CJUE, 5e ch., 11 mars 2004, n° C-182/01
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
Arrêt
1 Par ordonnance du 22 mars 2001, parvenue à la Cour le 26 avril suivant, l'Oberlandesgericht Düsseldorf a posé, en vertu de l'article 234 CE, deux questions préjudicielles relatives à l'interprétation de l’article 14, paragraphe 3, sixième tiret, du règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales (JO L 227, p. 1), ainsi que des articles 3, paragraphe 2, et 8 du règlement (CE) n° 1768/95 de la Commission, du 24 juillet 1995, établissant les modalités d’application de la dérogation prévue à l’article 14 paragraphe 3 du règlement n° 2100/94 (JO L 173, p. 14).
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Saatgut-Treuhandverwaltungsgesellschaft mbH (ci-après «STV) à M. Jäger au sujet de l'obligation de ce dernier, en tant qu'agriculteur, d'indiquer à cette société, sur demande de celle-ci, si et, le cas échéant, dans quelle mesure il a cultivé diverses variétés végétales, dont certaines sont protégées par le règlement n° 2100/94.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
Le règlement n° 2100/94
3 Il résulte de l'article 1er du règlement n° 2100/94 que celui-ci institue un régime de protection communautaire des obtentions végétales en tant que forme unique et exclusive de protection communautaire de la propriété industrielle pour les variétés végétales.
4 En vertu de l'article 11, paragraphe 1, dudit règlement, la personne, dénommée «obtenteur», qui a droit à la protection communautaire des obtentions végétales est celle qui a «créé ou qui a découvert et développé la variété, ou son ayant droit ou ayant cause».
5 Aux termes de l'article 13, paragraphes 1 et 2, du même règlement:
« 1. La protection communautaire des obtentions végétales a pour effet de réserver à son ou ses titulaires, ci-après dénommés ‘ titulaire ’, le droit d'accomplir les actes indiqués au paragraphe 2.
2. Sans préjudice des articles 15 et 16, l'autorisation du titulaire est requise pour les actes suivants en ce qui concerne les constituants variétaux ou le matériel de récolte de la variété protégée, ci-après dénommés ‘ matériel ’:
a) production ou reproduction (multiplication);
b) conditionnement aux fins de la multiplication;
c) offre à la vente;
d) vente ou autre forme de commercialisation;
e) exportation à partir de la Communauté;
f) importation dans la Communauté;
g) détention aux fins mentionnées aux points a) à f).
Le titulaire peut subordonner son autorisation à des conditions et à des limitations.»
6 Toutefois, l'article 14, paragraphe 1, du règlement susmentionné prévoit:
« Nonobstant l'article 13 paragraphe 2, et afin de sauvegarder la production agricole, les agriculteurs sont autorisés à utiliser, à des fins de multiplication en plein air dans leur propre exploitation, le produit de la récolte obtenu par la mise en culture, dans leur propre exploitation, de matériel de multiplication d'une variété bénéficiant d'une protection communautaire des obtentions végétales autre qu'une variété hybride ou synthétique. »
7 L'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 2100/94 précise que cette autorisation, appelée le « privilège des agriculteurs », s'applique uniquement aux espèces de plantes agricoles qui y sont énumérées. Ces espèces sont regroupées en quatre catégories, à savoir les plantes fourragères, les céréales, les pommes de terre ainsi que les plantes oléagineuses et à fibres.
8 Aux termes de l'article 14, paragraphe 3, dudit règlement, «[l]es conditions permettant de donner effet à la dérogation prévue au paragraphe 1 et de sauvegarder les intérêts légitimes de l'obtenteur et de l'agriculteur sont fixées, avant l'entrée en vigueur du présent règlement, dans le règlement d'application visé à l'article 114». Ledit paragraphe indique les critères sur le fondement desquels ces conditions doivent être ainsi fixées, parmi lesquels figurent l'absence de restriction quantitative au niveau de l'exploitation de l'agriculteur, le droit de l'agriculteur de préparer lui-même ou par prestation de services le produit de la récolte en vue de la mise en culture, l'obligation faite aux agriculteurs, à l'exception des petits agriculteurs, de payer au titulaire une rémunération équitable, qui doit être sensiblement inférieure au montant perçu pour la production sous licence de matériel de multiplication de la même variété dans la même région, et la responsabilité exclusive des titulaires quant au contrôle de l'application de cet article 14.
9 L'article 14, paragraphe 3, sixième tiret, du règlement n° 2100/94 prévoit également, au nombre desdits critères, une obligation d'information à charge des agriculteurs. Cette disposition est libellée comme suit:
« [T]oute information pertinente est fournie sur demande aux titulaires par les agriculteurs et les prestataires d'opérations de triage à façon; toute information pertinente peut également être fournie par les organismes officiels impliqués dans le contrôle de la production agricole, si cette information a été obtenue dans l'exercice normal de leurs tâches, sans charges ni coûts supplémentaires. Ces dispositions n'affectent en rien, pour ce qui est des données à caractère personnel, la législation communautaire et nationale ayant trait à la protection des personnes en ce qui concerne le traitement et la libre circulation des données à caractère personnel. »
10 Il résulte des dix-septième et dix-huitième considérants du règlement n° 2100/94 que «l'exercice des droits conférés par la protection communautaire des obtentions végétales doit être soumis à des restrictions prévues dans des dispositions adoptées dans l'intérêt public», que «cela comporte la sauvegarde de la production agricole» et que, «dans ce but, l'agriculteur doit être autorisé à utiliser, selon certaines modalités, le produit de sa récolte à des fins de propagation».
Le règlement n° 1768/95
11 Selon son article 1er, le règlement n° 1768/95 institue les modalités d'application des conditions permettant de donner effet à la dérogation prévue à l'article 14, paragraphe 1, du règlement n° 2100/94.
12 L'article 2 dudit règlement dispose :
« 1. Les conditions visées à l'article 1er sont mises en oeuvre, tant par le titulaire représentant l'obtenteur que par l'agriculteur, de façon à sauvegarder leurs intérêts légitimes réciproques.
2. Les intérêts légitimes ne seront pas considérés comme sauvegardés si un ou plusieurs de ces intérêts sont compromis sans qu'il soit tenu compte de la nécessité de préserver un équilibre raisonnable entre tous ces intérêts ou de la proportionnalité nécessaire entre le but de la condition visée et l'effet réel de sa mise en oeuvre.»
13 Aux termes de l'article 3, paragraphes 1 et 2, du même règlement :
« 1. Les droits et les obligations du titulaire découlant des dispositions de l'article 14 du règlement [n° 2100/94], tels que spécifiés dans le présent règlement, à l'exception du droit relatif au paiement déjà chiffrable de la rémunération équitable visée à l'article 5 ne peuvent faire l'objet d'un transfert à des tiers. Toutefois, ils font partie des droits et des obligations concernés par le transfert de la protection communautaire des obtentions végétales en vertu de l'article 23 du règlement [n° 2100/94].
2. Les droits visés au paragraphe 1 peuvent être invoqués par un titulaire à titre individuel, par plusieurs titulaires à titre collectif ou par une organisation de titulaires établie dans la Communauté à l'échelon communautaire, national, régional ou local. Toute organisation de titulaires ne peut agir qu'au nom de ses membres et uniquement au nom de ceux qui lui ont donné un mandat écrit pour ce faire. Elle agit par l'intermédiaire d'un ou de plusieurs représentants ou de commissaires aux comptes accrédités par elle, dans les limites de leurs mandats respectifs.»
14 L'article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1768/95 est libellé comme suit :
«La (les) personne(s) propriétaire(s) de l'exploitation concernée au moment où l'exécution d'une obligation est revendiquée sera (seront) considérée(s) comme étant l' (les) agriculteur(s), à moins qu'elle(s) ne fournisse(nt) la preuve qu'une autre personne est l'agriculteur tenu de respecter l'obligation au titre des dispositions des paragraphes 1 et 2. »
15 L'article 8 du règlement n° 1768/95 prévoit:
« 1. Le détail des informations fournies par l'agriculteur au titulaire en vertu de l'article 14 paragraphe 3 sixième tiret du règlement [n° 2100/94] peut faire l'objet d'un contrat entre le titulaire et l'agriculteur concernés.
2. Lorsqu'aucun contrat de ce type n'a été conclu ou n'est applicable, l'agriculteur, sans préjudice des obligations d'information applicables au titre de la législation communautaire ou de la législation des États membres, est tenu de communiquer au titulaire, à la demande de celui-ci, une déclaration relative aux informations utiles. Il est utile de préciser les points suivants:
a) le nom de l'agriculteur, la localité de son domicile et l'adresse de son exploitation ;
b) la question de savoir si l'agriculteur a utilisé le produit de la récolte d'une ou de plusieurs variétés du titulaire en vue de sa mise en culture sur une ou plusieurs terres de son exploitation ;
c) si l'agriculteur en a utilisé, la quantité du produit de la récolte appartenant à la variété ou aux variétés en question qui a été utilisée par l'agriculteur conformément à l'article 14 paragraphe 1 du règlement [n° 2100/94] ;
d) à la même condition, le nom et l'adresse de la ou des personnes qui a ou ont presté des opérations de triage à façon dudit produit de la récolte, pour l'agriculteur, en vue de sa mise en culture;
e) si l'information visée aux points b), c) ou d) ne peut pas être confirmée conformément aux dispositions de l'article 14, la quantité de matériel de multiplication sous licence des variétés en question utilisée, ainsi que le nom et l'adresse du ou des fournisseurs de ce matériel ;
3. Les informations visées au paragraphe 2 points b), c), d) et e) se rapportent à la campagne de commercialisation en cours et à l'une ou plusieurs des trois campagnes précédentes pour laquelle ou pour lesquelles le titulaire n'a pas encore présenté de demande d'information conformément aux dispositions du paragraphe 4 ou 5.
Toutefois, la première campagne de commercialisation à laquelle les informations se rapportent ne précède pas celle au cours de laquelle a été présentée la première demande relative à la ou aux variétés et à l'agriculteur concernés, pour autant que le titulaire ait veillé à ce que, au moment de l'acquisition du matériel de multiplication de la ou des variétés en cause, ou auparavant, l'agriculteur ait été informé au moins du classement de la demande d'octroi d'un régime de protection communautaire d'une obtention végétale ou d'octroi d'une telle protection, et des conditions liées à l'utilisation de ce matériel de multiplication.
4. Dans sa demande, le titulaire spécifiera ses nom et adresse, la ou les variétés pour lesquelles il sollicite des informations ainsi que la ou les références de la protection communautaire des obtentions végétales concernées. Si l'agriculteur l'exige, la demande devra être écrite et accompagnée des preuves de propriété. Sans préjudice des dispositions du paragraphe 5, la demande est adressée directement à l'agriculteur concerné.
5. Une demande non adressée directement à l'agriculteur concerné est considérée comme conforme aux dispositions du paragraphe 4 troisième phrase si elle est envoyée à des agriculteurs par l'intermédiaire des personnes ou organisations suivantes et avec leur accord :
les organisations d'agriculteurs ou les coopératives, en ce qui concerne tous les agriculteurs membres de ces organisations ou coopératives, les prestataires d'opérations de triage à façon en ce qui concerne tous les agriculteurs pour qui ils ont réalisé des opérations de triage à façon du produit de la récolte destiné à être mis en culture pendant la campagne de commercialisation en cours et pendant les trois campagnes précédentes, à compter de la campagne visée au paragraphe 3 ou les distributeurs sous licence du matériel de reproduction des variétés du titulaire, en ce qui concerne tous les agriculteurs auxquels ils ont distribué un tel matériel de reproduction pendant la campagne de commercialisation en cours et pendant les trois campagnes précédentes, à compter de la campagne visée au paragraphe 3.
6. Pour les demandes formulées conformément aux dispositions du paragraphe 5, il n'est pas nécessaire d'indiquer chaque agriculteur. Les organisations, coopératives, prestataires d'opérations de triage à façon et fournisseurs peuvent être autorisés par les agriculteurs concernés à transmettre les informations requises au titulaire.»
La réglementation nationale
16 L'article 10 a, paragraphe 6, du Sortenschutzgesetz 1985 (loi de 1985 sur la protection des obtentions végétales), dans sa version du 25 juillet 1997 (BGBl. 1997 I, p. 3165, ci-après le «SortG»), qui définit une obligation d'information relative aux obtentions végétales protégées en vertu du droit allemand, dispose:
« Les agriculteurs qui font usage de la possibilité de procéder à la mise en culture du produit de la récolte ainsi que les prestataires d'opérations de triage à façon mandatés par eux sont tenus d'informer les titulaires de la protection des obtentions végétales de l'étendue de la mise en culture. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
17 Il ressort de l'ordonnance de renvoi que STV est une société à responsabilité limitée («Gesellschaft mit beschränkter Haftung»), constituée conformément à la législation allemande, qui a pour objet la sauvegarde des intérêts économiques des personnes physiques et morales ainsi que des sociétés de personnes qui produisent ou commercialisent, directement ou indirectement, des semences ou qui ont des intérêts dans la production ou la commercialisation de semences. L'objet de cette société comprendrait notamment, tout d’abord, le contrôle des droits d'obtenteur au plan national et international, en particulier l'organisation de vérifications, en ce qui concerne les droits d'obtenteur de ses associés ou de tiers, auprès de sociétés de multiplication ainsi que de sociétés de multiplication et de commercialisation. Cet objet comporterait, ensuite, le recouvrement des redevances d'exploitation de licences relatives à des obtentions végétales et, enfin, l'adoption de mesures générales visant à promouvoir la production ainsi qu’à assurer l'approvisionnement des consommateurs en semences irréprochables et de grande qualité ainsi que l’écoulement de celles-ci, sans toutefois acheter ou vendre des semences.
18 Parmi ses associés, STV compte des titulaires et des preneurs de licences exclusives d'exploitation de droits à la protection des obtentions végétales en vertu du droit national, c'est-à-dire en vertu du SortG, et/ou du droit communautaire, c'est-à-dire en vertu du règlement n° 2100/94. Selon l'ordonnance de renvoi, il semble que STV compte également au nombre de ses associés le Bundesverband Deutscher Pflanzenzüchter eV (BDP) qui regroupe, parmi ses membres, de nombreux titulaires et preneurs de licences exclusives d'exploitation de droits à la protection des obtentions végétales en vertu du droit allemand et/ou communautaire.
19 Sur la base de procurations et de mandats écrits, STV a fait valoir en son propre nom, devant de nombreux tribunaux allemands et à l'encontre de centaines d'agriculteurs allemands, dont M. Jäger, les droits liés à la mise en culture, au total, de plus de 500 variétés végétales protégées concernant plus de 60 personnes qui sont titulaires et/ou ayants droit de droits à la protection des obtentions végétales en vertu du droit national ou communautaire. Parmi ces derniers se trouveraient ses associés et les membres d'une fédération qui compte au nombre de ceux-ci, ainsi que des personnes qui ne sont pas ses associés ni membres d'une fédération associée, mais qui ont chargé STV, par un mandat écrit, de faire valoir en son propre nom, moyennant rémunération, leurs droits relatifs à la mise en culture de variétés végétales protégées.
20 STV a demandé à M. Jäger de l’informer de la mesure dans laquelle il a mis en culture, pendant la période de croissance de la végétation 1997/1998, plus de 500 variétés végétales, dont environ un tiers sont protégées au titre du règlement n° 2100/94.
21 La juridiction de renvoi relève que STV soutient qu’elle constitue une organisation de titulaires au sens de l'article 3, paragraphe 2, du règlement nº 1768/95 et peut faire valoir en justice, dans le cadre du pouvoir qui lui a été conféré à cet effet, les droits de tous les obtenteurs et ayants droit de ceux-ci qui lui ont donné mandat pour ce faire, et ce indépendamment du point de savoir s'ils font ou non partie de ses associés.
22 Selon ladite juridiction, STV fait également valoir que, en tant qu'agriculteur, M. Jäger devait lui indiquer si et, le cas échéant, dans quelle mesure il avait cultivé l'une des variétés décrites dans ladite demande ─ sans qu’elle soit tenue d'établir concrètement qu'il avait cultivé une variété déterminée. Cette large obligation d'information résulterait, pour les obtentions végétales protégées par le règlement n° 2100/94, des dispositions combinées des articles 14, paragraphe 3, sixième tiret, de ce règlement et 8, paragraphe 2, du règlement n° 1768/95.
23 M. Jäger soutient que l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1768/95 se réfère à une organisation, ou à une association, qui comporte des «membres» et non pas à une entreprise économique, telle qu'une société à responsabilité limitée, qui n’est pas constituée de membres mais d'associés. En outre, même si STV était considérée comme une association au sens de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1768/95, cette disposition ne s'appliquerait pas aux intérêts des titulaires d'une protection communautaire des obtentions végétales qui sont uniquement membres d'un associé de STV ou qui lui sont tout à fait extérieurs.
24 Quant aux droits à l'information, M. Jäger fait valoir que ni l'article 14, paragraphe 3, sixième tiret, du règlement n° 2100/94 ni l'article 8 du règlement nº 1768/95 n'imposent à l'agriculteur de fournir des informations sans qu'aucun acte d'utilisation de semences ait été prouvé par le titulaire.
25 Le Landgericht Düsseldorf (Allemagne) a rejeté l’action introduite par STV contre M. Jäger. Il a constaté que STV n'était pas recevable à former une telle action en son propre nom pour les titulaires et les ayants droit pour lesquels cette société n'avait pas établi qu'ils étaient membres d'ayants droit. Pour le reste, ladite juridiction a rejeté l'action comme non fondée, en jugeant que STV n'avait pas établi si et pour quelles variétés ceux qui lui avaient donné un mandat étaient titulaires d'une protection des obtentions végétales ou d'un droit exclusif d'exploitation au cours de la période considérée.
26 STV a interjeté appel de ce jugement devant l'Oberlandesgericht Düsseldorf.
27 Cette dernière juridiction relève que le bien-fondé de l'appel dépend tout d'abord du point de savoir si STV, qui n'invoque pas ses propres droits d'obtenteur, est habilitée à faire valoir en son propre nom les droits nationaux et communautaires des titulaires et des ayants droit nommément désignés dans la requête.
28 À cet égard, la juridiction de renvoi relève que les notions d'«organisation» et de «membres», figurant à l'article 3, paragraphe 2, du règlement nº 1768/95, semblent devoir être interprétées dans un sens large, notamment parce que ladite disposition doit être considérée à titre autonome et que, dans sa version allemande, il est question de manière générale d'organisation («Organisation») dans le même sens que celui qu’il convient de donner à association («Vereinigung»), sans qu’il soit fait référence à une forme juridique particulière. Selon cette juridiction, il demeure toutefois des doutes en ce qui concerne les points de savoir si les termes de ladite disposition recouvrent tout rassemblement de titulaires, y compris, notamment, une société à responsabilité limitée, et si le pouvoir d'une organisation, au sens de l'article 3, paragraphe 2, du règlement nº 1768/95, d'invoquer les droits visés au paragraphe 1 dudit article couvre également les droits des membres des associés de cette organisation, qui ont la qualité de «membres indirects» de celle-ci.
29 En outre, ladite juridiction se pose la question de savoir si STV est également habilitée à exercer les droits au titre de l'article 3, paragraphe 1, du règlement nº 1768/95 des titulaires ou des ayants droit de ceux-ci qui ne sont ni associés de STV ni membres indirects de cette dernière au sens précisé au point précédent, mais qui confient néanmoins la sauvegarde de leurs intérêts à cette société, moyennant le paiement d'une rémunération.
30 Ensuite, en ce qui concerne l'interprétation des articles 14, paragraphe 3, sixième tiret, du règlement n° 2100/94 et 8 du règlement nº 1768/95, la juridiction de renvoi relève que STV n'a pas fait état d'indices de nature à laisser penser que M. Jäger a accompli l'un des actes énumérés à l'article 13, paragraphe 2, du règlement n° 2100/94 par rapport aux variétés protégées désignées dans la demande de cette société ou que, à tout le moins, il a utilisé les variétés en cause dans son exploitation. Par conséquent, STV ne jouirait des droits à l'information qu'elle invoque que si lesdites dispositions confèrent un droit à l'information à l’égard de tout agriculteur, indépendamment des circonstances du litige au principal.
31 La juridiction de renvoi constate que la communication des informations pertinentes visée à l'article 14, paragraphe 3, sixième tiret, du règlement n° 2100/94 constitue l'une des conditions que l'agriculteur doit remplir afin que la mise en culture au sens du paragraphe 1 de cet article soit permise à titre dérogatoire. En conséquence, selon elle, l'obligation d'information présuppose nécessairement un acte de mise en culture.
32 S'agissant de l'article 8 du règlement n° 1768/95, l'Oberlandesgericht Düsseldorf rappelle que, en tant que règlement d'application, ce dernier ne vise qu'à préciser les conditions dans lesquelles les dispositions dérogatoires de l'article 14, paragraphe 1, du règlement n° 2100/94 sont applicables.
33 La juridiction de renvoi ajoute qu'il est vrai qu'il sera souvent très difficile pour le titulaire de constater les contrefaçons qui résultent du fait qu'un agriculteur utilise dans sa propre exploitation le produit de la récolte d'une variété protégée comme matériel de multiplication, l'examen d'une plante ne permettant pas d'établir si elle a été obtenue par une mise en culture ou par l'acquisition de semences. Toutefois, un droit à l'information étendu à l'égard de tout agriculteur ne résoudrait pas entièrement cette difficulté, car, notamment en cas de réponse négative, les mêmes difficultés se poseraient pour le titulaire, à défaut de possibilités de contrôle suffisantes. En outre, selon ladite juridiction, il semble «préoccupant par principe d'accorder un droit à l'information pour ouvrir la voie à un droit au paiement grâce auquel le titulaire du droit à l'information entend tout d'abord apprendre si les conditions d'un tel droit au paiement sont réunies». Normalement, ce serait à celui qui invoque un droit de réunir, à tout le moins, des indices concrets de l'existence des faits fondant la responsabilité de la personne qui a violé ce droit.
34 C’est dans ces conditions que l'Oberlandesgericht Düsseldorf a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
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b) une telle société peut-elle également invoquer les droits visés à l'article 3, paragraphe 1, du règlement précité pour les titulaires, au sens de l'article 3, paragraphe 2, qui ne sont pas ses associés, mais qui sont membres d'une fédération qui, elle, est associée de la société, et
c) une telle société peut-elle également invoquer (moyennant rémunération) les droits visés à l'article 3, paragraphe 1, du règlement précité pour les titulaires au sens de l'article 3, paragraphe 2, qui ne sont pas ses associés et qui ne sont pas non plus membres d'une fédération qui compte au nombre de ses associés?
2) Les dispositions combinées de l'article 14, paragraphe 3, sixième tiret, du règlement […] nº 2100/94 […] et de l'article 8 du règlement […] nº 1768/95 […] doivent-elles être interprétées en ce sens que l'obtenteur d'une variété protégée en vertu du règlement [n° 2100/94] peut exiger de tout agriculteur les informations prévues par les dispositions susmentionnées indépendamment du point de savoir s'il existe des éléments permettant de supposer que l'agriculteur a accompli l'un des actes d'utilisation énumérés à l'article 13, paragraphe 2, du règlement [n° 2100/94] en ce qui concerne la variété en question ou a ─ tout au moins ─ utilisé celle-ci par ailleurs dans son exploitation?»
Sur la première question
35 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1768/95 doit être interprété en ce sens qu'une société à responsabilité limitée constitue une «organisation de titulaires» au sens de ladite disposition et si, le cas échéant, cette société peut invoquer les droits des titulaires qui sont membres non pas de cette dernière, mais d'une organisation qui est elle-même associée de ladite société, ainsi que les droits des titulaires qui ne sont ni associés de celle-ci ni membres d'une organisation qui l'est, mais qui confient à cette société, contre rémunération, la sauvegarde de leurs intérêts.
Observations soumises à la Cour
36 STV fait valoir que l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1768/95 doit être interprété de manière large. En effet, le législateur communautaire se serait sciemment abstenu de préciser la forme concrète du groupement de titulaires concerné pour tenir compte des différentes situations dans les États membres. Cette disposition viserait un organe central chargé de faire valoir les droits des titulaires. Par conséquent, une société à responsabilité limitée constituée conformément à la législation allemande relèverait de ladite disposition.
37 Par ailleurs, conformément à l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1768/95, pour que STV puisse faire valoir les droits des titulaires tirés de l'article 3, paragraphe 1, de ce règlement, il suffirait que chaque titulaire lui ait donné un mandat écrit pour ce faire.
38 À cet égard, STV soutient que, tout comme la notion d'organisation, celle de membres doit être interprétée dans un sens large et ne vise qu'une simple «appartenance». Dès lors, par l'octroi d'un mandat à une telle organisation, la condition de «membre» au sens de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1768/95 se trouverait également remplie.
39 Cette qualité de membre existerait à plus forte raison lorsque des titulaires ont non seulement donné mandat à une organisation ayant la forme d'une société, mais sont en même temps membres d'une fédération qui, à son tour, est une associée de cette organisation. En tout état de cause, de tels titulaires seraient des «membres indirects» de celle-ci qui, par la création de la fédération dont ils sont membres, seraient liés selon le droit des sociétés à ladite organisation qui agit en leur lieu et place.
40 M. Jäger soutient que le terme «organisation» employé à l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1768/95 ne saurait viser une entreprise telle que STV. En particulier, une société à responsabilité limitée n'aurait manifestement pas de «membres» au sens de ladite disposition. En effet, l'utilisation du terme «membres» montrerait que le législateur communautaire avait en vue un groupement d'intérêt professionnel, sous la forme juridique d'une association ou d'une structure analogue, et non pas une entreprise tout à fait indépendante tant sur le plan juridique et organisationnel qu’au regard des intérêts individuels des obtenteurs.
41 Le gouvernement italien fait valoir qu'une organisation de titulaires, au sens de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1768/95, ne saurait avoir la forme d'une société, car celle-ci a sa propre personnalité juridique par rapport à celle des associés et elle doit donc être considérée comme un tiers par rapport à chaque titulaire du droit de protection des obtentions végétales. Partant, en vertu du règlement n° 1768/95, une telle société ne pourrait pas être cessionnaire des droits du titulaire qui découlent des dispositions de l'article 14 du règlement n° 2100/94.
42 La Commission estime qu'il convient d'interpréter de manière large la notion d'organisation de titulaires établie dans la Communauté à l'échelon communautaire, national, régional ou local, afin d'englober l'ensemble des différentes formes d'organisation qui se rencontrent dans les États membres, ce qui serait également la raison pour laquelle le législateur communautaire aurait délibérément choisi de se référer à une telle organisation en des termes généraux.
43 En se fondant sur l'idée que toutes les formes d'organisation doivent être autorisées et les droits des titulaires garantis indépendamment de celles-ci, la Commission estime que les membres d'une organisation de titulaires peuvent être des personnes physiques ou des organisations dont les membres sont les titulaires. Par conséquent, une société à responsabilité limitée constituée conformément à la législation allemande pourrait être une «organisation de titulaires» au sens de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1768/95, s’agissant de titulaires qui ne sont pas ses associés, mais qui sont membres d'une organisation qui est elle-même une associée de cette société. Ces derniers membres seraient des membres indirects et la société pourrait invoquer leurs droits, à condition qu'ils lui aient donné un mandat à cet effet.
44 En revanche, l'article 3, paragraphe 2, deuxième phrase, du règlement n° 1768/95 mentionnerait clairement qu'une organisation de titulaires au sens de cette disposition ne peut agir qu'au nom de ses membres. Il en résulterait qu'une organisation de titulaires ne peut pas invoquer les droits visés au paragraphe 1 du même article pour des titulaires qui ne sont pas ses associés ou ses membres et qui ne sont pas non plus membres d'une fédération qui fait partie des associés ou des membres de cette organisation.
Appréciation de la Cour
45 Il convient de rappeler que, conformément à l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 2100/94 et ainsi que le précise l'article 1er du règlement n° 1768/95, ce dernier institue les modalités d'application des conditions permettant de donner effet à la dérogation prévue au paragraphe 1 dudit article 14.
46 Il résulte de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1768/95 que, à l'exception du droit relatif au paiement déjà chiffrable de la rémunération équitable à payer au titulaire, les droits et les obligations de ce dernier découlant des dispositions de l'article 14 du règlement n° 2100/94 ne peuvent faire l'objet d'un transfert à des tiers.
47 Ainsi que l’a relevé M. l'avocat général au point 20 de ses conclusions, les droits concernés sont essentiellement celui de percevoir la rémunération due par les agriculteurs, celui de contrôler l'application de l'article 14 du règlement n° 2100/94 ou des dispositions adoptées au titre de cette disposition et celui d'obtenir, sur demande du titulaire aux agriculteurs et aux prestataires d'opérations de triage à façon, toute information pertinente.
48 En vertu de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1768/95, ces droits peuvent être invoqués par un titulaire à titre individuel, par plusieurs titulaires à titre collectif ou par une organisation de titulaires établie dans la Communauté à l'échelon communautaire, national, régional ou local.
49 La notion d'organisation de titulaires n'est cependant pas définie dans le règlement n° 1768/95.
50 Toutefois, il découle tant des exigences de l'application uniforme du droit communautaire que du principe d'égalité que les termes d'une disposition du droit communautaire qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute la Communauté, une interprétation autonome et uniforme qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l'objectif poursuivi par la réglementation en cause (arrêts du 19 septembre 2000, Linster, C‑287/98, Rec. p. I-6917, point 43, et du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, Rec. p. I-2439, point 26).
51 À cet égard, il convient de constater que les dispositions de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1768/95 visent à permettre aux titulaires de s'organiser de manière appropriée pour exercer leurs droits découlant de l'article 14 du règlement n° 2100/94. Ils peuvent agir à titre individuel ou collectif ou encore constituer une organisation à cette fin. Ces dispositions laissent aux titulaires le choix de la forme juridique de cette organisation, qui peut donc revêtir la forme tant d'une association que d'une société à responsabilité limitée.
52 Cette interprétation est corroborée par un examen des différentes versions linguistiques de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1768/95. En effet, les termes employés dans les versions danoise («sammenslutning»), anglaise («organization»), espagnole («organización)», française («organisation»), grecque («σργάνωση»), italienne («organizzazione»), néerlandaise («organisatie»), portugaise («organização»), finnoise («järjestö») et suédoise («organisation») sont tous suffisamment généraux pour pouvoir couvrir non seulement les associations, mais également d'autres formes d'organisation, telles que la société à responsabilité limitée. Si la version allemande emploie le terme «Vereinigung» dans la première phrase dudit paragraphe 2 et à l'article 3, paragraphe 3, du règlement n° 1768/95, il n'en demeure pas moins qu'elle emploie le terme «Organisation» à l'article 3, paragraphe 2, deuxième phrase, dudit règlement.
53 Le fait que l'article 3, paragraphe 2, deuxième phrase, du règlement n° 1768/95 se réfère aux «membres» de l’organisation de titulaires s'explique tout simplement par l'emploi du terme «organisation» et n'indique nullement la forme juridique que cette organisation doit prendre.
54 En ce qui concerne l'argument dont fait état le gouvernement italien selon lequel une «organisation de titulaires», au sens de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1768/95, ne peut pas avoir la forme d'une société parce que celle-ci devrait être considérée comme un tiers par rapport à chaque titulaire, il suffit de constater, d'une part, que toute organisation ayant une personnalité juridique constitue un tiers par rapport aux titulaires qui en font partie et qu’une telle constatation ne concerne pas seulement les organisations ayant pris la forme d'une société. D'autre part, ainsi que le relève M. l'avocat général au point 21 de ses conclusions, l'acquisition de la qualité d'associé d'une organisation constituée sous la forme d'une société à responsabilité limitée n'implique nullement la cession de droits à cette dernière.
55 S'agissant de la forme juridique des membres d'une organisation de titulaires, il y a lieu de constater que l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1768/95 ne contient pas d'indications à cet égard. Cependant, si, ainsi qu'il résulte du point 51 du présent arrêt, le choix de la forme juridique de l'organisation a été laissé aux titulaires, ceci doit également valoir pour les membres de celle-ci. Dès lors, ainsi que la Commission l'a relevé à juste titre, les membres d'une organisation de titulaires peuvent aussi bien être des personnes physiques que des organisations dont les membres sont les titulaires. Il s'ensuit qu'une société à responsabilité limitée peut constituer une «organisation de titulaires» au sens de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1768/95, y compris pour des titulaires qui ne sont pas ses associés, mais qui sont membres d'une organisation elle-même associée de ladite société. Dans ce cas, ces derniers sont des membres indirects de celle-ci.
56 Toutefois, il résulte de l'article 3, paragraphe 2, deuxième phrase, du règlement n° 1768/95 que, afin qu'une organisation puisse invoquer les droits des titulaires découlant des dispositions de l'article 14 du règlement n° 2100/94, il faut que ses membres, directs ou indirects, lui aient donné un mandat écrit à cet effet.
57 Il résulte également de ladite deuxième phrase qu'une organisation de titulaires ne peut agir qu’au nom de ses membres et non en son nom propre ni au nom des titulaires qui ne font pas partie de ses membres.
58 Dès lors, il convient de répondre à la première question que l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1768/95 doit être interprété en ce sens qu'une société à responsabilité limitée est susceptible de constituer une «organisation de titulaires» de la protection des obtentions végétales au sens de ladite disposition. Une telle organisation peut invoquer les droits des titulaires qui sont membres d'une autre organisation dès lors que cette dernière est elle-même membre de la première organisation. En revanche, elle ne peut pas invoquer les droits des titulaires qui, sans être membres de celle-ci ni d'une autre organisation qui l'est, lui ont confié, contre rémunération, la sauvegarde de leurs intérêts.
Sur la seconde question
59 Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande en substance si les dispositions combinées des articles 14, paragraphe 3, sixième tiret, du règlement n° 2100/94 et 8 du règlement n° 1768/95 doivent être interprétées en ce sens qu'elles prévoient la faculté pour le titulaire de la protection communautaire d'une obtention végétale de demander à un agriculteur l'information prévue par lesdites dispositions lorsqu'il ne dispose pas d'indice de ce que cet agriculteur a utilisé ou utilisera, à des fins de multiplication en plein air dans sa propre exploitation, le produit de la récolte obtenu par la mise en culture, dans celle-ci, de matériel de multiplication d'une variété bénéficiant de cette protection, autre qu'une variété hybride ou synthétique, et appartenant à l’une des espèces de plantes agricoles énumérées au paragraphe 2 dudit article 14.
60 Il convient de constater que, dans son arrêt du 10 avril 2003, Schulin (C‑305/00, Rec. p. I-3525), la Cour a répondu à une question posée dans des termes quasi identiques à ceux de la seconde question de la présente demande de décision préjudicielle.
61 Dès lors, \/ il y a lieu pour la Cour, d’une part, de se référer aux points 46 à 69 et 71 de l'arrêt Schulin, précité. D'autre part, quant à l'article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1768/95, invoqué par STV au soutien de son interprétation de l’article 8, paragraphe 2, du même règlement, il suffit de constater que ledit paragraphe 3 n'impose pas d'obligations supplémentaires aux agriculteurs, mais prévoit tout simplement des règles pour déterminer la personne qui est tenue de respecter les obligations de l'agriculteur découlant de l'article 14 du règlement n° 2100/94.
62 Eu égard à ces considérations, il convient de répondre à la seconde question posée dans les mêmes termes qu'à la question posée dans l'arrêt Schulin, précité, à savoir que les dispositions combinées des articles 14, paragraphe 3, sixième tiret, du règlement n° 2100/94 et 8 du règlement n° 1768/95 ne sauraient être interprétées en ce sens qu'elles prévoient la faculté pour le titulaire de la protection communautaire d'une obtention végétale de demander à un agriculteur l'information prévue par lesdites dispositions lorsqu'il ne dispose pas d'indice de ce que l'agriculteur a utilisé ou utilisera, à des fins de multiplication en plein air dans sa propre exploitation, le produit de la récolte obtenu par la mise en culture, dans sa propre exploitation, de matériel de multiplication d'une variété bénéficiant de cette protection, autre qu'une variété hybride ou synthétique, et appartenant à l’une des espèces de plantes agricoles énumérées à l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 2100/94.
Sur les dépens
63 Les frais exposés par les gouvernements italien et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre)
statuant sur les questions à elle soumises par l'Oberlandesgericht Düsseldorf, par ordonnance du 22 mars 2001, dit pour droit:
1) L'article 3, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1768/95 de la Commission, du 24 juillet 1995, établissant les modalités d’application de la dérogation prévue à l’article 14 paragraphe 3 du règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, doit être interprété en ce sens qu'une société à responsabilité limitée est susceptible de constituer une «organisation de titulaires» de la protection des obtentions végétales au sens de ladite disposition. Une telle organisation peut invoquer les droits des titulaires qui sont membres d'une autre organisation dès lors que cette dernière est elle-même membre de la première organisation. En revanche, elle ne peut pas invoquer les droits des titulaires qui, sans être membres de celle-ci ni d'une autre organisation qui l'est, lui ont confié, contre rémunération, la sauvegarde de leurs intérêts.
2) Les dispositions combinées des articles 14, paragraphe 3, sixième tiret, du règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, et 8 du règlement n° 1768/95 ne sauraient être interprétées en ce sens qu'elles prévoient la faculté pour le titulaire de la protection communautaire d'une obtention végétale de demander à un agriculteur l'information prévue par lesdites dispositions lorsqu'il ne dispose pas d'indice de ce que l'agriculteur a utilisé ou utilisera, à des fins de multiplication en plein air dans sa propre exploitation, le produit de la récolte obtenu par la mise en culture, dans sa propre exploitation, de matériel de multiplication d'une variété bénéficiant de cette protection, autre qu'une variété hybride ou synthétique, et appartenant à l’une des espèces de plantes agricoles énumérées à l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 2100/94.