Cass. 1re civ., 19 février 1991, n° 89-16.486
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Massip
Rapporteur :
M. Thierry
Avocat général :
Mme Flipo
Avocats :
Me Pradon, SCP Waquet, Farge et Hazan
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que par un premier procès-verbal de constat en date du 14 avril 1987, dressé par M. Broissand Z..., huissier de justice à Dives-sur-Mer, Mme Y... s'est engagée à signer au profit de M. A... une promesse de vente, pour le prix de 33 millions de francs, d'un immeuble sis ..., dont elle était copropriétaire avec sa mère, Mme Veuve X... ; que la date limite de levée d'option a été fixée au 30 avril 1987 ; que, par un second procès-verbal de constat en date du 23 avril 1987, dressé par le même huissier, le prix de l'immeuble a été porté à 35 millions, et les modalités de paiement modifiées ; que, le 28 avril 1987, M. A... a levé l'option, à la fois par lettre recommandée avec accusé de réception et par exploit d'huissier, et a donné rendez-vous aux venderesses chez un notaire pour le 11 mai 1987 ; que les deux intéressées ne s'étant pas présentées à cette date, M. A... les a assignées en réalisation de la vente ; que l'arrêt attaqué (Paris, 28 avril 1989) a déclaré " nuls en tant qu'actes authentiques " les deux procès-verbaux de constat des 14 et 23 avril 1987, nul également en tant qu'acte sous seing privé le constat du 14 avril 1987, faute d'avoir été soumis à l'enregistrement prescrit par l'article 1840-A du Code général des impôts, débouté M. A... de toutes ses demandes, et condamné ce dernier à 50 000 francs de dommages-intérêts ;
Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d'une part, que constitue un acte authentique, tel que défini par l'article 1.317 du Code civil, l'exploit dressé par un huissier de justice constatant une promesse de vente immobilière, dont il précise exactement les modalités et les conditions d'exécution ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait déclarer nuls en tant qu'actes authentiques les procès-verbaux des 14 et 23 avril 1987 dressés par M. Broissand Z..., huissier de justice, et constatant la promesse de vente des dames Y... et X..., sans violer le texte susvisé ; et alors, d'autre part, que si le procès-verbal du 23 avril 1987 faisait référence à celui du 14 avril 1987 dont il reprenait certaines dispositions, il n'en contenait pas moins tous les éléments requis pour la validité de la promesse de vente ; qu'il était donc autonome, se suffisait à lui-même, et pouvait être dissocié de l'acte du 14 avril 1987 ; que la promesse de vente contenue dans le procès-verbal du 23 avril 1987 ayant été acceptée par M. A... le 28 avril suivant, l'acte en question était donc devenu un acte synallagmatique non soumis, quant à sa validité, à l'exigence d'un enregistrement dans les 10 jours ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué n'a pu refuser de considérer cet acte du 23 avril 1987 comme un acte sous seing privé constatant une promesse de vente acceptée valant vente parfaite, qu'en méconnaissance des termes de cet acte et en violation de l'article 1.134 du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, qu'en vertu de l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945, les notaires disposent d'un monopole pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique ; que l'huissier, officier ministériel, ne saurait, sans empiéter sur le monopole des notaires et sans sortir de ses attributions, constater l'existence d'une convention ; que c'est donc à bon droit, en l'espèce, que la cour d'appel, après avoir relevé qu'une promesse de vente avait été recueillie sous la forme d'un procès-verbal de constat, a décidé que ce procès-verbal ne constituait pas un acte authentique et qu'il ne pouvait, par application de l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, valoir qu'à titre de simples renseignements ;
Attendu, ensuite, que c'est dans l'exercice de leur pouvoir souverain, que les juges du second degré ont estimé que le second acte du 23 avril 1987 n'était pas un acte autonome et qu'il ne pouvait être dissocié du premier acte en date du 14 avril 1987 ; qu'ils en ont exactement déduit, par application de l'article 1840-A du Code général des impôts, que la promesse unilatérale de vente recueillie dans ce premier acte du 14 avril 1987 était nulle, faute d'avoir été enregistrée dans le délai de 10 jours ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être retenu en aucune de ses deux branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.