CA Versailles, 12e ch., 10 février 2022, n° 20/01928
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
SCI Regimmo
Défendeur :
Royal Pressing (Sarl)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Thomas
Conseiller :
Mme Muller
Selon acte sous seing privé du 17 juillet 2012, la société Zango - aux droits de laquelle se trouve la société civile immobilière Regimmo - a consenti un bail commercial à la société Royal Pressing pour des locaux situés à Chatou (78) - 38 Place Maurice Berteaux, pour une durée de neuf années, pour y exercer des activités de pressing.
Par courrier du 12 octobre 2017, l'étude VH 15 Notaires, notaire de la société Regimmo, a notifié à la société Royal Pressing, l'intention de la bailleresse de vendre les locaux loués et lui a proposé de les acquérir au prix de 300 000 , en application de l'article L. 145-46-1 du code de commerce.
Par lettre recommandée reçue par le bailleur le 10 novembre 2017, la société Royal Pressing a accepté l'offre et a déclaré se 'porter acquéreur de ce local situé au 38 Place Maurice Berteaux à Chatou au moyen d'un emprunt.
Le 14 février 2018, la société Royal Pressing a mis en demeure la société Regimmo de régulariser l'acte de vente.
Sans réponse à cette mise en demeure, la société Royal Pressing a fait délivrer au bailleur une sommation interpellative, lui demandant notamment de lui indiquer le nom du notaire chargé de régulariser la vente.
Par acte du 3 juillet 2018, la société Royal Pressing a assigné la société Regimmo devant le tribunal de grande instance de Versailles aux fins de la voir condamner à régulariser l'acte de vente sous astreinte.
Par jugement du 5 mars 2020, le tribunal judiciaire de Versailles a :
- Dit que le droit de préemption prévu par l'article L.145-46-1 du code de commerce a valablement été notifié à la société Royal Pressing par courrier du 12 octobre 2017, concernant les locaux commerciaux dont elle est locataire à Chatou (78400) 38 Place Maurice Berteaux, ;
- Dit que l'acceptation de la société Royal Pressing, par courrier recommandé reçu par la société Regimmo et son notaire le 10 novembre 2017, est régulière ;
- Condamné la société Regimmo à régulariser, par devant notaire, dans le délai de quatre mois à compter de la signification du jugement, la vente convenue de ces locaux commerciaux, désignés comme suit :
« dans un ensemble immobilier situé à Chatou (Yvelines) 78400 - 38 Place Maurice Berteaux : Cadastré : Préfixe Section N° Lieudit Surface AT 339 39 place Maurice Berteaux 00 ha 00 a 74 ca
Désignation des BIENS : Lot numéro un (1) :
Au rez-de-chaussée, un local commercial de trois pièces principales avec entrée sur la façade Place Maurice Berteaux et dans le hall comprenant une boutique, un dégagement et deux arrière-boutiques.
Et les trois cent quarante-trois millièmes (343/1000èmes) de la propriété du sol et des parties communes générales.
Lot numéro six (6) :
Au sous-sol, une cave avec entrée, deuxième porte à gauche de l'escalier et les vingt et un millièmes (21/1000èmes) de la propriété du sol et des parties communes générales. »
- Dit que, passé le délai de quatre mois, une astreinte de 250 par jour de retard courra à l'encontre de la société civile immobilière Regimmo durant un délai de trois mois ;
- Rejeté la demande tendant à juger que le jugement vaudra vente à défaut de régularisation dans le délai desix mois ;
- Condamné la société civile immobilière Regimmo à payer à la société Royal Pressing la somme de 3 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonné l'exécution provisoire ;
- Condamné la société civile immobilière Regimmo aux dépens de l'instance dont distraction au profit de Me D... E... par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 6 avril 2020, la société civile immobilière Regimmo a interjeté appel du jugement.
La vente au profit de la société Royal Pressing a finalement été régularisée le 26 mars 2021.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 17 novembre 2021, la société Regimmo demande à la cour de :
- Juger la société Regimmo recevable et bien fondée dans l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- Débouter la société Royal Pressing de sa demande d'appel incident ;
- Juger que le principe du contradictoire n'a pas été respecté par la juridiction de première instance au regard du rejet des pièces produites par la société Regimmo et s'appuyant sur le principe "Nul ne peut se créer de preuve à lui-même" ;
- Juger que l'acceptation faite par la société Royal Pressing était soumise à la condition de l'obtention d'un prêt et que cette condition n'a pas été levée dans le délai légal de quatre mois de sorte que cette acceptation est restée sans effet ;
- Juger que la société Royal Pressing a entendu remettre en cause les conditions de la vente proposée lors même qu'elle considérait la vente comme parfaite ;
- Juger que les pièces produites aux débats établissent bien l'existence d'une opération de cession globale et concomitante excluant l'application du droit de préemption commerciale prévu à l'article L.145-46-1 du code de commerce ;
En conséquence,
- Infirmer en toutes ses dispositions la décision du tribunal judiciaire de Versailles du 5 mars 2020 en ce qu'elle a dit que le droit de préemption avait valablement été notifié à la société Royal Pressing et que son acceptation par celle-ci était régulière ;
- Infirmer en toutes ses dispositions la décision du 5 mars 2020 en ce qu'elle a condamné la société civile
immobilière Regimmo à régulariser la vente devant notaire dans un délai de 4 mois à compter de la
signification du jugement à partie, assortie d'une astreinte de 250 passé ce délai et ce pendant un délai de 3mois et en ce qu'elle a condamné la société civile immobilière Regimmo à payer à la société Royal Pressing la somme de 3 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile avec exécution provisoire ;
Statuant à nouveau,
- Juger que l'acceptation faite par la société Royal Pressing était soumise à la condition de l'obtention d'un prêt et que cette condition n'a pas été levée dans le délai légal de quatre mois de sorte que cette acceptation est restée sans effet ;
- Juger que la société Royal Pressing a entendu remettre en cause les conditions de la vente proposée lors même qu'elle considérait la vente comme parfaite ;
- Juger que les pièces produites aux débats établissent bien l'existence d'une opération de cession globale et concomitante excluant l'application du droit de préemption commerciale prévu à l'article L. 145-46-1 du code de commerce ;
- Juger que l'opération de cession objet du présent litige s'inscrit en conséquence, dans le cadre de l'application de l'article L.145-46-1 alinéa 6 du code de commerce qui constitue une exception légale au droit de préemption du locataire commercial de sorte que toute notification faussement prise sur le fondement d'un droit de préemption inexistant ne pouvait produire effet ;
- Juger que la réponse à la notification de préemption en date du 6 novembre 2017 est nulle et de nul effet pour défaut de capacité et de pouvoir de disposer de son signataire ;
- Juger que la rencontre des volontés entre la société civile immobilière Regimmo et la société Royal Pressing n'a pu avoir lieu dans ces conditions ;
En conséquence,
- Débouter la société Royal Pressing de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
En tout état de cause,
- Condamner la société Royal Pressing à verser à la société civile immobilière Regimmo la somme de 8 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir (sic).
Par dernières conclusions notifiées le 24 novembre 2021, la société Royal Pressing demande à la cour de :
- Déclarer mal fondé l'appel interjeté par la société civile immobilière Regimmo et l'en débouter ;
- Débouter la société Regimmo de son moyen mal fondé, tiré de ce que le premier juge aurait soulevé un moyen de pur droit, en violation de la contradiction des débats ;
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant de l'astreinte ordonnée et sa durée pour la régularisation de la vente devant notaire, et en ce qu'il a rejeté la demande tendant à juger que le jugement vaudrait vente à défaut de régularisation de l'acte de vente dans le délai de six mois ;
- Faisant droit à son appel incident sur ce point, et statuant à nouveau ;
- Déclarer qu'à défaut de régulariser l'acte de vente dans un délai de six mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 par jour de retard, déclarer que l'arrêt vaudra vente dudit bien ;
Principalement,
- Déclarer que la société Royal Pressing a confirmé son intention d'acquérir le local constituant le lot n°1 et la cave composant le lot n° 6 de l'immeuble sis 38 Place Maurice Berteaux à Chatou (78400) ;
- Déclarer parfaite la vente entre la société Royal Pressing et la société civile immobilière Regimmo
concernant le local constituant le lot n°1 et la cave composant le lot n° 6 de l'immeuble sis 38 Place Maurice Berteaux à Chatou (78400) ;
- Déclarer que l'offre de vente au profit de la société Royal Pressing et son acceptation par courrier du 12 octobre 2017, réitérée par mises en demeure en date des 6 novembre 2017, 14 février 2018 et sommations interpellatives des 27 février 2018 et 6 avril 2018, ne pouvaient en aucun cas être rétractée le 2 mai 2018, plus de six mois après son acceptation ;
En conséquence,
- Condamner la société civile immobilière Regimmo à régulariser l'acte authentique de vente portant sur le local situé 38 Place Maurice Berteaux à Chatou (78400) dans un délai de trois mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 500 par jour de retard ;
- Déclarer qu'à défaut de réitération de l'acte authentique de vente par la société civile immobilière Regimmo, dans un délai de six mois après l'arrêt, l'arrêt à intervenir vaudra acte de vente ;
Subsidiairement,
En tout état de cause,
- Déclarer que la société civile immobilière Regimmo ne rapporte pas la preuve qu'elle envisageait une « cession unique de locaux commerciaux » relevant de l'exclusion du droit de préemption prévue à l'article L.145-46-1 du code commerce ;
- Débouter la société Regimmo de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la société Regimmo à verser à la société Royal Pressing la somme de 8.000 par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Regimmo aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés par Me D... E... par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 novembre 2021.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 - Sur le caractère parfait de la vente du local commercial
La société Royal Pressing sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté le caractère parfait de la vente du local commercial, du fait de son acceptation régulière de l'offre de vente émise par le bailleur.
Le bailleur conteste le caractère parfait de la vente, soutenant d'une part que l'acceptation de l'offre ne serait pas pure et simple dès lors que la société Royal Pressing a ensuite manifesté le souhait de négocier les conditions de la vente, d'autre part que la société Royal Pressing n'a pas obtenu son financement bancaire dans le délai de 4 mois prévu à l'article L. 145-46-1 du code de commerce. Elle relève que le document produit par la société Royal Pressing n'est qu'un accord de principe de la banque pour un montant inférieur au prix de vente, de sorte qu'il ne peut être assimilé à une véritable offre de prêt, ni à l'obtention d'un tel prêt. Le bailleur soutient dès lors que l'acceptation conditionnelle du locataire est devenue 'sans effet' du fait de l'absence d'obtention du prêt, rendant ainsi la vente caduque. S'agissant de l'offre de vente émise par le biais de son
notaire le 12 octobre 2017, le bailleur soutient qu'elle ne pouvait produire aucun effet juridique dès lors que la vente envisagée était une cession globale constituant une exception au droit de préemption du locataire, ajoutant que la notification n'était pas signée par le notaire.
Il résulte de l'article L. 145-46-1 du code de commerce que lorsque le propriétaire d'un local à usage
commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Ce dernier dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d'acceptation, le locataire dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de la vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de
réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet. (...) Le présent article n'est pas applicable en cas de cession unique de plusieurs locaux d'un ensemble commercial, de cession unique de locaux commerciaux distincts ou de cession d'un local commercial au copropriétaire d'un ensemble commercial. Il résulte de l'article 1118 du code civil que l'acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d'être lié dans les termes de l'offre. (...). L'acceptation non conforme à l'offre est dépourvue d'effet, sauf à constituer une offre nouvelle.
Il résulte de l'article 1121 du même code que le contrat est conclu dès que l'acceptation parvient à l'offrant. Il est réputé l'être au lieu où l'acceptation est parvenu.
Il résulte enfin de l'article 1583 du même code que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.
Il ressort de l'ensemble de ces dispositions que la notification de la vente envisagée par le bailleur vaut offre de vente au profit du locataire, et que le contrat est conclu dès que l'acceptation de l'offre parvient à l'offrant.
* sur la régularité de l'offre émise par le bailleur
Le 12 octobre 2017, l'étude notariale VH 15 a adressé à la société Royal Pressing un courrier l'informant que la société bailleresse Regimmo entendait procéder à la vente du local commercial dont elle était locataire, lui rappelant qu'elle bénéficiait - par application de l'article L. 145-46-1 précité - d'un droit de préemption qu'elle pouvait exercer en manifestant sa volonté d'acquérir dans le délai d'un mois.
La société Royal Pressing, a répondu, par courrier recommandé avec accusé de réception du 6 novembre 2017, adressé tant au notaire qu'à son bailleur, qu'elle souhaitait exercer son droit de préemption et qu'elle se portait acquéreur du local commercial 'au moyen d'un emprunt'.
Fin novembre 2017, le notaire de la société Royal Pressing a été informé téléphoniquement par son confrère, notaire du bailleur, que ce dernier n'entendait pas donner suite à la vente.
Par courrier du 14 février 2018, le conseil de la société Royal Pressing a mis en demeure l'étude notariale VH 15 d'avoir à procéder à la réalisation de la vente, lui indiquant que l'offre de vente acceptée le 6 novembre 2017 valait vente. Le 27 février 2018, la société Royal Pressing a fait délivrer à la société Regimmo une sommation interpellative, lui demandant notamment de lui indiquer quel notaire était chargé de la vente.
Ce n'est que le 2 mai 2018 que la société Regimmo a répondu à la sommation interpellative en soutenant, pour la première fois, que la vente envisagée concernait également un autre local commercial à Saint Germain en Laye, de sorte qu'il s'agissait d'une 'cession unique de locaux commerciaux distincts', n'ouvrant aucun droit de préemption au profit du locataire. (Dérogation prévue à l'alinéa 6 de l'article L. 145-46-1 du code de commerce). Elle soutenait alors que le courrier de son notaire du 12 octobre 2017 était un courrier type procédant d'un traitement automatisé, ajoutant n'avoir manifesté aucune volonté de se soumettre au droit de
préemption.
Force est ici de constater que le courrier du notaire du 12 octobre 2017 n'est pas un courrier type automatisé, mais un courrier très complet, comportant notamment une désignation précise du bien, l'identité détaillée du bailleur, et enfin les consignes à respecter pour manifester l'intention d'acquérir. Ce courrier ne laisse place à aucune interprétation, et correspond clairement à une manifestation expresse de la volonté du bailleur d'offrir à son locataire la possibilité d'acquérir le local commercial en application de son droit de préemption. Le fait que ce courrier soit signé par un préposé de l'étude notariale (pour ordre de Maître G... C..., notaire) ne ; permet pas de mettre en cause la régularité de l'offre, dès lors qu'il n'est justifié, ni même allégué, d'aucun défaut de pouvoir du signataire du courrier. Contrairement à ce qui est également soutenu, la société Royal Pressing disposait bien d'un droit de préemption en sa qualité de locataire du local commercial.
Enfin, le fait que la vente envisagée porte éventuellement sur une 'cession unique de locaux distincts
- n'ouvrant aucun droit de préemption du locataire - ne permet pas de remettre en cause la validité de l'offre de vente formalisée par le bailleur et manifestant clairement sa volonté, dès lors que cette offre n'a fait l'objet d'aucune rétractation avant d'être acceptée par le preneur, étant rappelé que la société Regimmo a attendu le 2 mai 2018, près de 6 mois après l'acceptation, pour évoquer son souhait de procéder à une cession unique de locaux.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'offre de vente du 12 octobre 2017 est régulière et qu'elle doit produire ses effets.
* sur la régularité de l'acceptation de l'offre par la société Royal Pressing ainsi qu'il a déjà été évoqué, la société Royal Pressing a accepté l'offre qui lui était faite, et s'est portée acquéreur du bien par courrier du 6 novembre 2017.
La société Regimmo soutient en premier lieu que cette acceptation est irrégulière dès lors qu'elle émane du gérant de la société Royal Pressing qui n'était pas habilité à faire des actes de disposition.
Il résulte toutefois de l'article L.223-18 du code de commerce que, dans les rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés. La société est engagée même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers sût que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.
Il résulte en outre de l'article 12 des statuts de la société à responsabilité limitée Royal Pressing que le gérant peut faire tous actes de gestion dans l'intérêt de la société.
Il se déduit de ces dispositions que le gérant de la société Royal Pressing était investi, dans ses rapports avec le bailleur, des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société, étant ici observé que l'acquisition du local commercial est un acte qui relève bien de l'objet social. La société Royal Pressing justifie en outre d'un procès-verbal d'assemblée générale du 31 octobre 2017, soit 6 jours avant l'acceptation, par lequel ses associés décident l'acquisition du local commercial, ce qui confirme que l'offre a bien été acceptée par ces derniers, représentés par le gérant.
La société Regimmo soutient encore que l'offre ne serait pas régulière en ce qu'elle ne comporte pas mention du prix d'acquisition. Force est toutefois de rappeler que l'article L. 145-46-1 ne prévoit aucune possibilité de discussion du prix ou des conditions de la vente par le locataire, de sorte que l'acceptation ne peut être que pure et simple, comme prévu également à l'article 1118 précité. Le courrier d'acceptation n'avait donc pas à préciser le prix d'acquisition qui était nécessairement conforme à l'offre. Le défaut de mention du prix d'acquisition est sans effet sur la validité de l'acceptation.
La société Regimmo soutient enfin que la société Royal Pressing n'aurait pas obtenu, dans le délai de 4 mois, le prêt lui permettant d'acquérir le local commercial, de sorte que l'acceptation ne pouvait entraîner la vente.
Il résulte de l'article L. 145-46-1 précité que lorsque l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt, le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre est alors sans effet. Cette sanction doit toutefois être écartée, comme le soutient la société Royal Pressing, si le défaut de réalisation dans le délai légal n'est pas imputable au locataire, mais à l'attitude du bailleur qui fait obstacle à la vente.
En l'espèce, la société Royal Pressing justifie à minima de l'obtention d'un accord de principe de sa banque – le 24 janvier 2018, soit deux mois et demi après son acceptation de l'offre - pour l'octroi d'un prêt immobilier d'un montant de 240 000 euros. Le fait que le montant du prêt sollicité soit inférieur au prix de vente (300 000 euros) est indifférent, rien n'empêchant la société Royal Pressing de financer comptant une partie du prix.
Avant même l'obtention de cet accord de principe sur le prêt, et dès le 24 novembre 2017, la société Royal Pressing a contacté un notaire pour parvenir à la régularisation de la vente. Ce premier notaire contacté n'ayant pu obtenir les documents nécessaires à cette régularisation, la société Royal Pressing a contacté un second notaire qui relate, dans un courrier du 6 février 2018, les démarches qu'il a réalisées auprès de la société VH 15 Notaires, notaire du vendeur.
Dans ce courrier, Maître H... L... indique avoir écrit à son confrère le 24 janvier 2018 en lui
rappelant l'offre de vente et son acceptation, et les premières démarches restées vaines afin d'obtenir les pièces nécessaires à la régularisation de l'acte de vente. Maître L... dit avoir indiqué à son confrère que : les délais écoulés depuis ne sont pas de nature à permettre de boucler les démarches visant à préparer le dossier d'achat et de financement dans le délai légal imposé.' (Souligné par la cour). Maître L... atteste également avoir informé son confrère que la société Royal Pressing se réservait le droit de faire état de ce qu'elle considérait comme une entrave à ses démarches.
Sans réponse de la société VH 15 Notaires à ce courrier, la société Royal Pressing lui a fait adresser une mise en demeure, le 14 février 2018 par son conseil. Maître Lefort, avocat, précisait dans ce courrier que le droit de préemption expressément accepté valait vente, et demandait la transmission sans délai des documents nécessaires afin de régulariser l'acte de vente, outre la fixation rapide d'une date de signature.
Le 27 février 2018, soit 7 jours avant l'expiration du délai de 4 mois pour régulariser la vente, la société Royal Pressing a fait délivrer à la société Regimmo une sommation interpellative, rappelant que les documents nécessaires à l'établissement de l'acte authentique n'avaient pas été fournis par le notaire malgré plusieurs relances. Il était fait sommation à la société Regimmo de répondre à certaines questions, et notamment celles de savoir si le notaire était mandaté pour régulariser la vente, si la société Regimmo confirmait que le notaire refusait de transmettre les éléments permettant de régulariser la vente, si elle admettait faire obstacle à la vente, et si au contraire elle confirmait que la vente pouvait intervenir 'cette semaine' en demandant alors au notaire de convoquer pour signature au plus tard le 5 mars, sachant que le délai de 4 mois expirait le 6 mars
2018.
Cette sommation étant restée sans réponse, l'huissier a adressé un rappel à la société Regimmo le 6 avril 2018, cette dernière ayant finalement répondu par acte d'huissier du 2 mai 2018 qu'elle n'avait pas refusé de procéder à la vente dès lors qu'aucune manifestation de volonté réciproque de vente n'était intervenue.
Il a déjà été démontré que les parties avaient clairement manifesté leur volonté de vendre et d'acheter, ainsi qu'il ressort notamment de l'offre de vente et de son acceptation. Il ressort en outre des courriers précités que la société Royal Pressing a sollicité à de très nombreuses reprises, entre le 24 novembre 2017 et le 27 février 2018, la transmission des pièces nécessaires à la régularisation de l'acte de vente afin de boucler les démarches visant à préparer le dossier d'achat et de financement', informant même la société Regimmo qu'elle se réservait le droit de faire état de ce qu'elle considérait comme une entrave à ses démarches.
Faute pour la société Regimmo d'avoir répondu en temps utile aux nombreuses relances qui lui ont été adressées, la cour ne peut que constater qu'elle a fait entrave à la réalisation de la vente.
En obtenant de sa banque un accord de principe sur le prêt bancaire, et en mettant en demeure son bailleur, par courrier du 14 février 2018 et par sommation interpellative du 27 février 2018, de lui adresser les pièces nécessaires à la régularisation de la vente afin notamment de préparer son dossier de financement, la société
Royal Pressing a rempli toutes les obligations lui incombant pour que la vente puisse se réaliser. Cette société n'a pas à supporter les conséquences de la non-réalisation de la vente imputables au bailleur. Du fait de l'opposition du bailleur à la régularisation de l'acte de vente, la condition suspensive de l'obtention d'un prêt doit être réputée accomplie, de sorte que l'acceptation de l'offre est régulière. La société Regimmo soutient enfin que la société Royal Pressing aurait discuté les conditions de la vente, de sorte que son acceptation ne serait pas 'pure et simple'. Force est toutefois de constater que cette prétendue discussion des conditions de la vente (en décembre 2020) est largement postérieure à l'acceptation du 6 novembre 2017 qui n'était assortie d'aucune condition, de sorte qu'elle est inopérante. La cour constate en outre que le simple courriel du notaire du vendeur ne permet pas d'attester des prétendues discussions de l'acquéreur quant aux conditions de la vente.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'acceptation de l'offre, manifestée par la société Royal Pressing le 6 novembre 2017, est parfaitement régulière.
C'est ainsi à bon droit que le premier juge, constatant la régularité de l'offre et de l'acceptation, et l'accord sur la chose et sur le prix, a dit que la vente était parfaite. Le jugement sera confirmé de ce chef.
2 - sur la régularisation de la vente le premier juge a condamné la société Regimmo à régulariser la vente, devant notaire, dans un délai de 4 mois à compter de la signification du jugement, prévoyant une astreinte au-delà de ce délai. Le premier juge a rejeté la demande tendant à dire que le jugement vaudra vente passé un délai de 6 mois.
La société Royal Pressing sollicite l'infirmation du jugement, d'une part sur le montant de l'astreinte, d'autre part en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à dire que le jugement vaudrait vente.
La vente étant parfaite, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Regimmo à la régulariser devant notaire, dans le délai de 4 mois à compter de la signification du jugement. Le montant de l'astreinte fixée par le premier juge, à savoir 250 euros par jour de retard passé le délai de 4 mois pour régulariser la vente est tout à fait justifié, de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef.
Force est en outre de constater que la vente a finalement été régularisée par acte notarié du 26 mars 2021, de sorte que la demande tendant à dire que le jugement, ou l'arrêt, vaudra vente est désormais sans objet, et qu'il n'y a plus lieu de statuer sur ce point.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La société Regimmo qui succombe, sera condamnée aux dépens exposés en cause d'appel.
Il est équitable d'allouer à la société Royal Pressing une indemnité de procédure de 4.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement du tribunal judiciaire de Versailles du 5 mars 2020,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la société civile immobilière Regimmo à payer à la société Royal Pressing la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société civile immobilière Regimmo aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.