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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 2, 26 mai 2009, n° 08/02575

DOUAI

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

M. Duron

Défendeur :

Caithness Potato Breeders Ltd (Sté), Germicopa (Sas)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gosselin

Conseillers :

Mme Bonnemaison , Mme Muller

Avoués :

SCP Congos-Vandendaele, SCP Carlier-Regnier

Avocats :

Me Labeau-Bettinger, Me Chevalier

TGI de Lille, du 14 févr. 2008, n° 06/09…

14 février 2008

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2009 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame GOSSELIN, Président, et Madame POPEK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

VISA DU MINISTÈRE PUBLIC

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 Janvier 2009

Par jugement du 14 Février 2008, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de Grande Instance de LILLE a dit que Mr DURON s'était rendu coupable de contrefaçon des droits de la société CAITHNESS POTATO BREEDERS LTD sur le certificat d'obtention végétale dont elle est titulaire, et commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société GERMICOPA, a débouté les sociétés CAITHNESS POTATO BREEDERS LTD et GERMICOPA de leur demande d'expertise, condamné Mr DURON à verser à la société CAITHNESS POTATO BREEDERS LTD une somme de 2000 € et à la société GERMICOPA une somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'une indemnité de procédure de 2500 € chacune, a fait interdiction à Mr DURON de continuer la contrefaçon incriminée, l'assortissant d'une astreinte dont le Tribunal s'est réservé la liquidation, débouté Mr DURON de sa demande reconventionnelle, et autorisé la publication du jugement aux frais de Mr DURON.

Bernard DURON a relevé appel le 14 Avril 2008 de ce jugement dont il sollicite la réformation suivant conclusions déposées le 23 Juillet 2008 tendant à voir débouter les sociétés CAITHNESS POTATO BREEDERS LTD et GERMICOPA de toutes leurs demandes et les condamner au paiement d'une somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts outre une indemnité de procédure de 10 000 €.

Au terme de conclusions déposées le 1er Octobre 2008, les sociétés CAITHNESS POTATO BREEDERS LTD (ci-après désignée CAITHNESS) et GERMICOPA sollicitent la confirmation du jugement sauf à majorer à 20 000 € les dommages et intérêts alloués à la société GERMICOPA au titre de la concurrence déloyale, le rejet des demandes adverses et l'octroi d'une indemnité de procédure de 5000 € pour chacune d'elles.

L' ordonnance de clôture est intervenue le 20 Janvier 2009.

SUR CE

La société CAITHNESS POTATO BREEDERS LTD, société de droit écossais, est titulaire d'un certificat d'obtention végétale portant sur une variété de pomme de terre dénommée Stemster, délivrée par le Comité de la Protection des Obtentions Végétales (CPOV) sous le numéro 4819 pour une durée de 25 ans à compter du 28 Novembre 1988, portée à 30 ans par l'effet de la loi 2006-236 du 1er Mars 2006, la production et la distribution de cette variété de pomme de terre sur le territoire français étant assurées par la société GERMICOPA.

A la suite d'un procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 20 Décembre 2005, en exécution d'une ordonnance 4 Novembre 2005, établissant que Mr DURON, agriculteur à MAMETZ (80), avait utilisé comme plants de pomme de terre pour la campagne 2004 des grenailles de la variété Stemster provenant de la récolte de l'année précédente, la société CAITHNESS a saisi le Tribunal sur le fondement des articles L. 623-4 et 623-25 du Code de la Propriété Intellectuelle pour entendre sanctionner cet acte de contrefaçon, la société GERMICOPA s'étant jointe à cette action pour obtenir réparation des actes de concurrence déloyale ainsi commis.

Sur la contrefaçon :

Mr DURON fait grief au Tribunal d'avoir admis que le fait d'avoir emblavé une parcelle en utilisant comme plants des grenailles de la variété Stemster de la récolte précédente constituait un acte de contrefaçon alors qu'il n'a fait qu'utiliser un produit consommable de pommes de terre qui n'avaient pas le bon calibrage pour être vendues, les grenailles employées n'ayant de surcroît donné aucun résultat pour n'avoir subi aucun procédé de germination.

Il résulte toutefois de l'article L. 623- 4 du Code de la Propriété Intellectuelle que le certificat d'obtention végétale confère à son titulaire un droit exclusif à produire tout ou partie de la plante ou tous éléments de reproduction ou multiplication végétale de la variété considérée.

Constitue donc un acte de contrefaçon le fait pour un agriculteur d'utiliser comme éléments de reproduction le produit de plans de la variété protégée, en l'espèce les grenailles de la récolte précédente, peu important la bonne ou mauvaise foi de l'auteur de la contrefaçon ou encore les résultats infructueux obtenus en l'absence de mise en oeuvre d'un procédé germinatif efficace.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur l'indemnisation de la société CAITHNESS :

Mr DURON fait encore grief au Tribunal d'avoir accueilli la demande d'indemnisation de la société CAITHNESS à hauteur de 2000 € (il était sollicité une provision de 30 000 € et une mesure d'expertise) en dépit du fait que l'emblavement litigieux n'a donné aucun résultat ce qui exclut l'existence même du préjudice allégué par la société CAITHNESS.

Le Tribunal a toutefois valablement objecté, par des motifs pertinents que la Cour adopte, que compte tenu du nombre moyen de plants utilisés par Mr DURON lors des campagnes précédentes, on pouvait estimer à 2 25 tonnes la quantité de plants nécessaires à l'emblavement de la parcelle de 1 5 hectare sur laquelle l'intéressé a reconnu avoir planté les grenailles litigieuses, en sorte qu'il pouvait escompter une 'économie' sur l'achat de plants d'un montant de 879 55 €, sur la base duquel était calculée la redevance perçue par la société CAITHNESS, ce qui justifiait l'octroi à cette dernière, compte tenu également de l'atteinte portée au droit de propriété, de dommages et intérêts que la Cour cantonnera à 1800 €.

Sur la concurrence déloyale :

Mr DURON fait successivement valoir que la société GERMICOPA ne justifie pas du monopole de production et de distribution de la variété Stemster sur le territoire français qu'elle prétend détenir ni ne démontre la faute de l'intéressé et encore moins le préjudice subi.

La société GERMICOPA, qui rappelle qu'elle bénéficie d'une licence d'exploitation de la variété Stemster consentie par la SICASOV, mandataire des ETS ROUSSINEAU, représentant la société CAITHNESS en France, fait de son côté valoir qu'en violant ainsi les dispositions légales relatives aux obtentions végétales et à la production des plants, Mr DURON a commis une faute qui engage sa responsabilité envers elle et l'oblige à l'indemniser du préjudice que lui occasionne la perte du gain qu'elle aurait réalisé en vendant à l'intéressé les plants nécessaires à l'emblavement de sa parcelle, réclamant toutefois l'augmentation à 20 000 € de l'indemnité allouée de ce chef, en rappelant, attestation comptable à l'appui, qu'elle a réalisé, pour la campagne 2003-2004, une marge brute commerciale de 1550 50 € en France.

Sur le premier grief, la Cour observe que la présence de la société GERMICOPA aux côtés de la société CAITHNESS, titulaire du droit, induit nécessairement la reconnaissance par cette dernière des droits d'exploitation conférés à l'intéressée.

Sur le second grief, la Cour relève qu'en tentant d'emblaver sa parcelle avec des grenailles provenant de plants protégés, Mr DURON s'est abstenu d'acheter des plants auprès de la société GERMICOPA ou de l'un de ses distributeurs agréés, et a commis un acte de concurrence déloyale qui a privé la société GERMICOPA d'un gain de l'ordre de 880€, qui justifie, compte tenu de l'échec avéré de sa démarche et de l'absence de production de pomme de terre commercialisables, l'octroi d'une indemnité de 1000 €.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

Succombant dans ses prétentions, Mr DURON sera débouté des ses demandes en dommages et intérêts et indemnité de procédure.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit des intimées suivant modalités prévues au dispositif.

Au vu des circonstances de l'espèce, il convient par contre de ramener à 1000€ l' indemnité de procédure allouée par le premier juge aux sociétés CAITHNESS et GERMICOPA .

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris sauf à cantonner à 1800 € les dommages et intérêts alloués à la société CAITHNESS POTATO BREEDERS LTD au titre de la contrefaçon et à 1000 € l'indemnité de procédure allouée à chacune des deux sociétés demanderesses.

Y ajoutant :

Condamne Mr DURON à verser aux sociétés CAITHNESS POTATO BREEDERS LTD et GERMICOPA une indemnité de procédure de 1000 € chacune pour leurs frais irrépétibles d'appel.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Condamne Mr DURON aux dépens avec faculté de recouvrement au profit de la SCP CARLIER REGNIER conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile .