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Décisions

ADLC, 21 mars 2022, n° 22-DCC-31

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Stokomani par la famille Zouari

ADLC n° 22-DCC-31

21 mars 2022

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 23 février 2022, relatif à la prise de contrôle exclusif du groupe Stokomani par la famille Zouari, formalisée par une promesse unilatérale d’achat en date du 17 décembre 2021 ; 

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les informations complémentaires transmises par la partie notifiante au cours de l’instruction :

Adopte la décision suivante :

Résumé1

Aux termes de la présente décision, l’Autorité a examiné la prise de contrôle exclusif par la famille Zouari, via ses filiales Imanes et HGZ, de 127 points de vente spécialisés dans les produits de bazar et décoration sous enseigne Stokomani situés en France. La famille Zouari est active sur le marché de la distribution au détail de produits de bazar et de décoration par le biais des enseignes Maxi Bazar, qui regroupe 89 magasins dont 57 situés en France, et Dya Shopping, qui exploite 8 magasins situés en France.

Compte tenu des activités de la famille Zouari et de la cible, l’essentiel de l’examen de l’Autorité a porté sur les effets de l’opération sur le marché amont de l’approvisionnement en produits de bazar et de décoration ainsi que sur les marchés aval de la distribution au détail de produits de bazar et de décoration, qui ont été analysés au niveau national et local (dans des zones de chalandise centrées sur les magasins Stokomani).

Sur le marché amont, tout risque d’atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux a pu être écarté, compte tenu de la part de marché limitée des parties. Tel a également été le cas sur le marché de la distribution au détail de produits de bazar et de décoration au plan national.

Sur le marché aval, au niveau local, conformément à sa pratique décisionnelle2, l’Autorité a, dans un premier temps, procédé à une analyse sur un marché restreint intégrant uniquement les grandes surfaces spécialisées en produits de bazar et de décoration, les destockeurs proposant des produits de bazar et de décoration et les grandes surfaces spécialisées en équipement de la personne et de la maison (ci-après, « marché restreint »). Lorsque cela a été nécessaire, elle a également pris en compte la pression concurrentielle exercée par les grandes surfaces alimentaires de plus de 6 000 m².

L’opération conduit à des chevauchements dans 36 zones de chalandise. Dans douze de ces zones de chalandise, la part de marché cumulée des parties est inférieure à 25 %. Tout risque d’atteinte à la concurrence a donc pu être écarté. Dans 23 zones de chalandise centrées sur les magasins Stokomani, la part de marché cumulée des parties est comprise entre 25 % et 45 %, mais la présence d’au moins trois concurrents appartenant au marché restreint identifié par la pratique décisionnelle a suffi à écarter tout risque d’atteinte à la concurrence. Enfin, dans une zone (Rillieux-la-Pape – 69), la part de marché de la nouvelle entité sera légèrement supérieure à 45 %. Toutefois, les parties seront confrontées à la concurrence de quatre opérateurs appartenant au marché restreint, ainsi que de six grandes surfaces alimentaires. Tout problème concurrentiel a donc été écarté.

À l’issue de son analyse concurrentielle, l’Autorité a autorisé l’opération sans condition.

I. Les entreprises concernées et l’opération

A. LES ENTREPRISES CONCERNÉES

1. LA FAMILLE ZOUARI 

1. La famille Zouari (ci-après, « l’acquéreur » ou « la partie notifiante ») détient l’intégralité du capital des sociétés HGZ SAS et Imanes SARL. Par ce biais, elle contrôle, soit exclusivement, soit conjointement avec le groupe Casino, […] magasins sous enseigne Casino, Franprix et Monop’, situés principalement à Paris et en région parisienne3.

2. Par ailleurs, la famille Zouari contrôle conjointement le groupe Picard qui est actif dans le secteur de la distribution de produits surgelés, aux côtés du fonds Lion Capital.

3. La famille Zouari détient enfin  le  contrôle  exclusif  du  groupe  Maxi  Bazar  qui  exploite 89 magasins spécialisés dans le commerce de détail d’articles de bazar et de décoration, dont 57 en France4. Depuis février 2022, le groupe Maxi Bazar détient également le contrôle exclusif de la société Ets André Coo qui exploite 8 magasins sous enseigne « Dya » spécialisés dans le commerce de détail d’articles d’ameublement, de bazar et de décoration à bas prix5.

2. LE GROUPE STOKOMANI

4. Le groupe Stokomani (ci-après, « Stokomani » ou « la cible ») est composé de la société française Stokocorp, holding animatrice du groupe Stokomani et de la société française Stokomani qui a pour activité l’exploitation des magasins situés en France. Cette dernière détient également 100 % du capital de la société de droit chinois Stokomani trading, responsable de l’approvisionnement du groupe Stokomani et de la société de droit français New Fashion Brands, en charge de la gestion du portefeuille de marques et du site de vente en ligne du groupe.

5. Avant l’opération, le capital du groupe Stokomani était majoritairement détenu par le groupe Sagard et la société Claminvest.

B. L’OPÉRATION

6. L’opération consiste en l’acquisition par la famille Zouari, par l’intermédiaire d’Imanes et de HGZ, de […] % du capital de la cible6.

7. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de la cible par la famille Zouari, l’opération notifiée constitue une opération de concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

8. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires hors taxes total sur le plan mondial de plus de 75 millions d’euros (famille Zouari7 : [ >75] millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2020 ; Stokomani : [ >75] millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2020). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 15 millions d’euros dans le commerce de détail (famille Zouari : [>15] millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2020 ; Stokomani : [>15] millions d’euros pour l’exercice clos  le 31  décembre 2019).  Compte tenu de ces  chiffres  d’affaires, l’opération  ne relève pas de la compétence de l’Union européenne. En revanche, les seuils de contrôle relatifs au commerce de détail mentionnés au II de  l’article  L.  430-2  du  code  de  commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

9. Les parties sont simultanément présentes sur les marchés amont de l’approvisionnement de produits de bazar et de décoration et de la distribution au détail de produits de bazar et de décoration8.

10. Les parties sont également actives sur le marché de l’approvisionnement en produits d’ameublement et sur le marché de la distribution de produits d’ameublement à bas prix. Toutefois, au regard de la faible part de marché de la nouvelle entité (inférieure à 5 % sur chacun des marchés concernés visés ci-dessus, quelle que soit la segmentation retenue) et du caractère marginal de l’activité de la cible sur ce marché, tout risque d’atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux peut être écarté sur l’ensemble de ces marchés, qui ne feront pas l’objet d’une analyse détaillée dans le cadre de la présente décision.

A. LES MARCHÉS AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT DE PRODUITS DE BAZAR ET DE DÉCORATION

1. MARCHÉS DE PRODUITS ET DE SERVICES

11. La pratique décisionnelle nationale a retenu des marchés distincts de l’approvisionnement en (i) meubles, (ii) produits de bazar-décoration, (iii) petit électroménager, (iv) gros électroménager, (v) appareils photos et cinéma, (vi) appareils Hi-fi et son, (vii) appareils TV et vidéo et (viii) ordinateurs et périphériques9.

12. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.

13. En l’espèce, les parties à l’opération sont toutes les deux actives, en tant qu’acheteuses, sur le marché de l’approvisionnement en produits de bazar et de décoration.

2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

14. En ce qui concerne les marchés de l’approvisionnement, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence a retenu jusqu’à présent une dimension au moins nationale. Elle a également mené son analyse aux niveaux européen et mondial10.

15. En tout état de cause, la question de la délimitation géographique exacte de ces marchés peut être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées. L’analyse concurrentielle sera ainsi menée en considérant les parts d’achat des parties aux niveaux national, européen et mondial.

B. LES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION AU DÉTAIL DE PRODUITS DE BAZAR ET DE DÉCORATION

1. MARCHÉS DE PRODUITS ET DE SERVICES

16. La pratique décisionnelle nationale a retenu l’existence d’un marché de la distribution de produits de bazar et de décoration, qui inclut l’ensemble des produits de décoration et d’aménagement de la maison, à l’exception des meubles « meublants », et des produits électrodomestiques11.

17. L’Autorité a également envisagé une segmentation des marchés aval de la vente au détail de produits de bazar et de décoration selon deux critères : le prix et le canal de distribution.

La distinction en fonction du prix

18. La pratique décisionnelle a retenu un marché spécifique pour la distribution au détail de produits de bazar et de décoration à bas et moyen prix12. En effet, l’Autorité a relevé que les enseignes présentes sur ce marché distribuent des produits à prix modéré et ne s’appuient pas sur des marques notoires.

19. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente instruction.

La distinction par canal de distribution

20. L’Autorité considère que le marché de la distribution au détail de produits de bazar et de décoration est composé des grandes surfaces spécialisées (ci-après, « GSS ») en produits de bazar et de décoration, des magasins spécialisés en équipement de la personne et de la maison (tels que Bouchara et B&M), des enseignes de déstockage proposant des articles de bazar et de décoration (tels que Noz et Maxxilot) et de certaines grandes surfaces alimentaires (ci-après,« GSA »). S’agissant de ces dernières, l’Autorité a considéré que seules celles disposant d’une surface de vente de plus de 6 000 m² devaient être intégrées dans l’analyse puisqu’elles étaient les seules en mesure d’exercer une véritable pression concurrentielle sur les activités des parties. Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l’occasion de la présente instruction.

21. Enfin, l’Autorité a considéré, tout en laissant ouverte la délimitation précise de ce marché, que, compte tenu de la très faible part représentée par les ventes en ligne de produits de décoration et de bazar, de la nécessité pour le consommateur de voir le produit et du caractère impulsif de l’achat de tels produits, la vente en ligne de produits de décoration et de bazar à bas et moyen prix était susceptible de constituer un marché distinct de la vente en magasin de ces mêmes produits.

22. En l’espèce, compte tenu de la part marginale des ventes en ligne réalisées par les parties à l’opération, la question peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit l’hypothèse retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées. L’analyse concurrentielle sera ainsi menée sur un marché des ventes en magasin physique, d’une part, et sur un marché des ventes en ligne, d’autre part.

2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

23. Les marchés de la distribution font généralement l’objet d’une double analyse à la fois au niveau national et au niveau local. En effet, d’importants paramètres de la concurrence peuvent être évalués au niveau national, notamment lorsque les prix sont dans une large mesure déterminés à ce niveau par des têtes de réseaux ne laissant qu’une faible marge de manœuvre tarifaire aux gérants de magasins. De même, certaines décisions stratégiques non-tarifaires peuvent être centralisées comme, par exemple, la structure des assortiments, les services après-vente, les contrôles de qualité, les campagnes de publicité, les politiques de fidélisation de la clientèle (par le biais, par exemple, de cartes de fidélité), les actions de promotion ou de lancement de nouveaux produits, ou encore la politique d’implantation des magasins.

24. Dans ces conditions, les positions des différents acteurs au niveau national ainsi que les caractéristiques des marchés de produits concernés doivent être prises en compte, afin d’éclairer l’analyse des effets de l’opération sur le marché concerné.

25. Toutefois, dans la décision n° 17-DCC-216 précitée, l’Autorité a constaté que, conformément à sa pratique décisionnelle constante s’agissant du commerce de détail en points de vente physiques, la concurrence entre opérateurs actifs sur le marché de la distribution de produits de bazar et décoration s’exerçait, du point de vue du consommateur, principalement au niveau local, sur des marchés dont la dimension varie en fonction du type de produits concernés et de l’attractivité des magasins.

26. Elle a ainsi considéré que les consommateurs étaient prêts à réaliser un trajet en voiture d’une durée de 20 à 45 minutes pour atteindre un magasin et comparer les produits et les prix d’une enseigne à l’autre13.

27. Elle a relevé que la taille des zones de chalandise variait en fonction de leur localisation. Ainsi, l’Autorité a considéré qu’il convenait d’opérer une distinction entre les magasins situés à Paris et ceux situés en France métropolitaine hors de Paris. L’Autorité a ainsi retenu :

(i) des zones délimitées par un trajet en voiture d’une durée maximale de 20 minutes, pour les magasins situés en dehors de Paris intra-muros ;

(ii) des zones d’un et deux kilomètres pour les magasins situés à Paris intra-muros ;

(iii) des zones délimitées par un trajet en voiture d’une durée maximale de 20, 30 et 45 minutes pour les magasins situés dans les départements et régions d’outre-mer (DROM).

28. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette définition à l’occasion de l’examen de la présente opération.

29. En l’espèce, les parties sont exclusivement actives en France métropolitaine. Leur situation dans les DROM ne sera en conséquence pas étudiée. Par ailleurs, les points de vente Stokomani sont exclusivement présents hors Paris intra-muros. En conséquence, l’analyse locale sera uniquement menée sur des zones délimitées par un trajet en voiture d’une durée maximale de 20 minutes.

30. S’agissant enfin des ventes en ligne, l’analyse concurrentielle est traditionnellement menée au niveau national, eu égard aux différences linguistiques, à l’hétérogénéité des habitudes des consommateurs ainsi qu’aux coûts et délais de livraison14. En l’espèce, l’analyse concurrentielle sera donc menée au niveau français s’agissant de la vente en ligne de produits de bazar et de décoration.

III.   Analyse concurrentielle

31. Compte tenu de la présence simultanée de la famille Zouari, via les enseignes Maxi Bazar et Dya Shopping, et de Stokomani sur le marché amont de l’approvisionnement en produits de bazar et de décoration en tant qu’acheteurs (A), et sur les marchés aval de la distribution au détail de produits de bazar et de décoration en tant qu’offreurs (B), l’analyse concurrentielle portera sur les effets de l’opération sur ces deux marchés.

A. MARCHÉ AMONT DE L’APPROVISIONNEMENT EN PRODUITS DE BAZAR ET DE DÉCORATION

32. Selon les estimations des parties, la part d’achat de la nouvelle entité sera inférieure à 10 % sur le marché français de l’approvisionnement en produits de décoration et de bazar. Cette part d’achat serait inférieure à 5 % sur le marché européen et a fortiori inférieure à 1% sur le marché mondial de l’approvisionnement en produits de bazar et de décoration.

33. L’opération n’est donc pas susceptible d’affecter la concurrence sur le marché amont de l’approvisionnement en produits de bazar et de décoration.

B. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS DE BAZAR ET DE DÉCORATION

34. Avant l’opération, la famille Zouari est présente sur ce marché via le groupe Maxi Bazar qui exploite 57 points de vente situés en France et via la société Ets André Coo qui exploite 8 points de vente sous enseigne « Dya » situés en France. Maxi Bazar et Dya exploitent tous deux un site internet (respectivement www.maxibazar.fr et www.dya-shopping.fr).

35. La cible exploite 127 points de vente sous enseigne Stokomani situés en France ainsi qu’un site internet (www.stokomani.fr).

36. Comme indiqué ci-dessus, les points de vente sous enseigne Stokomani sont exclusivement présents en France métropolitaine hors paris intra-muros.

37. Il y a donc lieu d’analyser les effets horizontaux résultant de la prise de contrôle, par la famille Zouari, de ces 127 points de vente sous enseigne Stokomani, aux niveaux  national  (1) et local (2).

1. ANALYSE CONCURRENTIELLE AU NIVEAU NATIONAL

Les ventes en magasin

38. Les parts de marché des parties ainsi que celles de leurs concurrents ont été estimées en valeur, à partir de données émanant d’une étude de marché relative aux secteurs du bazar et du déstockage réalisée par l’institut Xerfi et fournie par la partie notifiante à l’appui de sa notification15.

39. Conformément à la pratique décisionnelle, les estimations de la position de la nouvelle entité et de ses concurrents sont indiquées sur un marché de la distribution de produits de bazar et de décoration prenant uniquement en compte les GSS en produits de bazar et de décoration, les GSS en équipement de la personne et de la maison et les déstockeurs (ci-après, « marché restreint »). La prise en compte de la position de la nouvelle entité dans une hypothèse conservatrice permet de mesurer la pression concurrentielle exercée par les concurrents directs de cette dernière, mais ne prend pas en compte celles d’autres opérateurs pourtant actifs sur le marché, soit les GSA et certaines enseignes d’ameublement.

40. En l’espèce, la part de marché cumulée des parties au niveau national ne dépassera pas [5-10]% en valeur sur un marché restreint.

41. Par ailleurs, la nouvelle entité sera concurrencée par plusieurs opérateurs directs importants, dont certains disposent de parts de marchés considérablement supérieures à la sienne, notamment Action (22,5 %) et Gifi (20,4 %). De nombreux autres concurrents directs seront également actifs sur le marché, tels que la Foir’Fouille, Centrakor, B&M ou Noz. Enfin, la nouvelle entité sera confrontée à la concurrence des GSA et des enseignes d’ameublement qui proposent des produits de décoration et de bazar et qui sont positionnées sur les prix bas et moyens.

42. En conséquence, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché français de la vente en magasin de produits de bazar et de décoration à bas et moyen prix par le biais d’effets horizontaux.

Les ventes en ligne

43. La partie notifiante a indiqué ne pas disposer d’informations précises sur la valeur des ventes en ligne de produits de bazar et de décoration à bas et moyen prix en France et ainsi ne pas être en mesure d’estimer sa part de marché. Toutefois, les ventes par internet représentent une très faible part de son chiffre d’affaires et de celui de la cible (respectivement moins de 10 % et de 1 %). Par ailleurs, la nouvelle entité sera confrontée sur ce marché à des opérateurs concurrents spécialisés dans la vente en ligne comme Amazon, Cdiscount ou encore La Redoute.

44. L’opération n’est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux au niveau national s’agissant de la vente en ligne de produits de bazar et de décoration à bas et moyen prix.

2. ANALYSE CONCURRENTIELLE AU NIVEAU LOCAL

45. L’opération permettra à la famille Zouari d’acquérir en France 127 points de vente sous enseigne Stokomani.

46. Afin d’apprécier si une opération de concentration est susceptible de porter atteinte à la concurrence sur un marché, les lignes directrices de l’Autorité de la concurrence indiquent que deux critères peuvent être examinés : (i) les parts de marché de la nouvelle entité et (ii) le degré de concentration du marché16. Ces deux critères sont appréciés au cas par cas par l’Autorité de la concurrence en fonction des caractéristiques et de la structure concurrentielle des marchés analysés.

47. Afin d’apprécier les effets de l’opération notifiée, l’Autorité de la concurrence a d’abord mené une analyse fondée sur les parts de marché. En conséquence, dans chacune des zones de chalandise examinées, les parties ont fourni des estimations de parts de marché en surface de vente. Ces parts de marché ont été calculées de la manière suivante.

48. En première approche, et étant donné que l’intégralité des 127 magasins de la cible inclus dans le périmètre de reprise est située hors Paris intra-muros et hors DROM, des zones isochrones correspondant à un temps de déplacement de 20 minutes de trajet en voiture à partir des points de vente de la cible ont été délimitées. La détermination des zones isochrones a conduit à identifier 36 zones de chalandise, centrées sur les magasins de la cible, dans lesquelles les activités des parties se chevauchent.

49. Dans ces zones, l’Autorité a choisi une approche conservatrice conforme à la pratique décisionnelle17. Elle a, dans un premier temps, étudié les parts de marché en surface sur un marché limité aux concurrents les plus proches des parties, à savoir les GSS en produits de bazar et décoration, les GSS en équipement de la maison et de la personne et les déstockeurs.

50. Les parts de marché ont été calculées à partir de la surface de vente de chaque magasin de plus de 300 m², les surfaces des GSS en produits de bazar et de décoration, des GSS en équipement de la maison et de la personne et des déstockeurs étant pondérées pour ne tenir compte que de la surface consacrée au bazar et à la décoration. Cette pondération a été réalisée à partir de données principalement communiquées par la partie notifiante.

51. À l’issue de ce calcul, l’analyse concurrentielle a permis d’identifier trois types de zones de chalandise :

- celles dans lesquelles la part de marché de la nouvelle entité est inférieure à 25 % sur un marché restreint ;

- celles dans lesquelles la part de marché de la nouvelle entité est comprise entre 25 % et 45 % sur un marché restreint ;

- celles dans lesquelles la part de marché de la nouvelle entité est supérieure à 45 % sur un marché restreint.

52. En effet, l’Autorité de la concurrence a déjà considéré à plusieurs reprises, en matière de distribution au détail, qu’une part de marché cumulée des parties de 45 % pouvait justifier que des zones de chalandise soient examinées de manière approfondie18. En particulier, le seuil de 45 % a été utilisé dans la décision n°17-DCC-216 précitée. Il convient de noter qu’en l’espèce, un tel seuil est conservateur puisque les parts de marché de la nouvelle entité ont été calculées sur un marché restreint aux seuls concurrents directs de la nouvelle entité et non sur l’ensemble du marché pertinent, sur lesquels les parts de marché de la nouvelle entité sont moins élevées.

53. La part de marché de la nouvelle entité sera inférieure à 25 % dans 12 des 36 zones de chalandise sur lesquelles un chevauchement s’observe. Tout risque d’effet horizontal peut donc être écarté dans ces zones19.

54. Dans 23 zones, la part de marché de la nouvelle entité sera comprise entre 25 % et 45 %. Dans ces zones, l’Autorité a procédé à une analyse complémentaire en termes de nombre de concurrents à l’issue de l’opération.

55. En l’espèce, dans 22 des 23 zones de chalandise considérées, au moins trois GSS en produits de bazar et de décoration resteront présents dans la zone après réalisation de l’observation.

56. Dans la dernière zone de chalandise concernée, celle de Proville (59), la part de marché de la nouvelle entité s’élèvera au maximum à [40-50]%. En outre, la nouvelle entité sera confrontée à une GSS en produits de bazar et de décoration avec une part de marché de [30-40] %, une GSS en équipement de la personne et de la maison avec une part de marché de [5-10] % et un déstockeur avec une part de marché de [10-20]%.

57. Ainsi, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence dans les 23 zones dans lesquelles la part de marché des parties à l’issue de l’opération est comprise entre 25 % à 45 %.

58. Dans la zone de Rillieux-la-Pape (69), la part de marché de la nouvelle entité s’élèvera au maximum à [40-50] %. Dans cette zone, la nouvelle entité sera confrontée à la pression concurrentielle exercée par trois GSS en produits de bazar et de décoration et une GSS en équipement de la personne et de la maison. Par ailleurs, la nouvelle entité sera également confrontée à la concurrence de six  GSA disposant d’une surface totale de vente de plus de     6 000 m². Or, ainsi qu’il a été indiqué précédemment, ces magasins exercent sur les parties une pression concurrentielle. L’opération n’est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence dans la zone de Rillieux-la-Pape (69).

***

59. Au regard de ce qui précède, l’Autorité estime que l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence.

DÉCIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 22-005 est autorisée.

NOTES :

 1 Ce résumé a un caractère purement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

2 Décision n° 17-DCC-216 du 18 décembre 2017 relative à la prise de contrôle exclusif des actifs des sociétés Lilnat, Vetura et Agora Distribution par la société Groupe Philippe Ginestet.

3 La famille Zouari pourrait également détenir, à la suite de l’autorisation de l’Autorité de la concurrence en date du 27 janvier 2022, le contrôle exclusif de trois magasins à enseigne « La Marnière », actifs dans la distribution au détail de produits alimentaires frais (voir la décision n°22-DCC-10 du 27 janvier 2022 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Beillot, Marnière Viande, Mauldre Primeurs et Plaisirs Frais par la famille Zouari). Cette opération n’a, à ce jour, pas été réalisée.

4 Décision n°21-DCC-272 du 30 décembre 2021 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Maxi Bazar par la famille Zouari.

5 Décision n° 22-DCC-07 du 7 février 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Ets André Coo par le groupe Maxi Bazar.

6 Le capital restant sera acquis, directement ou indirectement, par différents actionnaires dont le fonds d’investissement Tikehau. Aucun de ces co-investisseurs ne disposera toutefois d’un droit de veto sur les décisions stratégiques de la cible.

7 Avant l’opération la Marnière autorisée le 27 janvier 2022 qui n’a à ce jour pas été réalisée, conformément aux points 128 et suivants des lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations.

 8 Dans le cadre de son activité de déstockage, Stokomani offre également des produits alimentaires et des produits dits « droguerie, parfumerie et hygiène ». Toutefois, cette offre ne présente pas un caractère pérenne ; en particulier, les magasins Stokomani n’offrent aucun suivi de références. En outre, cette offre n’est pas complète de sorte qu’elle n’est pas comparable à celle proposée par les magasins de commerce de détail exploités par la famille Zouari. L’opération ne donne donc pas lieu à un quelconque chevauchement sur le marché aval de la distribution alimentaire de détail.

9 Décision n° 17-DCC-216 du 18 décembre 2017 relative à la prise de contrôle exclusif des actifs des sociétés Lilnat, Vetura et Agora Distribution par la société Groupe Philippe Ginestet et les décisions qu’elle cite.

10 Ibid.

1 Voir notamment la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi C2006-155 du 31 août 2007 au conseil de la société Cafom, relative à une concentration dans le secteur de la vente de biens d’équipements de la maison et les décisions de l’Autorité de la concurrence n° 17-DCC-216 du 18 décembre 2017 relative à la prise de contrôle exclusif des actifs des sociétés Lilnat, Veture et Agora Distribution par la société Groupe Philippe Ginestet et n° 15-DCC-28 du 17 mars 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de six points de vente sous enseigne Fly et Atlas par But International.

12 Voir la décision n° 17-DCC-216 précitée et les décisions qu’elle cite.

13 Voir la décision n° 17-DCC-216 précitée et les décisions qu’elle cite.

14 Voir notamment la décision de la Commission européenne M. 5721Otto/Primondo Assets du 16 février 2010 ; la décision de l’Autorité n°09- DCC-26 du 24 juillet 2009 relative à l'acquisition de la société Camif Collectivités par la société Manutan International et la décision n° 17- DCC-216 précitée.

16 Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, paragraphe 565.

17 Voir la décision n° 17-DCC-216 précitée et les décisions qu’elle cite.

18 Décisions de l’Autorité de la concurrence n° 13-DCC-90 et la décision de l’Autorité de la concurrence n° 14-DCC-173.

19 Lignes directrices précitées, paragraphe 624.

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