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Décisions

Cass. crim., 15 septembre 2021, n° 20-80.239

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

M. Pauthe

Avocat général :

M. Bougy

Avocats :

SCP Buk Lament-Robillot, SCP Waquet, Farge et Hazan

Versailles, du 13 déc. 2019

13 décembre 2019

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. La SCI [Adresse 1] (la SCI) a obtenu le 17 septembre 2004 un permis de construire en vue de l'édification d'un immeuble sur un terrain situé à cette adresse à [Localité 1].

3. De son côté, M. [M] [S] a signé en qualité d'acquéreur un compromis de vente daté du 18 novembre 2004 portant sur un appartement situé au numéro 40 de la même voie, sous condition suspensive d'obtention d'un prêt immobilier.

4. Par courrier recommandé du même jour, M. [S] a déposé un recours gracieux auprès du maire de la commune de [Localité 1] pour obtenir le retrait du permis de construire délivré à la SCI puis, le 14 février 2005, un recours contentieux auprès du tribunal administratif de Versailles tendant à son annulation.

5. Le 18 mars 2005, dans le cadre d'un protocole transactionnel signé le 17 mars, la SCI a versé à M. [S] une somme de 35 000 euros à titre d'indemnité globale et forfaitaire en contrepartie de son désistement d'instance et d'action.

6. Par ordonnance du magistrat instructeur du 17 mai 2017, M. [S] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir trompé la SCI [Adresse 1] pour la déterminer à lui remettre la somme de 35 000 euros, en employant des manoeuvres frauduleuses, soit en l'espèce en se portant acquéreur sous condition suspensive d'octroi d'un crédit immobilier dans le seul but d'engager un recours administratif pour contester le permis de construire accordé à la SCI, en faisant une demande de crédit immobilier total dans des circonstances telles que le crédit ne pouvait que lui être refusé par la banque et en engageant un recours gracieux puis un recours administratif aux seules fins de transiger avec le bénéficiaire du permis de construire.

7. Par jugement du 25 juin 2008, le tribunal correctionnel de Versailles a déclaré M. [S] coupable d'escroquerie et l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis et l'a condamné à payer à la société Cofrinvest venant aux droits de la SCI [Adresse 1] la somme de 40 000 euros en réparation de son préjudice matériel et celle de 5 000 euros en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

8. M. [S] a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen pris en sa quatrième branche et sur le moyen additionnel de cassation

9. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen en ses première, deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [S] coupable d'escroquerie et prononcé sur la peine et les intérêts civils, alors :

« 1°) que l'escroquerie est le fait de tromper une personne pour la déterminer à remettre des fonds ou un bien quelconque ; que l'exercice d'une voie de droit dans le seul but d'obtenir une indemnité transactionnelle n'est punissable qu'en cas de tromperie sur la nature des droits d'où est tiré un intérêt à agir ; qu'en condamnant M. [S] de ce chef pour avoir acquis un appartement sous condition suspensive dans le seul but de justifier d'un intérêt à agir contre le permis de construire de la SCI du groupe Confrinvest, sans constater qu'il aurait dissimulé à celle-ci la nature seulement éventuelle de son intérêt à agir lors des négociations transactionnelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 111-4, et 313-1 du code pénal, L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, 593 du code de procédure pénale et 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°) en toute hypothèse que les manoeuvres de l'escroquerie doivent être confortées par un élément extrinsèque ; qu'en n'imputant à M. [S] aucun acte matériel destiné à convaincre la SCI du groupe Confrinvest de son intention de mener à terme son achat immobilier et partant du caractère certain et définitif de son intérêt à agir contre le permis de construire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 111-4, et 313-1 du code pénal, l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3°) qu'une simple abstention n'est pas une manoeuvre frauduleuse ; qu'en reprochant encore à M. [S] d'avoir initié et poursuivi des négociations transactionnelles avec la SCI du groupe Cofrinvest sans l'informer de ce qu'il ne pourrait de toute façon obtenir le prêt nécessaire à l'achat du bien situé à proximité du projet concerné, et donc que son intérêt à agir n'était pas assuré, la cour d'appel, qui a reproché au prévenu une simple abstention, a encore violé les articles 111-4, et 313-1 du code pénal, l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

11. Pour dire établi le délit d'escroquerie, l'arrêt attaqué énonce que M. [S] a signé la promesse de vente seulement deux jours après avoir visité l'appartement une seule fois, sans que sa mère, à qui cet achat était destiné, ne l'ait elle-même visité, et ce, alors qu'il venait de découvrir à proximité l'existence d'un projet de construction immobilière qu'il a jugé suffisamment gênant pour intenter immédiatement un recours.

12. Les juges relèvent que cette promesse a été assortie de la condition suspensive de l'obtention d'un prêt portant sur la totalité du prix de vente, alors qu'un tel prêt excédait ses facultés, puisqu'il supportait déjà la charge de deux crédits immobiliers représentant 40 % de ses ressources et que le recours à un emprunt de sa part, pour acquérir un bien destiné à sa mère, ne s'expliquait pas.

13. Ils ajoutent notamment que le recours contentieux à l'égard du permis de construire a été engagé par M. [S] la veille de la date butoir d'obtention du crédit immobilier, sachant que son dossier restait à approfondir, que la transaction a été signée le 17 mars 2005, alors qu'il savait, depuis la fin du mois de février que le prêt lui était refusé, et qu'il s'est davantage attaché à négocier avec la SCI plutôt qu'à poursuivre la procédure contentieuse devant le juge administratif.

14. Les juges retiennent enfin que M. [S], professionnel de l'immobilier aguerri en matière d'urbanisme et familier des recours en la matière, s'est porté acquéreur de l'appartement sans intention de mener cet achat à terme mais dans l'unique but de pouvoir engager un recours à l'encontre du permis de construire obtenu par la SCI et de la contraindre à transiger, celle-ci ayant dû payer pour obtenir son désistement et pouvoir ainsi mener à bien son projet immobilier sans retard.

15. Ils en déduisent que, par ces manoeuvres frauduleuses, M. [S] a trompé la SCI et l'a déterminée à lui remettre la somme de 35 000 euros.

16. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a caractérisé, sans insuffisance ni contradiction, l'existence de manoeuvres frauduleuses déterminantes de la remise des fonds, a justifié sa décision.

18. Ainsi, le moyen doit être écarté.

19. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.