Livv
Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 28 mars 2022, n° 19/04135

COLMAR

PARTIES

Demandeur :

Cocktalis AG (SA), Cocktalis International (SARL)

Défendeur :

Cocktail Express (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Panetta

Conseillers :

M. Roublot, Mme Robert-Nicoud

CA Colmar n° 19/04135

28 mars 2022

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société COCKTALIS INTERNATIONAL a pour activité l'achat, la vente et la distribution de tout type de boissons alcoolisées et non alcoolisées. Son partenaire commercial, la société COCKTALIS AG, a pour activité la distribution de boissons auprès des bars et restaurants.

Le 10 février 2014, la société COCKTALIS AG a procédé au dépôt de la marque verbale française "PEKIN EXPRESS" sous le n°144067295 pour désigner des produits des classes :

- 32 cocktails sans alcool.

- 33 cocktails alcoolisés.

Par un contrat de licence de marque en date du 30 mars 2015, la société COCKTALIS AG confiait l'exploitation de cette marque à la société COCKTALIS INTERNATIONAL et ce de manière exclusive.

La société COCKTAIL EXPRESS, spécialisée dans la fabrication et la distribution de bases de préparation de cocktails, a également procédé au dépôt de la marque verbale française "PEKIN EXPRESS" le 16 avril 2014. Cette marque enregistrée sous le n° 144084768 désigne notamment des produits des classes :

- 32 : boissons à base de fruits et jus de fruits, sirops et autres préparations pour faire des boissons, apéritif sans alcool.

- 33 : boissons alcoolisées.

Estimant dès lors être victime d'une contrefaçon de sa marque, la société COCKTALIS AG a mis en demeure la société COCKTAIL EXPRESS par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 mars 2015.

N'ayant pas reçu de réponse satisfaisante, les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL ont assigné la société COCKTAIL EXPRESS devant le Tribunal de grande instance de STRASBOURG par acte introductif d'instance en date du 03 août 2015.

Par jugement du 04 juillet 2019, le Tribunal de grande instance de STRASBOURG a annulé la marque n° 144067295 déposée par la société COCKTALIS AG, a rejeté l'action en contrefaçon formée par la société COCKTALIS AG et la société COCKTALIS INTERNATIONAL à l'encontre de la société COCKTAIL EXPRESS, a rejeté l'action en concurrence déloyale formée par la société COCKTALIS AG et la société COCKTALIS INTERNATIONAL à l'encontre de la société COCKTAIL EXPRESS, a dit et jugé que la société COCKTALIS AG et la société COCKTALIS INTERNATIONAL ont commis des fautes au préjudice de la société COCKTAIL EXPRESS, a condamné la société COCKTALIS AG à verser à la société COCKTAIL EXPRESS la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts, a condamné la société COCKTALIS INTERNATIONAL à verser à la société COCKTAIL EXPRESS la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts, a dit et jugé que la société COCKTALIS AG et la société COCKTALIS INTERNATIONAL ont abusé de leur droit d'agir en justice à l'encontre de la société COCKTAIL EXPRESS, a condamné la société COCKTALIS AG à verser à la société COCKTAIL EXPRESS la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts, a condamné la société COCKTALIS INTERNATIONAL à verser à la société COCKTAIL EXPRESS la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts, a rejeté l'intégralité des demandes de publication, a condamné la société COCKTALIS AG et la société COCKTALIS INTERNATIONAL aux entiers frais et dépens de la procédure, a condamné la société COCKTALIS AG et la société COCKTALIS INTERNATIONAL à verser à la société COCKTAIL EXPRESS la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du CPC, a ordonné l'exécution provisoire, a rejeté les autres demandes.

Par déclaration faite au greffe le 12 septembre 2019, les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL ont interjeté appel de cette décision.

Par déclaration faite au greffe le 19 septembre 2019, la société COCKTAIL EXPRESS s'est constituée intimée.

Par leurs dernières conclusions du 28 mai 2020, auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL demandent à la Cour de dire la société COCKTAIL EXPRESS irrecevable, à défaut mal fondée, en son appel incident, de débouter la société COCKTAIL EXPRESS de son appel incident, de dire les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL recevables et bien fondées en leur appel, y faisant droit, d'infirmer le jugement du 04 juillet 2019 en toutes ses dispositions, en conséquence, de dire et juger que la société COCKTAIL EXPRESS a commis des actes de contrefaçon, de dire et juger que la société COCKTAIL EXPRESS a commis des actes de concurrence déloyale par parasitisme au détriment de la société COCKTALIS INTERNATIONAL, en conséquence, de condamner la société COCKTAIL EXPRESS à verser à la société COCKTALIS AG la somme de 30 000 euros à titre de dommage et intérêts pour atteinte aux droits de marque, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, de condamner la société COCKTAIL EXPRESS à verser à la société COCKTALIS INTERNATIONAL la somme de 30 000 euros à titre de réparation du dommage propre subi en sa qualité de licenciée exclusive augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, de condamner la société COCKTAIL EXPRESS à verser à la société COCKTALIS INTERNATIONAL la somme de 25 000 euros à titre de réparation du préjudice économique subi du fait des actes de concurrence déloyale par parasitisme augmentée des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, de condamner la société COCKTAIL EXPRESS à titre de dommages et intérêts complémentaires à insérer sur la page d'accueil de son site internet un extrait du jugement à intervenir pendant un délai de 3 mois à compter de la signification du jugement à intervenir, de prononcer l'annulation de l'enregistrement de marque, de dire que le jugement à intervenir pourra être inscrit auprès du registre national des marques à l'initiative de la société COCKTALIS AG ou de la société COCKTALIS INTERNATIONAL et aux frais de la société COCKTAIL EXPRESS, de faire interdiction à la société COCKTAIL EXPRESS d'utiliser ou de continuer à utiliser la dénomination PEKIN EXPRESS pour désigner des boissons alcoolisées ou non alcoolisées ainsi que le visuel représentant un verre sur une table sur fond de plage et de mer tel que décrit dans l'exposé des motifs, ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, de débouter l'intimée de l'ensemble de ses fins et conclusions, de condamner la société COCKTAIL EXPRESS aux entiers frais et dépens des deux instances comprenant les frais d'établissement du constat d'huissier établi le 31 mars 2014 d'un montant de 356,36 euros.

Au soutien de ses prétentions, les sociétés appelantes affirment, sur l'annulation de la marque COCKTAIL EXPRESS déposée par la société COCKTALIS AG, sur l'usage antérieur, que l'usage antérieur indépendamment de tout dépôt est inopérant, que les sociétés COCKTALIS n'ont eu aucun moyen de prendre connaissance du projet de leur concurrent ni de son état d'avancement avant l'été 2013.

Sur la prétendue faute, les sociétés appelantes font valoir que les sociétés COCKTALIS n'étaient pas présentes sur le marché nord-africain et qu'elles n'ont eu de ce fait aucun moyen de prendre connaissance de l'utilisation non autorisée faite au Maroc de leur nom et dénomination.

Sur la prétendue intention de nuire, les sociétés appelantes soutiennent qu'elles n'ont généré aucun préjudice ou trouble pour la société COCKTAIL EXPRESS, qu'en matière de nom de domaine seul l'usage effectif du nom réservé est susceptible d'avoir des conséquences, que la simple réservation n'est qu'une démarche administrative qui en génère aucun droit tant que le nom n'a pas fait l'objet d'un usage public, qu'il ne saurait être considéré que les réservations reprochées à la société COCKTALIS INTERNATIONAL puissent être assimilées à un acte d'appropriation, que la fraude n'est donc pas établie et de ce fait, il n'y a pas lieu de prononcer l'annulation de la marque déposée par la société COCKTALIS AG.

Sur la contrefaçon de marque, les sociétés appelantes font valoir que selon les articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, le dépôt postérieur effectué par la société COCKTAIL EXPRESS d'un signe exactement identique pour désigner des produits identiques à ceux couverts par la marque antérieure de la société COCKTALIS AG exploitée sous licence exclusive par la société COCKTALIS INTERNATIONAL constitue un acte d'appropriation illicite d'un signe non disponible et une contrefaçon de marque, que la société COCKTALIS INTERNATIONAL est fondée à solliciter réparation du préjudice propre qu'elle subit du fait de l'utilisation même simplement projetée d'une marque sur laquelle elle bénéficie d'un droit exclusif d'exploitation.

Sur la concurrence déloyale, les sociétés appelantes soutiennent que, la société COCKTAIL EXPRESS a repris un visuel caractéristique figurant sur les cartes de cocktails de son concurrent en modifiant la couleur du cocktail et en inversant le cliché, que la société COCKTAIL EXPRESS a profité indûment et sans bourse déliée de l'image de marque de la société COCKTALIS INTERNATIONAL et des investissements promotionnels qu'elle a réalisés, que la société COCKTAIL EXPRESS ne conteste pas que les visuels de son concurrent aient été usurpés, que le fait que la société COCKTAIL EXPRESS ait procédé à peine deux mois après la société COCKTALIS INTERNATIONAL au dépôt de la même marque n'est pas anodin dans la mesure où dans l'intervalle, elle a embauché un salarié de la société COCKTALIS INTERNATIONAL qui venait d'être licencié pour abandon de poste.

Sur les demandes, les sociétés appelantes affirment devoir bénéficier de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 716-14 du CPI pour atteinte aux droits de marque, que des dommages et intérêts existent du fait du dommage propre subi par la société COCKTALIS INTERNATIONAL et des actes de concurrence déloyale par parasitisme, que la marque postérieure doit être annulée, que des mesures d'interdiction doivent être prises.

Par ses dernières conclusions du 03 mars 2020 auxquelles était joint le bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la société COCKTAIL EXPRESS demande de déclarer les sociétés appelantes irrecevables en tout cas mal fondées en leur appel, en conséquence, de le rejeter, de confirmer le jugement du 04 juillet 2019, sur l'appel incident, de constater la nullité de la marque française verbale "PEKIN EXPRESS" par la société COCKTALIS AG ou à titre subsidiaire d'ordonner le transfert de la marque, d'infirmer le jugement sur les dommages et intérêts réclamés par la société COCKTAIL EXPRESS, statuant à nouveau, de condamner les sociétés appelantes à lui payer respectivement la somme de 45 000 euros de dommages et intérêts, de condamner les sociétés appelantes à payer chacune une amende civile de 3 000 euros au titre de l'abus de droit et à lui verser chacune 15 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'abus de droit, d'autoriser la publication de l'arrêt au choix de la société COCKTAIL EXPRESS et aux frais des sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL dans 3 journaux de son choix sans que chaque insertion ne puisse excéder la somme de 4 500 euros HT, d'ordonner la publication aux frais des sociétés appelantes sur la page d'accueil du site internet, page facebook de la société COCKTAIL EXPRESS pendant une durée de deux mois à compter de sa première mise en ligne et ce dans un délai de 48 heures à compter de la signification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros, de dire et juger qu'il sera procédé à cette publication en partie supérieure de la page d'accueil sous conditions de forme, de débouter les sociétés appelantes de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, de condamner les sociétés appelantes à lui payer la somme de 25 000 euros par application de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers frais et dépens des deux instances.

Au soutien de ses prétentions, la société intimée affirme, sur la supposée contrefaçon de marque, que c'est elle qui s'est fait déposséder de sa marque, qu'elle a exploité la dénomination "PEKIN EXPRESS" dès la rentrée 2012 et a entrepris la commercialisation du produit en septembre 2013 alors que le dépôt de la marque "PEKIN EXPRESS" par la société COCKTALIS AG a eu lieu le 10 février 2014, qu'il s'agit d'un dépôt frauduleux d'autant qu'à ce jour aucun produit commercialisé au nom et pour le compte de COCKTALIS ne porte le nom de "PEKIN EXPRESS", qu'il est étrange que les sociétés appelantes n'aient pas jugé bon de protéger le nom "PEKIN EXPRESS" à titre de marque avant 2014 alors même qu'elles auraient choisi cette dénomination dès 2013, qu'il existe des doutes sérieux sur l'authenticité des emails produits, que les sociétés appelantes n'apportent aucune preuve des étapes de création de la marque, que le salarié licencié n'a pas eu connaissance de ce projet chez ses anciens employeurs, que les fonctions de l'ancien employé n'implique pas qu'il ait eu connaissance du projet, que l'ancien salarié était soumis à une obligation de confidentialité, qu'à la date du dépôt de marque les sociétés appelantes n'avaient aucun cocktail "asiatique" à commercialiser sous le nom "PEKIN EXPRESS" et n'avaient même pas entamé de préparatifs sérieux de commercialisation, que les sociétés appelantes ont réservé des noms de domaine correspondant au nom commercial de leur concurrent afin de les empêcher de les utiliser à l'avenir, que la volonté de nuire des sociétés appelantes est évidente, que ce sont les sociétés appelantes qui se sont rapprochées de l'empreinte identitaire de la société intimée avec le logo.

Sur les demandes reconventionnelles, la société intimée fait valoir que le comportement des sociétés appelantes est répréhensible, qu'elle sollicite la nullité de la marque au regard de l'adage FRAUS OMNIA CORRUMPIT, qu'il existe un dépôt frauduleux et une mauvaise foi du déposant au moment du dépôt, que s'il n'y a pas de nullité, la marque devra être transférée.

Sur la supposée concurrence déloyale, la société intimée soutient que les sociétés appelantes n'établissent pas avoir une réputation établie.

Sur les demandes indemnitaires, la société intimée fait valoir que si la contrefaçon de marque de la société COCKTALIS AG était constituée le montant du préjudice requis ne pourrait être que purement symbolique, que la société intimée ne peut être condamnée pour une faute qu'elle n'a pas commise.

Sur le préjudice subi, la société intimée soutient qu'elle a indubitablement subi un préjudice, que le préjudice est prouvé et même reconnu par les sociétés appelantes, qu'il existe un abus de droit au sens de l'article 32-1 du CPC.

Sur la réponse aux conclusions adverses, la société intimée affirme que les sociétés appelantes tentent de complexifier le dossier en tentant de faire croire à une supposée déloyauté de la défenderesse, que les pièces fournies n'ont rien à voir avec le présent litige.

La Cour se référera aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 07 juillet 2021.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 15 Septembre 2021.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande en nullité de la marque enregistrée par la société COCKTALIS AG :

Le tribunal de grande instance de Strasbourg a jugé que les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL ont commis des fautes au préjudice de la société COCKTAIL EXPRESS et les a condamnées chacune à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL concluent à l'infirmation du jugement en ce qu'il annule la marque n° 144067295 déposée par la société COCKTALIS AG.

Les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL soutiennent que l'usage d'un signe indépendamment de tout dépôt ne confère aucun droit, seul le dépôt suivi d'enregistrement permet de constituer un droit de marque.

Elles arguent que ce principe ne souffre que de trois exceptions le premier étant celui du droit acquis sous le régime antérieurement en vigueur mais ne concerne pas le cas d'espèce.

Le second correspond au cas de la marque notoirement connue telle que visée à l'article L. 711-4 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle mais que, selon les appelantes, la société COCKTAIL EXPRESS n'aurait commencé à faire usage public, sous toute réserve, de la dénomination PEKIN EXPRESS qu'à partir du mois de septembre 2013 et encore de manière très discrète par la commercialisation de quelques échantillons à titre de test.

La troisième exception, posée par l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle, correspond à l'enregistrement demandé en fraude des droits d'un tiers, ou en violation d'une obligation légale ou conventionnelle. Les appelantes arguent que la fraude suppose que soit démontrée une faute à la charge de celui à qui on l'oppose, que la société COCKTAIL EXPRESS doit être en mesure de démontrer que son concurrent avait une connaissance certaine de l'existence de l'usage de la dénomination non déposée au moment où il a commencé à en faire usage avant de la déposer, et que cette preuve fait totalement défaut, qu'aucun élément ne vient étayer le grief de fraude, en établissant que les sociétés COCKTALIS aient pu bénéficier de manière indue d'informations confidentielles sur les projets en cours de développement chez leur concurrent. Elles arguent également qu'il ressort des pièces versées aux débats que la société COCKTAIL EXPRESS a commencé à travailler sur un projet de cocktail asiatique au mois de novembre 2012, qu'elle qualifie son nouveau cocktail de PEKIN EXPRESS dès le début de l'été 2013, que les sociétés COCKTALIS n'ont donc eu aucun moyen de prendre connaissance du projet de leur concurrent, ni de son état d'avancement avant cette date.

La société COCKTAIL EXPRESS soutient qu'elle est fondée à agir sur le fondement de l'adage "fraus omnia corrumpit" même en l'absence de droit antérieur, qu'afin d'appliquer cet adage, deux conditions doivent être réunies à savoir l'existence d'un dépôt frauduleux et la mauvaise foi du déposant au moment du dépôt.

S'agissant du caractère frauduleux du dépôt, l'intimée soutient que les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL ne justifient à aucun moment d'un quelconque usage du nom "PEKIN EXPRESS" ce qui souligne bien le fait qu'elles ont décidé de déposer ce nom dans le seul but de l'opposer à la société COCKTAIL EXPRESS. Elle argue alors que doit être considéré comme frauduleux, le dépôt d'une marque dans le seul but de l'opposer à un opérateur économique et d'en tirer profit par exemple en empêchant un concurrent de commercialiser un produit ce qui est, selon elle, le cas en l'espèce.

S'agissant de la mauvaise foi du déposant, elle soutient que les appelantes ne peuvent pas ignorer l'existence de la commercialisation de la marque "PEKIN EXPRESS" et elle appuie son propos par un arrêt de la cour de cassation (Cass. Com., 3 février 2015, n° 13-18.025) dans lequel elle argue qu'il a été jugé que les circonstances postérieures au dépôt mais révélatrices de la mauvaise foi du déposant à la date du dépôt doivent être prises en compte dans l'appréciation de la fraude, qu'ainsi l'absence d'exploitation de la marque déposée constitue un facteur pertinent pour déterminer la véritable intention du déposant lors du dépôt.

La société COCKTAIL EXPRESS soutient qu'elle a fait un usage constant de la dénomination "PEKIN EXPRESS" dès octobre 2012 pour désigner son nouveau cocktail "asiatique".

En effet, elle démontre en produisant les pièces en annexes n° 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16 et 17, qu'elle en a fait usage aussi bien dans ses correspondances avec ses fournisseurs qu'avec ses clients, qu'elle a entrepris la commercialisation du produit "PEKIN EXPRESS" en septembre 2013 et n'a eu de cesse depuis de commercialiser le produit, que la société COCKTALIS AG n'a déposé la marque PEKIN EXPRESS que le 10 février 2014 et la lecture des pièces confirme que son argumentation est bien fondée.

En effet, dès le mois de novembre 2012, l'étiquette "PEKIN EXPRESS" était collée sur les bouteilles dont ainsi une publicité à l'utilisation de ces termes et les sociétés COCKTALIS ne pouvaient pas ignorer la commercialisation de ce nouveau produit présenté sur des cartes de cocktails placées à la vue de tous sur les tables des restaurants asiatiques démarchés par leurs propres agents commerciaux, que par ailleurs Monsieur Pascal P., responsable Grands Comptes chez COCKTALIS INTERNATIONAL s'est fait passer en avril 2011 pour un agent cherchant à travailler avec la société COCKTAIL EXPRESS, qu'il s'est vu remettre 13 bouteilles pour une valeur totale de 263 € HT comme en témoigne la pièce annexe n° 59 qu'elle verse aux débats.

Ainsi, l'intimée argue qu'en déposant une marque qu'elle savait pertinemment être déjà exploitée par elle, la société COCKTALIS AG a cherché à s'approprier un bien ne lui appartenant pas alors qu'à ce jour elle n'a commercialisé aucun produit au nom et pour le compte de COCKTALIS se nommant "PEKIN EXPRESS".

La société COCKTAIL EXPRESS fait valoir que la marque française "PEKIN EXPRESS" a été déposée par la société COCKTALIS AG dans le seul but de l'empêcher de poursuivre sa commercialisation, que si la nullité de la marque n'était pas prononcée, il convient de prononcer le transfert de la marque n° 14 4 067 295 à la société COCKTAIL EXPRESS en application de l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle, qu'en tout état de cause la société COCKTAIL EXPRESS n'a commis aucun acte de contrefaçon à l'égard des sociétés COCKTALIS.

La société COCKTAIL EXPRESS soutient qu'il existe des doutes sur l'authenticité des pièces annexes n° 16 à 21 versées aux débats par les sociétés COCKTALIS, qu'effectivement il n'y a toujours pas de produit "PEKIN EXPRESS" commercialisé par COCKTALIS après pourtant 7 ans entre le soi-disant lancement du projet et aujourd'hui, que les niveaux de citation sur les courriers électroniques semblent avoir été modifiés comme sur les pièces n° 17 et n° 18 versées aux débats par les sociétés COCKTALIS, que tous les courriers électroniques fournis ont préalablement fait l'objet d'un transfert qui permet plus facilement leur modification, que la pièce annexe n° 20 versée aux débats par les sociétés COCKTALIS date du 17 février 2014 mais fait déjà état des visuels de carte 2015.

Les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL soutiennent que l'argument tendant à dire qu'un ancien dirigeant de la société COCKTAIL EXPRESS, frère de l'actuel dirigeant, aurait collaboré avec les sociétés COCKTALIS et aurait créé une société COCKTALIS au Maroc ne peut pas suffire à démontrer la fraude, que les sociétés COCKTALIS n'ont découvert cette situation qu'en cours d'instance et qu'elles n'avaient pas été informées en quoi que ce soit du comportement déloyal de ce personnage avec un associé minoritaire, que les sociétés COCKTALIS n'étaient pas présentes sur le marché nord-africain et qu'elles n'ont eu de ce fait aucun moyen de prendre connaissance de l'utilisation non autorisée faite au Maroc de leur nom et dénomination, que ce sont au contraire les sociétés COCKTALIS qui sont en droit de s'interroger sur le fait de savoir si cette situation n'a pas au contraire profité à leur concurrente qui a pu bénéficier pendant des années d'un homme dans la place qui était parfaitement en mesure de transmettre des informations.

La société COCKTAIL EXPRESS soutient que les pièces produites concernant Monsieur Khalil H. et le dépôt au Maroc de la marque COCKTALIS n'ont rien à voir avec le présent litige relatif à l'exploitation de la dénomination PEKIN EXPRESS et à sa propriété, que Monsieur Khalil H. est le frère de Monsieur Ahmed H., gérant de la société COCKTAIL EXPRESS, que Monsieur Khalil H. et Wolfgang S., associés fondateurs de la société COCKTALIS INTERNATIONAL, ont souhaité créer ensemble la société COCKTALIS sur le territoire marocain, que Monsieur H. avait parfaitement l'autorisation à l'époque de déposer la marque COCKTALIS puisqu'il était associé de cette société, que le fait que Monsieur Khalil H. ait travaillé en 2010 pour la société COCKTALIS AG ne démontre aucunement qu'il ait pu avoir connaissance d'informations sur un produit identique ou similaire à la marque "PEKIN EXPRESS", qu'aucune preuve n'est versée en ce sens par les appelantes.

Il convient de relever que l'argumentation soutenue par les parties intimées concernant la marque COCKTALIS est sans lien avec la présente affaire portant exclusivement sur la marque "PEKIN EXPRESS".

Concernant l'intention de nuire retenue en première instance, les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL soutiennent qu'aucun lien n'est établi entre un signalement, qu'elles contestent, au service de la répression des fraudes et la prétendue connaissance d'un usage antérieur d'une marque, que le grief relatif au signalement prétendument effectué auprès de la répression des fraudes ne repose que sur un seul et unique document, à savoir un courrier électronique que la société COCKTAIL EXPRESS aurait envoyé à l'administration en y indiquant qu'elle aurait pris bonne note du fait que la société COCKTALIS INTERNATIONAL ait effectué un signalement, que la société COCKTALIS INTERNATIONAL, tout comme de nombreuses autres sociétés, a également fait l'objet de contrôles répétés de la part des services de la répression des fraudes, qu'il s'agit là de démarches normales qui entrent dans le champ de compétence de cette administration.

La société COCKTAIL EXPRESS soutient que la volonté de nuire des appelantes est caractérisée par le comportement agressif et répréhensible des sociétés COCKTALIS et qu'elles ont dénigré la société COCKTAIL EXPRESS auprès de ses propres clients. Elle soutient également que 20 noms de domaine internet reproduisant "cocktailexpress" et "cocktail-express" avaient été réservés le 31 mars 2015, soit le lendemain de la lettre de mise en demeure adressée à COCKTAIL EXPRESS, par la société COCKTALIS AG, qu'à ce titre les appelantes ont commis une faute constitutive de concurrence déloyale, que la cour de cassation (Cass. Com., 2 février 2016, n° 14-20.486) a même considéré que réserver sciemment un nom de domaine pourtant tout juste expiré d'un concurrent qui en avait un usage antérieur et identique à sa dénomination sociale constitue un acte de concurrence déloyale. L'intimée argue qu'une édition de la fiche d'identité des noms de domaine concernés laisse apparaître que les appelantes étaient toujours titulaires de plusieurs noms près de 2 années après leur réservation.

Elles soutiennent également qu'il n'existe aucun lien entre le fait de réserver à son nom toute une série de domaines fondés sur COCKTAIL EXPRESS et une prétendue connaissance de l'usage antérieur faite d'une marque pour justifier une décision d'annulation, que la société COCKTALIS INTERNATIONAL a appris l'existence de ces réservations en cours d'instance au travers des écrits de la société COCKTAIL EXPRESS, qu'elle a immédiatement procédé à la radiation de l'ensemble de ces réservations, en indiquant, après vérification, que celles-ci avaient été effectuées sur l'initiative non autorisée d'un cadre de l'entreprise qui a fait l'objet d'une sanction pour ces faits, que ces faits ne sauraient caractériser l'intention de nuire qui est imputée aux sociétés COCKTALIS et n'ont généré aucun préjudice ou trouble pour la société COCKTAIL EXPRESS, qu'en matière de nom de domaine, seul l'usage effectif du nom réservé est susceptible d'avoir des conséquences, qu'il ne saurait donc être considéré que les réservations reprochées à la société COCKTALIS INTERNATIONAL puissent être assimilées à un acte d'appropriation, que la société COCKTALIS INTERNATIONAL n'a jamais fait usage de ces noms de domaines et n'a jamais communiqué sur la dénomination "COCKTAIL EXPRESS", qu'ainsi la fraude n'est nullement établie et de ce fait il n'y a pas lieu de prononcer l'annulation de la marque déposée par la société COCKTALIS AG.

La société COCKTAIL EXPRESS argue également qu'elle a fait l'objet d'un contrôle par la répression des fraudes, qu'il lui a été confirmé que celui-ci avait été initié à la demande de la société COCKTALIS AG, que dans le cadre de ce contrôle un huissier et un avocat ont réalisé des constats et qu'il apparaît que ces personnes ont été officiellement mandatées par la société COCKTALIS, que, par ailleurs, aucune charge n'a été retenue contre l'intimée à ce titre.

Aux termes de l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle, si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.

Il est rappelé que pour que la fraude soit établie, il doit être prouvé l'existence de droits antérieurs, à savoir l'usage du signe en cause pour désigner des produits identiques.

A ce titre, la Cour relève, que le signe "PEKIN EXPRESS" a été utilisé par la société COCKTAIL EXPRESS et la société COCKTALIS AG pour désigner des produits identiques, à savoir une boisson de type cocktail, alcoolisé et non alcoolisé, aux saveurs asiatiques.

D'une part, il ressort des pièces versées aux débats par la société COCKTAIL EXPRESS, notamment des échanges de courriers électroniques avec son fabricant, des bons de commandes ainsi que de l'historique des ventes qu'elle produit, que celle-ci a commencé, dès octobre 2012, à utiliser la marque "PEKIN EXPRESS", que la commercialisation de son produit a débuté en septembre 2013 pour en vendre 362 bouteilles entre le 18 septembre 2013 et le 31 janvier 2014.

D'autre part, il est relevé que la société COCKTALIS AG a déposé la marque "PEKIN EXPRESS" le 10 février 2014 pour désigner des produits des classes 32 (cocktails sans alcools) et 33 (cocktails alcoolisés), sans l'avoir cependant jamais commercialisé. Les seuls usages de la marque PEKIN EXPRESS qu'elle rapporte figurent dans des courriers électroniques, datant pour le plus ancien du 13 novembre 2012, qu'elle dit avoir échangé avec son fabriquant, et que les appelantes versent aux débats en pièces annexes n° 16 à 21.

Ainsi, la société COCKTAIL EXPRESS a fait un usage du signe "PEKIN EXPRESS" à titre de marque pour désigner des produits identiques à ceux désignés dans le dépôt de la marque effectuée par la société COCKTALIS AG. L'usage de la société COCKTAIL EXPRESS étant antérieur au dépôt de la marque par la société COCKTALIS AG en 2014, elle bénéficie d'un droit antérieur.

L'action prévue à l'article L. 712-6 suppose également que soit établi le caractère frauduleux du dépôt. Tel est le cas lorsque le droit n'est pas constitué et utilisé en tant que marque mais pour nuire aux intérêts d'un tiers en le privant intentionnellement d'un signe dont il fait déjà usage.

Le déposant doit avoir eu connaissance de l'usage antérieur ou ne pouvait pas l'ignorer et doit avoir été animé d'une intention de nuire. Une telle intention doit être déterminée par référence à l'ensemble des facteurs pertinents qui peuvent être postérieurs au dépôt, l'absence d'exploitation de la marque déposée constituant un facteur pertinent pour déterminer la véritable intention du déposant lors du dépôt.

La Cour relève qu'il ressort des écritures des parties que Monsieur Khalil H., ancien gérant de la société COCKTAIL EXPRESS, a collaboré avec la société COCKTALIS AG en 2010. Il ressort également de la pièce n° 59 versée aux débats par l'intimée que Monsieur Pascal P., un responsable grands comptes au sein de la société COCKTALIS INTERNATIONAL, a acheté 13 bouteilles produites par la société COCKTAIL EXPRESS en avril 2011. Enfin, les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL et la société COCKTAIL EXPRESS interviennent toutes sur le secteur de la création et de la commercialisation de cocktails à destination des professionnels.

Ainsi, il ne peut pas raisonnablement être argué que les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL n'avaient pas ou ne pouvaient pas avoir connaissance de l'existence de la société COCKTAIL EXPRESS et/ou de ses produits, et par conséquent de la commercialisation de son cocktail de la marque "PEKIN EXPRESS".

S'agissant de l'intention de la société COCKTALIS AG, la Cour relève que les appelantes n'ont commercialisé aucun produit sous la marque "PEKIN EXPRESS" à ce jour, que l'enregistrement de la marque par la société COCKTALIS AG date du 10 février 2014, alors que la société COCKTAIL EXPRESS a commencé à commercialiser le produit "PEKIN EXPRESS" en septembre 2013.

Par ailleurs, les appelantes ont réservé 20 noms de domaine internet reproduisant "cocktailexpress" et "cocktail-express" le 31 mars 2015, soit le lendemain de la lettre de mise en demeure adressée à la société COCKTAIL EXPRESS, qu'il ressort des propres écrits des appelantes que ces réservations ont été faites sur l'initiative d'un cadre de leur entreprise, que bien que ces noms de domaine n'aient pas été utilisés, leur réservation concomitante à l'envoi du courrier de mise en demeure est un facteur pertinent informant sur l'intention des appelantes.

Ainsi, l'absence de commercialisation de produit sous la marque "PEKIN EXPRESS" par les appelantes, combinée avec les éléments précités, suffisent à caractériser une intention de nuire de la part des appelantes envers l'intimée.

Il convient alors de confirmer le jugement en ce qu'il prononce la nullité de la marque de la société COCKTALIS AG numéro 144067295 qui a été déposée en fraude des droits de la société COCKTAIL EXPRESS.

Le tribunal de grande instance de Strasbourg en a également justement déduit que la demande tendant à voir engager la responsabilité de la société COCKTAIL EXPRESS pour contrefaçon de la marque PEKIN EXPRESS, de même que les demandes d'inopposabilité du contrat de licence et d'interdiction d'utilisation de la marque deviennent sans objet.

Sur la concurrence déloyale :

Le tribunal de grande instance de Strasbourg a rejeté la demande en réparation formée par les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL au titre de la concurrence déloyale.

Les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL concluent à l'infirmation du jugement en ce qu'il retient qu'aucune faute ne peut être imputée à la société COCKTAIL EXPRESS.

Les appelantes soutiennent que la reproduction même avec modification mineure d'un visuel conçu, développé et utilisé par un concurrent constitue une faute engageant la responsabilité de son auteur, sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil, que la société COCKTAIL EXPRESS a purement et simplement repris un visuel caractéristique figurant sur les cartes de cocktails de la société COCKTALIS INTERNATIONAL, en modifiant simplement la couleur du cocktail et en inversant le cliché, qu'en agissant de la sorte, la société COCKTAIL EXPRESS a volontairement cherché à se placer dans le sillage d'un concurrent plus ancien et à la réputation établie, pour ainsi profiter indûment de son image de marque et des investissements promotionnels qu'il a réalisés, que la société COCKTAIL EXPRESS est à l'origine d'une publication sur le site Facebook sur lequel apparaît le nom des appelantes associé à un visuel propriété de la société COCKTALIS INTERNATIONAL, qu'ainsi la société COCKTALIS INTERNATIONAL est fondée à solliciter la réparation du préjudice qu'elle a subi de ce fait.

L'intimée soutient que l'appelante ne démontre à aucun moment une renommée particulière de ses produits en raison notamment d'investissements ou d'un savoir-faire particulier, ni même une grande réputation, que les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL ont une ancienneté supérieure seulement de 3 ans à la société COCKTAIL EXPRESS sur le marché français. Elle argue qu'elle n'a commis aucune faute à son égard puisqu'elle n'est pas à l'origine de la publication sur le site Facebook en cause et donc de la reprise du visuel litigieux, que la page Facebook visée par les appelantes n'a pas été créée et n'appartient pas à la société COCKTAIL EXPRESS, que le lien fait référence à la ville de Lyon avec laquelle l'intimée n'a aucun lien particulier puisqu'elle est implantée en Bretagne, que l'intimée a tout de même demandé la suppression de la page auprès du site Facebook. En l'absence de faute de la société COCKTAIL EXPRESS, celle-ci argue que les demandes des sociétés COCKTALIS INTERNATIONAL et COCKTALIS AG doivent purement et simplement être rejetées comme toutes les autres mesures sollicitées par elles.

Il est rappelé que pour solliciter l'indemnisation d'un préjudice au titre de la concurrence déloyale, il convient de prouver l'existence d'une faute imputable au défendeur et d'un préjudice subi par le demandeur à l'action.

A ce titre, la Cour relève qu'il ressort du procès-verbal d'huissier en date du 31 mars 2015, versé par les appelantes aux débats, qu'un visuel ressemblant, excepté quelques modifications minimes, à celui figurant sur les cartes à cocktails des sociétés COCKTALIS est reproduit sur une page Facebook dont le lien indique "cocktail express Lyon", que, cependant, les appelantes n'apportent pas la preuve de la titularité de cette page Facebook, que la société COCKTAIL EXPRESS est implantée en Bretagne et non pas à Lyon, qu'ainsi aucune faute ne peut être imputée à la société COCKTAIL EXPRESS, de sorte que la concurrence déloyale n'est pas démontrée.

Il convient alors de confirmer le jugement en ce qu'il rejette la demande en réparation formée par les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL au titre de la concurrence déloyale.

Sur le préjudice subi par la société COCKTAIL EXPRESS :

Le tribunal de grande instance de Strasbourg a condamné les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL à verser à la société COCKTAIL EXPRESS la somme de 5 000 euros chacune au titre des dommages et intérêts.

Les sociétés COCKTALIS INTERNATIONAL et COCKTALIS AG concluent à l'infirmation du jugement.

La société COCKTAIL EXPRESS argue qu'elle a subi un préjudice qui est prouvé et dont la faute est même reconnue par les appelantes, que le dépôt de la marque, la réservation des noms de domaine et l'attitude hostile des appelantes n'a pas d'autre but que celui de lui porter atteinte par tout moyen, que la volonté manifeste de nuire des appelantes, leur harcèlement, leur volonté de s'approprier un bien appartenant à un tiers en toute connaissance de cause ainsi que la réservation d'une vingtaine de noms de domaine internet reproduisant "cocktail express" a créé et crée un préjudice important à la société COCKTAIL EXPRESS qu'il convient de réparer.

Elle fait valoir que les appelantes étaient condamnées à régler un montant global supérieur à 22 000 euros mais qu'elles n'ont réglé à ce jour que 9 000 euros, ce qui démontre encore plus leur intention de nuire à l'égard de la société COCKTAIL EXPRESS et le peu de considération portée, qu'il convient de les condamner au paiement de dommages et intérêts de 45 000 euros.

La Cour relève que la société COCKTAIL EXPRESS ne justifie pas suffisamment sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 45 000 euros, qu'en l'absence de développements pertinents justifiant cette somme, mais au vue de l'intention de nuire des sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL qui a été établie dans les développements concernant la nullité de la marque PEKIN EXPRESS, il convient de condamner les appelantes au versement de 5 000 € de dommages et intérêts chacune à la société COCKTAIL EXPRESS.

Ainsi, il convient de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg sur ce point.

Sur l'abus de droit :

Le tribunal de grande instance de Strasbourg a condamné les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL au paiement de 3 000 € chacune à la société COCKTAIL EXPRESS au titre de l'abus du droit d'agir en justice mais qu'il n'y a pas lieu de procéder à une condamnation au titre d'une amende civile.

Les appelantes concluent à l'infirmation du jugement.

La société COCKTAIL EXPRESS soutient que la présente action en justice diligentée par les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL envers elle n'a pas pour autre but de gêner un concurrent direct dans l'exploitation de ses signes distinctifs et de la désorganiser dans sa politique commerciale, qu'à ce jour elle doit se justifier quotidiennement auprès de sa clientèle sur la présente action, que cet abus a été caractérisé par les juges de première instance, ces derniers usant même du terme "malice" dans leur argumentation, qu'elle sollicite le versement d'une amende civile de 3 000 euros chacune.

Il résulte des développements aboutissant à la nullité de la marque PEKIN EXPRESS que les appelantes ont introduit leur action en contrefaçon dans la seule intention de nuire à la société COCKTAIL EXPRESS, concurrente directe des appelantes, que c'est par des motifs pertinents et adoptés que le tribunal de grande instance de Strasbourg a interprété le comportement des appelantes comme s'apparentant à un dol.

Il convient alors de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg en ce qu'il condamne les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL au paiement de 3 000 € chacune à la société COCKTAIL EXPRESS au titre de l'abus du droit d'ester en justice et en ce qu'elle rejette la demande en versement d'une amende civile.

Sur les mesures de publications :

Le tribunal de grande instance de Strasbourg a rejeté les demandes de publication de la société COCKTAIL EXPRESS.

La société COCKTAIL EXPRESS conclut à l'infirmation du jugement sur ce point et demande à ce que soit ordonner la publication aux frais des appelantes de la décision à venir dans trois journaux et revues de presse française dans les trente jours de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Elle soutient également que doit être ordonner la publication aux frais des appelantes sur la page d'accueil du site internet de la société COCKTALIS et de leurs pages officielles Facebook du présent arrêt pendant une durée de deux mois et dans un délai de 48 heures à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

La Cour relève que la société COCKTAIL EXPRESS ne motive pas sa demande en publication, que, par ailleurs, les sommes allouées au titre des dommages et intérêts et de l'abus du droit d'agir en justice sont suffisantes à indemniser la société COCKTAIL EXPRESS des préjudices subis.

Ainsi, il convient de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg sur ce point.

Sur les frais et les dépens :

Les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL succombant, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les frais et dépens et de la condamner au frais et dépens d'appel.

L'équité commande l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société COCKTAIL EXPRESS.

P A R C E S M O T I F S

LA COUR,

CONFIRME, le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 4 juillet 2019 en toutes ses dispositions.

Et y ajoutant,

CONDAMNE, in solidum, les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL aux entiers dépens d'appel.

CONDAMNE, in solidum, les sociétés COCKTALIS AG et COCKTALIS INTERNATIONAL au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société COCKTAIL EXPRESS.

La Greffière : la Présidente :

Décision(s) antérieure(s)

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE STRASBOURG 04 juillet 2019