Cass. 3e civ., 8 avril 2021, n° 19-24.672
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Rapporteur :
M. David
Avocats :
Me Carbonnier, SCP Foussard et Froger
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 10 septembre 2019), le 28 septembre 2016, la Société d'aménagement de la Savoie a, selon un bail dérogatoire d'une durée de quatre mois à compter du 15 septembre 2016, donné un local commercial en location à la société Vialimba.
2. Par courrier électronique du 17 janvier 2017, lettre recommandée du 19 janvier 2017, puis acte d'huissier de justice du 26 janvier 2017, la Société d'aménagement de la Savoie a sommé la société Vialimba de lui restituer les locaux loués.
3. Le 31 mars 2017, la société Vialimba a assigné la Société d'aménagement de la Savoie pour faire juger qu'un courrier électronique annexé au bail dérogatoire valait bail commercial de sorte qu'elle était en droit de se maintenir dans les lieux.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
5. La société Vialimba fait grief à l'arrêt de dire que le bail du 28 septembre 2016 n'entre pas dans les dispositions des articles L. 145 et suivants du code de commerce, mais constitue un bail dérogatoire expiré le 15 janvier 2017, alors :
« 1°) que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; Qu'il ressort des constatations des juges du fond que si le contrat signé le 28 septembre 2016 constituait un bail dérogatoire d'une durée de quatre mois à compter du 15 septembre 2016 pour se terminer le 15 janvier 2017 « destiné à permettre au preneur [la société Vialimba] de réaliser des travaux d'aménagement intérieur du local en vue de l'exploitation future du bar à bière », « il était donc clairement dans l'intention des parties de poursuivre la relation au-delà du bail dérogatoire, sous le statut des baux commerciaux, dans des conditions pour l'essentiel déjà convenues comme exposées dans le courrier électronique de la SAS [Société d'aménagement de la Savoie] du 29 août 2016, annexé au bail dérogatoire et paraphé par les parties » ; Qu'il n'est pas contesté que « la société Vialimba a fait réaliser les travaux d'aménagement convenus et a acquis une licence d'exploitation de débit de boissons Licence IV le 12 octobre 2016 »; Qu'alors qu'il était convenu qu'à l'issue du bail dérogatoire, celui-ci devait se transformer en bail commercial une fois réalisés les importants travaux d'aménagement, les juges du fond se sont bornés à relever « que dès le 17 janvier 2017, la SAS a fait connaître à la société Vialimba son intention de ne pas poursuivre les relations contractuelles et s'est expressément prévalue du terme échu du bail dérogatoire », ce qui « entraînait automatiquement l'obligation pour la société Vialimba de quitter les lieux, sans autre formalité » pour en conclure que « la société Vialimba n'est pas au bénéfice d'un bail commercial » ; Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1103 du code civil ;
2°) que le juge ne saurait dénaturer les termes clairs et précis des actes qui lui sont soumis ; Qu'ainsi que l'ont constaté les juges du fond, si le contrat signé le 28 septembre 2016 constituait un bail dérogatoire d'une durée de quatre mois à compter du 15 septembre 2016 pour se terminer le 15 janvier 2017 « destiné à permettre au preneur [la société Vialimba] de réaliser des travaux d'aménagement intérieur du local en vue de l'exploitation future d'un bar à bière », « il était donc clairement dans l'intention des parties de poursuivre la relation au-delà du bail dérogatoire, sous le statut des baux commerciaux, dans des conditions pour l'essentiel déjà convenues comme exposées dans le courrier électronique de la SAS [Société d'aménagement de la Savoie] du 29 août 2016, annexé au bail dérogatoire et paraphé par les parties » ; Qu'il est constant que la société Vialimba ayant réalisé les importants travaux d'aménagement convenus, le bail dérogatoire s'est transformé en bail commercial ; Qu'en considérant cependant « que dès le 17 janvier 2017, la SAS a fait connaître à la société Vialimba son intention de ne pas poursuivre les relations contractuelles et s'est expressément prévalue du terme échu du bail dérogatoire », ce qui « entraînait automatiquement l'obligation pour la société Vialimba de quitter les lieux, sans autre formalité », la cour d'appel a dénaturé les termes de l'acte du 28 septembre 2016 et du courrier électronique de la SAS du 29 août 2016, annexé au bail dérogatoire et paraphé par les parties, et violé l'article 1192 du code civil, ensemble les articles 1188 et 1189 de ce même code. »
Réponse de la Cour
6. Le bail cesse de plein droit à l'expiration du terme fixé, lorsqu'il a été conclu par écrit, sans qu'il soit nécessaire de donner congé.
7. A l'expiration du bail dérogatoire prévu par l'article L. 145-5 du code de commerce, il ne s'opère un nouveau bail que si le preneur reste et est laissé en possession, au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance du contrat.
8. La cour d'appel a souverainement retenu, par une interprétation exclusive de dénaturation des éléments de preuve produits, que leur rapprochement rendait nécessaire, que la commune intention des parties était de conclure un bail dérogatoire afin de permettre à la société Vialimba d'aménager les locaux avant la signature d'un bail soumis au statut des baux commerciaux.
9. Elle a relevé que le preneur avait, à titre de clause déterminante, expressément renoncé au statut et qu'à l'issue du bail, la Société d'aménagement de la Savoie, par mise en demeure du 19 janvier 2017, s'était prévalue du terme et avait demandé la restitution des lieux.
10. Elle a déduit, à bon droit, de ces seuls motifs, que la société Vialimba ne pouvait revendiquer le bénéfice d'un bail commercial et était devenue occupante sans droit ni titre.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bouvet et Guyonnet ès qualités de liquidateur de la société Vialimba aux dépens.