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Décisions

ADLC, 10 mars 2022, n° 22-DCC-28

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la prise de contrôle exclusif de la société Recommerce Solutions par la société United.b

ADLC n° 22-DCC-28

10 mars 2022

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 9 février 2022, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Recommerce Solutions par la société United.b, formalisée par le protocole de cession et d’acquisition de titres du 23 décembre 2021;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu les éléments complémentaires transmis par la partie notifiante au cours de l’instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l’opération

1. United.b est une société anonyme française, contrôlée exclusivement par la société Bolem, elle- même ultimement détenue par un groupe d’environ 750 actionnaires, personnes physiques liées par des liens familiaux, réunies au sein de l’« Association Famille Mulliez »1. Aucun de ces actionnaires ne contrôle, seul ou conjointement, la société Bolem. United.b est notamment active dans la distribution au détail de produits électrodomestiques (produits bruns, gris et blancs) en France via ses filiales Boulanger, Électro Dépôt France et Vendido. Boulanger exploite 189 magasins sur le territoire français et dispose d’un site internet marchand (www.boulanger.com), lequel accueille également une place de marché électronique. Électro Dépôt France exploite 86 magasins sous enseigne Électro Dépôt sur le territoire français et dispose elle aussi d’un site internet marchand (www.electrodepot.fr). Vendido vend quant à elle des produits d’occasion ou reconditionnés via la place de marché de Boulanger. United.b est également active dans la distribution en gros d’appareils de téléphonie à des détaillants, en particulier des magasins franchisés du réseau Boulanger.

2. La société Recommerce Solutions (ci-après, « Recommerce Solutions » ou « la cible ») est spécialisée dans le reconditionnement de téléphones, ainsi que dans la vente de téléphones reconditionnés. Recommerce Solutions vend également, de manière très marginale, des ordinateurs, des tablettes et des consoles de jeu reconditionnés2.

3. L’opération, formalisée par un protocole de cession et d’acquisition de titres  en date du       23 décembre 2021, consiste en l’acquisition par United.b, par le biais de la société Ensokas créée pour les besoins de l’opération, de la majorité du capital et des droits de vote de Recommerce Solutions. À l’issue de l’opération, Ensokas détiendra plus de 75 % du capital social et des droits de vote de Recommerce Solutions et aura le pouvoir de nommer la majorité des membres du conseil de surveillance. Une majorité simple des membres du conseil de surveillance étant requise pour l’approbation du budget annuel de la cible, pour la nomination et la révocation de ses dirigeants, ainsi que pour toute décision susceptible de modifier son orientation stratégique ou celle de ses filiales, la société Ensokas sera donc en mesure de prendre seule les décisions stratégiques de Recommerce Solutions. Ensokas sera elle-même contrôlée exclusivement par la société United.b, qui détiendra les deux-tiers de son capital et de ses droits de vote.

4. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de Recommerce Solutions et de ses filiales par United.b, l’opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions  d’euros (United.b : [≥ 150 millions]  d’euros pour l’exercice  clos le     31 décembre 2020 ; Recommerce Solutions : [≤ 150 millions] pour l’exercice clos le 30 juin 2021). Chacune de ces entreprises réalise en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (United.b : [≥ 50 millions] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2020 ;

Recommerce Solutions : [≥ 50 millions] pour l’exercice clos le 30 juin 2021). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension européenne. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce, relatives à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

6. Les parties sont toutes deux actives dans le commerce d’appareils de téléphonie mobile3, qui appartiennent à la famille des produits électrodomestiques.

7. Dans le secteur des produits électrodomestiques, les autorités de concurrence retiennent généralement deux catégories de marchés : les marchés amont de l’approvisionnement des entreprises auprès des fournisseurs (A) et les marchés aval qui mettent en présence les distributeurs et les consommateurs finals (B).

A. LES     MARCHÉS    AMONT     DE     L’APPROVISIONNEMENT    EN PRODUITS DE TÉLÉPHONIE

1. LES MARCHÉS DE PRODUITS

8. S’agissant des marchés amont de l’approvisionnement, les autorités de concurrence ont relevé que « les producteurs fabriquent des produits ou groupes de produits particuliers et ne sont pas techniquement en mesure de se reconvertir facilement dans la fabrication d’autres produits sans coûts conséquents »4. De plus, « au niveau des approvisionnements, on peut considérer qu’il existe autant de marchés que de familles de produits sur lesquels porte la négociation, chaque distributeur mettant en concurrence les divers fournisseurs sur chacun des marchés »5.

9. En se fondant sur l’organisation des divisions « achat » des distributeurs de produits électrodomestiques, les autorités de concurrence ont ainsi recours à une segmentation selon les groupes de produits suivants : (i) gros électroménager ; (ii) petit électroménager ; (iii) appareils photo/cinéma ; (iv) appareils hi-fi/son ; (v) appareils TV/vidéo ; (vi) ordinateurs/périphériques et (vii) téléphonie6.

10. Concernant plus particulièrement le marché de l’approvisionnement en produits de téléphonie, une distinction supplémentaire pourrait être envisagée entre les appareils neufs et ceux reconditionnés7. Selon la partie notifiante, les opérateurs tels que Recommerce Solutions sont spécialisés dans le reconditionnement d’appareils de téléphonie et ne fournissent pas de téléphones neufs aux distributeurs. Le rapport de l’ARCEP du 3 juin 2021 sur le renouvellement des terminaux mobiles et les pratiques commerciales de distribution confirme ce constat, tout en soulignant la diversité de ces opérateurs : « de multiples acteurs spécialisés dans le reconditionnement se développent et structurent peu à peu le marché. Les reconditionneurs, multiples et de différentes tailles, peuvent avoir des pratiques variées ; de l’unique action de reconditionnement (reformatage, petite réparation) à la maîtrise de l’ensemble de la chaîne qui comprend alors la collecte de terminaux, le reconditionnement en tant que tel, mais aussi la revente et réemploi. Certains acteurs sous-traitent certaines étapes à des prestataires, d’autres internalisent l’ensemble. De la même manière, ils peuvent vendre en propre (comme le fait par exemple la marque Smaaart de Sofi Groupe) mais aussi proposer leurs services de reconditionnement aux acteurs traditionnels de la distribution (opérateurs, fabricants, retailers) en apportant un savoir-faire, des garanties voire des labels pour la seconde commercialisation du produit. »8. En outre, il semble que les appareils de téléphonie neufs et reconditionnés ne soient pas totalement substituables pour les distributeurs d’appareils de téléphonie. Ainsi, selon le rapport de l’ARCEP précité, « les opérateurs [de communications électroniques] vendent très majoritairement des terminaux neufs. Néanmoins, ils ont récemment étoffé leurs catalogues avec des terminaux reconditionnés, dans une logique de prise en compte des enjeux environnementaux et avec pour objectif d’augmenter la place du reconditionné dans les prochaines années »9.

11. En l’espèce, la question de la délimitation des marchés amont de l’approvisionnement en produits électrodomestiques peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeureront inchangées.

12. Ce marché sera analysé au titre des effets verticaux de l’opération. En effet, United.b achète des appareils de téléphonie neufs et reconditionnés pour les revendre, tandis que Recommerce Solutions fabrique des appareils de téléphonie reconditionnés.

2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

13. Les autorités de concurrence considèrent que les marchés de l’approvisionnement en produits électrodomestiques sont de dimension au moins nationale, voire européenne10.

14. Au cas d’espèce, la question de la délimitation géographique de ces marchés peut être laissée ouverte, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelles que soient les segmentations retenues.

B. LES MARCHÉS INTERMÉDIAIRES ET AVAL DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS DE TÉLÉPHONIE

1. LES MARCHÉS DE PRODUITS

a) Marché intermédiaire de la distribution en gros de produits de téléphonie

15. La pratique décisionnelle nationale11 et européenne12 a déjà eu l’occasion d’envisager l’existence d’un marché de la distribution en gros de produits électrodomestiques.

16. La pratique décisionnelle a envisagé une segmentation de la distribution en gros de ces produits par groupe de produits (gros électroménager (i), petit électroménager (ii), appareils photo/cinéma (iii), appareils hi-fi/son (iv), appareils TV/vidéo (v), ordinateurs/périphériques (vi), et téléphonie (vii)) et par canal de distribution.

17. S’agissant du marché de la distribution en gros de produits de téléphonie, la pratique décisionnelle a également envisagé, tout en laissant la question ouverte, une distinction supplémentaire entre appareils de téléphonie neufs et reconditionnés13.

18. La définition exacte des marchés de la distribution en gros de produits électrodomestiques peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la segmentation retenue, les conclusions de l’analyse concurrentielle resteront inchangées.

19. En l’espèce, seul l’acquéreur est présent sur ce marché en tant que grossiste-fournisseur d’appareils de téléphonie à des détaillants. Ce marché sera donc analysé au titre des effets verticaux de l’opération, la cible étant présente à l’aval en tant que détaillant.

b) Marché aval de la distribution au détail de produits « gris »

20. La pratique décisionnelle a envisagé une segmentation des marchés aval de la vente au détail de produits électrodomestiques selon le type de clientèle (particuliers ou professionnels)14, les familles de produits concernés et par canal de distribution.

21. S’agissant  des  familles  de  produits,  les  autorités  de  concurrence  distinguent  les produits« blancs », les produits « bruns », et les produits « gris »15. Ces derniers incluent les appareils de téléphonie, qui pourraient constituer un marché distinct selon la pratique décisionnelle16. L’Autorité de la concurrence a également envisagé, tout en laissant la question ouverte, une distinction supplémentaire entre les appareils de téléphonie neufs et reconditionnés au sein des produits de téléphonie17.

22. Par ailleurs, l’Autorité de la concurrence a considéré qu’un découpage plus fin du marché des produits gris selon leur gamme de prix pouvait être pertinent18.

23. S’agissant des canaux de distribution, les produits électrodomestiques sont vendus aux consommateurs finals principalement par le biais de deux canaux de distribution distincts : les ventes à distance et les ventes en points de vente physique.

Un marché unique réunissant les ventes à distance et les ventes en points de vente physiques

24. Depuis la décision n° 16-DCC-111 du 27 juillet 2016, Fnac/Darty, la pratique décisionnelle estime qu’il convient d’inclure à la fois les ventes réalisées en magasin et celles sur Internet au sein de l’analyse du marché aval de la distribution au détail des produits bruns et gris19. Dans la décision n° 16-DCC-111 précitée, l’Autorité de la concurrence a en effet considéré que, même si la substituabilité de ces deux canaux n’est pas parfaite, elle est désormais suffisante pour considérer que les ventes en ligne exercent une pression concurrentielle telle sur les ventes en magasin que ces canaux doivent être considérés comme faisant partie du même marché.

25. En effet, l’Autorité a constaté que le développement de la vente en ligne dans le secteur des produits électroniques au cours des cinq années qui ont précédé sa décision s’est accompagné d’un amenuisement significatif des différences qui avaient été relevées par la pratique décisionnelle antérieure entre la vente en ligne et la vente en magasins. Elle a notamment constaté que les enseignes traditionnelles de la distribution de produits électroniques avaient progressivement adopté une stratégie « omnicanal » réunissant les deux canaux de distribution pour n’en former qu’un seul aux yeux du consommateur, en particulier en adoptant leurs stratégie tarifaire à celle des opérateurs tout en ligne. Les opérateurs de la vente en ligne ont quant à eux amélioré les services proposés aux clients pour correspondre aux critères fixés par la vente en magasin. Enfin, l’Autorité a constaté que les consommateurs intégraient internet dans leur comportement d’achat, tant en ce qui concerne la comparaison des offres à l’amont que pour l’acte d’achat lui-même.

26. L’ensemble de ces constats étant toujours fondés au jour de la présente décision, il n’y a pas lieu de remettre en cause, dans le cas d’espèce, cette délimitation des marchés qui retient un canal de vente unique pour les produits gris.

Les points de vente physiques présents sur le marché de la distribution au détail des produits électrodomestiques

27. Les autorités de concurrence retiennent traditionnellement trois critères pour délimiter les marchés de la distribution en points de vente physique : le type de produits vendus, le format et la taille des magasins, dans la mesure où seuls les magasins qui offrent de manière constante tout au long de l’année un large assortiment de produits exercent une réelle pression concurrentielle les uns sur les autres.

28. Ainsi, selon la pratique décisionnelle de l’Autorité20, une grande surface spécialisée (ci-après « GSS ») en produits électrodomestiques, telle que Boulanger, est en concurrence avec les autres GSS (Fnac Darty), les grandes surfaces multi-spécialistes (Conforama et But), qui proposent, outre des produits électrodomestiques, des produits d’ameublement et de décoration, les groupements d’opérateurs indépendants (Euronics/Gitem, Connexion, Digital ou Expert), les magasins de proximité, et les grandes surfaces alimentaires (ci-après « GSA »), ainsi qu’avec les magasins hard-discount spécialisés dans le commerce de détail de produits électrodomestiques (Électro Dépôt).

29. S’agissant des grandes surfaces multi-spécialistes, l’Autorité considère qu’elles exercent une pression concurrentielle inégale sur les GSS dans la mesure où toutes n’offrent pas les trois gammes de produits blancs, bruns et gris et où la surface moyenne et la part des produits électrodomestiques est très variable selon les enseignes. Alors qu’elle atteint plus de 80 % pour les magasins spécialisés comme Darty, Connexion ou Boulanger, elle reste inférieure à 20 % pour les grandes surfaces d’ameublement (But, Conforama).

30. S’agissant des GSA, les autorités de concurrence ont relevé qu’elles se distinguent traditionnellement des GSS par des gammes de produits, des assortiments et des services offerts plus réduits. Elles ont toutefois considéré que certaines GSA disposent de rayons permanents comparables à ceux des GSS et proposent un nombre significatif de références de produits électrodomestiques, couvrant en général l’ensemble du spectre des produits blancs, bruns et gris, avec les mêmes caractéristiques en termes de produits que les GSS. La pratique décisionnelle considère donc ces GSA comme substituables aux GSS. Elle estime également qu’en deçà d’un seuil de 2 500 m² de surface de vente totale, les magasins ne sont pas en mesure de proposer un assortiment comparable à celui proposé par les GSS ou n’offrent des produits électrodomestiques que de manière ponctuelle comme « produits d’appel ».

31. S’agissant des autres spécialistes (groupements d’opérateurs indépendants, magasins de proximité), l’Autorité considère que seuls les groupements d’opérateurs indépendants (tels que Euronics/Gitem, Connexion, Pro&Cie, Digital ou Pulsat) ainsi que les magasins de proximité « d’une surface de plus de 300 m² [sont] en mesure d’offrir une gamme diversifiée de produits blancs, bruns ou gris »21 et peuvent donc concurrencer les GSS.

32. S’agissant des magasins hard discount, l’Autorité considère, dans le secteur du commerce de détail de produits alimentaires, qu’ils relèvent du même marché que les supermarchés. Elle a transposé cette analyse au secteur de la distribution au détail de produits électrodomestiques, prenant ainsi en compte des enseignes telles qu’Électro Dépôt dans son analyse concurrentielle22.

33. Dans la décision n° 16-DCC-111 précitée, l’Autorité a également pris en compte pour les besoins de l’analyse concurrentielle les magasins Apple Store dont la surface est supérieure à 300 m².

34. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l’occasion de la présente opération.

2. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

a) Marché intermédiaire de la distribution en gros d’appareils de téléphonie

35. Au niveau géographique la pratique décisionnelle a envisagé l’existence de marchés de distribution en gros de produits électrodomestiques de dimension nationale, voire régionale, sans toutefois se prononcer définitivement23.

36. En tout état de cause, la question de la délimitation exacte des marchés géographiques de la distribution en gros d’appareils de téléphonie peut être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurent inchangées quelle que soit la délimitation retenue.

b) Marché aval de la distribution au détail de produits « gris »

37. Dans le secteur du commerce de détail en points de vente physiques, conformément à la pratique décisionnelle, la concurrence s’exerce, du point de vue du consommateur, principalement au niveau local sur des marchés dont la dimension varie en fonction du type de produits concernés et de l’attractivité des magasins.

38. Concernant le secteur du commerce en ligne, l’Autorité a relevé, dans la décision n° 16-DCC- 111 précitée, que l’essor de la vente en ligne a conduit les opérateurs du secteur à harmoniser leurs politiques tarifaires et commerciales au niveau national pour les deux canaux de vente, en magasins et en ligne. Toutefois, l’inclusion des sites de vente en ligne dans le marché de la distribution des produits gris, au même titre que les points de vente physiques, n’implique pas d’analyser exclusivement un marché national.

39. En effet, l’Autorité a également mené son analyse concurrentielle au niveau local, dans la mesure où les GSS prennent notamment en compte des déterminants locaux de concurrence dans la définition de leurs politiques commerciales et tarifaires.

40. En ce qui concerne la dimension locale des marchés, l’Autorité a mené son analyse concurrentielle dans des zones de chalandise dont les aires varient en fonction de la localisation des magasins cibles :

(i) En province (hors grandes villes), l’Autorité a retenu des zones de chalandise correspondant à des temps de trajet de 30 minutes en voiture.

(ii) En banlieue parisienne et dans les grandes villes de province, elle a retenu des zones de chalandise correspondant à des temps de trajet de 20 minutes en voiture.

(iii) À Paris, elle a retenu une zone correspondant à la ville de Paris intra-muros et des zones de chalandise plus réduites d’un rayon de trois kilomètres autour des points de vente concernés.

41. Toutefois, la partie notifiante estime que, si un marché pour la distribution au détail de téléphones reconditionnés devait être retenu, ce dernier serait au moins de dimension nationale en raison de l’importance particulière des ventes en ligne sur ce marché et de la présence de nombreux opérateurs internationaux, notamment sur les places de marché en ligne.

42. En tout état de cause, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la question la délimitation exacte de cet éventuel marché, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelle que soit l’hypothèse retenue.

43. En l’espèce, les parties sont actives sur la totalité du territoire national, dans le cadre de leur activité de vente en ligne. En outre, les points de vente physiques des filiales de l’acquéreur United.b sont situés sur l’ensemble du territoire national : en province, dans les grandes villes de province ainsi qu’à Paris.

III. Analyse concurrentielle

 44. Les parties sont simultanément actives sur le marché de la distribution au détail d’appareils de téléphonie aux particuliers. Elles sont également présentes à différents niveaux de la chaîne de valeur du commerce d’appareils de téléphonie, Recommerce Solutions étant spécialisé dans le reconditionnement de téléphones alors que United.b a une activité de grossiste en appareils électrodomestiques.

45. Les effets horizontaux (A) et verticaux (B) de l’opération seront analysés successivement.

A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX SUR LE MARCHÉ AVAL DE LA DISTRIBUTION AU DÉTAIL DE PRODUITS GRIS

46. En France, United.b est actif sur les marchés de la distribution au détail aux particuliers de produits électrodomestiques (dont des produits gris) en magasins physiques et en ligne, par le biais de ses filiales Boulanger, Électro-Dépôt France et Vendido. Recommerce Solutions distribue quant à elle des appareils de téléphonie, soit directement sur son site internet soit par le biais de places de marché en ligne (telles que BackMarket, Cdiscount, Rakuten, etc.)24.

47. Selon la pratique décisionnelle, il est présumé que l’opération ne porte pas atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux unilatéraux lorsque la part de marché de la nouvelle entité est inférieure à 25 %25.

48. Au niveau national, la part de marché cumulée des parties est inférieure à 25 % concernant la distribution au détail de produits gris, quelle que soit la segmentation envisagée (marché global des produits gris éventuellement segmenté selon la gamme de prix et marché des appareils de téléphonie éventuellement segmenté entre appareils de téléphonie neufs et reconditionnés).

49. Ainsi, l’opération n’est pas de nature à soulever des problèmes de concurrence sur les marchés de la distribution au détail de produits gris au niveau national, quelle que soit la segmentation envisagée.

50. Au niveau local, conformément à la pratique décisionnelle établie par la décision n° 16-DCC- 111 précitée, les parties ont estimé leurs parts de marché locales, sur chacune des 241 zones de chalandise où sont présents des magasins à enseigne Boulanger ou Électro-Dépôt, en prenant en compte les ventes en ligne.

51. Sur les marchés de la distribution au détail de produits gris et sur ceux de la distribution au détail d’appareils de téléphonie neufs et reconditionnés, la part de marché cumulée des parties restera inférieure à 50 % et la concentration entraînera une addition de parts de marché inférieure à 2 % dans toutes les zones locales.

52. Dans l’hypothèse où il y aurait lieu de segmenter le marché des produits gris par gamme26, la part de marché des parties sur un éventuel marché des produits gris d’entrée de gamme n’excédera pas 50 % et l’opération entraînera une addition de parts de marché inférieure à 2 % sur toutes les zones de chalandise. Il en sera de même sur un éventuel marché des produits gris de moyenne gamme dans l’ensemble des 241 zones de chalandise concernées par l’opération, à l’exception de la zone de chalandise des magasins Boulanger et Électro Dépôt de Dunkerque et de celle des magasins Boulanger et Électro Dépôt de Fréjus. Dans ces deux zones de chalandise, la partie notifiante estime que sa part de marché sera d’environ [50-60] % sur le marché de la distribution au détail de produits gris de moyenne gamme. Toutefois, dans ces deux zones, l’opération entraînera une addition de parts de marché très marginale, de l’ordre de [0-5] %. En outre, la nouvelle entité sera toujours confrontée à de nombreux concurrents dans chacune de ces zones de chalandise, tels que notamment Auchan, Carrefour, Cora, Gitem et Pro&Cie à Dunkerque et Carrefour, Darty, Géant Casino et MDA Électroménager à Fréjus.

53. Enfin, s’agissant d’un éventuel marché de la distribution au détail de téléphones reconditionnés, la part de marché cumulée des parties restera inférieure à 25* % dans toutes les zones locales.

54. Ainsi, au vu de la présence limitée des parties sur ces marchés et du nombre d’acteurs présents sur les zones de chalandise de Dunkerque et de Fréjus, l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés aval de la vente au détail des produits gris au niveau local.

B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX

 55. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l’accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l’entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval, ou les marchés amont, lorsque la branche aval de l’entreprise intégrée refuse d’acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux.

56. Cependant, la pratique décisionnelle considère en principe qu’un risque d’effet vertical peut être écarté dès lors que la part de marché de l’entreprise issue de l’opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %27.

57. En l’espèce, les parties sont présentes à différents niveaux de la chaîne de valeur du commerce d’appareils de téléphonie, Recommerce Solutions étant spécialisé dans le reconditionnement de téléphones alors que United.b a une activité de grossiste en appareils électrodomestiques. En outre, les parties étant également toutes deux présentes sur le marché aval de la distribution au détail d’appareils de téléphonie, l’opération entraînera une augmentation de la part de marché de la nouvelle entité sur ce marché.

58. Il convient donc d’examiner les risques d’atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux entre (i) le marché amont de l’approvisionnement en produits de téléphonie et le marché de la distribution en gros d’appareils de téléphonie, (ii) le marché amont de l’approvisionnement en produits de téléphonie et le marché de la distribution au détail de produits de téléphonie, certains détaillants s’approvisionnant directement auprès de fournisseurs sans passer par des grossistes, et enfin (iii) les marchés de la distribution en gros et au détail d’appareils de téléphonie.

59. S’agissant du marché amont de l’approvisionnement en produits de téléphonie, la part de marché de la cible n’excède pas 1 % que ce soit au niveau européen ou au niveau national. Sur un éventuel marché de l’approvisionnement en appareils de téléphonie reconditionnés, sa part de marché est de 2 % au niveau européen et de 16,6 % au niveau national.

60. S’agissant de la distribution en gros d’appareils de téléphonie, au niveau national comme régional, la part de marché du groupe United.b est inférieure à 30 % que ce soit sur le marché global des appareils de téléphonie ou sur un éventuel marché distinct des appareils de téléphonie reconditionnés.

61. Enfin, comme précédemment évoqué, s’agissant du marché aval de la distribution au détail de produits gris, la part de marché des parties est inférieure à 30 % au niveau national, quelle que soit la segmentation retenue.

62. Ainsi, compte tenu des positions limitées de la nouvelle entité sur les marchés précités, l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux.

DÉCIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 21-310 est autorisée.

NOTES :

1 Pour plus de détails sur l’Association Famille Mulliez, voir la décision de l’Autorité de la concurrence n° 20-DCC-163 du 17 novembre 2020 relative à la fusion de fait entre les groupes Oosterdam et Happychic.

2 Recommerce Solutions développe en outre, par le biais de sa filiale Circular X, une plateforme logicielle ayant à terme pour but d’accompagner les détaillants dans la création d’une activité de seconde vie « omnicanal ».Toutefois, cette plateforme n’est pas encore déployée sur le marché : elle est uniquement en phase de test dans un nombre réduit de magasins Boulanger et Darty, ainsi que sur le site internet de Leroy Merlin. À la date de la notification, moins de 100 produits avaient été repris par la plateforme Circular X, en dehors de son utilisation interne par Recommerce Solutions.

3 Recommerce Solutions vend également des tablettes et des consoles de jeu reconditionnés. Toutefois, cette activité est très marginale et représente 1 % environ de son chiffre d’affaires.

4 Avis n° 07-A-06 de l’Autorité de la concurrence du 16 juillet 2007 relatif à l’acquisition par la société Cafom du pôle distribution de la société Fincar dans le secteur de la vente d’équipement de la maison ; lettre C2006-155 du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi du 31 août 2007 au conseil de la société Cafom, relative à une concentration dans le secteur de la vente de biens d’équipements de la maison ; décisions n° 09-DCC-21 de l’Autorité de la concurrence du 23 juillet 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société DVMM par le groupe But ; n° 09-DCC-62 de l’Autorité de la concurrence du 2 novembre 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Modera par le groupe But ; n° 11-DCC-87 de l’Autorité de la concurrence du 10 juin 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Media Concorde SNC par la société High Tech Multicanal Group ; n° 15-DCC-101 du 30 juillet 2015 relative à la prise de contrôle exclusif de GrosBill SA par mutares AG ; n° 16-DCC-111 du 27 juillet 2016 relative à la prise de contrôle exclusif de Darty par la Fnac ; n° 18-DCC- 131 du 3 août 2018 relative à la prise de contrôle exclusif par la société Boulanger de deux fonds de commerce exploités sous l’enseigne Darty et n° 20-DCC-49 du 27 mars 2020 relative à la prise de contrôle exclusif de Top Achat par le groupe LDLC.

5 Voir notamment les décisions de l’Autorité n° 20-DCC-49 et n° 16-DCC-111 précitées ainsi que la décision de l’Autorité n° 17-DCC-34 du 16 mars 2017 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Modelabs Mobiles par la société RemadeGroup.

6 Ibid.

7 Selon l’article R. 122-4 du code de la consommation, « un produit ou une pièce détachée d'occasion, au sens de l'article L. 321-1 du code de commerce, peut être qualifié de « produit reconditionné » ou être accompagné du terme « reconditionné », dès lors que les conditions suivantes sont réunies :1° le produit ou la pièce détachée a subi des tests portant sur toutes ses fonctionnalités afin d'établir qu'il répond aux obligations légales de sécurité et à l'usage auquel le consommateur peut légitimement s'attendre ; 2° s'il y avait lieu, le produit ou la pièce détachée a subi une ou plusieurs interventions afin de lui restituer ses fonctionnalités. Cette intervention inclut la suppression de toutes les données enregistrées ou conservées en lien avec un précédent usage ou un précédent utilisateur, avant que le produit ou la pièce ne change de propriétaire ».

8 ARCEP, Rapport du 3 juin 2021 sur le renouvellement des terminaux mobiles et les pratiques commerciales de distribution, p. 34. 9 ARCEP, Rapport du 3 juin 2021 sur le renouvellement des terminaux mobiles et les pratiques commerciales de distribution, p. 14. 10 Décision de l’Autorité n° 20-DCC-49 précitée.

11 Voir les décisions de l’Autorité n° 17-DCC-34 et n° 16-DCC-42 précitées, ainsi que la décision n° 11-DCC-200 du 13 décembre 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Dubost Holding par la société Findis.

12 Décision de la Commission européenne COMP/M. 4226, DSGI / Fotovista, point 20.

13 Décision n° 17-DCC-34 précitée, point 28.

14 Voir la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 10 octobre 2006, au conseil de la société Inmac Wstore, relative à une concentration dans le secteur des produits informatiques et la décision de l’Autorité n°09-DCC-39 du 4 septembre 2009 relative à l’acquisition par Systemax de Wstore Europe S.A.

15 Voir notamment les décisions de l’Autorité n° 20-DCC-49, n°18-DCC-131, n° 17-DCC-34 et n° 16-DCC-111 précitées.

16 Décision n° 17-DCC-34 précitée, point 25. 17 Décision n° 17-DCC-34 précitée, point 28. 18 Décision n° 20-DCC-49 précitée, point 19.

19 Décision n° 16-DCC-111 précitée, point 155.

20 Décisions n° 11-DCC-87, n° 16-DCC-111, n° 18-DCC-131 et n° 20-DCC-49 précitées.

21 Ibid.

22 Ibid.

23 Voir notamment les décisions n° 17-DCC-34 et n° 11-DCC-200 précitées.

24 Comme évoqué précédemment, Recommerce Solutions vend également des tablettes et des consoles de jeu reconditionnés. Toutefois, cette activité est très marginale et représente 1 % environ de son chiffre d’affaires.

25 Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relative au contrôle des concentrations, point 624.

26 L’opération n’entraînera aucun chevauchement sur un éventuel marché des produits gris de haut de gamme, la cible n’étant pas active sur ce marché.