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Décisions

Cass. com., 16 avril 2013, n° 11-24.679

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Tiffreau, Corlay et Marlange

Lyon, du 13 juill. 2011

13 juillet 2011

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. X... et la société Cycles Lapierre que sur le pourvoi incident relevé par les sociétés Decathlon et Promiles ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... est titulaire d'un brevet français déposé le 18 février 1998, délivré le 31 mars 2000 sous le n° 980 1967, portant sur une suspension arrière pour vélocipède et dont il a consenti une licence exclusive à la société Cycles Lapierre ; que ceux-ci ayant fait assigner les sociétés Decathlon et Promiles en contrefaçon des revendications 1, 4, 5 et 6 de ce brevet, ces dernières ont opposé la nullité de ces revendications et ont formé une demande en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale ; qu'au cours de la procédure d'appel, les revendications du brevet de M. X... ont fait l'objet d'une limitation ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que M. X... et la société Cycles Lapierre font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande en contrefaçon, alors, selon le moyen :

1°) qu'en effectuant une analyse comparative du brevet X... et du brevet Promiles, quand il lui appartenait de rechercher si le dispositif technique de suspension arrière des vélocipèdes commercialisés par la société Decathlon, objets des saisies-contrefaçon, mettait en oeuvre, serait-ce par équivalence, les revendications du brevet X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 613-2 et L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) qu'en se bornant à affirmer que, dans le système Promiles, la première liaison pivotante est constituée par un excentrique circulaire constitué d'un boîtier cylindrique solidaire du tube de selle, « sans rapport avec » la biellette décrite dans le brevet X... et fixée à pivotement sur le tube de selle, sans rechercher précisément, ainsi qu'elle y était invitée par les exposantes, si ces deux pièces mécaniques ne remplissaient pas les mêmes fonctions en vue d'un résultat de même nature, et si le vélocipède commercialisé par la société Decathlon ne constituait donc pas une contrefaçon par équivalence du mécanisme breveté par M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;

3°) qu'en affirmant que le brevet X... aurait décrit un bras oscillant « de forme rectiligne », tandis que le système Promiles mentionnait un ensemble triangulaire, pour en déduire que cette différence aurait eu une « incidence évidente » et écarter la contrefaçon, quand la revendication n° 1 du brevet X... ne comportait aucune référence au caractère rectiligne du bras oscillant et désignait « un bras oscillant reliant l'axe de la roue arrière au cadre » qui ne permettait pas de le distinguer de manière évidente d'un axe ayant la même fonction, fût-il triangulaire comme dans le procédé Promiles, la cour d'appel a dénaturé, par adjonction d'une spécification qu'il ne contenait pas, le brevet X... et a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que les sociétés Decathlon et Promiles ayant fait valoir dans leurs écritures devant la cour d'appel que le dispositif incriminé mettait en oeuvre les enseignements de la demande de brevet Promiles, n° 28 27 831, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait, sans procéder à la recherche visée à la première branche ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que la revendication 1 du brevet X... telle que limitée se caractérise par une orientation sensiblement verticale de la première biellette et horizontale de la seconde avec un axe de pivotement sur le bras oscillant positionné en avant de l'axe de pivotement situé sur le cadre et par la définition du centre instantané de rotation du bras oscillant, qui correspond au point d'intersection des axes passant respectivement par les deux pivots de la première et de la deuxième biellettes et qui se déplace vers le haut quand ledit bras pivote vers le haut ; qu'il constate que, dans la description du brevet, il est précisé que le bras oscillant a une forme rectiligne ; qu'il relève que la mention, à la fin de la revendication 1, de la création d'un moment de rappel qui s'oppose à l'enfoncement de la suspension, s'analyse comme un simple résultat ; qu'il relève enfin que, dans le dispositif incriminé, la première liaison ou articulation constituée par un excentrique circulaire n'a pas l'orientation et le positionnement définis des première et deuxième biellettes du brevet X..., que la seconde liaison constituée par une biellette est positionnée verticalement et qu'il n'est pas établi que les portions de segments représentés à la figure 1 de la demande de brevet Promiles se recoupent en un point d'intersection censé définir l'emplacement du centre instantané de rotation selon le brevet X... ; que de ces constatations et appréciations dont il se déduit que la revendication 1 du brevet X... couvre, après limitation, une combinaison de moyens présentant des formes particulières et non une fonction nouvelle, la cour d'appel, qui a relevé que l'ensemble de ces moyens n'était pas reproduit sur le dispositif incriminé, a pu, sans procéder à la recherche visée à la deuxième branche et hors toute dénaturation, statuer comme elle a fait ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et attendu que le second moyen du pourvoi principal ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l'article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour rejeter la demande en nullité de la revendication 2 du brevet X..., l'arrêt retient que la localisation du centre instantané de rotation lorsque le vélo est en mouvement ou lorsqu'il est chevauché par un cycliste en position statique est bien fonction des caractéristiques énumérées à la revendication 1 ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que la revendication 2 ne se limitait pas à revendiquer le résultat de la mise en oeuvre des moyens de la revendication 1, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la revendication 2 du brevet n° 980 1967, l'arrêt rendu le 13 juillet 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.