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Décisions

Cass. crim., 6 juin 1991, n° 90-80.755

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Blin

Avocat général :

M. Perfetti

Avocats :

SCP Riché et Thomas-Raquin, SCP Delaporte et Briard

Dijon, ch. corr., du 12 janv. 1990

12 janvier 1990

contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, du 12 janvier 1990, qui, sur renvoi après cassation, a condamné, pour contrefaçon, le premier à 20 000 francs d'amende et le second à 5 000 francs d'amende, ainsi qu'à des réparations civiles et a déclaré les sociétés précitées civilement responsables respectivement d'Orazio X... et de Roland Y...

LA COUR,

Vu la connexité, joignant les pourvois ;

Sur le pourvoi de Roland Y... et de la société Cass Center :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit à l'appui du pourvoi ;

Sur le pourvoi d'Orazio X... et de la société Maxicar :

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs et le mémoire en défense ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 425, 426 et 429 du Code pénal, des articles 9, alinéa 3, et 13 de la loi du 11 mars 1957, de l'article 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :

" en ce que, pour condamner X... et la société Maxicar, l'arrêt attaqué décide que la Régie Renault bénéficie sur les modèles par elle invoqués de la protection accordée aux oeuvres collectives ;

" aux motifs que les constructeurs automobiles apportent un soin particulier à individualiser leurs modèles et utilisent les services de nombreux stylistes qui participent à l'élaboration d'oeuvres collectives principalement relatives à l'esthétique automobile telles que les éléments et formes de carrosserie ; que ces pièces sont une oeuvre collective dans les termes mêmes de l'article 9 de la loi du 11 mars 1957 ; que cette oeuvre est la propriété de la Régie Renault sous le nom de laquelle elle a été divulguée, conformément aux dispositions de l'article 13 de cette même loi... " ;

" alors qu'est dite collective l'oeuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie ou la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé ; qu'en retenant en l'espèce une telle qualification, de façon globale pour tous les modèles litigieux, sans constater qu'aucun des stylistes ayant collaboré à la réalisation de chacun de ceux-ci ne pouvait être titulaire de droits indivis sur l'ensemble du modèle à la réalisation duquel il avait participé, la Cour n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes précités " ;

Attendu que, pour déclarer Orazio X... coupable de contrefaçon, par application des articles 425 et 426 du Code pénal, dans leur rédaction due à la loi du 11 mars 1957, comme ayant fabriqué des éléments de carrosseries d'automobiles contrefaisant certains des modèles de la Régie nationale des usines Renault, la juridiction du second degré retient que les carrosseries et les éléments qui la composent sont des oeuvres collectives au sens de l'article 9, alinéa 3, de la loi précitée ; qu'ils relèvent à cet égard que les constructeurs d'automobiles " apportent un soin particulier à individualiser leurs modèles et utilisent les services de nombreux stylistes qui participent à l'élaboration d'oeuvres collectives principalement relatives à l'esthétique automobile, telles que les éléments et formes de carrosserie " ; qu'ils en déduisent que l'oeuvre est la propriété de la Régie Renault, sous le nom de laquelle elle a été divulguée, conformément à l'article 13 de la loi du 11 mars 1957 ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs d'où il résulte qu'aucun des stylistes ayant contribué à la réalisation des modèles litigieux, fabriqués à l'initiative de la Régie Renault, ne pouvait se prévaloir de droits indivis sur l'ensemble de l'oeuvre, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de la loi du 14 juillet 1909, de l'article 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :

" en ce que, pour condamner X... et la société Maxicar, l'arrêt attaqué attribue à la Régie Renault la protection de pièces détachées de carrosseries d'automobiles, sur le fondement de modèles déposés par ladite Régie en vertu de ladite loi de 1909 ;

" alors que la protection accordée par cette loi est liée aux termes et au contenu du dépôt sans que celui-ci puisse être arbitrairement divisé ; que face à des dépôts qui, sauf exception expressément formulée, couvrent une carrosserie présentée dans son ensemble, la Cour ne pouvait accorder à la Régie Renault la protection isolée de l'un ou l'autre des éléments de cette carrosserie " ;

Attendu qu'Orazio X... et la société Maxicar faisaient valoir qu'au regard des dépôts visés aux débats, seul l'aspect d'ensemble des carrosseries en question était susceptible de protection en vertu de la loi du 14 juillet 1909 sur les dessins et modèles, à l'exclusion de tout élément tel que " capot ou aile dont la fonction technique exclut toute originalité protégeable " ;

Attendu que, pour rejeter cette argumentation, les juges d'appel énoncent " que chaque élément de la carrosserie exprime une part de la pensée du créateur de l'ensemble de la carrosserie et que la protection légale, qui s'attache au tout, s'attache également à chacun de ses éléments constitutifs, faute de quoi cette protection serait illusoire " ; qu'ils ajoutent qu'il est inopérant d'assimiler un élément de carrosserie à une pièce détachée ayant seulement une fonction technique, car si une aile ou un capot répondent à un besoin technique, ils participent aussi à l'esthétique générale du modèle puisque, pour une fonction déterminée, il existe autant de formes que l'imagination des créateurs est susceptible d'en concevoir ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, loin d'avoir méconnu la loi du 14 juillet 1909, en a fait l'exacte application ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation de l'article 693 du Code de procédure pénale, des articles 425, 426, 429 du Code pénal, de l'article 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué retient dans les liens de la prévention X..., ressortissant italien, poursuivi en qualité d'auteur principal de la contrefaçon de modèles invoquée par la Régie nationale des usines Renault, sans constater que ledit X... ait commis sur le territoire national un fait quelconque susceptible de se rattacher à cette prévention " ;

Attendu que l'arrêt attaqué n'encourt pas le grief allégué, dès lors que les juges relèvent qu'en l'espèce l'atteinte aux droits du propriétaire des modèles litigieux a eu lieu et a été constatée en France, même si les marchandises ou produits révélant la contrefaçon ont été fabriqués à l'étranger ; qu'en effet, d'une part, la contrefaçon prévue et punie par les articles 425 et suivants du Code pénal se constitue non seulement par le fait matériel de la reproduction d'une oeuvre de l'esprit et l'absence de bonne foi, mais aussi par l'atteinte portée aux droits de l'auteur, tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi ; que, d'autre part, aux termes de l'article 693 du Code de procédure pénale, est réputée commise sur le territoire de la République toute infraction dont un acte caractérisant un de ses éléments constitutifs a été accompli en France ;

Qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme :

REJETTE les pourvois.