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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. civ., 6 avril 2022, n° 19/03652

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Topdev (SAS)

Défendeur :

Devexpert (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pignon

Conseillers :

Mme Fabry, Mme Goumilloux

T. com. Bordeaux, du 20 mai 2019, n° 201…

20 mai 2019

EXPOSE DU LITIGE

"Action Coach" est une franchise mondiale de coaching d'affaires développée par les sociétés ActionCOACH Europe et ActionCOACH EMEA.

Celles ont confié le développement de la franchise sur le territoire français à des masters franchisés, notamment à la société Xapaco et la société Topdev.

La société Xapaco, en sa qualité de master franchisé, a conclu un contrat avec la société Devexpert le 14 janvier 2009 portant sur la région Aquitaine. Ce contrat a été transféré à la société Topdev le 6 janvier 2014.

La société Devexpert n'ayant pas procédé au paiement des redevances dues au titre de la franchise pour l'année 2015, la société Topdev a déposé une requête en injonction de payer devant le président du tribunal de commerce de Bordeaux qui a rendu une ordonnance d'injonction de payer en date du 15 mars 2015 dont les causes ont été réglées par la société Devexpert.

A compter du 1er juillet 2016, la société Topdev a cédé à une société tierce les droits qu'elle détenait sur le master franchise pour la France.

Le 27 mars 2017, la société Topdev a mis à nouveau en demeure la société Devexpert de lui régler de nouvelles redevances impayées pour un montant de 20 681,23 euros portant sur la période allant du mois d'août 2015 au mois de juin 2016. Elle a saisi ensuite à nouveau le président du tribunal de commerce de Bordeaux qui, par ordonnance d'injonction de payer en date du 5 septembre 2017, a condamné le franchisé à régler la somme de 21 278,30 euros au franchiseur.

Le 17 novembre 2017, la société Devexpert a formé opposition à cette ordonnance.

Par jugement contradictoire du 22 mai 2019, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- Dit l'opposition de la société Devexpert recevable en la forme.

- Dit la société Topdev recevable en ses demandes.

- Condamné la société Devexpert à payer à la société Topdev la somme de 2 681.23 euros au titre des factures impayées.

- Condamné la société Devexpert à payer à la société Topdev les intérêts au taux de 9 % sur 2 681.23 euros à compter de l'ordonnance du 5 septembre 2017.

- Débouté la société Topdev de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

- Débouté la société Topdev de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice.

- Ordonné l'exécution provisoire.

- Condamné la société Devexpert à payer à la société Topdev la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné la société Devexpert aux dépens.

Par déclaration du 28 juin 2019, la société Topdev a interjeté appel de cette décision énumérant expressément les chefs critiqués et intimant la société Devexpert.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 17 mars 2020, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Topdev demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en qu'il dit la société Topdev recevable en ses demandes.

- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu'il a reconnu l'existence et le bienfondé de la créance de la société Topdev à l'égard de la société Devexpert.

- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en qu'il a débouté la société Devexpert de ses demandes, fins et conclusions.

- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en qu'il a condamné la société Devexpert à payer à la société Topdev la somme de 1 000.00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu'il a limité le montant de la créance de la société Topdev à la société Devexpert à la somme de 2 681.23 euros outre les intérêts contractuels.

- Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu'il a débouté la société Topdev de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

- Statuant à nouveau :

- Constater, dire et juger que le versement de la société Devexpert à la société Topdev de la somme de 18 000.00 euros est relatif à des factures antérieures et sans lien avec la présente procédure.

- Constater, dire et juger la créance de la société Topdev à l'égard de la société Devexpert est d'un montant de 20 631.23 euros outre les intérêts de retard qui s'y rattachent.

- En conséquence :

- Condamner la société Devexpert à payer à la société Topdev la somme de 20 631.23 euros en principal majorée des intérêts de retard au taux de 9 % à compter de l'échéance de chacune des factures.

- Condamner la société Devexpert à payer à la société Topdev la somme 2 388.35 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

- Condamner la société Devexpert à payer à la société Topdev la somme 10 000.00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance.

La société Topdev soutient que sa demande est recevable ; que le tribunal de commerce a commis une erreur dans l'évaluation du montant de sa créance en imputant des sommes déjà réglées par la franchisée sur les factures litigieuses alors que celles-ci avaient déjà été imputées sur des factures antérieures.

En réponse à l'exception d'inexécution soulevée par son adversaire, elle affirme avoir parfaitement exécuté ses obligations de franchiseur.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 19 décembre 2019, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Devexpert demande à la cour de :

- Déclarer la société Devexpert recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions.

Infirmer l'ordonnance portant injonction de payer rendue par le Président du Tribunal de Commerce de Bordeaux le 5 septembre 2017 à l'encontre de la société Devexpert.

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit la société Topdev recevable en ses demandes, condamné la société Devexpert à payer à la société Topdev la somme de 2 681.23 euros au titre des factures impayées, condamné la société Devexpert à payer à la société Topdev les intérêts au taux de 9 % sur 2 681.23 euros à compter de l'ordonnance du 5 septembre 2017, débouté la société Devexpert de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, ordonné l'exécution provisoire, condamné la société Devexpert à verser à la société Topdev la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société Devexpert aux dépens.

- Statuant à nouveau :

Infirmer l'ordonnance portant injonction de payer rendue par le Président du Tribunal de Commerce de Bordeaux le 5 septembre 2017 à l'encontre de la société Devexpert.

- A titre principal :

Juger irrecevables, pour inadéquation avec les termes de la déclaration d'appel, les demandes de la société Topdev tendant à :

- Voir prononcer la condamnation de la société Devexpert à payer à la société Topdev la somme de 20 631.23 euros.

- Voir prononcer la condamnation de la société Devexpert à payer à la société Topdev les intérêts au taux de 9 % sur 2 681.23 euros à compter de l'ordonnance du 5 septembre 2017.

- Voir prononcer la condamnation de la société Devexpert à payer à la société Topdev la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- A titre subsidiaire :

Juger la société Topdev dépourvue de qualité à agir, et en conséquence irrecevable en ses demandes à l'encontre de la société Devexpert.

-  A titre infiniment subsidiaire et au fond :

Constater que la société Topdev ne rapporte pas la preuve de la contrepartie des factures dont elle se prévaut.

En conséquence, débouter la société Topdev de l'ensemble de ses demandes, y compris les demandes tendant à l'octroi d'une indemnité de 9 % et de dommages et intérêts pour résistance abusive.

- En tout état de cause.

- Débouter la société Topdev de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- Condamner la société Topdev à verser à la société Devexpert la somme de 108 286.29 euros en réparation de son préjudice.

- Condamner la société Topdev à verser à la société Devexpert la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner la même aux entiers dépens de l'instance.

La société Devexpert soutient que les conclusions d'appel sont partiellement irrecevables, les demandes formulées étant en inadéquation avec la déclaration d'appel.

Elle argue ensuite du défaut de qualité à agir de l'appelante.

Sur le fond, elle plaide l'exception d'inexécution, le master franchisé n'ayant pas rempli ses obligations de franchiseur. A titre subsidiaire, elle demande à la cour de réduire le montant de la clause pénale ;

A titre reconventionnel, elle demande à la cour de condamner le master franchisé à lui verser la somme de 108 286,26 euros en remboursement des redevances indûment versées.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 février 2022 et le dossier a été fixé à l'audience du mars 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS

1) sur la recevabilité des demandes de l'appelante :

L'intimée soutient, sur le fondement de l'article 562 du code de procédure civile, que les demandes formulées par l'appelante dans ses conclusions visant à la voir condamner à lui verser la somme de 20 631,23 euros au titre des factures impayées et à voir confirmer sa condamnation à lui verser la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont en inadéquation avec sa déclaration d'appel et sont de ce fait irrecevables.

La société Topdev avait demandé en première instance au juge de condamner la société Devexpert à lui verser la somme de 20 631,23 euros. Le tribunal de commerce n'a fait droit à cette demande qu'à hauteur de 2681,23 euros mais n'a pas indiqué qu'il la déboutait pour le surplus de sa demande. Dès lors, la société Topdev a pu à bon droit indiquer dans sa déclaration d'appel qu'elle sollicitait l'infirmation de ce chef de condamnation et reprendre dans ses conclusions la demande formée en première instance.

Cette demande est donc recevable.

En ce qui concerne la demande portant sur la condamnation de la société Devexpert à lui verser la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la société Topdev avait en effet indiqué dans sa déclaration d'appel qu'elle sollicitait la réformation de ce chef de condamnation pour finalement en demander la confirmation dans ses conclusions.

Or, aucun texte n'interdit à un appelant de renoncer à l'une de ses demandes formées en appel en cours de procédure.

La société Topdev est donc recevable à solliciter la confirmation de ce chef de la décision.

L'ensemble des demandes sont recevables.

2) Sur la qualité à agir de l'appelante :

La société Action Coach Europe Francophone a acquis les droits de master franchisé appartenant à la société Topdev à compter du 1er juillet 2016.

Il s'agit d'une cession de contrat. La société Devexpert soutient à tort que la cession de contrat implique nécessairement une cession de créance.

Elle n'argue pas avoir été mis en demeure par son nouveau cocontractant de régler les sommes que lui réclame dans le cadre de ce litige la société Topdev.

Elle ne justifie ainsi pas que cette dernière a perdu sa qualité à agir du fait de la cession en paiement des factures émises avant celle-ci.

Le jugement de première instance sera confirmé sur ce point.

3) Sur le fond :

Pour s'opposer au paiement des factures de redevance, d'assistance et de formation, la société Devexpert argue d'une exception d'inexécution, le master franchisé n'ayant pas rempli ses obligations contractuelles à son égard.

Elle soutient également qu'elle a déjà réglé l'intégralité des factures dont il est demandé le paiement.

Il sera noté à titre liminaire, que contrairement à ce qui a été jugé en première instance, le franchisé peut arguer d'une exception d'inexécution même s'il n'a pas utilisé la possibilité de résilier le contrat de franchise prévue par le contrat.

Le contrat de franchise prévoyait le versement d'un droit d'entrée de 40 000 euros et d'une redevance formation de 20 000 euros, puis le versement mensuel d'une redevance d'assistance de 1 500 euros HT et d'une redevance de communication de 5 % du chiffre d’affaires HT du franchisé "des mois précédents".

Les modalités de cette assistance auraient dû selon les termes du contrat de franchise faire l'objet de précision aux termes de l'annexe 3. Celle-ci n'a cependant pas été renseignée.

Même si le contrat de franchise est imprécis, la société Topdev, comme tout franchiseur, est tenu de transmettre son savoir-faire à son franchisé et de l'assister tout au long du contrat.

Cette transmission du savoir-faire doit intervenir non seulement lors de la formation du contrat de franchise mais également de manière continue lors de l'exécution de celle-ci. Ce savoir-faire doit ainsi être actualisé et adapté aux évolutions des contraintes économiques.

Le franchiseur doit également apporter son assistance au franchiseur tout le long de l'exécution du contrat et de manière régulière.

La société Topdev soutient qu'elle a rempli l'ensemble de ses obligations et qu'elle a notamment transmis son savoir-faire et fourni une assistance commerciale permanente.

La société Topdev a repris la mission de l'ancien master franchisé à compter du 6 janvier 2014.

Les factures dont elle sollicite le paiement concerne la période allant du 1er août 2015 au 3 juin 2016. Il convient donc de rechercher si la société Topdev a rempli ses obligations contractuelles sur cette période.

Concernant cette période au cours de laquelle son franchisé soutient qu'elle n'aurait pas rempli ses obligations, la société Topdev ne fournit qu'une seule pièce justificative, sa pièce 23, qui est un mail de deux lignes en anglais, non traduit, faisant état de la signature d'un nouveau contrat, qui ne peut pas en tout état de cause justifier de l'actualisation d'un savoir-faire ou d'une assistance quelconque.

Les autres pièces numérotées 14, 15, 16, 17 et 18 ne portent en effet que sur les années 2013 et 2014. Les pièces 19,20 et 21 ne comportent aucune date.

Les pièces 22 et 27 portent sur l'année 2015, mais sont antérieures à la période concernée. Il ne s'agit en outre que d'un mail en date du 4 mai 2015 faisant état d'une proposition de "call hebdomadaire". Il n'est pas justifié de la mise en place de cette mesure. La seconde pièce est une "attestation de coaching", coaching qui est intervenu pendant plusieurs années par téléphone avec une seule rencontre physique annuelle et qui s'est terminé en juin 2015.

La pièce 29 intitulé "liste des documents transmis" ne comporte aucune date.

Ainsi, à compter de juin 2015, la société Topdev ne justifie t'elle d'aucune actualisation du savoir-faire de sa franchise, d'aucune réunion et d'aucun suivi sérieux, même par mail ou téléphone.

Il convient en conséquence de juger que l'exception d'inexécution soulevée par le franchisé est fondée.

La demande en paiement des factures formée par la société Topdev sera rejetée.

La décision de première instance sera infirmée sur ce point.

La demande de la société Devexpert visant à se voir rembourser l'intégralité des sommes qu'elle a versées à son franchiseur depuis 2012 n'est en revanche pas justifiée. Il n'est ainsi pas démontré que la société Topdev a manqué à ses obligations avant l'été 2015.

Il sera en outre relevé que la société Topdev n'est devenue le cocontratant de la société Devexpert qu'en 2014.

La société Topdev qui succombe sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Elle sera condamnée à verser la somme de 1500 euros à la société Devexpert au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort

Déclare recevable les demandes formées en appel par la société Topdev.

Infirme la décision rendue le 20 mai 2019 par le tribunal de commerce de Bordeaux sauf en ce que :

- Elle a déclaré l'opposition recevable.

- Elle a déclaré la société Topdev recevable en ses demandes.

Et statuant à nouveau,

- Déboute la société Topdev de sa demande en paiement des factures.

- Déboute la société Topdev de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

- Déboute la société Devexpert de sa demande de dommages et intérêts.

- Condamne la société Topdev à verser la somme de 1500 euros à la société Devexpert au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamne la société Topdev aux dépens de première instance et d'appel.