Cass. com., 8 septembre 2021, n° 19-13.526
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Vaissette
Avocat général :
Mme Henry
Avocats :
SAS Cabinet Colin - Stoclet, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gaschignard
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 janvier 2019), par un acte du 6 janvier 2010, M. [U] [V], Mme [B] [V] et Mme [E] [V] (les consorts [V]) ont cédé à la (SAS) société Solola, représentée par M. [J], les parts qu'ils détenaient dans la société Col Claudine. La société Solola a été mise en redressement puis liquidation judiciaires respectivement les 6 octobre 2010 et 24 février 2011. En novembre et décembre 2015, les consorts [V] ont, sur le fondement de l'article L. 225-251 du code de commerce, assigné en responsabilité la société Omnes capital, la société Quilvest France, M. [F], M. [X], M. [J], M. [W] et M. [N], afin d'obtenir leur condamnation solidaire au paiement de diverses sommes en réparation de préjudices matériels et moraux.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et septième branches, ci-après annexé
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa sixième branche
Enoncé du moyen
3. Les consorts [V] font grief à l'arrêt de dire leur action irrecevable pour défaut de préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers, alors « qu'en retenant que la perte de la rémunération que M. [V] aurait dû percevoir pour l'avenir au titre de la mission d'accompagnement non effectuée n'était pas un préjudice distinct de celui des autres créanciers, cependant que la réparation de ce préjudice était étrangère à la réparation d'une atteinte portée au gage commun des créanciers, la cour d'appel a violé les articles 1382, devenu 1240, du code civil et L. 225-251du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 225-251, L. 622-20 et L. 641-4, alinéa 3, du code de commerce :
4. La recevabilité d'une action en responsabilité personnelle engagée par un créancier contre les dirigeants d'une société en procédure collective, pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture, est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers résultant d'une faute du dirigeant séparable de ses fonctions.
5. Pour déclarer irrecevable l'action en responsabilité des consorts [V] contre les dirigeants de la société Solola en liquidation judiciaire, l'arrêt retient que le préjudice invoqué par M. [V], au titre des missions d'accompagnement non effectuées, n'est pas distinct de celui des autres créanciers.
6. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la perte, pour l'avenir, des rémunérations que M. [V] aurait pu percevoir au titre de la mission d'accompagnement d'une durée de douze mois, prévue par la convention de cession des parts sociales, ne constituait pas un préjudice dont la réparation était étrangère à la reconstitution du gage commun des créanciers et si elle n'échappait pas en conséquence au monopole d'action du liquidateur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il dit irrecevable pour défaut de préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers l'action en réparation formée par M. [U] [V] et de Mmes [B] et [E] [V] contre les dirigeants de la société Solola au titre de la perte des rémunérations des missions d'accompagnement non effectuées, l'arrêt rendu le 24 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.