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Décisions

CJUE, 8e ch., 31 mars 2022, n° C-96/21

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

Question préjudicielle

PARTIES

Demandeur :

DM

Défendeur :

CTS Eventim AG & Co. KGaA

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Jääskinen

Juges :

M. Safjan (rapporteur), M. Piçarra

Avocat général :

Mme Medina

Avocats :

Mme Schlingmann, Mme Gerecke, Mme Rechtsanwälte

CJUE n° C-96/21

30 mars 2022

LA COUR (huitième chambre)

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 16, sous l), de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2011, L 304, p. 64).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant DM à CTS Eventim AG & Co. KGaA (ci-après « CTS Eventim »), un fournisseur de services de billetterie, au sujet de l’existence d’un droit de rétractation concernant un contrat portant sur l’acquisition de billets d’entrée pour un concert.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3 Les considérants 4 et 49 de la directive 2011/83 sont ainsi libellés :

« (4) Conformément à l’article 26, paragraphe 2, [TFUE], le marché intérieur doit comporter un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des biens et des services et la liberté d’établissement sont assurées. L’harmonisation de certains aspects des contrats de consommation à distance et hors établissement est nécessaire pour promouvoir un véritable marché intérieur des consommateurs offrant un juste équilibre entre un niveau élevé de protection des consommateurs et la compétitivité des entreprises, dans le respect du principe de subsidiarité.

[...]

(49) Des exceptions au droit de rétractation devraient exister, tant pour les contrats à distance que pour les contrats hors établissement. [...] L’octroi d’un droit de rétractation au consommateur pourrait également être inapproprié dans le cas de certains services pour lesquels la conclusion du contrat implique la réservation de capacités que le professionnel aura peut-être des difficultés à remplir en cas d’exercice du droit de rétractation. Tel pourrait être le cas par exemple pour les réservations d’hôtels et de résidences de vacances ou pour des événements culturels ou sportifs. »

4 L’article 1er de la directive 2011/83, intitulé « Objet », dispose :

« L’objectif de la présente directive est de contribuer, en atteignant un niveau élevé de protection du consommateur, au bon fonctionnement du marché intérieur en rapprochant certains aspects des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux contrats conclus entre les consommateurs et les professionnels. »

5 L’article 2 de cette directive, intitulé « Définitions », prévoit :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

2) “professionnel”, toute personne physique ou morale, qu’elle soit publique ou privée, qui agit, y compris par l’intermédiaire d’une autre personne agissant en son nom ou pour son compte, aux fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale en ce qui concerne des contrats relevant de la présente directive ;

3) “bien”, tout objet mobilier corporel, sauf les objets vendus sur saisie ou de quelque autre manière par autorité de justice ; l’eau, le gaz et l’électricité sont considérés comme des “biens” au sens de la présente directive lorsqu’ils sont conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée ;

[...]

5) “contrat de vente”, tout contrat en vertu duquel le professionnel transfère ou s’engage à transférer la propriété des biens au consommateur et le consommateur paie ou s’engage à payer le prix de ceux-ci, y compris les contrats ayant à la fois pour objet des biens et des services ;

6) “contrat de service”, tout contrat autre qu’un contrat de vente en vertu duquel le professionnel fournit ou s’engage à fournir un service au consommateur et le consommateur paie ou s’engage à payer le prix de celui-ci ;

7) “contrat à distance”, tout contrat conclu entre le professionnel et le consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de service à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance, jusqu’au moment, et y compris au moment, où le contrat est conclu ;

[...] »

6 Aux termes de l’article 6 de ladite directive, intitulé « Obligations d’information concernant les contrats à distance et les contrats hors établissement » :

« 1 Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à distance ou hors établissement ou par une offre du même type, le professionnel lui fournit, sous une forme claire et compréhensible, les informations suivantes :

[...]

c) l’adresse géographique où le professionnel est établi ainsi que le numéro de téléphone du professionnel, son numéro de télécopieur et son adresse électronique, lorsqu’ils sont disponibles, pour permettre au consommateur de le contacter rapidement et de communiquer avec lui efficacement et, le cas échéant, l’adresse géographique et l’identité du professionnel pour le compte duquel il agit ;

d) si elle diffère de l’adresse fournie conformément au point c), l’adresse géographique du siège commercial du professionnel et, s’il y a lieu, celle du professionnel pour le compte duquel il agit, à laquelle le consommateur peut adresser une éventuelle réclamation ;

[...] »

7 L’article 9 de la même directive, intitulé « Droit de rétractation », énonce, à son paragraphe 1 :

« En dehors des cas où les exceptions prévues à l’article 16 s’appliquent, le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour se rétracter d’un contrat à distance ou d’un contrat hors établissement sans avoir à motiver sa décision [...] »

8 L’article 12, sous a), de la directive 2011/83, intitulé « Effets de la rétractation », est ainsi libellé :

« L’exercice du droit de rétractation a pour effet d’éteindre l’obligation des parties :

a) d’exécuter le contrat à distance ou le contrat hors établissement [...] »

9 L’article 16 de cette directive, intitulé « Exceptions au droit de rétractation », dispose :

« Les États membres ne prévoient pas le droit de rétractation énoncé aux articles 9 à 15 pour ce qui est des contrats à distance et des contrats hors établissement en ce qui concerne ce qui suit :

[...]

l) la prestation de services d’hébergement autres qu’à des fins résidentielles, de transport de biens, de location de voitures, de restauration ou de services liés à des activités de loisirs si le contrat prévoit une date ou une période d’exécution spécifique ;

[...] »

 Le droit allemand

10 L’article 312g du Bürgerliches Gesetzbuch (code civil), intitulé « Droit de rétractation », prévoit :

« 1. S’agissant de contrats hors établissement ou de contrats à distance, le consommateur dispose d’un droit de rétractation conformément à l’article 355.

2. Sauf lorsque les parties en ont convenu autrement, il n’existe pas de droit de rétractation pour les contrats suivants :

[...]

9) Les contrats de prestation de services d’hébergement autres qu’à des fins résidentielles, de transport de biens, de location de voitures, de restauration ou de services liés à des activités de loisirs si le contrat prévoit une date ou une période d’exécution spécifique,

[...] »

11 Aux termes de l’article 355 de ce code, intitulé « Droit de rétractation dans les contrats conclus avec les consommateurs » :

« 1 Lorsque la loi confère au consommateur un droit de rétractation conformément à la présente disposition, le consommateur et le professionnel cessent d’être liés par leurs déclarations de volonté de conclure le contrat si le consommateur a rétracté sa déclaration en ce sens dans le délai imparti.

[...] »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

12 Le 12 novembre 2019, DM a, en sa qualité de consommateur, commandé, par l’intermédiaire d’une plateforme de réservation en ligne exploitée par CTS Eventim, un fournisseur de services de billetterie, des billets d’entrée à un concert organisé par un tiers.

13 Ce concert, qui devait avoir lieu le 24 mars 2020 à Brunswick (Allemagne), a été annulé en raison des restrictions administratives adoptées par les autorités allemandes dans le contexte de la pandémie de la CoViD-19. Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, il est possible que ce concert soit reporté à une date ultérieure.

14 Le 19 avril 2020, DM a demandé à CTS Eventim le remboursement du prix d’achat des billets d’entrée ainsi que de frais accessoires, à savoir un montant total de 207,90 euros. La juridiction de renvoi indique que, ce faisant, DM a implicitement déclaré se rétracter de son contrat conclu avec CTS Eventim.

15 Par la suite, conformément à la réglementation allemande relative à l’annulation d’activités de loisirs dans le contexte de la pandémie de la CoViD-19, CTS Eventim, agissant pour le compte de l’organisateur du concert, a fait parvenir à DM un bon à valoir émis par cet organisateur, d’un montant de 199 euros, correspondant au prix d’achat des billets.

16 Devant la juridiction de renvoi, DM exige de CTS Eventim le remboursement du prix d’achat des billets d’entrée ainsi que de frais accessoires.

17 Appelée à se prononcer sur la validité de la rétractation de DM, la juridiction de renvoi considère que l’exception au droit de rétractation figurant à l’article 16, sous l), de la directive 2011/83 ne saurait s’appliquer dans l’affaire au principal. En effet, elle estime que cette exception ne devrait bénéficier qu’au prestataire direct d’un service lié à une activité de loisirs, à savoir, en l’occurrence, à l’organisateur du concert, et non à un fournisseur de services de billetterie dont l’activité se limite à la cession d’un droit d’accès à ce concert. Elle ajoute que, à la suite d’une rétractation survenue dans un délai de plusieurs mois avant la date prévue pour cette activité, le professionnel a la possibilité d’exploiter autrement les capacités réservées, en revendant les billets concernés à d’autres personnes.

18 Dans ces conditions, l’Amtsgericht Bremen (tribunal de district de Brême, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 16, sous l), de la directive [2011/83] doit-il être interprété en ce sens que, lorsque le professionnel ne fournit pas directement au consommateur un service lié à des activités de loisirs, mais vend au consommateur un droit d’accès à un tel service, cela constitue un motif suffisant pour exclure le droit de rétractation du consommateur ? »

 Sur la question préjudicielle

19 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle-ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises (arrêt du 26 octobre 2021, PL Holdings, C 109/20, EU:C:2021:875, point 34 et jurisprudence citée).

20 En outre, la Cour est compétente pour donner à la juridiction de renvoi des indications tirées du dossier de l’affaire au principal ainsi que des observations écrites qui lui ont été soumises, susceptibles de permettre à la juridiction de renvoi de statuer (voir, en ce sens, arrêt du 24 février 2015, Grünewald, C 559/13, EU:C:2015:109, point 32 et jurisprudence citée).

21 En l’occurrence, il convient de relever, d’une part, que, dans la mesure où l’activité de CTS Eventim se limite à la cession d’un droit d’accès à une activité de loisirs organisée par un tiers, la juridiction de renvoi estime que cette société ne fournit pas directement au consommateur un service lié à cette activité, seul l’organisateur du concert étant le prestataire immédiat d’un tel service.

22 La décision de renvoi ne contient pas d’informations précises concernant le cadre dans lequel CTS Eventim exerce son activité, plus particulièrement en ce qui concerne les stipulations contractuelles régissant la relation entre CTS Eventim et l’organisateur du concert dont l’annulation est à l’origine du litige au principal. Cependant, il ressort du dossier dont dispose la Cour et, plus particulièrement, des observations écrites déposées par CTS Eventim, que ces parties sont liées par une relation contractuelle en vertu de laquelle CTS Eventim vend des billets en son nom, mais pour le compte de l’organisateur.

23 D’autre part, il ressort de la décision de renvoi que le contrat en cause dans l’affaire au principal constitue un « contrat à distance », au sens de l’article 2, point 7, de la directive 2011/83, dès lors qu’il a été conclu entre DM en tant que consommateur et CTS Eventim en tant que professionnel, au sens de l’article 2, point 2, de cette directive. En effet, cette dernière notion comprend non seulement la personne physique ou morale qui agit aux fins qui entrent dans le cadre de sa propre activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale en ce qui concerne des contrats relevant de ladite directive, mais aussi la personne physique ou morale agissant en tant qu’intermédiaire, au nom ou pour le compte de ce professionnel (arrêt du 24 février 2022, Tiketa, C 536/20, EU:C:2022:112, point 31).

24 Afin de fournir à la juridiction de renvoi une réponse utile, il y a donc lieu de comprendre la question préjudicielle comme visant à savoir, en substance, si l’article 16, sous l), de la directive 2011/83 doit être interprété en ce sens que l’exception au droit de rétractation prévue à cette disposition est opposable à un consommateur qui a conclu, avec un intermédiaire agissant en son nom, mais pour le compte de l’organisateur d’une activité de loisirs, un contrat à distance portant sur l’acquisition d’un droit d’accès à cette activité.

25 Les articles 9 à 15 de la directive 2011/83 accordent au consommateur un droit de rétractation à la suite, notamment, de la conclusion d’un contrat à distance, au sens de l’article 2, point 7, de cette directive, et établissent les conditions ainsi que les modalités de l’exercice de ce droit.

26 Ainsi, conformément à l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2011/83, le consommateur dispose, en principe, d’un délai de quatorze jours pour se rétracter d’un contrat à distance, l’exercice du droit de rétractation ayant, conformément à l’article 12, sous a), de cette directive, pour effet d’éteindre l’obligation des parties d’exécuter ledit contrat.

27 Cependant, l’article 16 de ladite directive établit des exceptions à ce droit de rétractation notamment dans l’hypothèse, visée au point l) de cet article, d’une prestation de services liés à des activités de loisirs si le contrat prévoit une date ou une période d’exécution spécifique.

28 À cet égard, il importe, d’emblée, de préciser que, selon une jurisprudence constante, dans la mesure où une disposition du droit de l’Union ne renvoie pas au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée, celle-ci doit trouver, dans toute l’Union européenne, une interprétation autonome et uniforme, qui doit être recherchée en tenant compte non seulement des termes de celle-ci, mais également du contexte de cette disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause (voir, en ce sens, arrêt du 21 octobre 2020, Möbel Kraft, C 529/19, EU:C:2020:846, point 21 et jurisprudence citée).

29 Il s’ensuit que la nature juridique attribuée par le droit national à une prestation fournie par un professionnel à un consommateur ne saurait, en tout état de cause, avoir une incidence sur l’interprétation de l’article 16, sous l), de la directive 2011/83.

30 S’agissant, en premier lieu, de la question de savoir si la cession à un consommateur d’un droit d’accès à une activité de loisirs par un intermédiaire agissant pour le compte de l’organisateur de cette activité constitue une prestation de services liés à cette dernière, au sens de l’article 16, sous l), de la directive 2011/83, il convient, d’une part, de vérifier si une telle relation contractuelle entre l’intermédiaire et le consommateur peut relever de la notion de « contrat de service », définie à l’article 2, point 6, de cette directive.

31 Il ressort de la jurisprudence de la Cour que cette notion est définie de manière large, comme visant tout contrat, autre qu’un contrat de vente, au sens de l’article 2, point 5, de la directive 2011/83, en vertu duquel le professionnel fournit ou s’engage à fournir un service au consommateur et le consommateur paie ou s’engage à payer le prix de celui-ci [voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2020, NK (Projet de maison individuelle), C 208/19, EU:C:2020:382, point 62 et jurisprudence citée].

32 Conformément à l’article 2, point 5, de la directive 2011/83, la notion de « contrat de vente » est définie comme tout contrat en vertu duquel le professionnel transfère ou s’engage à transférer la propriété des biens au consommateur et le consommateur paie ou s’engage à payer le prix de ceux-ci, y compris les contrats ayant à la fois pour objet des biens et des services. Par ailleurs, la notion de « bien » est définie à l’article 2, point 3, de cette directive comme visant, en principe, tout objet mobilier corporel, sauf les objets vendus sur saisie ou de quelque autre manière par autorité de justice.

33 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que la relation contractuelle entre DM et CTS Eventim porte, à titre d’obligation essentielle de cette dernière, sur la cession du droit d’accès à l’activité de loisirs inscrite sur les billets en cause au principal.

34 Par conséquent, il y a lieu de constater qu’une telle relation contractuelle, qui porte essentiellement sur la cession d’un droit et non d’un bien, relève, par défaut, de la notion de « contrat de service », au sens de l’article 2, point 6, de la directive 2011/83. Partant, son exécution par le professionnel constitue une prestation de services, au sens de l’article 16, sous l), de celle-ci.

35 Il convient de préciser, à cet égard, que le fait qu’un droit ou des autorisations sont constatés par des documents qui, comme tels, peuvent faire l’objet d’échanges ne suffit pas pour les faire entrer dans le champ d’application des dispositions du traité relatives à la libre circulation des marchandises, au lieu de celles relatives à la libre prestation de services (voir, en ce sens, arrêt du 21 octobre 1999, Jägerskiöld, C 97/98, EU:C:1999:515, points 35 et 36).

36 D’autre part, il convient de vérifier si la cession d’un droit d’accès à une activité de loisirs par un intermédiaire agissant pour le compte de l’organisateur de cette activité peut être considérée comme un service étant lié à cette dernière, au sens de l’article 16, sous l), de la directive 2011/83.

37 À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les différentes catégories de services énumérées à cette disposition correspondent à des exceptions sectorielles qui visent, d’une manière générale, les services fournis dans les secteurs concernés, excepté ceux dont l’exécution n’est pas due à une date ou à une période spécifiée (voir, par analogie, arrêt du 10 mars 2005, EasyCar, C 336/03, EU:C:2005:150, points 22 et 24).

38 Dans la mesure où l’article 16, sous l), de la directive 2011/83 couvre ainsi, en principe, tous les services fournis dans le secteur des activités de loisirs, il résulte de l’utilisation du terme « lié » que l’exception prévue à cette disposition ne se limite pas aux seuls services visant directement la réalisation d’une activité de loisirs en tant que telle.

39 Partant, il y a lieu de constater que la cession d’un droit d’accès pour une activité de loisirs constitue, en elle-même, un service lié à cette activité, au sens de l’article 16, sous l), de la directive 2011/83.

40 En revanche, il ne ressort pas du libellé de cette disposition dans quelle mesure un tel service peut, tout en relevant de ladite disposition, être fourni par une autre personne que l’organisateur de l’activité de loisirs lui-même.

41 À cet égard, s’agissant du contexte de l’article 16, sous l), de la directive 2011/83, il y a lieu de relever que, selon l’article 6, paragraphe 1, sous c) et d), de celle-ci, tout professionnel est tenu, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à distance ou hors établissement ou par une offre du même type, de lui communiquer, le cas échéant, notamment, l’identité du professionnel pour le compte duquel il agit.

42 Ainsi, la directive 2011/83 prévoit expressément la possibilité qu’un contrat relevant de son champ d’application puisse être conclu par un professionnel dans le cadre de l’exécution d’une relation contractuelle en vertu de laquelle celui-ci agit pour le compte d’un autre professionnel.

43 Il s’ensuit que la circonstance selon laquelle un service est fourni non pas par l’organisateur d’une activité de loisirs lui-même, mais par un intermédiaire agissant pour le compte de celui-ci ne s’oppose pas à ce qu’un tel service puisse être considéré comme étant lié à ladite activité.

44 En outre, s’agissant de l’objectif poursuivi à l’article 16, sous l), de la directive 2011/83, il importe de relever que, ainsi qu’il ressort du considérant 49 de cette directive, ledit objectif consiste à protéger le professionnel contre le risque lié à la réservation de certaines capacités que celui-ci pourrait avoir des difficultés à remplir en cas d’exercice du droit de rétractation, notamment pour ce qui est des événements culturels ou sportifs.

45 Aussi ressort-il de la jurisprudence de la Cour que l’article 16, sous l), de la directive 2011/83 vise, notamment, à établir une protection des intérêts des fournisseurs de certains services, afin que ceux-ci ne subissent pas les inconvénients disproportionnés liés à l’annulation, sans frais ni motifs, d’un service ayant donné lieu à une réservation préalable, en conséquence d’une rétractation du consommateur peu de temps avant la date prévue pour la fourniture de ce service (voir, par analogie, arrêt du 10 mars 2005, EasyCar, C 336/03, EU:C:2005:150, point 28).

46 Il résulte des deux points précédents que l’exception au droit de rétractation prévue à cette disposition ne peut s’appliquer qu’aux services fournis en exécution d’une obligation contractuelle à l’égard du consommateur dont l’extinction par voie de rétractation, conformément à l’article 12, sous a), de la directive 2011/83, ferait peser le risque lié à la réservation des capacités ainsi libérées sur l’organisateur de l’activité concernée.

47 En conséquence, ce n’est que dans la mesure où ce risque pèse sur l’organisateur de l’activité concernée que la cession d’un droit d’accès à celle-ci par un intermédiaire peut constituer un service lié à cette activité, au sens de l’article 16, sous l), de la directive 2011/83.

48 À cet égard, le point de savoir si, à la date à laquelle le consommateur se prévaut de son droit de rétractation, il serait possible pour le professionnel, le cas échéant, de remplir autrement les capacités qui seraient libérées en raison de l’exercice de ce droit, notamment au moyen de la revente des billets concernés à d’autres clients, est indifférent. En effet, l’application de l’article 16, sous l), de la directive 2011/83 ne saurait dépendre d’une telle appréciation des circonstances de chaque cas d’espèce.

49 En l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour que, en vertu des stipulations contractuelles liant CTS Eventim à l’organisateur du concert dont l’annulation est à l’origine du litige au principal, cet organisateur est tenu de dégager CTS Eventim de toute responsabilité en cas de demande de remboursement du prix d’un billet présentée par un acheteur. Ainsi, en cas de résolution du contrat en cause dans l’affaire au principal à la suite d’une rétractation de la part de DM, il appartiendrait à l’organisateur du concert de rembourser à DM le prix d’achat des billets acquis auprès de CTS Eventim.

50 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, sous réserve des vérifications auxquelles il incombe à la juridiction de renvoi de procéder, la cession, par CTS Eventim à DM, du droit d’accès pour le concert dont l’annulation est à l’origine du litige au principal constitue un service lié à une activité de loisirs, au sens de l’article 16, sous l), de la directive 2011/83.

51 S’agissant, en second lieu, de la question de savoir si un contrat tel que celui en cause au principal doit être considéré comme prévoyant une date ou une période d’exécution spécifique, il convient de constater que, de par son objet, un contrat portant sur la cession d’un droit d’accès à une activité de loisirs doit nécessairement être exécuté au cours de la période qui se situe entre la date de la cession et celle à laquelle doit se dérouler l’activité à laquelle ce droit donne accès.

52 À cet égard, le point de savoir si le droit d’accès est cédé par l’organisateur de l’activité de loisirs lui-même ou par un intermédiaire est indifférent.

53 Par conséquent, un contrat portant sur la cession d’un droit d’accès à une activité de loisirs conclu par un intermédiaire agissant en son nom, mais pour le compte de l’organisateur de cette activité, doit être considéré comme prévoyant une date ou une période d’exécution spécifique, dès lors que cette activité est prévue comme devant se dérouler à une date ou à une période spécifique.

54 Or, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, tel est le cas dans l’affaire au principal, le concert auquel les droits cédés par CTS Eventim à DM donnent accès étant prévu se dérouler à une date précise.

55 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 16, sous l), de la directive 2011/83 doit être interprété en ce sens que l’exception au droit de rétractation prévue à cette disposition est opposable à un consommateur qui a conclu, avec un intermédiaire agissant en son nom, mais pour le compte de l’organisateur d’une activité de loisirs, un contrat à distance portant sur l’acquisition d’un droit d’accès à cette activité, pour autant que, d’une part, l’extinction par voie de rétractation, conformément à l’article 12, sous a), de cette directive, de l’obligation d’exécuter ce contrat à l’égard du consommateur ferait peser le risque lié à la réservation des capacités ainsi libérées sur l’organisateur de l’activité concernée et, d’autre part, l’activité de loisirs à laquelle ce droit donne accès est prévue comme devant se dérouler à une date ou à une période spécifique.

Sur les dépens

56 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

L’article 16, sous l), de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, doit être interprété en ce sens que l’exception au droit de rétractation prévue à cette disposition est opposable à un consommateur qui a conclu, avec un intermédiaire agissant en son nom, mais pour le compte de l’organisateur d’une activité de loisirs, un contrat à distance portant sur l’acquisition d’un droit d’accès à cette activité, pour autant que, d’une part, l’extinction par voie de rétractation, conformément à l’article 12, sous a), de cette directive, de l’obligation d’exécuter ce contrat à l’égard du consommateur ferait peser le risque lié à la réservation des capacités ainsi libérées sur l’organisateur de l’activité concernée et, d’autre part, l’activité de loisirs à laquelle ce droit donne accès est prévue comme devant se dérouler à une date ou à une période spécifique.