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Décisions

Cass. com., 6 avril 2022, n° 21-11.403

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Meilleur Habitat Français (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Darbois

Rapporteur :

Mme Bellino

Avocats :

SARL Ortscheidt, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Cass. com. n° 21-11.403

6 avril 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 2 décembre 2020), MM. [G] et [S], salariés de la société Avenir éco concept, ont quitté leur employeur selon rupture conventionnelle du 7 juillet 2017 et créé la société Meilleur habitat français, immatriculée le 28 juillet 2017.

2. Invoquant des faits de concurrence déloyale commis par la société Meilleur habitat français, la société Avenir éco concept a assigné cette dernière en paiement de dommages-intérêts.

3. Par un jugement du 23 octobre 2018, la société Avenir éco concept a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire et la société [Z] [P], prise en la personne de M. [P], a été désignée en qualité de liquidateur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, sixième et septième branches, ci[1]après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur ce moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

5. La société Meilleur habitat français fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [P], ès qualités, la somme de 1 238,85 euros, alors « qu'une décision de justice doit se suffire à elle-même et qu'il ne peut être suppléé au défaut ou à l'insuffisance des motifs par le seul visa des documents de la cause et la seule référence aux débats n'ayant fait l'objet d'aucune analyse ; qu'en se bornant à affirmer que "la cour trouve dans la lecture du second constat d'huissier produit la preuve que [M. [G]] s'est présenté chez M. [D] en créant volontairement dans l'esprit de ce client une confusion entre son ancienne et sa nouvelle société", sans indiquer ce qui lui permettait de conclure en ce sens, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. L'arrêt retient que la lecture du second constat d'huissier produit apporte la preuve que le préposé de la société Meilleur habitat français s'est présenté chez M. [D] en créant volontairement dans l'esprit de ce client une confusion entre son ancienne et sa nouvelle société, comportement constitutif de concurrence déloyale et en déduit que la société Meilleur habitat français a commis une faute en démarchant déloyalement ce client de la société Avenir éco concept.

7. Si, en se déterminant par voie de simple affirmation, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la caractérisation de la concurrence déloyale, cependant, ce grief vise la réparation allouée au titre du démarchage fautif d'un autre client.

8. Le moyen est donc inopérant.

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. La société Meilleur habitat français fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [P], ès qualités, la somme de 32 913,94 euros, alors « que les juges du fond ne peuvent indemniser un préjudice que si un lien de causalité entre le préjudice allégué et la faute constitutive de concurrence déloyale est établi ; qu'en considérant, pour condamner la société Meilleur habitat français à payer à la société Avenir éco concept la somme de 32 913,94 euros à titre d'indemnisation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale, que la baisse du chiffre d'affaires de la société Avenir éco concept a eu lieu durant le second semestre de l'année 2017, quand elle constatait expressément, d'une part, que le préposé de la société Meilleur habitat français n'avait démarché que deux clients de son ancien employeur et dont la perte ne représentait que 1 238,85 euros de chiffre d'affaires pour celui-ci, et, d'autre part, par motifs adoptés des premiers juges, que "le licenciement des deux collaborateurs de la SAS Avenir éco concept est lié à la perte importante de chiffre d'affaires (…) la part principale de la réduction du chiffre d'affaires provient de l'absence de réorganisation de la SAS Avenir éco concept", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a statué en violation de l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1240 du code civil :

10. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

11. Pour condamner la société Meilleur habitat français à payer à M. [P], ès qualités, la somme de 32 913,94 euros en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'il résulte du constat d'huissier produit que M. [G] s'est présenté chez un client en créant volontairement dans l'esprit de celui-ci une confusion entre son ancienne et sa nouvelle société, comportement constitutif de concurrence déloyale, et que les moyens de preuve retenus précédemment, cumulés à la baisse avérée du chiffre d'affaires de la société Avenir éco concept durant le second semestre de l'année 2017, soit immédiatement après la création, par M. [G], de la société Meilleur habitat français, permettent d'établir à suffisance l'existence d'un lien de causalité entre le comportement fautif adopté par l'ancien salarié de la société Avenir éco concept, et la baisse partielle du chiffre d'affaires de cette dernière, sur la période considérée. Il en déduit que les actes de concurrence déloyale ont contribué à concurrence de 30 % à la perte de chiffre d'affaires enregistrée par la société Avenir éco concept durant le second semestre 2017.

12. En statuant ainsi, après avoir seulement retenu le démarchage fautif, par le préposé de la société Meilleur habitat français, de deux clients de son ancien employeur, et indemnisé distinctement le préjudice consécutif à l'un de ces démarchages, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de lien de causalité entre le démarchage fautif de ce second client et le préjudice qu'elle a retenu, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il condamne la société Meilleur habitat français à payer à M. [P], en qualité de liquidateur de la société Avenir éco concept, la somme de 32 913,94 euros, l'arrêt rendu le 2 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy autrement composée ;

Condamne la société [Z] [P], prise en la personne de M. [P], en qualité de liquidateur de la société Avenir éco concept, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.