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Décisions

Cass. crim., 15 mars 2011, n° 10-80.102

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Avocat :

SCP Célice, Blancpain et Soltner

Douai, 6e ch., du 12 févr. 2009

12 février 2009

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Jean-Michel X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6e chambre, en date du 12 février 2009, qui, pour homicide involontaire, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 112-1, 121-3 et 221-6 du code pénal dans leur rédaction issue de la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, L. 263-2, L. 263-2-1 du code du travail et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;

en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X coupable des faits qui lui sont reprochés et l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis ;

aux motifs que M. Y a établi le 7 avril 2004 une délégation de pouvoirs en matière de sécurité, acceptée le 12 mai 2004 par M. X, dont les termes sont précis et détaillés ; que la compétence de M. X et l'autorité dont il disposait au sein de la société Laminés marchands européens (LME) sont en l'espèce suffisantes pour établir la validité de cette délégation de pouvoirs, ainsi que les premiers juges l'ont d'ailleurs souligné ; que les conclusions développées par le prévenu relativement à l'absence d'autorité l'ayant selon lui empêché d'assurer ses responsabilités sont, en considération des éléments recueillis, inopérantes ; qu'au contraire de ce que soutient par voie de conclusions M. Thébault, la délégation dont il était titulaire ne se trouvait pas en cumul avec la délégation acceptée par M. Z, responsable du service maintenance, les termes mêmes de ces délégations étant nettement distincts ; qu'il y a lieu de rappeler que M. X lui-même a précisé, dans sa première audition, plusieurs semaines après l'accident :  Je suis responsable de la production de l'acier. Il doit y avoir environ 110 personnes sous mes ordres dont 5 équipes postées de 19 personnes () Je suis responsable de la sécurité. Pour ce faire, dans mes fonctions, je suis assisté par un ingénieur de fabrication et par des agents de maîtrise () Il faut que j'anime des équipes de façon à ce qu'elles travaillent en toute sécurité. Cela englobe le matériel, la formation, les consignes et instructions. Pour cela, je dispose d'une délégation de pouvoirs  ; qu'il en résulte que c'est à tort que les premiers juges ont retenu la responsabilité pénale de M. Y et que le jugement entrepris sera en conséquence infirmé sur ce point, ce dernier devant être renvoyé des fins de la poursuite ;

1°) alors qu'il résulte de la subdélégation de pouvoir faite par M. Y à M. X le 7 avril 2004 que ce dernier demeurait tenu de soumettre au délégant les moyens nécessaires pour assurer l'hygiène et la sécurité lesquels, sauf cas d'urgence, devaient faire l'objet d'une mise en place décidée en commun avec le délégant ; qu'en s'abstenant d'analyser comme elle y était invitée si, ainsi conçue, une telle  délégation de pouvoir  était néanmoins susceptible d'entraîner un transfert effectif de responsabilité sur la tête d'un subordonné, la cour d'appel qui se contente d'énoncer que M. X disposait  de l'autorité suffisante  a privé sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen ;

2°) alors que si le chef d'entreprise ou son délégataire a la faculté de déléguer ses pouvoirs à un préposé investi par lui et pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour veiller efficacement à l'observation des dispositions protectrices de la sécurité des travailleurs, il ne saurait en revanche déléguer, en matière de sécurité, à plusieurs personnes au sein de la même entité, des pouvoirs impliquant une interaction entre les préposés désignés, un tel cumul étant de nature à restreindre l'autorité et à entraver les initiatives de chacun des prétendus délégataires ; qu'en s'abstenant de rechercher comme elle y était invitée, si un tel cumul entre la responsabilité du directeur du service technique, chargé de la maintenance, et celle du directeur de l'aciérie, chargé de l'exploitation, n'était pas de nature à retirer toute portée effective à la subdélégation litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés ;

3°) alors que la cour d'appel qui se borne à reproduire de façon inopérante les déclarations de M. X sur ses responsabilités dans son propre service et qui ne s'explique pas, comme elle y était invitée ni sur les conclusions de l'expert, ni sur celles des témoins quant au rôle du service technique, dont la direction était confiée à un autre délégataire, a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs caractérisée ;

Attendu que le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments contradictoirement débattus, dont ils ont déduit, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions déposées devant eux, la validité de la subdélégation consentie au prévenu, responsable en matière d'hygiène et de sécurité de l'unité d'aciérie de la société Laminés marchands européens, et l'absence de cumul de ladite subdélégation avec celle consentie de façon distincte au responsable du service de maintenance de ladite société ;

Qu'il s'ensuit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 131-39 et 221-7 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant ordonné, par application des dispositions de l'article 131-39, 9°, du code pénal, l'affichage par extrait de la décision au sein du site de TRITH Saint-Léger dans tout endroit permettant que connaissance en soit prise par le personnel travaillant sur place, ainsi qu'à la diffusion de la décision au public par voie électronique sur son site informatique pendant une période de six mois ;

1°) alors que l'affichage d'une condamnation déclarant M. X coupable d'homicide involontaire et le condamnant à six mois d'emprisonnement est de nature à porter atteinte au respect de sa vie privée de sorte que en application de l'article 9 du code civil et de l'article 612-1 du code de procédure pénale, la cassation à intervenir sur son pourvoi devra être étendue au chef du dispositif ordonnant à la société LME l'affichage de l'arrêt attaqué ;

2°) alors que nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ; qu'en condamnant la société LME à l'affichage et à la publication sur son site internet de la décision à intervenir tandis que l'article 221-7 du code pénal ne permet de prononcer que l'une ou l'autre de ces peines complémentaires en application de 131-39, 9°, dudit code, la cour d'appel a violé les articles visés au moyen ;

Attendu que ce moyen, qui vise des dispositions de l'arrêt attaqué ne concernant pas le demandeur au pourvoi, est irrecevable ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.