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Décisions

Cass. 3e civ., 8 avril 2010, n° 08-70.338

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lacabarats

Rapporteur :

M. Assié

Avocat général :

M. Badie

Avocats :

SCP Bachellier et Potier de La Varde, SCP Waquet, Farge et Hazan

Aix-en-Provence, du 2 oct. 2008

2 octobre 2008

Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant retenu que la société Jasmin démontrait qu'elle s'était maintenue dans les lieux loués depuis le 31 octobre 2001 malgré le bail conclu avec Mme X..., son associée majoritaire, qui n'était pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés, qu'elle justifiait que le commerce exploité était resté le même, avec la même enseigne, qu'elle avait réglé les loyers, notamment en 2003, qu'elle avait toujours payé l'électricité, le téléphone et la taxe professionnelle et que Mme Y... avait agi en fraude des droits de la société Jasmin, qui était réputée bénéficier des dispositions statutaires à l'expiration du bail initial, en concluant le 7 octobre 2001, en toute connaissance de cause un deuxième bail dérogatoire avec un prête-nom, la cour d'appel, qui a pu en déduire que cette fraude commise par la bailleresse, dans le but d'éluder le statut des baux commerciaux, avait suspendu la prescription pendant la durée du bail conclu avec Mme X..., a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, qui est recevable :

Vu l'article L. 145-5 du code de commerce dans sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout ;

Attendu que les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du chapitre V du titre IV du livre premier du code de commerce à la condition que le bail soit conclu pour une durée au plus égale à deux ans ; que si, à l'expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions de ce chapitre ; qu'il en est de même en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 octobre 2008), que, par acte du 24 novembre 1999, Mme Y... a donné à bail à la société Jasmin, pour une durée de 23 mois s'achevant le 31 octobre 2001, des locaux à usage commercial ; que par acte du 7 octobre 2001, Mme Y... a donné à bail à Mme X..., associée majoritaire de la société Jasmin, les mêmes locaux pour une durée de 23 mois s'achevant le 6 octobre 2003 ; que par un troisième contrat, Mme Y... a donné à bail les mêmes locaux à la société Jasmin pour une durée de 23 mois s'achevant le 6 septembre 2005 ; que Mme Y... ayant manifesté le 20 octobre 2005 son intention de mettre fin à ce dernier bail, la société Jasmin l'a assignée pour se voir reconnaître le bénéfice du statut des baux commerciaux ;

Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que la société Jasmin a valablement renoncé au droit à la propriété commerciale qu'elle avait acquise depuis le 1er novembre 2001 en signant un nouveau bail dérogatoire le 2 octobre 2003, contenant une clause expresse, non équivoque, de renonciation au bénéfice du statut des baux commerciaux ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la fraude commise lors de la conclusion de baux dérogatoires successifs interdit au bailleur de se prévaloir de la renonciation du preneur au droit à la propriété commerciale, la cour d'appel, qui a relevé que Mme Y..., en concluant un deuxième bail dérogatoire avec Mme X..., associée majoritaire de la société Jasmin, avait agi en fraude des droits de cette société, réputée bénéficier des dispositions statutaires depuis l'expiration du bail initial, et qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte et le principe susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir de prescription biennale soulevée par Mme Y..., l'arrêt rendu le 2 octobre 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.