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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 18 décembre 2007, n° 06/05325

DOUAI

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

M. Ammeux

Défendeur :

Caithness Potato Breeders Ltd (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gosselin

Conseillers :

Mme Bonnemaison , Mme Duperrier

Avoués :

SCP Deleforge Franchi, SCP Carlier-Regnier

Avocats :

Me Willemetz, Me Cousin

TGI de Lille, du 14 juin 2006, n° 06/992

14 juin 2006

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2007 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame GOSSELIN, Président, et Madame POPEK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

VISA DU MINISTÈRE PUBLIC

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 11 SEPTEMBRE 2007

Par jugement réputé contradictoire en date du 14 Juin 2006, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de Grande Instance de LILLE, rejetant la demande d'expertise formulée, a dit qu'en produisant, sans l'autorisation de la société CAITHNESS POTATO BREEDERS LTD des éléments de multiplication végétale de la variété Stemster, Messieurs Jean-Claude et Pascal AMMEUX se sont respectivement rendus coupables de contrefaçon des droits de la société CAITHNESS POTATO BREEDERS LTD sur le Certificat d'Obtention Végétale dont elle est titulaire, délivré sous le n° 4819 le 7 Novembre 1988, dit que ces actes tombaient sous le coup des articles L 623-25 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle, condamné in solidum Jean-Claude et Pascal AMMEUX à verser à la société CAITHNESS POTATO BREEDERS LTD une somme de 20000€ à titre de dommages et intérêts, interdit aux intéressés, sous peine d'astreinte dont il s'est réservé la liquidation, de continuer la poursuite de la contrefaçon, autorisé la publication du jugement aux frais des consorts AMMEUX et condamné ceux-ci au paiement d'une indemnité de procédure de 1000€ ainsi qu'aux frais de saisie contrefaçon et aux dépens.

Les consorts AMMEUX ont relevé appel le 7 Septembre 2006 de ce jugement dont ils sollicitent la réformation suivant conclusions déposées le 26 Octobre 2006 tendant à voir, au visa des articles L. 613-5-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, débouter la société CAITHNESS POTATO BREEDERS LTD de toutes ses demandes et la condamner au paiement d'une indemnité de procédure de 1500€ pour chacun d'eux.

Au terme de conclusions déposées le 12 Avril 2007, la société CAITHNESS POTATO BREEDERS LTD (ci-après désignée CAITHNESS) sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de chaque appelant à lui verser une somme de 10000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile .

L' ordonnance de clôture est intervenue le 11 Septembre 2007 et les débats le 8 Octobre 2007.

SUR CE

I - Sur la nullité de l'acte d'appel:

La société CAITHNESS invoque la nullité de l'acte d'appel à défaut d'indication de la nationalité des appelants et de leurs dates de naissance.

Elle n'invoque ni ne prouve toutefois le grief que lui causent ces irrégularités, étant observé que, dans leurs conclusions , les consorts AMMEUX ont décliné leurs dates de naissance respectives.

Le moyen sera rejeté.

II - Sur le fond:

La société CAITHNESS est titulaire d'un Certificat d'Obtention Végétale (COV) relatif à une variété de pomme de terre Stemster, délivré sous le n° 4819, pour une durée de vingt-cinq ans à compter du 28 Novembre 1998, cette durée étant portée à trente ans en application de la loi n° 2006-236 du 1er Mars 2006.

Ensuite d'une ordonnance en date du 4 Novembre 2005, la société CAITHNESS a fait dresser les 20 et 21 Décembre 2005 un procès-verbal de saisie-contrefaçon tendant à établir que les consorts AMMEUX , agriculteurs à LESBOEUFS, utilisaient, sans son autorisation, comme plants lors de nouvelles campagnes d'ensemencement, une partie des grenailles de leur production précédente de pomme de terre de variété Stemster, évitant ainsi le rachat de nouveaux plants.

Saisi par la société CAITHNESS d'une demande tendant à voir constater et faire cesser les actes de contrefaçon découlant de l'auto-production de plants à partir de plants de variété Stemster acquis auprès d'un distributeur, le Tribunal a rendu le jugement dont appel.

Sur la contrefaçon:

Les consorts AMMEUX font grief au jugement d'avoir admis l'illicéité de cette pratique, 'courante dans le milieu agricole', en violation des dispositions des articles L 613-5-1 du Code de la Propriété Intellectuelle et 14 du Règlement (CE) n°2100/94 du Conseil, en vertu desquels un agriculteur qui acquière du matériel de reproduction végétal, du titulaire du brevet ou avec son consentement, est autorisé à utiliser le produit de sa récolte pour la reproduction ou la multiplication par lui-même sur sa propre exploitation.

La société CAITHNESS objecte, à bon droit, que la protection conférée par le Certificat d'Obtention Végétale est définie aux articles L 623-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle et diffère de celle instituée aux articles L 611-1 et suivants du même code relative aux brevets, étant précisé qu'elle n'est titulaire d'aucun brevet d'invention relative à la variété de pommes de terre Stemster, de sorte que les consorts AMMEUX ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article L 613-5-1 du Code de la Propriété Intellectuelle.

Elle ajoute légitimement qu'étant titulaire d'un Certificat d'Obtention Végétale national et non d'un titre de protection communautaire, elle ne peut se voir opposer le privilège de l'agriculteur prévu exclusivement à l'égard des variétés protégées par un titre communautaire, en application de l'article 14 du Règlement communautaire du 27 Juillet 1994 dont l'article 3 dispose que ce dispositif s'entend sans préjudice du droit des Etats membres de délivrer des titres nationaux de protection des végétales', lesquels demeurent assujettis au régime des articles L 623-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle .

Le Certificat d'Obtention Végétale confère à son titulaire un droit exclusif à produire, vendre ,offrir en vente tout ou partie de la plante ou tous éléments de reproduction ou de multiplication végétale de la variété considérée (article L. 623-4 du CPI).

Et l'article R. 623-57 du Code de la Propriété Intellectuelle précise que le droit de l'obtenteur porte sur tous les éléments de reproduction ou de multiplication végétative de la variété considérée ainsi que sur tout ou partie de la plante de cette variété

En l'espèce, il résulte du procès-verbal de saisie-contrefaçon et des déclarations de Jean -Claude AMMEUX que lui et son fils ont utilisé comme plants pour la campagne 2004/2005 des grenailles de la récolte précédente de pomme de terre Stemster, évitant ainsi de racheter des plants en 2004.

Ce faisant, ils se sont livrés, sans autorisation de la société CAITHNESS, à une autoproduction de plants qui est constitutive d'une contrefaçon.

Le jugement qui consacre la responsabilité des consorts AMMEUX de ce chef doit être confirmé.

Sur l'indemnisation:

Le Tribunal a indemnisé à hauteur de 20 000€ le préjudice subi du fait du gain manqué et de l'atteinte portée au droit de propriété de la société CAITHNESS et à son monopole d'exploitation.

La Cour relève toutefois, s'agissant du gain manqué, que le Tribunal a considéré la contrefaçon avérée sur trois années consécutives. Or , Mr AMMEUX a pu justifier de l'acquisition de plants en 2003 et 2005 et n'a reconnu l'utilisation de grenailles que pour la campagne 2004/2005, de sorte que les faits de contrefaçon ne sont établis que pour une année.

Cette circonstance justifie la réduction de l'indemnité allouée à 12 000€.

Pour le surplus, le jugement sera confirmé, excepté s'agissant du nombre de publications autorisées, et une indemnité de procédure allouée à la société CAITHNESS à laquelle il serait inéquitable de laisser la charge de ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré excepté s'agissant de l'indemnité allouée et des mesures de publication ordonnées.

Statuant de ce chef et y ajoutant :

Condamne in solidum Jean-Claude et Pascal AMMEUX à verser à la société CAITHNESS POTATO BREEDERS LTD :

- une indemnité de 12 000€ en réparation de son préjudice.

- une indemnité de procédure de 1000€

Restreint les mesures de publication ordonnées par le Tribunal à quatre journaux ou périodiques.

Condamne les consorts AMMEUX in solidum aux dépens d'appel avec faculté de recouvrement direct au profit de la SCP DELEFORGE ET FRANCHI conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.