Livv
Décisions

CA Nancy, 5e ch. com., 30 mars 2022, n° 21/00003

NANCY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Dagré (SARL)

Défendeur :

AD Ring (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Meunier

Conseillers :

M. Beaudier, M. Firon

T. com. Nancy, du 26 nov. 2020, n° 2019/…

26 novembre 2020

EXPOSÉ DU LITIGE

La S.A.R.L. Dagré, agence de communication, a confié des missions à la S.A.R.L. AD Ring (anciennement dénommé Rezau Est) ayant pour gérant M. H..

Se plaignant d'actes de concurrence déloyale à son encontre, la S.A.R.L. Dagré a sollicité par requête en date du 15 juin 2017 l'autorisation du Président du Tribunal de commerce de Nancy de faire procéder à des mesures de constat au siège social de la société Rezau Est. Par ordonnance du 23 juillet 2017, le Président du Tribunal de commerce a autorisé les mesures de constat.

Par exploit en date du 29 janvier 2019, la société Dagré a assigné la société Rezau Est devant le Tribunal de commerce de Nancy afin d'obtenir sa condamnation à l'indemniser des actes de concurrence déloyale.

Par jugement en date du 26 novembre 2020, le Tribunal de commerce de Nancy a :

- Déclaré la SARL Dagré mal fondée en ses demandes au titre de la concurrence déloyale.

- Débouté la SARL Dagré.

- Déclaré la SARL Dagré mal fondée en ses demandes de remboursement de frais pris en charge pour sa défense et de publication de la décision ;

- Condamné la SARL Dagré aux dépens de l'instance et à payer à la SAS Rezau Est la somme de 8000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Dagré a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique le 30 décembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 janvier 2022, la société Dagré demande à la Cour de :

Vu les dispositions de la loi du 2 et 17 mars 1791,

Vu notamment les dispositions des articles 1382 ancien et 1240 du Code civil,

Vu les jurisprudences citées,

Vu les pièces produites,

- Dire et juger son appel recevable et bien fondé.

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nancy du 26 novembre 2020 en toutes ses dispositions.

Et statuant à nouveau,

- Juger que la société AD Ring (anciennement dénommée Rezau Est) a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Dagré.

- Condamner en conséquence la société AD Ring (anciennement dénommé Rezau Est) à lui payer :

Une somme de 4 406 750 euros H.T (quatre millions quatre cent six mille sept cent cinquante euros) en principal, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 février 2018 au titre du préjudice financier subi par la société Dagré ;

Une somme de 150 000 euros (cent cinquante mille euros) en réparation du préjudice moral subi par la société Dagré, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 février 2018 ;

Une somme de 9 279,90 euros (neuf mille deux cent soixante-dix neuf euros et quatre vingt dix centimes) au titre du remboursement des différents frais pris en charge par la société Dagré pour la préparation de sa défense de ses intérêts dans le cadre de la présente procédure ;

- Autoriser la société Dagré à faire publier le dispositif de l'arrêt à intervenir dans trois journaux ou revues de son choix aux frais de la société AD Ring (anciennement dénommée Rezau Est) dans la limite de 5000 euros (cinq mille euros ) par insertion et l'y condamner ;

- Condamner la société AD Ring (anciennement dénommée Rezau Est) aux entiers dépens en ce compris les dépens relatifs à la requête aux fins d'autorisation des mesures de constat.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 1er février 2022, la société AD Ring anciennement dénommée Rezau Est (ci-après Rezau Est) demande à la Cour de :

- Confirmer le jugement entrepris ;

- Débouter la SARL Dagré de l'ensemble de ses demandes ;

- Écarter des débats les échanges confidentiels visés en pages 69-70 des présentes ;

- Condamner la SARL Dagré à payer à la SARL AD Ring la somme de 20 .000 euros au titre des dispositions de l'article 32-1 du Code de procédure civile.

- Condamner la SARL Dagré à payer à la SARL AD Ring la somme de 20 .000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 02 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société Rezau Est demande de voir écarter les échanges visés en annexe ou pièce 69 et 70 saisies à la demande de l'appelante sur autorisation du Président du Tribunal de commerce.

Ces mails étaient destinés à des personnes nommées et avaient un caractère privé mais rien ne permet d'en déduire le caractère confidentiel. Par ailleurs, le constat d'huissier ayant donné lieu à saisine de données a été dressé après autorisation accordée par le Président du Tribunal de commerce.

Il n'y pas lieu dans ces conditions de les retirer des débats.

Sur le fond,

Il sera rappelé au préalable que le principe de liberté du commerce et de l'industrie issu de la loi du 17 mars 1791 implique une libre concurrence et seuls les procédés contraires aux usages loyaux du commerce peuvent donner lieu à indemnisation parmi lesquels la concurrence déloyale. L'acte fautif constitutif de concurrence déloyale se définit comme tout acte contraire aux usages loyaux en matière industrielle et commerciale tels que le dénigrement, l'imitation ou le parasitisme, la captation de clientèle ou de salariés, susceptible d'entraîner la confusion ou la désorganisation de l'activité d'un concurrent.

L'action en concurrence déloyale, reposant sur une faute engageant la responsabilité civile quasi-délictuelle de son auteur au sens de l'article 1240 du code civil suppose l'accomplissement d'actes positifs et caractérisés dont la preuve, selon les dispositions de l'article 1315 du même code, incombe à celui qui s'en déclare victime. Une situation de concurrence directe ou effective entre les sociétés n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale, laquelle exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice, ce qui rend sans emport la discussion entre les parties sur l'existence ou pas d'une situation de concurrence entre elles.

La société Dagré reproche à la société Rezau Est des actes de concurrence déloyale en raison de démarchages entrepris auprès du client Ansell Healthcare Europe, de la transmission des informations à la société Rezau Est basée à Strasbourg ou l'utilisation des données pour lui permettre d'emporter des appels d'offres auxquels la société Dagré participait.

Afin d'examiner les faits dénoncés au titre de la concurrence déloyale, il convient au préalable de procéder au rappel factuel qui ressort des pièces versées et des déclarations des parties.

En 2011, la société de communication « You Agency » (ci-après agence You), basée à Londres, a remporté un contrat international avec le groupe Ansell, ayant son siège social en Australie, qui lui a confié la campagne média de sa marque de préservatifs dans plusieurs pays d'Europe, dont la France. L'agence You a mandaté l'agence Dagré, membre du réseau Tribe Global, en lui confiant selon l'attestation de son représentant, M. Nick M. en date du 21 décembre 2011, la gestion et la réservation des campagnes media offline et online en 2012 pour son client. La société Dagré va à son tour proposer à l'agence Rezau Est de lui confier pour cette campagne l'achat d'espaces publicitaires télévisés pour la diffusion de spots publicitaires entrant dans le cadre de la partie dite « média planning TV ». 

Cette intervention pour l'achat d'espaces publicitaires sera renouvelée de 2013 à 2015 étant observé qu'aucune campagne publicitaire n'a été opérée en 2016.

Pour se conformer aux dispositions de l'article 20 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, dite loi Sapin, la société Ansell et l'agence You ont signé à la demande de la société Dagré avec la société Rezau Est des mandats pour effectuer en son nom et auprès de l'ensemble des fournisseurs média la signature de la convention et avenants, la gestion et le contrôle de la facturation, la gestion et le suivi de l'opération pour les télévisions, les factures étant réglées par l'annonceur. Toutefois, les factures établies par la société Rezau Est étaient adressées à la société Dagré.

La part des travaux réalisés avec l'Agence Dagré s'établit selon l'attestation de l'expert-comptable de la société Rezau Est à 3, 53 % du chiffre d'affaires en 2012, 5,89 % en 2013, 0, 89 % en 2014 et 0,68 % en 2015.

La société Dagré va fin 2016 solliciter à nouveau pour la campagne publicitaire prévue en 2017 la société Rezau Est, laquelle lui transmettait une offre avec un budget pour son intervention média planning TV. La société Dagré découvrait finalement que la société Ansell allait travailler directement avec la société Rezau Est pour la communication média pour la France, l'agence You conservant la charge d'organiser la campagne publicitaire pour le reste de l'Europe.

La société Dagré a en outre confié à la société Rezau Est la mission de « média planning » dans le cadre d'un appel d'offres lancé par l'Eurométropole de Strasbourg puis l'a sollicitée comme partenaire pour les prestations « plan média » à l'occasion d'autres appels d'offre.

Sur la campagne publicitaire Ansell Healthcare Europe.

La société Dagré soutient qu'elle était liée à la société Rezau Est (devenue Ad Ring) par un mandat, de surcroît d'intérêt commun, dès lors que les deux sociétés avaient évidement un intérêt à faire prospérer les relations commerciales avec la société Ansell.

La société Rezau Est réplique qu'il n'existait aucun mandat entre les deux sociétés, ce d'autant que conformément aux dispositions de l'article 20 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et de la transparence de la vie économique et des procédures publiques, seul l'annonceur peut être le mandant. Elle fait valoir qu'elle a au contraire conclu des contrats de prestations de service de conseils avec la SARL Dagré s'analysant en contrats de louage d'ouvrage.

Aux termes de l'article 20 de la loi du 19 janvier 1993, « tout achat d'espace publicitaire ou de prestation ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur et dans le cadre d'un contrat écrit de mandat.

Ce contrat fixe les conditions de la rémunération du mandataire en détaillant, s'il y a lieu, les diverses prestations qui seront effectuées dans le cadre de ce contrat de mandat et le montant de leur rémunération respective. Il mentionne également les autres prestations rendues par l'intermédiaire en dehors du contrat de mandat et le montant global de leur rémunération.

Tout rabais ou avantage tarifaire de quelque nature que ce soit accordé par le vendeur doit figurer sur la facture délivrée à l'annonceur et ne peut être conservé en tout ou partie par l'intermédiaire qu'en vertu d'une stipulation expresse du contrat de mandat. Même si les achats mentionnés au premier alinéa ne sont pas payés directement par l'annonceur au vendeur, la facture est communiquée directement par ce dernier à l'annonceur.

En l'espèce, s'il n'est pas contesté qu'aucun contrat écrit n'a été signé entre les sociétés Rezau Est et la société Dagré, l'échange des messages entre les parties pour la période de 2011 à 2016 versés aux débats et le rappel factuel évoqué ci-dessus font toutefois ressortir que la société Rezau Est est intervenue à la demande de la société Dagré dans le cadre de campagnes lancées par le groupe Ansell par l'intermédiaire de l'agence You, lui adressait les factures correspondantes à ses interventions dont la rémunération était déterminée préalablement.

Il sera également relevé à l'examen des attestations de mandat que la société Rezau Est a signé un mandat avec l'agence You et en 2015 avec la société Ansell au regard des exigences posées par l'article 20 précité.

Par ailleurs, dans un message adressé le 09 mai 2012 à la société Dagré, M. H., représentant la société Rezau Est, reconnaissait l'existence de ce mandat en ces termes :

« Concernant la partie conseil en média planning, il est parfaitement clair que nous intervenons en marque blanche pour le compte de l'agence Dagré. Cette prestation de conseil étant incluse dans notre accord cadre. Lors de nos prestations de conseil, nous intervenons sous Dagré et pour le compte de l'agence Dagre. Il n'y a aucun souci ».

Les premiers juges ont pertinemment relevé que même si aucun contrat de sous-traitance n'a été formalisé, la société Rezau Est opérait en sous-traitance de l'agence You et de la société Dagré, puisqu'elle était sous mandataire de l'agence You et voyait sa rémunération définie par la société Dagré. La société Rezau Est opérait en conséquence dans le cadre du projet défini par la société Dagré, ce d'autant que celle-ci avait eu l'occasion de lui rappeler de ne pas avoir de lien direct avec l'annonceur.

La société Dagré fait cependant valoir à hauteur d'appel que les relations existant avec la société Rezau Est peuvent être qualifiées de mandat d'intérêt commun dès lors que les deux sociétés ouvraient à l'essor et le développement de la clientèle. Elle en déduit que la société Rezau Est était tenue d'une obligation de loyauté renforcée.

Le mandat d'intérêt commun se définit comme un mandat par lequel les parties ont un intérêt à l'essor de l'entreprise par création et développement de la clientèle, ce qui suppose la participation des deux parties aux projets et aux risques de l'opération. Or, les éléments produits ne permettent pas de retenir que la société Rezau Est exerçait son activité à ses risques ou périls ou partageait ses risques dès lors qu'elle délivrait des prestations dans un cadre précis défini par la société Dagré et ne pouvait ainsi être assimilé à un agent commercial.

De plus, la pratique contractuelle suivie par les parties ne caractérise pas de lien juridique entre la société Dagré et la société Ansell. Cet égard, M. D.-G., représentant la société Ansell devenu Lifestyles attestait le 8 juillet 2019 que « la société Dagré n'a jamais été contractant de la société Lifestyles (anciennement Ansell), que l'agence You n'a jamais présenté l'agence Dagré à la société Lyfestyles ». Il en résulte que l'agence You était mandataire de la société Ansell, la société Dagré était sous mandataire de l'agence You et a également donné mandat à la société Rezau Est, également sous mandataire de la société You pour se conformer aux dispositions de la loi dite loi Sapin.

Il résulte également des pièces versées aux débats que l'acceptation par la société Rezau Est d'un nouvel engagement était chaque fois précédé d'échanges avec la société Dagré sur les conditions de collaboration et le pourcentage de rémunération. Les mandats étaient signés chaque année entre You et la société Rezau Est et en 2015 avec la société Ansell selon pièces versées aux débats.

Or, si l'intervention s'est poursuivie de 2012 à 2015, il ne peut en être déduit, alors que les conditions et propositions étaient chaque année discutée que la société Rezau Est se trouvait ainsi liée pour une durée indéterminée, étant observé qu'il n'y a pas eu de campagne publicitaire en 2016. Les échanges de message entre les parties révèlent par ailleurs qu'elles étaient encore au stade de de négociations et propositions en 2017.

Pour autant, la société Dagré reproche à la société Rezau Est d'avoir commis une faute en ne l'informant pas de ce qu'elle était en relation avec la société Ansell et d'avoir formulé parallèlement une proposition dans le cadre de la campagne tout en développant son propre projet.

Le Tribunal a pertinemment relevé à cet égard que s'il peut être effectivement reproché à la société Rezau Est de ne pas avoir informé la société Dagré, aucune clause ni légale ni contractuelle ne l'empêchait de répondre aux sollicitations de la société Ansell. Eu égard à l'absence de contrat écrit et la très faible part de travaux réalisés à la demande de la société Dagré dans le chiffre d'affaires de la société Rezau Est, celle-ci n'était liée par aucune clause d'exclusivité ou de non-concurrence.

De plus, les faits reprochés ne peuvent caractériser un comportement constitutif de concurrence déloyale si l'activité développée n'a pas été accompagnée de manœuvres destinées à détourner irrégulièrement la clientèle. En effet, le manquement à l'obligation de loyauté sur le « terrain » contractuel n'emporte pas nécessairement déloyauté sur le « terrain » délictuel recherché.

Or, aucune pièce ne démontre à cet égard que la société Rezau Est aurait réalisé un démarchage ciblé et systématique auprès de la société Ansell. Aucune pièce ne démontre par ailleurs que la société Rezau Est aurait capté le client Ansell en modifiant les prestations effectuées et les prix pratiqués sur le marché, et l'aurait ainsi déterminé à la choisir au détriment de l'agence You et consécutivement de la société Dagré. En effet, la société Rezau Est justifie que sa rémunération n'a pas varié et est toujours comprise entre 3,5 et 4 du montant de l'achat de l'espace selon facture établi le 31 mars 2017. Par message du 25 octobre 2016, la société Rezau Est communiquait à cet égard à Monsieur D. G. deux hypothèses de média planning fixant ses honoraires à 4 % du montant net de l'achat d'espace.

En réplique, la société Rezau Est produit une attestation établie par M. D.-G. de la société Ansell Healthcare Europe (devenue Lifestyles) dont il ressort qu'elle n'a effectué aucun démarchage commercial auprès d'elle ; que c'est Lifestyles qui a demandé directement à Rezau Est un devis pour la prestation de média-planning en novembre 2016 pour une campagne prévue en 2017. Au regard des conditions tarifaires et de transparence, le choix s'est porté pour Rezau Est pour une durée d'un an, l'agence You conservant le reste du marché européen.

Il ressort également des pièces versées par la société Dagré que la société Ansell a décidé de suivre une recommandation faite par sa propre équipe française de marketing d'organiser sa campagne publicitaire directement avec la société Rezau Est et ce dans un souci d'optimiser les coûts, de gagner en transparence et réactivité.

Dès lors, alors que la société Dagré échoue à rapporter la preuve attendue, le seul fait que la société Ansell se soit engagée avec Rezau Est pour l'année 2017, ce qui est établi par les pièces du dossier, résulte d'une libre concurrence en l'absence de démonstration de procédés de détournement de clientèle.

En conséquence de ce qui précède, c'est à juste titre que le Tribunal de commerce a estimé que la société Dagré ne rapportait pas la preuve des faits de concurrence déloyale et l'a déboutée de ses chefs de demande.

Sur les appels d'offres Carola, LGV ; Eurométropole, Hager.

La société Dagré se prévaut de ce que la société Rezau Est aurait bénéficié d'informations dans le cadre de la préparation des appels d'offres auxquels elle participait, ce qui lui aurait ainsi permis d'informer la société Rezau Est Strasbourg ou concourir elle-même pour remporter les marchés en ses lieu et place.

Les premiers juges doivent en premier lieu être approuvés en ce qu'ils ont retenu que les deux sociétés de marque Rezau de Nancy (anciennement dénommé Rezau Est Nancy) et de Strasbourg (anciennement dénommée Rezau Est Strasbourg) ont des relations privilégiées consécutives à leur appartenance au même 'réseau' et que les dirigeants de ces deux structures, bien qu'indépendantes, ont des liens privilégiés.

Pour autant, le simple fait que la société Rezau Est Strasbourg ait été avec la société Citeasen attributaire de marchés pour l'appel d'offres « Carola » alors qu'elle se trouvait en compétition avec la société Dagré pour leur obtention, ne permet aucunement de caractériser la commission d'actes déloyaux commis par la société Rezau Est Nancy dès lors qu'avant même l'appel d'offres, elles exerçaient toutes deux une activité concurrente sur la partie média planning. De même, la circonstance pour la société Rezau Est Nancy d'avoir été liée pour l'appel d'offre Carola pour la part « média planning » à la société Dagré, n'interdit nullement à la société Rezau Est Strasbourg de concourir avec une autre agence pour répondre aux appels d'offres émis, sauf à méconnaître le principe de la liberté du commerce et de l'industrie.

S'agissant des quatre appels d'offres, la Cour fait siens les motifs pertinents exposés par les premiers juges pour exclure en l'occurrence toute commission d'actes de concurrence déloyale de la part de l'intimée, chacun des appels d'offre s'inscrivant dans le cadre d'une mise en compétition et l'appelante n'ayant pas fait de recours contre les décisions d'attribution de ceux-ci, étant observé qu'aucune des offres n'a pu être communiquée à la Cour pour lui permettre de cerner le contenu des informations privilégiées prétendument transmises à des sociétés concurrentes.

Il sera relevé avec l'intimée à l'examen du document intitulé « Brief de communication 2014 » que la société Carola a lancé deux consultations : une consultation pour la partie création et une consultation pour la partie achat média, le plan média étant dans un second temps « mis en compétition entre l'agence de communication sélectionnée et deux autres agences média ».

Pour la partie création étaient en concurrence les agences Dagré, Citeasen et Novembre et pour la partie achat média les sociétés AD Ring (anciennement Rezau Est Nancy), Periscom (anciennement Rezau Est Strasbourg) et My Média.

L'appel d'offre « Carola » pour la partie création a été de surcroît remporté par la société Citeasen et non par la société Rezau seule. Or, selon les explications données en réponse à une interrogation de la société Dagré, M. H. indiquait par courriel le 27 octobre 2014 que « lors de la consultation, il était précisé que c'était l'agence My Média qui devait réaliser l'achat d'espace publicitaire. Les agences devaient proposer une orientation de média planning. Rezau Est Nancy a réalisé cette orientation de média planning et Rezau Est Alsace a réalisé cette orientation pour Citeasen. Les dossiers sont hermétiques et l'orientation du média planning n'était pas un facteur déterminant dans le choix de l'agence créa. Isabelle (Rezau Est Strasbourg) a été mise en compétition face à My Média pour la stratégie AE. Nous avons gagné face à My Média ».

Mme P. attestait sur ce point le 30 juin 2019 que « les agences sélectionnées par Carola (Dagré, Novembre, Vé et Citeasen) devaient présenter un concept de communication et une orientation média qui serait alors challengée avec l'agence média de Wattwiller (autre marque du groupe) et une autre agence média non mentionnée su stade du brief. Après la présentation il y eu un deuxième round entre Citeasen et Novembre. Citeasen a été retenue car leur stratégie créative était différenciatrice/ autres concepts. Rezau Est a été mise en compétition avec l'agence média de Wattwiller et l'a remporté. Il n'y pas de mandat tripartite, l'agence Citeasen n'étant jamais intervenue dans la stratégie et les achats média ».

La société Dagré reproche encore à M. H. d'avoir concouru avec une autre agence alors qu'il était intégré au projet portant sur le développement économique de l'Eurométropole, d'avoir facilité sans prévenir son mandant de la participation de Rezau Est Strasbourg avec la société Welcome Byzance à l'appel d'offres lié à une campagne portant sur le TGV puis sur le projet Hager en lien avec Rezau Est Nancy comme en attestent les échanges entre les deux sociétés sur ce projet le 14 décembre 2016 mis en évidence par le procès-verbal de constat dressé par huissier de justice.

Il s'évince des pièces versées que la société Rezau Est ne s'était pas engagée à réserver une exclusivité à l'égard de la société Dagré. Dans un courriel adressé le 17 mars 2015, M. H. précisait que « concernant l'exclusivité de leur collaboration (laquelle incluait Mme P. interlocutrice sur des nouveaux dossiers), « nous travaillons avec d'autres agences de communication sur le Grand Est. Nous ne pouvons pas rompre nos relations avec ces partenaires Nous resterons intègres dans la gestion des dossiers et il se peut que nous ne puissions pas vous accompagner sur certains dossiers en raison d'un historique de collaboration ou d'une sollicitation en amont d'une autre agence. Les cas sont rares mais nous préférons évoquer ce point ».

Répondant à une interrogation de la société Dagré sur une possible exclusivité en cas de réponse commune à un appel d'offres, M. H. indiquait à nouveau par courriel en date du 70 septembre 2016 que « on ne peut pas sur nos deux structures proposés l'exclusivité de rezau est à l'agence Dagré. Après on peut entendre certaine chose mais il faut anticiper. Si je reprends le dossier Hager ; Isabelle (Rezau est Strasbourg) était briffée bien avant que je sois briffé. Donc il faut anticiper quand vous allez sur une compétition et pas nous demander l'exclusivité 10 jours avant la réponse ».

Aucune exclusivité n'a en conséquence été conclue s'agissant du dossier « Hager » pas plus que pour les autres appels d'offres entre la société Dagré et la société Rezau Est. Les décisions d'attribution des appels d'offres prennent par ailleurs en compte les écarts de prix entre les offres proposées ainsi que les qualifications et la valeur techniques de celles-ci et ne donnent pas lieu automatiquement à attribution à celui qui l'avait emporté antérieurement.

En l'espèce, et au-delà de simples affirmations ou déductions non-corroborées basées sur le liens pouvant exister entre les sociétés du fait de leur appartenance à l'enseigne Rezau ou d'une attestation non conforme établie par M. E. dénonçant les méthodes générales de l'intimée, la société Dagré ne justifie aucunement de la transmission d'information à ses concurrents par l'agence Rezau Est Nancy alors, qu'ainsi qu'il a été ci-dessus rappelé, les marchés étaient soumis à des procédures d'appel d'offres et que rien ne permet, par ailleurs, de démontrer que la société Rezau Est se soit servi des informations qu'elle détenait de par ses fonctions auprès de l'appelante pour les divulguer à Rezau Est Strasbourg.

Dès lors que la preuve d'actes de concurrence déloyale n'est pas rapportée, il n'y a pas lieu de rechercher si la société Dagré a subi un préjudice et celle-ci doit être déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral, de remboursement des frais d'experts ainsi que de sa demande de publication.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de débouter la société Dragé de l'ensemble de ses demandes.

Sur les autres demandes,

Selon l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

L'intimée expose que l'action est abusive et a entrainé de par la saisine de documents confidentiels la désorganisation de la société, ce qui justifierait l'allocation de 20.000 euros de dommages et intérêts.

Le droit d'exercer une action en justice ou une voie de recours ne dégénère en abus que s'il révèle de la part de son auteur une intention maligne, une erreur grossière ou une légèreté blâmable dans l'appréciation de ses droits.

Tel n'est pas le cas en l'espèce, un abus du droit d'agir ne pouvant se déduire de l'échec de l'action engagée ou de la saisine de données autorisée par décision du Tribunal de commerce.

Il convient, en conséquence, de débouter la société Rezau Est de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre.

La société Dagré succombant sera condamnée aux dépens et à verser à la société Rezau Est (devenue Ad Ring) la somme de 7000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, les dispositions du jugement sur les dépens et frais irrépétibles étant confirmées. Elle sera également déboutée de ses demandes formées de ce chef à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile.

Dit n'y avoir lieu à écarter les pièces 69 et 70 transmises par la SARL Dagré ;

Confirme le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nancy le 26 novembre 2020 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la SARL Dagré à verser à la SARL Ad Ring (anciennement Rezau Est) la somme de 7000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la SARL Dagré aux dépens d'appel ;

Déboute les parties de toute autre demande.

Le présent arrêt a été signé par Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de la cinquième chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Mégane LEGARDINIER, Greffière placée à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE,

Minute en neuf pages.

Décision(s) antérieure(s)

Tribunal de Commerce NANCY 26 novembre 2020 2019/1474