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Décisions

CA Aix-en-Provence, Pôle 3 ch. 1, 3 février 2022, n° 21/06061

AIX-EN-PROVENCE

PARTIES

Demandeur :

Commune de Saint-Tropez

Défendeur :

Directeur Général de l'INPI, Procureur général de la cour d'appel d'Aix-en-Provence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Calloch

Conseillers :

Mme Combrie, Mme Berquet

Avocats :

Me Badie, Me Renaud, Me Balsan Blondeau

CA Aix-en-Provence n° 21/06061

2 février 2022

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur Y Z a déposé le 20 juin 2020 auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle une demande d'enregistrement du signe verbal CHIC C F pour désigner divers produits et services en classes 16, 25, 35, 38 et 41, et notamment les produits ' Publicité, gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau. Télécommunications. Education ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles'.

Le 8 septembre 2020, la commune de SAINT TROPEZ a formé opposition à l'enregistrement de ce signe en invoquant au titre d'antériorité la marque verbale C F par elle déposée le 2 mars 1992 pour des produits et services en classes 16, 25, 35, 38 et 41, dont les services visés par la demande d'enregistrement de monsieur Y Z.

Suivant décision en date du 22 mars 2021, monsieur le directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle a rejeté l'opposition.

Suivant déclaration enregistrée au greffe le 22 avril 2021, la commune de SAINT TROPEZ a interjeté appel de cette décision.

La commune de SAINT TROPEZ, selon mémoire enregistré au greffe le 3 décembre 2021, soutient que monsieur le directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle a commis des erreurs en droit et une mauvaise appréciation des faits en rejetant le caractère distinctif du signe C F dans la marque antérieure, et ce en opposition avec sa jurisprudence concernant ce signe et en contradiction avec le principe selon lequel une marque enregistrée est nécessairement distinctive. L'Institut National de la Propriété Industrielle aurait commis le même type d'erreur en ce qui concerne le caractère dominant du terme C F, et la commune de SAINT TROPEZ se réfère là encore à la jurisprudence de l'Institut National de la Propriété Industrielle en matière d'opposition mais aussi à la jurisprudence de la Cour de cassation en matière d'appréciation globale des signes en présence. Elle soutient que le terme CHIC ne constitue qu'un adjectif qualifiant le terme dominant constitué par C F. Enfin, l'Institut National de la Propriété Industrielle n'aurait effectué qu'une comparaison visuelle et phonétique des signes, et ce alors que l'analyse conceptuelle est essentielle au regard de la constitution des dits signes. Ces erreurs auraient conduit à une mauvaise appréciation par monsieur le directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle du risque de confusion. La commune de SAINT TROPEZ conclut en conséquence à l'annulation de la décision déférée.

Monsieur Y Z, cité à domicile par acte en date du 26 juillet 2021, n'a pas constitué avocat.

L'Institut National de la Propriété Industrielle, par observations déposées le 27 octobre 2021, rappelle que le risque de confusion s'apprécie en fonction de l'impression d'ensemble produite par les marques. Elle affirme que les signes C F et CHIC C F sont visuellement et phonétiquement distincts. Il conteste le caractère prépondérant du signe C F et souligne le caractère faiblement distinctif de ce signe qui constitue un nom géographique. En revanche, selon l'Institut National de la Propriété Industrielle, le terme CHIC serait arbitraire au vu des produits et services désignés et ne peut être considéré comme décrivant ceux-ci. Il maintien en conséquence qu'il n'y a ni risque de confusion, ni risque d'association entre les marques en présence.

A l'audience, le ministère public a conclu au caractère fondé du recours.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la comparaison entre les services et produits désignés

Il n'est ni contesté, ni contestable que les produits et services visés dans la demande d'enregistrement formée par monsieur Y Z sont parfaitement similaires à ceux visés dans le dépôt de la marque verbale C F en ce qui concerne les services suivant :

' Publicité, gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau. Télécommunications. Education ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles'

Sur la comparaison entre les signes et le risque de confusion

A bon droit, monsieur le directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle a retenu que visuellement et phonétiquement, les signes C F et CHIC C F étaient distinct, tant par leur structure, leur longueur, que par la sonorité de leur attaque.

Le caractère arbitraire, et donc distinctif, du terme C F pour désigner les services ' Publicité, gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau. Télécommunications. Education ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles' apparaît parfaitement établi, ce signe se référant à une commune du littoral méditerranéen n'ayant aucune notoriété concernant ces activités, si l'on excepte les activités de divertissement au sens large de ce terme ; il convient par ailleurs de rappeler qu'un nom géographique tel que le nom d'une localité peut être déposé comme marque dès lors que, comme en l'espèce, il ne constitue pas une indication géographique au sens du droit communautaire et de l'article L. 722-1 du Code de la propriété intellectuelle ; ce même code n'interdit par ailleurs pas à une collectivité territoriale de déposer son nom en tant que marque, et ce quand bien même cette collectivité bénéficie par ailleurs de la protection offerte par l'article L. 711-3 9° ; contrairement à ce qu'a retenu monsieur le directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle le terme C F ne peut dès lors être considéré comme faiblement distinctif au motif qu'il désigne un lien géographique ; bien au contraire, eu égard au caractère évocateur de ce terme lié à la notoriété de la commune, il doit être considéré comme dominant dans le groupe verbal CHIC C F, l'adjectif CHIC étant perçu comme qualifiant le groupe verbal C F, terme qui lui même renvoie à une commune réputée offrir un univers élégant et distingué.

Conceptuellement, le terme CHIC C F apparaît manifestement similaire à la marque C F, l'adjectif CHIC étant perçu comme redondant pour qualifier un site géographique spontanément identifié par le consommateur comme évoquant un monde se distinguant du commun ; il apparaît dès lors qu'en présence de la marque CHIC C F, le consommateur est amené à faire une confusion entre les deux signes et à penser que cette marque n'est qu'une variation de la marque mère C F ; il convient dès lors de faire droit au recours formé par la commune de SAINT TROPEZ et d'annuler la décision de monsieur le directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

- ANNULE la décision de monsieur le directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle en date du 22 mars 2021 ayant rejeté l'opposition formée par la commune de SAINT TROPEZ.

- DIT que le présent arrêt sera notifié par le greffe aux parties et à monsieur le directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle.