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Décisions

CA Riom, 3e ch. civ. et com. réunies, 6 avril 2022, n° 21/02164

RIOM

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Adjutorium Informatique (SARL), Le Conseil Supérieur du Notariat

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chalbos

Conseillers :

Mme Theuil-Dif, Mme Dufayet

T. com. Clermont-Ferrand, du 5 oct. 2021…

5 octobre 2021

Exposé du litige

Le conseil supérieur du notariat (CSN) est un établissement d'utilité publique créé pour représenter la profession de notaire auprès des pouvoirs publics.

Depuis plusieurs années, les notaires peuvent établir leurs actes sur un support électronique (acte authentique électronique dit AAE). Dans ce cas, l'établissement de l'acte ou sa copie doit être réalisé par des moyens techniques agréés par le CSN.

La SARL Adjutorium Informatique est une société spécialisée dans l'assistance et le conseil auprès des études notariales.

Le CSN fait grief à la SARL Adjutorium Informatique de proposer aux notaires, par l'intermédiaire de courriers électroniques et autres correspondances, un système de visioconférence en se prévalant d'avoir obtenu pour ce service l'agrément du CSN.

Par courrier du 16 décembre 2020, il a mis en demeure cette société d'avoir à cesser cette communication visant à se prévaloir d'un agrément dont, selon elle, elle ne dispose pas.

Suivant exploit d'huissier en date du 10 février 2021, il l'a faite assigner devant le président du tribunal de commerce statuant en référé.

Par ordonnance de référé du 5 octobre 2021, le président du tribunal de commerce a :

- Renvoyé les parties à se pourvoir au fond ainsi qu'elles en aviseront ;

- Dès à présent, par provision, vu l'article 873 du code de procédure civile ;

- Débouté la SARL Adjutorium Informatique de toutes ses demandes ;

- Dit le CSN recevable et bien fondé en son action ;

- Ordonné à la SARL Adjutorium Informatique d'avoir à cesser toute communication, soit par voie électronique, voie postale et démarcharge téléphonique, tendant à se prévaloir de ce qu'elle peut mettre à disposition - gratuitement ou non - une solution de visioconférence ayant reçu l'agrément du CSN dans le cadre de l'acte authentique électronique à distance et avec comparution à distance et/ou répondant au cahier des charges développé par celui-ci ;

- Ordonné, passé un délai de 8 jours à compter de la date de signification de la présente ordonnance, que chaque manquement de la SARL Adjutorium Informatique constaté par huissier de justice, donnera lieu au paiement au CSN, de la somme de 2 000 euros par manquement constaté, la présente ordonnance valant titre exécutoire ;

- Autorisé la publication de la présente ordonnance, durant 15 jours, sur le portail "REAL" - intranet du notariat - aux frais exclusifs de la SARL Adjutorium Informatique ;

- Condamné la SARL Adjutorium Informatique à payer et porter au CSN la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;

- Condamné la SARL Adjutorium Informatique aux dépens de l'instance, dont frais de greffe liquidés à 40,65 euros TVA incluse.

Le juge des référés a retenu que la demande présentée in limine litis par la défenderesse et consistant à saisir le Conseil d'Etat n'était pas fondée juridiquement comme étant sans rapport avec les faits reprochés. Le juge des référés a ainsi rappelé que le litige portait uniquement sur l'intérêt commercial qu'entend vouloir obtenir la SARL en faisant référence auprès des notaires qu'elle démarche à un agrément qu'elle n'a manifestement pas.

Sur le fond, le juge des référés a fait droit à la demande, estimant que le système de visioconférence n'était pas agréé par le CSN, de sorte que la défenderesse ne pouvait s'en prévaloir pour promouvoir la diffusion de son système auprès des notaires.

Suivant déclaration électronique en date du 18 octobre 2021, la SARL Adjutorium Informatique a interjeté appel de cette décision.

Suivant conclusions régulièrement déposées et notifiées par voie électronique le 2 février 2022, l'appelante demande à la cour de :

Vu les articles 9, 54,56, 122, 114, 484, 872 et 873 alinéa 1 du code de procédure civile,

Vu la requête présentée au Conseil d'Etat,

Vu le principe d'estoppel,

Vu les pièces versées au débat,

- Réformer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand en ce qu'elle a :

- Renvoyé les parties à se pourvoir au fond.

- Débouté Adjutorium de toutes ses demandes.

- Dit le CSN recevable et bien fondé en son action.

- Ordonné à Adjutorium d'avoir à cesser toute communication, soit par voie électronique, voie postale et démarchage téléphonique, tendant à se prévaloir de ce qu'elle peut mettre à disposition "gratuitement ou non" une solution de visioconférence ayant reçu l'agrément du CSN dans le cadre de l'acte authentique électronique à distance et avec comparution à distance et/ou répondant au cahier des charges développé par celui-ci.

- Ordonné, passé un délai de 8 jours à compter de la date de signification de l'ordonnance, que chaque manquement d'Adjutorium constaté par huissier de justice, donnera lieu au paiement au CSN de la somme de 2 000 euros par manquement constaté, l'ordonnance valant titre exécutoire.

- Autorisé la publication de l'ordonnance durant 15 jours sur le portail "REAL" - intranet du notariat - aux frais exclusifs d'Adjutorium,

- Condamné Adjutorium à payer et porter au CSN la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

- Condamné Adjutorium aux dépens de l'instance.

Statuant à nouveau :

- In limine litis :

* Surseoir à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se soit prononcé sur la requête en excès de pouvoir présentée.

et

* Saisir pour avis le Conseil d'Etat afin qu'il se prononce sur la légalité de la résolution du 30 juin 2020.

* Surseoir à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se soit prononcé sur la légalité de la résolution du 30 juin 2020.

- Subsidiairement :

* Déclarer irrecevable le CSN en ses demandes, fin et conclusions.

- Á titre plus subsidiaire, au fond :

* Dire n'y avoir lieu à référé et se déclarer incompétent.

* Débouter le CSN en ses demandes, fin et conclusions.

- En tout état de cause :

* Rejeter purement et simplement le CSN en ses demandes, fin et conclusions.

* Faire injonction au CSN d'avoir à cesser toute communication, que cela soit par voie électronique, voie postale en se prévalant de son statut pour imposer aux notaires d'avoir recours à une société commerciale labélisée par ce dernier pour avoir le système agréé Lifesize.

* Ordonner la publication aux frais du CSN pendant une durée de 12 mois à compter de l'ordonnance à intervenir sur la page d'accueil du site www.notaires.fr et de l'intranet des notaires intra.notaires.fr par un bandeau situé en haut et sur toute la largeur de la page avec un fond rouge et une écriture blanche de l'ordonnance à intervenir avec un lien pour télécharger en intégralité cette dernière.

* Débouter le CSN de ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens.

* Condamner le CSN à verser la somme de 5 000 euros à la société Adjutorium au titre de l'article 700 dont distraction au profit de l'avocat postulant et les entiers dépens.

Suivant conclusions régulièrement déposées et notifiées par voie électronique le 1er février 2022, le CSN demande à la cour de :

Vu l'article 873 du code de procédure civile,

Vu les articles 16, 20 et 20-1 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires,

Vu l'article 28.1 du règlement national et du règlement inter-cours approuvé par arrêté de Mme la Garde des Sceaux, ministre de la Justice, en date du 22 mai 2018,

Vu les pièces versées aux débats,

- Recevoir le CSN en ses conclusions et le déclarer bien fondé ;

Y faisant droit,

- In limine litis :

* Débouter la société Adjutorium Informatique de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat à la suite de sa saisine selon recours pour excès de pouvoir déposé le 11 novembre 2021 par ses soins ;

* Débouter la société Adjutorium Informatique de sa demande de saisine du Conseil d'Etat par la cour d'appel de Riom, pour avis quant à la légalité de la résolution de l'assemblée générale du conseil supérieur du notariat du 30 juin 2020 relative au plan de visioconférence ;

* En conséquence, débouter la Société Adjutorium Informatique de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de l'avis du Conseil d'Etat ;

- Sur le fond, confirmer l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand du 5 octobre 2021 en toutes ses dispositions ;

- En tout état de cause :

* Débouter la société Adjutorium Informatique de sa demande reconventionnelle d'injonction à l'encontre du CSN et de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

* Condamner la société Adjutorium Informatique à verser la somme de 5 000 euros au CSN au titre des frais irrépétibles, en sus de la somme de 3 000 euros allouée de ce chef par l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand du 5 octobre 2021 ;

* Condamner la société Adjutorium Informatique aux entiers dépens d'instance dont distraction au profit de maître R..

Il sera renvoyé aux écritures respectives des parties pour l'exposé complet de leurs prétentions et moyens.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 3 février 2022.

Motivation de la décision,

1/ Sur les demandes in limine litis de l'appelante,

L'appelante sollicite de la cour qu'elle sursoie à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se prononce sur la requête en excès de pouvoir présentée et qu'elle saisisse pour avis le Conseil d'Etat afin qu'il se prononce sur la légalité de la résolution de l'assemblée générale du CSN du 30 juin 2020. Elle sollicite également de la cour qu'elle sursoie à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se prononce sur la légalité de la résolution du 30 juin 2020.

Elle prétend que cette résolution du CSN qui consiste à exiger un agrément pour les sociétés utilisant le système Lifesize ne respecte pas la lettre de l'article 20-1 du décret du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires, lequel impose seulement l'agrément d'un système et non d'une société. Ayant demandé au Conseil d'Etat d'annuler la décision du président du CSN du 27 octobre 2021 portant refus d'abrogation de ladite résolution, elle estime que le sursis à statuer est justifié.

Elle soutient que la question de la légalité ou de l'illégalité de cette résolution détermine la solution du présent litige et prétend que cette résolution opère un amalgame entre système de visioconférence et solution de visioconférence. De son point de vue, le CSN n'était autorisé qu'à agréer des systèmes de visioconférence, et ne pouvait aller jusqu'à agréer des solutions de visioconférence et les sociétés les mettant en œuvre.

De son côté, le CSN affirme que le litige devant le Conseil d'Etat est sans lien avec celui dont est saisie la cour, lequel porte sur les pratiques commerciales trompeuses que l'appelante utilise dans le démarchage qu'elle entreprend à l'égard des notaires.

Il résulte de ce qui précède que le Conseil d'Etat sera amené à se prononcer sur la légalité de la résolution de l'assemblée générale du CSN du 30 juin 2020 relative à son plan de visioconférence. Cependant, cette résolution n'ayant pas porté agrément, ni refus d'agrément, de la société appelante et l'objet du présent litige étant de déterminer si la société appelante a, ou non, usé d'une communication trompeuse laissant croire à un agrément par le CSN, la décision du Conseil d'Etat n'est pas susceptible d'avoir des conséquences sur celui-ci.

La demande sera rejetée.

2/ Sur la fin de non-recevoir soulevée par l'appelante.

L'appelante soutient que le CSN n'a ni qualité, ni intérêt à agir. Elle prétend qu'elle ne répond pas aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat dans la mesure où le CSN n'est pas parti civile puisqu'il s'agit d'une instance commerciale, et qu'elle ne justifie pas de l'intérêt collectif de la profession. Elle ajoute que l'action du CSN a plutôt pour but de défendre les intérêts particuliers de la société ADNOV et de l'ADSN. Elle explique que le CSN n'est pas victime d'une pratique commerciale trompeuse, n'ayant pas personnellement souffert du dommage directement causé par la prétendue infraction tirée de la communication. Elle prétend que le CSN n'est pas recevable à agir en justice pour défendre la profession de notaire alors qu'il est lui-même à l'origine des communications en tant qu'auteur des publications.

De son côté, le CSN répond que l'ordonnance précitée du 2 novembre 1945 lui donne qualité à agir afin de défendre les intérêts collectifs de la profession. Il affirme que son action est fondée sur l'existence en premier lieu d'un trouble manifestement illicite tenant aux risques de faire encourir la nullité des actes reçus par les notaires si ces derniers utilisent un autre système de visioconférence que celui développé par les sociétés qui ont obtenu, pour le système qu'elles ont développé, son agrément ; en second lieu de l'existence d'un dommage imminent et d'atteinte à l'ordre public résultant de cette même insécurité juridique. Il prétend agir dans le cadre de la défense de l'intérêt collectif de la profession de notaire.

Il résulte de l'article 6 de l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat que :

« Le conseil supérieur représente l'ensemble de la profession auprès des pouvoirs publics. Il prévient ou concilie tous différends d'ordre professionnel entre les chambres des notaires ou entre les notaires ne relevant pas du même conseil régional, il tranche, en cas de non-conciliation, ces litiges par des décisions qui sont exécutoires immédiatement ; il organise et règle le budget de toutes les œuvres sociales intéressant les notaires.

Le conseil supérieur peut, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession. (...) »

Si l'alinéa 2 de cet article emploie les termes de « droits réservés à la partie civile », il est aussi précisé que le CSN peut agir devant « toutes les juridictions », sans aucune restriction. Il s'en déduit que le CSN a bien qualité à agir dans le cadre d'une instance commerciale, le terme de droits réservés à la partie civile devant s'entendre comme les droits réservés à une partie se prétendant lésée.

S'agissant de l'intérêt à agir, il résulte de l'alinéa 2 précité que le CSN a un intérêt à agir dès lors que des faits sont susceptibles de porter un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession. En l'espèce, estimant que la société appelante usait de communications susceptibles de créer de la confusion auprès de la profession de notaire, l'intérêt à agir existe de façon évidente.

Aucune irrecevabilité n'est donc encourue.

3/ Sur la compétence du juge des référés.

La SARL Adjutorium Informatique prétend que les conditions d'application de l'article 873 alinéa 1er du code de procédure civile ne sont pas réunies et notamment qu'il n'y a pas la preuve d'un trouble manifestement illicite ni d'un dommage imminent. Elle nie avoir causé une quelconque confusion et prétend avoir repris les termes de communication du CSN lui-même. Elle expose que chaque communication de sa part faisait suite à une communication du CSN à laquelle elle faisait référence. Elle ajoute qu'elle a systématiquement mis le CSN et son président en copie de ces communications.

Lifesize avait reçu l'agrément du CSN, de sorte qu'il ne peut être reproché à l'appelante d'avoir communiqué sur ce système qu'elle était en mesure de proposer.

Elle ajoute qu'il n'y a aucune urgence, pourtant exigée par l'article 872 du code de procédure civile, le CSN n'ayant pas réagi pendant près de 18 mois.

Le CSN soutient l'inverse, affirmant que l'appelante a usé d'une communication mensongère et trompeuse auprès des notaires en les incitant à recourir à un système de visioconférence présenté comme ayant reçu l'agrément du CSN, alors qu'il ne l'avait pas. Il ajoute que le fait d'utiliser un autre système que celui agréé par lui a pour conséquence de faire encourir la nullité des actes notariés reçus de la sorte. Ainsi les pratiques commerciales trompeuses sont susceptibles de générer un trouble manifestement illicite. Il entend préciser que s'il existe une offre Lifesize grand public et gratuite, elle ne peut pas être utilisée par les notaires pour l'établissement des actes authentiques électroniques à distance dès lors qu'elle n'a pas reçu l'agrément du CSN. La version Lifesize utilisée par les notaires doit répondre à un cahier des charges comprenant 128 exigences. Ainsi, l'offre de visioconférence agréée par le CSN comprend des services qui ne sont pas garantis par Lifesize dans sa version gratuite.

Devant le premier juge, comme devant la cour d'appel, le CSN a fondé son action sur les dispositions de l'article 873 du code de procédure civile, lequel prévoit que « le président [du tribunal de commerce] peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »

Le terme de "mêmes limites" fait référence à l'article précédent qui évoque "les limites de la compétence du tribunal" et non pas à l'urgence comme le soutient l'appelante.

Ainsi, seuls doivent être examinés l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite, sans référence à l'urgence.

Le CSN soutient l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de pratiques commerciales trompeuses.

Il convient donc de déterminer si les pratiques commerciales de la SARL Adjutorium Informatique sont trompeuses et si elles génèrent un trouble manifestement illicite.

Il résulte des dispositions de l'article L. 121-2 du code de la consommation qu'une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :

1° Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;

2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :

a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;

b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, notamment au regard des règles justifiant l'apposition des mentions "fabriqué en France" ou "origine France" ou de toute mention, signe ou symbole équivalent, au sens du code des douanes de l'Union sur l'origine non préférentielle des produits, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, notamment son impact environnemental, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ;

c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ;

d) Le service après-vente, la nécessité d'un service, d'une pièce détachée, d'un remplacement ou d'une réparation ;

e) La portée des engagements de l'annonceur, notamment en matière environnementale, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ;

f) L'identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ;

g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur ;

3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n'est pas clairement identifiable.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 20-1 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, créé par le décret n° 2020-1422 du 20 novembre 2020, relatif aux actes établis par les notaires ceci :

"Le notaire instrumentaire peut établir une procuration sur support électronique, lorsqu'une ou les parties à cet acte ne sont pas présentes devant lui.

L'échange des informations nécessaires à l'établissement de l'acte et le recueil, par le notaire instrumentaire, du consentement de la ou des parties à l'acte qui ne sont pas présentes s'effectuent au moyen d'un système de traitement, de communication et de transmission de l'information garantissant l'identification des parties, l'intégrité et la confidentialité du contenu et agréé par le Conseil supérieur du notariat. (...)"

A l'appui de ses demandes, le CSN verse au débat deux courriers électroniques adressés les 7 et 28 avril 2020 par le gérant de la SARL Adjutorium Informatique au président et vice-président du CSN. Par ces courriers, le gérant de la société appelante indique avoir communiqué en direction des notaires sur la possibilité d'utiliser Lifesize, rappelant que ce système est agréé par le CSN.

Le CSN verse également au débat une pièce intitulée "Note à l'ensemble des clients ADJUTORIUM" signée par Cyril V., gérant de la SARL Adjutorium Informatique. Cette note, qui serait selon lui l'illustration parfaite de cette pratique commerciale trompeuse, est rédigée comme suit :

« Cher(s) Maître(s),

Dans une précédente note je vous rappelais que nous pouvions [...] vous installer et mettre à disposition GRATUITEMENT la seule solution de visio-conférence agrée par le CSN : LIFESIZE. Cette solution vous permettra de faire des rendez-vous à distance avec vos clients et vos collaborateurs et de partager les émoluments lors de ventes en participation dans le cadre des AAE. Le président du CSN et le vice-président du CSN disposent eux-mêmes d'un compte LIFESIZE que je leur ai créé personnellement et gratuitement [...].

Vous avez été nombreux à nous demander de mettre en place cette solution, toutefois, vous avez été certains face à la communication de la société ADNOV, à me demander si cette solution était bien conforme aux directives du CSN.

Aussi, c'est avec plaisir que je vous confirme par écrit, qu'après plusieurs échanges avec le CSN (y compris avec son ancien président et son actuel président David A.) rien ne s'oppose à l'utilisation de la solution LIFESIZE mise en place gratuitement car elle demeure à ce jour la seule solution agrée par le CSN.

Je vous confirme que ma démarche se fait en totale transparence avec le Président du CSN et que vous pourrez joindre copie de ce courrier pour prétendre au partage des émoluments de vos confrères en vous prévalant de l'accord du Président. »

Cette note n'est pas datée et les pièces versées au débat ne permettent pas de lui donner date certaine. Cependant, dans la mise en demeure du 16 décembre 2020 adressée par le président du CSN au gérant de la société appelante, il est question d'une note d'information récente transmise au CSN et aux clients de la société et cette mise en demeure reprend certains termes de la note précitée. Il s'en déduit que cette "Note à l'ensemble des clients ADJUTORIUM" est antérieure de quelques jours au 16 décembre 2020.

Par cette note, la société Adjutorium ne prétend pas avoir obtenu un agrément, mais indique proposer un système de visioconférence qui, lui, a l'agrément du CSN.

Enfin, le CSN produit un courrier électronique adressé le 22 décembre 2020 par le gérant de la SARL Adjutorium Informatique à ses clients notaires et également adressé en copie au président du CSN et rédigé comme suit :

« Note à l'intention de l'ensemble des clients ADJUTORIUM

Copie officielle à : David A., Laurence L..

Maître(s),

Veuillez trouver ci-joint une note d'information concernant la solution de visio-conférence LIFESIZE.

J'ai le plaisir de vous confirmer que la solution LIFESIZE est bien conforme au directive du CSN et que ma démarche se fait en totale transparence avec son président David A..

Je profite également de ce courriel pour remercier, devant l'ensemble de mes clients, Laurence D. pour le courriel de mise en garde qu'elle a adressé à l'ensemble des notaires (en copie ci-dessous avec ma réponse) : il y en avait besoin face au comportement de certaines sociétés !

Mes équipes se tiennent à votre entière disposition.

PS : une note nationale devrait être adressée à l'ensemble de vos confrères début janvier. »

Le 16 décembre 2020, soit 4 jours auparavant, le CSN a adressé à la SARL Adjutorium Informatique une mise en demeure d'avoir à cesser ses communications faisant un amalgame entre les solutions de visioconférence et les sociétés qui les opèrent.

Le 17 décembre 2020, le CSN a adressé à tous les notaires un message intitulé « Visio-conférence - opérateurs agréés – Vigilance ».

Ce message rappelait les dispositions de l'article 20-1 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 précité et poursuivait ainsi : « (...) Par suite les solutions de visio-conférence agréée par le CSN doivent nécessairement respecter un cahier des charges strict et avoir été évaluées comme tel par un organisme tiers indépendant avant que l'agrément ne soit délivré. Seul un système de visio-conférence agréé par le CSN vous autorise à recevoir un acte à distance ou avec comparution à distance, et de prétendre au partage des émoluments. A défaut, l'acte qui serait signé de la sorte au moyen d'un système de visio-conférence non agréé par le CSN encourrait la nullité.

Si les marques d'intérêt sont nombreuses, aujourd'hui une seule société a été au bout de la démarche et peut se prévaloir de proposer une solution de visio-conférence conforme aux exigences du décret. Votre vigilance est capitale pour contribuer au succès de ce nouvel outil et permettre à la profession de conserver son avance technologique.

Certains opérateurs n'hésitent pas, par des pratiques commerciales trompeuses susceptibles de mettre en danger notre activité, à laisser croire qu'ils sont agréés par le CSN alors qu'ils ne le sont pas et, même, qu'ils ont procédé à de telles installations auprès des élus du bureau du CSN, ce qui est bien entendu faux. Comme nous l'avons déjà indiqué, seuls les opérateurs figurant sur le portail REAL en suivant le lien suivant sont agréés par le CSN : https://intra.notaires.fr/csn/jcms/t3 1524770/service-de-visio-conférence-operateurs-agrees-par-le-csn.

Bien entendu cette liste sera immédiatement mise à jour dès que de nouveaux agréments seront délivrés. (...) »

Le lendemain, 17 décembre 2020, le gérant de la SARL Adjutorium Informatique a adressé un courrier électronique au secrétaire du bureau en charge du numérique auprès du CSN portant en objet « Merci pour votre appel à la VIGILANCE pour la visio ! »

Il écrivait notamment ceci : « Je fais suite au courriel que vous avez adressé ce jour à 14h15 à l'ensemble des notaires de France dans le cadre de vos fonctions au Conseil Supérieur du Notariat. Je tiens par la présente à vous remercier mais aussi à vous féliciter d'avoir pris l'initiative d'éclairer vos confrères sur l'importante d'avoir le système de visio-conférence agrée par le CSN. En effet, certains prestataires qui opèrent dans le secteur du Notariat profitent de la manne financière possible pour proposer à vos confrères plusieurs types de solution : SKYPE, FACETIME etc. Votre courriel tombe à point car je ne cesse de rappeler que ces solutions ne sont pas le dispositif agrée par le Conseil Supérieur du Notariat à savoir : LIFESIZE. Je demande également aux notaires d'être vigilant en expliquant que LIFESIZE est, d'après les communications écrites du CSN, la seule solution permettant de répondre à un cahier des charges techniques très pointu. (...) »

Il résulte tout d'abord de la lecture des différentes communications écrites rédigées par l'appelante que cette dernière ne s'est jamais prévalue d'un agrément de sa société, mais de l'agrément de Lifesize par le CSN.

Elle entend tirer argument du fait que l'article 21-1 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 précité ne prévoit pas l'agrément d'une société mais d'un système.

Pour appuyer sa thèse, elle verse également au débat une pièce numéro 4 qui est une « note d'information » en date du 25 mars 2020 rédigée par le président du CSN à destination des notaires employeurs, pour attribution, et aux présidents de chambre, présidents de conseil régional et membres du CSN, pour information. Aux termes de cette pièce, le président du CSN indique en page 3 dans le paragraphe relatif à la comparution à distance pour les actes authentiques : « la réception par voie de communication à distance n'est envisageable qu'à la stricte condition que la comparution du client s'effectue en présence du notaire (impossible pour un clerc habilité) au moyen d'un système de visio-conférence agréé par le Conseil supérieur du notariat, ce qui est le cas actuellement du seul système Lifesize. »

Elle verse également au débat une pièce numéro 6 qui est une circulaire du 16 avril 2020 adressée par le président du CSN aux mêmes destinataires que précédemment aux termes de laquelle il est indiqué ceci 'il faut rappeler que ne bénéficie à ce jour de cet agrément que le système Lifesize doté du boîtier de chiffrement dénommé Codec, parce que ce système de transmission Vidéo Lifesize offre les 3 critères de non-enregistrement, de cryptage et de paramétrage par notre profession, et qu'il permet une qualité de son et d'image parfaite.

Il apparaît ainsi que la SARL Adjutorium Informatique a repris dans ses communications les termes employés par le CSN lui-même au mois de mars et avril 2020. Il était alors bien question de l'agrément d'un système et non de sociétés.

Cependant, par la suite, la posture du CSN a évolué puisqu'il est entré dans un processus d'élaboration d'un plan visioconférence et d'un cahier des charges dans la perspective d'agréer des sociétés, ainsi que cela résulte de la résolution de son assemblée générale du 30 juin 2020.

Quelle que soient les critiques que la SARL Adjutorium Informatique formule au sujet du processus ainsi entamé par le CSN, qui selon elle ne pouvait pas procéder de la sorte au regard des dispositions légales ci-dessus rappelées qui prévoient l'agrément d'un système et non de sociétés, il convient de constater que le CSN a entrepris une procédure d'agrément de sociétés offrant un système de visioconférence conforme à la sécurité juridique imposée par les textes. Il a alors communiqué en ce sens en direction des notaires, appelant leur attention sur la nécessité de ne faire appel qu'à des sociétés ayant obtenu son agrément.

Or, postérieurement à la mise en place de ce procédé, et alors même que le CSN interpellait les notaires sur la vigilance à avoir et leur communiquait notamment par son message de vigilance du 17 décembre 2020 un lien leur permettant de trouver les coordonnées de la seule société agréée à cette date, la SARL Adjutorium Informatique, qui a également été destinataire de ce message ainsi qu'elle le reconnaît dans son courrier électronique du 17 décembre 2020 précité, a continué de communiquer envers les notaires sur la solution Lifesize agréée par le CSN.

Le courrier électronique précité du 22 décembre 2020 rédigé par le gérant de société appelante est même postérieur à la mise en demeure que le CSN lui a adressée puisqu'il résulte de la pièce numéro 9 produite par le CSN qu'il a reconnu en avoir accusé réception le 19 décembre 2020.

Ainsi, alors que la SARL Adjutorium Informatique était parfaitement au courant du processus d'agrément élaboré par le CSN, elle a continué à communiquer en direction des notaires et du CSN sur un agrément de la solution Lifesize dont elle ne pouvait ignorer qu'il n'était plus suffisant et surtout qu'il n'était pas conforme au processus d'agrément élaboré par le CSN.

Cette attitude constitue une pratique commerciale trompeuse. En effet, il s'agit de fausses allégations puisque l'agrément du système Lifesize est inexistant, ce qu'elle ne pouvait ignorer aux termes des échanges qu'elle a eus avec le CSN. Ces fausses allégations portent sur la nature même du service de visioconférence mais également sur ses caractéristiques essentielles dans la mesure où le service ainsi offert ne répond pas aux critères de fiabilité déterminés par le CSN pour offrir les garanties exigées par la loi.

La pratique commerciale trompeuse ainsi établie est bien constitutive d'un trouble manifestement illicite puisqu'elle incite les notaires à faire usage d'un logiciel ou système de visioconférence gratuit proposé par une société en dehors de toute procédure d'agrément pourtant exigée par les textes. Or, un tel usage exposerait les notaires à ce que la validité de leurs actes soit fragilisée.

La décision sera donc confirmée en toutes ses dispositions.

4/ Sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

La SARL Adjutorium Informatique sera condamnée à payer au CSN une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera également condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, en matière de référé, contradictoirement et en dernier ressort ;

Rejette les demandes présentées in limine litis par la SARL Adjutorium Informatique ;

Rejette les fins de non-recevoir soulevées par la SARL Adjutorium Informatique ;

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

Déboute la SARL Adjutorium Informatique de l'ensemble de ses demandes ;

Condamne la SARL Adjutorium Informatique à payer au Conseil supérieur du notariat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne la SARL Adjutorium Informatique aux dépens d'appel, dont distraction au profit de maître R..

Le greffier, Le président,

Décision(s) antérieure(s)

• Tribunal de commerce CLERMONT-FERRAND 5 octobre 2021 2021/001216