Commission à contraindre des pays tiers à s’abstenir d’adopter des mesures favorisant des pratiques anticoncurrentielles ainsi que sur les problèmes en matière de preuve découlant du contexte propre à ces pays tiers, dans lesquels la frontière entre obligation et simple encouragement pourrait être trouble.
232 En second lieu, les requérantes font valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en omettant de considérer que les autorités de Hong Kong, du Japon et de Thaïlande avaient exercé leur pouvoir réglementaire pour examiner et approuver les propositions communes des transporteurs en matière de STC, ce qui aurait dû la conduire à écarter l’application de l’article 101 TFUE, conformément à l’arrêt du 19 février 2002, Arduino (C 35/99, EU:C:2002:97).
233 À titre subsidiaire, elles estiment que les mesures imposées aux transporteurs à Hong Kong, au Japon et en Thaïlande faisaient échapper leur comportement à l’application de l’article 101 TFUE, y compris en examinant leur situation au regard des mêmes critères que ceux mis en œuvre à l’égard des interventions des États membres. La Commission aurait commis à cet égard une erreur manifeste d’appréciation.
234 La Commission conteste cette argumentation.
235 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne vise que des comportements anticoncurrentiels qui ont été adoptés par les entreprises de leur propre initiative. Si un comportement anticoncurrentiel est imposé aux entreprises par une législation nationale ou si celle-ci crée un cadre juridique qui lui-même élimine toute possibilité de comportement concurrentiel de leur part, l’article 101 TFUE n’est pas d’application. Dans une telle situation, la restriction de concurrence ne trouve pas sa cause, ainsi que l’implique cette disposition, dans des comportements autonomes des entreprises (voir arrêt du 11 novembre 1997, Commission et France/Ladbroke Racing, C 359/95 P et C 379/95 P, EU:C:1997:531, point 33 et jurisprudence citée).
236 Inversement, si une réglementation nationale laisse subsister la possibilité d’une concurrence susceptible d’être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes des entreprises, l’article 101 TFUE peut s’appliquer. En l’absence d’une disposition réglementaire contraignante imposant un comportement anticoncurrentiel, la Commission ne peut conclure à une absence d’autonomie dans le chef des opérateurs mis en cause que s’il apparaît sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants que ce comportement leur a été unilatéralement imposé par les autorités nationales par l’exercice de pressions irrésistibles, telles que la menace de l’adoption de mesures étatiques susceptibles de leur faire subir des pertes importantes (voir arrêt du 11 décembre 2003, Minoan Lines/Commission, T 66/99, EU:T:2003:337, points 177 et 179 et jurisprudence citée).
237 Selon la jurisprudence, tel n’est pas le cas lorsqu’une loi ou un comportement se limite à inciter ou à faciliter l’adoption, par les entreprises, de comportements anticoncurrentiels autonomes (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T 259/02 à T 264/02 et T 271/02, EU:T:2006:396, point 258).
238 Enfin, il ressort de la jurisprudence que c’est aux entreprises concernées qu’il appartient de démontrer qu’une loi ou un comportement étatique était d’une nature telle qu’il les privait de toute autonomie dans le choix de leur politique commerciale (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 1999, Irish Sugar/Commission, T 228/97, EU:T:1999:246, point 129). En effet, s’il incombe à l’autorité qui allègue une violation des règles de concurrence d’en apporter la preuve, il appartient à l’entreprise soulevant un moyen de défense contre la constatation d’une infraction à ces règles d’apporter la preuve que les conditions d’application de la règle dont est déduit ce moyen de défense sont remplies, de sorte que ladite autorité devra alors recourir à d’autres éléments de preuve (voir arrêt du 16 février 2017, Hansen & Rosenthal et H&R Wax Company Vertrieb/Commission, C 90/15 P, non publié, EU:C:2017:123, point 19 et jurisprudence citée).
239 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les deux griefs que soulèvent, en substance, les requérantes. Le premier est tiré d’erreurs relatives à l’applicabilité du moyen de défense tiré de la contrainte étatique aux pays tiers. Le second est tiré d’erreurs relatives à l’appréciation des régimes réglementaires de Hong Kong, du Japon et de la Thaïlande.
1) Sur le premier grief, tiré d’erreurs relatives à l’applicabilité du moyen de défense tiré de la contrainte étatique à des pays tiers
240 Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il résulte de la jurisprudence que les principes exposés aux points 235 à 238 ci-dessus sont également applicables lorsque sont en cause les régimes réglementaires de pays tiers (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T 191/98 et T 212/98 à T 214/98, EU:T:2003:245, point 1131), comme il ressort en substance de la note en bas de page no 1435 de la décision attaquée.
241 Aucun argument des requérantes n’est de nature à remettre en cause l’applicabilité de ces principes au cas d’espèce.
242 En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ressort de la jurisprudence citée aux points 235 à 237 ci-dessus que le moyen de défense tiré de la contrainte étatique trouve sa justification non dans le principe de coopération loyale, mais dans l’absence d’autonomie des entreprises concernées dans le choix de leur politique commerciale qui justifie l’inapplicabilité de l’article 101 TFUE.
243 S’il est vrai que, à la différence des pays tiers, les États membres sont tenus de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures susceptibles d’éliminer l’effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises (arrêt du 9 septembre 2003, CIF, C 198/01, EU:C:2003:430, point 45), il n’en reste pas moins que, dans le cadre de l’examen de l’applicabilité de l’article 101 TFUE aux comportements des entreprises qui se conforment à une législation d’un État membre, l’évaluation préalable de cette législation ne porte que sur la question de savoir si elle laisse subsister la possibilité d’une concurrence susceptible d’être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes de leur part, de telle sorte que sa compatibilité avec les règles de concurrence du traité ne saurait être considérée comme déterminante (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 1997, Commission et France/Ladbroke Racing, C 359/95 P et C 379/95 P, EU:C:1997:531, points 31 et 35).
244 Or, comme le fait valoir à juste titre la Commission, l’effet qu’un régime règlementaire peut produire sur l’autonomie des opérateurs dans le choix de leur politique commerciale n’est pas susceptible de varier selon qu’est en cause celui d’un État membre de l’Union ou de celui d’un pays tiers.
245 En deuxième lieu, c’est à tort que les requérantes soutiennent que l’application du moyen de défense tiré de la contrainte étatique à des cas où est en cause la réglementation ou le comportement d’un pays tiers pose d’importants problèmes pratiques et en matière de preuve, au motif que le contexte culturel et juridique hors de l’Union peut altérer la distinction entre encouragement ou tolérance, d’une part, et obligation, d’autre part.
246 Au vu des principes relatifs à la répartition de la charge de la preuve rappelés au point 238 ci-dessus, il incombe aux requérantes d’exposer auprès de la Commission ou, le cas échéant, devant le juge en quoi les régimes réglementaires de pays tiers auxquels elles sont soumises comportent une véritable obligation d’adopter un comportement anticoncurrentiel plutôt qu’un simple encouragement. La seule évocation du contexte culturel et juridique qui prévaut hors de l’Union, non autrement étayée, ne suffit pas à remettre en cause ces principes.
247 Il ressort de ce qui précède que le grief tiré d’erreurs relatives à l’applicabilité du moyen de défense tiré de la contrainte étatique aux pays tiers doit être rejeté.
2) Sur le second grief, tiré d’erreurs d’appréciation des faits lors de l’examen des régimes réglementaires de Hong Kong, du Japon et de la Thaïlande
248 Les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne constatant pas que les mesures imposées aux transporteurs de Hong Kong, du Japon et de la Thaïlande faisaient échapper leur comportement à l’application de l’article 101 TFUE.
249 À l’appui de leur grief tiré d’erreurs d’appréciation des faits lors de l’examen des régimes réglementaires de Hong Kong, du Japon et de la Thaïlande, les requérantes se prévalent de l’arrêt du 19 février 2002, Arduino (C 35/99, EU:C:2002:97). Elles soutiennent que le rôle des autorités publiques à Hong Kong, au Japon et en Thaïlande était tout à fait comparable à celui des autorités italiennes dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt.
250 La Commission conteste cette argumentation.
251 Au vu des précisions apportées aux points 242 et 243 ci-dessus, il y a lieu de relever que l’arrêt du 19 février 2002, Arduino (C 35/99, EU:C:2002:97), ne concernait pas la question de savoir si une législation ou réglementation nationale laisse subsister la possibilité d’une concurrence susceptible d’être empêchée, restreinte ou faussée par des comportements autonomes de la part des entreprises, dans le but de déterminer si l’article 101 TFUE leur était applicable.
252 En effet, par l’arrêt du 19 février 2002, Arduino (C 35/99, EU:C:2002:97), la Cour, saisie d’une question préjudicielle relative à l’actuel article 101 TFUE, a rappelé que cette disposition, lue en combinaison avec l’actuel article 4, paragraphe 3, TUE, imposait aux États membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures, même de nature législative ou réglementaire, susceptibles d’éliminer l’effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises (point 34), et a jugé que ces dispositions ne s’opposaient pas à ce qu’un État membre adopte une mesure législative ou réglementaire qui approuve, sur la base d’un projet établi par un ordre professionnel d’avocats, un tarif fixant des minimums et des maximums pour les honoraires des membres de la profession, lorsque cette mesure étatique intervient dans le cadre d’une procédure telle que celle qui était prévue par la législation italienne en cause (point 44).
253 Partant, les arguments des requérantes tirés de l’arrêt du 19 février 2002, Arduino (C 35/99, EU:C:2002:97), doivent être rejetés comme étant dépourvus de pertinence.
254 L’examen du présent grief porte donc uniquement sur l’argumentation développée à titre subsidiaire par les requérantes, selon laquelle, en substance, quand bien même il conviendrait d’appliquer les critères issus de la jurisprudence relative aux règlementation des États membres, les conditions d’application du moyen de défense tiré de la contrainte étatique seraient remplies à Hong Kong, au Japon et en Thaïlande.
i) Hong Kong
255 Tout d’abord, les requérantes font valoir que le département de l’aviation civile (ci-après le « DAC ») de Hong Kong exigeait que le SCC du BAR dépose devant lui des demandes collectives relatives à la STC faisant l’objet d’un accord des transporteurs, pour approbation préalable. Elles se prévalent en ce sens de deux lettres du DAC datées du 5 septembre 2008 et du 3 septembre 2009, adressées à la Commission, et font valoir que leurs allégations seraient corroborées par la licence d’exploitation de SAC à Hong Kong, dont il ressortirait que les tarifs appliqués pour les services de fret devaient obligatoirement être approuvés notamment par le DAC, sous la forme exigée par ce dernier.
256 Ensuite, les requérantes soutiennent que, puisque le DAC n’approuvait qu’un seul niveau de STC, la concurrence entre transporteurs à cet égard était nulle et que tout accord sur les surtaxes concernant le trafic au départ de Hong Kong n’aurait en tout état de cause pas affecté le commerce entre les États membres de l’Union.
257 La Commission conteste ces arguments.
258 Les considérants 976 à 993 de la décision attaquée portent, d’une part, sur les accords internationaux relatifs aux services aériens (ci-après les « ASA ») signés par la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine et, d’autre part, sur le régime réglementaire de Hong Kong. Aux termes de ces considérants, la Commission a estimé qu’aucune exigence de discuter des tarifs n’avait été imposée aux transporteurs à Hong Kong.
259 En premier lieu, la Commission a reconnu, aux considérants 981 à 986 de la décision attaquée, que les ASA signés par la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine exigeaient, pour la plupart, que les tarifs portés en compte par les transporteurs désignés des pays contractants soient approuvés par les autorités compétentes, à savoir, pour Hong Kong, le DAC, et qu’ils autorisaient des consultations préalables sur les prix entre les transporteurs désignés. Il n’en reste pas moins, selon cette décision, que lesdits ASA n’imposaient en aucun cas ce type de consultations avant une demande d’approbation.
260 Au soutien de cette conclusion, la Commission a repris au considérant 983 de la décision attaquée la formulation d’une clause standard de plusieurs ASA qui prévoit :
« Les tarifs auxquels il est fait référence au paragraphe 1 du présent article peuvent être convenus par les compagnies aériennes désignées des parties contractantes cherchant à obtenir l’approbation des tarifs, lesquelles peuvent consulter d’autres compagnies aériennes actives sur la totalité ou une partie de la même liaison avant de proposer de tels tarifs. Rien ne s’opposera toutefois à ce qu’une compagnie aérienne désignée propose et rien n’interdira aux autorités aéronautiques des parties contractantes d’approuver tout tarif si cette compagnie aérienne n’a pas obtenu l’accord des autres compagnies aériennes désignées sur un tel tarif ou parce qu’aucune autre compagnie aérienne désignée n’est active sur la même liaison. »
261 Au considérant 985 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que l’ASA entre la République tchèque et la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine, par exemple, indiquait qu’aucun pays n’exigerait des transporteurs qu’ils discutent des tarifs.
262 En second lieu, s’agissant de la pratique administrative de Hong Kong, la Commission a retenu, aux considérants 987 à 989 de la décision attaquée, qu’il n’était pas établi que le DAC ait exigé une consultation des transporteurs aux fins de la présentation d’une demande collective d’approbation des tarifs. En particulier, aucun des transporteurs n’aurait fourni de preuve établissant que le DAC ait explicitement imposé le dépôt de demandes collectives.
263 Au considérant 992 de la décision attaquée, la Commission a conclu, d’une part, s’agissant de la STC, que le DAC n’était pas prêt à accepter les demandes individuelles pour un mécanisme de STC, mais qu’il était prêt à accepter des demandes individuelles pour une STC d’un montant fixe et, d’autre part, pour les autres surtaxes, que les transporteurs n’avaient pas allégué que le DAC exigeait des demandes collectives.
264 L’argumentation des requérantes ne saurait démontrer que ces appréciations sont entachées d’illégalité.
265 Tout d’abord, il y a lieu de relever que la lettre du DAC du 5 septembre 2008 indique que celui-ci exigeait, durant la période 2000-2007, que tous les transporteurs désireux d’imposer une surtaxe sur le fret en provenance de Hong Kong obtiennent une autorisation préalable, que, dans ce contexte, le DAC considérait que des demandes collectives étaient à la fois efficaces, raisonnables et légales et qu’une telle pratique était conforme aux ASA conclus par la région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine. Or, le fait qu’il soit précisé que la demande collective est un moyen efficace pour introduire une demande et examiner et approuver des surtaxes et que le DAC considère cette forme de demande comme légale à Hong Kong ne témoigne pas de ce que la réglementation ou les pratiques administratives de Hong Kong imposaient les demandes collectives et excluraient les demandes individuelles concernant les surtaxes.
266 De même, la lettre du 3 septembre 2009 est libellée comme suit :
« Il doit être absolument clair pour la Commission que, s’agissant du mécanisme relatif à la [STC] pour le fret basé sur un indice, nous exigeons que le [SCC du BAR] et les transporteurs participants se mettent d’accord sur les détails des demandes collectives, y compris sur le montant de la surtaxe pour laquelle l’approbation était demandée, sur les preuves qui devaient être fournies au DAC pour étayer les demandes et sur le mécanisme unique qui devait être utilisé pour la détermination de la surtaxe. Le DAC a également donné mandat aux transporteurs participants et exigé d’eux qu’ils perçoivent spécifiquement la surtaxe approuvée. De plus, nous avons donné mandat au SCC du BAR et exigé de lui qu’il soumette à l’approbation du DAC toute modification de la liste des transporteurs participant aux demandes collectives et nous avons clairement indiqué que ces transporteurs ne devaient pas percevoir de [STC] sans l’approbation expresse du DAC adressée au SCC du BAR. »
267 Cette lettre se limite ainsi à détailler les conditions exigées par le DAC lorsque le SCC du BAR et les transporteurs envisagent une demande collective relative à la STC fondée sur un indice. En revanche, elle ne fait pas allusion à une obligation générale d’introduire une demande collective pour une STC, ni à l’impossibilité d’introduire une demande individuelle pour une STC fixe.
268 Quant à la licence d’exploitation de SAC à Hong Kong, elle indique uniquement qu’elle a été délivrée sous réserve que les tarifs des services de fret pratiqués par ce transporteur à partir de ce territoire soient préalablement approuvés par le DAC, sous une forme précisée par ce dernier, sans évoquer la procédure d’approbation des tarifs.
269 Ainsi, aucun des documents visés aux points 265 à 268 ci-dessus ne contredit le considérant 992 de la décision attaquée, dont il ressort que les demandes collectives impliquant des discussions entre transporteurs n’étaient imposées que pour un mécanisme de STC fondé sur un indice, et que des demandes individuelles demeuraient possibles pour une STC d’un montant fixe.
270 Ensuite, les arguments selon lesquels la pratique du DAC consistant à n’approuver qu’un seul niveau de STC aurait annulé la concurrence entre transporteurs et que tout accord sur les surtaxes concernant le trafic au départ de Hong Kong n’aurait en tout état de cause pas affecté le commerce entre les États membres de l’Union, ne sauraient prospérer.
271 D’une part, les requérantes restant en défaut d’étayer leurs allégations selon lesquelles le DAC n’approuvait qu’un seul niveau de STC, ou d’établir que les demandes individuelles portant sur une STC fixe étaient impossibles auprès du DAC, elles ne sauraient soutenir utilement que le régime mis en place par le DAC annulait tout concurrence tarifaire entre transporteurs. D’autre part, s’agissant de l’argument selon lequel tout accord sur les surtaxes au départ de Hong Kong n’aurait pas affecté le commerce entre les États membres de l’Union, non autrement étayé, il convient de rappeler que l’article 101 TFUE et l’article 53 de l’accord EEE n’exigent pas que chaque composante d’un accord, prise isolément, soit susceptible d’exercer une influence significative ou sensible sur le commerce, respectivement, entre États membres et entre les parties à l’accord EEE. C’est l’accord pris dans son ensemble qui doit être susceptible d’avoir une influence de cette nature (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 1997, VGB e.a./Commission, T 77/94, EU:T:1997:70, point 126). Un tel examen d’ensemble se justifie également en présence d’une infraction unique et continue telle que celle qui a été constatée dans la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C 125/07 P, C 133/07 P, C 135/07 P et C 137/07 P, EU:C:2009:576, points 55 à 59).
272 Il résulte de ce qui précède que les requérantes n’ont pas démontré que le cadre règlementaire de Hong Kong les obligeait à discuter de leurs tarifs avec d’autres transporteurs et aurait rendu impossible l’introduction d’une demande individuelle auprès du DAC pour une STC d’un montant fixe. Elles n’établissent donc pas que c’est à tort que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que la réglementation de Hong Kong ne faisait pas obstacle à l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.
ii) Japon
273 Les requérantes soutiennent que, en vertu l’ASA conclu entre le Japon et Singapour, qui était directement applicable au Japon, et de la loi japonaise relative à l’aviation civile, les tarifs des transporteurs devaient être préalablement approuvés par le bureau de l’aviation civile japonais (ci-après le « BJAC »), sous peine de sanctions. Le BJAC aurait défini une politique d’harmonisation de la STC, au titre de laquelle son approbation des tarifs était conditionnée au fait que les transporteurs japonais obtiennent au préalable l’accord des transporteurs étrangers opérant au Japon. En outre, les contacts entre Japan Airlines et d’autres transporteurs japonais se seraient déroulés à la direction du BJAC. Ainsi, les transporteurs étrangers auraient été soumis à des « pressions irrésistibles » les incitant à se consulter avant de formuler leurs demandes d’approbation des tarifs. En outre, le BJAC n’approuvant qu’un seul ajustement de la STC, la concurrence en matière de surtaxes aurait été nulle et tout accord ou pratique concertée sur les surtaxes concernant le trafic au départ du Japon n’aurait pas affecté le commerce entre les États membres de l’Union.
274 La Commission conteste cette argumentation.
275 Les considérants 995 à 1012 de la décision attaquée portent, d’une part, sur les ASA conclus par le Japon et, d’autre part, sur le régime réglementaire japonais. Aux termes de ces considérants, la Commission a estimé qu’aucune exigence de discuter des tarifs n’avait été imposée aux transporteurs au Japon.
276 En premier lieu, s’agissant des ASA conclus par le Japon, la décision attaquée, en son considérant 995, reproduit le libellé d’une clause figurant dans l’accord conclu avec le Royaume des Pays-Bas qui se retrouve dans d’autres accords et qui prévoit ce qui suit :
« Dans la mesure du possible, les compagnies aériennes désignées atteindront un accord sur les tarifs par l’application du mécanisme de tarification de l’IATA. Si ceci n’est pas possible, les tarifs pour chacune des liaisons spécifiées seront convenus par les compagnies aériennes désignées. »
277 Après avoir relevé, au considérant 996 de la décision attaquée, que, selon un transporteur, les ASA exigeaient des accords sur les prix plutôt qu’ils ne les autorisaient, la Commission a souligné, au considérant 997 de ladite décision, que l’accord conclu avec le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord avait été modifié en 2000 par un protocole d’accord prévoyant que les transporteurs désignés ne devaient pas se consulter sur les tarifs préalablement à une demande d’approbation. Selon les considérants 1005 à 1008 de cette décision, quand bien même il ressortirait des ASA que, sous réserve de certaines conditions, les transporteurs doivent se mettre d’accord sur les tarifs, de telles discussions seraient strictement limitées aux transporteurs désignés sur des liaisons déterminées et ne concerneraient en aucun cas des discussions générales entre transporteurs multiples. Enfin, en pratique, les parties aux ASA ne revendiqueraient pas l’application de ces accords, de sorte que les obligations découleraient plutôt des dispositions légales et administratives nationales en vigueur au Japon, ce qui serait renforcé par le fait que les parties invoquent que la coordination était requise pour la STC, mais pas pour la STS.
278 En second lieu, s’agissant de la règlementation et de la pratique administrative japonaises, la Commission a mentionné, aux considérants 998 à 1004 de la décision attaquée, certaines dispositions de la loi japonaise sur l’aviation civile ainsi que des déclarations de transporteurs concernant les directives du BJAC. Aux considérants 1009 à 1011 de ladite décision, elle a retenu, d’une part, qu’il ne ressortait pas expressément de cette loi que la coordination tarifaire était obligatoire et, d’autre part, que les transporteurs incriminés n’avaient apporté aucun élément de preuve établissant qu’une telle obligation avait été imposée par la pratique administrative du BJAC.
279 L’argumentation des requérantes n’est pas de nature à démontrer que ces appréciations sont entachées d’illégalité.
280 En premier lieu, il convient de relever que, selon les allégations des requérantes, les transporteurs opérant au Japon, du fait de la pratique administrative du BJAC, auraient été soumis à des pressions irrésistibles les incitant à se consulter sur les tarifs. Pour étayer l’existence de telles pressions irrésistibles, les requérantes se prévalent de transcriptions des déclarations faites par les transporteurs lors de l’audition devant la Commission.
281 D’une part, il ressort ce qui suit desdites transcriptions, telles qu’elles ont été portées à la connaissance du Tribunal :
– Lufthansa a fait valoir que Japan Airlines aurait été destinataire d’une « orientation » du ministre de l’aménagement du territoire, des infrastructures et des transports (MILT) selon laquelle les transporteurs « devraient éviter » toute confusion sur le marché, et qu’une ligne d’action uniforme « a été recommandée » ;
– CPA a déclaré que les agents du BJAC avaient fait savoir qu’il « serait préférable » que les transporteurs se coordonnent sur les tarifs, car cette autorité « aurait eu des difficultés » à justifier que des STC différentes soient retenues pour différents transporteurs ;
– Japan Airlines a indiqué ne pas soutenir que le système règlementaire japonais puisse excuser son comportement, et précisé que les exigences qui lui étaient imposées permettaient d’éclairer le contexte de la coordination tarifaire et devraient être prises en compte en tant que circonstance atténuante ; s’agissant de la pratique administrative du BJAC, elle a fait valoir qu’elle « a compris que le BJAC était son régulateur principal, mais que celui-ci voulait que J[apan Airlines] se coordonne avec d’autres transporteurs japonais pour parvenir à la réalisation des objectifs réglementaires d’uniformité et de loyauté vis-à-vis des consommateurs japonais et que la capacité de J[apan Airlines] d’obtenir l’approbation [d’une STC pour des services de fret hors du Japon] était requise par la législation japonaise, et conditionnée par le respect des intentions et instructions du BJAC » ;
– Un transporteur a soutenu que le BJAC, à compter de mai 2001 et pour toute la période d’application de la STC, « a exigé que tous les transporteurs se coordonnent pour introduire ou augmenter la [STC] et par conséquent qu’ils déposent des demandes de modification de la STC presque en même temps et pour les mêmes montants », et, à compter de 2002, a ordonné aux transporteurs de procéder à des demandes visant à ce que les accords bénéficient de l’immunité en vertu du droit japonais de la concurrence ; elle a ajouté que cette pratique administrative avait une valeur contraignante et que les transporteurs japonais ne disposaient d’aucune marge d’autonomie en matière d’introduction ou de modification de la STC.
282 Ces déclarations ne sont pas univoques. En effet, seul un transporteur a indiqué sans réserves que la coordination tarifaire entre transporteurs était imposée par le BJAC. À l’inverse, selon les déclarations de Lufthansa et de CPA, le BJAC aurait encouragé ladite coordination plus qu’il ne l’aurait exigée. Quant à Japan Airlines, il a soutenu que le motif pour lequel il se serait engagé dans un comportement anticoncurrentiel résiderait dans sa propre compréhension de la volonté du BJAC, ce qui, compte tenu de la précision qu’il a par ailleurs apporté selon laquelle le contexte règlementaire au Japon ne pourrait pas être invoqué pour justifier l’inapplication de l’article 101 TFUE à son comportement, tend plutôt à accréditer la thèse selon laquelle le BJAC n’aurait pas expressément exigé des transporteurs qu’ils discutent des tarifs.
283 D’autre part, il convient de constater que, comme le relève à juste titre la Commission, la valeur probante de ces éléments demeure faible. Il s’agit, en effet, de simples déclarations orales effectuées durant la procédure administrative par les opérateurs faisant l’objet de son enquête, qui ne sont étayées par aucune preuve contemporaine et qui tendent à exonérer les déclarants ou, à tout le moins, à faire valoir des circonstances atténuantes (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T 54/03, non publié, EU:T:2008:255, point 379, et du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T 655/11, EU:T:2015:383, point 183).
284 Partant, les éléments produits par les requérantes au soutien de leurs allégations ne sauraient être considérés comme des indices objectifs, pertinents et concordants que, au Japon, la coordination tarifaire entre transporteurs leur a été unilatéralement imposée par les autorités nationales par l’exercice de pressions irrésistibles, au sens de la jurisprudence citée au point 236 ci-dessus.
285 En second lieu, les requérantes restant en défaut d’étayer leurs allégations selon lesquelles la coordination tarifaire entre transporteurs a été unilatéralement imposée par les autorités nationales par l’exercice de pressions irrésistibles, elles ne sauraient utilement soutenir que le régime mis en place par le BJAC annulait tout concurrence tarifaire entre transporteurs et que les accords sur les surtaxes au départ du Japon n’auraient pas affecté le commerce entre les États membres de l’Union (voir également point 271 ci-dessus).
286 Les arguments des requérantes relatifs au système règlementaire du Japon doivent donc être rejetés.
iii) Thaïlande
287 Les requérantes font valoir que, selon la règlementation thaïlandaise, la STC appliquée par les transporteurs devait être préalablement approuvée par le département de l’aviation civile (ci-après le « DOA »), sous peine de sanction. Aux fins de l’exécution de la loi thaïlandaise sur la navigation aérienne, le DOA consultait les différentes parties prenantes et approuvait les propositions relatives à la STC formulées par le groupe sur le fret aérien (Airline Cargo Panel, ci-après l’« ACP ») de l’association des entreprises de fret aérien (Airline Cargo Business Association, ci-après l’« ACBA »). Les transporteurs se seraient conformées à ces exigences réglementaires. Dès lors que les autorités thaïlandaises s’attendaient manifestement à ce que les transporteurs se coordonnent en matière de STC, et compte tenu du risque de sanctions, les transporteurs auraient été soumis à des pressions irrésistibles pour assurer le respect du système. De surcroît, dans la mesure où les autorités thaïlandaises étaient déterminées à assurer que les ajustements de la STC soient uniformes, le processus d’approbation éliminait toute concurrence possible en matière de surtaxes et éliminait tout effet possible sur le commerce entre les États membres de l’Union.
288 La Commission conteste cette argumentation.
289 Au considérant 1015 de la décision attaquée, la Commission a analysé le régime règlementaire applicable en Thaïlande. Elle a relevé que les ASA conclus entre ce pays tiers et des États membres de l’Union prévoyaient, en règle générale, une clause selon laquelle les tarifs seraient, « si possible, convenus entre les [transporteurs désignés concernés] pour chacune des liaisons spécifiées », et qu’ils pouvaient faire l’objet d’un accord entre les parties contractantes si les transporteurs ne parvenaient pas à s’entendre. La Commission a également relevé que les tarifs devaient être déposés auprès du DOA et de la commission de l’aviation civile.
290 Au considérant 1019 de la décision attaquée, la Commission a estimé que, « [s]uivant le raisonnement […] en ce qui concerne Hong Kong et le Japon », le moyen de défense tiré de la contrainte étatique n’était pas étayé dans le cas de la Thaïlande.
291 Au même considérant, la Commission a précisé que cette analogie était valable au motif, premièrement, que les dispositions tarifaires prévues dans les ASA applicables en Thaïlande étaient limitées aux transporteurs désignés sur des liaisons déterminées et ne s’étendaient pas à des discussions tarifaires générales entre opérateurs multiples, assurant des services vers des destinations nationales multiples et, deuxièmement, qu’il n’avait pas été démontré que les dispositions légales et administratives nationales applicables exigeaient la coordination tarifaire.
292 Aucun des arguments des requérantes ne démontre que ces appréciations sont entachées d’erreurs.
293 En premier lieu, il convient de relever que le fait que le DOA ait admis que l’ACP soit son principal interlocuteur pour les propositions relatives à la STC ou le fait que les transporteurs aient pu être soumis à des amendes en cas d’introduction d’une STC n’ayant pas été préalablement approuvée, à les supposer même établis, notamment au regard de l’échange de courriels entre transporteurs survenu dans le courant du mois de mai 2004 qui a été versé au dossier par les requérantes, n’impliquent pas, en eux-mêmes, que les transporteurs ont dû se coordonner sur les tarifs en raison de pressions étatiques irrésistibles. Il ne saurait pas non plus être déduit de ces mêmes faits que la règlementation thaïlandaise a supprimé toute autonomie des transporteurs dans la détermination de la STC appliquée.
294 En second lieu, dans la requête, les requérantes se bornent à faire valoir que le DOA aurait « confirmé sa réglementation en vigueur sur les surtaxes ainsi que l’attention qu’il porte à l’incidence de l’augmentation des taux de [STC] sur les exportations en provenance de Thaïlande, notamment par le biais de la consultation des différentes parties prenantes », tout en renvoyant à une série de documents en annexes.
295 Tout d’abord, ces annexes consistent en des déclarations de CPA et de Martinair faites durant la procédure administrative. Il ressort de la déclaration de CPA que, en 2000, les autorités thaïlandaises auraient approuvé l’introduction de la STC sous réserve qu’elle ne dépasse pas un certain montant. Par ailleurs, selon les déclarations de CPA et de Martinair, dans le courant des années 2003 et 2004, les transporteurs se seraient consultés au sein de l’ACP, à l’initiative d’un autre transporteur, dans le but de proposer une augmentation de la STC et de définir un indice, lequel a été soumis au DOA pour approbation. Par lettre du 14 mai 2004, le DOA aurait requis des transporteurs qu’ils maintiennent la STC déjà approuvée dans l’attente de l’examen de leur demande. Une réunion avec le DOA se serait tenue le 8 novembre 2004, à la suite de laquelle celui-ci aurait adopté une résolution adressée à l’ensemble des transporteurs établissant des lignes directrices relatives à l’augmentation de la STC. Par une autre lettre datée du 3 décembre 2004, le DOA aurait approuvé l’indice proposé par l’ACP. Il aurait été prévu qu’un transporteur annoncerait aux autres transporteurs les modifications de STC auxquelles elle procéderait en vertu de l’indice.
296 Selon la déclaration de CPA, le 20 juillet 2005, le DOA aurait décidé d’une modification provisoire des tarifs de la STC au départ de la Thaïlande portant augmentation du taux de cette surtaxe, et requis d’un transporteur qu’il communique ces tarifs provisoires à tous les transporteurs, dans le but que ces derniers mettent en œuvre les modifications ainsi convenues. Par lettre du 2 octobre 2006, le transporteur en cause aurait annoncé aux autres transporteurs que le DOA avait approuvé une nouvelle modification de l’indice de la STC et transmis une lettre du DOA datée du 28 septembre 2006 relative à ces changements. Le transporteur en cause aurait par la suite à tout le moins continué à publier son indice de STC sur son site Internet.
297 Ensuite, les annexes auxquelles renvoient les requérantes contiennent les documents suivants :
– un compte-rendu d’une réunion qui aurait été organisée par le DOA le 24 mars 2003, à laquelle auraient notamment assisté des représentants d’exportateurs thaïlandais, de l’ACBA et des transporteurs, dont il ressort, en substance, que les autorités thaïlandaises entendaient trouver une solution de compromis consistant à maintenir la STC tout en assurant qu’elle soit contenue à un niveau acceptable et qu’elles considéraient que trois options étaient envisageables ; à cette occasion, une partie aurait évoqué le « risque d’une guerre des surtaxes » du fait que certains transporteurs européens pourraient essayer de maintenir ce coût ;
– une lettre en thaï datée du 14 mai 2004 accompagnée d’une traduction en langue anglaise ; selon cette traduction, ladite lettre aurait pour objet une révision de la STC, dont les taux sont précisés, en référence à une précédente lettre du DOA datée du 22 avril 2003 ; il en ressort que cette révision serait toujours en cours d’examen et que, à titre provisoire, il serait demandé à tous les transporteurs de maintenir les taux de STC préalablement approuvés ;
– un échange de courriels entre transporteurs survenu dans le courant du moins d’août 2004, contenant une traduction en langue anglaise d’une lettre de l’ACBA datée du 10 juin 2004 et d’une lettre en réponse du DOA datée du 9 août 2004, les deux lettres figurant en thaï dans le dossier ; il ressort de la traduction de la lettre du 9 août 2004 que, dans l’attente de l’examen d’une nouvelle demande de l’ACBA, le DOA « souhaite que tou[s] les [transporteurs] se coordonnent pour maintenir leur STC que le DOA a approuvée auparavant » ; en outre, il ressort de cet échange de courriels que les transporteurs discutaient de la date d’introduction de la surtaxe au regard d’un risque de manque à gagner en raison de transactions déjà réalisées par leurs clients ;
– un échange de courriels entre transporteurs survenu dans le courant du mois de décembre 2004 dont il ressort, d’une part, que le DOA aurait arrêté une nouvelle règlementation des surtaxes qui devait être respectée par tous les transporteurs et, d’autre part, que certains transporteurs appliquaient des taux de STC différents, qu’une discussion portait sur le caractère approprié du montant des surtaxes pratiquées, et qu’un transporteur envisageait de réviser ses propres taux ; à cet échange est annexée une lettre du DOA datée du 3 décembre 2004, faisant état d’une résolution, adoptée à la suite de la « réunion no 2/2547 », permettant aux transporteurs d’appliquer une STC suivant un indice de carburant dont le détail est précisé ;
– un mémorandum rédigé par un expert juridique dont il ressort notamment que, selon des discussions entre l’expert et un agent du DOA, entre 2000 et 2002, certains transporteurs auraient introduit unilatéralement des STC en l’absence de toute règlementation, que des exportateurs et l’ACP ont alors sollicité l’intervention des autorités thaïlandaises et que le DOA a approuvé l’introduction d’une STC ; à la suite de discussions entre les parties prenantes, le DOA a adopté en novembre 2004, lors de la « réunion no 2/2547 », une résolution approuvant l’utilisation d’un indice de carburant comme méthode de calcul de la STC pour les services de fret ; à la suite de cette résolution, toute modification du taux maximum impliquait l’approbation du DOA.
298 Au regard des éléments exposés aux points 295 à 297 ci-dessus, il y a lieu de relever d’emblée que la valeur probante des déclarations de CPA et de Martinair, prises isolément, demeure faible, puisqu’il s’agit, là encore, de simples déclarations orales effectuées durant la procédure administrative par les opérateurs faisant l’objet de l’enquête de la Commission, qui tendent à exonérer les déclarants (voir point 283 ci-dessus). Elles ne pourraient suffire à étayer les arguments des requérantes que dans la mesure où elles seraient corroborées par d’autres éléments de preuve.
299 Cela étant précisé, premièrement, il y a lieu d’observer que, en dehors des déclarations de CPA, aucun des documents versés au dossier ne concerne l’année 2005, notamment la décision qui aurait prétendument été arrêtée par le DOA le 20 juillet 2005. À cet égard, les requérantes restent donc en défaut de produire des indices objectifs, pertinents et concordants démontrant l’existence de pressions étatiques irrésistibles, ou d’établir l’existence d’un régime réglementaire ayant supprimé toute autonomie des transporteurs dans la détermination de la STC appliquée.
300 Deuxièmement, s’agissant de la période comprise entre 2000 et 2003, les éléments annexés à la requête ne sont pas concordants. En effet, si la déclaration de CPA indique que, en 2000, les autorités thaïlandaises ont approuvé l’introduction de la STC sous réserve qu’elle ne dépasse pas un certain montant, il ressort toutefois du mémorandum rédigé par un expert juridique que certains transporteurs auraient, entre 2000 et 2002, introduit unilatéralement des STC en l’absence de toute règlementation. En outre, le compte-rendu d’une réunion qui aurait été organisée par le DOA le 24 mars 2003 fait état d’un « risque d’une guerre des surtaxes » en raison du comportement de certains transporteurs européens, ce qui tend plutôt à établir que la STC n’était pas régulée en Thaïlande jusqu’à cette date.
301 Les requérantes n’ont donc pas apporté la preuve d’un régime réglementaire en vigueur, ou de l’existence de pressions étatiques irrésistibles, en Thaïlande entre 2000 et 2003.
302 Troisièmement, en ce qui concerne l’année 2004, tout d’abord, il convient de constater que seul l’échange de courriels survenu en août 2004 évoque la lettre du DOA du 9 août 2004. En outre, il ressort, certes, de la traduction en langue anglaise de cette lettre que le DOA « souhaite que tou[s] les [transporteurs] se coordonnent pour maintenir leur STC que le DOA a approuvée auparavant ». Toutefois, ledit échange de courriels indique que cette instruction du DOA intervenait à titre provisoire, dans l’attente de l’examen de la nouvelle demande de l’ACBA formulée par une lettre du 10 juin 2004. Quant aux conditions dans lesquelles la STC « approuvée auparavant » a été soumise au DOA, elles ne sont pas précisées. Par conséquent, il n’est pas possible d’inférer de cet échange de courriels que le DOA exigeait des transporteurs qu’ils se coordonnent avant de lui soumettre une demande relative à la STC, ou s’il examinait des demandes collectives trouvant leur origine dans une coordination initiée par les transporteurs eux-mêmes au sein de l’ACBA. Au demeurant, il ressort dudit échange de courriel que les transporteurs discutaient librement de la date d’introduction de la nouvelle STC au regard d’un risque de manque à gagner en raison de transactions déjà réalisées par leurs clients, ce qui tend plutôt à établir qu’ils disposaient d’une certaine autonomie à cet égard et que certaines modalités, à tout le moins, de la STC faisaient l’objet d’une coordination entre opérateurs qui ne résultait pas d’une contrainte étatique.
303 Ensuite, les seuls éléments constants ressortant de la déclaration de CPA de la lettre du DOA du 14 mai 2004, de l’échange de courriels survenu en décembre 2004 ainsi que du mémorandum de l’expert juridique sont que le DOA a adressé une première lettre aux transporteurs le 14 mai 2004 demandant à ces derniers de maintenir les taux de STC antérieurement approuvés dans l’attente de l’adoption d’une règlementation à cet égard, et, à la suite de la « réunion no 2/2547 », a adopté une résolution transcrite dans une lettre datée du 3 décembre 2004, permettant aux transporteurs d’appliquer une STC suivant un indice de carburant dont le détail est précisé.
304 Or, d’une part, il ne ressort ni de la lettre du DOA du 14 mai 2004, ni de l’échange de courriels survenu en août 2004, ni de la lettre du DOA du 3 décembre 2004 que le DOA aurait requis de transporteurs qu’ils se concertent, ou même exercé des pressions sur ces derniers, aux fins de définir tant les taux de STC applicables à titre provisoire que l’indice de STC adopté par la résolution prise à la suite de la « réunion no 2/2547 ». Les déclarations de CPA tendent plutôt à établir que c’est à l’initiative d’un transporteur que les transporteurs se sont coordonnés au sein de l’ACP dans le but de définir un indice soumis au DOA pour approbation. De tels éléments ne sauraient donc être considérés comme des indices objectifs, pertinents et concordants que, en Thaïlande, la coordination tarifaire entre transporteurs a été unilatéralement imposée aux requérantes par les autorités nationales par l’exercice de pressions irrésistibles, au sens de la jurisprudence citée au point 236 ci-dessus.
305 D’autre part, le seul document attestant précisément de l’existence et du contenu d’une règlementation thaïlandaise sur la STC est la lettre du DOA datée du 3 décembre 2004, faisant état de la résolution adoptée suite à la « réunion no 2/2547 » permettant aux transporteurs d’appliquer une STC suivant un indice de carburant. Or, il ressort de ladite lettre que l’indice de carburant « est autorisé » suivant certains critères pour prélever la STC. En outre, les différents critères qui sont définis précisent, pour la plupart, que la STC « peut être perçue » lorsqu’ils sont applicables. Les seuls critères impératifs sont ceux relatifs à l’annulation de la STC lorsque l’indice moyen de carburant est inférieur à 100 durant 15 jours, ainsi qu’à l’introduction de la STC lorsque l’indice moyen de carburant est supérieur à 125 durant 15 jours.
306 Une telle résolution, qui laisse manifestement une marge d’appréciation s’agissant de l’application de la STC et de la détermination de son taux, ne saurait être considérée comme un cadre règlementaire ayant supprimé toute autonomie des transporteurs dans la détermination de la STC appliquée.
307 Il ressort de tout ce qui précède que les requérantes restent en défaut d’étayer leurs allégations selon lesquelles la coordination tarifaire entre transporteurs a été unilatéralement imposée par les autorités thaïlandaises par l’exercice de pressions irrésistibles, ou que le régime mis en place par le DOA annulait toute concurrence tarifaire entre transporteurs et que les accords sur les surtaxes au départ de la Thaïlande n’auraient pas affecté le commerce entre les États membres de l’Union (voir également point 271 ci-dessus).
308 Par conséquent, les arguments des requérantes relatifs à la Thaïlande doivent être rejetés.
309 Il ressort de tout ce qui précède que le grief tiré d’erreurs d’appréciation des faits lors de l’examen des régimes réglementaires de Hong Kong, du Japon et de la Thaïlande doit être rejeté, de même que la troisième branche du premier moyen dans son ensemble.
c) Sur la quatrième branche, prise de ce que la Commission n’a pas établi à suffisance un lien entre les différentes composantes de l’infraction unique et continue
310 Les requérantes font valoir que la Commission n’a pas établi à suffisance de droit un lien entre les différentes composantes de l’infraction unique et continue. Tel serait le cas s’agissant, d’une part, de la STC, de la STS et du refus de paiement de commissions et, d’autre part, des différents comportements locaux qui seraient intervenus sur des marchés distincts.
1) Sur l’inclusion dans l’infraction unique et continue de la STC, de la STS et du refus de paiement de commissions
311 Les requérantes soutiennent, en substance, que l’existence d’un lien de complémentarité entre la STC, la STS et le refus de paiement de commissions aux transitaires n’a pas été établie à suffisance. À l’appui de cette thèse, les requérantes invoquent cinq griefs. Ceux-ci visent, premièrement, l’objectif anticoncurrentiel unique invoqué, deuxièmement, l’existence d’un produit ou service unique sur lequel aurait porté le comportement litigieux, troisièmement, l’implication des mêmes entreprises dans les différentes composantes de l’infraction en cause, quatrièmement, la nature unique de l’infraction en cause et, cinquièmement, la discussion en parallèle des différentes composantes de l’infraction unique et continue.
312 Selon la jurisprudence, une violation de l’interdiction de principe prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition. Ainsi, lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C 441/11 P, EU:C:2012:778, point 41 et jurisprudence citée).
313 Lors de l’appréciation du caractère unique de l’infraction et de l’existence d’un plan d’ensemble, le fait que les différentes actions des entreprises s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, revêt un caractère déterminant. Aux fins de cette appréciation, l’identité au moins partielle des entreprises concernées (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2013, Total Raffinage Marketing/Commission, T 566/08, EU:T:2013:423, points 265 et 266 et jurisprudence citée), de même que les différents chevauchements matériels, géographiques et temporels entre les actes et les comportements en cause peuvent être pertinents.
314 Tel est notamment le cas de l’identité des produits et des services concernés, de l’identité des modalités de mise en œuvre, de l’identité des personnes physiques impliquées pour le compte des entreprises et de l’identité du champ d’application géographique des pratiques en cause (arrêt du 17 mai 2013, Trelleborg Industrie et Trelleborg/Commission, T 147/09 et T 148/09, EU:T:2013:259, point 60).
315 L’existence de liens de complémentarité entre les différents agissements en cause, en ce sens que chacun d’entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence et contribuent, par l’intermédiaire d’une interaction, à la réalisation de l’ensemble des effets anticoncurrentiels voulus par leurs auteurs, dans le cadre d’un plan global visant un objectif unique, peut également constituer un indice objectif confortant l’existence d’un plan d’ensemble visant à la réalisation d’un objectif anticoncurrentiel unique (voir, en ce sens, arrêts du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T 446/05, EU:T:2010:165, point 92 et jurisprudence citée, et du 16 septembre 2013, Masco e.a./Commission, T 378/10, EU:T:2013:469, points 22, 23 et 32 et jurisprudence citée).
316 Toutefois, contrairement à ce que laissent entendre les requérantes, il n’est pas nécessaire, aux fins de qualifier différents agissements d’infraction unique et continue, de vérifier s’ils présentent de tels liens. La notion d’« objectif unique » implique seulement qu’il doit être vérifié s’il n’existe pas d’éléments caractérisant les différents comportements faisant partie de l’infraction qui soient susceptibles d’indiquer que les comportements matériellement mis en œuvre par d’autres entreprises participantes ne partagent pas le même objet ou le même effet anticoncurrentiel et ne s’inscrivent, par conséquent, pas dans un « plan d’ensemble » en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Duravit e.a./Commission, C 609/13 P, EU:C:2017:46, point 121).
317 Selon la jurisprudence, ces éléments doivent, comme le relèvent les requérantes, faire l’objet d’une appréciation d’ensemble (arrêt du 16 septembre 2013, Masco e.a./Commission, T 378/10, EU:T:2013:469, point 58).
318 En l’espèce, aux considérants 872 à 883 de la décision attaquée, la Commission a retenu six facteurs pour conclure que les comportements litigieux relevaient d’une infraction unique. Il s’agit, premièrement, de l’existence d’un objectif anticoncurrentiel unique (considérants 872 à 876), deuxièmement, du fait que ces comportements portaient sur un « [p]roduit/services unique », à savoir « la fourniture de services de fret […] et leur tarification » (considérant 877), troisièmement, de l’identité des entreprises impliquées dans les différents agissements en cause (considérant 878), quatrièmement, de la nature unique de l’infraction (considérant 879), cinquièmement, de la circonstance que les discussions auxquelles ont participé les transporteurs incriminés avaient lieu en parallèle (considérant 880) et, sixièmement, de l’implication de la majorité des transporteurs incriminés dans les trois composantes de l’infraction unique et continue (considérants 881 à 883).
319 Au considérant 900 de la décision attaquée, la Commission a ajouté à ces facteurs la circonstance que les mêmes personnes auraient été impliquées dans les différents agissements en cause.
320 Les arguments des requérantes portent uniquement sur les cinq facteurs retenus aux considérants 872 à 880 de la décision attaquée. Il convient donc d’examiner si ces arguments sont de nature à démontrer que, appréciés dans leur ensemble, les différents facteurs retenus dans la décision attaquée ne suffisaient pas à établir que les composantes tenant à la STC, à la STC et au refus de paiement de commissions relevaient d’une infraction unique.
i) Sur le premier grief, relatif à l’objectif anticoncurrentiel unique invoqué
321 Les requérantes font valoir que l’objectif anticoncurrentiel unique décrit aux considérants 872 à 875 de la décision attaquée est un simple objectif de distorsion de concurrence, qui ne suffirait pas à conclure à l’existence d’une infraction unique. Il serait au demeurant remarquable que les éléments de preuve que la Commission invoque à l’appui de son analyse au considérant 875 de la décision attaquée reposent entièrement sur les déclarations du « groupe central », qui ne seraient pas transposables au comportement des autres transporteurs incriminés.
322 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
323 Il est vrai que, comme le soutiennent les requérantes, la notion d’objectif unique ne saurait être déterminée par la référence générale à la distorsion de la concurrence dans un secteur donné, dès lors que l’affectation de la concurrence constitue, en tant qu’objet ou effet, un élément consubstantiel à tout comportement relevant du champ d’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Une telle définition de la notion d’objectif unique risquerait, en effet, de priver la notion d’infraction unique et continue d’une partie de son sens dans la mesure où elle aurait comme conséquence que plusieurs comportements concernant un secteur économique, interdits par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, devraient systématiquement être qualifiés d’éléments constitutifs d’une infraction unique (arrêts du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T 446/05, EU:T:2010:165, point 92, et du 30 novembre 2011, Quinn Barlo e.a./Commission, T 208/06, EU:T:2011:701, point 149).
324 Or, en l’espèce, la Commission ne s’est pas contentée de déterminer l’objectif anticoncurrentiel unique poursuivi par les transporteurs incriminés par une référence générale à la distorsion de concurrence dans le secteur du fret. Au considérant 872 de la décision attaquée, elle a, en effet, retenu que cet objectif « consista[i]t à entraver la concurrence dans le secteur du fret […] en coordonnant l[e] comportement [des transporteurs incriminés] en matière de tarification en ce qui concerne la fourniture de services de fret en supprimant la concurrence concernant l’imposition, le montant et le calendrier des STC et STS et le [refus de paiement de commissions] au profit des transitaires ». Au considérant 874 de cette décision, elle a fait référence à un « réseau de contacts qui a[vait] garanti le maintien de la discipline sur le marché et l’application intégrale et coordonnée des augmentations résultant des indices du carburant, supprimant ainsi l’incertitude en matière de tarification ». Elle a ajouté que « [c]ette action s’[était] étendue à la STS où les parties [avaient] à nouveau cherché à lever l’incertitude en matière de tarification » et que « [cela avait] été renforcé » par le refus de paiement de commissions sur les surtaxes, qui « permettait de maintenir sous contrôle l’incertitude en matière de tarification que la concurrence sur le paiement de commissions [dans le cadre des négociations avec les transitaires] aurait pu créer ». Au considérant 899 de ladite décision, elle a précisé que l’« objectif global » consistait à « se mettre d’accord sur la tarification ou à tout le moins lever l’incertitude en matière de tarification dans le secteur du [fret] en ce qui concerne la STC, la STS et le refus de [paiement] de commissions ».
325 Quant à l’argument selon lequel les déclarations citées au considérant 875 de la décision attaquée correspondraient au comportement des membres d’un éventuel « groupe central » de transporteurs et ne seraient pas transposables aux autres transporteurs incriminés, il ne saurait prospérer. Il convient, en effet, d’observer qu’il ne ressort pas du considérant 875 de la décision attaquée que ces déclarations opéraient toutes une distinction entre transporteurs incriminés selon qu’ils appartenaient ou non à un éventuel « groupe central » ou ne seraient applicables qu’à certains d’entre eux. Parmi lesdites déclarations figure ainsi celle de Cargolux, dont il ressort, selon ce considérant, que les contacts étaient conçus dans le but de garantir que les concurrents prennent les mêmes mesures.
326 Il s’ensuit que le présent grief ne peut qu’être rejeté.
ii) Sur le deuxième grief, relatif à l’existence d’un produit ou service unique sur lequel aurait porté le comportement litigieux
327 Les requérantes avancent que la Commission a commis une erreur en considérant que le comportement litigieux concernait un produit/service unique. En effet, selon les requérantes, les services de fret aérien au départ d’un pays ou d’une région donnés et à destination de pays ou de régions différents constituent des marchés de produit distincts qui sont vendus sur des marchés géographiques nationaux ou régionaux distincts. En outre, la Commission s’étant refusée à définir les marchés en cause, l’argument tiré de l’existence supposée d’un produit ou service unique constituerait une violation des « besoins essentiels de sécurité juridique ».
328 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
329 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans le cadre de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, c’est pour déterminer si un accord est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur qu’il faut définir le marché en cause. L’obligation d’opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne s’impose ainsi à la Commission que lorsque, sans une telle délimitation, il n’est pas possible de déterminer si l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur (voir arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T 91/11, EU:T:2014:92, point 129 et jurisprudence citée).
330 Or, en l’espèce, les requérantes n’allèguent pas qu’il était impossible de déterminer si l’infraction unique et continue avait pour objet de restreindre et de fausser le jeu de la concurrence dans le marché intérieur et était susceptible d’affecter le commerce entre États membres sans définir au préalable le marché en cause.
331 Dans ces conditions, il ne saurait être considéré qu’il était nécessaire de définir le marché pertinent pour déterminer si l’infraction unique et continue était susceptible d’affecter le commerce entre États membres. C’est donc à bon droit que la Commission a retenu, au considérant 74 de la décision attaquée, qu’elle n’était pas tenue de délimiter ce marché et s’est, par suite, gardée de le faire.
332 C’est également à juste titre que, au considérant 877 de la décision attaquée, la Commission a néanmoins retenu que les « arrangements port[ai]ent sur la fourniture de services de fret aérien et leur tarification » et a fait référence à un « [p]roduit/services unique ».
333 En présence d’infractions à l’article 101 TFUE telles que celle dont il est question en l’espèce, ce sont, en effet, les accords et les activités de l’entente qui déterminent les marchés pertinents (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T 91/11, EU:T:2014:92, point 131 et jurisprudence citée).
334 Or, comme il a été retenu aux points 216 à 224 ci-dessus, c’est à juste titre que la Commission a conclu que les surtaxes étaient des mesures d’application générale qui avaient vocation à être appliquée « à toutes les liaisons, au niveau mondial » et que le refus de paiement de commissions « revêtait également un caractère général ».
335 Il s’ensuit que les membres de l’entente litigieuse ont eux-mêmes déterminé les produits ou les services faisant l’objet de leurs discussions et pratiques concertées en incluant dans leurs discussions les services de fret, sans distinction selon leur lieu de départ ou d’origine, si ce n’est pour procéder à des ajustements en fonction des conditions locales (note en bas de page no 1323 de la décision attaquée).
336 La Commission était donc fondée à qualifier de « service unique » la fourniture de services de fret, telle qu’elle les a décrits aux considérants 14 à 18 de la décision attaquée.
337 Le présent grief doit donc être rejeté.
iii) Sur le troisième grief, relatif à l’implication des mêmes entreprises dans les différentes composantes de l’infraction en cause
338 Les requérantes soutiennent que la circonstance que les mêmes entreprises ont participé aux différentes composantes de l’infraction en cause n’est pas, en soi, un indice solide de complémentarité, ce dont attesterait la pratique décisionnelle de la Commission.
339 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
340 Il convient de rappeler que, lors de l’appréciation du caractère unique de l’infraction et de l’existence d’un plan d’ensemble, l’identité des entreprises impliquées dans les différents agissements en cause peut être prise en compte (voir point 313 ci-dessus). Ainsi que la Commission l’a rappelé à bon droit au considérant 878 de la décision attaquée, cette identité ne doit pas être parfaite, mais peut être partielle (voir, en ce sens, arrêts du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T 91/11, EU:T:2014:92, point 128, et du 9 septembre 2015, Samsung SDI e.a./Commission, T 84/13, non publié, EU:T:2015:611, point 43).
341 Il ne saurait donc être reproché à la Commission de s’être appuyée, au considérant 878 de la décision attaquée, sur l’identité des entreprises ayant participé aux composantes tenant à la STS, à la STC et au refus de paiement de commissions en tant qu’élément, qui, parmi d’autres, tendait à démontrer que ces trois composantes relevaient d’une infraction unique.
342 Quant aux récentes décisions dans lesquelles la Commission aurait reconnu l’existence d’infractions séparées malgré l’identité d’entreprises ayant participé à cette dernière, il suffit de relever qu’elles n’excluent en rien que l’identité des entreprises impliquées dans les différents agissements en cause soit un facteur pertinent parmi d’autres aux fins de les qualifier d’infraction unique.
343 Le présent grief ne peut donc qu’être rejeté.
iv) Sur le quatrième grief, relatif à la nature unique de l’infraction en cause
344 Les requérantes contestent l’analyse de la « nature de l’infraction » au considérant 879 de la décision attaquée. Premièrement, la référence au rapport entre les différentes composantes de l’infraction unique et continue et la tarification des services de fret ne serait qu’une reformulation de l’objectif général mentionné au considérant 872 de cette décision. Deuxièmement, les éléments de preuve ne conforteraient pas la thèse selon laquelle un réseau préexistant de contacts « institué » dans le but de coordonner l’introduction et l’application de la STC a été « étendu » à la STS. L’examen des contacts afférents respectivement à la STC et à la STS révèlerait des différences de nature, de portée et de personnes. Troisièmement, le constat selon lequel les transporteurs incriminés ont été en mesure de coordonner leur position concernant le paiement de commissions se fonderait sur une hypothèse erronée selon laquelle les transporteurs incriminés n’auraient pas appliqué les surtaxes dans un scénario contrefactuel. Aucun élément factuel dans la décision attaquée n’étayerait cette hypothèse, qui serait également en contradiction avec l’utilisation antérieure d’une STC pour les services de fret aérien (décrite au considérant 114) et avec l’application continue de la STC et de la STS après février 2006, sans que la Commission ait soulevé la moindre objection à cet égard. En réalité, dans un tel scénario, il aurait existé des surtaxes importantes et les conditions qui ont provoqué la revendication par les transitaires de paiements supplémentaires seraient également restées valables. Quatrièmement, il serait incorrect de retenir que le refus de paiement de commissions a fait obstacle à l’octroi par les transporteurs de ristournes sur les surtaxes.
345 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
346 Il convient d’observer que, au considérant 879 de la décision attaquée, la Commission a conclu que les trois composantes de l’infraction unique et continue avaient une nature unique. Ce considérant se lit comme suit :
« L’infraction concerne la coordination des prix. Fondamentalement, les divers éléments concernant des questions de tarification, plus particulièrement les surtaxes. […] [L]es contacts entre les transporteurs concernant la tarification ont initialement démarré en rapport avec la STC et se sont étendus à l’introduction et à l’application de la STS dans le but d’éliminer la concurrence en rapport avec l’application et le niveau de ces surtaxes. Étant donné que la STC et la STS ont été maintenues en tant qu’éléments séparés du prix global, distincts des tarifs, les transporteurs ont été en mesure de coopérer davantage en refusant de payer des commissions sur les surtaxes qui auraient autrement dû être payées si elles avaient fait partie intégrante des tarifs. Ceci a permis de soustraire les surtaxes à la concurrence liée à la négociation de commissions (en réalité des ristournes sur les surtaxes) avec les clients. Les contacts concernant la STC, la STS et le refus de [paiement] d[e] commissions […] affichaient donc un lien de complémentarité étant donné que chacun avait pour but de traiter une ou plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence et, par cette interaction, de contribuer à la réalisation de l’objectif unique poursuivi par les responsables, dans le cadre d’un plan global. Les contacts anticoncurrentiels avaient un lien direct avec le niveau des surtaxes et, en dernier ressort, avec le niveau du prix final à payer par les clients. »
347 Il convient d’examiner si les arguments des requérantes sont de nature à démontrer que ces appréciations sont entachées d’erreur.
348 D’emblée, il y a lieu d’observer que les requérantes ne sont pas fondées à reprocher à la Commission d’avoir, au considérant 879 de la décision attaquée, repris des éléments qu’elle avait déjà exposés aux considérants 872 à 874 de cette décision. Il ressort, en effet, de la lecture du considérant 879 de ladite décision que ces éléments visaient à introduire l’analyse de la Commission quant à l’existence d’un lien de complémentarité entre les surtaxes, d’une part, et le refus de paiement de commissions, de l’autre.
349 Les requérantes ne sont pas non plus fondées à reprocher à la Commission de s’être appuyée sur une hypothèse erronée selon laquelle les transporteurs incriminés n’auraient pas appliqué les surtaxes dans un scénario contrefactuel, pour retenir que les transporteurs incriminés ont été en mesure de coordonner leur position concernant le paiement de commissions. En effet, au considérant 879 de la décision attaquée, la Commission a simplement retenu que, « [é]tant donné que la STC et la STS ont été maintenues en tant qu’éléments séparés du prix global, distincts des tarifs, les transporteurs ont été en mesure de coopérer davantage en refusant de payer des commissions sur les surtaxes qui auraient autrement dû être payées si elles avaient fait partie intégrante des tarifs ». Or, cette appréciation n’indique ni ne suppose que les transporteurs incriminés n’auraient appliqué aucune surtaxe s’ils ne s’étaient pas coordonnés. Elle ne suppose pas non plus que les transitaires auraient renoncé à exiger le paiement de commissions en l’absence de coordination des surtaxes.
350 Par ailleurs, les requérantes ne sauraient soutenir que le refus de paiement de commissions constituait simplement la « réponse des [transporteurs] à la tentative des transitaires en tant que groupe de faire valoir l’existence d’un droit au paiement de commissions au titre de la perception des surtaxes dont jouirait l’ensemble des transitaires ».
351 Il ressort, certes, des considérants 675 à 702 de la décision attaquée que la question du paiement de commissions faisait l’objet d’interprétations juridiques divergentes entre les transporteurs et les transitaires. Cependant, les transporteurs incriminés ne se sont pas bornés à définir une position commune à ce sujet pour la défendre de manière coordonnée devant les juridictions compétentes ou la promouvoir collectivement auprès des autorités publiques et d’autres associations professionnelles. Au contraire, les transporteurs incriminés se sont concertés en convenant – à un niveau multilatéral – de refuser de négocier le paiement de commissions avec les transitaires et de leur octroyer des ristournes sur les surtaxes. Ainsi, au considérant 695 de la décision attaquée, la Commission s’est référée à un courriel du 19 mai 2005, dans lequel un gestionnaire régional de Swiss en Italie indique que « tous [les participants à une réunion tenue le 12 mai 2005 ont] confirmé [leur] volonté de ne pas accepter de rémunération STC/STS ». Au considérant 696 de ladite décision, il est fait état d’un courriel interne du 14 juillet 2005 dans lequel CPA indique que « tous [les participants à une réunion tenue la veille] ont reconfirmé leur ferme intention de ne pas accepter de négociation concernant » le paiement de commissions. Aussi, au considérant 700 de la même décision, la Commission a invoqué un courriel interne dans lequel une employée de Cargolux informait son administration centrale de la tenue d’une réunion « avec tou[s] les [transporteurs] opérant à l’aéroport de [Barcelone] » et indiquait que, « de l’avis général, nous ne devrions pas payer de commissions sur les surtaxes ».
352 Il ressort également de la décision attaquée que plusieurs transporteurs ont échangé des informations – à un niveau bilatéral – pour s’assurer mutuellement de leur adhésion continue au refus de paiement de commissions dont ils étaient convenus au préalable. À titre d’illustration, le considérant 688 de cette décision décrit une conversation téléphonique du 9 février 2006 au cours de laquelle Lufthansa a demandé à AF si sa position au sujet du refus de paiement de commissions restait inchangée.
353 Quant à la circonstance que le refus de paiement de commissions n’ait pas empêché les requérantes d’octroyer aux transitaires des ristournes sur les surtaxes, elle n’enlève rien à son objet, dont les transporteurs ont à titre individuel pu dévier ou non.
354 Il convient, en revanche, d’observer que la Commission n’a ni expliqué ce qu’elle entendait par l’extension à la STS des contacts relatifs à la STC, ni n’a permis au Tribunal d’identifier les éléments de preuve sur lesquels elle a fondé son analyse.
355 Les requérantes ayant, cependant, échoué à remettre en cause la validité des autres motifs sur lesquels se fonde le considérant 879 de la décision attaquée, lesquels permettent à eux seuls de soutenir la conclusion figurant audit considérant (voir points 348 à 353 ci-dessus), ladite conclusion demeure fondée.
356 Il s’ensuit que le présent grief doit être rejeté.
v) Sur le cinquième grief, relatif à la discussion conjointe des différentes composantes de l’infraction unique et continue
357 Les requérantes font valoir que, loin de fournir de nombreux exemples d’évocation parallèle de la STC, de la STS ou du refus de paiement de commissions, les éléments de preuve cités au considérant 880 de la décision attaquée sont en réalité très limités. La Commission ne citerait ainsi qu’un seul document faisant état d’une réunion où tant la STC que la STC ont été abordées et ne ferait référence qu’à deux documents décrivant des réunions où tant la STC que le refus de paiement de commissions ont été traités. Il serait par ailleurs remarquable que quatre des cinq exemples fournis dans la décision attaquée concernent les discussions au sein du « groupe central ».
358 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
359 Il convient d’observer que, au considérant 880 de la décision attaquée, la Commission a constaté que les surtaxes et le refus de paiement de commissions avaient « fréquemment été discutés conjointement au cours du même contact avec les concurrents ». À l’appui de ce constat, la Commission a indiqué que de « nombreux exemples de ceci figur[ai]ent dans [son] dossier ». Selon elle, ces « exemples » incluaient, « notamment », les contacts litigieux décrits aux considérants 387, 393, 503, 530, 560, 640, 695 et 697 de la décision attaquée.
360 Or, il y a lieu de constater que ces huit contacts établissent que les surtaxes et le refus de paiement de commissions ont « fréquemment été discutés conjointement au cours du même contact avec les concurrents ».
361 Ainsi, en premier lieu, le considérant 387 fait état d’un courriel du 23 août 2004, dans lequel un employé de Martinair a indiqué qu’une réunion entre les « patrons européens » de cinq transporteurs incriminés aurait lieu le jeudi suivant. Au considérant 880, deuxième tiret, de la décision attaquée, la Commission a constaté que la « question des surtaxes a[vait] été discutée de manière générale » lors de cette réunion.
362 Il est vrai que, comme le relèvent les requérantes, le courriel de Martinair du 23 août 2004 ne mentionne pas expressément la STS. Les requérantes ne sont, toutefois, pas fondées à en déduire que la STS n’a pas été discutée lors de la réunion du jeudi suivant. Il y a, en effet, lieu de constater que, au considérant 387 de la décision attaquée, la Commission s’est appuyée sur la déclaration de clémence de Martinair pour retenir que cette réunion s’était tenue à Amsterdam (Pays-Bas) et avait inclus une « discussion générale sur le marché, un partage d’expériences du marché » et un échange sur les « surtaxes de manière générale ». Or, dans la mesure où les mois qui ont suivi et précédé ladite réunion ont vu les transporteurs concernés s’entretenir à plusieurs reprises au sujet de la STS et en l’absence de toute autre explication, la Commission pouvait déduire de cette utilisation du pluriel que la discussion avait également porté sur la STS.
363 En deuxième lieu, au considérant 393 de la décision attaquée, la Commission a fait référence à un courriel du 13 juillet 2004 de Martinair intitulé « Évaluation du drink des transporteurs européens (DTE) ». Ce courriel concernait une réunion de la veille au soir entre plusieurs transporteurs incriminés. Les requérantes ne contestent pas que les discussions ont porté à la fois sur la STC et sur STS ni qu’il a été retenu ce qui suit lors de cette réunion : « Nous étions tous d’accord qu’il est utile de se réunir régulièrement de façon informelle ».
364 En troisième lieu, au considérant 503 de la décision attaquée, la Commission a fait référence à une réunion du SCC du BAR du 11 juillet 2005, lors de laquelle ont été discutés tant la STC que le refus de paiement de commissions. Il est vrai que ces deux sujets ont été consignés sous des rubriques séparées dans le procès-verbal de la réunion. Il convient, cependant, de constater que lesdits sujets étaient liés dans l’esprit des participants. Ainsi, le procès-verbal de la réunion indique notamment ce qui suit :
« [Le] SCC du BAR a reçu de HAFFA une lettre proposant qu’une commission de perception de 5 % sur toutes les surtaxes répercutées (telles que le carburant et la sécurité) soit facturée par les membres de HAFFA sur toute lettre de transport émise à Hong Kong […].
[Le] SCC du BAR s’inquiète d’un tel régime de commissions en raison des importants montants d’argent impliqué et de la couverture déjà insuffisante de la [STC] sur le coût incrémental du carburant en raison de la fluctuation du prix du pétrole telle que mentionnée sous la rubrique [relative à la STC] ».
365 En quatrième lieu, au considérant 530 de la décision attaquée, il est fait référence à une réunion du 19 octobre 2005 entre AF et Lufthansa. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ressort de ce considérant que ladite réunion n’a pas porté sur la seule STC. Comme le relève à juste titre la Commission, l’examen de ce considérant tend à indiquer que ladite réunion a également porté sur le refus de paiement de commissions. Il ressort, en effet, dudit considérant, qui est en cela pleinement conforme aux documents présentés en annexes A.15.E et A.15.H à la requête, qu’AF et Lufthansa se « sont assur[é]s mutuellement de l’application cohérente des surtaxes, sont conven[u]s qu’aucune autre mesure unilatérale telle que le plafonnement de la STC par AF ne serait répétée, et que les transitaires ne devaient pas recevoir de commissions sur les surtaxes ».
366 En cinquième lieu, aux considérants 560, 640, 695 et 697 de la décision attaquée, il est fait état de discussions dans le cadre de l’initiative « BLACKS » [nom dérivé des acronymes BA (British Airways), LH (Lufthansa), AF, CV (Cargolux), KL (KLM) et Swiss] en Italie. Au considérant 880 de cette décision, la Commission a constaté que lesdites discussions avaient couvert les questions de la STC, de la STS et du refus de paiement de commissions. Les requérantes ne le contestent pas, mais soutiennent, en substance, qu’aucune desdites discussions ne portait sur plusieurs des composantes de l’infraction en cause conjointement.
367 Cette argumentation est erronée.
368 Premièrement, au considérant 560 de la décision attaquée, la Commission a décrit, de manière générale, les « réunions régulières [qui] se sont tenues en Italie dans le cadre de l’initiative appelée BLACKS […] dont l’objet était censément de discuter des questions de sécurité ». Elle a ajouté que d’« autres sujets ont cependant été abordés lors de ces réunions, notamment l’application harmonieuse du mécanisme de la STC et le refus concerté des participants d’accéder à la demande de paiement d’une commission sur les surtaxes formulée par l’association italienne de transitaires, ANAMA ». Le document sur lequel se fonde la Commission, que les requérantes ont joint à leur requête, confirme cette lecture. Il ressort, en effet, expressément de ce document que, « à côté des questions de sécurité », les transporteurs ont, lors des réunions du BLACKS, discuté de deux questions, à savoir « contrer des plaintes de l’[…] ANAMA et […] réaliser une application cohérente de la [STC] en Italie ».
369 Deuxièmement, au considérant 640 de la décision attaquée, la Commission s’appuie sur un courriel interne de Lufthansa du 28 septembre 2004. Dans ce courriel, le directeur des ventes de Lufthansa pour l’Italie et Malte informe ses collègues de la constitution du BLACKS et explique que ses objectifs sont de « coordonner les mesures de sécurité » et, « bien entendu, de rationaliser notre politique de surtaxe ». Or, au vu des éléments décrits au point 368 ci-dessus, il était légitime de considérer que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la référence à la « politique de surtaxe » concernait non seulement la STS, mais également la STC.
370 Troisièmement, au considérant 695 de la décision attaquée, il est fait état d’un courriel interne du 19 mai 2005 dans lequel le directeur régional de Swiss en Italie a rapporté à ses collègues une information « strictement confidentielle, en particulier pour des raisons antitrust ». Il ressort de ce courriel que, lors d’une réunion du 12 mai 2005, plusieurs transporteurs incriminés « ont tous confirmé [leur] volonté de ne pas accepter de rémunération STC/STS ». En revanche, il ne ressort pas de ce courriel que les discussions auraient porté sur les surtaxes.
371 Quatrièmement, au considérant 697 de la décision attaquée, la Commission se réfère à un courriel interne du 14 octobre 2005 de CPA. Il est vrai que ce courriel, dont l’objet est « 5 % COMM ON SURCHARGES – Italy », porte sur le refus de paiement de commissions. En effet, dans ledit courriel, la directrice de CPA pour l’Italie indique être parvenue à obtenir le texte de la réponse de l’administration centrale de Lufthansa à une lettre des transitaires demandant le paiement d’une commission sur les surtaxes et souligne que la majorité des destinataires de cette lettre n’entend pas y répondre. Il convient, cependant, d’observer que la directrice de CPA pour l’Italie préface ces indications en se référant à une prochaine augmentation de la STC : « étant donné que la situation deviendra de plus en plus chaude en raison de l’augmentation de 0.10 euros STC dans un mois […] ».
372 Il ressort de ce qui précède que la Commission pouvait, sans commettre d’erreur, déduire l’existence de discussions conjointes sur différentes composantes de l’infraction en cause des considérants 387, 393, 503, 530, 560, 640 et 697 de la décision attaquée, seule l’invocation du considérant 695 de ladite décision dans ce contexte étant erronée.
373 Quant à l’argument des requérantes selon lequel il serait « remarquable qu’il n’y ait aucune référence à une quelconque discussion parallèle au cours de la période critique de septembre-octobre 2001 », il ne saurait prospérer. L’absence dont se prévalent les requérantes s’explique, en effet, par les particularités du fonctionnement de l’entente litigieuse. Au considérant 884 de la décision attaquée, la Commission a souligné que la « fréquence des contacts entre les transporteurs a[vait] vari[é] dans le temps ». Elle a constaté que les contacts relatifs à la STC étaient « particulièrement fréquents lorsque les indices du carburant approchaient un niveau susceptible de déclencher une augmentation ou une diminution, mais [pouvaient] avoir été moins fréquents à d’autres moments ». Or, il ne ressort pas de la décision attaquée que les indices auraient approché un niveau qui aurait justifié que l’ajustement du niveau de la STC soit discuté conjointement avec la STS en septembre ou en octobre 2001. Il ressort, en effet, des considérants 184 à 208 de la décision attaquée que ce n’est qu’à la fin du mois d’octobre 2001 que les transporteurs concernés ont commencé à faire état de leurs préoccupations quant à l’évolution des indices (considérants 185 et 205) et en décembre 2001 qu’il a été décidé d’abroger la STC en conséquence (considérants 196 à 198 et 201).
374 Quant à l’argument selon lequel quatre des cinq exemples identifiés au considérant 880 de la décision attaquée concernent les discussions au sein d’un « groupe central » de transporteurs, il est non fondé quand bien même il conviendrait d’accepter à la fois l’existence d’un tel groupe et les contours qu’en tracent les requérantes (voir, également, points 645 à 664 ci-après). En effet, au point 2 de la requête, les requérantes définissent ce groupe comme suit :
« La coordination décrite par [Lufthansa] présentait une caractéristique essentielle, à savoir l’existence de contacts approfondis dans l’Union entre le personnel de l’administration centrale de [Lufthansa] et le personnel des administrations centrales de ses principaux concurrents basés dans l’Union : [AF] […], British Airways […], Cargolux […] et KLM […], que [Lufthansa] a qualifié de “groupe central” (ci après le “groupe central”) ».
375 Or, deux des exemples dont les requérantes considèrent qu’ils sont intervenus au sein du « groupe central » impliquaient également Martinair (considérant 880, premier et deuxième tirets, de la décision attaquée).
376 En outre, il ressort du point 359 ci-dessus que les huit contacts cités au considérant 880 de la décision attaquée ne l’ont expressément été qu’à titre d’illustration et n’ont donc pas vocation à l’exhaustivité. Or, la décision attaquée recense plusieurs autres éléments de preuve tendant à démontrer que les différentes composantes de l’infraction unique et continue ont fait l’objet de discussions conjointes, y compris à l’extérieur d’un éventuel « groupe central ». Tel est notamment le cas des considérants 368 et 667 de la décision attaquée, qui font état d’un courriel de Martinair du 12 mai 2004 au comité exécutif du SCC du BAR, lequel fait référence à la hausse envisagée de la STC et de la STS. Tel est aussi le cas du considérant 369 de la décision attaquée, qui renvoie au procès-verbal d’une réunion du comité exécutif du SCC du BAR du 17 mai 2004, lors de laquelle des informations sensibles ont été échangées au sujet de la STC et de la STS.
377 Au regard de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu d’écarter le présent grief, de même que l’ensemble des griefs tendant à contester l’inclusion dans l’infraction unique et continue de la STC, de la STS et du refus de paiement de commissions.
2) Sur l’inclusion dans l’infraction unique et continue de différents comportements locaux qui seraient intervenus sur des marchés distincts
378 Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir inclus dans l’infraction unique et continue différents comportements locaux qui seraient intervenus sur des marchés distincts. Selon les requérantes, il n’existe aucun lien de causalité entre ces comportements et ceux intervenus au niveau des sièges. D’importants éléments caractérisant les différents comportements locaux seraient susceptibles d’indiquer qu’ils ne partageaient pas le même objet ou le même effet anticoncurrentiel et ne s’inscrivaient, par suite, pas dans le même plan d’ensemble que les comportements intervenus au niveau des sièges.
379 Les surtaxes seraient un mécanisme institué en vue de compenser les augmentations du prix du carburant et il aurait résulté du projet élaboré par l’IATA d’une norme du secteur en matière de STC qu’il y avait très peu de différence entre les divers mécanismes de STC en ce qui concerne tant les niveaux que le calendrier. Ce mécanisme constituerait une « adaptation consciente » aux conditions de marché qui ne serait pas interdite par l’article 101 TFUE. Les niveaux de la STC ayant été transparents, il aurait été rationnel pour les transporteurs d’adopter une stratégie d’alignement de leurs niveaux de STC sur ceux de la ou des transporteurs dominant[s] sur un marché donné, en s’appuyant sur des tarifs de fret plus faibles (qui n’étaient pas transparents) pour obtenir, autant que possible, un avantage sur le marché. Il ne se serait pas agi d’un « système » conçu par les participants à une entente mondiale visant à assurer une application efficace au niveau local, mais plutôt du résultat naturel des conditions de marché.
380 Il aurait été rationnel pour les transporteurs d’échanger des informations sur les ajustements de la STC au niveau local, dans la mesure où ce comportement les aidait à faire ce qu’ils auraient fait de toute façon, à savoir suivre le transporteur dominant au niveau local, d’autant plus que dans beaucoup de ces marchés locaux ces contacts n’étaient pas illicites. Sur certains marchés, dont la Suisse, une demande formulée par les transitaires locaux aux fins de disposer d’une source centrale d’informations sur les ajustements de la STC aurait eu pour conséquence directe d’encourager l’échange d’informations. Sur d’autres marchés, tels que Hong Kong, le Japon ou la Thaïlande, l’échange d’informations aurait été provoqué par la nécessité de se conformer à la politique suivie par le régulateur local en matière d’approbation des changements de surtaxe. Ces raisons, qui auraient été à la source des contacts locaux, seraient demeurées valables indépendamment de l’existence de contacts entre les transporteurs au niveau des sièges.
381 Par ailleurs, il aurait été incorrect de retenir, au considérant 876 de la décision attaquée, que l’objet général des comportements locaux était d’éliminer la concurrence entre les transporteurs en ce qui concerne les surtaxes et qu’ils partageaient donc un même objet avec les contacts intervenus au niveau des sièges. Cela ne suffirait, en tout état de cause, pas à créer un lien entre ces comportements distincts. Les éléments de preuve versés au dossier démontreraient que, dans les pays où la concurrence était supposée avoir été éliminée, les niveaux de surtaxes différaient en pratique selon les transporteurs à l’exception notable du « groupe central », où ces niveaux étaient identiques.
382 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
383 Ainsi qu’il a été indiqué au point 214 ci-dessus, il ressort du considérant 1046 de la décision attaquée que les « arrangements de l’entente [litigieuse] étaient, dans de nombreux cas, organisés au niveau central » et appliqués localement par le personnel local. Il s’agissait, selon la Commission, de permettre au personnel local d’adapter aux conditions locales les mesures d’application générale, « à toutes les liaisons, au niveau mondial », qu’étaient les surtaxes et le refus de paiement de commissions (considérants 876, 889, 890 et note en bas de page no 1323).
384 Le Tribunal ayant déjà retenu que la Commission pouvait, sans commettre d’erreur, conclure au caractère généralement applicable, « à toutes les liaisons, au niveau mondial », des surtaxes et du refus de paiement de commissions (voir points 216 à 224 ci-dessus), il convient d’examiner si les requérantes sont fondées à soutenir que la mise en œuvre des surtaxes au niveau local relevait d’une simple « adaptation consciente » et licite aux conditions de marché ou constituait, comme l’a retenu la Commission, la mise en œuvre au niveau local d’arrangements généralement convenus au niveau central.
385 D’une part, le personnel local recevait des instructions de son siège au sujet de la mise en œuvre des surtaxes et lui faisait rapport (voir considérants 171, 226, 233, 284, 381, 584 et 594). Il était d’ailleurs contraint par les décisions prises au niveau des sièges. Ainsi, au considérant 237 de la décision attaquée, il est fait état d’un courriel interne dans lequel un employé de Qantas a indiqué que presque tous les transporteurs à Hong Kong avaient fait part de leur intention de suivre CPA, mais que Qantas et plusieurs transporteurs incriminés, dont les requérantes, avaient fait savoir qu’ils devaient demander des instructions à leur administration centrale avant de faire de même. Au considérant 295 de la décision attaquée, il est fait référence au procès-verbal de la réunion du SCC du BAR du 23 janvier 2003 à Singapour, qui indique que les « transporteurs membres ont commenté l’augmentation de l’indice du carburant, mais n’ont pas reçu de leur siège d’instructions les amenant à augmenter la [STC] ». De même, au considérant 414 de la décision attaquée, il est fait référence à un courriel du gestionnaire local de CPA en Belgique, dont il ressort que SAC a « affirmé initialement qu’elle [augmenterait aussi la STC le 1er octobre 2004], mais [que,] par la suite, son administration centrale lui a rappelé qu’elle devait opter pour la date du 4 octobre [2004] », laquelle avait préalablement fait l’objet de plusieurs contacts antérieurs au niveau des sièges (considérants 406, 410 et 411).
386 D’autre part, il ressort de la décision attaquée que la coordination au niveau local faisait souvent immédiatement suite aux annonces faites au niveau des sièges. À titre d’illustration, à la suite de l’annonce de Lufthansa relative à l’introduction de la STC le 28 décembre 1999 (considérant 138), la question a été abordée à Hong Kong les 10, 13 et 19 janvier 2000 (considérants 147 à 149) et en Inde le même mois (considérants 151 et 152). Il en va de même de l’annonce de Lufthansa du 17 février 2003 (considérant 274), suivie le même jour de contacts au Canada (considérant 291) et en Thaïlande (considérant 298) ainsi qu’à Singapour le lendemain (considérant 296). C’est le cas aussi de l’annonce de Lufthansa du 21 septembre 2004 (considérants 409 à 411), suivie le même jour de contacts à Hong Kong (considérant 431) et en Suisse les 23 et 24 septembre 2004 (considérants 426 et 427).
387 Il s’ensuit que la Commission pouvait, sans commettre d’erreur, retenir que les contacts locaux visaient à mettre en œuvre, au niveau local et compte tenu des circonstances locales, les résultats de la concertation décidée au niveau des sièges.
388 Aucun des arguments des requérantes n’est susceptible de remettre en cause cette conclusion.
389 En premier lieu, les requérantes ne sauraient se prévaloir du caractère prétendument rationnel ou naturel du système des surtaxes. Il convient, en effet, de constater que la Commission n’a pas reproché aux transporteurs incriminés de s’être adaptés aux conditions de marché, ni même d’avoir adopté une stratégie d’alignement du niveau de leur STC sur celui de transporteurs localement dominants en instituant des surtaxes. Au contraire, comme il ressort notamment du considérant 119 de la décision attaquée, ce qui leur est reproché est d’avoir échangé des informations et de s’être coordonnés au sujet de la mise en œuvre de la STC, y compris au niveau local.
390 En deuxième lieu, quant à la prétendue licéité des échanges d’informations dans « beaucoup » des marchés locaux en cause, il suffit de relever que, en l’espèce, elle ne préjuge en rien de leur appréciation au regard de l’article 101 TFUE ou de l’article 53 de l’accord EEE.
391 Les cas de la Suisse, de Hong Kong, du Japon et de la Thaïlande n’étayent, au demeurant, pas l’argumentation des requérantes. Ainsi, s’agissant de la Suisse, il ne saurait être considéré que ce sont les demandes des transitaires qui ont incité les transporteurs à se concerter. Comme le relève à juste titre la Commission, le premier contact litigieux intervenu au sein de l’Air Cargo Council Switzerland (Conseil du Fret Aérien Suisse, ci-après l’« ACCS ») date de janvier 2001 (considérant 182 de la décision attaquée) et il ne ressort pas des pièces du dossier qu’il ferait suite aux sollicitations de transitaires. À l’inverse, les sollicitations de transitaires dont se prévalent les requérantes datent de mai 2002.
392 Quant au considérant 181 de la décision attaquée, il y a lieu de constater qu’il ne décrit pas, à proprement parler, un contact qui serait susceptible d’échapper à la compétence de la Commission. Audit considérant, la Commission s’est, en effet, contentée de décrire l’ACCS et le rôle qu’elle a joué dans l’entente litigieuse à compter du début de l’année 2001.
393 Cela étant posé, il convient de rappeler que cette dernière peut s’appuyer sur des contacts antérieurs à la période infractionnelle afin de construire une image globale de la situation et ainsi corroborer l’interprétation de certains éléments de preuve (arrêt du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T 54/03, non publié, EU:T:2008:255, points 427 et 428). Tel est le cas même dans l’hypothèse où la Commission n’était pas compétente pour constater et sanctionner une infraction aux règles de concurrence antérieurement à cette période (voir, en ce sens, arrêts du 30 mai 2006, Bank Austria Creditanstalt/Commission, T 198/03, EU:T:2006:136, point 89, et du 22 mars 2012, Slovak Telekom/Commission, T 458/09 et T 171/10, EU:T:2012:145, points 45 à 52).
394 Dans la partie de la décision attaquée intitulée « Principes de base et structure de l’entente », au considérant 107, la Commission a indiqué que son enquête avait révélé une entente d’ampleur mondiale fondée sur un réseau de contacts bilatéraux et multilatéraux, qui avaient lieu « à divers niveaux au sein des entreprises concernées […] et ont porté, dans certains cas, sur diverses zones géographiques ».
395 Aux considérants 109, 110, 876, 889 et 1046 et à la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, la Commission a précisé les modalités de fonctionnement de cette organisation « à plusieurs niveaux ». Selon la Commission, les surtaxes étaient des mesures d’application générale qui n’étaient pas spécifiques à une liaison, mais qui avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons, au niveau mondial. Les décisions concernant les surtaxes étaient généralement prises au niveau des sièges de chaque transporteur. Les sièges des transporteurs étaient ainsi en « contact mutuel » lorsqu’un changement de niveau de surtaxe était imminent. Au niveau local, les transporteurs se coordonnaient, dans le but, d’une part, de mieux exécuter les instructions de leurs sièges respectifs et de les adapter aux conditions de marché et à la réglementation locales et, d’autre part, de coordonner et de mettre en œuvre les initiatives locales. Au considérant 111 de la décision attaquée, la Commission a précisé que les associations locales de représentants de transporteurs avaient été utilisées à cette fin, notamment à Hong Kong et en Suisse.
396 Or, le contact visé au considérant 182 s’inscrivait précisément dans ce cadre. En effet, premièrement, ce contact porte sur la mise en œuvre des surtaxes en Suisse. Deuxièmement, il reflète au niveau local une décision de réduction du montant de la STC préalablement prise au niveau central (voir considérants 168 et 171). Troisièmement, il fait état d’une instruction adressée aux représentants locaux de différents transporteurs de « consulter leur siège » à ce sujet. Quatrièmement, il a eu lieu dans le cadre d’une association suisse de représentants de transporteurs.
397 Les requérantes restent d’ailleurs en défaut de soutenir que le contact visé au considérant 182 de la décision attaquée ne corroborait pas l’interprétation des autres éléments de preuve retenus aux fins d’établir l’infraction unique et continue et dont il n’est pas allégué qu’ils échappaient à la compétence de la Commission. À ce sujet, il y a lieu de relever que la Commission décrit, dans la décision attaquée, s’agissant de la STC, les contacts appuyant le constat d’infraction intervenus entre fin 1999 et le printemps 2005 aux points 4.3.4 à 4.3.18 (considérants 133 à 468). Ainsi, le contact invoqué par les requérantes représente une fraction de l’ensemble des contacts sur lesquels la Commission s’est appuyée pour établir l’existence d’une infraction à l’article 101 TFUE et à l’article 53 de l’accord EEE avant le 1er juin 2002 pour les liaisons pour lesquelles elle était compétente et pour la composante tenant à la STC.
398 Pour ce qui est de Hong Kong, du Japon et de la Thaïlande, il ressort de l’examen de la troisième branche du présent moyen que les requérantes ne peuvent utilement soutenir que l’« échange d’informations a été provoqué par la nécessité de se conformer à la politique suivie par le régulateur local en matière d’approbation des changements de surtaxe ».
399 Les requérantes, au vu notamment des éléments repris aux points 384 à 386 ci-dessus, ne sont pas davantage fondées à se prévaloir du fait que, indépendamment de l’argumentation développée dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, relative à la contrainte étatique, à Hong Kong, au Japon et en Thaïlande, la coordination entre transporteurs incriminés résultait du fait qu’ils estimaient subjectivement que la coordination était en pratique exigée par les autorités locales de régulation. Il ressort, en effet, de l’examen du second grief de la troisième branche du premier moyen que les éléments de preuve susceptibles de venir accréditer cette thèse sont, pour la plupart, des déclarations de faible valeur probante et ne sont, en tout état de cause, pas univoques.
400 En troisième lieu, s’agissant du grief tiré d’une erreur dans le constat figurant au considérant 876 de la décision attaquée d’une identité d’objet entre comportements locaux et comportements intervenus au niveau des sièges, il convient de relever que les requérantes ne soulèvent qu’un argument à son appui. Selon cet argument, les niveaux de surtaxes différaient en pratique selon les transporteurs incriminés à l’exception notable du « groupe central ». Les requérantes restent cependant en défaut d’expliquer en quoi une coordination imparfaite de la STC au niveau local démontrerait que les contacts locaux et les contacts intervenus au niveau des sièges ne partageaient pas le même objet.
401 Il s’ensuit que la présente branche doit être rejetée, de même que, par suite, le premier moyen dans son ensemble.
4. Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’établissement de l’infraction en cause en ce qui concerne le refus de paiement de commissions
402 Les requérantes font valoir que la Commission a commis des erreurs de droit, d’appréciation et de fait s’agissant du refus de paiement de commissions. Ce moyen s’articule en trois branches, prises, la première, d’erreurs dans la qualification du refus de paiement de commissions de restriction de concurrence « par objet », la deuxième, de l’omission de la Commission de prouver la participation des requérantes à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement des commissions et, la troisième, d’une violation de l’article 101, paragraphe 3, TFUE.
a) Sur la première branche, prise d’erreurs dans la qualification du refus de paiement de commissions de restriction de concurrence « par objet »
403 Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir commis des erreurs en qualifiant le refus de paiement de commissions de restriction de concurrence « par objet ». L’examen du contexte juridique et factuel pertinent – dont l’omission dans la décision attaquée s’avèrerait fautive – ferait ressortir que les comportements en cause ne sauraient s’analyser en un refus coordonné de payer des ristournes ou toute autre forme de fixation de prix. Il se serait agi d’une réponse à une tentative coordonnée des transitaires de modifier les dispositions des contrats-types pour établir leur droit à un paiement au titre de la perception des surtaxes, qui aurait été accompagnée de tentatives par une association de transitaires d’engager des négociations multilatérales ainsi que d’une menace par les transitaires de facturer ces services aux transporteurs, voire de l’émission effective de ces factures. Cette initiative aurait soulevé des questions de concurrence dans le chef de transitaires et aurait violé l’article 8 de l’accord sur les intermédiaires de fret, qui figure en annexe A à la résolution 805zz de l’IATA et auquel doivent souscrire les transitaires souhaitant participer au programme du fret européen de l’IATA (European Air Cargo Programme).
404 Selon les requérantes, le refus de négocier avec ses clients en tant que groupe concernant le droit qu’auraient ces derniers, en tant que groupe, à bénéficier d’une ristourne spécifique ne constitue pas un refus d’accorder une ristourne, notamment lorsque ces négociations sont spécifiquement exclues par les dispositions contractuelles en vigueur. Les contacts par lesquels des transporteurs coordonneraient leurs positions en réponse à une proposition de négociations conjointes d’une association de transitaires ne constitueraient, dès lors, pas non plus une coordination de leurs positions en ce qui concerne le paiement de ristournes.
405 Quant à la menace de facturer aux transporteurs des commissions de perception des surtaxes, ainsi que la menace corrélative de procéder à une retenue sur les sommes dues aux transporteurs en vue de couvrir le coût allégué de la perception des surtaxes si ladite commission n’était pas payée de manière volontaire, elle aurait violé l’article 8 de l’accord sur les intermédiaires de fret et aurait soulevé des questions au regard de son article 7, paragraphe 3.
406 L’émission de telles factures n’étant pas valable lorsqu’elle n’a pas fait l’objet d’un accord bilatéral préalable, le refus par une compagnie aérienne de payer une facture dans ces circonstances ne constituerait pas un refus d’accorder une ristourne. Au même titre, les contacts entre transporteurs au moyen desquels ces dernières ont coordonné leurs positions en réponse à l’envoi de ces factures invalides ne constituaient pas une coordination de leur position en matière de ristournes, notamment au regard du fait que les transporteurs ont fait l’objet d’une véritable menace par les transitaires d’engager une action en justice en cas de refus de paiement.
407 Par ailleurs, la Commission ne pourrait se fonder sur les déclarations de membres du personnel de transporteurs citées aux considérants 678, 680 ou 695 de la décision attaquée. La qualification d’un comportement d’infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE serait une question objective liée à la nature du comportement en question et à ses effets intrinsèques ou probables et non à la compréhension subjective qu’en avaient les parties.
408 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
409 Il convient de rappeler que, pour relever de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un accord, une décision d’association d’entreprises ou une pratique concertée doit avoir « pour objet ou pour effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur.
410 Selon une jurisprudence constante de la Cour depuis l’arrêt du 30 juin 1966, LTM (56/65, EU:C:1966:38), le caractère alternatif de cette condition, marqué par la conjonction « ou », conduit d’abord à la nécessité de considérer l’objet même de l’accord (arrêts du 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C 345/14, EU:C:2015:784, point 16, et du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C 373/14 P, EU:C:2016:26, point 24).
411 Ainsi, comme il a été relevé au point 117 ci-dessus et comme l’a rappelé à bon droit la Commission au considérant 917 de la décision attaquée en se référant à juste titre aux arrêts du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission (T 62/98, EU:T:2000:180, point 178), et du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission (T 38/02, EU:T:2005:367, point 150), il n’y a pas lieu d’examiner les effets sur la concurrence d’un accord ou d’une pratique concertée lorsque son objet anticoncurrentiel est établi.
412 Selon la jurisprudence, certains types de coordination entre entreprises révèlent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être qualifiés de restriction « par objet », de sorte que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire. Cette jurisprudence tient à la circonstance que certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu de la concurrence (arrêts du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C 382/12 P, EU:C:2014:2201, points 184 et 185, et du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C 373/14 P, EU:C:2016:26, point 26).
413 Ainsi, il est acquis que certains comportements collusoires, tels que ceux conduisant à la fixation horizontale des prix par des cartels, peuvent être considérés comme étant tellement susceptibles d’avoir des effets négatifs sur, en particulier, le prix, la quantité ou la qualité des produits et des services qu’il peut être considéré inutile, aux fins de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, de démontrer qu’ils ont des effets concrets sur le marché. En effet, comme il a été rappelé au point 131 ci-dessus, l’expérience montre que de tels comportements entraînent des réductions de la production et des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs.
414 Comme l’a relevé, en substance, à bon droit la Commission au considérant 908 de la décision attaquée, il ressort de la jurisprudence que tel est le cas non seulement des comportements qui consistent à fixer la totalité du prix final du bien ou du service concerné, mais également de ceux qui portent sur la fixation d’une partie de ce prix (voir, en ce sens, arrêts du 21 février 1995, SPO e.a./Commission, T 29/92, EU:T:1995:34, point 146, et du 13 décembre 2001, Acerinox/Commission, T 48/98, EU:T:2001:289, points 114 et 115), ainsi que de ceux qui visent à éviter que la discipline convenue en matière de prix soit contournée et qu’ainsi les entreprises concernées se fassent concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246/86, EU:C:1989:301, point 18).
415 Il n’en demeure pas moins que, comme le relèvent les requérantes, apprécier si un accord ou une pratique concertée présente un degré suffisant de nocivité pour être qualifié de restriction de concurrence « par objet » suppose de s’attacher notamment aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère. Dans le cadre de l’appréciation de ce contexte, il y a lieu de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question (arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C 67/13 P, EU:C:2014:2204, point 53).
416 Un tel examen ne saurait pour autant conduire le Tribunal à apprécier les effets de la coordination concernée, sous peine de faire perdre son effet utile à la distinction prévue par les dispositions de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C 67/13 P, EU:C:2014:2204, points 72 à 82).
417 S’agissant, en particulier, d’accords horizontaux de fixation de prix, qui constituent des violations particulièrement graves des règles de concurrence, un tel examen peut se limiter à ce qui s’avère strictement nécessaire en vue de conclure à l’existence d’une restriction de concurrence « par objet » (voir arrêt du 27 avril 2017, FSL e.a./Commission, C 469/15 P, EU:C:2017:308, points 106 et 107 et jurisprudence citée).
418 Or, aux considérants 908, 909, 1199 et 1208 de la décision attaquée, la Commission a retenu que le comportement litigieux s’apparentait à une entente de fixation de prix horizontale. En particulier, au considérant 909 de cette décision, la Commission a indiqué ce qui suit :
« Le prix étant le principal instrument de concurrence, les arrangements entre concurrents cherchant à coordonner leur comportement afin de lever l’incertitude existant sur le marché concernant la tarification, tels qu’ils sont décrits dans la présente section en rapport avec la STC, la STS et les ristournes sur ces surtaxes, empêcheront, restreindront ou fausseront, de par leur nature même, la concurrence au sens de l’article 101, paragraphe 1, du TFUE. »
419 Ce considérant doit se lire à la lumière des considérants 874, 879 et 899 de la décision attaquée. Comme il ressort des considérants 874 et 899 de la décision attaquée, le refus de paiement de commissions était de nature à renforcer la coordination relative aux surtaxes. Il s’analysait, en effet, selon la Commission, en un refus concerté d’octroyer aux transitaires des ristournes sur les surtaxes et tendait ainsi à permettre aux transporteurs incriminés de « maintenir sous contrôle l’incertitude en matière de tarification que la concurrence sur le paiement de commissions [dans le cadre des négociations avec les transitaires] aurait pu créer » (considérant 874 de ladite décision) et de soustraire ainsi les surtaxes au jeu de la concurrence (considérant 879 de cette décision).
420 Or, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, c’est à juste titre que la Commission a retenu, au considérant 879 de la décision attaquée, que les commissions dont les transitaires réclamaient le paiement étaient, « en réalité, des ristournes sur les surtaxes ».
421 Il est vrai que, comme le relèvent les requérantes, les ristournes demandées par les transitaires à partir de 2004 étaient présentées comme des commissions sur la perception des surtaxes auprès des expéditeurs, et que les transporteurs eux-mêmes employaient, dans leurs contacts à ce sujet, les expressions « commission » ou « rémunération », comme en attestent notamment les considérants 681 à 683, 685, 695, 696, 698 et 700 de ladite décision.
422 Il est, cependant, constant entre les parties que « les transitaires agissaient principalement comme des clients des [transporteurs] plutôt que comme des agents ». C’est en cette qualité que les transitaires demandaient une ristourne sur les prix que leur facturaient les transporteurs. En revanche, il ne ressort pas des pièces du dossier que les transitaires auraient fourni aux transporteurs des services de perception des surtaxes au titre desquels une commission leur aurait été due. Les requérantes restent d’ailleurs en défaut de soutenir que les transitaires auraient, pour leur compte, perçu les surtaxes auprès des expéditeurs. Au contraire, comme il ressort des points 133 à 139 ci-dessus, les surtaxes étaient un élément du prix des services de fret dont il était raisonnablement prévisible pour les transporteurs incriminés que les transitaires le répercuteraient sur les expéditeurs par le truchement d’une augmentation du prix des services de transit.
423 Les requérantes n’invoquent d’ailleurs aucun argument qui serait susceptible de remettre en cause cette analyse. Ainsi que l’ont indiqué les requérantes lors de l’audience, leur argumentation se fonde sur les déclarations des transitaires eux-mêmes, dont il ne saurait pourtant être soutenu qu’elles liaient la Commission.
424 Il s’ensuit que la Commission pouvait s’en tenir à un examen du contexte économique et juridique pertinent limité à ce qui s’avérait strictement nécessaire en vue de qualifier les accords et pratiques litigieux de restriction de concurrence « par objet ».
425 Or, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’examen du contexte économique et juridique pertinent auquel s’est livrée la Commission dans la décision attaquée satisfait à ces exigences. Aux considérants 909 et 916 de cette décision, la Commission a ainsi expliqué que le « prix éta[i]t le principal instrument de concurrence », que les accords et pratiques litigieux visaient à « supprimer l’incertitude en matière de tarification sur le marché du fret […] » et ainsi à « garantir que la discipline sur le marché était maintenue et que les augmentations découlant des indices du carburant étaient appliquées en totalité et de manière coordonnée ». Or, cette analyse se fonde notamment sur le point 4 de ladite décision, auquel sont décrits, en particulier, les principes de base et la structure de l’entente litigieuse. La Commission y décrit également, et spécifiquement, le contexte dans lequel s’inscrivaient les demandes de paiement de commissions des transitaires (considérants 675 à 677). L’analyse en cause doit également se lire à la lumière de la description du secteur du fret et des modalités de tarification applicables au point 2.1 de la décision attaquée.
426 C’est donc à la suite d’une analyse suffisante du contexte économique et juridique pertinent et à bon droit que la Commission a retenu, aux considérants 903 et 910 de la décision attaquée, que les accords et pratiques litigieux avaient pour objet de restreindre la concurrence, y compris en tant qu’ils concernaient le refus de paiement de commissions.
427 Les autres arguments des requérantes ne sont pas de nature à démontrer que c’est à tort que la Commission a qualifié le refus de paiement de commissions de restriction de concurrence « par objet ».
428 En premier lieu, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l’illégalité alléguée du comportement des transitaires, auxquels elles reprochent d’avoir constitué une « entente mondiale », justifiait un refus coordonné des transporteurs incriminés de leur octroyer des ristournes. Il convient, en effet, de rappeler qu’une entreprise ne saurait se prévaloir du comportement d’autres entreprises, fût-il illicite ou déloyal, pour justifier une infraction aux règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T 50/00, EU:T:2004:220, point 333, et du 12 juillet 2018, LS Cable & System/Commission, T 439/14, non publié, EU:T:2018:451, point 53) ou pour en remettre en cause la qualification de restriction de concurrence « par objet » (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2013, Slovenská sporiteľňa, C 68/12, EU:C:2013:71, points 19 et 21).
429 C’est en effet aux autorités publiques et non à des entreprises ou à des associations d’entreprises privées d’assurer le respect des prescriptions légales (arrêt du 7 février 2013, Slovenská sporiteľňa, C 68/12, EU:C:2013:71, point 20). Les entreprises ne sauraient se faire justice à elles-mêmes en se substituant à ces autorités pour sanctionner d’éventuelles violations du droit de la concurrence de l’Union et en entravant, par des mesures prises de leur propre initiative, la concurrence au sein du marché intérieur. Cela est d’autant plus le cas lorsqu’il existe des voies légales au moyen desquelles elles peuvent faire valoir leurs droits auprès de ces autorités (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T 30/89, EU:T:1991:70, points 117 et 118).
430 Or, en l’espèce, les requérantes ne démontrent ni même n’allèguent que de telles voies légales auraient fait défaut. Elles ne démontrent pas davantage s’être bornées à se coordonner pour faire valoir leurs droits auprès des autorités compétentes, ni même pour refuser de négocier avec les transitaires (voir points 351 et 352 ci-dessus).
431 Par ailleurs, dans la mesure où les requérantes se prévalent du fait qu’il n’y aurait pas eu de discussions entre transporteurs sur leurs intentions vis-à-vis de transitaires individuels, leur argumentation est dépourvue de toute pertinence. L’article 101, paragraphe 1, TFUE n’opère, en effet, aucune distinction entre un accord ou une pratique selon qu’ils visent les clients des auteurs de l’infraction de manière individuelle ou collective.
432 En second lieu, les requérantes ne sauraient soutenir que l’appréciation de la Commission devait s’en tenir à des éléments objectifs et ne pouvait, par suite, tenir compte de déclarations de membres du personnel de transporteurs. Il convient, en effet, de rappeler que rien n’interdit aux autorités de la concurrence ou aux juridictions nationales et de l’Union de tenir compte de l’intention des parties pour déterminer le caractère restrictif d’un accord ou d’une pratique concertée (arrêts du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C 32/11, EU:C:2013:160, point 37, et du 11 septembre 2014, CB/Commission, C 67/13 P, EU:C:2014:2204, point 54). Or, l’intention anticoncurrentielle des parties peut, notamment, ressortir de ce qu’elles ont conscience du caractère restrictif de concurrence de cet accord ou de cette pratique concertée (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 1983, IAZ International Belgium e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, EU:C:1983:310, point 45).
433 Au demeurant, l’argument des requérantes selon lequel la mention « cela me semble anticoncurrentiel » dans le courriel interne de British Airways du 17 janvier 2005 visé au considérant 678 de la décision attaquée faisait référence non aux discussions sur le refus de paiement de commissions, mais à l’utilisation de la Fédération internationale des associations de transitaires et assimilés (FIATA) par les transitaires comme instrument de pression sur les transporteurs, doit être rejeté comme inopérant. En effet, au regard de l’ensemble de ce qui précède, la qualification de restriction de concurrence « par objet » du refus de paiement de commissions resterait fondée quand bien même tel serait le cas.
434 Il s’ensuit que la présente branche ne peut qu’être écartée.
b) Sur la deuxième branche, prise de l’omission de la Commission de prouver la participation des requérantes à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement des commissions
435 Les requérantes soutiennent que la Commission n’établit pas qu’elles ont participé à la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions. Elles font valoir qu’aucun élément au dossier ne porte sur des contacts qu’elles auraient eus avec d’autres transporteurs concernant leurs intentions respectives d’accorder une ristourne sur les surtaxes aux transitaires pris individuellement. Selon les requérantes, les éléments cités dans la décision attaquée ont tous trait à des comportements légitimes, ainsi qu’il est allégué dans le cadre de la première branche du présent moyen.
436 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
437 Il convient de constater que la présente branche se fonde sur la prémisse selon laquelle, d’une part, la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions était une réponse légitime à une entente mondiale entre transitaires et, d’autre part, les contacts retenus contre elles n’auraient pas concerné leurs intentions vis-à-vis de transitaires pris individuellement. Or, comme il ressort de l’examen de la première branche du présent moyen, cette prémisse est erronée.
438 La présente branche ne peut donc qu’être rejetée.
c) Sur la troisième branche, prise d’une violation de l’article 101, paragraphe 3, TFUE
439 Les requérantes soutiennent que les comportements relatifs au refus de paiement de commissions satisfont, en tout état de cause, aux conditions d’application de l’article 101, paragraphe 3, TFUE. Elles font valoir en particulier que ces comportements s’inscrivent dans la résolution de questions d’interprétation, communes à tous les transporteurs, posées par la mise en œuvre de clauses de contrats-types, telles que celles contenues dans l’accord sur les intermédiaires de fret aérien, et dont la Commission aurait déjà reconnu qu’elles contribuaient à un système de distribution efficace des services de fret.
440 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
441 Il convient d’observer que la présente branche procède de la prémisse selon laquelle la composante de l’infraction unique et continue tenant au refus de paiement de commissions se serait limitée à la discussion et à la définition d’une position commune au sujet de l’interprétation des règles de l’IATA. Or, comme il ressort de l’examen de la première branche du présent moyen, cette prémisse est erronée.
442 La présente branche doit donc être rejetée, de même que le présent moyen dans son ensemble.
5. Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs de droit, de fait et d’appréciation dans l’examen des contacts intervenus au sein de l’alliance WOW
443 Les requérantes articulent le présent moyen en trois branches, prises, la première, de ce que la Commission a utilisé un critère erroné pour apprécier les contacts au sein de l’alliance WOW (ci-après les « contacts WOW ») au regard de l’article 101 TFUE, la deuxième, d’erreurs de fait et d’appréciation en ce qui concerne la nature et la mise en œuvre de l’alliance WOW et, la troisième, de ce que la Commission a commis une erreur en considérant que les contacts WOW pouvaient constituer des preuves de leur participation à l’infraction unique et continue.
a) Sur la première branche, prise de l’utilisation d’un critère erroné pour apprécier les contacts WOW au regard de l’article 101 TFUE
444 Les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur en retenant, comme critère pertinent pour apprécier les contacts WOW au regard de l’article 101 TFUE, la mesure dans laquelle ces contacts s’inscrivaient dans le « contexte de la coopération […] effectivement mise en œuvre dans le cadre de l’alliance ». Ce faisant, la Commission exigerait une appréciation ex post de la mise en œuvre de l’accord d’alliance, ce qui porterait atteinte au principe de sécurité juridique, et serait contraire à la pratique décisionnelle de la Commission en matière d’alliances aériennes visant une coopération totale, qui reposerait exclusivement sur une analyse structurelle des effets anticipés de l’accord d’alliance sur la concurrence. À cet égard, les échanges entre partenaires de l’alliance concernant les prix devraient être considérés comme licites dès lors que l’accord d’alliance lui-même remplirait les conditions de l’article 101, paragraphe 3, TFUE, et que lesdits échanges seraient indispensables à la poursuite de ses objectifs, définis ex ante. Or tel serait manifestement le cas des contacts WOW cités dans la décision attaquée.
445 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
446 En l’espèce, la Commission a décrit aux considérants 922 à 925 de la décision attaquée son approche en vue d’apprécier la pertinence des contacts WOW aux fins d’établir la participation des membres de l’alliance, en ce compris les requérantes, à l’infraction unique et continue.
447 À cet égard, elle a indiqué, en substance, dans la décision attaquée que la détermination de la pertinence desdits contacts aux fins d’établir en particulier la participation des requérantes à l’infraction unique et continue était indépendante de la question de la compatibilité de l’alliance WOW avec l’article 101 TFUE (voir considérant 922). En effet, il ressort du considérant 923 de la décision attaquée que, selon la Commission, seule importe la mesure dans laquelle les contacts WOW « vont au-delà de ce qui était prévu dans l’accord d’alliance et ne s’inscrivent pas dans le contexte de la coopération qui a été effectivement mise en œuvre dans le cadre de l’alliance ».
448 La Commission justifie cette approche au considérant 924 de la décision attaquée, dont le libellé est le suivant :
« La Commission ne peut permettre qu’une alliance soit également utilisée comme couverture pour une coopération anticoncurrentielle plus large que celle qui a été mise en place par l’application des termes de l’accord d’alliance. En particulier, lorsque la coordination des prix entre les parties est prévue dans le contexte de certaines formes de coordination aux termes de l’alliance, la coordination des prix ne peut aller au-delà du champ d’application de la coopération (pro-concurrentielle) et ne peut avoir lieu que dans le contexte de l’application de la coopération pertinente telle qu’elle est prévue dans l’accord d’alliance. Un accord d’alliance ne peut ainsi légitimer la coopération entre ses membres que dans la mesure où les formes de coopération pour lesquelles la coordination des prix est envisagée dans l’accord sont mises en œuvre, et pas autrement. »
449 Il y a lieu de constater que la Commission n’a commis aucune erreur en recourant à une telle approche.
450 En effet, pour que l’exception visée à l’article 101, paragraphe 3, TFUE trouve à s’appliquer aux contacts WOW, comme le soutiennent les requérantes, il faut que les quatre conditions cumulatives prévues par cette disposition soient remplies. Premièrement, les accords doivent contribuer à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, deuxièmement, ils doivent réserver aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, troisièmement, ils ne doivent pas imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs et, quatrièmement, ils ne doivent pas donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits ou des services en cause, d’éliminer la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2013, Slovenská sporiteľňa, C 68/12, EU:C:2013:71, point 31).
451 De manière générale, il s’agit de déterminer les effets pro-concurrentiels produits par l’accord enfreignant l’article 101, paragraphe 1, TFUE et de voir si ces effets pro concurrentiels l’emportent sur les effets anticoncurrentiels (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2003, Van den Bergh Foods/Commission, T 65/98, EU:T:2003:281, point 107).
452 Il résulte de ce qui précède que, aux fins de l’application de l’article 101, paragraphe 3, TFUE, les effets anticoncurrentiels découlant de l’accord ou de la pratique en cause sont examinés au regard des effets pro-concurrentiels de ces derniers. Cet examen est indissociable de celui des objectifs, prétendument légitimes, que cet accord ou cette pratique poursuivent effectivement au moyen, notamment, de certaines restrictions. Ce n’est ainsi que si les restrictions en cause s’inscrivent dans la réalisation de tels objectifs légitimes qu’elles sont susceptibles d’être couvertes par l’exception visée à l’article 101, paragraphe 3, TFUE.
453 Or, par l’approche décrite aux points 446 à 448 ci-dessus, la Commission s’est, en substance, assurée de l’existence d’un tel lien entre la restriction constatée en l’espèce, à savoir la coordination tarifaire entre les partenaires de l’alliance WOW, et les objectifs légitimes prétendument poursuivis par cette alliance.
454 Ce constat n’est pas remis en cause par l’invocation, par les requérantes, d’une contrariété entre cette approche et la pratique décisionnelle antérieure de la Commission en matière d’alliances aériennes. En effet, ainsi que cette dernière le fait observer à juste titre, la pratique décisionnelle invoquée par les requérantes concerne des évaluations prospectives de la coordination tarifaire indispensable pour atteindre les objectifs poursuivis par les accords d’alliance en cause. En revanche, elle ne contient pas de prise de position en ce sens qu’une coordination tarifaire non liée à la mise en œuvre de l’accord d’alliance serait licite.
455 De même, les requérantes ne sont pas fondées à se prévaloir d’une violation du principe de sécurité juridique au motif qu’elles « ne pourrai[en]t savoir si leur comportement était conforme à l’article 101 TFUE qu’après la mise en œuvre dudit comportement ». En effet, ainsi qu’il est rappelé au point 417 ci-dessus, les accords horizontaux de fixation de prix constituent des violations particulièrement graves des règles de concurrence, dont l’interdiction ne saurait être ignorée des requérantes. En outre, comme le relève à juste titre la Commission, les entreprises parties à un accord de coopération horizontale, tel qu’une alliance, sont parfaitement en mesure d’apprécier a priori si la coopération qu’elles mettent en œuvre justifie qu’elles se coordonnent sur les prix. Cela ressort, au demeurant, de l’avis juridique de l’alliance WOW, mentionné au considérant 957 de la décision attaquée, qui affirme que, en l’absence de mise en œuvre de la coopération, les partenaires de l’alliance ne peuvent ni discuter ni échanger d’informations sur la tarification et que l’accord d’intégration de cette alliance est insuffisant pour justifier un tel échange d’informations.
456 La présente branche ne peut donc qu’être rejetée.
b) Sur la deuxième branche, prise d’erreurs de fait et d’appréciation en ce qui concerne la nature de l’alliance WOW et sa mise en œuvre
457 Les requérantes soutiennent que la Commission a commis des erreurs de fait et d’appréciation en ce qui concerne la nature de l’alliance WOW et sa mise en œuvre. Elles relèvent ainsi que l’intégration mise en œuvre dans le cadre de l’alliance était en réalité beaucoup plus importante que ne le fait apparaître la décision attaquée, ainsi qu’il ressortirait des initiatives prises par les partenaires entre 2000 et 2006 et de l’essor parallèle des ventes entre ceux-ci. Le mouvement inverse constaté à compter de 2006 ne ferait que refléter les effets des inspections menées par la Commission en février de cette année, et du rôle joué par Lufthansa à cet égard.
458 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
459 En l’espèce, aux considérants 947 à 952 de la décision attaquée, la Commission a conclu qu’aucune des initiatives prétendument prises dans le contexte de l’alliance WOW ne justifiait une coordination générale sur les surtaxes, au motif que la coopération au sein de ladite alliance était demeurée limitée, n’avait jamais atteint le stade d’une politique intégrée de vente et de tarification et avait été circonscrite, en substance, à des projets ciblés afférents à certaines liaisons, à certains clients ou à certains produits. Pour arriver à cette conclusion, la Commission s’est appuyée sur l’analyse des documents et des déclarations fournis, durant la procédure administrative, par les transporteurs incriminés membres de l’alliance en cause. Elle a également fait référence, aux considérants 951 et 952 de la décision attaquée, à plusieurs pièces du dossier qui démontreraient que les membres de l’alliance WOW conduisaient des politiques individuelles en matière de surtaxes qu’ils n’étaient pas disposés à mettre de côté pour les besoins de ladite alliance.
460 Les éléments avancés par les requérantes dans le cadre de la présente branche ne sont pas de nature à remettre en cause le bien-fondé des conclusions auxquelles la Commission est parvenue.
461 Tout d’abord, il y a lieu de constater que les requérantes n’invoquent pas l’existence d’une politique générale de tarification intégrée effectivement mise en œuvre au sein de l’alliance WOW. Tout au plus indiquent-elles que les « partenaires de la WOW ont reconnu que, dans le cadre des efforts de mise en œuvre locale et orientée vers le client, la fixation en commun des prix serait nécessaire pour parvenir au niveau d’intégration souhaité ». Il n’est pas soutenu qu’un tel « niveau d’intégration souhaité » aurait été atteint. Les constats opérés par la Commission aux considérants 951 et 952 de la décision attaquée, concernant le maintien par les partenaires de cette alliance de politiques individuelles en matière de surtaxes ne sont, en outre, pas contestés.
462 Ensuite, les requérantes restent en défaut de démontrer que les exemples d’intégration commerciale qu’elles citent dans leurs écritures impliquent une coordination générale sur les tarifs ou sur les surtaxes. À cet égard, les « initiatives commerciales significatives » répertoriées par les requérantes consistaient notamment en la création de structures communes, telles des « comités directeurs régionaux », « la tenue de réunions et de séminaires regroupant le personnel local », l’encouragement du personnel à « identifier de nouveaux domaines de coopération » et « à se concentrer sur l’attaque des concurrents non-membres de [l’alliance] WOW ». Or ces éléments, qui rendent compte d’aspects organisationnels internes à l’alliance WOW, n’attestent pas d’une commercialisation conjointe des services de cette alliance ni a fortiori d’une politique tarifaire unique.
463 En fait d’intégration commerciale proprement dite, les requérantes font état du lancement de la marque WOW en avril 2002 et des actions de marketing visant à promouvoir l’alliance WOW en tant que « guichet unique ». Cette communication accompagnait des actions de vente commune « dans le cadre de projets tels que la destination WOW du mois, WOW Direct, ainsi que par des offres et démarches conjointes auprès de clients internationaux essentiels ».
464 Or, cette présentation de l’intégration commerciale à l’œuvre au sein de l’alliance WOW ne diverge pas de celle opérée par la Commission dans la décision attaquée, en particulier aux points 5.3.4.7 (stratégie de marque et commercialisation intégrées), 5.3.4.9 (intégration des ventes) et 5.3.4.10 (coordination des prix), dont elle a pu déduire à juste titre que, si une telle intégration était certes observable, elle était circonscrite à certains clients, certaines liaisons ou certains produits (voir point 459 ci-dessus). Au demeurant, il ne ressort pas des éléments au dossier que, s’agissant de la « destination WOW du mois » ou du service « WOW Direct », les partenaires de l’alliance WOW fixaient en commun le tarif proposé à leurs clients.
465 Les autres exemples d’intégration mentionnés par les requérantes que sont l’harmonisation des produits, la mise en œuvre d’un « réseau virtuel express », la conclusion d’accords entre partenaires de l’alliance WOW, à des conditions préférentielles, pour augmenter leur couverture de réseau ou l’existence d’agents de vente communs ne sont pas plus de nature à établir l’existence d’une politique générale de tarification et de vente intégrée justifiant une coordination générale sur les surtaxes.
466 En effet, premièrement, s’agissant des produits harmonisés mis en vente par l’alliance WOW, il ressort du document intitulé « Alliance compendium: a user guide for WOW sales » et produit en annexe A.26 à la requête que l’harmonisation en cause concernait les conditions de délivrance du service, et en particulier les garanties offertes, mais ne couvrait pas en revanche la tarification desdits produits. Le document insiste ainsi sur la seule harmonisation des standards de service (services standards), les partenaires de l’alliance continuant par ailleurs à offrir ces produits sous leurs propres noms. Dans la version spécifique dudit document établi à l’attention du personnel des requérantes, qui figure également à l’annexe A.26, il est précisé que, nonobstant l’harmonisation des standards de service, les produits harmonisés de SAC conservent leur propre identité, leurs propres caractéristiques ainsi que les autres conditions de vente.
467 Deuxièmement, s’agissant de la mise en œuvre d’un « réseau virtuel express » consistant à réserver 10 % de la capacité des partenaires sur la totalité des vols pour des expéditions express de l’alliance WOW, et de la conclusion d’accords entre partenaires de l’alliance WOW, il convient de constater qu’ils reposent sur un partage de capacités entre partenaires, sur une base bi- ou multilatérale, pratique qui, selon des intensités variables, est commune à tout le secteur (voir notamment considérants 16, 68, 72 et 890 de la décision attaquée).
468 Un tel partage de capacités n’emporte pas, en tant que tel, d’intégration de la politique de vente et de tarification des parties à celui-ci. En revanche, ces initiatives, que les requérantes présentent comme « l[es] plus important[es] du point de vue commercial », sont compatibles avec la description faite de l’alliance WOW par les parties à la concentration dans le cadre de la décision de la Commission du 4 juillet 2005 dans l’affaire COMP/M.3770 – Lufthansa/Swiss (JO 2005, C 204, p. 4), reprise au considérant 949 de la décision attaquée, selon laquelle cette alliance « n’est qu’une alliance peu structurée qui facilite 1’[interlining] entre ses membres de sorte qu’ils peuvent étendre leur réseau respectif [ ; l]es parties ne vendent pas leurs produits conjointement de même qu’elles ne coordonnent pas leurs prix, leurs horaires ou leurs capacités ».
469 Troisièmement, l’existence d’agents de vente communs aux partenaires de l’alliance WOW, bien qu’elle témoigne de l’intégration de certaines fonctions commerciales desdits partenaires, ne renseigne pas en tant que telle sur l’existence d’une politique intégrée de tarification et de vente au sein de cette alliance.
470 Enfin, dans la mesure où les requérantes font état de tentatives d’intégration plus poussée dans le cadre des projets WOW Inc. et WOW USA, il suffit de relever, ainsi qu’elles en conviennent elles-mêmes, que ces tentatives n’ont pas abouti.
471 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la présente branche.
c) Sur la troisième branche, prise de ce que la Commission a commis une erreur en considérant que les contacts WOW pouvaient constituer des preuves de la participation des requérantes à l’infraction unique et continue
472 Les requérantes soutiennent que les contacts WOW étaient liés à l’alliance WOW et ne sauraient constituer des preuves de leur participation à l’infraction unique et continue, soit parce que ces contacts ne violaient pas l’article 101 TFUE, soit en tout état de cause parce qu’ils ne pouvaient être compris comme procédant d’un plan anticoncurrentiel plus large.
473 Les requérantes reviennent à cet égard sur les considérants de la décision attaquée décrivant les contacts WOW concernant les surtaxes, en circonscrivant leurs observations à ceux intervenus à compter du 1er mai 2004, dans la mesure où, en substance, les contacts antérieurs soit échapperaient à l’application de l’article 101 TFUE en ce qu’ils portent sur les liaisons avec les pays tiers, soit bénéficieraient d’une « exemption spécifique » en ce qu’ils portent sur les liaisons entre aéroports situés au sein de l’Union (ci-après les « liaisons intra-Union »). D’une part, elles avancent que certains des contacts en cause doivent se comprendre comme des exemples de coordination nécessaire à la mise en œuvre des accords spéciaux de quotes-parts ou de réservation de capacités conclus entre les partenaires de l’alliance. D’autre part, elles font valoir que les autres contacts en cause seraient la manifestation des efforts des partenaires de l’alliance WOW en vue de réduire la concurrence sur les prix en son sein afin de faciliter la coopération de leur personnel de vente au niveau local.
474 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
475 D’emblée, il y a lieu de rejeter l’argumentation des requérantes tendant à ce que soient écartés les contacts WOW intervenus antérieurement au 1er mai 2004, en renvoyant, dans la mesure où les requérantes s’appuieraient sur l’absence de compétence de la Commission à cet égard au motif qu’étaient concernées les liaisons avec les pays tiers, aux principes rappelés au point 393 ci-dessus. À cet égard, les requérantes restent en défaut de soutenir que ces contacts ne corroboraient pas l’interprétation des autres éléments de preuve retenus aux fins d’établir l’infraction unique et continue et dont il n’est pas allégué qu’ils échappaient à la compétence de la Commission.
476 Au demeurant, il y a lieu de relever que les contacts présentés par la Commission, aux considérants 804 et 805 de la décision attaquée, comme attestant de la coordination illicite à l’œuvre entre les partenaires de l’alliance WOW et antérieurs au 1er mai 2004 s’inscrivaient précisément dans le cadre de l’entente rappelé notamment aux points 394 et 395 ci-dessus. En effet, premièrement, les contacts visés aux considérants 209, 212, 223, 343, 584, 592 et 596 portent sur la mise en œuvre des surtaxes et du refus de paiement de commissions, la plupart sans délimitation de leur portée géographique. Deuxièmement, plusieurs de ces contacts ont, soit impliqué des employés du siège de transporteurs incriminés, soit fait état de communications avec eux (voir considérants 212, 223 et 584). Troisièmement, ces contacts sont contemporains d’autres discussions entre les sièges ou de décisions prises au niveau de ceux-ci concernant les surtaxes. Quatrièmement, tous ces contacts impliquent plusieurs ou tous les partenaires de l’alliance WOW.
477 Dans la mesure où les requérantes soulèvent la question de leur droit à exploiter les liaisons intra-Union, il convient de renvoyer à la troisième branche du quatrième moyen ci-après, dans le cadre duquel les requérantes font grief à la Commission d’avoir retenu leur participation à l’infraction unique et continue sur ces liaisons sans avoir établi qu’elles étaient des concurrentes potentielles sur celles-ci.
478 Cela étant précisé, il convient d’examiner l’argumentation spécifiquement avancée par les requérantes s’agissant des contacts WOW intervenus à compter du 1er mai 2004 (considérants 355, 381, 401, 402, 434, 456, 484, 488, 494, 512, 517, 546, 600, 628 à 632 et 674 de la décision attaquée).
479 À titre liminaire, il convient de relever que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que ces contacts visaient à réduire la concurrence par les prix à l’intérieur de l’alliance WOW afin de faciliter la coopération du personnel de vente des partenaires de l’alliance au niveau local.
480 En effet, tout d’abord, il convient de rappeler que, au terme de l’examen de la deuxième branche du présent moyen, le Tribunal a constaté que la Commission avait conclu à juste titre que le champ d’application de l’alliance WOW, telle qu’effectivement mise en œuvre, n’incluait pas une politique générale de tarification et de vente intégrée qui requiert une coordination générale sur les surtaxes de la part de ses membres.
481 Ensuite, à supposer qu’il faille comprendre l’argument des requérantes comme tendant à nier que les comportements en cause relèvent de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, au motif qu’ils tendaient à instaurer un climat de confiance entre partenaires de l’alliance WOW, il convient de rappeler que les accords horizontaux de fixation des prix constituent des violations particulièrement graves des règles de concurrence. Conformément à la jurisprudence évoquée au point 417 ci-dessus, l’analyse du contexte économique et juridique dans lequel ils s’insèrent peut, dès lors, se limiter à ce qui s’avère strictement nécessaire en vue de conclure à l’existence d’une restriction de la concurrence « par objet ». Il s’ensuit que la Commission n’était pas tenue d’examiner de manière approfondie si le contexte de ladite alliance pouvait retirer aux comportements en cause le degré de nocivité requis pour entraîner une qualification de restriction « par objet », d’autant plus qu’elle avait par ailleurs établi que la coordination générale sur les surtaxes ne s’insérait pas dans le champ d’application de l’alliance WOW telle qu’effectivement mise en œuvre (voir point 480 ci-dessus). En tout état de cause, l’invocation de la nécessité d’instaurer un tel climat de confiance, loin d’être de nature à justifier un comportement collusif, confirme que l’objectif des partenaires de l’alliance WOW était de substituer sciemment une coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence, ce qui relève manifestement de la qualification de restriction « par objet ».
482 Enfin, dans la mesure où les requérantes font valoir que les contacts WOW qui leur sont opposés visaient exclusivement à instaurer un climat de confiance entre les partenaires de l’alliance WOW, sans qu’il puisse en être inféré la preuve d’une participation à l’infraction unique et continue, de portée plus large, il y a lieu de constater qu’elles n’invoquent qu’un seul élément à l’appui de leur argumentation. Il s’agit d’une communication adressée par un de leurs employés à leurs responsables de ventes locaux, recensant « les revenus et les cargaisons correspondant aux services [des requérantes] obtenus via des lettres de transport aérien de partenaires [de l’alliance WOW] ». Selon l’auteur de la communication, cette information devait aider les responsables locaux « à cibler les pistes pour faire progresser la coopération avec nos partenaires » et « apaiser [leurs] craintes que les partenaires nous enlèvent ces expéditions avec ces accords intercompagnies ». Or, il ressort tout au plus de cette communication que le personnel des requérantes se souciait de ce que le volume d’affaires réalisé sur les services de fret ne soit pas affecté négativement par la mise en œuvre de l’alliance WOW, sans établir un quelconque lien entre la coordination sur les surtaxes et un prétendu objectif de maintenir un climat de confiance au sein de ladite alliance. A fortiori, cette communication ne vient pas corroborer l’allégation des requérantes selon laquelle les contacts WOW n’avaient pas de portée plus large que l’objectif en cause.
483 Quant aux différents arguments dirigés spécifiquement contre les 19 considérants visés au point 478 ci-dessus, les requérantes contestent, en premier lieu, la valeur probante de six contacts WOW intervenus « en Scandinavie » (considérants 401, 434, 484, 494, 512 et 546 de la décision attaquée). Or, dans la mesure où elles font valoir que ces contacts étaient « compréhensibles » au regard de l’objectif de maintenir un climat de confiance entre partenaires de l’alliance WOW, il y a lieu de rejeter cet argument pour des motifs analogues à ceux indiqués aux points 479 à 482 ci-dessus. Ensuite, pour autant qu’elles se prévalent de l’existence de certains accords de partage de capacités ou d’accords similaires entre partenaires de cette alliance qui expliqueraient l’existence des contacts en cause, il convient de relever qu’elles n’apportent pas le moindre commencement de preuve à l’appui de leurs allégations. À l’inverse, la Commission fait observer, sans être contestée à cet égard, que ces contacts ne font pas référence aux accords en cause. Enfin, la circonstance que seuls des partenaires de l’alliance WOW étaient parties à ces échanges n’est pas plus de nature à exclure qu’ils puissent établir la participation des requérantes à l’infraction unique et continue. Il ressort, en effet, du considérant 111 de la décision attaquée que les participants à cette infraction étaient en contact selon des modalités diverses, tant bilatérales que multilatérales, ces dernières incluant notamment des réunions d’alliance telle que l’alliance WOW. Il existe, à cet égard, de nombreux exemples de contacts auxquels tant des partenaires de cette alliance que d’autres transporteurs incriminés ont participé (voir, notamment, les considérants 135, 170, 173 et 174 de la décision attaquée) attestant de ce que les contacts WOW consistaient, en fin de compte, en un mode de coordination parmi d’autres d’une entente plus vaste.
484 En deuxième lieu, la tentative des requérantes de remettre en cause la valeur probante des contacts afférents à la STS visés aux considérants 628 à 632 doit être rejetée. Tout d’abord, il ressort en particulier du considérant 630 de la décision attaquée que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la portée des contacts en cause n’était pas limitée aux liaisons au départ du Danemark, mais concernait plus largement l’imposition de la STS en Europe à un taux harmonisé. Cela est corroboré par la teneur générale du courriel interne décrit audit considérant : « lors de notre réunion de la WOW pour l’Europe, nous étions convenus que nous imposerions des surtaxes. Me rends compte que ce n’est pas aussi simple que ce que nous avions pensé ou espéré » ; « [s]i chacun va dans une direction différente, il ne faudra que quelques jours avant que nous passions le pire des marchés » ; « [n]ous devons décider au sein de la WOW si nous souhaitons continuer comme auparavant ou si nous préférons une scission comme KL[M]/AF ». Si des échanges spécifiques à la situation danoise ressortent, en particulier, du considérant 629 de la décision attaquée, cela s’explique par les niveaux de STS pratiqués au Danemark par les requérantes. En effet, ainsi qu’il ressort de l’annexe A.28 de la requête, ces niveaux étaient inférieurs aux niveaux pratiqués ailleurs en Europe, ces derniers ne justifiant dès lors pas d’interventions spécifiques des partenaires de l’alliance WOW.
485 Ensuite, dans la mesure où les requérantes font valoir que les contacts visés aux considérants 628 à 632 tendaient à remédier à « un obstacle à la coopération en matière de marketing au sein de l’alliance WOW au Danemark », il convient de relever, d’une part, qu’il ressort du point 484 ci-dessus que les contacts dépassaient la seule question du niveau de la STS au départ du Danemark et, d’autre part, qu’il a été conclu, au terme de l’examen de la deuxième branche du présent moyen, qu’eu égard au champ d’application de cette alliance, une coordination générale sur les surtaxes entre ses partenaires n’était pas requise.
486 Enfin, pour autant que les requérantes font valoir que les contacts en cause ne sont pas de nature à démontrer leur participation à l’infraction unique et continue, au motif qu’ils s’inscrivent dans un « contexte propre à l’alliance WOW », il y a lieu de relever que la participation des requérantes à la coordination relative à la STS, notamment, au travers de ladite alliance est conforme aux modalités de l’entente litigieuse décrites par la Commission, en particulier, au considérant 111 de la décision attaquée. Le contenu même de ces contacts révèle que les partenaires de l’alliance WOW avaient connaissance des autres aspects de l’entente litigieuse et se référaient aux actions des transporteurs non-membres de celle-ci, ainsi qu’il ressort de l’affirmation selon laquelle « [n]ous devons décider au sein de la WOW si nous souhaitons continuer comme auparavant ou si nous préférons une scission comme KL[M]/AF » (considérant 630 de la décision attaquée). La circonstance que la coordination de la STS au sein de cette alliance s’inscrivait dans un contexte plus large est corroborée, au demeurant, par les échanges internes à Lufthansa repris à la fin du considérant 618 de la décision attaquée dont il ressort que ladite alliance était un mode de coordination, parmi d’autres, dans le cadre d’une entente plus large. Si, ainsi que l’ont fait valoir les requérantes à l’audience et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la copie de ces échanges internes qu’elles ont communiquée lors de celle-ci (voir point 66 ci-dessus), il ne ressort pas des échanges rapportés dans ce considérant que la réunion de l’alliance WOW censée se tenir « la semaine suivante » ait effectivement porté sur la question de la STS, il n’en demeure pas moins que ces échanges attestent de ce que cette alliance était perçue comme un forum parmi d’autres pour consolider la coordination relative à cette surtaxe.
487 En troisième lieu, les requérantes contestent la valeur probante des contacts intervenus en dehors de l’Union visés aux considérants 402, 488 et 674 de la décision attaquée.
488 Quant au considérant 402 de la décision attaquée, les requérantes indiquent qu’il ne décrit ni ne mentionne de contact entre Lufthansa et ses partenaires de l’alliance WOW. Si cette affirmation est juste, il n’en demeure pas moins que l’auteur du courriel interne visé audit point considère que « la décision de [Lufthansa de suspendre l’augmentation de la STC] n’est pas bonne parce qu’en pratique, cela signifie que des transporteurs comme [les requérantes], SAS, [Japan Airlines], etc. ne vont pas non plus augmenter ». Il s’ensuit que, sans attester à elle seule d’une prise de contact entre les partenaires de l’alliance WOW, cette pièce, prise dans un faisceau d’indices plus large, était de nature à étayer le constat d’une coordination entre eux en matière de STC.
489 Quant au considérant 488 de la décision attaquée, il fait état d’un courriel interne de SAS dans lequel il est indiqué ce qui suit : « SAS ne peut être le premier ou le seul transporteur à introduire l’augmentation [de la STC au Japon]. Je parlerai avec [Japan Airlines], [Lufthansa] et [les requérantes] à ce sujet la semaine prochaine ». La possibilité que ces contacts n’aient pas eu lieu n’est pas, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, de nature à remettre en cause la valeur probante de cette pièce. En effet, le fait que SAS entendait aborder le sujet de la STC avec les requérantes constitue en lui-même un indice de la participation de ces dernières à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2012, GDF Suez/Commission, T 370/09, EU:T:2012:333, point 226).
490 Quant au considérant 674 de la décision attaquée, les requérantes font valoir que les communications entre elles et Lufthansa qu’il relate au sujet de la STC et de la STS applicables aux liaisons au départ de Los Angeles (États-Unis) étaient « pleinement pertinentes » au regard des accords spéciaux de quotes-parts et de réservation de capacités en vigueur entre les deux transporteurs à l’époque. Il ressort toutefois du courriel des requérantes visé au considérant 674, produit en annexe D.4 à la duplique, qu’elles interrogeaient Lufthansa sur sa pratique éventuelle de plafonnement des surtaxes en relevant qu’elles souhaitaient obtenir son « avis d’urgence, car cela a un impact majeur sur le marché compte tenu de la position de leader du marché de [Lufthansa] ». Comme le fait observer à juste titre la Commission, le contenu de cette communication atteste de ce que les requérantes ne cherchaient pas tant à obtenir de Lufthansa des précisions sur certaines conditions des accords en vigueur entre elles et ce dernier, que de connaître son point de vue sur un aspect du niveau de ses surtaxes dans la mesure où, au vu de sa position de « leader du marché », cela influerait sur la fixation du niveau des surtaxes par les autres transporteurs.
491 En quatrième lieu, les requérantes font valoir que le considérant 517 de la décision attaquée décrit un courriel relatif à une offre conjointe faite par l’alliance WOW à un transitaire et s’inscrit manifestement, en tant que tel, dans le cadre de la mise en œuvre de cette alliance. La Commission conteste cette lecture des requérantes et considère que le courriel en cause montre que les surtaxes appliquées dans le cadre des offres communes de l’alliance WOW s’inscrivaient dans une entente plus large. Elle s’appuie en outre sur la mention dans l’échange selon laquelle « cette question [des surtaxes] a été “brièvement” abordée lors de la dernière réunion [du conseil global des ventes], mais [qu’]aucune observation n’a été inscrite dans le procès-verbal de la réunion (antitrust!) ».
492 Or, il ressort de ce courriel qu’il avait pour objet, comme le soulignent à juste titre les requérantes, de préparer une rencontre avec le transitaire visé par l’offre commune, qui devait se tenir dix jours plus tard. Le courriel fait rapport, dans ce contexte, de discussions intervenues au niveau du conseil global des ventes, dans lequel siégeaient les vice-présidents des membres de l’alliance WOW chargés des ventes :
« [i]l a été mentionné que [l’alliance] WOW utilisera le modèle de [Lufthansa] dans les marchés “neutres” ; États-Unis, Europe. Ainsi, certains accords locaux sur d’autres marchés peuvent s’appliquer, par exemple au Japon (participation des pouvoirs publics) ou sur les marchés asiatiques, où les concurrents utilisent des modèles différents. »
493 L’auteur du courriel ajoute :
« Dans ma documentation, j’ai trouvé la convention de mandat délivrée aux négociations d’Exel l’année dernière (copie ci-jointe) où tous les transporteurs ont accepté d’utiliser le modèle de [Lufthansa] pour les surtaxes. Pouvons-nous utiliser la même formulation dans l’affaire CAT/DHL ?????????? Pourrions-nous poser la question [au conseil global des ventes] pour avoir une réponse rapide ? »
494 Si ce dernier extrait s’inscrit effectivement dans le cadre de l’élaboration de l’offre commune en cause, celui repris au point 492 ci-dessus pourrait également relever, eu égard au contexte dans lequel il s’inscrit, de l’élaboration de ladite offre, contrairement à ce qu’affirme la Commission. À cet égard, la référence aux « accords locaux » peut s’interpréter comme l’application d’accords spécifiques au client transitaire au départ de certains aéroports, cette interprétation étant d’autant plus vraisemblable que l’objet du courriel était d’arrêter les conditions de l’offre commune qui devait être faite par l’alliance WOW à ce client. Il est vrai que l’allusion, exprimée par l’exclamation « (antitrust !) », au risque que la discussion intervenue au niveau du conseil global des ventes puisse être interdite par le droit de la concurrence est un indice en sens contraire. Toutefois, à elle seule, cette allusion ne suffit pas à priver de vraisemblance la lecture proposée par les requérantes, qui repose, non pas sur des allégations non étayées, mais sur le contenu même du courriel en cause.
495 En conséquence, il convient de considérer que le courriel du 3 octobre 2005 visé au considérant 517 de la décision attaquée s’inscrit exclusivement dans l’objectif d’élaboration d’une offre commune de l’alliance WOW à un client prospectif et n’est, dès lors, pas de nature à contribuer à établir la participation des requérantes à l’infraction unique et continue.
496 En cinquième lieu, s’agissant du considérant 600 de la décision attaquée, les requérantes ne contestent pas la description qui y est faite des discussions qu’elles avaient sur les « questions de surtaxe » avec Lufthansa. Elles se bornent à indiquer qu’il ne s’agit pas « d’une discussion sur les prix futurs visés, mais plutôt d’une discussion sur la politique générale » qui, en substance, doit se comprendre à la lumière de l’objectif de maintien d’un climat de confiance entre partenaires de l’alliance WOW. Or, d’une part, pour autant que les requérantes se prévalent de la nécessité d’instaurer un climat de confiance entre partenaires de l’alliance WOW, il y a lieu de rejeter cet argument pour des motifs analogues à ceux indiqués aux points 479 à 482 ci-dessus. D’autre part, il y a lieu de relever qu’une discussion entre concurrents sur un aspect de leur politique tarifaire est de nature à influencer leur comportement sur le marché et revêt, partant, un caractère anticoncurrentiel, indépendamment de la question de savoir s’il porte sur des « prix futurs ». L’intention d’influencer les comportements respectifs des transporteurs en cause ressort, au demeurant, de la citation reproduite par les requérantes dans leurs écritures du document sur lequel la Commission s’appuie au considérant 600, dont il ressort que Lufthansa avait, à l’occasion de ces discussions, demandé aux requérantes « pourquoi, sur certains marchés, [elles n’avaient pas suivi la même politique de surtaxes que [Lufthansa] ».
497 En sixième lieu, s’agissant du considérant 456 de la décision attaquée, il décrit un échange de courriels initié par Lufthansa. Cette dernière demande aux requérantes pourquoi elles portent en compte une STC de 0,20 euros seulement en Italie puis leur indique les niveaux, supérieurs, appliqués par d’autres transporteurs asiatiques. Les requérantes font valoir, tout d’abord, qu’il ne portait pas sur la communication d’informations tarifaires relatives à des transporteurs incriminés, ensuite, qu’il n’a pas entraîné de modifications de leur niveau de STC et, enfin, qu’il participait, en substance, de l’instauration d’un climat de confiance entre partenaires de l’alliance WOW.
498 Aucun de ces arguments ne sauraient prospérer. Tout d’abord, l’allégation selon laquelle les niveaux de STC communiqués par Lufthansa concernaient des transporteurs non incriminés manque en fait, puisque Japan Airlines figure parmi les transporteurs dont le niveau de STC est mentionné. En tout état de cause, elle est dénuée de pertinence. En effet, le contact en cause illustre à tout le moins la coordination à l’œuvre en matière de STC entre Lufthansa et les requérantes et l’étalonnage pertinent que constituent les niveaux de STC appliqués, y compris par des transporteurs qui ne sont pas membres de l’alliance WOW. C’est donc à bon droit que la Commission l’a inclus dans le faisceau d’indices qui est opposé aux requérantes. Ensuite, l’allégation selon laquelle les requérantes n’auraient pas modifié leur niveau de STC en Italie à la suite de ce contact n’est pas de nature à lui ôter sa valeur probante, lorsqu’il est tenu compte du faisceau d’indices plus large, ainsi qu’il ressort des points 626 à 633 ci-après. Enfin, pour les motifs repris aux points 479 à 482 ci-dessus, il y a lieu d’écarter l’argument tiré de l’instauration d’un climat de confiance entre les partenaires de l’alliance WOW. À cet égard, l’allégation des requérantes selon laquelle le contact en cause s’inscrivait dans le cadre d’arrangements conclus entre elles et Lufthansa sur l’utilisation des capacités de ce dernier au départ de l’Italie n’est nullement étayée et ne saurait justifier ce contact. Il n’est, en effet, pas démontré que ces arrangements requéraient une politique tarifaire intégrée.
499 En septième lieu, s’agissant des considérants 355 et 381 de la décision attaquée, les requérantes se prévalent des fonctions exercées par leur employé partie aux contacts en cause, à savoir de superviser les arrangements en matière de capacités conclus avec les partenaires de l’alliance WOW, pour en déduire que ces contacts s’inscrivaient nécessairement dans le cadre de la mise en œuvre desdits accords. Or, il suffit de constater que, par lesdits contacts, Lufthansa soit communiquait, soit était interrogé sur ses intentions d’augmentation du niveau de la STC, sans qu’il n’en ressorte que ces informations étaient limitées dans leur portée géographique. Il y donc a lieu de conclure que ces contacts attestent de l’échange d’informations commercialement sensibles entre les transporteurs en cause dont il n’est pas démontré qu’il s’inscrivait exclusivement dans le cadre de la mise en œuvre de l’alliance WOW.
500 Au regard de ce qui précède, il convient d’observer que, pris ensemble, les contacts litigieux que la Commission a retenus, au considérant 804 de cette décision, pour constater que la mise en œuvre de la STC a été discutée entre les partenaires de l’alliance WOW, dont les requérantes, étaient de nature à fonder un tel constat. S’il est vrai, ainsi qu’il ressort du point 494 ci-dessus, que le courriel en date du 3 octobre 2005 visé au considérant 517 de la décision attaquée doit s’interpréter comme s’inscrivant exclusivement dans l’objectif d’élaboration d’une offre commune de l’alliance WOW à un client prospectif, il ressort néanmoins de l’examen du présent moyen que c’est à bon droit que la Commission s’est appuyée sur les quinze contacts restants, qui suffisent à fonder le constat repris au considérant 804 de ladite décision.
501 Dès lors, la présente branche doit être rejetée et, partant, le présent moyen, dans son ensemble.
6. Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs de droit, d’appréciation et de fait dans la constatation de la participation des requérantes à l’infraction unique et continue
502 Les requérantes invoquent plusieurs erreurs commises par la Commission dans sa tentative d’établir leur participation à l’infraction unique et continue. Ces erreurs justifieraient l’annulation de la décision attaquée ou, à titre subsidiaire, l’annulation des paragraphes 1 et 4 de son article 1er pour autant qu’ils les concernent. Elles distinguent, à cet égard, plusieurs catégories de comportements qui leur sont reprochés et dont aucune ne serait de nature à établir leur participation à l’infraction unique et continue.
503 D’emblée, il convient de relever que plusieurs griefs soulevés par les requérantes renvoient à d’autres moyens et arguments de la requête qui ont déjà été examinés, et rejetés, par le Tribunal. C’est le cas des griefs tirés d’une erreur dans la prise en compte des comportements liés aux vols entrants (voir les deuxième et troisième branches du premier moyen), d’une erreur dans la prise en compte des contacts WOW (voir le troisième moyen) et d’une erreur dans la prise en compte des comportements relatifs au refus de paiement de commissions (voir le deuxième moyen et la quatrième branche du premier moyen).
504 Cela étant précisé, le reste du présent moyen s’articule, en substance, autour de quatre branches prises, premièrement, d’une erreur de droit dans la mesure où la Commission n’aurait pas cherché à qualifier les comportements litigieux d’accord ou de pratique au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, deuxièmement, d’une violation du principe ne bis in idem en ce que la Commission aurait retenu la participation des requérantes à l’infraction unique et continue sur les liaisons intra-Union avant le 1er mai 2004 et sur les liaisons Union-Suisse, troisièmement, d’une erreur en ce que la Commission aurait retenu la participation des requérantes à l’infraction unique et continue sur les liaisons intra-Union avant le 1er mai 2004 et sur les liaisons Union-Suisse sans établir qu’elles étaient des concurrentes potentielles sur ces liaisons et, quatrièmement, d’erreurs d’appréciation quant au caractère incriminant de certains contacts qui leur sont opposés.
a) Sur la première branche, prise d’une erreur de droit dans la mesure où la Commission n’aurait pas cherché à qualifier les comportements litigieux d’accord ou de pratique au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE
505 Les requérantes font, en substance, valoir que l’approche de la Commission selon laquelle il n’est pas nécessaire de démontrer que les contacts cités s’inscrivent dans un accord ou une pratique concertée interdits par l’article 101 TFUE, pour autant qu’ils fassent « partie intégrante » d’une coordination des prix, est erronée en droit.
506 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
507 Tout d’abord, aux considérants 833 à 845 de la décision attaquée, la Commission a énoncé les principes applicables à la qualification d’un comportement d’accord ou de pratique concertée au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.
508 En particulier, elle a apporté, aux considérants 842 et 843 de la décision attaquée, les précisions suivantes :
« (842) La Commission n’est pas nécessairement tenue, en particulier dans le cas d’une infraction complexe, de qualifier l’infraction exclusivement de l’une ou l’autre de ces formes de comportement illicite. Les notions d’accord et de pratique concertée sont souples et peuvent se chevaucher. Le comportement anticoncurrentiel peut avoir subi certaines modifications dans le temps ou ses mécanismes peuvent avoir été adaptés ou renforcés pour tenir compte de l’évolution de la situation. En effet, il peut même ne pas être possible d’opérer une telle distinction, une infraction pouvant présenter simultanément les caractéristiques de chaque forme de comportement interdit alors que, considérées séparément, certaines de ses manifestations pourraient être qualifiées précisément comme relevant d’une de ces formes plutôt que l’autre. Il serait artificiel de subdiviser ce qui est manifestement une entreprise commune durable, caractérisée par une seule et même finalité, en y voyant plusieurs formes d’infractions distinctes. Une entente peut donc être à la fois un accord et une pratique concertée. L’article 101 du TFUE ne prévoit pas de qualification particulière pour les infractions complexes du type de celle constatée dans la présente affaire [arrêt du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T 7/89, EU:T:1991:75, point 264].
(843) Dans son arrêt PVC II [arrêt du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, T 305/94 à T 307/94, T 313/94 à T 316/94, T 318/94, T 325/94, T 328/94, T 329/94 et T 335/94, EU:T:1999:80, point 696], le Tribunal a déclaré que “dans le cadre d’une infraction complexe, qui a impliqué plusieurs producteurs pendant plusieurs années poursuivant un objectif de régulation en commun du marché, on ne saurait exiger de la Commission qu’elle qualifie précisément l’infraction, pour chaque entreprise et à chaque instant donné, d’accord ou de pratique concertée, dès lors que, en toute hypothèse, l’une et l’autre de ces formes d’infraction sont visées à l’article [101 du TFUE]”. »
509 Ensuite, aux considérants 846 à 859 de la décision attaquée, la Commission a exposé le « système général » à l’œuvre dans la présente espèce, en concluant, pour chacune des composantes de l’infraction unique et continue, qu’elle pouvait être qualifiée d’accord ou de pratique concertée.
510 Elle en a conclu, sur la base des éléments de preuve décrits aux points 4.1 à 4.5 de la décision attaquée, que ce « système général » pouvait « être qualifié d’accord ou de pratique concertée entre des entreprises au sens de l’article 101 du TFUE » (considérant 860). Elle a précisé, au même considérant, que « [l]es fournisseurs de services de fret […] concernés [avaient] coordonné leur comportement afin de lever l’incertitude existant entre eux concernant divers éléments de prix dans le secteur du fret aérien [ ; l]es contacts répétés, qui étaient souvent de nature bilatérale mais incluaient aussi des réunions multilatérales, sur une longue période et qui couvraient les aspects décrits [aux points] 4.1 à 4.5, inclu[aient] tous les éléments caractéristiques d’une infraction complexe ».
511 Enfin, au considérant 861 de la décision attaquée, la Commission a indiqué ce qui suit :
« Sur la base des éléments expos[é]s aux considérants (846) à (859), on peut considérer que les différents éléments du comportement des destinataires de la présente décision font partie d’un système général de coordination du comportement de tarification pour des services de fret aérien. La Commission estime que le comportement des entreprises concernées constitue une infraction complexe se composant de diverses actions qui peuvent être qualifiées soit d’accord, soit de pratique concertée dans le cadre desquels les concurrents ont sciemment substitué la coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence. En outre, à défaut de preuve du contraire, la Commission considère, sur la base de l’arrêt de la Cour de justice dans l’affaire Hüls [arrêt du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C 199/92 P, EU:C:1999:358, points 161 et 162], que les entreprises participant à une telle concertation ont tenu compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur propre comportement sur le marché, d’autant que la concertation s’est produite régulièrement. Partant, la Commission considère que l’ensemble des accords en l’espèce, tel qu’il est décrit [au point] 4 de la présente décision, a toutes les caractéristiques d’un accord ou d’une pratique concertée au sens de l’article 101 du TFUE. »
512 Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il y a lieu de constater que la Commission n’a commis aucune erreur de droit en procédant de la manière décrite aux points 507 à 511 ci-dessus.
513 Elle a ainsi qualifié, conformément aux principes qu’elle a rappelés et qui trouvent à s’appliquer en l’espèce, un tout complexe comportant des éléments de fait qui, pour certains, se prêtaient à la qualification d’accords et pour d’autres de pratiques concertées, voire les deux cumulativement, sans qu’il puisse lui être reproché de ne pas avoir retenu exclusivement l’une ou l’autre de ces qualifications.
514 Ensuite, dans la mesure où les requérantes reprocheraient à la Commission de n’avoir pas même cherché à établir leur participation aux accords ou aux pratiques concertées censés constituer l’infraction unique et continue, il convient de constater que cette allégation manque en fait.
515 En effet, ainsi qu’il ressort du point 509 ci-dessus, la Commission a qualifié, individuellement, chacune des composantes constitutives de l’infraction unique et continue d’accord ou de pratique concertée, sur la base des éléments de fait présentés aux points 4.1 à 4.5 de la décision attaquée et après avoir, s’agissant spécifiquement des requérantes, d’une part, recensé aux considérants 803 à 806 de cette décision les contacts qui leur sont opposés au titre de ces trois composantes et, d’autre part, répondu aux considérants 807 à 813 ainsi qu’aux considérants 853 à 855 aux arguments de ces dernières mettant en cause le caractère anticoncurrentiel desdits contacts.
516 Enfin, pour autant qu’il faille comprendre l’argumentation des requérantes comme étant dirigée contre l’interprétation que la Commission aurait faite, au considérant 853 de la décision attaquée, des règles en matière d’administration de la preuve de la participation à une infraction à l’article 101 TFUE, il y a lieu de constater que la Commission n’a commis aucune erreur en affirmant que « les contacts factuels doivent être appréciés en tant qu’un ensemble de preuves ».
517 En effet, il y a lieu de rappeler que, pour établir l’existence d’une infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, s’il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves sérieuses, précises et concordantes, chacune des preuves apportées par cette dernière ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par ladite institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (arrêt du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C 407/08 P, EU:C:2010:389, point 47).
518 Au regard de ce qui précède, la présente branche doit être rejetée.
b) Sur la deuxième branche, prise d’une violation du principe ne bis in idem en ce que la Commission aurait retenu la participation des requérantes à l’infraction unique et continue sur les liaisons intra-Union avant le 1er mai 2004 et sur les liaisons Union-Suisse
519 Les requérantes font valoir que les comportements antérieurs au 1er mai 2004 ne sauraient leur être opposés pour établir leur participation à une infraction en rapport avec les liaisons intra-Union, de même que les comportements en lien avec les liaisons Union-Suisse, sans contrevenir au principe ne bis in idem, dès lors que la décision du 9 novembre 2010 n’avait pas constaté leur participation à une telle infraction.
520 Selon les requérantes, les principes découlant de l’arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, (C 238/99 P, C 244/99 P, C 245/99 P, C 247/99 P, C 250/99 P à C 252/99 P et C 254/99 P, EU:C:2002:582), mentionnés aux considérants 1056 et 1057 de la décision attaquée, ne devraient pas conduire à écarter le principe ne bis in idem, dans la mesure où, d’une part, l’arrêt du 16 décembre 2015, Singapore Airlines et Singapore Airlines Cargo Pte/Commission (T 43/11, non publié, EU:T:2015:989), ne prononçait pas l’annulation de la décision du 9 novembre 2010 au regard d’un défaut purement formel, mais d’une violation grave des droits de la défense et, d’autre part, la décision attaquée a une portée substantiellement plus large que cette décision.
521 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
522 Il est de jurisprudence constante que le principe ne bis in idem, par ailleurs énoncé à l’article 50 de la Charte, doit être respecté dans les procédures de mise en œuvre du droit de la concurrence qui tendent à l’infliction d’amendes. Ce principe interdit qu’une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d’un comportement anticoncurrentiel du chef duquel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n’est plus susceptible de recours (voir arrêt du 14 février 2012, Toshiba Corporation e.a., C 17/10, EU:C:2012:72, point 94 et jurisprudence citée).
523 En l’espèce, les requérantes se prévalent de la décision du 9 novembre 2010 qui constituerait, selon elles, une décision antérieure et définitive les déclarant non responsables de l’infraction unique et continue pour les liaisons intra-Union et Union-Suisse.
524 Il convient d’abord de déterminer si l’allégation des requérantes selon laquelle ladite décision constitue une déclaration de non-responsabilité est fondée.
525 À cet égard, il convient de relever qu’une telle déclaration suppose que la responsabilité de l’entreprise concernée ait été appréciée à l’issue d’un examen des circonstances de l’affaire, en d’autres termes qu’il y ait eu une appréciation du fond de l’affaire. Une telle appréciation suppose, à son tour, que la Commission se soit livrée à l’étude ou à l’évaluation des preuves versées au dossier et ait porté une appréciation sur la participation de l’entreprise concernée à l’un ou à l’ensemble des comportements ayant fait l’objet de la communication des griefs, aux fins de déterminer si sa responsabilité a été établie.
526 En l’espèce, au point 1582 de la communication des griefs, la Commission indiquait qu’elle « envisage[ait] […] d’adopter une décision […] constatant que les entreprises qui sont les destinataires de la présente communication des griefs ont violé l’article [101 TFUE], l’article 53 de l’accord EEE et l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien] ». Ainsi qu’il ressort du point 8 ci-dessus, les requérantes figuraient parmi ces destinataires.
527 Il ressort des points 3, 129, 1389, 1395 et 1434, ainsi que du point 1575, sous c), et du point 1577 de la communication des griefs que l’infraction que la Commission envisageait de retenir au point 1582 de ladite communication couvrait, notamment, les liaisons intra-Union pour l’ensemble de la période infractionnelle et les liaisons Union-Suisse à partir du 1er juin 2002.
528 Il s’ensuit que, dans la communication des griefs, la Commission envisageait de tenir les requérantes pour responsables d’une violation des règles de concurrence pertinentes sur les liaisons intra-Union et Union-Suisse.
529 En revanche, dans la décision du 9 novembre 2010, la Commission ne s’est pas expressément prononcée sur la responsabilité des requérantes sur les liaisons intra-Union et Union-Suisse. Dans le dispositif de cette décision, elle les a tenues pour responsables de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concernait les liaisons Union-pays tiers (article 2 de la décision du 9 novembre 2010) et les liaisons EEE sauf Union-pays tiers (article 3 de cette décision), mais pas en tant qu’elle concernait les liaisons intra-EEE, qui incluent les liaisons intra-Union (article 1er de ladite décision), ni les liaisons Union-Suisse (article 4 de la même décision). Elle ne les a pas non plus sanctionnées au titre d’une violation des règles de concurrence pertinentes sur ces deux dernières catégories de liaisons. Pour autant, la Commission n’a pas explicitement exclu qu’elles fussent responsables de telles violations sur lesdites catégories de liaisons.
530 La question est donc de savoir s’il peut être déduit de ce silence que, dans la décision du 9 novembre 2010, la Commission a implicitement déclaré les requérantes non responsables de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concerne les liaisons intra-Union et Union-Suisse, de sorte qu’elle ne pourrait plus les condamner à cet égard dans la décision attaquée sans violer le principe ne bis in idem.
531 À cet égard, il convient de rappeler que la mission de surveillance que confèrent l’article 105, paragraphe 1, TFUE, l’article 55, paragraphe 1, de l’accord EEE et l’accord CE-Suisse sur le transport aérien à la Commission en matière de concurrence n’implique pas, pour elle, l’obligation de se prononcer sur l’existence ou non d’une infraction aux règles pertinentes de concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 18 septembre 1992, Automec/Commission, T 24/90, EU:T:1992:97, points 74 à 76, et du 16 octobre 2013, Vivendi/Commission, T 432/10, non publié, EU:T:2013:538, point 68). Il ne saurait non plus être déduit des dispositions du règlement no 1/2003 et des dispositions d’exécution de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien que la Commission aurait l’obligation de constater et de sanctionner tout comportement anticoncurrentiel (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2015, Philips/Commission, T 92/13, non publié, EU:T:2015:605, point 112).
532 Il ne saurait davantage découler des dispositions du règlement no 1/2003 ou des dispositions d’exécution de l’article 53 de l’accord EEE ou de l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien qu’une telle obligation incomberait à la Commission lorsque cette dernière indique, dans la communication des griefs, qu’elle envisage de constater une violation des règles de concurrence pertinentes. La Commission ne saurait ainsi être contrainte, dans la décision finale, de se prononcer sur l’existence ou non d’une violation des règles de concurrences pertinentes qu’elle aurait envisagé de constater dans la communication des griefs.
533 Il ne saurait dès lors être conclu que, en s’abstenant de retenir une violation des règles de concurrence pertinentes dans la décision finale quant à certains comportements visés dans la communication des griefs, la Commission a, implicitement, mais nécessairement, effectué une déclaration de non-responsabilité à cet égard.
534 L’économie générale du règlement no 1/2003 confirme cette interprétation. Il convient, en effet, de relever que c’est de l’article 10 du règlement no 1/2003, qui l’habilite à procéder au constat de l’inapplication de l’article 101 TFUE à un comportement donné, notamment parce que les conditions de l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne sont pas remplies, que la Commission tire son pouvoir de constater l’absence de violation de l’article 101 TFUE et ainsi d’adopter une décision « négative » sur le fond susceptible d’empêcher un constat ultérieur d’infraction audit article (voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2011, Tele2 Polska, C 375/09, EU:C:2011:270, points 23, 24, 28 et 29). Il en est de même lorsque la Commission fait usage des pouvoirs qui lui sont conférés par le règlement no 1/2003 pour l’application de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.
535 Or, l’article 10 du règlement no 1/2003 est la seule base légale sur laquelle la Commission peut se fonder pour adopter une décision constatant l’inapplication des règles du traité en matière de concurrence à un comportement individuel donné.
536 Cela ressort, premièrement, du libellé du titre de l’article 10 dudit règlement ainsi que de ses dispositions. En effet, celui-ci porte sur la « constatation d’inapplication », et dispose que « [l]orsque l’intérêt public [de l’Union] concernant l’application des articles [101 et 102 TFUE] le requiert, la Commission, agissant d’office, peut constater par voie de décision que l’article [101 TFUE] est inapplicable à un accord, une décision d’association d’entreprises ou une pratique concertée soit parce que les conditions de l’article [101], paragraphe 1, [TFUE] ne sont pas remplies, soit parce que les conditions de l’article [101], paragraphe 3, [TFUE] sont remplies ».
537 Deuxièmement, il convient de relever qu’aucune autre disposition du règlement no 1/2003 ne confère à la Commission la faculté de constater l’inapplication des règles du traité en matière de concurrence à un comportement individuel donné. Le considérant 14 de ce règlement explicite l’intention du législateur de limiter strictement la faculté de la Commission à cet égard aux hypothèses couvertes par l’article 10 de ce règlement, en indiquant qu’un tel constat ne peut intervenir que dans « des cas exceptionnels et lorsque l’intérêt public [de l’Union] le requiert ».
538 Troisièmement, la Cour a jugé que l’ouverture d’une procédure par la Commission en vue de sanctionner des comportements anticoncurrentiels ne dessaisit pas de manière permanente et définitive les autorités de concurrence des États membres de leur compétence pour appliquer l’article 101 TFUE aux comportements concernés, la compétence desdites autorités étant en effet restaurée dès que la procédure engagée par la Commission s’achève, y compris par le biais d’une décision prise sur le fondement de l’article 7 du règlement no 1/2003 (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2012, Toshiba Corporation e.a., C 17/10, EU:C:2012:72, points 79, 80, 86 et 87). C’est dans ce contexte qu’il convient d’apprécier la portée à donner au silence de la Commission quant à certains comportements, dans le cadre d’une décision prise sur le fondement de l’article 7 du règlement no 1/2003. Or, interpréter ce silence comme un constat implicite d’absence de violation des règles de concurrence aboutirait à ce que les autorités de concurrence des États membres ne puissent jamais recouvrer leur compétence pour appliquer l’article 101 TFUE relativement à des comportements à l’égard desquels la Commission a ouvert une procédure puis clôturé celle-ci par l’adoption d’une décision prise sur le fondement de l’article 7 du règlement no 1/2003, au motif que le principe ne bis in idem serait violé. Une telle interprétation irait à l’encontre de la jurisprudence rappelée au présent point.
539 Quatrièmement, il y a lieu de souligner que la Cour s’est penchée sur la portée des décisions prises par les autorités de concurrence des États membres sur le fondement de l’article 5, second alinéa, du règlement no 1/2003, par lesquelles elles considèrent, sur la base des informations dont elles disposent, que les conditions d’une interdiction ne sont pas réunies. Il ressort ainsi des points 22 à 28 de l’arrêt du 3 mai 2011, Tele2 Polska (C 375/09, EU:C:2011:270), que de telles décisions n’emportent pas de déclaration de non-responsabilité susceptible d’empêcher un constat ultérieur d’infraction. Autrement dit, le comportement anticoncurrentiel d’une entreprise visé par une décision de ce type est susceptible de faire l’objet, ultérieurement, de poursuites et le cas échéant, d’une condamnation, sans qu’il y ait lieu de considérer que ces dernières violent le principe ne bis in idem [voir, en ce sens, arrêts du 3 mai 2011, Tele2 Polska, C 375/09, EU:C:2011:270, points 22 à 28 ; du 25 novembre 2014, Orange/Commission, T 402/13, EU:T:2014:991, points 28 à 31 ; voir également, en ce sens, conclusions de l’avocat général Mazák dans l’affaire Tele2 Polska, C 375/09, EU:C:2010:743, point 30].
540 À cet égard, il importe de relever qu’une décision de non-lieu à intervenir prise sur le fondement de l’article 5, second alinéa, du règlement no 1/2003 peut être adoptée après l’examen sur le fond d’un comportement et l’envoi d’un acte d’accusation, sur le modèle de la communication des griefs adressée par la Commission en application de l’article 10 du règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission, en application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18).
541 Ainsi, ni l’état d’avancement de la procédure, ni l’étendue de l’analyse du bien-fondé des accusations réalisée dans ce cadre par l’autorité de concurrence compétente ne sont de nature à modifier la portée de son silence dans la décision finale quant à tout ou partie de la responsabilité de l’entreprise mise en cause.
542 Ces considérations, bien qu’elles s’inscrivent dans le cadre de l’interprétation des dispositions de l’article 5, second alinéa, du règlement no 1/2003, renseignent utilement sur la portée des décisions prises par la Commission sur le fondement de l’article 7 du règlement no 1/2003, du point de vue de l’application du principe ne bis in idem. En effet, le contexte propre à ces deux articles peut être rapproché, dans la mesure où ils doivent, l’un et l’autre, être appréciés, notamment, à l’aune des pouvoirs spécifiquement dévolus à la Commission au titre de l’article 10 de ce règlement. En outre, un texte du droit dérivé de l’Union devant être interprété, dans la mesure du possible, dans le sens de sa conformité avec les dispositions des traités et les principes généraux du droit de l’Union, la portée donnée par la Cour, dans son arrêt du 3 mai 2011, Tele2 Polska (C 375/09, EU:C:2011:270), à la faculté de décider qu’il n’y a pas lieu à intervenir se comprend comme impliquant la conformité de cette faculté, ainsi entendue, avec le principe ne bis in idem.
543 Dès lors, à supposer même qu’une décision prise par la Commission sur le fondement de l’article 7 du règlement no 1/2003 soit constitutive, s’agissant des comportements pour lesquels les conditions d’une interdiction n’ont pas été déclarées réunies, d’une décision de non-lieu à intervenir, elle ne saurait emporter de déclaration de non-responsabilité.
544 En l’espèce, il convient de constater que la décision du 9 novembre 2010 est une décision de constatation d’infraction prise sur le fondement de l’article 7 du règlement no 1/2003. En revanche, il ne ressort pas de ladite décision, et il n’est d’ailleurs pas soutenu devant le Tribunal, que la Commission aurait également entendu faire application, dans le cadre de cette décision, de l’article 10 du règlement no 1/2003.
545 Il s’ensuit que la décision du 9 novembre 2010, qui n’a pas été adoptée sur le fondement de l’article 10 du règlement no 1/2003 aux fins de constater l’absence de violation par les requérantes de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse, et qui ne contient pas, dans son dispositif, de déclaration en ce sens, ne saurait constituer une déclaration de non-responsabilité des requérantes à cet égard.
546 Enfin, dans la mesure où les requérantes font valoir que les principes découlant de l’arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C 238/99 P, C 244/99 P, C 245/99 P, C 247/99 P, C 250/99 P à C 252/99 P et C 254/99 P, EU:C:2002:582), ne doivent pas conduire à écarter l’application du principe ne bis in idem, il y a lieu de constater que cet argument repose sur la prémisse selon laquelle les conditions d’application dudit principe étaient réunies. Or, ainsi qu’il ressort du point 545 ci-dessus, les requérantes n’ont pas été déclarées non responsables des comportements en cause par une décision antérieure, de sorte que le principe ne bis in idem ne trouve pas, en l’espèce, à s’appliquer. La prémisse sur laquelle repose le présent argument fait, partant, défaut.
547 À supposer que les requérantes aient entendu en outre, par référence à cette jurisprudence, faire valoir que l’arrêt du 16 décembre 2015, Singapore Airlines et Singapore Airlines Cargo Pte/Commission (T 43/11, non publié, EU:T:2015:989), valait « acquittement » dans la mesure où l’annulation prononcée par le Tribunal ne l’aurait pas été au regard d’un défaut purement formel, il suffit de relever que ce dernier a estimé que la décision du 9 novembre 2010 était entachée d’un vice de motivation justifiant son annulation (voir point 16 ci-dessus), de sorte que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, cette décision a bien été annulée pour des motifs de forme sans qu’il ait été statué au fond sur les faits reprochés.
548 À cet égard, il importe de souligner également que, par cet arrêt, le Tribunal a annulé la décision du 9 novembre 2010 au motif, notamment, que celle-ci comportait des contradictions s’agissant de l’étendue de la responsabilité des requérantes quant aux liaisons intra-Union et Union-Suisse.
549 Il y a lieu, au regard de ce qui précède, de rejeter la présente branche, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le caractère définitif de la prétendue déclaration de non-responsabilité ou sur l’existence d’une seconde procédure concernant les mêmes faits qui découlerait de l’adoption de la décision attaquée suite à l’annulation, par le Tribunal, de la décision du 9 novembre 2010.
c) Sur la troisième branche, prise d’une erreur en ce que la Commission aurait retenu la participation des requérantes à l’infraction unique et continue sur les liaisons intra-Union avant le 1er mai 2004 et sur les liaisons Union-Suisse sans établir qu’elles étaient des concurrentes potentielles sur ces liaisons
550 Les requérantes font valoir que, compte tenu des règles de compétence et de fond régissant l’application de l’article 101 TFUE au secteur du transport aérien à la date des faits, la Commission ne saurait leur opposer des comportements antérieurs au 1er mai 2004 pour leur imputer la responsabilité d’une infraction en rapport avec les liaisons intra-Union dès lors qu’elles n’auraient jamais fourni de services de fret sur ces liaisons et que la Commission, dans le cadre d’une approche erronée en droit ainsi qu’il ressortirait du premier moyen, n’aurait pas établi par ailleurs qu’elles étaient des concurrentes potentielles des transporteurs actifs sur ces liaisons. Ces conclusions vaudraient également pour les éléments relatifs aux échanges intervenus au sein de l’ACCS, concernant les liaisons Union-Suisse.
551 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
552 Afin de répondre au présent moyen, il y a lieu, dans un premier temps, de rappeler les principes applicables (voir points 553 à 567 ci-après), dans un deuxième temps, d’identifier les motifs pour lesquels la Commission a imputé aux requérantes la responsabilité de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concerne les liaisons intra-Union et Union-Suisse (voir points 568 à 572 ci-après) et, dans un troisième temps, d’examiner leur bien-fondé (voir points 573 à 578 ci-après).
1) Sur les principes applicables
553 Il convient de rappeler que, comme il ressort du point 115 ci-dessus, l’article 101, paragraphe 1, TFUE interdit tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur.
554 Ainsi, pour tomber sous l’interdiction de principe prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, un comportement d’entreprises doit non seulement révéler l’existence d’une collusion entre elles, à savoir un accord entre entreprises, une décision d’association d’entreprises ou une pratique concertée, mais cette collusion doit également affecter défavorablement et de manière sensible le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2012, Expedia, C 226/11, EU:C:2012:795, points 16 et 17).
555 S’agissant d’accords ou de pratiques concertées entre des entreprises opérant à un même niveau de la chaîne de production ou de distribution, il est donc nécessaire qu’une telle collusion intervienne entre des entreprises se trouvant en situation de concurrence si ce n’est actuelle du moins potentielle.
556 Il convient, cependant, de rappeler que, comme l’a jugé la Cour au point 34 de l’arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission (C 194/14 P, EU:C:2015:717), l’article 101, paragraphe 1, TFUE ne concerne pas uniquement les entreprises actives sur le marché concerné par les restrictions de la concurrence. Sa portée ne se limite pas davantage aux entreprises actives sur des marchés situés en amont, en aval ou voisins de ce marché ou à celles qui limitent leur autonomie de comportement sur un marché donné en vertu d’un accord ou d’une pratique concertée.
557 Le texte de l’article 101, paragraphe 1, TFUE se réfère, en effet, de façon générale à tous les accords et les pratiques concertées qui, dans des rapports soit horizontaux, soit verticaux, faussent la concurrence dans le marché intérieur, indépendamment du marché sur lequel les parties sont actives, tout comme du fait que seul le comportement commercial de l’une d’entre elles soit concerné par les termes des arrangements en cause (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C 194/14 P, EU:C:2015:717, point 35).
558 Il en résulte qu’une entreprise est susceptible de commettre une violation de l’interdiction de principe prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE lorsque son comportement, tel que coordonné avec celui d’autres entreprises, a pour objet de restreindre la concurrence sur un marché sur lequel elle n’est ni un concurrent réel ni un concurrent potentiel.
559 Ces considérations s’appliquent, mutatis mutandis, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8, paragraphe 1, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.
560 Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne saurait être déduit de l’arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission (C 194/14 P, EU:C:2015:717), que la portée de cet arrêt est limitée aux hypothèses dans lesquelles l’entreprise concernée a joué un rôle de « facilitateur » de l’entente en cause. Dans cet arrêt, la Cour s’est, en effet, gardée d’ériger le caractère facilitateur du rôle de l’entreprise concernée au rang de condition d’engagement de sa responsabilité. Elle s’est contentée, aux points 37 à 39 dudit arrêt, de reprendre à son compte un constat factuel que le Tribunal avait opéré en première instance pour répondre à l’argument selon lequel les interventions de la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu au même arrêt constituaient de simples services périphériques, sans relation avec les obligations contractées par les producteurs et les restrictions de concurrence en découlant.
561 Le raisonnement de la Cour se fondait notamment sur la jurisprudence relative à la notion d’infraction unique et continue (arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission, C 194/14 P, EU:C:2015:717, point 30). Selon cette jurisprudence, une violation de l’interdiction de principe prévue à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, à l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE et à l’article 8, paragraphe 1, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu, quand bien même un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une infraction à ces dispositions. Ainsi, lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un « plan d’ensemble », en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, du territoire de l’EEE ou du territoire couvert par l’accord CE-Suisse sur le transport aérien, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir point 312 ci-dessus).
562 Une entreprise ayant participé à une telle infraction unique et complexe par des comportements qui lui étaient propres, qui relevaient des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE ou de l’article 8, paragraphe 1, de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien et qui visaient à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut ainsi être également responsable des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction. Tel est le cas lorsqu’il est établi que ladite entreprise entendait contribuer par son propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des participants et qu’elle avait connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par d’autres entreprises dans la poursuite des mêmes objectifs, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C 441/11 P, EU:C:2012:778, point 42 et jurisprudence citée).
563 Ainsi, une entreprise peut avoir directement participé à l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, auquel cas la Commission est en droit de lui imputer la responsabilité de l’ensemble de ces comportements et, partant, de ladite infraction dans son ensemble. Une entreprise peut également n’avoir directement participé qu’à une partie des comportements anticoncurrentiels composant l’infraction unique et continue, mais avoir eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente dans la poursuite des mêmes objectifs, ou avoir pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque. Dans un tel cas, la Commission est également en droit d’imputer à cette entreprise la responsabilité de l’ensemble des comportements anticoncurrentiels composant une telle infraction et, par suite, de celle-ci dans son ensemble (arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C 441/11 P, EU:C:2012:778, point 43).
564 Il en ressort que trois conditions doivent être réunies afin d’établir la participation à une infraction unique et continue, à savoir l’existence d’un plan global poursuivant un objectif commun, la contribution intentionnelle de l’entreprise concernée à ce plan et le fait qu’elle avait connaissance (prouvée ou présumée) des comportements infractionnels des autres participants auxquels elle n’a pas directement participé (arrêt du 16 juin 2011, Putters International/Commission, T 211/08, EU:T:2011:289, point 35 ; voir, également, arrêt du 13 juillet 2018, Stührk Delikatessen Import/Commission, T 58/14, non publié, EU:T:2018:474, point 118 et jurisprudence citée).
565 Même la contribution subordonnée, accessoire ou passive d’une entreprise à la mise en œuvre d’une entente suffit pour lui en imputer la responsabilité de comportements anticoncurrentiels mis en œuvre ou envisagés par d’autres entreprises dans la poursuite d’un même objectif anticoncurrentiel et dont elle a une connaissance réelle ou présumée (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2008, AC-Treuhand/Commission, T 99/04, EU:T:2008:256, points 133 et 134, et du 8 septembre 2010, Deltafina/Commission, T 29/05, EU:T:2010:355, points 55 et 56).
566 L’existence d’un rapport de concurrence entre les entreprises concernées n’est, en revanche, pas une condition de qualification d’agissements anticoncurrentiels en tant qu’infraction unique et continue ni d’imputation de cette responsabilité. L’interprétation contraire priverait la notion d’« infraction unique et continue » d’une partie de son sens, puisqu’elle disculperait ces entreprises de toute responsabilité indirecte en raison des agissements des entreprises non concurrentes qui, toutefois, contribueraient par leur comportement à l’accomplissement du plan d’ensemble qui est spécifique à l’infraction unique et continue (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Duravit e.a./Commission, C 609/13 P, EU:C:2017:46, points 124, 137 et 138).
567 Il en résulte que la Commission était en l’espèce habilitée à tenir les requérantes pour responsables de composantes de l’infraction unique et continue, dont l’objet était de restreindre la concurrence sur des liaisons qu’elles ne pouvaient desservir, pourvu qu’il soit démontré qu’elles entendaient contribuer par leur propre comportement aux objectifs communs poursuivis par l’ensemble des transporteurs incriminés et qu’elles avaient connaissance des comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par ceux-ci dans la poursuite des mêmes objectifs et auxquels elles n’ont pas directement participé, ou qu’elles avaient pu raisonnablement les prévoir et étaient prêtes à en accepter le risque.
2) Sur les motifs pour lesquels la Commission a imputé aux requérantes la responsabilité de l’infraction unique et continue en tant qu’elle porte sur les liaisons intra-Union et Union-Suisse
568 Aux considérants 862 à 868 de la décision attaquée, la Commission a exposé la jurisprudence relative à la notion d’infraction unique et continue. En particulier, aux considérants 865 à 868 de cette décision, elle a rappelé qu’une entreprise pouvait, sous certaines conditions, être tenue pour responsable d’une infraction unique et continue dans son ensemble quand bien même elle n’aurait pas participé directement à « tous [s]es éléments constitutifs ». Au considérant 895 de ladite décision, la Commission a réitéré ce principe en réponse à un argument de British Airways et d’Air Canada, qui soutenaient ne pas avoir été au courant de l’existence d’une « conspiration plus large ».
569 Aux considérants 869 à 902 et à l’article 1er de la décision attaquée, la Commission a conclu à l’existence d’une infraction unique et continue, englobant la totalité des contacts litigieux, qu’ils aient ou non eu lieu à l’intérieur de l’EEE, et des liaisons concernées, qu’elles soient entrantes, sortantes ou internes à l’EEE. Elle a notamment retenu, au considérant 879 de cette décision, que les contacts litigieux visaient à « la réalisation de l’objectif unique poursuivi par les responsables, dans le cadre d’un plan global ».
570 Au considérant 878 de la décision attaquée, la Commission a observé que tous les transporteurs incriminés avaient « été impliqués dans des communications et la concertation au sujet de la STC et [que] plusieurs d’entre eux l’[avaie]nt été en ce qui concerne la STS et le [refus de] paiement de commissions ». Au considérant 881 de cette décision, elle a ajouté que « la majorité des parties », dont les requérantes, était impliquée dans les trois composantes de l’infraction unique et continue (voir, également, considérant 803). Il ressort des considérants 882 et 883 de ladite décision que la Commission a ainsi entendu retenir que les requérantes avaient directement participé à chacune de ces composantes et non qu’elles n’avaient directement participé qu’à certaines d’entre elles, mais avaient eu connaissance de l’ensemble des autres comportements infractionnels envisagés ou mis en œuvre par les autres transporteurs incriminés dans la poursuite de l’objectif anticoncurrentiel unique, ou pu raisonnablement les prévoir et avoir été prête à en accepter le risque.
571 Il ressort, cependant, des réponses de la Commission aux arguments d’Air Canada et de British Airways aux considérants 894 à 897 de la décision attaquée que ce n’est pas pour autant qu’elle a considéré que les requérantes avaient directement participé à l’ensemble des activités anticoncurrentielles qui relevaient de ces composantes.
572 C’est donc au motif que les requérantes entendaient, indépendamment de leur qualité de concurrentes potentielles sur les liaisons intra-EEE et Union-Suisse, contribuer au plan global poursuivant l’objectif anticoncurrentiel commun décrit aux considérants 872 à 876 de la décision attaquée et avaient la connaissance (prouvée ou présumée) des comportements infractionnels des autres transporteurs incriminés auxquels elles n’ont pas directement participé que la Commission leur a imputé la responsabilité de l’infraction unique et continue, y compris en tant qu’elle concernait les liaisons intra-Union et Union-Suisse.
3) Sur le bien-fondé des motifs pour lesquels la Commission a imputé aux requérantes la responsabilité de l’infraction unique et continue en tant qu’elle concerne les liaisons intra-Union et Union-Suisse
573 Aux considérants 803 et 806 de la décision attaquée, la Commission a décrit les contacts que les requérantes avaient entretenus avec des concurrents tout au long de la période pendant laquelle elles ont participé à l’infraction unique et continue « concernant la mise en œuvre de la STC, la STS et le paiement de commissions sur les surtaxes dans le secteur du fret ». Or, il ressort de ces considérants que les requérantes ont participé à la concertation relative aux liaisons intra-Union et Union-Suisse. Il convient, ainsi, de constater que plusieurs contacts relatifs à la STC auxquels les requérantes ont pris part concernaient, à tout le moins en partie, de telles liaisons.
574 Il convient de mentionner parmi les éléments relevés dans ladite décision, plusieurs échanges de courriels au sein de l’ACCS (considérants 163, 182, 255, 327, 364, 365, 366, 367, 388, 390, 426, 427, 428, 429, 440, 443, 460, 461, 462, 463, 499, 501, 502, 534, 535, 536, 537, 561, 562, 563, 573 et 574 de la décision attaquée), plusieurs courriels par lesquels Lufthansa a transmis aux requérantes et à d’autres transporteurs une annonce de modification du montant de la STC (considérants 274, 279, 346, 411, 446, 450, 482 et 495 de la décision attaquée), un courriel interne de CPA concernant l’augmentation de la STC au départ de la Belgique (considérant 414 de la décision attaquée) et un courriel qu’Aviainform a transmis aux requérantes et à plusieurs autres transporteurs le 22 juillet 2005 (considérant 492 de la décision attaquée).
575 Pour qui est des activités anticoncurrentielles relatives aux liaisons intra-Union et Union-Suisse auxquelles les requérantes n’ont pas directement participé, il suffit d’observer qu’elles ne contestent pas, dans le cadre de la présente branche, qu’elles en avaient la connaissance requise.
576 Pour autant que les requérantes contestent avoir pu sciemment contribuer à la mise en œuvre d’une coordination anticoncurrentielle sur les liaisons intra-Union et Union-Suisse, il convient de constater que, comme il ressort des considérants 872 à 876 de la décision attaquée, l’infraction unique et continue poursuivait l’objectif anticoncurrentiel unique de restreindre la concurrence entre transporteurs incriminés sur les surtaxes au moins au sein de l’Union, de l’EEE et en Suisse. Le Tribunal a rejeté, dans le cadre de la quatrième branche du premier moyen, le grief des requérantes dirigé contre un tel constat.
577 Or, il ressort de la décision attaquée que les requérantes ont entendu contribuer à la réalisation de cet objectif par leur propre comportement. En effet, les requérantes ont non seulement encouragé la continuation de l’infraction unique et continue et compromis sa découverte en s’abstenant de se distancier publiquement du contenu des contacts relatifs aux liaisons intra-Union et Union-Suisse auxquels elles ont pris part ou de les dénoncer aux entités administratives compétentes, mais ont également, en coordonnant les surtaxes et le refus de paiement de commissions sur les liaisons EEE-pays tiers, contribué à assurer que les transitaires ne puissent contourner le paiement de surtaxes sur des liaisons intra-Union et Union-Suisse en empruntant des itinéraires alternatifs notamment via Singapour et, par suite, à la réalisation de l’objectif anticoncurrentiel commun identifié aux considérants 872 à 876 de la décision attaquée (voir point 169 ci-dessus).
578 Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a tenu les requérantes pour responsables de l’infraction unique et continue en tant qu’elle portait sur les liaisons intra-Union et Union-Suisse, indépendamment de leur éventuelle qualité de concurrentes potentielles sur ces liaisons. La présente branche doit donc être rejetée.
d) Sur la quatrième branche, prise d’erreurs d’appréciation quant au caractère incriminant de certains contacts qui sont opposés aux requérantes
579 Les requérantes estiment que, une fois exclues les catégories de preuves visées par les autres branches du présent moyen, les éléments restants ne suffisent pas à établir leur participation à l’infraction unique et continue, soit que les contacts visés ne portent pas sur des informations confidentielles, soit encore qu’ils procèdent d’une mise en œuvre légitime d’accords spéciaux de quotes-parts ou de réservation de capacités conclus avec Lufthansa, soit enfin qu’il ne puisse être présumé qu’ils aient eu une quelconque influence sur le comportement concurrentiel des parties à l’échange.
580 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
581 À titre liminaire, il convient de relever qu’aucune des catégories de preuves visées par les autres branches du présent moyen n’a été exclue du faisceau d’indices opposé aux requérantes.
582 Dans le cadre de la présente branche, les requérantes contestent la valeur probante des contacts visés, premièrement, au considérant 492 de la décision attaquée, deuxièmement, aux considérants 411, 446, 450, 482 et 495 de ladite décision, troisièmement, aux considérants 360 et 361 de ladite décision et, quatrièmement, au considérant 414 de ladite décision.
583 En premier lieu, s’agissant de l’échange de courriels visé au considérant 492 de la décision attaquée, les requérantes font valoir qu’elles n’en étaient que les destinataires passifs et que cet échange ne portait pas sur des « informations confidentielles concernant les projets tarifaires futurs ».
584 Quant au premier argument, il suffit de rappeler qu’un mode passif de participation à une infraction est de nature à engager la responsabilité de l’entreprise qui y prend part (voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C 204/00 P, C 205/00 P, C 211/00 P, C 213/00 P, C 217/00 P et C 219/00 P, EU:C:2004:6, points 82 et 84, et du 21 janvier 2016, Eturas e.a., C 74/14, EU:C:2016:42, points 46 à 49).
585 Quant au second argument, il ressort du considérant 492 de la décision attaquée que le directeur d’Aviainform a envoyé à plusieurs transporteurs, dont les requérantes, la publicité d’une petite compagnie aérienne ne facturant pas la STC, ce qui a déclenché une chaîne de courriels dans laquelle des transporteurs dénonçaient cette utilisation du site Internet inforwarding.com, sur lequel était paru la publicité en cause, comme un abus, l’un des transporteurs déclarant qu’il avait pris contact avec la petite compagnie aérienne, laquelle lui aurait dit que « cela ne le regardait pas ». Il s’ensuit que les contacts visés dans ce considérant étaient pertinents aux fins d’établir le comportement coordonné des parties à l’entente litigieuse en matière de STC.
586 Dans la mesure où les requérantes, au stade de la réplique, font valoir que la Commission s’est méprise sur le sens de l’« abus » dénoncés par les transporteurs, terme qui mettrait uniquement en cause le site inforwarding.com et non la politique tarifaire de cette petite compagnie aérienne, il y a lieu de constater que cette lecture est contredite, d’une part, par l’initiative prise par l’un des transporteurs de contacter directement la compagnie aérienne en cause, ainsi qu’il ressort de la fin du considérant 492. D’autre part, s’oppose également à cette lecture le contenu des échanges en cause, produits en annexe B.7 au mémoire en défense, dont il ressort ce qui suit : « si cet outil est utilisé pour faire de la publicité affectant de manière déraisonnable les prix, cela crée plus de mal que de bénéfice ».
587 En deuxième lieu, s’agissant des considérants 411, 446, 450, 482 et 495 de la décision attaquée, les requérantes font valoir, à l’égard du premier d’entre eux, qu’il concerne une communication de Lufthansa à treize transporteurs, dont sept ne sont pas destinataires de la décision attaquée, et qu’il a peut-être eu pour origine une réunion décrite au considérant 425 de la décision attaquée à laquelle elles n’ont pas participé. À l’égard des autres considérants, les requérantes estiment que les courriels émis par Lufthansa qui y sont décrits, dans la mesure où ils débutent par la mention « chers partenaires », s’inscrivent dans l’objectif légitime consistant, pour Lufthansa, à informer ses partenaires dans le cadre d’arrangements sur l’utilisation de ses capacités, des modifications de surtaxes qu’ils pourraient être tenues de facturer lorsqu’ils revendent de « l’espace » sur les avions exploités par Lufthansa.
588 Quant au premier contact, visé au considérant 411 de la décision attaquée, les requérantes restent en défaut d’expliquer en quoi les éléments qu’elles avancent sont de nature à remettre en cause sa valeur probante.
589 En tout état de cause, quant à la circonstance que le contact en cause ait impliqué d’autres transporteurs, dont la responsabilité pour l’infraction unique et continue n’a pas été retenue, il convient de rappeler que, comme il ressort du considérant 845 de la décision attaquée, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement fonder la ferme conviction que chaque élément de l’infraction a été commis. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement et dont les différents éléments peuvent se renforcer mutuellement, réponde à cette exigence (voir arrêt du 16 novembre 2011, Sachsa Verpackung/Commission, T 79/06, non publié, EU:T:2011:674, point 60 et jurisprudence citée).
590 C’est donc à bon droit que, au considérant 716 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle « n’accord[ait] pas forcément la même valeur à chaque considérant […] ni à chaque élément de preuve individuel qu’il contient » et que « [l]es considérants auxquels il [était] fait référence [faisaient] plutôt partie de 1’ensemble global de preuves sur lequel [elle] se fond[ait] et d[evai]ent être appréciés dans ce contexte ».
591 Or, il n’est pas démontré que la Commission disposait à l’encontre des transporteurs en cause dans les contacts en cause un faisceau d’indices équivalent à celui dont elle disposait à l’encontre des requérantes.
592 Au stade de la réplique, les requérantes ajoutent néanmoins que le contact visé au considérant 411 de la décision attaquée est, en substance, dénuée de valeur probante au motif qu’il porte sur des informations accessibles au public. À cet égard, il convient de rappeler que l’échange d’informations publiquement accessibles enfreint l’article 101, paragraphe 1, TFUE lorsqu’il constitue le support d’un autre mécanisme anticoncurrentiel (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C 204/00 P, C 205/00 P, C 211/00 P, C 213/00 P, C 217/00 P et C 219/00 P, EU:C:2004:6, point 281).
593 Or, il ressort des considérants 118, 121, 125, 706 et 848 de la décision attaquée que les courriels, tels que celui en cause, par lequel Lufthansa annonçait à plusieurs autres transporteurs l’augmentation de sa STC, servaient de support à un tel mécanisme.
594 Quant aux autres contacts visés aux considérants 446, 450, 482 et 495 de la décision attaquée, appréciés de manière isolée, ils pourraient, en effet, porter à croire que Lufthansa se contentait d’informer de manière non sollicitée et non réciproque certains de ses partenaires commerciaux des modifications à venir de sa STC. Les requérantes n’ont, certes, pas établi que l’ensemble des destinataires de ces courriels étaient parties à des accords commerciaux avec Lufthansa. Il est néanmoins constant qu’elles-mêmes et plusieurs autres l’étaient.
595 Toutefois, il convient d’observer que, dans le cadre de ces courriels, Lufthansa ne s’est pas contentée de faire part d’informations publiquement accessibles, mais a, au contraire, envoyé des courriels collectifs, révélant ainsi à tous les destinataires l’identité de transporteurs concernés (voir considérant 797 de la décision attaquée). Au demeurant, le fait que ces contacts servaient, à tout le moins en partie, de support à l’entente litigieuse, conformément à ce qui est indiqué aux considérants 118, 121, 125, 706 et 848 de la décision attaquée, est confirmé par le considérant 482 de la décision attaquée, dans lequel la Commission a cité la réponse d’un transporteur à une communication de Lufthansa du même type que celles citées aux considérants 446, 450 et 495. Dans cette réponse, ledit transporteur informe Lufthansa de ce qui suit : « nous avons donné instruction à nos bureaux d’appliquer l’augmentation en conséquence ». Or, il ne ressort pas des éléments au dossier que cette réponse s’inscrirait dans le cadre de la mise en œuvre d’un accord commercial conclu entre ledit transporteur et Lufthansa. En outre, il ressort de l’examen de la chronologie des contacts relatifs à la STC que ces courriels collectifs émis par Lufthansa déclenchaient des actions en cascade chez les autres transporteurs au sujet de leurs propres STC. Ainsi, la communication de Lufthansa en date du 22 août 2005 (considérant 495) a donné lieu, le jour même ou le jour d’après, à des échanges internes à SAS (considérant 496), Japan Airlines (considérant 497) et un autre transporteur (considérant 498) sur la question de l’augmentation de la STC.
596 En troisième lieu, s’agissant des considérants 360 et 361 de la décision attaquée, qui font état d’un échange entre Martinair et les requérantes au sujet de l’intention de ces dernières d’augmenter leur STC, celles-ci font valoir que, d’une part, elles auraient fourni à cette occasion à Martinair des informations erronées sur leurs intentions et, d’autre part, il serait clair que la question cruciale pour Martinair était plutôt de savoir ce que feraient KLM et AF, qui étaient importantes sur son marché national.
597 Quant à leur premier argument, il suffit de constater que les requérantes, en acceptant d’entretenir directement des contacts avec un autre transporteur au sujet de leur intention en matière d’augmentation de la STC, ont conforté la coordination à l’œuvre.
598 Quant à leur second argument, celles-ci restent en défaut d’expliquer en quoi cette circonstance, à la supposer avérée, aurait une quelconque incidence sur la valeur probante des contacts qui leur sont opposés aux considérants 360 et 361 de la décision attaquée.
599 En quatrième lieu, s’agissant du considérant 414 de la décision attaquée (voir point 385 ci-dessus), les requérantes contestent la valeur probante du courriel interne de CPA du 24 septembre 2004 qui y est décrit et qui déclare ce qui suit : « à [Bruxelles], nous démarrons [l’augmentation de la STC] à partir du 1er octobre en même temps que [quatre autres transporteurs]. [Les requérantes ont] affirmé initialement qu’elle[s] le ferai[ent] aussi mais par la suite, [leur] administration centrale [leur] a rappelé qu’elle[s] devai[en]t opter pour la date du 4 octobre ». Elles s’appuient sur la circonstance que l’information était déjà publique, dans la mesure où l’annonce de l’augmentation de leur STC aurait été faite le 21 septembre 2004, et que l’information rapportée par l’employé de CPA était erronée, l’annonce publique du 21 septembre 2004 indiquant une augmentation au 1er octobre suivant.
600 À cet égard, il y a lieu de constater que, indépendamment du caractère public ou non de l’augmentation de la STC des requérantes à la date d’envoi du courriel interne de CPA, celui-ci fait état d’échanges entre ce dernier et les requérantes au sujet de leur calendrier d’augmentation de la STC. Or, ainsi qu’il est rappelé au point 593 ci-dessus, les échanges de ce type, y compris lorsqu’ils portaient sur des informations publiques, servaient de support à l’entente litigieuse. En outre, si tant est que l’information obtenue par CPA était erronée, il n’en demeure pas moins que les requérantes n’offrent pas d’explication alternative à la finalité de ce contact, dont la réalité n’a pas été utilement mise en doute. La Commission était dès lors fondée à opposer ce contact aux requérantes et à constater en outre, au considérant 855, en réponse à l’argumentation de ces dernières, qu’il « montr[ait] que [les requérantes ont] participé à la coordination illicite de la majoration de la STC ».
601 Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la présente branche et, partant, le présent moyen dans son ensemble.
7. Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs de droit, d’appréciation et de fait dans l’imputation de la responsabilité de l’infraction aux requérantes
602 Les requérantes soutiennent que la Commission a commis une erreur de droit et de fait en leur imputant la responsabilité de l’infraction unique et continue. Selon les requérantes, la Commission n’a pas apprécié correctement la portée réelle de leur participation à l’infraction unique et continue et n’a pas démontré qu’elles avaient ou auraient dû avoir connaissance des aspects de cette dernière auxquels elles n’ont pas participé. Elles invoquent, en substance, deux griefs à l’appui de cette thèse.
603 En premier lieu, les requérantes soutiennent que, à supposer que les éléments au dossier administratif établissent l’existence d’une infraction concernant les liaisons intra-EEE et Union-Suisse et leur participation à celle-ci, elles n’ont néanmoins pris qu’une part limitée aux aspects de cette infraction concernant les liaisons EEE-pays tiers après le 1er mai 2004.
604 En effet, premièrement, leur participation à la composante de l’infraction unique et continue concernant le refus de paiement de commissions ne serait décrite que sur la base de contacts limités à quatre marchés nationaux distincts (Hong Kong, Allemagne, Suisse, Italie), auxquels leur participation devrait dès lors être circonscrite, sous réserve de la preuve de leur connaissance (réelle ou présumée) d’autres comportements.
605 Deuxièmement, leur participation à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STS ne serait décrite que sur la base de contacts limités à trois marchés nationaux distincts (Hong Kong, États-Unis et Danemark), auxquels leur participation devrait dès lors être circonscrite, sous réserve de la preuve de leur connaissance (réelle ou présumée) d’autres comportements.
606 Troisièmement, leur participation à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC serait décrite sur la base de contacts entre elles et leurs concurrents qui seraient limités à certains marchés nationaux distincts, à savoir la Belgique, Hong Kong, l’Inde, les Pays-Bas, Singapour, la Suisse et la Thaïlande, et ne serait donc pas susceptible de prouver leur participation à la totalité de cette composante. La décision attaquée s’appuierait aussi sur les contacts entre les requérantes et leurs partenaires de l’alliance WOW, qui porteraient spécifiquement sur le niveau de la STC « en Scandinavie » et en Italie. La participation des requérantes à une infraction impliquant toutes les liaisons qu’elles desservaient à destination ou en provenance de l’EEE dépendrait donc de la question de savoir si les contacts entre elles et leurs partenaires de la WOW décrits dans les autres considérants impliquent une coordination des prix sur tous les services liés à l’EEE. Or, la portée de la coordination de la STC entre Lufthansa et les requérantes aurait été limitée par la politique plus générale des requérantes en la matière, consistant, en substance, à suivre localement les pratiques du transporteur dominant. Les niveaux et les ajustements de STC entre Lufthansa et les requérantes auraient ainsi pu présenter des écarts, comme en attesteraient les évolutions constatées dans plusieurs pays, et en particulier en Italie. Les échanges relatifs à l’Italie montreraient, plus largement, qu’il n’existait pas d’accord prévoyant un alignement ou une coordination des STC entre Lufthansa et les requérantes.
607 En second lieu, les requérantes relèvent que les arrangements conclus au sein du « groupe central » de transporteurs de l’Union représentent un aspect distinct de l’infraction unique et continue, auquel elles n’auraient manifestement pas participé. Or les éléments sur lesquels s’appuierait la Commission dans la décision attaquée pour imputer aux requérantes la responsabilité de ces arrangements, au motif qu’ils attesteraient de leur connaissance (réelle ou présumée) de ceux-ci, seraient insuffisants, dans la mesure où ils n’auraient trait qu’à des contacts entre responsables locaux concernant leurs propres marchés, sans rapport avec les contacts du « groupe central », entre les cadres des sièges des principaux opérateurs de fret en Europe au cours desquels sont discutées des questions de tarification couvrant plusieurs marchés. Or, ces contacts, énumérés au considérant 965 de la décision attaquée, ne permettraient pas de comprendre la portée générale de l’entente litigieuse ni ses caractéristiques essentielles décrites aux considérants 124 à 128, 874 et 875 de la décision attaquée. Il en serait ainsi de l’ampleur mondiale de cette entente, de l’application intégrale des augmentations découlant des indices de carburant, de l’adoption de mesures identiques par les concurrents ou encore de l’utilisation d’« appels pour se rassurer ».
608 Les requérantes concluent de ce qui précède que la décision attaquée doit être annulée dans son intégralité. En effet, les comportements pour lesquels elles estiment avoir, dans le cadre du présent moyen, prouvé qu’elles ne pouvaient être tenues pour responsables ne seraient pas qualifiés d’infractions distinctes dans la décision attaquée.
609 La Commission conteste l’argumentation des requérantes.
610 À titre liminaire, il ressort de la jurisprudence citée aux points 563 et 564 ci-dessus que, pour imputer aux requérantes l’infraction unique et continue dans son ensemble, la Commission était tenue d’établir, soit qu’elles avaient participé à l’ensemble des comportements composant cette infraction, soit qu’elles avaient eu connaissance de l’ensemble des comportements infractionnels que les autres participants à l’entente litigieuse ont envisagé ou mis en œuvre dans la poursuite des mêmes objectifs et auxquels elles n’avaient pas directement participé, ou qu’elles avaient pu raisonnablement les prévoir et étaient prêtes à en accepter le risque.
611 Ainsi qu’il ressort du point 570 ci-dessus, il se déduit des considérants 878 et 881 à 883 de la décision attaquée que la Commission a imputé aux requérantes la responsabilité de l’infraction unique et continue au motif qu’elles avaient directement participé à chacune de ses trois composantes.
612 Comme indiqué au point 571 ci-dessus, ce n’est pas pour autant qu’elle a considéré que les requérantes avaient directement participé à l’ensemble des activités anticoncurrentielles qui relevaient desdites composantes. Aux considérants 963 et 964 de la décision attaquée, la Commission a rejeté dans les termes suivants l’argument des requérantes et de SAS selon lequel « les contacts entre les membres de l[’alliance] WOW ne f[aisaie]nt pas partie d’une entente plus large, étant donné qu’elles n’avaient aucune connaissance de la coordination des surtaxes avec d’autres transporteurs » :
« […] de nombreux éléments de preuve démontrent clairement que [les requérantes] et [SAS] avaient connaissance d’une coordination plus large impliquant d’autres transporteurs non-membres de l’alliance WOW. Sur la base des preuves énumérées aux considérants (965) à (967), la Commission considère que [SAS] et [les requérantes] étaient toutes deux au courant de la coordination plus large des surtaxes ou pouvaient raisonnablement la prévoir ou en avoir connaissance et étaient prêtes à en accepter le risque. »
613 Les questions sur lesquelles s’opposent les parties dans le cadre du présent moyen sont celle de la portée de la participation directe des requérantes aux différentes composantes de l’infraction unique et continue et celle de savoir si les différents contacts que la Commission a retenus contre elles étaient de nature à leur donner une connaissance suffisante des concertations auxquelles elles n’ont pas directement participé pour se voir imputer la responsabilité de l’infraction unique et continue dans son ensemble.
614 À cet égard, il convient de rappeler que c’est à la Commission qu’incombe la charge de prouver que l’entreprise concernée a la connaissance requise des comportements anticoncurrentiels envisagés ou mis en œuvre par les autres participants à l’entente globale, mais auxquels elle n’a pas directement participé (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C 441/11 P, EU:C:2012:778, point 67).
615 Pour ce faire, la Commission doit réunir des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour établir que l’entreprise concernée avait une telle connaissance (voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 2002, Sigma Tecnologie/Commission, T 28/99, EU:T:2002:76, point 51).
616 La Commission n’est, cependant, pas tenue de démontrer que l’entreprise concernée avait ou aurait dû avoir connaissance, dans le détail, des concertations intervenues dans le cadre des contacts litigieux auxquels celle-ci n’a pas participé. Elle n’est pas davantage tenue d’établir que ladite entreprise avait ou aurait dû avoir connaissance de l’ensemble de ces contacts (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T 259/02 à T 264/02 et T 271/02, EU:T:2006:396, point 193).
617 L’entreprise concernée doit ainsi simplement connaître la portée générale et les caractéristiques essentielles de l’entente globale (voir arrêt du 10 octobre 2014, Soliver/Commission, T 68/09, EU:T:2014:867, point 64 et jurisprudence citée).
618 Ainsi qu’il ressort des points 394 et 395 ci-dessus, la Commission a décrit la portée générale et les caractéristiques essentielles de l’entente litigieuse au point 4.1 de la décision attaquée. Elle a décrit plus avant les concertations relatives à la STC au point 4.3.2, qu’elle a intitulé « [n]ature des contacts illicites entre concurrents concernant la surtaxe carburant », et a expliqué que les mêmes principes s’appliquaient, mutatis mutandis, aux composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STS et au refus de paiement de commissions.
619 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si le présent moyen est fondé en tant qu’il porte, en premier lieu, sur le caractère mondial des différentes composantes de l’infraction unique et continue et, en second lieu, sur les activités d’un éventuel « groupe central ». Pour les motifs retenus dans le cadre de l’examen des deuxième et troisième branches du quatrième moyen ci-dessus, cet examen doit s’effectuer au regard non seulement des éléments de preuve postérieurs au 1er mai 2004, mais aussi de ceux antérieurs à cette date.
a) Sur le caractère mondial des différentes composantes de l’infraction unique et continue
620 Ainsi qu’il ressort des points 394 et 395 ci-dessus, l’ampleur mondiale de l’entente litigieuse relevait de sa portée générale et de ses caractéristiques essentielles, telles que décrites dans la décision attaquée. Les requérantes contestent avoir eu la connaissance requise de cette ampleur, tant en ce qui concerne la STC qu’en ce qui concerne la STS et le refus de paiement de commissions.
1) Sur la STC
621 Au considérant 804 de la décision attaquée, la Commission a retenu contre les requérantes 83 considérants auxquels sont visés des contacts relatifs à la STC. Or, l’examen de ces contacts révèle que tant la participation directe des requérantes à l’infraction unique et continue que leur connaissance de celle-ci excédait, du point de vue géographique, la Belgique, Hong Kong, l’Inde, les Pays-Bas, Singapour, la Suisse, la Thaïlande et la Scandinavie. En effet, premièrement, il ressort de l’examen de ces considérants que lesdits contacts portaient également sur le Royaume-Uni (considérants 139 et 158), le Japon (considérants 180 et 257), l’Allemagne (considérants 173 et 251), l’Italie (considérant 456) et l’Indonésie (considérant 507).
622 En deuxième lieu, il importe de souligner que les requérantes ont entretenu avec d’autres transporteurs de nombreux contacts au niveau des sièges, dont la portée géographique n’était en aucune manière limitée à des « marchés nationaux spécifiques ». Les requérantes figuraient ainsi parmi les destinataires de plusieurs annonces d’ajustement de la STC de Lufthansa qui ne comportaient pas de limitations géographiques (voir, notamment, considérants 274, 279, 346 et 446 de la décision attaquée). L’une de ces annonces compte d’ailleurs parmi celles dont la Commission a expressément retenu, dans la note en bas de page no 1323 de cette décision, qu’elles faisaient référence à une application mondiale de ces surtaxes, laquelle « ne se limitait pas à une liaison spécifique » (considérant 279 de ladite décision).
623 Au demeurant, plusieurs des contacts dont la portée géographique n’était pas limitée à des « marchés nationaux spécifiques » sont intervenus entre membres de l’alliance WOW. En effet, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la portée géographique des contacts intervenus entre membres de cette alliance ne se limitaient aucunement à la Scandinavie. À titre d’exemple, au considérant 209 de la décision attaquée, la Commission fait état d’échanges au niveau des sièges au sujet de la réintroduction de la STC en janvier 2002 afin d’assurer un certain niveau d’harmonisation. Les contacts décrits aux considérants 223, 343, 355 et 381 de la décision attaquée revêtaient, eux aussi, une portée géographique qui n’était pas limitée à une zone.
624 Les contacts recensés aux points 622 et 623 ci-dessus ayant été de nature à donner aux requérantes la connaissance requise de l’ampleur mondiale de la coordination relative à la STC, la question de savoir si la « coordination entre [Lufthansa et les requérantes], y compris la communication par [Lufthansa] des ajustements de sa [STC], a constitué une coordination à l’échelle de l’Union » ne peut, contrairement à ce que soutiennent les requérantes dans la requête, qu’être écartée comme étant dépourvue de toute pertinence.
625 C’est d’autant plus vrai que la Commission n’a, dans la décision attaquée, ni reproché aux requérantes d’avoir en toutes circonstances suivi Lufthansa dans ses ajustements de la STC ni retenu que les transporteurs incriminés avaient systématiquement suivi Lufthansa au niveau local. Au contraire, au considérant 119 de la décision attaquée, la Commission a retenu ce qui suit :
« Pour [ce qui est de] la mise en œuvre des STC au niveau local, un système par lequel les [transporteurs] dominant[s] sur certaines liaisons ou sur certains pays annonçaient en premier le changement et étaient ensuite suivies par les autres, a souvent été appliqué. Ce système était fondé sur des contacts entre représentants locaux de transporteurs concernant leurs actions et leurs intentions en rapport avec les STC qui avaient pour objet de coordonner l’application des STC au niveau local. […] »
626 En tout état de cause, il convient de relever que l’argumentation des requérantes tenant à l’autonomie de leur stratégie en matière d’adaptation du taux de la STC est erronée.
627 À cet égard, il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Il en sera d’autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d’une longue période (voir arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T 655/11, EU:T:2015:383, point 417 et jurisprudence citée).
628 Selon la jurisprudence, même des preuves tendant à démontrer l’absence d’engagements formels ou d’une coordination effective entre les entreprises concernées ne suffisent pas à prouver que celles-ci n’ont jamais tenu compte des informations échangées lors des contacts incriminés pour déterminer leur comportement sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T 240/07, EU:T:2011:284, point 188).
629 En l’espèce, les requérantes reconnaissent que les annonces de Lufthansa ont été à l’origine de leurs décisions quant à leur politique de STC dans les cas de l’Allemagne et de la Scandinavie, mais font valoir qu’elles suivaient généralement l’opérateur national ou prépondérant sur les marchés où il y avait un transporteur local fort et, sur les autres marchés, les évolutions de leurs concurrents les plus proches. Elles citent à l’appui de leur argumentation notamment des graphiques qui montreraient que, à trois reprises successives, au cours de la période 2004-2005, elles n’ont pas suivi Lufthansa en Italie et qu’elles ont toujours suivi le transporteur local en France, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Or, s’agissant d’une concertation qui s’est étendue sur une période de plus de six ans et qui concernait, selon le considérant 889 de la décision attaquée, l’ensemble des liaisons à travers le monde, ces éléments ne suffisent pas à exclure tout lien entre, d’une part, les contacts entre Lufthansa et les requérantes et, d’autre part, la détermination, par ces dernières, de leur comportement sur le marché.
630 Les pièces du dossier tendent d’ailleurs à démontrer qu’un tel lien existait. Ainsi, les requérantes ont à plusieurs reprises pris l’initiative de se renseigner auprès de Lufthansa au sujet de prochains ajustements de la STC. Au considérant 381 de la décision attaquée, la Commission a décrit un courriel du 24 juin 2004 dans lequel les requérantes demandent ce qui suit à Lufthansa :
« il me semble que l’on soit au-devant d’un nouveau cycle d’augmentations de la [STC]. La prochaine lun[di] ? Si vous en avez la possibilité, envoyez-moi un mémo pour me faire savoir quand [Lufthansa] a décidé d’agir. Nous enverrons probablement la même instruction à nos collègues sur le terrain. »
631 De même, au considérant 343 de la décision attaquée, la Commission fait état d’un courriel du 26 avril 2004, dans lequel les requérantes demandent à Lufthansa si ce dernier prévoit d’augmenter la STC à « 0,20 EUR/USD/kg ».
632 En outre, il ressort de la décision attaquée qu’il était entendu parmi les autres transporteurs incriminés que les requérantes suivraient les ajustements de Lufthansa. Ainsi, au considérant 402 de la décision attaquée, il est fait état d’un courriel du 2 septembre 2004 dans lequel Martinair indique ce qui suit à propos de la décision de Lufthansa de suspendre l’augmentation de la STC :
« la décision de [Lufthansa] n’est pas bonne parce qu’en pratique, cela signifie que des transporteurs comme [les requérantes], SAS et [Japan Airlines] etc. ne vont pas non plus augmenter. »
633 Au considérant 403 de la décision attaquée, la Commission vise un courriel du 7 septembre 2004 sur le même sujet. Il ressort de ce courriel que les requérantes et AF « ont fait savoir qu’elles n’avaient aucune intention d’augmenter leur STC. Elles attendent toutes les deux [Lufthansa] ».
634 Il s’ensuit que les contacts relatifs à la STC auxquels les requérantes ont participé étaient de nature à établir qu’elles avaient la connaissance requise de l’ampleur mondiale de la coordination relative à la STC.
2) Sur la STS
635 Au considérant 805 de la décision attaquée, la Commission a retenu contre les requérantes 26 considérants auxquels sont visés des contacts relatifs à la STS. Or, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne s’agit pas de contacts qui concerneraient les seuls marchés de Hong Kong, des États-Unis et du Danemark. En effet, tout d’abord, plusieurs desdits contacts concernaient l’Allemagne (considérant 581 de la décision attaquée), la France (considérants 594 et 609 de cette décision) ou encore le Royaume-Uni (considérant 636 de ladite décision).
636 Ensuite, même parmi les contacts intervenus dans l’un des trois pays tiers que visent les requérantes, au moins un renvoie à l’applicabilité générale de la STS et était ainsi de nature à leur donner la connaissance du caractère mondial de la coordination relative à la STS. Il s’agit du compte rendu d’une réunion du 30 mars 2004 du comité exécutif du SCC du BAR à Hong Kong décrit au considérant 666 de cette décision, également cité à la note en bas de page no 1323 et dont il ressort que le montant de la STS au départ de Hong Kong serait fondé sur l’« élément de référence mondial ».
637 Enfin, il importe de souligner que plusieurs des contacts recensés au considérant 805 de la décision attaquée sont intervenus, non au niveau local, mais entre les sièges des requérantes et d’autres transporteurs. Or, la portée géographique de certains de ces contacts n’était aucunement limitée à l’un des trois pays ou territoires que visent les requérantes. Il ressort du considérant 611 de la décision que Lufthansa a adressé en octobre 2001 une lettre-type justifiant le recours à la STS aux directeurs généraux des divisions cargo de plusieurs transporteurs, dont les requérantes. Selon ce considérant, dont les requérantes ne remettent pas en cause l’exactitude, cette lettre décrivait la STS et les raisons ayant amené Lufthansa à l’imposer. Selon le même considérant, ladite lettre avait été envoyée « dans l’espoir que d’autres transporteurs imiteraient le modèle de STS de [Lufthansa Cargo] ». De même, différents contacts relatifs à la STS sont intervenus entre les membres de l’alliance WOW (voir, notamment, considérant 600) et il n’est pas soutenu que leur portée géographique aurait été limitée aux trois pays tiers que visent les requérantes.
638 Il s’ensuit que l’examen des contacts relatifs à la STS auxquels les requérantes ont participé établit qu’elles avaient la connaissance requise de l’ampleur mondiale de la coordination relative à la STS, sans qu’il soit besoin de déterminer si la Commission était fondée à retenir, aux considérants 961 et 962 de la décision attaquée, que la portée des contacts décrits aux considérants 628 à 632 de ladite décision excédait le Danemark.
3) Sur le refus de paiement de commissions
639 Au considérant 806 de la décision attaquée, la Commission a retenu contre les requérantes sept considérants auxquels sont visés des contacts relatifs au refus de paiement de commissions. Ces contacts concernaient l’Allemagne (considérants 686 et 687 de la décision attaquée), la Suisse (considérants 689, 690, 692 et 693 de cette décision) et l’Italie (considérant 696 de ladite décision). De plus, au considérant 503 de cette décision, la Commission a fait référence à une réunion du SCC du BAR du 11 juillet 2005 à laquelle les requérantes ont assisté et lors de laquelle ont été discutés tant la STC que le refus de paiement de commissions. Au considérant 880 de ladite décision, la Commission a cité cette réunion parmi plusieurs exemples de contacts dans le cadre desquels les surtaxes et le refus de paiement de commissions avaient été discutés conjointement.
640 Ces contacts ont, certes, eu lieu en réponse à des initiatives locales de transitaires ou d’associations de transitaires. Ainsi, les contacts décrits aux considérants 686 et 687 de la décision attaquée faisaient suite à une demande de DHL, tandis que ceux visés aux considérants 689 (voir également annexe A.24F à la requête), 690, 692 et 693 faisaient suite à des demandes de VTR Air de Spedlogswiss et celui visé au considérant 696 s’inscrivait dans le contexte de demandes de l’Association italienne des transitaires (ANAMA).
641 Il ne saurait pour autant être considéré que ces contacts étaient des réponses purement locales et isolées à des démarches également locales de transitaires. Comme le relève à juste titre la Commission, les échanges concernant l’Allemagne décrits aux considérants 686 et 687 de la décision attaquée ont été lancés par le directeur des requérantes chargé du Royaume-Uni et de l’Irlande. Aussi, le courriel de KLM du 8 juin 2005 visé au considérant 692 de cette décision met en évidence que les réponses des transporteurs aux démarches locales de transitaires ne s’opéraient pas isolément les unes des autres. Ainsi, dans ce courriel, qui porte sur la réponse à apporter à une demande de Spedlogswiss, il est fait état des discussions en Italie : « dernières nouvelles de nos collègues italiens : tou[s] les [transporteurs] sont uni[s] contre toute commission et ont informé l’ANAMA par écrit en conséquence ».
642 Il convient également de rappeler que, dans la mesure où les surtaxes étaient généralement applicables « à toutes les liaisons, au niveau mondial », il devait être vraisemblable pour les requérantes que le refus de paiement de commissions l’était également (voir points 222 et 223 ci-dessus).
643 Dans ces conditions, c’est à juste titre que la Commission a déduit du faisceau d’indices qu’elle a rassemblé que les requérantes avaient la connaissance requise de l’ampleur mondiale de la coordination relative au refus de paiement de commissions.
644 Il s’ensuit que le présent moyen n’est pas fondé en tant qu’il porte sur le caractère mondial des différentes composantes de l’infraction unique et continue.
b) Sur les activités d’un éventuel « groupe central »
645 D’emblée, il convient d’observer que l’argumentation des requérantes relative au caractère distinct des comportements mis en œuvre par un éventuel « groupe central » de transporteurs européens qui se différencierait du reste des transporteurs incriminés ne saurait être retenue. En effet, il y a lieu de constater que la Commission n’identifie pas de tel « groupe central » dans la décision attaquée et n’était d’ailleurs nullement tenue d’opérer une distinction entre les transporteurs incriminés en fonction de l’intensité de leur participation à l’infraction unique et continue, cette circonstance n’ayant vocation à être prise en considération que lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et de la détermination du montant de l’amende (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C 204/00 P, C 205/00 P, C 211/00 P, C 213/00 P, C 217/00 P et C 219/00 P, EU:C:2004:6, point 86 et jurisprudence citée). En outre, il ressort des considérants 878 et 881 de ladite décision que la Commission a constaté l’existence d’un chevauchement significatif entre les entreprises ayant participé aux différentes composantes de l’infraction en question. Or, le périmètre de ce chevauchement ne coïncide pas avec le prétendu « groupe central » identifié par les requérantes.
646 Tout au plus la Commission a-t-elle, au considérant 124 de la décision attaquée, indiqué que Lufthansa « déclar[ait] que l’essentiel des contacts [core group of contacts] entretenus par […] son directeur de la politique de prix […] impliquaient principalement des communications bilatérales par téléphone portable avec ses homologues auprès d’autres transporteurs » et qu’il avait eu une « quarantaine d’entretiens téléphoniques avec chacune des compagnies [British Airways, AF, KLM et Cargolux] entre le début 2003 et la fin 2005 ». Elle n’a, en revanche, à aucun moment fait siennes les déclarations de Lufthansa quant à l’existence et aux contours d’un tel groupe, ni n’a estimé que les contacts intervenus en son sein se distinguaient des autres contacts litigieux.
647 À plus forte raison, la Commission n’a pas considéré que l’existence d’un éventuel « groupe central » relevait de la portée générale de l’entente litigieuse ou de ses caractéristiques essentielles au sens de la jurisprudence citée au point 617 ci-dessus.
648 Or, rien dans l’argumentation des requérantes ne démontre que la Commission a entaché d’erreur la décision attaquée en procédant de la sorte. Cette argumentation n’est, en effet, pas susceptible d’établir que les activités d’un éventuel « groupe central » étaient distinctes des autres concertations intervenues dans le cadre de l’entente litigieuse et encore moins qu’elle relevait de la portée générale ou des caractéristiques essentielles de cette dernière, au sens de la jurisprudence citée au point 617 ci-dessus.
649 À cet égard, il convient d’observer que les requérantes ne soutiennent pas, dans le cadre du présent moyen, que les concertations intervenues au sein d’un éventuel « groupe central » auraient porté sur un service différent que les autres contacts litigieux ou que ces derniers n’auraient pas impliqué les membres dudit groupe ou encore l’auraient été par l’intermédiaire d’autres employés. Elles ne soutiennent pas davantage que lesdites concertations n’auraient pas porté sur la tarification des services de fret.
650 Les requérantes font plutôt valoir, en substance, que les concertations intervenues au sein du « groupe central » se seraient faites selon des modalités différentes et auraient poursuivi des objectifs anticoncurrentiels différents et revêtu une intensité plus importante que les autres contacts litigieux. Ces arguments sont, cependant, non fondés.
651 En effet, premièrement, les allégations selon lesquelles « de nombreux contacts au niveau des administrations centrales entre [transporteurs] qui n’étaient pas des partenaires commerciaux », des « réunions en personne impliquant des cadres supérieurs » ou encore des « appels pour se rassurer » seraient intervenus au sein du « groupe central » ne sauraient suffire à démontrer le caractère distinct des concertations qui seraient intervenues dans le cadre de ce dernier.
652 L’existence d’éventuelles différences de méthodes entre les différents agissements en cause compte, certes, parmi les critères employés aux fins d’apprécier les liens de complémentarité entre eux (voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 2012, Coats Holdings/Commission, T 439/07, EU:T:2012:320, point 144). Toutefois, d’une part, il ressort du point 316 ci-dessus que l’existence de liens de complémentarité entre différents agissements n’est pas indispensable aux fins de les qualifier d’infraction unique. À plus forte raison, une identité de méthodes ne l’est pas non plus.
653 D’autre part, des transporteurs dont les requérantes ne soutiennent pas qu’ils appartenaient à un éventuel « groupe central » ont été impliqués dans des « réunions en personne impliquant des cadres supérieurs » ou dans des « contacts au niveau des administrations centrales », même en l’absence de partenariats commerciaux entre eux. Il convient ainsi de citer la « réunion amicale » du 22 janvier 2001 décrite aux considérants 173 et 174 de la décision attaquée et qui s’est tenue dans les locaux de Lufthansa Cargo à Francfort (Allemagne). Cette réunion, à laquelle le directeur des ventes de Lufthansa pour l’Asie et l’Australie a invité plusieurs concurrents, dont non seulement AF, British Airways, Cargolux, Lufthansa et KLM, mais aussi Air Canada, CPA, Martinair, SAS et les requérantes, a notamment porté sur la mise en œuvre de la STC. Il convient aussi de citer les réunions des 5 septembre 2002 et 13 février 2003 entre Air Canada et Lufthansa (considérants 249 et 272 de la décision attaquée), ainsi que des réunions entre Qantas et British Airways (considérant 360 de cette décision) ou encore de la réunion des « patrons européens » de British Airways, Lufthansa et KLM, à laquelle a aussi participé Martinair (la participation de Cargolux, qui était invité, n’ayant été ni confirmée ni infirmée) (considérant 387 de ladite décision).
654 Des contacts au niveau des sièges en l’absence de partenariats commerciaux dont l’existence ressortirait de la décision attaquée ou des écritures des parties incluent un appel téléphonique entre British Airways et Martinair de 2002 (considérant 224 de la décision attaquée), une discussion entre Lan Cargo et AF lors d’une réunion du Cargo Accounts Settlement Systems (Système de Règlement des Comptes de Fret) de l’IATA (considérant 352 de cette décision), des échanges intervenus entre Martinair et les requérantes et entre Martinair et Qantas en mai 2004 (considérant 360 de ladite décision), un échange entre Qantas et les requérantes (considérant 601 de la même décision) ou encore l’envoi par Lufthansa, en octobre 2001, d’une lettre-type quant à la STS aux PDG des divisions cargo de plusieurs transporteurs (voir point 637 ci-dessus).
655 Quant aux « appels pour se rassurer », il est vrai qu’ils ne sont désignés comme tels dans la décision attaquée que s’agissant des contacts intervenus entre AF, Cargolux, Lufthansa et KLM (considérants 127, 128, 217, 875, 1165, 1203 et 1327). Cependant, comme il ressort du considérant 1327 de la décision attaquée, il s’agissait simplement de « communications téléphoniques échangées entre transporteurs avant des modifications et destinées à se rassurer mutuellement sur le calendrier et le niveau de modification ». Elles avaient « pour but de confirmer que les concurrents suivraient leur propre mécanisme de STC » (considérant 128 de la décision attaquée). Or, des communications de ce type se retrouvent également parmi les contacts litigieux intervenus avec des transporteurs extérieurs à l’éventuel « groupe central ». À titre d’illustration, au considérant 319 de la décision attaquée, la Commission cite un courriel interne de Lufthansa du 4 décembre 2003, lequel fait suite à plusieurs échanges au sujet d’une prochaine augmentation de la STC. Dans ce courriel, un employé de Lufthansa indique avoir obtenu confirmation des intentions, outre de British Airways et Cargolux, de Japan Airlines, SAS et d’un autre transporteur. Il ressort dudit considérant que cet employé avait précédemment passé des appels téléphoniques à British Airways, SAS et ledit autre transporteur. Au considérant 569, il est également fait état d’échanges de courriels internes des 30 et 31 janvier 2006 dans lesquels un employé de Martinair rapporte avoir parlé à Cargolux, « qui avait confirmé qu’ils suivraient KL[M] ».
656 Deuxièmement, contrairement à ce que les requérantes soutiennent dans la réplique, l’existence d’un engagement de ne pas s’écarter de la politique de surtaxe définie ou d’un « “accord” explicite reconnu entre [les membres du prétendu “groupe central”] couvrant l’intégralité de leurs réseaux dans la mesure où cet accord était compatible avec les conditions locales » n’est aucunement distinctive de ce groupe.
657 Les arrêts de la Federal Court of Australia (Cour fédérale d’Australie), dont se prévalent les requérantes, le confirment. Ces arrêts indiquent, certes, qu’il y avait, entre AF, British Airways, Cargolux, Lufthansa et KLM, un « arrangement sur la [STC] » qui s’appliquait à l’ensemble de leurs réseaux « sauf dans les cas où les conditions locales dans un aéroport donné ou dans une zone géographique donnée faisaient obstacle à l’imposition (ou à l’imposition complète) d’une [STC] ». Toutefois, les requérantes elles-mêmes interprètent l’exposé conjoint des faits dans ces arrêts en ce sens qu’AF, British Airways, Cargolux et KLM « ont toutes déclaré avoir été conscientes ou avoir soupçonné que [Lufthansa] était impliquée dans des arrangements similaires avec d’autres [transporteurs] ». Il s’ensuit que ces arrêts attestent, tout au plus, de l’absence de caractère distinctif des concertations intervenues au sein d’un éventuel « groupe central ».
658 Quant au caractère prétendument « légitime » des contacts WOW ou intervenus au niveau local, qui se distingueraient de ceux intervenus au sein d’un éventuel « groupe central », il suffit de constater que les requérantes procèdent d’une prémisse erronée. En effet, comme il ressort de l’examen de la troisième branche du premier moyen ainsi que des deuxième et troisième moyens, les contacts litigieux intervenus au sein de l’alliance WOW ou au niveau local ne sauraient être qualifiés de légitimes.
659 De même, au considérant 492 de la décision attaquée, il est fait état d’un courriel d’Aviainform du 22 juillet 2005 (voir point 585 ci-dessus). Dans son courriel, Aviainform a critiqué ladite publicité et sa diffusion sur inforwarding.com. Aviainform a ainsi indiqué que cette publicité exerçait une « pression additionnelle non nécessaire, ce qui serait particulièrement reflété dans la situation actuelle du rendement ». Elle a également pointé un manque de réflexion quant à l’effet sur le marché d’affirmations telles que celles contenues dans la publicité en question.
660 Une attente qu’une discipline soit respectée sur le marché existait au demeurant aussi vis-à-vis des requérantes. Ainsi, au considérant 223 de la décision attaquée, la Commission fait état d’un courriel interne du 3 avril 2002, dans lequel un employé de Lufthansa se plaint du refus des requérantes d’introduire la STC alors qu’elles sont membres de l’alliance WOW.
661 Aussi, ainsi que l’expliquent les requérantes dans la requête, c’est leur omission de suivre les ajustements apportés à la STC de Lufthansa en Italie qui explique que cette dernière leur ait adressé le courriel du 3 avril 2005 décrit au considérant 456 de la décision attaquée. Ce courriel est libellé comme suit :
« aujourd’hui je te reviens avec une préoccupation que nous avons en Italie.
J’ai entendu de nos collègues que [les requérantes] ne facturai[en]t que 0,20 euros. Est-ce vraiment le cas ? Je pensais que vous suiviez habituellement les transporteurs nationaux ou prépondérants. Tous les autres transporteurs ainsi que [Lufthansa Cargo] facturent plus. (0.40) Le saviez-vous et une différence aussi grande est-elle délibérée ? »
662 Les requérantes ayant répondu que cela s’expliquait par le fait que leurs principaux concurrents en Italie n’avaient pas révisé leurs surtaxes, Lufthansa leur a transmis le montant de la STC (entre 0,35 et 0,40 euros) de plusieurs transporteurs asiatiques en Italie, dont CPA et Japan Airlines.
663 Troisièmement, la circonstance que les contacts entre les membres d’un éventuel « groupe central » représentaient une proportion importante des contacts litigieux n’est pas, à elle seule, de nature à lui conférer un quelconque caractère distinctif. Tout au plus démontre-t-elle l’ampleur du faisceau d’indices que la Commission a réuni contre ces transporteurs. Cette ampleur n’a, en tant que telle, d’ailleurs rien de surprenant, dès lors que le prétendu « groupe central » rassemblait cinq importants transporteurs implantés dans l’Union et qui desservaient l’ensemble des types de liaisons relevant du périmètre de l’infraction unique et continue (AF, British Airways, Cargolux, KLM et Lufthansa).
664 Les requérantes ayant échoué à démontrer que la Commission a commis une erreur dans la décision attaquée en omettant d’identifier un « groupe central » qui aurait relevé de la portée générale et des caractéristiques essentielles de l’entente litigieuse, l’argumentation selon laquelle les requérantes n’auraient pas eu connaissance des activités d’un tel groupe doit être rejetée comme étant inopérante.
665 Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté et, partant, les conclusions en annulation dans leur ensemble.
B. Sur les conclusions tendant à la modification du montant de l’amende infligée aux requérantes
666 À l’appui de leurs conclusions en réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée, les requérantes invoquent un moyen unique. Ce moyen se subdivise en quatre arguments.
667 Les premier et deuxième arguments que les requérantes invoquent au soutien des présentes conclusions concernent le calcul de la valeur des ventes :
– par leur premier argument, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, les requérantes font valoir que les recettes tirées des services de fret qu’elle ont réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers ne sauraient être incluses dans la valeur des ventes ;
– par leur deuxième argument, les requérantes avancent que leur chiffre d’affaires provenant des services de fret entrants ne saurait être inclus dans la valeur des ventes, les ventes en cause ayant été effectuées à l’extérieur du territoire de l’EEE.
668 Les troisième et quatrième arguments que les requérantes invoquent au soutien des présentes conclusions se rapportent, en substance, au coefficient de gravité et au montant additionnel :
– par leur troisième argument, les requérantes allèguent que leur participation réelle aurait été très limitée en termes de portée géographique, en particulier par rapport aux transporteurs du « groupe central » ;
– par leur quatrième argument, les requérantes font valoir que la Commission aurait dû distinguer entre les contacts entretenus le cadre d’une alliance légitime visant la réalisation de gains d’efficacité (telle que l’alliance WOW) et des contacts entre cadres supérieurs de concurrents directs ayant pour seule raison d’être la participation à une collusion (tels que ceux qui ont eu lieu au sein du « groupe central »), leur participation à l’infraction unique et continue se fondant, au-delà d’un nombre limité de marchés locaux, principalement sur les contacts WOW.
669 La Commission conclut au rejet des conclusions des requérantes et demande que le bénéfice de la réduction générale de 50 % et de celle de 15 % leur soit retiré dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes.
670 Dans le droit de la concurrence de l’Union, le contrôle de légalité est complété par la compétence de pleine juridiction qui est reconnue au juge de l’Union par l’article 31 du règlement no 1/2003, conformément à l’article 261 TFUE. Cette compétence habilite le juge de l’Union, au-delà du simple contrôle de légalité de la sanction, à substituer son appréciation à celle de la Commission et, en conséquence, à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende ou l’astreinte infligée (voir arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C 386/10 P, EU:C:2011:815, point 63 et jurisprudence citée).
671 Cet exercice suppose, en application de l’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, de prendre en considération, pour chaque entreprise sanctionnée, la gravité de l’infraction en cause ainsi que la durée de celle-ci, dans le respect des principes, notamment, de motivation, de proportionnalité, d’individualisation des sanctions et d’égalité de traitement, et sans que le juge de l’Union soit lié par les règles indicatives définies par la Commission dans ses lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C 603/13 P, EU:C:2016:38, point 90). Il importe cependant de souligner que l’exercice de la compétence de pleine juridiction prévue à l’article 261 TFUE et à l’article 31 du règlement no 1/2003 n’équivaut pas à un contrôle d’office et que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. À l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, c’est dès lors à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de la décision litigieuse et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C 386/10 P, EU:C:2011:815, point 64).
672 Il appartient ainsi à la partie requérante d’identifier les éléments contestés de la décision attaquée, de formuler des griefs à cet égard et d’apporter des preuves, qui peuvent être constituées d’indices sérieux, tendant à démontrer que ses griefs sont fondés (arrêt du 8 décembre 2011, Chalkor/Commission, C 386/10 P, EU:C:2011:815, point 65).
673 Afin de satisfaire aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la Charte en ce qui concerne l’amende, le juge de l’Union est, quant à lui, tenu, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE, d’examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (voir arrêt du 18 décembre 2014, Commission/Parker Hannifin Manufacturing et Parker-Hannifin, C 434/13 P, EU:C:2014:2456, point 75 et jurisprudence citée ; arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch Austria/Commission, C 626/13 P, EU:C:2017:54, point 82).
674 Enfin, pour la détermination du montant des amendes, il appartient au juge de l’Union d’apprécier lui-même les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause (arrêt du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission, C 603/13 P, EU:C:2016:38, point 89) et de prendre en considération toutes les circonstances de fait (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C 534/07 P, EU:C:2009:505, point 86), en ce compris, le cas échéant, des éléments d’information complémentaires non mentionnés dans la décision de la Commission infligeant l’amende (voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C 286/98 P, EU:C:2000:630, point 57, et du 12 juillet 2011, Fuji Electric/Commission, T 132/07, EU:T:2011:344, point 209).
675 En l’espèce, il appartient au Tribunal, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, de déterminer, au regard de l’argumentation avancée par les parties à l’appui des présentes conclusions, le montant de l’amende qu’il estime le plus approprié, eu égard notamment aux constatations effectuées dans le cadre de l’examen des moyens soulevés à l’appui des conclusions en annulation et du moyen relevé d’office, et en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait pertinentes.
676 Le Tribunal estime qu’il n’est pas, afin de déterminer le montant de l’amende à infliger aux requérantes, opportun de s’écarter de la méthode de calcul suivie par la Commission dans la décision attaquée et dont il n’a pas préalablement déterminé qu’elle était entachée d’illégalité. En effet, s’il appartient au juge, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, d’apprécier lui-même les circonstances de l’espèce et le type d’infraction en cause afin de déterminer le montant de l’amende, l’exercice d’une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes infligées, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien. Par suite, les orientations pouvant être dégagées des lignes directrices sont, en règle générale, susceptibles de guider les juridictions de l’Union lorsqu’elles exercent ladite compétence, dès lors que ces lignes directrices ont été appliquées par la Commission aux fins du calcul du montant des amendes infligées aux autres entreprises sanctionnées par la décision dont elles ont à connaître (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C 441/11 P, EU:C:2012:778, point 80 et jurisprudence citée).
677 Dans ces conditions, tout d’abord, il y a lieu d’observer que le total de la valeur des ventes réalisées en 2005 s’élevait à 405 742 234 euros. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes dans le cadre du premier argument invoqué à l’appui des présentes conclusions, seules les recettes réalisées sur les liaisons EEE sauf Union-Suisse, dont le Tribunal a jugé aux points 179 à 204 ci-dessus qu’elles ne relevaient pas du périmètre de l’infraction unique et continue, doivent, être exclues du total de la valeur des ventes dans l’hypothèse où elles auraient été incluses par inadvertance dans celle-ci. Les requérantes ne fournissent pas d’informations quant au montant de ces recettes. Le Tribunal estime, à l’instar de la Commission, que les recettes réalisées par les requérantes sur les liaisons Union-Suisse, qui s’élevaient à 22 272 euros, en constituent, en l’espèce, une approximation raisonnable, étant entendu que, en tout état de cause, en raison de l’arrondissement du montant de base de l’amende entrepris au point 708 ci-dessous, l’exclusion de ces recettes de la valeur des ventes est dépourvue de toute incidence sur le montant final de l’amende.
678 Pour ce qui est du deuxième argument, qui porte sur l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants, il y a lieu d’observer que les requérantes se prévalent, en substance, du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006.
679 À cet égard, il convient de rappeler que le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 subordonne l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant des biens ou des services de l’entreprise concernée à la condition que les ventes en cause aient été « réalisées […] en relation directe ou indirecte avec l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE ».
680 Le paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 ne fait ainsi état ni de « ventes négociées » ni de « ventes facturées » à l’intérieur de l’EEE, mais se réfère uniquement aux « ventes réalisées » dans l’EEE. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, ledit paragraphe ne s’oppose pas à ce que la Commission retienne les ventes effectuées auprès de clients établis à l’extérieur de l’EEE, pas plus qu’il n’impose de tenir compte des ventes négociées ou facturées dans l’EEE. Autrement, il suffirait à une entreprise participant à une infraction de faire en sorte qu’elle négocie ses ventes avec les filiales de ses clients situées à l’extérieur de l’EEE ou les leur facture, pour obtenir que ces ventes ne soient pas prises en considération pour le calcul du montant d’une éventuelle amende, laquelle serait, dès lors, beaucoup moins significative [voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2017, Samsung SDI et Samsung SDI (Malaysia)/Commission, C 615/15 P, non publié, EU:C:2017:190, point 55].
681 La notion de « ventes réalisées […] à l’intérieur du territoire de l’EEE » doit s’interpréter à la lumière de l’objectif du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006. Cet objectif est de retenir comme point de départ pour le calcul des amendes un montant qui reflète notamment l’importance économique de l’infraction sur le marché concerné, le chiffre d’affaires réalisé sur les produits ou les services faisant l’objet de l’infraction constituant un élément objectif qui donne une juste mesure de sa nocivité pour le jeu normal de la concurrence (voir arrêt du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T 208/13, EU:T:2016:368, point 236 et jurisprudence citée).
682 Il appartient ainsi à la Commission, aux fins de déterminer si des ventes ont été « réalisées […] à l’intérieur du territoire de l’EEE », au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006, d’opter pour un critère qui soit le reflet de la réalité du marché, c’est-à-dire qui soit le plus à même de cerner les conséquences de l’entente sur la concurrence dans l’EEE.
683 Aux considérants 1186 et 1197 de la décision attaquée, la Commission a indiqué avoir tenu compte, pour calculer la valeur des ventes, du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret sur les liaisons intra-EEE, les liaisons Union-pays tiers, les liaisons Union-Suisse et les liaisons EEE sauf Union-pays tiers. Ainsi qu’il ressort du considérant 1194 de cette décision, les ventes liées aux liaisons Union-pays tiers et EEE sauf Union-pays tiers comprenaient à la fois les ventes de services de fret sur les liaisons sortantes et celles de services de fret entrants.
684 Au même considérant, pour justifier l’inclusion du chiffre d’affaires provenant de la vente de ces services dans la valeur des ventes, la Commission a renvoyé à la nécessité de tenir compte de leurs « particularités ». Elle a ainsi notamment observé que l’infraction unique et continue se rapportait à ces services et que les « arrangements anticoncurrentiels [étaie]nt susceptibles d’avoir un impact négatif sur le marché intérieur en ce qui [les] concern[ait] ».
685 Or, comme il ressort des points 90 à 178 ci-dessus et contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il était prévisible que l’infraction unique et continue, y compris en tant qu’elle portait sur les liaisons entrantes, aurait des effets substantiels et immédiats dans le marché intérieur ou au sein de l’EEE et était ainsi susceptible de nuire au jeu normal de la concurrence à l’intérieur du territoire de l’EEE. Aux considérants 1194 et 1241 de la décision attaquée, la Commission a néanmoins reconnu qu’une partie du « préjudice » afférent au comportement litigieux sur les liaisons EEE-pays tiers était susceptible de se matérialiser à l’extérieur de l’EEE. Elle a également souligné qu’une partie de ces services était prestée à l’extérieur de l’EEE. Elle s’est, en conséquence, appuyée sur le paragraphe 37 des lignes directrices de 2006 et a, pour les liaisons EEE-pays tiers, accordé aux transporteurs incriminés une réduction de 50 % du montant de base de l’amende, dont les requérantes ne contestent pas le bien-fondé.
686 Dans ces conditions, considérer que ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes 50 % du chiffre d’affaires réalisé sur ces liaisons reviendrait à faire obstacle à ce qu’il soit tenu compte, aux fins du calcul du montant de l’amende, des ventes qui relèvent du périmètre de l’infraction unique et continue et qui étaient susceptibles de nuire au jeu de la concurrence dans l’EEE.
687 Il s’ensuit que peut être utilisé 50 % du chiffre d’affaires réalisé sur les liaisons EEE-pays tiers, en tant qu’élément objectif donnant une juste mesure de la nocivité de la participation des requérantes à l’entente litigieuse sur le jeu normal de la concurrence, pourvu qu’il fût le résultat des ventes présentant un lien avec l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T 91/11, EU:T:2014:92, point 47).
688 Or, un tel lien existe en l’espèce s’agissant des liaisons entrantes, dès lors que, comme il ressort des considérants 1194 et 1241 de la décision attaquée et comme le soutient la Commission dans ses écritures, les services de fret entrants sont en partie fournis à l’intérieur de l’EEE. En effet, comme il a été indiqué au point 124 ci-dessus, lesdits services visent précisément à permettre l’acheminement de marchandises de pays tiers vers l’EEE. Une partie de leur prestation « physique » s’effectue par définition dans l’EEE, où a lieu une partie du transport de ces marchandises et où atterrit l’avion-cargo.
689 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer, à l’instar de la Commission, que les ventes de services de fret entrants avaient été réalisées sur le territoire de l’EEE au sens du paragraphe 13 des lignes directrices de 2006.
690 Il convient donc d’inclure les ventes de services de fret entrants dans la valeur des ventes.
691 Au demeurant, rien dans l’argumentation des requérantes ne permet de considérer que l’inclusion dans la valeur des ventes du chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants était de nature à aboutir à retenir une valeur des ventes inappropriée. Au contraire, exclure de la valeur des ventes ce chiffre d’affaires ferait obstacle à ce qu’il soit infligé aux requérantes une amende qui soit une juste mesure de la nocivité de leur participation à l’entente litigieuse sur le jeu normal de la concurrence (voir point 681 ci-dessus).
692 Ensuite, il convient de relever que, pour les motifs retenus aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, l’infraction unique et continue mérite un coefficient de gravité de 16 %.
693 Dans la mesure où, dans le cadre du troisième argument, les requérantes soutiennent que le caractère géographiquement limité de leur participation réelle à l’infraction unique et continue n’a pas été pris en compte par rapport aux transporteurs du « groupe central », il convient de rappeler ce qui suit. Il est vrai que, comme le relèvent les requérantes, le fait qu’une entreprise n’a pas participé à tous les éléments constitutifs d’une entente ou qu’elle a joué un rôle mineur dans les aspects auxquels elle a participé doit être pris en considération lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction et, le cas échéant, de la détermination de l’amende (arrêt du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C 49/92 P, EU:C:1999:356, point 90).
694 Il convient, cependant, de rappeler que la prise en compte de différences entre les entreprises ayant participé à une même entente ne doit pas nécessairement intervenir lors de la fixation du coefficient de gravité, mais peut intervenir à un autre stade du calcul de l’amende, tel que lors de l’ajustement du montant de base en fonction de circonstances atténuantes et aggravantes, au titre des paragraphes 28 et 29 des lignes directrices de 2006 (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2017, Roca/Commission, C 638/13 P, EU:C:2017:53, point 67 et jurisprudence citée).
695 De telles différences peuvent également transparaître au travers de la valeur des ventes retenue pour calculer le montant de base de l’amende en ce que cette valeur reflète, pour chaque entreprise participante, l’importance de sa participation à l’infraction en cause, conformément au paragraphe 13 des lignes directrices de 2006 (voir arrêt du 26 janvier 2017, Roca/Commission, C 638/13 P, EU:C:2017:53, point 68 et jurisprudence citée).
696 En l’espèce, il y a lieu de constater que, par la méthode que la Commission a employée pour calculer le montant d’amende infligée aux requérantes, ces dernières ont déjà échappé pour l’essentiel à l’imposition d’une amende au titre de leur responsabilité pour l’infraction unique et continue en tant qu’elle concerne les liaisons intra-EEE et Union-Suisse. En effet, au vu du chiffre d’affaires limité réalisé par les requérantes sur ces liaisons et compte tenu de ladite méthode consistant à attribuer, à chaque catégorie de liaisons concernée, une valeur des ventes spécifique calculée à partir du chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise sur cette catégorie de liaisons (voir considérant 1197 de la décision attaquée), la valeur des ventes retenue, respectivement, pour les liaisons intra-EEE et pour les liaisons Union-Suisse est, s’agissant des requérantes (48 638 euros, soit 0,01 % de la valeur des ventes totale retenue dans la décision attaquée), considérablement plus faible que celle retenue par la Commission sur ces liaisons pour les transporteurs incriminés qui appartiendraient au « groupe central ».
697 Il s’ensuit que les différences tenant à la portée géographique de la participation des différents transporteurs incriminés à l’infraction unique et continue transparaissent au travers de la valeur des ventes retenue pour calculer le montant de base de l’amende qui leur a été infligée. La Commission a donc tenu compte du degré géographiquement limité de la participation réelle des requérantes à l’infraction unique et continue par rapport au prétendu « groupe central » dans le cadre de la détermination de la valeur des ventes.
698 Les requérantes n’ayant pas expliqué en quoi il aurait été inapproprié de procéder de la sorte, il convient de considérer qu’elles ne peuvent utilement reprocher à la Commission d’avoir omis de prendre en compte les différences entre l’étendue géographique de leur participation réelle à l’infraction unique et continue et celle du prétendu « groupe central ».
699 Pour ce qui est du montant additionnel, il convient de rappeler que le paragraphe 25 des lignes directrices de 2006 prévoit que, indépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura dans le montant de base une somme comprise entre 15 et 25 % de la valeur des ventes, afin de dissuader les entreprises de participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production. Ce paragraphe précise que, en vue de décider de la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte dans un cas donné, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, en particulier ceux identifiés au paragraphe 22 des mêmes lignes directrices. Ces facteurs sont ceux dont la Commission tient compte aux fins de la fixation du coefficient de gravité et incluent la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction.
700 Le juge de l’Union en a déduit que, même si la Commission n’exposait pas de motivation spécifique en ce qui concerne la proportion de la valeur des ventes utilisée au titre du montant additionnel, le simple renvoi à l’analyse des facteurs utilisés pour apprécier la gravité suffisait à cet égard (arrêt du 15 juillet 2015, SLM et Ori Martin/Commission, T 389/10 et T 419/10, EU:T:2015:513, point 264).
701 Au considérant 1219 de la décision attaquée, la Commission a estimé que le « pourcentage à appliquer pour le montant additionnel d[evai]t être de 16 % » au vu des « circonstances spécifiques de l’affaire » et des critères retenus aux fins de déterminer le coefficient de gravité.
702 Il s’ensuit que, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux considérants 1198 à 1212 de la décision attaquée, le Tribunal estime qu’un montant additionnel de 16 % est approprié.
703 Le quatrième argument ne saurait justifier une réduction supplémentaire du coefficient de gravité et du montant additionnel. Cet argument procède, en effet, de la prémisse selon laquelle les contacts WOW auraient été plus légitimes que d’autres contacts litigieux. Or, il ressort de l’examen du troisième moyen ci-dessus que cette prémisse est erronée.
704 Par ailleurs, si tant est qu’il faille entendre l’argumentation des requérantes en ce sens que la tenue de réunions ou de discussions dans le cadre d’une alliance légitime est de nature à affecter sa légalité au regard de l’article 101 TFUE ou sa gravité aux fins de la détermination du montant de l’amende, il y a lieu de constater qu’elles se méprennent. Il convient, en effet, de rappeler que, selon leurs propres termes, l’article 101 TFUE, l’article 53 de l’accord EEE et l’article 8 de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien s’appliquent à des accords entre entreprises, à des pratiques concertées et à des décisions d’associations d’entreprises. Le cadre juridique dans lequel s’effectue la conclusion de tels accords, se manifestent de telles pratiques concertées et sont prises de telles décisions est sans incidence sur l’applicabilité de ces dispositions (voir, en ce sens, arrêt du 19 février 2002, Wouters e.a., C 309/99, EU:C:2002:98, point 66).
705 Par ailleurs, étant donné que la durée de la participation des requérantes à l’infraction unique et continue s’élève à quatre ans et sept mois (SAC) et six ans et un mois (SIA) sur les liaisons intra-EEE, un an et neuf mois sur les liaisons Union-pays tiers, trois ans et huit mois sur les liaisons Union-Suisse et huit mois sur les liaisons EEE sauf Union-pays tiers, il convient de retenir des facteurs de multiplication de 4 7/12 (SAC) et 6 1/12 (SIA), 1 9/12, 3 8/12 et 8/12, respectivement.
706 Il y a donc lieu de fixer le montant de base de l’amende à 177 443 007 euros, s’agissant de SIA, et à 177 436 659 euros, s’agissant de SAC.
707 S’agissant de la réduction générale de 50 %, il ne saurait être fait droit à la demande de la Commission d’en retirer le bénéfice aux requérantes. Ainsi qu’il ressort des réponses de la Commission aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal, cette demande suppose que le Tribunal juge que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes. Or, le Tribunal a refusé de le faire aux points 678 à 690 ci-dessus.
708 Dès lors, le montant de base de l’amende après application de la réduction générale de 50 %, qui ne s’applique qu’au montant de base en tant qu’il concerne les liaisons EEE sauf Union-pays tiers et Union-pays tiers (voir considérant 1241 de la décision attaquée), que les requérantes n’ont pas contestée et qui n’est pas inappropriée, doit être fixé, tant pour SAC que pour SIA, à 88 000 000 euros après arrondissement. À cet égard, le Tribunal estime approprié d’arrondir ce montant de base à la baisse aux deux premiers chiffres, excepté dans les cas où cette réduction représente plus de 2 % du montant avant arrondissement, auquel cas ce montant est arrondi aux trois premiers chiffres. Cette méthode est objective, permet à tous les transporteurs incriminés ayant introduit un recours à l’encontre de la décision attaquée de bénéficier d’une réduction et évite une inégalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, InnoLux/Commission, T 91/11, EU:T:2014:92, point 166).
709 Enfin, pour ce qui est des ajustements du montant de base de l’amende, il convient de rappeler que les requérantes ont bénéficié de la réduction générale de 15 %, dont elles ne contestent pas le caractère approprié. À l’inverse, il ne saurait être fait droit à la demande de la Commission visant au retrait du bénéfice de cette réduction, pour des raisons analogues à celles exposées au point 707 ci-dessus.
710 En outre, bien que le Tribunal ait considéré que plusieurs contacts devaient être exclus du faisceau d’indices opposés aux requérantes, ce dernier reste suffisant, notamment s’agissant des contacts intervenus au sein de l’alliance WOW, pour qu’il demeure approprié de leur refuser une réduction au titre de leur participation limitée à l’infraction unique et continue.
711 Il s’ensuit que le montant final de l’amende à infliger aux requérantes conjointement et solidairement s’élève à 74 800 000 euros.
712 Le montant de l’amende imposée par la Commission dans la décision attaquée étant identique à celui que le Tribunal a fixé au titre de sa compétence de pleine juridiction, il n’y a pas lieu, dès lors, de modifier le montant de l’amende fixé par la Commission à l’article 3, sous s), de la décision attaquée. Partant, il convient de rejeter les conclusions tendant à la modification du montant de l’amende infligée aux requérantes.
IV. Sur les dépens
713 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
714 Aux termes de l’article 135, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsque l’équité l’exige, le Tribunal peut décider qu’une partie qui succombe supporte, outre ses propres dépens, uniquement une fraction des dépens de l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre. En outre, aux termes de l’article 135, paragraphe 2, du même règlement, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, partiellement ou totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance, en particulier si elle a fait exposer à l’autre partie des frais que le Tribunal reconnaît comme frustratoires ou vexatoires.
715 En l’espèce, les requérantes ont succombé en leurs conclusions et la Commission a expressément conclu à ce qu’elles soient condamnées aux dépens. Toutefois, le Tribunal estime que les circonstances de l’espèce justifient que la Commission supporte le tiers de ses propres dépens et que les requérantes supportent leurs propres dépens ainsi que les deux tiers de ceux de la Commission.
Par ces motifs,
Le Tribunal (4e CHAMBRE ÉLARGIE),
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La Commission européenne supportera le tiers de ses dépens.
3) Singapore Airlines et Singapore Airlines Cargo supporteront leurs propres dépens ainsi que les deux tiers des dépens de la Commission.