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Décisions

Cass. com., 9 mars 2010, n° 08-21.547

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

M. Le Dauphin

Avocat général :

M. Lacan

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge et Hazan

Limoges, du 6 oct. 2008

6 octobre 2008

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société anonyme Y... (la société), qui fournissait aux collectivités locales et aux industriels des prestations de service portant sur l'analyse et la maîtrise de leurs investissements dans le domaine de l'environnement et de l'aménagement du territoire, a été admise au nouveau marché de la bourse de Paris le 12 mai 2000 ; qu'il a été procédé, par la suite, à trois nouvelles augmentations de capital par offre de titres au public la dernière en juillet 2002 ; qu'à partir de l'exercice 2000, la société est passée d'une méthode dite de comptabilisation "à l'achèvement" à celle de la comptabilisation "à l'avancement" du chiffre d'affaires au titre de ses contrats à long terme ; que le 30 avril 2004, la société a suspendu la cotation de son action dans l'attente de la publication de ses comptes à la suite d'un audit effectué en décembre 2003, qui avait conclu à la nécessité d'une évaluation du poste "produits non encore facturés" ; que selon le rapport d'audit, ce poste devait être évalué entre quatre et huit millions d'euros au lieu des quarante sept millions d'euros publiés au titre de l'exercice 2002 ; que la société a été mise en redressement judiciaire sur déclaration de l'état de cessation des paiements par jugement du 2 juillet 2004 ; qu'après l'adoption d'un plan de cession des actifs de la société, l'action Y... a été radiée de la cote par Euronext le 14 avril 2005 ; que, le 3 mars 2006, M. A... et d'autres actionnaires de la société, faisant valoir qu'ils avaient été incités à investir dans le titre Y... et à conserver leurs actions en raison de fausses informations diffusées par les dirigeants, d'une rétention d'informations et d'une présentation aux actionnaires de comptes inexacts, ont assigné M. Y..., ancien président du conseil d'administration de la société, ainsi que la société EPF Partners, MM. X... et Z..., anciens membres du conseil d'administration ; que ces actionnaires et d'autres qui sont intervenus à l'instance aux mêmes fins (les consorts A...) ont demandé paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts, à répartir entre les cent soixante demandeurs, selon le montant de leurs pertes respectives ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° M 08-21.547, qui est recevable, et le premier moyen du pourvoi n° D 08-21.793, qui est recevable, réunis :

Attendu que la société EPF Partners et MM. X..., Y... et Z... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevables les demandes des actionnaires de la société, alors, selon le moyen :

1°/ qu'est irrecevable l'action engagée par un actionnaire contre des dirigeants sociaux dès lors que le préjudice qu'il invoque n'est que le corollaire du dommage causé à la société et n'a aucun caractère personnel ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à énoncer de façon générale et abstraite que subissent un préjudice personnel les actionnaires qui ont été incités à souscrire ou à conserver des titres par les manoeuvres de dirigeants ayant consisté à donner une vision tronquée de la situation de l'entreprise, sans rechercher si, en l'espèce, chaque actionnaire demandeur avait, eu égard aux conditions de son propre investissement, subi un préjudice personnel susceptible d'avoir été causé par des manoeuvres des administrateurs de la société Y..., a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-252 du code de commerce ;

2°/ que lorsque le redressement ou la liquidation judiciaire d'une société fait apparaître une insuffisance d'actif, les dispositions des articles L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce, qui ouvrent, aux conditions qu'ils prévoient, une action en paiement des dettes sociales à l'encontre des dirigeants en cas de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, ne se cumulent pas avec celle des articles L. 225-251 et L. 225-252 du code de commerce ; que, dès lors, un actionnaire est irrecevable à exercer contre l'ancien dirigeant, à qui il impute des fautes de gestion, l'action en responsabilité qui appartient exclusivement aux personnes mentionnées à l'article L. 651-3 du code de commerce ; qu'en l'espèce il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la société Y... avait fait l'objet d'un redressement judiciaire, prononcé le 2 juillet 2004 ; que les actionnaires demandeurs reprochaient à la société EPF Partners et à M. X... des fautes de gestion, qui ont d'ailleurs été retenues par la cour d'appel ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'action en responsabilité engagée par les actionnaires contre d'anciens administrateurs, la cour d'appel a violé les articles L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 ;

3°/ qu'un associé est irrecevable à agir, à titre individuel, à l'encontre des dirigeants en l'absence d'un préjudice personnel, distinct du préjudice social ; que la cour d'appel, qui a déduit le caractère personnel du préjudice subi par les actionnaires du caractère intentionnel de la faute qu'elle a retenue à l'encontre des dirigeants, sans préciser en quoi, indépendamment de cette faute, leur préjudice se distinguait du préjudice social, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-252 du code de commerce ;

4° / que ne constitue pas un préjudice personnel, distinct du préjudice social, celui résultant de la simple dévalorisation des titres de la société et ce, quelle qu'en soit la cause ; qu'en jugeant recevables les demandes des actionnaires sans avoir caractérisé en quoi leur préjudice, qu'elle a affirmé être égal à l'investissement qui avait été réalisé par chacun d'eux, était distinct de celui résultant de la dévalorisation des titres de la société Y..., la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-252 du code de commerce ;

5°/ que lorsque le redressement ou la liquidation judiciaires d'une société anonyme fait apparaître une insuffisance d'actif, les dispositions des articles L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce, qui ouvrent, aux conditions qu'ils prévoient, une action en paiement des dettes sociales à l'encontre des dirigeants en cas de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, ne se cumulent pas avec celles de l'article L. 225-252 du code de commerce ; qu'en déclarant recevables les demandes des actionnaires sans avoir recherché, ainsi que cela lui était demandé, si les procédures de redressement et de liquidation judiciaires successivement ouvertes en 2004 et 2005 à l'encontre de la société Y..., n'avaient pas fait apparaître une insuffisance d'actif qui aurait rendu impossible toute action individuelle des actionnaires fondée sur les dispositions de l'article L. 225-252 du code de commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-252 L. 651-2 et L. 651-3 dudit code ;

6°/ que si les tiers et notamment les créanciers peuvent agir directement contre les dirigeants d'une société qui fait l'objet d'une procédure collective pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture, dès lors qu'ils font état d'un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers et que ce préjudice résulte d'une faute du dirigeant séparable de ses fonctions sociales, une telle action n'est ouverte qu'à leur profit et non à celui des associés de ladite société ; qu'en décidant l'inverse, notamment par motifs adoptés des premiers juges, la cour d'appel a violé les articles L. 225-252, L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que la recevabilité de l'action exercée par un associé à l'encontre des dirigeants d'une société faisant l'objet d'une procédure collective, pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture, est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel, distinct de celui subi par la personne morale, peu important que la procédure collective fasse apparaître une insuffisance d'actif ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant constaté que les actionnaires de la société soutenaient qu'ils avaient été incités à investir dans les titres émis par celle-ci et à les conserver en raison de fausses informations diffusées par les dirigeants, d'une rétention d'information et d'une présentation aux actionnaires de comptes inexacts, la cour d'appel en a exactement déduit que le préjudice ainsi invoqué revêtait un caractère personnel ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° M 08-21.547 et le deuxième moyen du pourvoi n° D 08-21.793, réunis :

Attendu que la société EPF Partners et MM. X..., Y... et Z... font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que l'action en responsabilité contre les administrateurs, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ; qu'il n'y a pas lieu d'avoir égard à la date à laquelle sont perçues dans leur ensemble toutes les conséquences du fait dommageable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, en fixant le point de départ du délai de prescription à la date de publication au BALO de comptes portant annulation de tous les produits non encore facturés, pour la raison que c'est seulement à ce moment que les actionnaires ont été avertis de la situation exacte de la société, quand elle retenait par ailleurs que le fait dommageable était constitué par les agissements des dirigeants sociaux et qu'elle ne constatait pas que ceux-ci eussent été dissimulés, a violé, par refus d'application, l'article L. 225-254 du code de commerce.

2° / que le tribunal de grande instance avait relevé, pour l'imputer à faute aux administrateurs, que la méthode de valorisation à l'avancement avait été retenue à partir de l'exercice 2000 sans que l'entreprise disposât des outils indispensables et que c'était seulement grâce à l'adoption d'une méthode de valorisation inadaptée dès le départ que la société Y... avait pu dégager artificiellement des bénéfices ; que, dans leurs conclusions d'appel, les actionnaires, se prévalant de l'analyse ainsi faite par les premiers juges, soutenaient que la société Y... « n'aurait tout simplement jamais dû passer à la méthode de comptabilisation de son chiffre d'affaires à l'avancement puisqu'elle ne disposait pas des moyens pour l'appliquer correctement » et qu'en ne prenant pas de mesures correctives les administrateurs avaient manqué à leurs obligations ; qu'en retenant que le fait dommageable n'était pas constitué par la difficulté liée à l'absence d'outils de gestion fiables au sein de la société, bien que les actionnaires fondassent leurs demandes, notamment, sur la faute qu'auraient commise les administrateurs pour ne pas avoir tiré les conséquence de ce que la société ne disposait pas des outils de gestion nécessaires, la cour d'appel a modifié les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3° / qu'examinant le fond du litige, la cour d'appel a retenu à la charge des administrateurs, « dûment avisés des difficultés liées à l'absence d'outils fiables de gestion », de ne pas avoir envisagé un changement de méthode comptable ; qu'elle a également relevé « la carence de la société à mettre en place des outils de gestion fiables nécessités par l'adoption de la méthode de comptabilisation à l'avancement » ; qu'elle a aussi considéré, pour conclure à l'existence d'une faute des administrateurs, que ceux-ci, «qui participaient à la gestion de la société, doivent débattre de toutes difficultés portées à leur connaissance, ce qui était le cas des réserves émises par les commissaires aux comptes » ; qu'en se fondant, pour écarter l'exception de prescription, sur la détermination d'un fait dommageable qui n'intégrait pas les fautes reprochées aux administrateurs dans l'appréhension des difficultés liées à l'absence d'outils de gestion fiables, fautes qu'elle a pourtant retenues à leur charge, la cour d'appel a violé l'article L. 225-254 du code de commerce ;

4°/ qu'aux termes de l'article L. 225-254 du code de commerce, l'action en responsabilité contre les administrateurs, qu'elle soit sociale ou individuelle se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription à la date de publication au BALO des comptes portant annulation de tous les produits non encore facturés, quand cette date correspondait, non à celle du fait dommageable ou de sa révélation, mais à celle à laquelle le préjudice des actionnaires s'était définitivement révélé à ces derniers, la cour d'appel a violé l'article L. 225-254 du code de commerce ;

5°/ qu'en statuant de la sorte quand elle avait par ailleurs constaté que le fait dommageable avait en l'espèce consisté dans des «agissements des dirigeants de nature à induire le public en erreur sur les résultats de la société », ce dont il résultait que c'était à la date de ces agissements que devait commencer à courir le délai de prescription, la cour d'appel a encore violé l'article L. 225-254 du code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que c'est avec la publication au BALO du 3 décembre 2004 des comptes 2003 portant annulation de produits non encore facturés au 31 décembre 2003 à hauteur de 45 056 000 euros que les actionnaires ont, de fait, été avertis de la situation exacte de la société et ont pu constater que tant les comptes que les communiqués portés jusqu'alors à leur connaissance par les dirigeants de la société ne donnaient pas une image fidèle de sa situation, l'arrêt retient que le fait dommageable n'est pas constitué par la difficulté liée à l'absence d'outils de gestion fiables au sein de la société mais par les agissements de ses dirigeants qui, en ce qu'ils ont incité les actionnaires à acquérir ou à conserver les titres de la société, sont à l'origine du préjudice par eux allégué ; que l'arrêt ajoute que la carence de la société à mettre en place les outils de gestion fiables nécessités par l'adoption de la méthode de comptabilisation à l'avancement, est à rapprocher des communiqués très optimistes qui présentaient la société sous un jour particulièrement favorable, en omettant de rappeler les réserves émises par les commissaires aux comptes mais aussi, en faisant état pour certains d'entre eux, de comptes consolidés pro forma sans préciser que les évolutions d'une année sur l'autre n'étaient pas à périmètre constant ; que l'arrêt relève encore que ces informations ne faisaient que corroborer les résultats particulièrement favorables publiés jusqu'en 2002 et donner l'image d'une entreprise florissante alors que les dirigeants n'ignoraient pas leur incapacité à gérer efficacement les informations, s'agissant des produits non encore facturés ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que le dommage invoqué a pour origine la dissimulation par les dirigeants de la société, au moyen de la diffusion d'une information trompeuse, de la situation financière de cette dernière et que le caractère trompeur de cette information leur a été révélé moins de trois ans avant l'introduction de l'instance, la cour d'appel, qui n'a pas modifié les termes du litige, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi n° M 08-21.547, pris en sa première branche :

Attendu que la société EPF Partners fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle avait engagé sa responsabilité à l'égard des actionnaires de la société et de l'avoir condamnée au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, qu'elle avait démissionné de son mandat d'administrateur par lettre du 20 septembre 2002 avec effet au 23 septembre 2002 ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les administrateurs ont été avisés des difficultés liées à l'absence d'outils fiables de gestion par les rapports des commissaires aux comptes établis les 10 juin 2002 et 6 juin 2003 ; que l'information financière jugée trompeuse figure dans des communiqués publiés, selon l'arrêt attaqué, les 15 avril 2002, 23 octobre 2002, 14 février 2003, 11 avril 2003, 27 octobre 2003, 29 décembre 2003 ; que les faits reprochés aux administrateurs, qui ont été appréciés globalement par la cour d'appel, étaient ainsi, pour l'essentiel, postérieurs à la démission de son mandat d'administrateur donnée par la société EPF Partners ; qu'en omettant néanmoins de s'expliquer spécialement sur l'imputabilité à la société EPF Partners de la carence et de la rétention d'informations financières défavorables qu'elle retenait à la charge des administrateurs de la société Y..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 225-252 du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'absence de sincérité des comptes, liée à l'adoption d'une méthode inadaptée dès le départ à la nature de l'activité de la société et étendue aux nombreuses entreprises rachetées chaque année, ne pouvait échapper au principal dirigeant, ni aux administrateurs avertis (MM. X..., Z... et la société EPF Partners), dont l'attention avait été attirée par les commissaires aux comptes sur le problème essentiel de la valorisation des encours ; qu'il relève que, conscients de l'absence de fiabilité des comptes présentés, M. Y... et les administrateurs de la société ont délibérément retenu les informations qui auraient été susceptibles de remettre en cause l'image de la société telle qu'elle se présentait au regard des comptes communiqués ; qu'il ajoute que s'il est vrai que M. Y... est seul à l'origine des communiqués de presse tronqués, les administrateurs, qui doivent débattre de toutes difficultés portées à leur connaissance, ce qui était le cas des réserves des commissaires aux comptes, ne sauraient arguer de ce qu'ils n'avaient pas connaissance du caractère trompeur tant des comptes que de ces communiqués ; que la cour d'appel a ainsi procédé à la recherche prétendument omise ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi n° M 08-21.547, pris en sa seconde branche, et le troisième moyen du pourvoi n° D 08-21.793, réunis :

Attendu que la société EPF Partners et MM. X..., Y... et Z... font encore grief à l'arrêt d'avoir déclaré fondées les demandes des actionnaires de la société, alors, selon le moyen :

1°/ que la responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions et qui lui soit imputable personnellement ; que la faute est séparable lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d'une gravité particulière incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales ; qu'en l'espèce, pour condamner la société EPF Partners et M. X... à indemniser les actionnaires de la société Y... de la perte de valeur de leurs titres, l'arrêt attaqué retient une carence des administrateurs à apprécier si la méthode de comptabilisation des travaux en cours était adaptée aux activités de la société Y... et si des outils de gestion fiables pouvaient être mis en place dans un délai raisonnable, ainsi que leur inaction face aux communiqués de presse trompeurs publiés par le président de la société Y... ; qu'en se déterminant par tels motifs, impropres à établir que la société EPF Partners et M. X... avaient commis intentionnellement des fautes d'une gravité particulière incompatibles avec l'exercice normal des fonctions sociales, la cour d'appel a violé les articles L. 225-251 et L. 225-252 du code de commerce ;

2°/ que la faute du dirigeant est séparable de ses fonctions et permet d'engager sa responsabilité personnelle lorsque celui-ci a intentionnellement commis une faute d'une gravité particulière incompatible avec l'exercice des fonctions sociales ; que la cour d'appel, qui a énoncé que la faute prétendument commise par les dirigeants sociaux était «intentionnelle », sans caractériser en quoi celle-ci était par ailleurs d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice des fonctions sociales, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-252, L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce ;

3° / qu'il était en l'espèce constant et non contesté que les réserves émises par les commissaires au comptes avaient fait l'objet, en application de l'article R. 232-11 du code de commerce, d'une publication régulière au BALO. tandis que celles-ci figuraient, à titre d'avertissement, en première page de tous les documents de référence de la société Y... ; qu'en retenant que le fait de ne pas avoir rappelé l'existence de ces réserves dans les communiqués rédigés à l'attention du marché, constituait une faute intentionnelle en ce que M. Y... et les administrateurs de la société auraient ainsi cherché à en dissimuler l'existence quand ces réserves étaient déjà connues ou, à tout le moins, accessibles au public par l'intermédiaire des documents de référence et des publications effectuées au BALO, ce dont il résultait qu'elles ne pouvaient plus être dissimulées, la cour d'appel a violé les articles L. 225-252, L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce ;

4°/ que MM. Y... et Z... avaient fait valoir, dans leurs conclusions d'appel respectives (cf. conclusions de M. Y..., p. 17-18 ; conclusions de M. Z..., p. 17 § 2 et 3), que si les réserves des commissaires aux comptes n'avaient pas été systématiquement rappelées dans chacun des communiqués rédigés à l'attention du marché, ces communiqués n'avaient pour autant fait état d'aucune information fallacieuse, les données y figurant ayant toujours été conformes à celles dont disposait alors la société Y... ; qu'en affirmant que ces communiqués étaient révélateurs d'une volonté de dissimulation et de tromperie constitutive d'une faute intentionnelle sans s'être seulement prononcée sur le point de savoir si les informations qui y figuraient étaient ou non exactes et correspondaient à la réalité des données dont disposait la société Y... au moment où ils avaient été rédigés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-252, L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce ;

5°/ que ne constitue pas une faute intentionnelle d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice des fonctions sociales, le fait d'avoir mis en place, sur une recommandation de la COB, une nouvelle méthode de comptabilisation du chiffre d'affaires dite « à l'avancement » alors que la société ne disposait pas des outils de gestion nécessaires à sa mise en oeuvre ; qu'en affirmant l'inverse, la cour d'appel a violé les articles L. 225-252, L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce ;

Mais attendu que la mise en oeuvre de la responsabilité des administrateurs et du directeur général à l'égard des actionnaires agissant en réparation du préjudice qu'ils ont personnellement subi n'est pas soumise à la condition que les fautes imputées à ces dirigeants soient intentionnelles, d'une particulière gravité et incompatibles avec l'exercice normal des fonctions sociales ; que le moyen, qui fait grief à la cour d'appel de ne pas avoir caractérisé de telles fautes, est inopérant ;

Mais sur la deuxième branche du quatrième moyen du pourvoi n° M 08-21.547 et la troisième branche du quatrième moyen du pourvoi n° D 08-21.793, réunis :

Vu l'article L. 225-252 du code de commerce ;

Attendu que celui qui acquiert ou conserve des titres émis par voie d'offre au public au vu d'informations inexactes, imprécises ou trompeuses sur la situation de la société émettrice perd seulement une chance d'investir ses capitaux dans un autre placement ou de renoncer à celui déjà réalisé ;

Attendu que l'arrêt retient que le préjudice des actionnaires de la société ne s'analyse pas en la perte d'une chance d'investir ailleurs leurs économies dès lors qu'il est, en réalité, au minimum de l'investissement réalisé ensuite des informations tronquées portées à leur connaissance ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en qu'il a déclaré M. A... et autres recevables en leurs demandes et mis hors de cause Mmes Anne et Cécile Y..., l'arrêt rendu le 6 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.