ADLC, 1 mars 2022, n° 22-DCC-26
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Crèche Attitude, Pro’Formance et Nemomarlin par le groupe Grandir
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
B. Coeuré
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 25 janvier 2022, relatif à la prise de contrôle exclusif des sociétés Crèche Attitude, Pro’Formance et Nemomarlin par le groupe Grandir, formalisée par une promesse d’achat en date du 27 juillet 2021 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les autres pièces du dossier ; Adopte la décision suivante
Résumé1
Au terme de la décision ci-après, l’Autorité de la concurrence autorise la prise de contrôle exclusive des sociétés Crèche Attitude et Pro’Formance, par le groupe Grandir, tous deux actifs dans le secteur des modes de garde formels de jeunes enfants.
L’Autorité n’avait pas eu l’occasion à ce jour d’analyser le fonctionnement de ce secteur ni de définir les marchés concernés. Ce secteur intègre les prestations de gardes de jeunes réalisés par des professionnels qualifiés à leur domicile, les assistants maternels, ou au sein d’établissements dédiés, les établissements d’accueil de jeunes enfants (ci-après « EAJE »). L’Autorité envisage l’existence de marchés amont et d’un marché aval.
Les marchés amont concernent la commercialisation de prestations de garde au sein d’établissements d’accueil de jeunes enfants privés auprès de tiers pour les besoins de leurs employés ou de leurs administrés et la gestion d’EAJE pour le compte de personnes publiques. L’Autorité a segmenté le marché de la réservation de places de gardes au sein d’EAJE privés en trois :
- Le marché de la réservation de places au sein d’EAJE par des opérateurs de dimension nationale privés ou publics sur l’ensemble du territoire.
- Les marchés de la réservation de places au sein d’EAJE par des opérateurs de dimension locale privés ou publics, qui réservent de places sur des zones correspondant à leur lieu d’activité habituel.
- Les marchés de la réservation de places au sein d’EAJE par des collectivités territoriales pour compléter leur offre de service public de garde de jeunes enfants.
L’Autorité a segmenté le marché aval de la garde de jeunes enfants en deux : les offres de services de garde par des EAJE et les offres de services de garde par des assistants maternels.
À l’issue de son analyse concurrentielle, l’Autorité a constaté que l’opération conduit à des chevauchements d’activité sur de nombreux marchés.
Sur les marchés nationaux et locaux de la réservation de places par des opérateurs privés et publics, tout risque d’atteinte à la concurrence peut être écarté du fait de la présence de nombreux concurrents et des parts de marchés limitées de la nouvelle entité. Sur les marchés de la réservation de places par des collectivités territoriales, la nouvelle entité disposera de parts de marchés inférieures à 25 % sur 23 zones de chevauchements. Sur les 18 autres de chevauchement, la présence de concurrents, la position des parties ou encore l’absence de réservation par les collectivités au sein des EAJE des parties conduit à y exclure tout risque d’atteinte à la concurrence du fait de l’opération. Sur les marchés de la gestion d’EAJE public, la nature et le fonctionnement de ces marchés permettent d’écarter tout risque du fait de l’opération.
Enfin, sur le marché aval de la garde de jeunes enfants, l’opération entraîne des chevauchements sur 174 zones de chalandise, dont 172 pour lesquelles la part de marché de la nouvelle entité sera inférieure à 25 %. Sur les deux zones restantes, la part de marché des parties sera supérieure à 40 %, mais inférieure à 50 %, la présence de nombreux concurrents et d’une offre suffisante, notamment chez des assistants maternels, permettent d’écarter tout risque d’atteinte à la concurrence.
L’Autorité a donc autorisé l’opération sans condition.
I. Les entreprises concernées et l’opération
A. LE GROUPE GRANDIR
1. Grandir est une société par actions simplifiée, filiale de la société The Grandir Group, holding du groupe du même nom. Le groupe Grandir est spécialisé dans la conception, la réalisation, l’animation et la gestion d’établissements d’accueil de jeunes enfants aussi bien en France qu’à l’international.
2. Le groupe Grandir gère à ce jour environ 650 établissements d’accueil de jeunes enfants (« EAJE ») en Europe et en Amérique du Nord. Les activités du groupe Grandir sont exploitées à travers 4 marques principales dont « Les Petits Chaperons Rouges » en France.
3. En 2021, le groupe Grandir exploitait 421 crèches en France, représentant un total de […] places ([…] crèches multi-accueil classiques gérées en propre, représentant un total de […]places ; […] microcrèches gérées en propre, représentant un total de […]places ; […] crèches municipales gérées en délégation de service public, représentant un total de […]places). Le groupe dispose en outre d’un réseau de 1600 crèches partenaires.
4. Le groupe Grandir est actuellement contrôlé conjointement par la société InfraVia V Invest, elle-même contrôlée par des fonds conseillés et représentés par leur société de gestion InfraVia Capital Partners, et par la société Athina Conseil, holding patrimoniale du fondateur du groupe.
B. LES SOCIÉTÉS CIBLES
5. Crèche Attitude SAS, Pro-formance SAS et Nemomarlin Franchise SL (ci-après, ensemble,
« les cibles ») constituent les activités de services d’accueil de jeunes enfants du groupe Sodexo2.
6. Crèche Attitude et ses filiales exploitent, en France, 296 crèches représentant un total de […] places, sous la marque Liveli ([…] crèches multi-accueil gérées en direct, représentant un total de […] places ; […] microcrèches gérées en direct, représentant un total de […] places ; […] crèches gérées en DSP, représentant un total de […] places). En outre, Crèche Attitude s’appuie sur un réseau de 1478 crèches partenaires.
7. Pro’Formance est une société agréée pour la formation, qui a pour objet de créer, organiser, promouvoir et dispenser des actions de formation continue auprès des collaborateurs exerçant au sein de Crèche Attitude et de ses filiales situées en France. Les prestations de formation dispensées par Pro’Formance correspondent à des prestations purement internes.
C. L’OPÉRATION
8. L’opération notifiée consiste en l’acquisition par Grandir de l’intégralité du capital et des droits de vote des cibles auprès de Sodexo SA3. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif des cibles par Grandir, l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
9. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (groupe Grandir : [> 150] millions d’euros pour l’exercice clos le 31/12/2020 ; cibles : [< 150] millions d’euros pour la société Crèche Attitude, et [< 150] millions d’euros pour la société Nemomarlin Franchise pour l’exercice clos le 31/08/2020). Chacune de ces entreprises réalise, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (groupe Grandir : [> 50] millions d’euros pour l’exercice clos le 31/12/2020 ; cibles : [> 50] millions d’euros pour l’exercice clos le 31/08/2020).
10. Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce, relatives à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
11. Les parties sont actives dans le secteur de la garde d’enfants de moins de 3 ans au sein d’établissements spécialisés dans l’accueil de jeunes enfants4.
12. L’Autorité de la concurrence et la Commission européenne n’ont pas encore eu l’opportunité de se prononcer sur l’existence de marchés relatifs aux modes de garde formels de jeunes enfants.
13. Dans le cadre de son instruction, l’Autorité a donc analysé le fonctionnement du secteur en France (A). Cette analyse a mis en évidence trois marchés distincts : un marché mettant en relation les établissements d’accueil de jeunes enfants avec des opérateurs tiers réservant des places de garde pour leurs employés ou leurs administrés (B), un marché relatif à la gestion d’établissement d’accueil de jeunes enfants pour le compte d’une personne publique (C) et un marché mettant en relation l’offre de garde formelle par des établissements ou des professionnels qualifiés et les parents de jeunes enfants (D).
A. LE FONCTIONNEMENT DU SECTEUR DES MODES DE GARDE FORMELS DE JEUNES ENFANTS EN FRANCE
14. Le secteur des modes de garde formels des jeunes enfants est fortement encadré en France et a fait l’objet d’une réforme d’ampleur en 20215. L’encadrement est assuré par les services de la protection maternelle et infantile (PMI) qui dépendent des présidents des conseils départementaux, et par les services de la Caisse nationale des allocations familiales. L’accueil du jeune enfant est défini par le Code de l’action sociale et des familles comme consistant à
« prendre régulièrement ou occasionnellement soin d’un ou de plusieurs jeunes enfants à la demande de leurs parents ou responsables légaux en leur absence ou, en tant que de besoin ou de manière transitoire, en leur présence »6.
1. LES OPÉRATEURS DU SECTEUR
15. La réglementation reconnaît trois modes de garde dits formels, qui recouvrent les solutions d’accueil individuel ou collectif et ouvrent généralement droit à des financements de la part des caisses des allocations familiales. Au sein des modes de garde formels, on distingue les employés à domicile, les assistants maternels agréés et les établissements d’accueil de jeunes enfants (ci-après « EAJE »)7.
16. Les EAJE8 comprennent différent types d’établissements offrant des prestations de gardes d’enfants à partir de 2 mois et demi d’âge jusqu’à 6 ans qui se distinguent par les règles qui s’appliquent à eux, notamment en termes de personnels et d’encadrement, et par le nombre de berceaux qu’ils proposent :
- les crèches familiales9 (services qui emploient des assistants maternels agréés qui accueillent les enfants à domicile et permettent des temps de regroupement dans les locaux de la crèche, ces structures pouvant accueillir 90 enfants ou plus),
- les crèches collectives10 (60 berceaux maximum),
- les crèches collectives parentales11, crèches associatives gérées par les parents des enfants qui y sont gardées (24 berceaux maximum),
- les microcrèches12 (12 berceaux maximum),
- les crèches multi-accueil, établissements de garde collective qui regroupent plusieurs unités d’accueil (les unités d’accueil sont des crèches ou des haltes garderies, chaque unité d’accueil pouvant accueillir jusqu’à 60 enfants),
- les haltes garderies, qui offrent des prestations de garde ponctuelles d’enfants de moins de 3 ans (60 places maximum), et
- les jardins d’enfants13, qui accueillent des enfants de dix-huit mois et plus (80 places maximum).
17. Les jardins d’enfants offrent un service de garde de préscolarisation à mi-chemin entre la crèche collective et l’école maternelle. Avant le 1er septembre 2019, ces établissements pouvaient assurer la scolarisation des enfants entre 3 et 6 ans en concurrence avec les écoles maternelles. Depuis cette date, l’instruction est obligatoire, à domicile ou en école maternelle dès l’âge de 3 ans14. Ainsi, compte tenu de leurs particularités, notamment le fait que les jardins d’enfants avaient pour objectif d’offrir des alternatives à la scolarisation au sein d’écoles maternelles plus que des prestations de gardes de jeunes enfants, ces modes de garde ne seront pas couverts par les développements qui suivent et ne seront pas intégrés dans l’analyse des effets concurrentiels de la présente opération.
18. La gestion des EAJE relève pour l’essentiel des collectivités territoriales15 (principalement les communes16) ou d’associations relevant de la loi de 1901. Les autres organismes potentiellement gestionnaires sont les caisses d’allocations familiales (CAF), les organismes privés à but lucratif, et de façon plus limitée les mutuelles ou les comités d’entreprise.
19. La proportion d’entreprises privées a connu une forte croissance au cours des dernières années. Il existe une grande diversité de statuts et de modalités d’activité. Certains acteurs, comme les entreprises Babilou, People&Baby ou la Maison Bleue disposent d’enseignes regroupant des centaines d’EAJE et plusieurs milliers de berceaux répartis sur l’ensemble du territoire français, généralement près des centres urbains. Ces opérateurs, à l’instar des parties, s’appuient également sur des réseaux de partenaires regroupant plusieurs milliers d’EAJE. D’autres acteurs, comme Les Petites Canailles, sont de dimension plus locale. S’ils regroupent plusieurs dizaines d’établissements, ils sont davantage concentrés au niveau d’une zone géographique. Enfin, certains opérateurs exploitent des EAJE selon un modèle associatif à but non lucratif.
20. Aux côtés de ces entreprises, des opérateurs agissent comme des sociétés de courtage proposant des berceaux au sein de crèches partenaires à des tiers financeurs et à des particuliers (tel est le cas notamment du site crèchespourtous.com qui dépend de l’entreprise People & Baby ou du site maplaceencreche.com opérateur indépendant qui référence des EAJE partenaires pour proposer des solutions de garde à des parents ou à des employeurs).
21. Les assistants maternels peuvent exercer à domicile ou au sein des maisons d’assistants maternels. Ces professionnels sont généralement employés directement par les particuliers, mais peuvent être salariées par des personnes morales de droit public ou privé. Les assistants maternels représentent la majorité de l’offre de service de garde de jeunes enfants en France17.
22. Seuls les EAJE et les assistants maternels font l’objet d’une autorisation spécifique d’exercice (demande d’autorisation pour la création, la transformation ou l’extension pour les premiers et demande d’agrément pour les seconds).
23. Les employés à domicile sont employés directement par les particuliers et relèvent de la réglementation prévue par le Code du travail18 mais ne font pas l’objet d’une quelconque autorisation d’exercice. Les spécificités du recours à ce type de mode de garde et leur part limitée dans l’offre du secteur a conduit, en l’espèce, à les écarter de l’analyse du marché.
2. AUTORISATION D’OUVERTURE ET D’EXERCICE
24. Les opérateurs, personnes morales de droit privé ou public, souhaitant ouvrir ou étendre un EAJE sont soumis à une autorisation (un agrément) délivrée par le Président du conseil départemental19, après avis du maire de la commune d’implantation lorsque l’opérateur est une personne physique ou morale de droit privé.
25. La demande d’autorisation d’ouverture d’un EAJE doit notamment comporter un certain nombre d’éléments incluant une étude des besoins, les objectifs, modalités d’accueil et moyens mis en œuvre en fonction du public accueilli et du contexte local. Les EAJE font l’objet d’une réglementation stricte prévue par le Code la santé publique20, notamment en termes d’encadrement des enfants et de fonctionnement (présence de personnels qualifiés, de médecins lorsque l’établissement accueille plus de 10 enfants, etc.), de dispositions et de taille des locaux.
26. En fonction de leur capacité d’accueil21, les EAJE sont soumis à des obligations différentes s’agissant de l’encadrement de la structure, du nombre de personnels qualifiés pour s’occuper des enfants et de taille des locaux.
27. Les assistants maternels font également l’objet d’un agrément d’exercice de la part du président du conseil départemental. Cet agrément vise à s’assurer que les conditions matérielles et de formation sont réunies pour l’accueil de jeunes enfants et que l’état de santé du demandeur lui permet d’exercer cette profession. L’agrément est d’une durée limitée à 5 années et il doit faire l’objet d’un renouvellement qui peut être accordé pour 10 ans22.
28. Le contrôle du respect de ces dispositions est assuré par les services de la PMI.
3. LE FINANCEMENT DES ÉTABLISSEMENTS D’ACCUEIL DE JEUNES ENFANTS
a) La Caisse d’allocations familiales
29. Le principal organisme financeur des modes de garde formels de jeunes enfants est la Caisse d’allocations familiales, qui le fait par le biais de trois dispositifs (i) la prestation de service unique (ci-après « PSU »), (ii) l’allocation choix du mode de garde (ci-après « CMG »), et (iii) le plan d’investissement pour l’accueil des jeunes enfants.
Prestation de service unique (PSU).
30. La subvention de fonctionnement courant accordée aux gestionnaires d’EAJE est la prestation de service unique (PSU). Cette aide est directement versée aux établissements ayant obtenu l’agrément des services de PMI, et tout type de gestionnaire (public, associatif, entreprise privée) peut y prétendre.
31. En contrepartie de ce financement, les gestionnaires d’EAJE subventionnés PSU calculent les participations familiales selon un barème national fixé par la CAF, qui dépend des revenus et du nombre d’enfants à charge des ménages. Ainsi, à revenus et nombre d’enfants à charge équivalents, les parents paieront le même reste à charge dans n’importe quel EAJE PSU. La PSU complète les participations familiales : plus les revenus de la famille sont faibles, plus la subvention de la CAF est importante.
32. Les crèches PSU sont généralement des crèches collectives ou des crèches multiaccueil. Le nombre de places offertes par EAJE PSU se situe principalement entre 11 et 2023.
Choix du mode de garde (CMG)
33. Cette aide s’adresse aux parents ayant recours à un EAJE non conventionné PSU, un assistant maternel agréé ou un employé à domicile pour faire garder leur enfant. Cette aide fait partie des aides « Prestation d’accueil du jeune enfant » (ci-après « PAJE »), qui comprennent diverses aides sociales destinée à aider les parents lors de la naissance ou de l’adoption d’un enfant24.
34. Deux types de CMG sont à distinguer : le CMG rémunération, qui prend en charge une partie de la dépense des parents pour la rémunération de leur assistant maternel ou employé à domicile, et le CMG structure, qui prend en charge une partie de la dépense des parents pour l’accueil de leur enfant en EAJE subventionné PAJE. Dans les deux cas, le CMG est versé directement au parent par la CAF, et son montant varie en fonction des revenus, du nombre d’enfants à charge de la famille, et de l’âge de l’enfant gardé. Un minimum de 15 % de la dépense reste cependant à la charge des parents.
35. Le versement du CMG contraint, dans une certaine mesure, la tarification demandée aux parents par l’EAJE ou l’assistant(e) maternel(le). Dans le cas des EAJE conventionnés PAJE, la tarification est libre. Les gestionnaires ne perçoivent pas de subvention de fonctionnement de la CAF, car cette part est directement remboursée au parent via le CMG structure. Toutefois, si le tarif appliqué par l’EAJE dépasse 10 € de l’heure, les parents ne pourront pas bénéficier du CMG structure. De la même façon, la rémunération des assistants maternels agréés ne doit pas dépasser un plafond journalier de 51,25 € brut pour que les parents puissent bénéficier du CMG rémunération.
36. Les microcrèches conventionnées PAJE représentent la majeure partie de l’offre d’accueil des microcrèches25.
Plan d’investissement pour l’accueil des jeunes enfants
37. Dans le cadre du plan d’investissement pour l’accueil des jeunes enfants (« PIAJE »), les CAF peuvent verser une subvention d’investissement pour couvrir les frais d’ouverture d’un EAJE. Les EAJE bénéficiant de la PSU et appliquant le barème national de calcul des participations familiales sont éligibles à la subvention PIAJE. Sous certaines conditions strictement définies, sont aussi éligibles à la subvention PIAJE les microcrèches PAJE accueillant uniquement des enfants dont les parents perçoivent le CMG structure.
38. Le versement de cette aide est soumis à l’appréciation de la CAF qui peut refuser de financer certains projets de création de crèches lorsqu’elle estime que l’offre d’accueil effective, prenant en compte les assistants maternels, sur le territoire est suffisamment développée.
b) L’État et les collectivités locales
39. En sus de ces aides directes de la CAF, tous les modes de garde formels ouvrent droit pour les parents à un crédit d’impôt de 50 % de la somme dépensée après déduction des remboursements versés par la CAF. Pour l’accueil en EAJE et les assistants maternels agréés ce crédit d’impôt est octroyé dans la limite de 1 150 € par an, pour les employés à domicile le plafond est de 6000 € par an.
c) Les tiers financeurs
40. Pour les opérateurs privés, à but lucratif ou non, le financement de l’EAJE peut être également supporté par des tiers financeurs qui réservent des places pour leurs administrés dans le cas de collectivités ou pour leurs employés. Pour les collectivités, le financement passe principalement par des marchés de réservation de places. L’accès aux places n’est alors pas géré par l’opérateur, mais par la personne publique réservataire. Pour les employeurs, les tiers financeurs peuvent être des employeurs privés ou publics qui réservent des places pour leurs employés. En fonction de la taille de l’employeur considéré et de ses besoins, la réservation peut être ponctuelle ou récurrente, localisée ou sur l’ensemble du territoire. Certains réservataires, publics ou privés, peuvent avoir recours à des appels d’offres.
41. Le prix attaché à cette réservation de place n’est pas encadré, et le contrat porte le plus souvent sur la réservation d’un berceau sur une année ou plus.
42. Dans ce contexte, pour répondre à la demande de tiers financeurs disposant d’une grande envergure, les opérateurs de crèches privés à but lucratifs disposant d’une taille suffisante, mais également des sociétés tierces agissant comme centrale de réservation, essaient d’agréger autour d’eux des réseaux de crèches partenaires afin de pouvoir disposer d’un réseau plus important que leurs propres établissements et pouvoir ainsi répondre aux demandes des employeurs. Certains opérateurs qui ne disposent pas de crèches en propres ont développé des activités fondées sur cette seule mise en relation entre crèches et employeurs tiers financeurs.
43. Il convient de noter que l’État accorde des déductions fiscales aux tiers financeurs privés contribuant au financement de la garde des enfants de leurs employés, via le Crédit d’Impôt Famille (CIF). Le CIF peut ainsi être accordé aux entreprises engageant « des dépenses ayant pour objet de financer la création et le fonctionnement d’une halte-garderie et d’une crèche, soit exploitée directement par l’entreprise, soit exploitée selon un mode interentreprises. Elles doivent assurer l’accueil des enfants de moins de 3 ans des salariés de l’entreprise. » Il couvre aussi les « versements effectués directement par l’entreprise pour l’accueil des enfants à charge de moins de 3 ans de ses salariés par des organismes publics ou privés exploitant une crèche ou une halte-garderie. »26 Ce crédit d’impôt correspond à 50 % des dépenses, et son montant est plafonné à 500 000 € par an. Les professionnels libéraux et microentreprises ne bénéficient pas de ce crédit d’impôt.
4. L’ACCÈS AUX SERVICES DE GARDE FORMELS
a) Modalités d’accès aux différents modes de garde
44. Il existe plusieurs modalités d’accès aux modes de garde, qui dépendent du type de mode de garde considéré et du type d’établissements. Pour les EAJE on peut en distinguer deux.
45. S’agissant des crèches municipales, des crèches exploitées dans le cadre d’une DSP ou des crèches privées, mais dont les places ont été réservées par une collectivité, les places sont attribuées par la mairie à l’issue d’une commission d’attribution, à la suite du dépôt, par les parents, d’un dossier en mairie. Ces commissions attribuent ces places selon des critères qui peuvent intégrer une dimension sociale. Dans certains cas, comme un besoin de garde ponctuel, l’accès aux places peut se faire en direct au niveau des établissements.
46. Pour les autres établissements, l’accès aux places est organisé par les opérateurs eux-mêmes. Dans le cas de grandes sociétés animant un réseau d’EAJE de dimension nationale (comme la partie notifiante et la cible), la commercialisation de ces places transite le plus souvent via des plateformes internet. L’accès à ces places peut également se faire via des plateformes tierces de réservation, ou directement auprès des établissements. Enfin, certains tiers financeurs organisent eux-mêmes des procédures internes destinés à attribuer les places qu’elles réservent à leurs employés.
47. L’accès aux assistants maternels agréés se fait quant à lui de façon libre, par un contact entre les parents et les assistants maternels qui peut être organisé ou facilité par les collectivités ou la CAF. En particulier, des plateformes mises en place par la Caisse d’allocations familiales et l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales27 permettent de trouver en ligne des assistants maternels.
48. Les réseaux d’assistants maternels, en plus de constituer des structures d’aides et d’accueil pour les professionnels, offrent également un point de contact pour les parents.
b) Le prix d’une heure de garde pour les parents
49. Comme il a été évoqué plus haut, le coût des différents modes de garde dépend essentiellement de leur financement.
50. Ainsi, pour les crèches financées via le dispositif PSU, les gestionnaires d’EAJE calculent les participations familiales selon un barème national fixé par la CAF, qui dépend des revenus et du nombre d’enfants à charge des ménages. À revenus et nombre d’enfants à charge équivalents, les parents paieront donc le même reste à charge dans n’importe quel EAJE PSU, quel que soit le statut du gestionnaire (public, associatif, entreprise privée). Certaines modulations à la marge sont possibles, mais encadrées par la Caisse des allocations familiales28.
51. Dans le cas des EAJE « PAJE » qui ne sont pas conventionnés PSU, la tarification reste libre. Cependant, le plafond de 10 € par heure de garde qui conditionne la capacité pour les familles à bénéficier de la prestation « CMG » constitue, de fait, une limite pour les opérateurs souhaitant attirer les parents. Dans certains cas, l’employeur qui réserve des places au sein d’un EAJE peut aussi significativement baisser le coût pour ses employés bénéficiaires de ces réservations en subventionnant le coût de l’heure de garde.
52. De plus, depuis le 1er janvier 202229, la subvention par l’employeur des frais de garde d’un jeune enfant au sein d’une crèche ou micro-crèche peut être considérée comme un avantage en nature soumis aux prélèvements obligatoires, dès lors que cette participation est supérieure à 1830 € par an par salarié et qu’elle conduit à une diminution au profit du salarié des prix normalement pratiqués par l’établissement. Selon plusieurs opérateurs du secteur interrogés dans le cadre de la présente instruction, cette modification légale conduira à un rapprochement entre le prix d’une crèche PSU et celui d’une crèche PAJE. En effet les établissements PAJE, dont la tarification est libre, seront incités à modérer le prix d’une heure de garde faisant l’objet d’une subvention de l’employeur, afin d’éviter un surcoût trop important pour l’employé et l’employeur du fait de l’application des règles relatives aux prélèvements obligatoires sur les avantages en nature à cette subvention.
53. Enfin, s’agissant des assistants maternels, le prix est fixé librement par contrat avec les parents. Néanmoins, le plafond de rémunération journalière brut (52,63 €), conditionnant le bénéfice de la prestation « CMG » par les parents, contribue également à discipliner les prix pratiqués par ces acteurs.
54. Il n’est pas aisé de comparer le coût réel pour les parents entre les différents modes de garde, étant donné que celui-ci dépendra à la fois de leur situation économique, familiale et de la présence ou non d’un tiers financeur. Ainsi, les données publiées par l’Observatoire de la petite enfance permettent de considérer qu’il existe des différences de coût entre des EAJE PSU, généralement les moins chers, les assistants maternels et les EAJE PAJE, qui sont généralement les plus chers. Elles montrent toutefois que ces écarts sont atténués par la modulation des dispositifs de subventions, qui peuvent intervenir assez tardivement après le paiement de la prestation de garde (à l’instar du crédit d’impôt sur le revenu), et par la présence des tiers financeurs pour les EAJE.
c) Les critères de choix d’un mode de garde
55. Les différentes études menées par les services de la Caisse nationale d’allocations familiales montrent que, pour les parents, la proximité l’emporte dans le choix du type de mode de garde, conjointement avec la possibilité de conserver le même mode de garde jusqu’à la scolarisation de l’enfant30.
56. S’il apparaît que les parents semblent privilégier en premier lieu les crèches collectives, celles- ci ne sont pas majoritaires dans les modes de garde utilisées par les parents. En effet en 2019, 18 % des familles avaient à recours à une crèche collective, 4 % à une microcrèche et 29 % à un assistant maternel31. Cela s’explique par le nombre de places disponibles plus limité en EAJE.
57. Ainsi, il semble pertinent de considérer que, si les assistants maternels et les EAJE proposent des prestations équivalentes, ces deux modes de gardes ne sont pas pour autant directement en concurrence sur le même segment de marché. Néanmoins, les assistants maternels constituent une alternative ou un choix de substitution valable pour les parents. Dès lors, la pression concurrentielle exercée sur les EAJE ne peut être totalement écartée.
B. LES MARCHÉS DE LA RÉSERVATION PAR DES TIERS FINANCEURS DE PLACES AU SEIN D’ÉTABLISSEMENTS D’ACCUEIL DE JEUNES ENFANTS
58. L’importance de la réservation de places par des tiers financeurs, publics et privés, pour les opérateurs comparables aux parties a été confirmée dans le cadre d’un test de marché réalisé auprès des concurrents des parties.
59. La part de berceaux réservés par des tiers financeurs représente la grande majorité des places commercialisées par les parties, respectivement [80-90] % pour le groupe Grandir et [90- 100] % pour le groupe Liveli. Si les proportions varient d’un opérateur à l’autre, dans l’ensemble, les réponses au test de marché soulignent le caractère indispensable de cette source de financement, tant pour les opérateurs d’EAJE que pour les parents, pour qui cette participation conduit à une baisse de leur propre contribution aux frais.
60. Il existe donc une relation commerciale entre, d’une part, des opérateurs d’EAJE privés, à but lucratif ou non, et d’autre part des tiers financeurs qui réservent ou pré-réservent des berceaux pour les besoins de leurs employés ou pour ceux de leurs administrés. Il convient de noter qu’un certain nombre de crèches privées au modèle spécifique, comme les crèches parentales ou familiales, ne sont pas actives sur ce marché puisqu’elles n’ont pas vocation à répondre à ce type de demande.
61. Les types de contrats et modalité de réservation varient en fonction du nombre de berceaux considérés et de l’identité des acteurs les réservant, permettant ainsi de distinguer trois marchés distincts.
62. Tout d’abord, certains tiers financeurs réservent ou référencent plusieurs berceaux répartis sur plusieurs départements, plusieurs régions ou sur l’ensemble du territoire national. Le recours au référencement plutôt qu’à la réservation leur permet de moduler le nombre de réservations en fonction des besoins réels. Ces tiers-financeurs peuvent être des personnes morales de droit privé ou public, dont l’activité est le plus souvent répartie sur plusieurs sites. Il s’agit généralement de grandes entreprises, d’entreprises de taille intermédiaires32 ou d’administrations publiques.
63. Ces réservations peuvent se faire auprès d’opérateurs privés d’EAJE ou de centrales de réservations sur internet. Sur ce marché, les demandeurs peuvent recourir à des procédures d’appels d’offres.
64. Compte tenu de la nature de la demande, qui recouvre plusieurs régions, lesquelles varient au gré de la situation de chaque tiers financeur, et du caractère diffus, sur le territoire national, de l’empreinte géographique des opérateurs d’EAJE susceptibles de satisfaire cette demande (directement ou par le biais de leurs réseaux), un tel marché revêt une dimension nationale.
65. À l’inverse, d’autres tiers financeurs, généralement des petites et moyennes entreprises ou des professions libérales, font face à un besoin précis dans une zone déterminée. Le plus souvent le contrat, de gré à gré, portera sur la réservation d’un nombre très limité de berceaux (entre un et cinq) qui seront situés dans l’environnement proche de l’entreprise et du bassin de vie de ses employés. La zone de réservation théorique peut donc être très variable, à la fois en fonction du type de réservataire considéré et des besoins propres à ses employés. Elle reste toutefois assez limitée.
66. En effet, en l’espèce, la demande de l’acheteur est contrainte par le lieu d’habitation de la famille au bénéfice de laquelle la réservation est faite. La délimitation géographique du marché doit donc prendre en compte, à la fois l’espace d’activité du tiers réservataire et le lieu de vie de ses employés.
67. La partie notifiante a proposé de retenir comme délimitation géographique les zones correspondantes aux différents bassins d’emploi identifiés par l’Institut national de la statistique et des études économiques.
68. La zone d’emploi se définit comme « un espace géographique à l’intérieur duquel la plupart des actifs résident et travaillent, et dans lequel les établissements peuvent trouver l’essentiel de la main-d’œuvre nécessaire pour occuper les emplois offerts. […]
Le découpage actualisé se fonde sur les flux de déplacement domicile-travail des actifs observés »33.
69. Cette délimitation apparaît pertinente puisqu’elle recouvre la zone dans laquelle résident les salariés du tiers financeur au bénéfice desquels la réservation de place est réalisée. En l’espèce, l’analyse concurrentielle a donc été réalisée dans ces zones. En tout état de cause, la question de la délimitation exacte du marché local peut être laissée ouverte.
70. Enfin, il y a lieu de singulariser, dans le cadre de l’analyse de ce marché, la réservation de places par des administrations publiques locales auprès d’EAJE privés pour répondre aux besoins de leurs administrés. Ces réservations sont réalisées par les acteurs locaux compétents pour les questions de petite enfance, à savoir les communes34, et dans le cas où cette compétence a été déléguée, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les métropoles. En général, ces réservations passent par des marchés publics de réservations de places, pour un nombre de places déterminé pour la durée du marché, ou dans le cadre d’un marché à bon de commande, et sont soumises au code des marchés publics. Ce marché met donc en relation des collectivités territoriales, réservant pour leurs administrés des places de crèches et les différents opérateurs d’EAJE privés présents sur le territoire de compétence de la collectivité.
71. Les collectivités peuvent opter pour un marché global, alloti en fonction des différents besoins des zones d’habitation de la commune, ou pour un marché public distinct par zones de besoins. La sélection des attributaires du marché intègre un certain nombre de critères, dont le prix et le projet éducatif associé aux structures.
72. Les places ainsi réservées sont destinées à être attribuées par la collectivité dans le cadre de ses propres procédures, le bénéficiaire du contrat de réservation se bornant à assurer l’accueil de l’enfant. En conséquence, la délimitation géographique pertinente pour ce marché correspondra au territoire de compétence de la collectivité concernée (commune ou EPCI ou métropole, dans l’hypothèse où une telle compétence leur aurait été déléguée). Dans le cas d’espèce, l’analyse a été menée au niveau de l’échelon compétent pour chaque EAJE des parties concernées.
73. En revanche, une segmentation des différents marchés de la réservation de places en EAJE qui viennent d’être présentés par types d’établissements d’accueil ou par type de modalité de financement (PSU/PAJE) n’apparaît pas à ce stade pertinente. En effet, la réservation concerne uniquement les EAJE gérés directement par des opérateurs privés et dont ils contrôlent l’attribution des places, majoritairement, des crèches collectives et des microcrèches. L’ensemble de ces établissements peut être concerné par ces réservations de place, dont le prix dépend des capacités de négociation commerciale de chaque opérateur.
74. Compte tenu de ce qui précède, il convient de distinguer : (i) le marché des réservations faites par des grands comptes, publics ou privés, à un niveau national, (ii) celui des réservations par des tiers réservataires, au niveau de leur zone d’emploi et (iii) celui des réservations par les administrations publiques locales, au niveau de la collectivité publique à l’origine de ladite réservation.
75. En tout état de cause, la question de la définition exacte du marché peut être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées, quelle que soit la délimitation retenue.
C. LE MARCHÉ DE LA GESTION D’ÉTABLISSEMENTS PUBLICS D’ACCUEIL DE JEUNES ENFANTS
76. Dans le cadre de la mise en œuvre de leur politique petite enfance, les collectivités peuvent gérer en propre (en régie) des EAJE. Elles peuvent également décider de confier la gestion de leurs établissements à des opérateurs privés dans le cadre de marchés de concessions de service public.
77. La passation de ce type de marché public constitue une activité économique déployée sur un marché sur lequel la concurrence s’exerce à l’occasion de chaque nouvel appel d’offres. Sur ce marché, l’EAJE étant en général préexistant, ce n’est pas la capacité d’accueil dont disposerait par ailleurs un gestionnaire dans une autre crèche qui détermine la pression concurrentielle qu’il exerce, mais sa capacité à gérer l’établissement tout au long du mandat de délégation.
78. Ainsi, l’ensemble des gestionnaires implantés dans la région environnante de la crèche ou ayant la capacité de s’y implanter, qu’il s’agisse d’associations ou d’entreprises privées, et, quelle que soit la capacité d’accueil dont ils disposent dans d’autres établissements proches ou leur empreinte au niveau national, sont potentiellement des concurrents pour l’obtention de la concession. Dans ce contexte, des acteurs locaux qui seraient moins avantagés d’un point de vue technique s’agissant de répondre à des appels d’offres faisant appel à un savoir-faire juridique complexe, pourraient compenser ce désavantage par leur connaissance du contexte local. La présence de l’opérateur dans une zone proche pourrait également faciliter son implantation, en permettant par exemple de faciliter le recrutement du personnel.
79. Compte tenu de ces éléments, il apparaît que, si le marché de la gestion d’établissement public d’accueil de jeunes enfants ne semble pas être de dimension locale, il pourrait avoir une dimension moins que nationale. En l’espèce, compte tenu des règles propres aux marchés publics et des éléments présentés par la partie notifiante tendant à montrer l’absence de préférence pour les acteurs locaux dans l’attribution des marchés, c’est une approche nationale qui a été retenue pour évaluer les effets de l’opération..
D. LE MARCHÉ DE LA GARDE DE JEUNES ENFANTS
1. MARCHÉ DE SERVICES
80. Le marché de la garde formelle de jeunes enfants met en relation des offreurs qui proposent des prestations de garde d’enfants qui ne sont pas en âge d’être scolarisés aux familles qui, du fait de leur activité professionnelle (ou d’une volonté personnelle), ne sont pas en mesure de (ou ne souhaitent pas) garder leurs enfants eux-mêmes en journée.
81. Au regard de la nature des services fournis, l’accueil en EAJE et par un(e) assistant(e) maternel(le) répondent à un même besoin (l’accueil régulier de jeunes enfants par des professionnels de la petite enfance) et s’adressent à une demande commune. Ces deux modes de garde permettent en effet l’accueil régulier d’enfants en bas âge, généralement à temps plein, dans des conditions permettant d’assurer le bien-être et la sécurité des enfants (fourniture de repas, change et, en cas de besoin, surveillance médicale) et de favoriser l’éveil, la socialisation et le développement physique, psychique et affectif de ceux-ci.
82. Par ailleurs, du point de vue de la qualité des services d’accueil en termes de sécurité, d’hygiène et de bien-être des enfants en bas âge, l’existence d’un encadrement réglementaire strict des EAJE et des assistants maternels , applicable aussi bien dès la création de l’activité que tout au long de son exploitation, garantit un même niveau de service théorique entre ces deux modes de garde.
83. Les modalités, l’organisation et les coûts diffèrent néanmoins grandement entre les EAJE conventionnés PSU, les EAJE conventionnés PAJE et les AM. Ainsi, ces différents modes d’accueil offrent à certains égards des prestations qui ne sont pas exactement identiques.
84. En particulier, dans le cas des AM, le prestataire de service se trouve dans une relation d’employeur/employé avec les parents. À l’inverse, dans le cas d’un EAJE, la relation s’effectue dans un cadre formel, voire institutionnalisé pour les EAJE publics.
85. Compte tenu des spécificités propres à ces deux modes de garde formel, une segmentation entre les établissements d’accueil de jeunes enfants (crèche collective et microcrèches) et les assistants maternels paraît envisageable.
86. Néanmoins, la concurrence exercée par les assistants maternels sur les opérateurs d’EAJE étant réelle, la présence d’une offre de places suffisantes chez des assistants maternels pourra être intégrée dans une analyse plus qualitative de l’offre de places sur certaines zones.
87. En tout état de cause, la question de la définition exacte du marché peut être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées, quelle que soit la délimitation retenue.
2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE
88. Comme il a été indiqué, ce sont la proximité et la pérennité de la solution d’accueil qui apparaissent comme les critères organisationnels les plus importants pour les familles dans le choix d’un mode de garde. La dimension locale du marché de l’accueil de jeunes enfants semble donc acquise.
89. Afin d’affiner cette analyse, et conformément aux lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations (ci-après, « les Lignes directrices »), il y a lieu d’apprécier : « la réalité des flux d’échanges, la distance effectivement parcourue par les offreurs ou par les demandeurs jusqu’au point de rencontre de l’offre et de la demande, la disponibilité des biens en cause pour les consommateurs d’une zone géographique […] »35.
90. À cet égard, les Lignes directrices précisent que « la zone locale analysée est centrée sur le point de vente cible »36 et que, lorsque les données sont disponibles, il est possible pour la partie notifiante de procéder à l’analyse locale en s’appuyant non sur des zones isochrones, mais sur des « empreintes réelles »37. Les zones estimées par la méthode d’empreinte réelle permettent, puisqu’elles correspondent à la zone géographique dans laquelle réside 80 % des clients des établissements cibles, d’obtenir une photographie précise de la zone de chalandise couverte par les EAJE cibles.
91. Afin d’identifier la dimension géographique de ce marché, la partie notifiante a fourni les zones de chalandise des établissements des groupes Grandir et Crèche Attitude en se fondant sur le comportement réel des familles (à partir des données des parents clients). Lorsque cet exercice n’a pas été possible dans certaines zones, la partie notifiante a élaboré des zones « théoriques », qui ont été calculées à partir du temps de parcours moyen des parents pour des établissements équivalents.
92. Ainsi, la partie notifiante a retenu pour la ville de Paris et les villes dans sa proximité immédiate, ainsi que pour les villes de Lyon et Marseille, une zone isochrone théorique correspondant à un temps de trajet de 12 min autour de l’établissement cible. Dans les zones géographiques, une zone isochrone théorique correspondant à un temps de trajet de 19 min en voiture autour de l’établissement cible a été retenue. Le temps de parcours moyen est calculé en temps de trajet en voiture pour les zones hors Paris, et en transport pour Paris et les villes environnantes. Il apparaît que ces zones sont proches de celles identifiées par les répondants au test de marché.
93. En effet, dans le cadre du test de marché, les répondants ont été interrogés sur les zones isochrones pertinentes pour le marché de l’accueil de jeunes enfants. Ils ont indiqué que, pour Paris, une zone isochrone théorique correspondant à un temps de trajet compris entre 10 et 15 minutes autour de l’établissement cible peut être retenue. Pour la région parisienne, ils ont estimé que la zone isochrone théorique correspond à un temps de trajet compris entre 15 et 20 minutes autour de l’établissement cible. Dans le cas des grandes villes de province38, la zone isochrone théorique peut correspondre à un temps de trajet de 15 minutes autour de l’établissement cible. Dans les autres situations géographiques, la zone isochrone théorique correspond à un temps de trajet de 20 minutes autour de l’établissement cible.
94. Dans ce contexte, et sans qu’il ne soit nécessaire de trancher la question de la délimitation géographique du marché de l’accueil de jeunes enfants, l’Autorité a procédé à une analyse en s’appuyant sur les empreintes réelles des crèches de la cible ou, lorsque la donnée n’était pas disponible, sur les zones isochrones théoriques estimées par la partie notifiante
III. Analyse concurrentielle
95. Compte tenu de la présence simultanée des parties sur les marchés amont de la réservation par des tiers de places au sein d’EAJE, sur le marché de la gestion d’EAJE et sur le marché de l’accueil de jeunes enfants, l’analyse des effets de l’opération portera sur ces différents marchés.
96. Les lignes directrices disposent que « [l]orsque la part de marché de la nouvelle entité est inférieure à 25 %, il est présumé que l’opération ne porte pas atteinte à la concurrence par le biais d’effets unilatéraux. »39. Au-delà, l’Autorité procède à un examen plus approfondi de la structure concurrentielle du marché concerné, afin de déterminer notamment s’il existe des alternatives crédibles et suffisantes à la nouvelle entité étant précisé que, selon les lignes directrices précitées que « l’existence de parts de marché d’une grande ampleur est un élément important dans l’appréciation du pouvoir de marché d’une entreprise. Des parts de marché post-opération élevées, de l’ordre de 50 % et plus, peuvent faire présumer l’existence d’un pouvoir de marché important »40. L’Autorité de la concurrence considère ainsi qu’une part de marché supérieure à 50 % est en général susceptible de conférer un pouvoir de marché.
97. D’un point de vue méthodologique, compte tenu des grandes différences de prix pouvant exister entre les différents opérateurs, reflets à la fois du statut des établissements, de leurs sources de financements et de leurs positions de marché, une analyse en valeur ne paraît pas pertinente.
98. C’est donc une analyse en volume qui sera retenue en l’espèce pour rendre compte du poids des différents acteurs. Plus précisément, il s’agit d’évaluer les places de garde disponibles sur les marchés concernés.
99. S’agissant de la position des parties, il convient de ne prendre en compte que les places dont l’attribution est effectivement gérée par les opérateurs. Ainsi, les places dont la gestion est simplement déléguée, dans le cadre d’une délégation de service public par exemple, mais dont l’attribution reste le fait de la collectivité, ne sont pas intégrées dans le calcul de la part de marché des parties41.
100. S’agissant de l’estimation de la position des concurrents, les capacités théoriques des différents EAJE peuvent être déduites de leur nature (crèches collectives, micro crèches, etc…), chaque type d’EAJE étant limité quant au nombre de berceaux susceptibles d’être exploités. Des bases de données de la CNAF publiées dans l’Atlas des EAJE42, recensent également les différentes capacités d’accueils des différents types d’EAJE subventionnés PSU. Ce sont sur ces données que la partie notifiante s’est fondée pour procéder à ses estimations. Pour ce qui concerne les microcrèches PAJE et les AM, elle a eu recours aux données de leurs réseaux de crèches partenaires et aux données agrégées par certains sites de réservations en ligne.
101. Par ailleurs, les modes de garde ponctuels et temporaires comme les haltes garderies n’ont pas été comptabilités dans les estimations de parts de marchés. Il en va de même des crèches d’entreprises dont l’accès est par définition limité aux seuls salariés de l’entreprise.
A. ANALYSE DES EFFETS DE L’OPÉRATION SUR LES MARCHÉS DE LA RÉSERVATION PAR DES TIERS FINANCEURS DE PLACES AU SEIN D’ÉTABLISSEMENTS D’ACCUEIL DE JEUNES ENFANTS
a) Marché de la réservation de places au sein d’établissements d’accueil de jeunes enfants par des opérateurs de dimension nationale
102. Afin de calculer les parts de marché des parties sur ce marché, le volume de places effectivement gérées par les parties43, hors DSP, a été comparé aux dernières données disponibles, à savoir le volume de places gérées par des entreprises de crèche conventionnées PSU44 en 2018 et le volume de places disponibles au sein des microcrèches PAJE45 estimées par la CNAF, qui ne concerne que des opérateurs privés pour l’essentiel à but lucratif. Ainsi, selon cette estimation conservatrice, qui ne comprend pas les crèches associatives46, la part de marché cumulée des parties sera de [10-20] % à l’issue de l’opération.
103. Pour être en mesure de répondre à la demande nationale des tiers financeurs de taille importante ou ayant une implantation multi-sites, et de proposer à des tiers financeurs des solutions d’accueil lorsque leurs propres capacités sont saturées, voire pour répondre à une demande formulée directement par les parents, les parties et leurs principaux concurrents s’appuient aujourd’hui sur des réseaux de partenaires. Ceux des groupes Grandir et Liveli intègrent respectivement 1 600 et 1 478 crèches partenaires.
104. À cet égard, les parties pourraient être incitées à mobiliser leur réseau d’établissements partenaires soit pour évincer des concurrents des marchés sur lesquels ils sont actifs, soit pour imposer à ces partenaires, dont certains sont de petits acteurs, des conditions financières désavantageuses.
105. Cependant, la part des places réservées par les parties dans les places gérées par les établissements partenaires est trop faible pour placer ces derniers en situation de dépendance47. Par ailleurs, il ressort des réponses recueillies dans le cadre du test de marché que les concurrents des parties animent des réseaux de partenaires de taille équivalente ou supérieure à ceux parties.
106. Par ailleurs, suite à l’opération, la nouvelle entité possédera […] crèches supplémentaires en propre, soit un nombre insuffisant pour remplacer le maillage actuel de son réseau actuel de 1 600 crèches partenaires, dont elle estime la taille nécessaire pour répondre à la demande nationale de certains tiers financeurs.
107. Ainsi, à l’issue de l’opération, les parties ne seront pas en position d’imposer des conditions à leurs partenaires. Par conséquent, l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais de l’exclusion de concurrents des réseaux de crèches auxquelles elles appartiennent, voire par la sortie de ces réseaux.
108. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur le marché national de la réservation par des tiers de places au sein d’établissements d’accueil de jeunes enfants.
a) Marchés de la réservation de places au sein d’établissements d’accueil de jeunes enfants par des opérateurs de dimension locale
109. Au niveau de chaque bassin d’emploi, la position des parties a été estimée en tenant compte des opérateurs d’EAJE privés présents dans la zone48.
110. Sur trente-sept zones de chevauchements, la part de marché cumulée des parties est inférieure à 25 %. Sur deux zones de chevauchements, Cergy-Vexin49, Saclay50 et Saint-Louis51, les parts de marché des parties sont supérieures à 25 %, mais inférieures à 30 %. Sur ces zones, les parties font face à de nombreux concurrents.
111. Sur la zone de Cergy Vexin, les parties feront face à la concurrence de 10 crèches collectives regroupant au moins 243 berceaux, 19 microcrèches regroupant au moins 189 berceaux et 3 établissements multi-accueil, réunissant 76 berceaux, dont un certain nombre d’EAJE exploités par des concurrents de dimension nationale comme le groupe Babilou.
112. Sur la zone de Saclay, les parties feront face à la concurrence de 4 établissements multi-accueil réunissant 132 berceaux, 20 crèches collectives réunissant au minimum 559 berceaux et 25 micro-crèches réunissant au minimum 250 berceaux, dont un certain nombre d’EAJE gérés par des concurrents de dimension nationale comme le groupe Babilou.
113. Et enfin, sur la zone de Saint-Louis, les parties feront face à 9 crèches multiacceuil réunissant a minima 315 berceaux, et 2 microcrèches réunissant au moins 20 berceaux, dont un certain nombre d’EAJE géré par des concurrents de dimension nationale, comme le groupe People&Baby.
114. Par conséquent, l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés locaux de la réservation par des tiers de places au sein d’établissements d’accueil de jeunes enfants.
115. L’opération n’est pas non plus susceptible de porter atteinte à la concurrence sur ce marché par le biais du fonctionnement des réseaux de partenariat entre opérateurs d’EAJE. Comme il a été indiqué aux points 105 et suivants de la présente décision, les parties ne seront pas en situation de pouvoir se passer de ces réseaux, même à un niveau local, ni de pouvoir imposer à leurs partenaires des conditions désavantageuses.
a) Marchés de la réservation de places au sein d’établissements d’accueil de jeunes enfants par des collectivités territoriales
116. Sur ce marché, la position des parties a été estimée en se fondant sur les places disponibles chez les concurrents privés présents dans la zone géographique pertinente, à savoir les communes sur lesquelles les activités des parties se chevauchaient, ou quand cette compétence avait été déléguée, l’établissement public de coopération intercommunale ou la métropole pertinents.
117. En l’espèce, à l’issue de l’opération, sur les 41 collectivités où les activités des parties se chevauchent, la part de marché cumulée des parties restera inférieure à 25 % dans 23 zones.
118. Sur les zones des communes d’Asnières-sur-Seine (92 00452), Aix-en-Provence (13001), Dijon (21 231), Pessac (33 318), Écully (69 081), Haguenau (67 180), Levallois Perret (92 044) et Montrouge (92 049), les parts de marché cumulées des parties seront supérieures à 25 %, mais resteront inférieures à 40 %. Dans ces zones, la nouvelle entité restera toutefois confrontée à la présence de plusieurs concurrents (des crèches associatives, Babilou, la Maison Bleue, People&Baby) qui seront susceptibles d’exercer, sur elle, une pression concurrentielle suffisante pour la discipliner dans ses rapports avec les collectivités. L’opération n’est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur ces zones.
119. Sur les zones des communes d’Alfortville (94 002), Athis-Mons (91 027), Eybens (38 158), Massy (91 377), Mérignac (33 281), Palaiseau (91 477), Perpignan (66 136), Pusignan (69 285), Rueil-Malmaison (92 063) et Valenciennes (59 606) les parts de marchés cumulées des parties seront supérieures à 40 %53.
120. Néanmoins, sur les communes d’Alfortville, Eybens, Mérignac, Pusignan, Rueil-Malmaison, et Valenciennes, les parties ne sont pas actives actuellement sur ces marchés de la réservation de places. En effet, les collectivités ne réservent pas de places au sein de leurs établissements. Tout risque d’atteinte à la concurrence dans ces zones peut donc être écarté.
121. Pour ce qui concerne les communes d’Athis-Mons, Massy, Palaiseau et Perpignan, il ressort des informations transmises par les parties que les collectivités locales disposeront, chez les concurrents, d’un nombre de places suffisant au regard de celles actuellement réservées dans les établissements des parties pour offrir une alternative aux collectivités réservataires.
122. Ainsi, dans ces zones, les communes réservent, dans les établissements des parties, respectivement [30-40], [100-110], [30-40], et [5-10] berceaux en 2020, tandis qu’on trouve chez les opérateurs concurrents, un minimum de 20 berceaux à Athis-Mons, de 156 berceaux à Massy, de 73 berceaux dans la zone de Palaiseau et de 182 berceaux dans la zone de Perpignan.
123. Or, dès lors que ces réservations se font via des mécanismes d’appels d’offres, la position actuelle des parties sur le marché ne suffit pas, à elle seule, à démontrer un quelconque pouvoir de marché de la nouvelle entité. En effet, la demande des collectivités peut être satisfaite par d’autres opérateurs. Le recours aux appels d’offres assure une mise en concurrence et une remise en cause régulière des marchés de réservation détenus par les opérateurs. Les collectivités ont la possibilité de construire leurs marchés de façon à renforcer cette mise en concurrence, en procédant par exemple à des allotissements. Enfin, ces marchés offrent aux collectivités l’occasion de pouvoir négocier leur tarification et le cas échéant, en cas d’offre insuffisante, déclarer la nullité du marché.
124. Une telle stratégie est d’autant plus probable que le nombre des places réservées au sein des crèches des parties est très inférieur au nombre des places gérées directement par ces collectivités (392 berceaux pour Massy, 374 pour Palaiseau et 124 pour Athis-Mons). À cet égard, il ressort des éléments recueillis dans le cadre de l’instruction que, pour les communes, la réservation de places dans des EAJE gérés par des opérateurs privés n’est que le troisième moyen de satisfaire leur besoin de disposer de berceaux pour leurs administrés.
125. Cette réservation vient après les places des crèches publiques qu’elles gèrent directement, et les crèches dont elles ont transmis la gestion à un acteur privé via une DSP. La réservation de places ne représente donc qu’un moyen complémentaire et marginal pour les communes de satisfaire leur besoin de places pour leurs administrés. En l’espèce, la nouvelle entité ne bénéficiera donc pas d’un pouvoir de marché face aux collectivités réservataires qui gardent une pleine capacité de négociation dans ce contexte.
126. Compte tenu de la présence d’opérateurs concurrents et du contre-pouvoir des collectivités à l’origine de la demande sur ce marché, l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur le marché de la réservation par des collectivités locales de places au sein d’établissements d’accueil de jeunes enfants.
B. ANALYSE DES EFFETS DE L’OPÉRATION SUR LES MARCHÉS DE LA GESTION D’ÉTABLISSEMENTS PUBLIC D’ACCUEILS DE JEUNES ENFANTS
127. Les parties répondent toutes deux aux appels d’offres passés par les collectivités pour confier la gestion de leurs EAJE à des opérateurs privés dans le cadre de DSP.
128. Les parties notifiantes n’ont pas été en mesure de fournir leurs positions respectives sur ce marché, faute de visibilité sur l’ensemble des appels d’offres passés par les collectivités en charge de la politique de petite enfance.
129. Il ressort toutefois des éléments recueillis dans le cadre de l’instruction que la prise de contrôle exclusif des cibles par le groupe Grandir n’est pas de nature à soulever un quelconque problème de concurrence sur ce marché.
130. Tout d’abord, plusieurs opérateurs importants, concurrents proches des parties, sont eux aussi actifs sur ce marché et constituent donc une alternative à l’offre de la nouvelle entité pour les collectivités. Tel est notamment le cas, par exemple, de People&Baby54.
131. Ensuite, l’instruction n’a pas permis de mettre en lumière l’existence de barrières à l’entrée, quelles que soient la taille et l’empreinte géographique des gestionnaires potentiels. Les parties estiment ainsi qu’il est facile de s’implanter sur le marché de la gestion d’EAJE car cette activité n’engendre aucuns frais fixes pour le gestionnaire, dès lors qu’il s’agit généralement de reprendre la gestion d’une crèche existante, contrairement à l’ouverture d’une crèche en propre, qui entraîne des coûts fixes importants (recherche et acquisition ou location de nouveaux locaux, aménagement de ces locaux, recrutement d’un nouveau personnel, etc.).
132. Ainsi, en 2020, sur près de […] appels d’offres recensées sur le territoire français, les parties ont remporté [5-10] % des marchés pour le groupe Grandir, et [0-5]% des marchés pour le groupe Liveli ; [20-30]% des marchés remportés portaient sur des zones sur lesquelles les parties n’étaient pas déjà implantées55.
133. Dans ce contexte, les principes de la commande publique qui impliquent une remise en concurrence régulière des marchés par le biais d’appels d’offres ouverts pourront continuer à s’appliquer à ces marchés, qui resteront donc concurrentiels.
134. Par conséquent, et quelle que soit la position actuelle des parties, l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur ce marché.
C. ANALYSE DES EFFETS DE L’OPÉRATION SUR LE MARCHÉ DE LA GARDE DE JEUNES ENFANTS
135. Sur ce marché, la part de marché des parties a été calculée à partir des informations sur le volume de places disponibles dans chaque zone de chevauchement, estimée en utilisant les données décrites précédemment. Par ailleurs, ainsi qu’il a été exposé au point 99, pour calculer la part de marché des parties, les places exploitées par le groupe Grandir et Liveli dans le cadre de DSP n’ont pas été prises en compte dans l’estimation des parts de marché des parties, mais intégrées aux parts de marché des villes délégantes.
136. Enfin, à titre conservateur, compte tenu des modalités d’attribution des places en crèches dont l’attribution relève des personnes publiques, les places en crèches municipales appartenant à une commune différente de la commune d’implantation de l’établissement cible, n’ont pas été intégrées dans le stock de places disponibles pour les parents. En effet, les habitants d’une commune ne peuvent sauf exception, se voir attribuer des places dans des établissements situées dans une autre commune par le biais des commissions d’attribution municipales.
137. Sur ce marché, l’opération entraîne des chevauchements sur 174 zones de chalandise identifiées autour des EAJE exploités par Liveli.
138. Sur un marché réunissant uniquement les EAJE, à l’exclusion des assistants maternels, pour 172 zones, les parts de marché cumulées des parties seront inférieures à 25 %.
139. Dans deux zones, situées autour des établissements Liveli de Bailly (zone n°353, micro-crèche située 46 impasse de la halte 78870 Bailly) et Pusignan (zone n°289, micro-crèche située 4 impasse des Frères Lumière, 69330 Pusignan), les parts de marché cumulées des parties seront respectivement de [40-50] % et [40-50]% à l’issue de l’opération.
140. À Bailly, la nouvelle entité sera confrontée à la concurrence de 13 opérateurs, dont 2 crèches privées et une crèche-collective exploitées notamment par le groupe Maison Bleue.
141. À Pusignan, la nouvelle entité sera confrontée à la concurrence de 13 opérateurs, dont 9 crèches privées, principalement gérées par des associations.
142. En outre, ces zones sont caractérisées par la présence d’une offre importante de places chez des assistants maternels agréés. Ainsi, les parts de marché cumulées des parties sur un marché intégrant ce mode de garde seraient alors, respectivement, de [20-30]% et [30-40] %.
143. Le fonctionnement des réseaux de partenariat, tel qu’il a été détaillé aux points 105 et suivants de la présente décision, n’est pas de nature à présenter un risque d’atteinte à la concurrence. À l’issue de l’opération, la nouvelle entité ne sera pas en situation de se passer de ce réseau sur les zones étudiées, et a fortiori sur les zones sur lesquelles il n’y a pas actuellement de chevauchement. Elle ne sera pas non plus en mesure d’agir sur leurs partenaires afin de limiter la concurrence sur ces zones.
144. Par conséquent, l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur le marché de la garde de jeunes enfants.
DÉCIDE
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 21-215 est autorisée.
NOTES :
1 Ce résumé a un caractère purement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 La société Nemomarlin gère 38 crèches en Espagne et n’est pas active en France.
3Par ailleurs, le groupe Grandir acquiert également une participation minoritaire non-contrôlante […] de la société IPSAA Holdings Private Limited, exploitant des établissements d’accueil de jeunes enfants en Inde, actuellement détenue par Sodexo. […]
4 Les parties sont par ailleurs actives, à titre accessoire, sur les marchés de l’approvisionnement en articles de puériculture, jouets et prestations de restauration hors foyer. Compte tenu du volume d’achat des parties et des fournisseurs référencés, il apparaît que l’opération n’est pas de nature à emporter d’effets sur ces marchés. Ceux-ci ne feront pas l’objet d’une analyse approfondie dans le cadre de la présente décision.
5 Ordonnance n° 2021-611 du 19 mai 2021 relative aux services aux familles. Un certain nombre de nouvelles dispositions sont entrée en vigueur au 1er septembre 2021, néanmoins, des dispositions transitoires, notamment dans les décrets d’application (article 15 décret n° 2021- 1131 du 30 août 2021 relatif aux assistants maternels et aux établissements d'accueil de jeunes enfants) leurs permettent de différer le respect de ces dispositions jusqu’en 2022 ou 2026 selon les cas.
6 Article L. 214-1-1 du Code de l’action sociale et des familles.
7 Ibid.
8 Article R. 2324-17 du Code de la santé publique. 9 Article R. 2324-48 du Code de la santé publique. 10 Article R. 2324-46 du Code de la santé publique. 11 Article R. 2324-50 du Code de la santé publique. 12Article R. 2324-46 du Code de la santé publique. 13Article R. 2324-47du Code de la santé publique.
14 Article L. 131-1 du Code de l’éducation. Les jardins d’éveil, jardins d’enfants accueillants des enfants entre 2 et 6 ans dans le but de préparer leur intégration dans l’enseignement du premier degré, peuvent continuer à accueillir des enfants jusqu’à la fin de l’année scolaire 2023-2024.
15 Le dernier atlas des EAJE publié par la Caisse national d’allocations familiales en 2018 indiquait qu’au sein des EAJE les établissements gérés par des collectivités territoriales représentaient 255 400 places (Atlas des EAJE – Exercice 2018).
16 Article L. 214-2 Code de l’action sociale et des familles.
17 En 2019, on dénombre 1 345 700 places au sein des modes d’accueil formels de jeunes enfants, dont 471 000 places en EAJE et 744 300 places chez des assistants maternels et 47 000 pour la garde par un employé à domicile (source Rapport 2021 de l’Observatoire nationale de la petite enfance, ci-après « rapport ONAPE 2021 »).
18 Article L. 7221-1 du Code du travail.
19 Article L. 2324-1 du Code de la santé publique.
20 Article R. 2324-16 et suivants du Code de la santé publique.
21 Article R. 2324-46 du Code de la santé publique.
22 Article L. 421-3 du Code de l’action sociale et des familles.
23 Rapport ONAPE 2021.
24 www.caf.fr/allocataires/droits-et-prestations/s-informer-sur-les-aides/petite-enfance/la-prestation-d-accueil-du-jeune- enfant-paje.
25 Rapport ONAPE 2021.
26 Service-public.fr, Crédit d'impôt famille.
27 Sites monenfant.fr pour la Caisse d’allocations familiales et pajemploi.urssaf.fr pour l’URSSAF.
28 Voir la circulaire n° 2019-005 du 5 juin 2019 de la CNAF relative au Barème national de participation des familles.
29Voir le chapitre 6, section 4 du Bulletin officiel de la Sécurité sociale accessible à l’adresse suivante : https://boss.gouv.fr/portail/accueil/avantages-en-nature-et-frais-pro/avantages-en-nature.html.
32 Article 3 du Décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique et économique.
33 Base des zones d’emploi 2020 – INSEE (accessible à cette adresse : https://www.insee.fr/fr/information/4652957).
34 Dans de rares cas, les départements procèdent également à de telles réservations mais il ne s’agit pas du cas général.
35 Paragraphe 537- Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations.
36 Lignes directrices précitées, paragraphe 543.
37 Lignes directrices précitées, paragraphes 825 et suivants.
38 Bordeaux, Nantes, Rennes, Lille, Strasbourg, Marseille, Toulouse, Nice, Montpellier et Lyon.
39 Lignes directrices précitées, paragraphe 624.
40 Lignes directrices précitées, paragraphe 622.
41 Si ce retrait a pu être effectué pour les places effectivement gérées en DSP par les parties, l’exercice n’a pas pu être fait pour les places de crèches gérées dans le cadre d’une DSP par des concurrents privés. Néanmoins, cela est sans incidence sur l’analyse des zones locales, ces places étant dans tous les cas comptabilisées dans les places totales de chaque zone.
42 Atlas des établissements d’accueil de jeunes enfants 2018 – DSER/CNAF.
43 Voir points 3 et 7.
44 Soit 47600 places, voir le tableau 9 – Évolution de la capacité d’accueil en EAJE selon le statut du gestionnaire sur 5 ans – dans l’Atlas des établissements d’accueil de jeunes enfants 2018 – DSER/CNAF.
45 Soit 49900 places - Rapport ONAPE 2021 p. 47.
46 Environ 99100 places, voir le tableau 9 – Évolution de la capacité d’accueil en EAJE selon le statut du gestionnaire sur 5 ans – dans l’Atlas des établissements d’accueil de jeunes enfants 2018 – DSER/CNAF.
47 Liveli estime que ses réservations de places en 2021 au sein des EAJE partenaires représentent moins de 5 % du chiffre d’affaires de ces derniers. Le groupe Grandir estime que les places réservées chez ses partenaires représentent [0-5]% du nombre de places qu’ils proposent.
48 Sans qu’il soit possible de retraiter les places des concurrents gérées en DSP.
49 Zone n°1101 située dans le département du Val d’Oise (95)
50 Zone n°1113 située sur le plateau de Saclay dans le département de l’Essonne (91).
51 Zone n°4418 située dans la Collectivité européenne d’Alsace (68).
52 Les numéros indiqués entre parenthèses correspondent aux codes d’indentification des communes par l’INSEE.
54 Le groupe Maison Bleue est également actif sur ce marché ainsi qu’en atteste son site internet https://www.la-maison- bleue.fr/collectivite.
55 [50-60] % des marchés remportés par le groupe Grandir portaient sur des marchés dont le groupe était le précédent titulaire, [80-90]% des marchés de la société Crèche Attitude portaient sur des marchés dont elle était la précédente titulaire.