Cass. com., 10 juillet 1989, n° 87-18.591
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Le Tallec
Avocat général :
M. Montanier
Avocat :
SCP Lemaitre et Monod
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 octobre 1987 n° 8700313), rendu sur renvoi après cassation, le Comité de la protection des obtentions végétales (le Comité) a rejeté une demande de certificat d'obtention végétale déposée par le X... Z... France le 11 février 1981 sous le n° 2 538 pour une variété de lignée de maïs sous la référence provisoire PIO 480 et créée par la société américaine Z... Hibred international ;
Sur les deux moyens réunis, pris en leurs diverses branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le rejet au motif que la demande de certification ne répondait pas au critère de nouveauté alors que, selon le pourvoi, d'une part, la loi du 11 juin 1970 relative aux obtentions végétales comme la loi du 5 juillet 1844 relative aux inventions brevetables, définissent en des termes analogues le fait destructeur de la nouveauté, qui se caractérise par la mise à la disposition du public de l'objet de l'invention ou de l'obtention, le public ayant ainsi connaissance des moyens de sa reproduction pour pouvoir l'exploiter ; que la circonstance qu'une obtention puisse contenir en elle-même les moyens de sa reproduction n'induit aucune distinction entre invention et obtention quant à la notion de publicité, seule susceptible de détruire la nouveauté en permettant une exploitation publique par des tiers ; qu'en affirmant cependant qu'à la différence des inventions brevetables, toute exploitation d'une obtention révèle une mise à la disposition du public de cette dernière, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 7 de la loi du 11 juin 1970, alors que, d'autre part, la nouveauté d'une variété-lignée ne peut se perdre que si la mise à la disposition du public de cette plante permet son exploitation ; que la mise à la disposition d'une variété-hybride dans laquelle un croisement a transporté les caractéristiques des lignées génitrices ne permet en aucun cas l'exploitation de l'une de ces lignées ; qu'ainsi la cour d'appel a violé l'article 7 de la loi du 11 juin 1970, alors qu'au surplus, aux termes de l'article 7 de la loi du 11 juin 1970, " n'est pas réputée nouvelle... l'obtention qui a reçu une publicité suffisante pour être exploitée " ; qu'ainsi l'exploitation de la variété doit donc avoir été rendue possible grâce à la publicité préalable faite à cette variété, la publicité devant au surplus avoir été suffisante pour assurer cette exploitation ; qu'en affirmant cependant que la seule exploitation d'une obtention démontre nécessairement par elle-même l'existence d'une publicité suffisante, qui se déduirait par simple présomption du fait même de l'exploitation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; alors, qu'en outre, la simple mise à la disposition d'un tiers seul, dans le cadre d'une convention d'exclusivité préservant le secret de l'obtenteur et la confidentialité de cette cession, d'une variété créée pour engendrer des semences commerciales, ne saurait caractériser une commercialisation de cette obtention susceptible de révéler publiquement son existence et ses caractères distinctifs ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a, de ce chef, violé l'article 7 de la loi du 11 juin 1970, alors que, de surcroît, en reconnaissant que la clause de confidentialité peut effectivement assurer une protection de fait à la variété, quant à son secret et à son absence de divulgation, tout en refusant d'admettre que, dès lors, elle était de nature à faire échec à la publicité visée par l'article 7 de la loi du du 11 juin 1970, comme l'avait pourtant reconnu la Cour de Cassation dans son arrêt du 4 mars 1986, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de la loi du 11 juin 1970, alors qu'également la seule circonstance que l'obtention litigieuse soit un géniteur utilisé comme matériel de production pour engendrer des semences commerciales ne suffit pas à tenir en échec les clauses de confidentialité et d'exclusivité qui assuraient que la lignée ne faisait l'objet d'aucune publicité et n'était pas commercialisée, ni même offerte à la vente ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 7 de la loi du 11 juin 1970 et l'article 1134 du Code civil et alors qu'enfin, il résulte ainsi des énonciations mêmes de l'arrêt que les agriculteurs multiplicateurs choisis par France Y... étaient contractuellement tenus de ne pas mettre la semence de base en possession de tiers ; que l'opération de multiplication ainsi décrite (dite production en formule fermée ") ne révèle aucun fait de publicité ou de commercialisation de nature à permettre à des tiers étrangers à la " multiplication " d'exploiter la lignée litigieuse, dont la cour d'appel relève que le patrimoine génétique demeure secret ; qu'en outre, ainsi que le faisaient valoir les sociétés, la simple disposition par des agriculteurs multiplicateurs de lignées destinées exclusivement à la multiplication et donc détruites par l'effet même du croisement, ne caractérise pas non plus une quelconque mise à la disposition du public de la lignée et ne permet en aucun cas son exploitation par des tiers ; que dès lors en ne précisant donc pas en quoi l'opération de multiplication caractériserait une publicité suffisante pour permettre à des tiers d'exploiter la lignée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 7 de la loi du 11 juin 1970 ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'à la différence de la législation régissant les brevets d'invention, la loi du 11 juin 1970 n'exige pas, pour faire échec à la nouveauté, que soit révélée la manière selon laquelle la variété a été obtenue ; qu'en outre selon l'article 3 de cette loi, la protection conférée par un certificat d'obtention végétale s'applique à la variété considérée et à celles qui en sont issues par hybridation ; que l'arrêt constate qu'une lignée ou semence de base de maïs n'est créée qu'en vue d'un croisement pour obtenir un hybride ou semence commerciale destiné à l'ensemble des agriculteurs ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt relève qu'il ne ressort pas des contrats versés aux débats que les agriculteurs multiplicateurs de l'hybride auxquels était révélée l'existence de la semence de base aient été tenus d'une obligation de confidentialité et qu'il en est résulté la mise à la disposition des utilisateurs finals des caractères de la lignée Pio 480 par leur intégration dans l'hybride Dara ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations et constatations la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; qu'ainsi les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.