CA Paris, 4e ch. b, 6 janvier 2006
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
La société AXIOHM est propriétaire d'un brevet français n° 92 13390 déposé le 6 novembre 1992 et délivré le 3 mars 1996 relatif à un " dispositif d'impression thermique ouvrant ". Ayant appris que la société PROREP offrait à la vente et vendait des mécanismes d'impression thermique qui reproduiraient la revendication 1 du brevet susvisé, fabriqués par la société APS INDUSTRIAL et que la société APS ENGINEERING fournissait des services d'assistance technique et de maintenance de ces produits, la société AXIOHM, après y avoir été autorisée, a fait procéder à une saisie contrefaçon le 2 juillet 2001 au siège social de la société PROREP et dans les bureaux de la société APS ENGINEERING.
La société AXIOHM a, au vu des constatations de l'huissier, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, par actes du 16 juillet 2001, les trois sociétés susvisées en contrefaçon de la revendication 1 du brevet n° 92 13390, pour obtenir, outre des mesures d'interdiction sous astreinte, paiement de dommages et intérêts.
Les sociétés défenderesses s'étaient opposées aux demandes, faisant notamment valoir que la société AXIOHM était irrecevable en sa demande, en raison de l'existence d'un brevet européen EP n° 0655 031 fondé sur la priorité du brevet français, et soutenant que la revendication 1 était nulle pour, notamment, défaut de nouveauté et d'activité inventive.
Par le jugement entrepris, le tribunal a :
- débouté les sociétés APS et PROFESSIONAL REPRESENTATIVES de leur demande tendant à voir déclarer irrecevable l'action de la société AXIOHM en ce qu'elle vise le brevet français et non la partie française du brevet européen,
- débouté la société AXIOHM de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les sociétés défenderesses en leur demande de nullité des inscriptions effectuées auprès de l'INPI sur le brevet,
- débouté les sociétés APS et PROFESSIONAL REPRESENTATIVES de leur demande tendant à voir ordonner la nullité des inscriptions effectuées auprès de l'INPI le 16 septembre 1997 sous le n° 104 969 et le 26 août 1999 sous le n° 117 581, l'article L. 614- 4 du CPI ne pouvant trouver application en la présente espèce, les deux brevets ne couvrant pas la même invention,
- débouté les sociétés APS et PROFESSIONAL REPRESENTATIVES de leur demande de nullité de la revendication 1 pour insuffisance de précision et de leur demande tendant à voir dire que la revendication n° 1 du brevet FR n° 92 13 390 et la description qui s'y rapporte n'exposent pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour que l'homme du métier puisse l'exécuter,
- débouté les sociétés APS et PROFESSIONAL REPRESENTATIVES de leur demande de nullité de la revendication 1 pour défaut de nouveauté et pour défaut d'activité inventive,
- avant dire droit sur la contrefaçon alléguée et l'éventuel préjudice subi, ordonné une expertise en désignant M. G en qualité d'expert, avec mission de :
- étudier les produits des sociétés défenderesses saisis, les comparer avec les produits de la société demanderesse, et, après avoir analysé de façon précise et minutieuse leur fonctionnement, donner tous éléments permettant au tribunal de déterminer s'il y a contrefaçon,
- étudier les documents et les brochures saisis et préciser s'ils présentent des produits pouvant être argués de contrefaçon pour chacune des trois sociétés défenderesses,
- étudier le site internet de la société PROREP et de la société ADVANCED PRINTINGSYSTEMS, tels qu'ils étaient, à la date de la saisie, et donner au tribunal tous éléments permettant de déterminer si ces sociétés offraient à la vente des dispositifs d'impression thermique pouvant contrefaire la revendication n° 1 et leurs fournisseurs,
- préciser si ces sociétés fabriquent, commercialisent ou assurent encore à ce jour le suivi technique de produits argués de contrefaçon,
- recueillir tous renseignements permettant au tribunal de déterminer l'éventuelle masse contrefaisante, et, après consultation de tous documents comptables des parties en cause, évaluer le préjudice éventuellement subi par la société demanderesse,
- donner au tribunal tous éléments utiles pour résoudre le litige,
- répondre aux dires de chacune des parties,
- ordonné l'exécution provisoire de la mesure d'expertise,
- réservé les autres chefs de demande,
- réservé les dépens.
Ce jugement a fait l'objet d'un jugement rectificatif du 29 septembre 2004 aux termes duquel le tribunal de grande instance de Paris a :
- modifié le premier chef de la mission, donnant à M. G mission " d'étudier les produits des sociétés défenderesses saisis, les comparer avec le dispositif couvert par la revendication 1 du brevet n° 92 13390 de la société AXIOHM et après avoir analysé de façon précise et minutieuse leur fonctionnement, donner tous éléments permettant au tribunal de déterminer s'il y a contrefaçon,
- explicité les troisième et quatrième chefs de la mission, étant indiqué que l'étude du site internet de la société ADVANCED PRINTING SYSTEMS était ordonnée comme " pouvant permettre de savoir si ces sociétés, soit les sociétés défenderesses offraient à la vente, à la date de la saisie, des dispositifs d'impression thermique pouvant contrefaire la revendication 1 du brevet de la société demanderesse " et si ces mêmes sociétés fabriquent, commercialisent ou assurent encore le suivi technique de produits argués de contrefaçon.
Par leurs dernières écritures du 29 juillet 2005, les appelantes demandent à la cour, au visa des " articles 73, 112 et suivants du Code civil, 9 du Nouveau Code de procédure civile, L. 613-1, L. 613-25 et L. 614-13 du Code de la propriété intellectuelle,
- déclarer l'appel interjeté tant recevable que bien fondé,
Y faisant droit,
- infirmer le jugement attaqué, et en conséquence,
- prononcer la nullité de la mission ordonnée par le jugement au motif que celle-ci vise nominativement une société de droit britannique étrangère à la cause,
- dire et juger, en tout état de cause, que le tribunal n'avait pas à se substituer à la défaillance de la société AXIOHM pour rapporter la preuve du grief de contrefaçon, la demanderesse ayant l'obligation, au visa de l'article 9 du nouveau Code de procédure civile, à justifier de ses prétentions,
- dire et juger que la procédure engagée par la société AXIOHM est irrecevable, le brevet français n° 92 13 390 du 6 novembre 1992 ayant cessé de produire ses effets à la date de clôture de la procédure d'opposition du brevet européen correspondant EP n° 0655 031 dont il revendique la priorité, la revendication 1 du brevet français étant intégralement contenue dans celle du brevet européen, sans ajout, ni restriction,
- dire et juger de plus que l'action ayant été engagée sur la base du brevet français n° 92 13 390, une nouvelle action basée sur le brevet européen n° 0655 031 pour les mêmes faits et à l'égard des mêmes défendeurs ne peut plus être engagée par la société
AXIOHM, en application de l'alinéa 4 de l'article L. 614-15 du Code de la propriété intellectuelle,
- dire et juger que la revendication 1 du brevet n° 92 13 390 et la description qui s'y rapporte n'exposent pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour que l'homme du métier puisse l'exécuter,
- prononcer la nullité de cette revendication 1 en application de l'article L. 613-25 (b) du Code de la propriété intellectuelle,
- dire que la revendication 1 du brevet n° 92 13 390 pour autant où elle peut être comprise, se lit intégralement sur le modèle d'utilité japonais n° 63 148 664,
- déclarer cette revendication 1 nulle en application de l'article L. 613-25 (a), l'invention n'étant manifestement pas brevetable au sens de l'article L. 611-11 du Code de la propriété intellectuelle,
- dire encore que cette revendication 1 n'implique pas d'activité inventive,
- prononcer la limitation correspondante des revendications du brevet n° 92 13 390 avec inscription au Registre National de l'INPI,
- dire que la contrefaçon n'est pas rapportée par les deux procès-verbaux de saisie dressés le 2 juillet 2002 et débouter la société AXIOHM de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- recevoir les sociétés APS et PROFESSIONAL REPRESENTATIVES en leur demande reconventionnelle, ce faisant,
- condamner la société AXIOHM à verser à chacune des appelantes la somme de 20 000 euros pour procédure abusive et vexatoire,
- autoriser à titre de complément de dommages et intérêts la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou périodiques au choix des appelantes, mais aux frais de la société AXIOHM, dans la limite de 5 000 euros par publication,
- condamner la société AXIOHM à verser à chacune des appelantes la somme de 25 000 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner la société AXIOHM en tous les dépens et en tous les frais dont distraction au profit de la SCP ROBLIN, avoué, qui pourra en poursuivre le recouvrement conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Par ses dernières écritures du 20 octobre 2005, la société AXIOHM prie la cour de :
- confirmer le jugement du 22 octobre 2003 rectifié le 29 septembre 2004,
- dire n'y avoir lieu à statuer en l'état sur la contrefaçon et le préjudice,
- renvoyer la cause et les parties devant la 3(e) chambre 1(re) section du tribunal de grande instance de Paris sur ces différents points,
- subsidiairement et au cas où la cour envisagerait d'évoquer quant à la contrefaçon et au préjudice, renvoyer les parties devant le conseiller de la mise en état pour permettre à la société AXIOHM de conclure sur ces différents points et assurer un débat contradictoire devant la cour,
- déclarer les sociétés APS et PROFESSIONAL REPRESENTATIVES mal fondées en toutes leurs demandes, fins et conclusions, les en débouter,
- les condamner in solidum à lui verser la somme de 25 000 euros par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- les condamner in solidum aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître François T qui pourra en poursuivre le recouvrement conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Considérant que les appelantes exposent qu'en application des articles L. 614-13 et L. 614-15 du CPI, la société AXIOHM est irrecevable dans sa demande en contrefaçon du brevet français 92 13 390 dès lors qu'un brevet européen, fondé sur la priorité de ce brevet a été délivré et que ce brevet européen s'étant substitué au brevet français, celui-ci a cessé de produire ses effets ; qu'elles soutiennent que malgré les modifications intervenues lors de la procédure d'opposition, le brevet français couvre la même invention que celle du brevet européen ;
Considérant qu'il est pour l'essentiel répliqué, comme il l'avait été en première instance, que les brevets ne couvrent pas la même invention, le brevet européen ayant une portée plus limitée que celle du brevet français ;
Considérant, cela exposé, que l'article L. 614-13 du CPI dispose que " dans la mesure où un brevet français couvre une invention pour laquelle un brevet européen a été délivré au même inventeur ou à son ayant cause avec la même date de dépôt ou de priorité, le brevet français cesse de produire ses effets soit à la date à laquelle le délai prévu pour la formation de l'opposition au brevet européen est expiré sans qu'une opposition ait été formée, soit à la date à laquelle la procédure d'opposition est close, le brevet européen ayant été maintenu " ;
Considérant qu'en l'espèce, la revendication 1 du brevet français est ainsi rédigée : " dispositif d'impression thermique d'un papier (26), comportant une tête (2) d'impression thermique coopérant par appui avec un rouleau (15) d'entraînement du papier, dans lequel la tête d'impression est portée élastiquement par une partie (1) de châssis fixe alors que le rouleau d'entraînement (15) est porté par une partie de châssis mobile (13) articulée sur le châssis et fixe (1) formant couvercle d'accès au compartiment du dispositif destiné au rouleau (12) de papier, caractérisé en ce que la zone de contact de la ligne (4) de points chauffants de la tête (2) d'impression sur le rouleau (15) d'entraînement du papier (26) est située au-delà du diamètre (14) de ce rouleau passant par l'articulation du châssis mobile (13) sur le châssis fixe (1), lorsque le couvercle est refermé " ;
Considérant que la revendication 1 du brevet européen EP 055 031, a été ainsi rédigée, à l'issue de la procédure d'opposition : " dispositif d'impression thermique d'un papier (26), comportant, dans un châssis, une tête (2) d'impression thermique comportant une ligne (4) de points chauffants et un rouleau (15) d'entraînement du papier, le châssis comprenant une partie (1) fixe portant la tête (2) et un couvercle (13) portant le rouleau (15) articulé à la partie fixe entre une position dans laquelle la tête (2) et le rouleau (15) sont éloignés et une position dans laquelle la tête (2) est en appui sur le rouleau (15) tandis qu'en aval de la tête d'impression (2), par rapport au sens de défilement du papier, la partie fixe de châssis (1) porte la lame mobile (20) d'un organe de coupe du papier, la lame stationnaire (21) de cet organe étant portée par le couvercle (13), caractérisé en ce que la zone de contact de la ligne (4) de points chauffants de la tête (2) d'impression sur le rouleau (15) d'entraînement du papier (26) est située derrière le plan contenant le diamètre (14) de ce rouleau passant par l'articulation du couvercle (13) à la partie fixe de châssis dans le sens de fermeture du couvercle pour former un verrou élastique de retenue du couvercle fermé " ;
Considérant que l'intimée fait justement observer, comme l'ont retenu les premiers juges, que la revendication 1 du brevet européen a une portée plus étroite que celle du brevet français en ce que les caractéristiques de la revendication 1 du brevet européen s'appliquent à un dispositif comportant sur la partie fixe du châssis une lame mobile d'un organe de coupe papier, la lame stationnaire (21) de cet organe étant portée par le couvercle (13), alors que celles du brevet français s'appliquent à un dispositif ne comportant pas d'élément de coupe ; qu'il ne peut être valablement soutenu que la différence contenue dans le préambule n'aurait aucune incidence, dès lors qu'il est constant que l'invention doit être appréciée par rapport à l'objet auquel elle s'applique ;
Considérant que c'est en conséquence par des motifs pertinents que la cour fait siens que les premiers juges ont dit que le brevet français conservait tous ses effets, la revendication 1 de chacun des brevets en cause ne portant pas sur une invention identique;
Considérant qu'il est également soutenu par les appelantes que le brevet doit être annulé pour insuffisance de description ; que selon elles, la revendication 1 contient des ambiguïtés qui ne peuvent que déconcerter l'homme du métier qui ne trouve ni dans la description, ni dans les dessins de réponse à ses interrogations ;
Que selon elles, l'expression " la zone de contact de la ligne (4) des points chauffants de la tête (2) d'impression sur le rouleau (15) d'entraînement du papier est situé au-delà du diamètre (14) de ce rouleau passant par l'articulation du châssis mobile (13) sur le châssis fixe (1) lorsque le couvercle est refermé " est ambiguë en ce qu'elle est impropre à caractériser le positionnement de la zone de contact de ligne des points chauffants du fait que :
- d'une part, l'expression " au-delà " n'est pas définie, cette expression qui signifie au sens sémantique du terme " plus loin " pouvant se situer dans l'espace, en un point quelconque non déterminé,
- d'autre part, le second paramètre, c'est à dire la situation de l'articulation du châssis mobile (13) sur le châssis fixe (1) n'est ni identifiée, ni décrite, ni représentée sur le dessin ;
Qu'il n'est trouvé, selon elles, dans la description aucune précision à ce sujet, l'articulation du couvercle (13) ne figurant nulle part dans le brevet, alors qu'il s'agit de la référence par rapport à laquelle s'apprécie la position de la zone de contact de la ligne de points chauffants, pierre angulaire de la revendication ; que les premiers juges ont omis de relever que la revendication 1 portait sur l'association de deux paramètres et se sont limités à commenter le premier moyen sans s'interroger sur la relation existant entre ce moyen et celui portant sur la position de l'axe d'articulation du couvercle ;
Qu'elles font, en outre, valoir, pour répondre à l'argumentation de l'intimée que l'homme du métier qui lit la description (page 4, lignes 1 à 15) ne trouve aucun enseignement lui permettant de savoir où se situe l'axe d'articulation du couvercle et, par voie de conséquence, où se situe la ligne de points chauffants, et pas davantage en quoi la locution " au-delà " devrait s'entendre " dans le sens de progression du papier, au-delà signifiant nécessairement au-dessus " ; que de plus, la description serait même en contradiction avec la revendication 1, qu'en effet, la partie novatrice de cette revendication porte sur le fait que la ligne de points chauffants est située au-delà du diamètre (14) du rouleau d'entraînement du papier passant par l'axe d'articulation du châssis mobile sur le châssis fixe, alors que la description indique que la ligne de points chauffants serait parallèle à l'axe d'articulation du couvercle ;
Considérant, cela exposé, qu'il sera rappelé que, selon l'article L. 613-25 du Code de la propriété intellectuelle, " le brevet est déclaré nul s'il n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ", que cette suffisance de description doit s'apprécier en se fondant sur l'ensemble du brevet et au regard de l'homme du métier, c'est à dire du praticien normalement qualifié, au courant non seulement de l'enseignement du brevet et des références qui y figurent mais aussi des connaissances générales de base de la technique en cause à la date de dépôt de la demande de brevet ; qu'il suffit pour que la condition de suffisance de description soit remplie que soient fournis à l'homme du métier les moyens rendant possible par celui-ci, à l'aide de ses connaissances générales et par de simples opérations d'exécution, de réaliser l'invention ;
Considérant qu'en l'espèce,
- l'articulation du châssis mobile (13) autour du châssis fixe (1) est, comme il est rappelé dans la description (page 1, lignes 19 à 24) un élément connu de dispositif d'impression thermique se présentant sous forme d'un boîtier dans lequel le rouleau d'entraînement du papier est porté par un couvercle monté pivotant sur un châssis fixe portant la tête d'impression,
- la position de la zone de contact de la ligne (4) de points chauffants de la tête (2) d'impression du rouleau (15) d'entraînement du papier est définie par rapport au " diamètre (14) du rouleau passant par l'articulation du châssis mobile (13) sur le châssis fixe, lorsque le couvercle est refermé ",
- la position du rouleau, et donc de son centre, est précisée par la description (page 2 lignes 13 à 15), et par la figure représentant le dispositif d'impression thermique, couvercle refermé,
- l'articulation du couvercle mobile sur le châssis fixe est connue de l'homme du métier,
- ainsi, comme toute droite, le diamètre est suffisamment déterminé par la ligne passant par ces deux points,
- la position de la zone de contact de la ligne (4) de points chauffants de la tête (2) d'impression et du rouleau (15) d'entraînement du papier ne peut se situer en un point quelconque non déterminé de l'espace, comme le prétendent les appelantes, puisque la position des éléments (2), (4) et (15) est définie dans la description du brevet (page 3 lignes 21 à 30 et page 4, lignes 1 à 15) ainsi que sur la figure ;
Que la zone de contact est ainsi précise pour l'homme du métier, l'emploi du terme " au[1]delà du diamètre "... signifiant nécessairement, au vu de ces descriptions, que la zone de contact est au-dessus du diamètre, cette expression ne pouvant être comprise par l'homme du métier que comme signifiant " au-delà " dans le sens de progression du papier, ce qui est d'ailleurs décrit en page 4, lignes 28 à 31 ;
Considérant, en conséquence, que l'invention est, contrairement à ce que soutiennent les appelantes suffisamment décrite pour être comprise par l'homme du métier, tant dans la position de la zone de contact que dans l'articulation du châssis mobile par rapport à un châssis fixe ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce moyen de nullité ;
Considérant que les appelantes soutiennent que le brevet devrait être également annulé pour défaut d'application industrielle ; qu'en effet, selon elles, la fente (19) qui sert au guidage et au verrouillage élastique du rouleau (15) d'entraînement du papier a un profil qui est en contradiction avec l'objectif technique à atteindre en ce que :
- la fente a une configuration verticale, ce qui empêche la fermeture du couvercle, à partir du moment où celui-ci est animé d'un déplacement angulaire et que l'axe du rouleau d'entraînement qu'il supporte est fixe en translation,
- seule une fente curviligne, concentrique au mouvement circulaire du couvercle autoriserait un déplacement et un guidage de l'axe supportant le rouleau d'entraînement du papier ;
Que selon elles, et contrairement à ce qu'a dit le tribunal et ce que soutient l'intimée, une fente verticale de grande largeur ne suffit pas à assurer le guidage de l'axe du rouleau, solidaire du couvercle, animé d'un mouvement angulaire, l'axe devant suivre fidèlement la paroi de fente si l'on veut obtenir un guidage rigoureux et efficace du couvercle ;
Que cette mise au point n'est pas une simple mesure d'exécution à la portée de l'homme de l'art, le profil de la fente devant être soigneusement étudié pour que son rayon de courbure corresponde au rayon de l'arc de cercle décrit par le couvercle, ce qui, selon elles, ne peut être calculé puisque l'on ignore où se situe l'axe d'articulation du couvercle ;
Mais considérant que, comme il a été dit ci-dessus, l'axe d'articulation du couvercle est défini par le brevet ; qu'il en résulte que, même si, comme il est fait justement observer, la représentation d'une fente verticale n'assure pas un fonctionnement parfait de l'invention, l'homme du métier sait à partir de l'enseignement du brevet comment réaliser l'invention en adaptant la fente à la courbure de l'arc de cercle décrit par le couvercle, étant observé qu'une large fente verticale permet la réalisation de l'invention, même si son résultat industriel est imparfait ; que l'application industrielle d'une invention implique que celle-ci ait un caractère utilitaire, indépendamment de son éventuelle imperfection ; que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a rejeté ce moyen de nullité ;
Considérant que les appelantes exposent que la revendication 1 ne présente aucun caractère de nouveauté au regard du modèle d'utilité japonais n° U63-148664 publié le 23 mars 1987 ; qu'elles critiquent sur ce point le tribunal qui, après avoir relevé qu'il portait sur le même objet que celui du brevet français, à savoir " un dispositif d'impression thermique ouvrant comportant une tête d'enregistrement, portée élastiquement par une partie de châssis fixe, coopérant par appui avec un rouleau d'entraînement du papier, porté par un couvercle articulé sur le châssis fixe ", a estimé que ce document ne divulguait pas, même par le dessin, la fonction de verrouillage élastique du couvercle fermé ;
Qu'en réalité, selon elles, cette antériorité, d'une part, enseigne que la zone de contact de la ligne des points chauffants de la tête d'impression est située nettement au-delà du diamètre de ce rouleau passant par l'articulation du châssis mobile, identifiée par la référence 7, d'autre part, révèle que l'existence d'un verrouillage élastique, au regard de l'angle positif a (angle qui permet d'obtenir ce verrouillage) est parfaitement visible sur les figures du modèle d'utilité japonais ;
Qu'il ne peut être valablement soutenu par la société AXIOHM que l'antériorité ne divulguerait pas un effet de verrou élastique, au motif que les " angles et la force du rappel du ressort (3) ne sont pas suffisants pour assurer un effet de verrou élastique de retenue du couvercle fermé " alors que son brevet est totalement muet à ce sujet et que l'effet de verrou élastique, non contenu dans la revendication 1, ne saurait être regardé comme une caractéristique brevetable, s'agissant d'un simple effet technique inhérent à la géométrie retenue ; Qu'elles en concluent que les caractéristiques, tant du préambule que de la partie caractérisante du brevet AXIOHM sont intégralement contenues dans le modèle d'utilité japonais, comme le montre le tableau comparatif figurant en page 21 de ses conclusions ;
Considérant qu'il sera rappelé que pour détruire la nouveauté d'une revendication, celle-ci doit se trouver toute entière, dans une seule antériorité au caractère certain, avec les mêmes éléments qui la constituent, dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique ; que l'antériorité doit être prise telle qu'elle est sans qu'il y ait lieu d'y ajouter ou de la compléter ;
Considérant que l'antériorité opposée est relative à un dispositif d'enregistrement qui doit remédier aux problèmes des dispositifs antérieurs en évitant essentiellement le bourrage du papier (page 3 de la traduction colonne 1) ; que le tribunal a exactement relevé que le dispositif divulgué tel qu'il est décrit et représenté comporte, comme le brevet français :
- une tête d'enregistrement portée élastiquement par une partie de châssis fixe,
- coopérant par appui avec un rouleau d'entraînement du papier,
- ce rouleau étant porté par un couvercle mobile articulé sur le châssis fixe ;
Considérant qu'ainsi l'antériorité divulgue le dispositif dans sa forme générale mais qu'il n'est pas indiqué en quoi la position respective de la tête d'impression par rapport au rouleau d'entraînement jouerait une fonction dans le verrouillage élastique ; qu'il s'ensuit que c'est à juste titre que les premiers juges ont dit que ce document ne détruisait pas la nouveauté de la revendication 1 du brevet français ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Considérant que les appelantes soutiennent également que cette antériorité détruit l'activité inventive de la revendication 1 ; qu'elles ne reprennent pas la discussion qu'elles avaient développée devant les premiers juges en invoquant également d'autres antériorités ;
Considérant que pour écarter l'enseignement de ce modèle d'utilité japonais au titre de l'analyse de l'activité inventive, le tribunal a seulement indiqué que ce document ne pouvait être retenu " dès lors qu'il n'aurait pas conduit, de manière évidente l'homme du métier à l'invention " ;
Considérant que, comme l'exposent exactement les appelantes, il convient de rechercher si l'enseignement du modèle d'utilité japonais, non retenu pour démontrer l'absence de nouveauté, conduisait avec évidence l'homme du métier à parvenir à l'invention telle que mentionnée à la revendication 1 ;
Considérant que, ainsi qu'il a été déjà dit ci-dessus, le dispositif est identique dans la forme générale qu'il présente ; qu'il ne diffère que par la fonction de verrouillage élastique, affectée à la position de la ligne des points chauffants de la tête d'impression en contact avec le rouleau d'entraînement par rapport au diamètre de celui-ci et à l'articulation du couvercle sur la partie fixe ;
Considérant que si, comme le font observer les appelantes, cette fonction de verrouillage élastique due à la position de la ligne de contact des points chauffants de la tête d'impression au delà du diamètre du rouleau passant par la ligne d'articulation n'est pas indiquée dans la revendication 1 du brevet français, elle est néanmoins comprise dans cette revendication puisqu'elle correspond à la fonction des caractéristiques tenant à la position de la zone de contact par rapport au diamètre du rouleau ;
Considérant que la position " au-delà du diamètre " revendiquée par le brevet français correspond à la position figurant sur la figure 1 du modèle japonais qui, si l'on trace une ligne à partir de l'articulation du couvercle sur la partie fixe passant par le diamètre du rouleau détermine également une position du point de contact des points chauffants de la tête d'impression qui se trouve " au-delà " de cette ligne dans le sens du déroulement du papier ;
Que le modèle d'utilité japonais ne dit rien sur l'utilité de cette position alors que le brevet mentionne clairement page 2 lignes 10 et suivantes que, " selon l'une des caractéristiques de l'invention, la zone de contact de la ligne des points chauffants de la tête d'impression sur le rouleau d'entraînement du papier est située au-delà du diamètre de ce rouleau passant par l'articulation du châssis mobile sur le châssis fixe, lorsque le couvercle est refermé. Cette disposition permet d'assurer une pression suffisante, nécessaire au bon maintien du papier sur le cabestan, la tête d'impression formant un verrou élastique à la fermeture du couvercle " ;
Mais considérant que, par ailleurs, l'antériorité japonaise avait également indiqué (page 3 de la traduction colonne 2) que la tête " d'enregistrement " est montée avec faculté de pivotement sur l'axe (4), et poussée en direction du rouleau d'impression par un ressort (3) ;
Qu'ainsi, au vu de cette antériorité, l'homme du métier n'ignorait pas la nécessité d'un système à ressort s'exerçant sur la tête d'impression afin d'assurer le contact avec le rouleau, que d'ailleurs, le préambule du brevet français porte sur un dispositif dans lequel la tête d'impression est portée élastiquement par une partie de le châssis fixe ; que connaissant ce dispositif mis au point pour empêcher un bourrage de papier mais qui enseignait déjà la position d'une zone de contact avec le rouleau au delà du diamètre du rouleau passant par l'articulation du couvercle sur la partie fixe, et la fonction élastique attachée à la tête d'impression (dite encore tête d'enregistrement), il était évident pour l'homme du métier de parvenir par de simples mesures d'exécution à l'invention, la simple expérimentation permettant de voir que non seulement le dispositif du modèle d'utilité japonais permettait d'éviter le bourrage du papier mais également qu'il assurait un perfectionnement du verrouillage élastique ; que la revendication 1 est en conséquence dénuée d'activité inventive ; que le jugement sera réformé de ce chef ;
Considérant qu'il ressort de cette décision que l'action en contrefaçon de la revendication 1 n'est pas davantage fondée que ne le sont les demandes qui en sont le corollaire ;
Considérant que la revendication 1 étant annulée, la présente décision sera transmise à l'INPI aux fins d'inscription au Registre National des Brevets ;
Considérant que le jugement sera également réformé en ce qu'il avait ordonné une expertise ;
Considérant que les appelantes demandent paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;
Mais considérant que cette demande ne saurait prospérer ; qu'en effet, la société AXIOHM a agi sur le fondement d'un brevet français régulièrement délivré et après la délivrance d'un brevet européen et une procédure d'opposition au cours de laquelle le modèle d'utilité japonais avait été analysé ; qu'il n'est ainsi pas démontré, alors qu'elle agissait sur un titre régulièrement délivré, qu'elle aurait engagé l'action et l'aurait poursuivie avec une légèreté blâmable ou dans une intention dolosive ; que cette demande sera rejetée ;
Considérant qu'il n'est pas nécessaire d'ordonner des mesures de publication de l'arrêt ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à chacune des appelantes la somme de 5 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement en date du 22 octobre 2003 rectifié le 29 septembre 2004 sauf en ce qu'il a rejeté la demande en nullité de la revendication 1 du brevet français n° 92 133390 pour défaut d'activité inventive et en ce qu'il a ordonné une mesure d'expertise ;
Le réformant de ces chefs, statuant à nouveau et ajoutant ;
Prononce la nullité de la revendication 1 du brevet français n° 92 13390 pour défaut d'activité inventive ;
Ordonne la transmission du présent arrêt aux fins d'inscription au Registre National des Brevets de l'Institut National de la Propriété Industrielle ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne la société AXIOHM SARL à payer la somme de 5 000 euros à chacune des sociétés suivantes, la société APS ENGINEERING SARL, la société PROFESSIONAL REPRESENTATIVES SARL et la société APS INDUSTRIAL Srl ;
Condamne la société AXIOHM aux entiers dépens ;
Autorise la SCP ROBLIN-CHAIX de LAVARENE-ROBLIN, avoués, à recouvrer les dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.