Livv
Décisions

Cass. com., 12 décembre 1995, n° 93-21.640

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Gomez

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Rouvière et Boutet, Me Bertrand, Me Thomas-Raquin

Paris, du 11 mai 1993

11 mai 1993

Joint les pourvois nos 93-21.640 et 94-12.488 qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 11 mai 1993), que la société NV Nederlandsche Apparatenfabriek Nedap (société Nedap) est titulaire de la demande d'un brevet ayant pour objet une " plaquette détectrice pour système d'identification " et dont le dépôt effectué le 2 novembre 1977 a été enregistré, sous le bénéfice d'une priorité britannique, sous le numéro 77-32.938 ; qu'elle a assigné pour contrefaçon des revendications 1 à 8 la société X... France qui a conclu à la nullité du brevet et a appelé en garantie la société Hokofarm, fabricant des appareils argués de contrefaçon ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 93-21.640 pris en ses deux premières branches :

Attendu que la société X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande en nullité des revendications 1 à 8 du brevet litigieux alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel qui constatait que l'homme du métier connaissait par Koelle la possibilité d'utiliser un seul dispositif servant à la fois à recevoir et transformer l'énergie de façon à alimenter des circuits électroniques générant un code et à transmettre des informations codées et qu'il savait par le brevet Davis que le circuit résonnant pouvait être constitué par un circuit LC composé d'une bobine et d'un condensateur, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient au regard de l'article 9 de la loi du 2 janvier 1968 en décidant que l'homme du métier n'était nullement induit à penser qu'un seul circuit résonnant constitué d'une bobine et d'un condensateur pouvait à la fois recevoir le champ électromagnétique d'interrogation, fournir une tension d'alimentation et engendrer le signal codé et que dès lors la combinaison revendiquée impliquait une activité inventive ; et alors, d'autre part, que la nullité de la revendication 1 pour défaut d'activité inventive entraînera la nullité des revendications 2 à 8 dont la cour d'appel a constaté qu'elles se combinaient entre elles et avec la revendication 1 ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir analysé le contenu des brevets Koelle et Davis, l'arrêt retient que l'art antérieur n'incitait pas l'homme du métier à combiner l'enseignement de ces antériorités et que même le brevet Koelle le dissuadait de choisir la solution du brevet litigieux ; qu'à partir de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a souverainement décidé que la revendication 1 présentait une activité inventive ;

Attendu, d'autre part, que le moyen contestant la validité de la revendication 1 étant rejeté celui contenu dans la seconde branche est inopérant ;

D'où il suit que le moyen, pris en ses deux premières branches, ne peut être accueilli ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° 94-12.488 pris en ses quatre branches :

Attendu que la société Hokofarm fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande en nullité de la revendication 1 du brevet litigieux alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'article 28 de la loi de 1968 non modifiée dispose à l'alinéa 1 que " l'étendue de la protection conférée par le brevet est déterminée par les revendications ", le contenu de l'invention ne pouvant être défini, en vertu de l'article 8 de son décret d'application du 8 décembre 1968, que par la combinaison du préambule et de la partie caractérisante au sein de chaque revendication ; que de surcroît il découle de l'article 11 de l'arrêté du 19 septembre 1979, applicable aux procédures en délivrance de brevets en cours au moment de la publication de la loi du 13 juillet 1978, que les signes et références inclus entre parenthèses dans les revendications pour désigner des caractéristiques techniques figurant dans les demandes de brevet " ne sauraient être interprétés comme une limitation de la revendication " ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes que la loi d'une revendication ne peut être définie qu'en fonction de ce qui est expressément dénommé dans le préambule et la partie caractérisante, sans que cette dénomination puisse être limitée par les seules références entre parenthèses qui y figurent ; qu'en l'espèce où le brevet Nedap a été publié le 7 mai 1982 à la suite d'une procédure d'avis documentaire soumise à la loi de 1978, l'arrêt, qui a constaté que la revendication 1, tant dans son préambule que dans sa partie caractérisante, dénommait exclusivement un circuit résonant, sans mentionner une quelconque limitation par bobine et condensateur, ne pouvait donc inclure cette limitation dans la loi de la revendication par la prise en compte des initiales LC qui figuraient seulement entre parenthèses à côté du " circuit résonnant " dénommé à la partie caractérisante sans violer les textes précités ; alors, d'autre part, que si, en vertu de l'article 28 de la loi de 1968 non modifiée, la description textes et dessins sert à interpréter les revendications devant prendre assise dans la description, cette description ne peut en aucun cas ajouter aux revendications ; qu'en l'espèce, le fait que le texte du brevet décrivait, au titre " d'un exemple de réalisation " avec dessins annexés, un circuit résonnant constitué d'une bobine L et d'un condensateur C dans sa structure et son fonctionnement, ne pouvait avoir pour effet d'ajouter à la revendication 1 la bobine et le condensateur en tant que composant un circuit résonant non limité dans sa composition, dès lors que cette revendication prenait directement assise dans la description générale de l'invention, précédant l'exemple de réalisation, où il était clairement énoncé que " l'invention... a pour objet une plaquette détectrice pour système d'identification, comportant notamment un circuit résonant " et dont " une caractéristique essentielle de l'intention " consistait notamment en " une tension d'alimentation délivrée par le circuit résonant " ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; alors, en outre, que la cour d'appel qui fait l'impasse sur la description générale de l'invention avec circuit résonant sans limitation dans sa composition, a dénaturé le texte même de la description dans laquelle le circuit résonant, dont il est ainsi fait état indépendamment d'une bobine et d'un condensateur, est cité à plusieurs reprises, notamment à la page 5, " comme délivrant non seulement un signal codé, mais aussi la tension d'alimentation des moyens de codage " (lignes 15 à 18), en ce qu'il est un " circuit résonant complet " (ligne 29) ; qu'il état ainsi inutile d'exiger la description d'un autre mode de réalisation du circuit résonant ; que la cour d'appel a donc violé l'article 28 de la loi de 1968 non modifiée et l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, que la cour d'appel a présumé que la société Nedap n'avait entendu couvrir que le seul mode de réalisation de l'invention par circuit résonant constitué d'une bobine et d'un condensateur, ce qui est démenti tant par l'étude de son brevet français où la description formule une invention avec circuit résonant non limité qui est seul visé dans les revendications faisant état d'un circuit résonant (1, 2, 3, 7, 8 et 9) que par le fait, rappelé aux conclusions, que la société Nedap avait été contrainte par le juge des brevets hollandais de restreindre la portée de sa revendication 1 à un circuit résonant constitué d'une bobine et d'un condensateur et, avait également demandé au cours de la présente procédure que soit restreinte la portée de sa revendication 1 dans le même sens que celle érigée par le juge hollandais, tout en reconnaissant expressément dans ses propres écritures d'appel que l'utilisation de l'expression " circuit résonant (LC) rapprochée comme elle doit l'être de la description, manifeste clairement de la part du rédacteur du brevet n° 77.32938, la volonté de couvrir des modes de réalisation tels que par exemple des antennes résonantes " ; que la cour d'appel a violé les articles 28 de la loi de 1968 non modifiée et 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'en rappelant, avant d'apprécier la portée de la revendication 1 et l'interpréter, que l'article 28 de la loi du 2 janvier 1968 conduit à tenir compte de la description et des dessins, l'arrêt, qui relève que, dans la partie caractérisante, il est fait référence à un circuit " LC " désignant, dans la pratique, un circuit constitué d'une bobine et d'un condensateur et, en se référant au contenu du brevet, qu'il ne décrit aucun autre type de circuit ni aucun autre mode de réalisation de circuit résonant, retient que ladite revendication ne concerne qu'un circuit résonant constitué d'une bobine et d'un condensateur ; qu'à partir de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a, sans encourir les griefs du moyen, interprété la revendication litigieuse et défini sa portée ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 94-12.488 pris en ses deux branches :

Attendu que la société Hokofarm fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande en nullité de la revendication 1 du brevet litigieux alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'activité inventive doit être recherchée par rapport à l'homme du métier ayant simultanément à l'esprit tous les éléments de l'état de la technique aux fins d'en dégager un enseignement global, exclusif des enseignements particuliers de chacun d'entre eux ; qu'en l'espèce où l'état de la technique incluait, outre le brevet Winding visé au brevet Nedap, le brevet Davis figurant dans l'avis documentaire et les documents Koelle versés aux débats, la cour d'appel s'est bornée à examiner l'activité inventive au regard de l'homme du métier en privilégiant d'abord l'enseignement particulier du brevet Davis dont elle déclare qu'il devait être simplifié, puis en envisageant séparément l'enseignement Koelle prétendu dissuasif de cette simplification, au lieu de faire rechercher par l'homme du métier l'enseignement global découlant de ces documents antérieurs tel qu'il résultait de leur examen simultané et sans a priori ; qu'il ne s'agissait pas de savoir si le brevet Davis devait ou non être simplifié ou si l'antenne Koelle était ou non compatible avec l'antenne circuit fermé par bobine et condensateur, mais de déterminer si le circuit résonant LS décrit dans les deux brevets antérieurs dont le brevet Davis (transpondeur sans pile) pouvait ou non jouer la même fonction que l'antenne Koelle dans un même dispositif à la fois récepteur et générateur d'énergie électromagnétique et producteur d'un signal codé ; que l'arrêt est donc entaché d'un défaut de base légale au regard de l'article 9 de la loi du 2 janvier 1968 non modifiée ; et alors, d'autre part, qu'une simple substitution de moyens équivalents ne relève pas de l'activité inventive impliquant une non-évidence par rapport à l'état de la technique et qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt que l'homme du métier savait par le brevet Davis que le circuit résonant pouvait être constitué par un circuit LC composé d'une bobine et d'un conducteur, comme il savait par les documents Koelle qu'un seul dispositif pouvait être utilisé pour recevoir et transformer l'énergie de façon à alimenter des circuits électriques ayant un code et à transmettre des informations codées, de sorte que l'application à ce dispositif du circuit résonant LC ne pouvait s'analyser que comme une substitution de moyens équivalents, sans qu'il importe que l'antenne fût un circuit ouvert au lieu d'être un circuit fermé ; qu'ainsi la cour d'appel a violé l'article 9 de la loi du 2 janvier 1968 non modifiée ;

Mais attendu, d'une part, que pour l'appréciation de l'activité inventive de la revendication litigieuse, la cour d'appel a tenu compte de l'ensemble de l'art antérieur qui était opposé et notamment des deux brevets Koelle et Davis pour en déduire qu'ils ne pouvaient pas conduire l'homme du métier " à combiner les systèmes Davis et Koelle " et a donc effectué la recherche prétendument omise ;

Attendu, d'autre part, qu'en retenant, après avoir procédé à la comparaison des antériorités et de la revendication litigieuse, que la combinaison revendiquée allait au-delà de la mise en oeuvre des connaissances de l'homme du métier par de simples travaux d'exécution, la cour d'appel a, sans encourir le grief du moyen, décidé que ladite revendication ne décrivait qu'une simple substitution de moyens équivalents ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen du pourvoi n° 94-12.488 pris en ses trois branches :

Attendu que la société Hokofarm fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande en nullité des revendications 2 à 8 du brevet litigieux alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'une cassation obtenue sur l'un ou l'autre des moyens précédents doit avoir pour conséquence nécessaire d'entraîner l'annulation de ces chefs de décision, tout au moins en ce qui concerne les revendications 2, 3, 4, 5 et 6 dont la validité n'a pas été également reconnue pour elles-mêmes, en application de l'article 624 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, que, en tout cas, en ce qui concerne la revendication 2, l'arrêt a affirmé sa combinaison avec la revendication 1 sans motiver cette affirmation, entachant ainsi sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 6, 8 et 9 de la loi du 2 janvier 1968 non modifiée ; et alors, enfin, que le même vice entache la motivation lacunaire de l'arrêt sur la prétendue combinaison de la revendication 6 avec les revendications 4 et 5 ;

Mais attendu, en premier lieu, que le moyen tendant à la cassation de la décision en ce qui concerne le rejet de la demande de nullité de la revendication 1 étant rejeté le moyen est sans fondement ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que la revendication 2 est dans la dépendance de la revendication 1 dont elle décrit le mode de réalisation et que la revendication 6 est dans la dépendance de la revendication 5 dont la validité n'est pas contestée et dont elle est un mode particulier ; qu'ainsi, la cour d'appel a, par une motivation suffisante tenant à la dépendance des revendications litigieuses, justifié sa décision sur leur validité ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 93-21.640 pris en sa troisième branche :

Attendu que la société X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande en nullité des revendications 1 à 8 du brevet litigieux alors, selon le pourvoi, subsidiairement que la cassation qui interviendra sur le pourvoi de la société Hokofarm devra entraîner en tant que de besoin la cassation de l'arrêt en ses dispositions concernant les sociétés X... France et X... NV qui se sont bornées à commercialiser les plaquettes arguées de contrefaçon par application des dispositions de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que le pourvoi de la société Hokofarm est rejeté ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.