CA Grenoble, ch. com., 7 avril 2022, n° 21/00534
GRENOBLE
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Orchidée (SARL), Distribution Casino France (SAS), Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Figuet
Conseillers :
Mme Blanchard, M. Bruno
Faits et procédure :
1. Afin de réaliser une reconversion professionnelle, X, anciennement technicien au sein de la société Air France, s'est porté acquéreur d'un fonds de commerce de détail sous l'enseigne Spar, marque appartenant à la société Distribution Casino France (ci-après la société Casino). Ce fonds a été cédé par madame Y et la société Orchidée, qui l'exploitaient dans la ville de Tallard (05), madame Y envisageant de mettre fin à son activité professionnelle. La société Z a été constituée afin d'acquérir ce fonds.
2. L'acte de cession du fonds de commerce sous conditions suspensives a été signé le 12 octobre 2014, au prix à parfaire de 140.700 euros. La société Z a souscrit à cette fin un prêt de 115.000 euros auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes-Provence (ci-après le Crédit Agricole). Pascal et son fils Jérémy X se sont portés cautions solidaire du remboursement de ce prêt, à hauteur de 40.000 euros chacun, étant associés dans la Sarl Z. La signature définitive de l'acte de cession est intervenue le 13 décembre 2014.
3. Invoquant des difficultés importantes dès les premiers mois de l'exploitation, la Sarl Z a sollicité du président du tribunal de commerce de Gap la désignation d'un administrateur ad'hoc, demande à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 27 novembre 2015.
4. Dans son rapport du 10 juin 2016, maître L., administrateur désigné par le président du tribunal, a indiqué que l'origine de sa désignation résulte d'une tension de trésorerie générée principalement par une perte de chiffre d'affaires ; que la société Z est liée à la société Casino aux termes d'un contrat de franchise ; que l'ouverture d'un magasin Intermarché sur la [...] depuis septembre 2015 a constitué l'événement majeur de la vie de l'entreprise, alors que le projet de cette ouverture n'est pas entré en ligne de compte dans les négociations préalables à la cession du fonds ; que du chef de l'installation de ce concurrent, le chiffre d'affaires et la trésorerie ont été directement affectés, malgré l'augmentation des horaires d'ouverture. L'administrateur a également souligné la dissimulation de l'absence de répercussion des nouveaux prix imposés par le franchiseur sur une longue période.
5. Le 14 octobre 2016, le tribunal de commerce de Gap a prononcé la liquidation judiciaire de la société Z. La Scp J.P L. et A. L. a été désignée liquidateur.
6. Le 8 novembre 2017, le liquidateur de la Sarl Z, ainsi que Pascal et Jérémy X, ont assigné madame Y ainsi que la société Orchidée, la société Casino et le Crédit Agricole, afin de voir annuler le contrat de cession, de voir condamner madame Y et la société Orchidée à rembourser au liquidateur le prix de la cession, ainsi qu'afin de voir condamner ces personnes et la société Casino à payer l'intégralité du passif de la société Z. Ils ont également demandé l'annulation des cautionnements souscrits par les consorts X, avec la condamnation du Crédit Agricole à leur payer 10.000 euros au titre de leur préjudice moral. Ils ont demandé la condamnation de madame Y, de la société Orchidée et de la société Casino à relever et garantir les consorts X de toute condamnation éventuellement prononcée à leur encontre du chef de leurs cautionnements, outre le paiement de 70.000 euros à titre de dommages et intérêts.
7. Par jugement du 18 décembre 2020, le tribunal de commerce de Gap a :
- Déclaré recevables mais mal fondées les demandes du liquidateur dirigées contre madame Y et la société Orchidée ;
- Donné acte aux demandeurs qu'ils ne sollicitent pas la nullité du contrat de franchise Spar ;
- Constaté que la société Casino a fourni à la société Z un document d'information précontractuel conforme aux dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce ;
- Constaté que les demandeurs ne rapportent pas la preuve d'une faute délictuelle de la société Casino ;
- Constaté que les demandeurs ont toujours été informés du projet d'ouverture d'un magasin Intermarché ;
- constaté que l'acte de prêt ayant été signé entre professionnels, il ne peut être annulé automatiquement comme un crédit immobilier consenti à un consommateur ;
- Constaté que la Sarl Z ne démontre aucun vice intrinsèque de l'acte de prêt permettant de justifier une demande de nullité de ce concours ;
- Constaté l'absence de faute ou de toute négligence fautive commise par le Crédit Agricole ;
- Par conséquent, débouté maître L. ès-qualités de liquidateur de la société Z, Pascal et Jérémy X, de l'intégralité de leurs demandes ;
- Condamné solidairement maître L. ès-qualités de liquidateur de la société Z, Pascal et Jérémy X au paiement de la somme de 500 euros à la société Casino à titre de dommages et intérêts ;
- Condamné solidairement maître L. ès-qualités de liquidateur de la société Z, Pascal et Jérémy X à payer à madame Y et à la société Orchidée la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- Condamné solidairement maître L. ès-qualités de liquidateur de la société Z, Pascal et Jérémy X, à payer à chacune des parties en défense la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance.
8. Maître L. ès-qualités de liquidateur de la société Z, Pascal et Jérémy X, ont interjeté appel de cette décision le 29 janvier 2021, en ce que le tribunal a :
- Déclaré mal fondées les demandes du liquidateur dirigées contre madame Y et la société Orchidée ;
- Constaté que la société Casino a fourni à la société Z un document d'information précontractuel conforme aux dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce ;
- Constaté que les demandeurs ne rapportent pas la preuve d'une faute délictuelle de la société Casino ;
- Constaté que les demandeurs ont toujours été informés du projet d'ouverture d'un magasin Intermarché ;
- Constaté que l'acte de prêt ayant été signé entre professionnels, il ne peut être annulé automatiquement comme un crédit immobilier consenti à un consommateur ;
- Constaté que la Sarl Z ne démontre aucun vice intrinsèque de l'acte de prêt permettant de justifier une demande de nullité de ce concours ;
- Constaté l'absence de faute ou de toute négligence fautive commise par le Crédit Agricole ;
- Par conséquent, débouté maître L. ès-qualités de liquidateur de la société Z, Pascal et Jérémy X, de l'intégralité de leurs demandes ;
- Condamné solidairement maître L. ès-qualités de liquidateur de la société Z, Pascal et Jérémy X, au paiement de la somme de 500 euros à la société Casino à titre de dommages et intérêts ;
- Condamné solidairement maître L. ès-qualités de liquidateur de la société Z, Pascal et Jérémy X à payer à madame Y et à la société Orchidée la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- Condamné solidairement maître L. ès-qualités de liquidateur de la société Z, Pascal et Jérémy X, à payer à chacune des parties en défense la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance.
L'instruction de cette procédure a été clôturée le 20 janvier 2022.
Prétentions et moyens de la Scp J.P L. et A. L., de Pascal et Jérémy X :
9. Selon leurs conclusions n° 3 remises le 19 janvier 2022, ils demandent à la cour, au visa des articles 1128 et suivants, 1240 du code civil, L. 330-3 et suivants du code de commerce :
- De réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
- Á titre principal, de juger nul le contrat de cession du 13 décembre 2014 ;
- De condamner madame Y et la société Orchidée à rembourser à maître L., ès-qualités de liquidateur, le prix de cession soit 140.700 euros sauf à parfaire, outre intérêts au taux légal avec capitalisation annuelle à compter du 13 décembre 2014 ;
- De condamner madame Y, la société Orchidée ainsi que la société Casino à payer l'intégralité du passif de la société Z, soit 155.090,63 euros ;
- De juger que le contrat de cautionnement conclu entre les consorts X et le Crédit Agricole est nul ;
- De condamner le Crédit Agricole à payer aux consorts X la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
- Subsidiairement, de condamner madame Y, la société Orchidée et la société Casino, à relever et garantir les consorts X de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre du chef de l'acte de cautionnement souscrit au profit du Crédit Agricole ;
- En tout état de cause, de les condamner à payer à X la somme de 70.000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice ;
- De les condamner au paiement de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
Ils exposent :
10. Concernant le financement de l'opération, que la banque habituelle de X a refusé symptomatiquement sa participation, estimant son apport personnel et son expérience dans ce métier insuffisants ; que c'est ainsi le Crédit Agricole qui a financé partiellement le rachat du fonds de commerce, le prix du solde étant réglé par X avec sa prime de départ volontaire de la société Air France, qu'il avait apportée en compte courant dans la société Z ;
11. Que la société Casino a remis à X le document d'information précontractuel destiné à le garantir sur la qualité de son investissement ; qu'il ressort de ce document que l'environnement concurrentiel était sain et en mesure de permettre une exploitation pérenne du commerce ;
12. Qu'aucun renseignement n'a été fourni concernant l'installation d'un nouveau supermarché, mais que les concluants ont finalement obtenu la copie du jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 décembre 2014, établissant qu'une requête avait été présentée par madame Y et la société Orchidée en novembre 2013, afin d'obtenir l'annulation de l'arrêté du maire de la commune de Tallard délivrant un permis de construire à la société immobilière des Mousquetaires, c'est à dire Intermarché, mais que cette requête avait été rejetée, sans que ni le cédant ni la société Casino n'en avisent le cessionnaire ; que madame Y savait depuis 2012 qu'un supermarché risquait de s'implanter avec l'incidence sur la pérennité de son commerce'; que ces faits constituent une réticence dolosive ;
13. - Que cependant, le tribunal de commerce a retenu que les attestations produites par les vendeurs suffisent à établir que les cessionnaires avaient eu connaissance de l'implantation du magasin Intermarché, ce dont ils n'ont pas tenu compte arguant de la mise en place d'une nouvelle stratégie commerciale ; que le tribunal a retenu également qu'il appartenait aux consorts X d'effectuer les études de marché et d'analyse de la zone de chalandise ;
14. Qu'il n'appartenait pas à monsieur X d'effectuer de tels études, puisque c'était au cédant de l'informer de la situation, se trouvant tenu de négocier de bonne foi, d'autant que monsieur X était en cours de reconversion et sans connaissance des affaires, ne connaissant en outre personne dans la région ; qu'il se reposait ainsi sur les informations fournies par le cédant et la société Casino qu'il avait sollicitée à l'origine afin de trouver une supérette à reprendre et qui l'a mis en relation avec les cédants; qu'il ne pouvait s'attendre à ce que le document d'information précontractuel omette une information aussi importante ;
15. Que le caractère déterminant de l'information dissimulée se trouve dans les déclaration du vendeur, indiquant que l'arrivée d'une grande surface mettra fin à son activité, ainsi que dans le rapport de l'administrateur ad'hoc soulignant que les difficultés de la Sarl Z résultent de l'installation d'une grande surface à proximité ;
16. S'agissant de la condamnation in solidum des cédants et de la société Casino, que le passif de la société Z trouve son origine dans leur comportement fautif, puisque madame Y et la société Orchidée savaient que leur commerce n'était plus viable, alors que la société Casino a remis un document d'information incomplet concernant l'état du marché local ;
17. S'agissant du Crédit Agricole, que la nullité du contrat de vente entraîne celle du contrat de prêt, qui en est l'accessoire ; que le contrat de cautionnement lié au contrat de prêt est de même nul de plein droit ; que les consorts X ne fondent pas leur demande sur le code de la consommation mais sur le droit général des obligations ;
18. Que le Crédit Agricole a commis une faute en accordant un prêt pour complaire à madame Y, sa cliente, sans prendre en considération l'inexpérience de X et l'implantation d'une grande surface, alors qu'il avait également financé cette installation, ce qu'il ne conteste pas ; que la banque a manqué à son devoir de conseil ;
19. Subsidiairement, que madame Y, la société Orchidée et la société Casino doivent garantir les consorts X envers le Crédit Agricole en raison de leurs fautes ayant conduit les consorts X à s'engager en faveur de la banque ;
20. Que X a investi l'intégralité de sa prime de reconversion dans l'achat de ce commerce, soit 40.000 euros, et n'a perçu aucune rémunération ; qu'ainsi, outre le remboursement de son investissement, il est en droit de demander 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour cette absence de rémunération, au regard de celle dont il disposait auprès de la compagnie Air France ;
21. En réponse aux arguments de madame Y, de la société Orchidée et de la société Casino, que le tribunal a justement rejeté leur demande d'annulation de l'assignation faute de justifier d'un grief ; qu'une tentative de conciliation a été faite par l'intermédiaire de maître L., refusée par la société Casino ; que l'obligation pour le franchisé de se renseigner doit être appréciée selon ses propres capacités.
Prétentions et moyens de madame Y et de la société Orchidée :
22. Selon leurs conclusions n° 2 remises le 4 janvier 2022, elles demandent à la cour :
- De confirmer le jugement déféré ;
- Reconventionnellement, de condamner solidairement sinon in solidum les appelants à leur payer 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi au regard de mises en cause injustifiées et pour appel abusif ;
- De condamner les mêmes à leur payer 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'appel ;
- De juger que la société Casino sera tenue de les garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre au profit des appelants ;
- De condamner la société Casino, dans cette hypothèse, à leur payer 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l'instance.
Elles soutiennent :
23. Que les concluantes ne peuvent être concernées par les documents remis par la société Casino à X, en application des dispositions du code de commerce ; qu'elles doivent ainsi être mises hors de cause à ce titre ;
24. Concernant l'implantation du magasin Intermarché, que les cessionnaires étaient personnellement informés de ce fait avant la signature du compromis de vente le 12 octobre 2014 et de la procédure administrative engagée par madame Y ; qu'ainsi, madame E., comptable de madame Y, atteste avoir rencontré monsieur X avant la signature du compromis, lequel lui a déclaré être au courant de l'installation d'Intermarché et de la demande d'annulation du permis de construire'; qu'elle atteste également que X était présent dans le magasin afin de se familiariser avec le métier et que de nombreux clients l'ont informé de cette installation à venir, outre des informations diffusées dans la presse ; que monsieur R. atteste dans le même sens, alors que les consorts X passaient tous les jours devant le site du futur Intermarché alors en cours de construction ; qu'il en est de même de madame M., d'Alexandra O. et de madame Z-P.; que l'installation de ce concurrent a fait l'objet de plusieurs articles de la presse locale ; qu'il n'y a eu ainsi aucune dissimulation, alors que madame Y souhaitait cesser toute activité et n'a pas repris un autre commerce ;
25. Que la supérette vendue après la liquidation judiciaire de la société Z a été reprise sous une enseigne Biocoop par la société Le Grenier, dont le bilan de l'exercice 2019 indique une bonne performance, de sorte que l'exploitation d'une supérette dans le centre de la ville est viable malgré l'implantation d'une grande surface ; que la déconfiture de la société Z résulte ainsi d'un manque de compétence des consorts X ;
26. Que le document d'information précontractuel remis par la société Casino a stipulé que le futur détaillant fera contrôler par le cabinet de son choix l'étude de marché réalisée par cette société, et que le futur détaillant reconnaît s'être rendu sur place et avoir parcouru les différentes zones de chalandise définies dans l'étude de marché ; qu'ainsi, les consorts X disposaient de toutes les informations utiles, qu'il était de leur responsabilité de vérifier ;
27. Que les attestations produites par les appelants ne sont pas probantes et ne font que rapporter les propos de monsieur X.
Prétentions et moyens de la société Casino :
28. Selon ses conclusions remises le 18 janvier 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 1116 et 1382 du code civil, L. 622-20 et L. 641-4 du code de commerce :
- De confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a limité la condamnation des appelants à lui régler la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- Sur ce point, de condamner les appelants à payer à la concluante la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts in solidum, outre une amende civile de 3.000 euros ;
- En tout état de cause, de donner acte aux appelants de ce qu'ils ne sollicitent pas l'annulation du contrat de franchise Spar ;
- De constater que la concluante a fourni aux consorts X un document d'information précontractuel conforme aux articles L. 330-1 et R. 330-1 du code de commerce ;
- De dire que les appelants ne rapportent pas la preuve d'une faute délictuelle de la concluante ;
- De constater que les appelants ont toujours été informés du projet d'ouverture d'un Intermarché ;
- Par conséquence, de débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes ;
- De déclarer irrecevable X en ses demandes indemnitaires pour défaut de qualité à agir, s'agissant des demandes au titre de la prétendue perte de ses investissements, et de la perte de ses revenus ;
- De condamner les appelants au paiement d'une amende civile de 3.000 euros et in solidum au paiement à la concluante de la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- De condamner les appelants à payer chacun à la concluante la somme de 10.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle indique :
29. Que le document d'information précontractuel comportait une présentation du franchiseur, de son réseau d'exploitation avec la liste des établissements à l'enseigne Spar et des établissements ayant quitté le réseau au cours de l'année précédente, des résultats du franchiseur et d'une présentation du marché comprenant un état général et local (liste des établissements existant dans le lieu d'implantation prévu, offrant des produits et services similaires) et des perspectives de développement';
30. Que les appelants ne demandent que l'annulation de l'acte de cession et non du contrat de franchise';
31. Que la concluante n'a commis aucune faute, ayant respecté les dispositions précitées du code de commerce concernant l'information précontractuelle, alors que l'article R. 330-1 n'impose pas la remise d'une étude de marché constituant une analyse, mais seulement une présentation générale et locale ; qu'il ne s'agit que d'une obligation de moyen, puisqu'il est impossible de prévoir l'évolution du marché ; que l'analyse du marché relève de la responsabilité du candidat à l'adhésion au réseau ; que la concluante n'a commis aucune faute du fait de la communication du prévisionnel, dont la réalisation dépend des efforts personnel du franchisé ; qu'il n'est pas établi que ce prévisionnel était erroné alors qu'il a été établi selon une méthodologie sérieuse, qu'une mention apparente a attiré l'attention du franchisé sur l'absence de caractère contractuel et que le prévisionnel produit par les appelants est similaire ;
32. Qu'ainsi, les appelants ne peuvent soutenir que la présentation du marché assurait à monsieur X la certitude d'une reconversion réussie ; que les appelants ne précisent pas quelle information spécialement exigée par le code de commerce leur aurait été dissimulée ; que l'installation à venir d'une grande surface est sans lien avec les dispositions du code de commerce alors qu'il appartenait au franchisé de se renseigner sur le marché local ;
33. Que le projet de l'installation d'Intermarché était connu de longue date, ainsi qu'il résulte de la presse locale, faisant état d'un permis de construire délivré en 2013 et de recours; que X était informé de ce projet ainsi qu'il résulte des attestations produites par madame Y et la société Orchidée ; que les appelants ne se sont d'ailleurs pas manifestés auprès de la concluante ni des cédants lors du commencement des travaux de l'Intermarché, ni lors de son ouverture ; qu'il n'existe ainsi aucun vice du consentement ;
34. Que le seul fait que les consorts X n'aient pas atteint les chiffres mentionnés dans le prévisionnel est insuffisant à caractériser une faute ;
35. Que la demande de maître L. concernant le paiement de la totalité du passif de la société Z est infondée, puisqu'en matière de manquement à l'obligation d'information précontractuelle, l'unique préjudice réparable est constitué par la perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses ; que le franchisé responsable de son exploitation ne peut demander la prise en charge de la totalité des pertes d'exploitation ;
36. Que les demandes indemnitaires présentées par X sont irrecevables puisque seul le liquidateur a qualité pour les présenter ; qu'elles sont en outre mal fondées, puisqu'il n'est pas rapporté de preuve du lien de causalité entre les fautes alléguées et le préjudice invoqué ; que les sommes apportées en compte courant sont mises à la disposition de la société, afin de lui permettre de financer son exploitation, de sorte qu'il ne s'agit pas d'un préjudice réparable ; qu'il n'existe pas de lien avec la perte de rémunération perçue au titre de l'ancien poste chez Air France, société que X a décidé de quitter volontairement dans le cadre d'une restructuration, avec perception d'une prime de départ volontaire ;
37. Que la demande de garantie des consorts X au regard de leurs cautionnements ne repose sur aucune faute de la concluante ; qu'ils ne justifient pas avoir déclaré une créance au passif de la société Z ni que le Crédit Agricole ait mis en jeu leur garantie personnelle depuis cinq ans ;
38. Que l'action des appelants est abusive, puisque X était au courant de l'installation de l'Intermarché.
Prétentions et moyens du Crédit Agricole :
39. Selon ses conclusions remises le 27 juillet 2021, il demande à la cour, au visa de l'article 1240 du code civil :
- De confirmer le jugement déféré ;
- Subsidiairement, si le prêt devait être annulé, de juger que le concluant n'a pas failli à ses obligations et n'a commis aucune faute susceptible d'avoir eu une incidence dans les difficultés de la société Z ;
- De constater qu'en cas d'annulation du prêt pour une cause qui n'a pas de lien avec la banque, celle-ci subirait alors un préjudice qu'il convient de réparer à hauteur des sommes qui ne lui seront pas remboursées en raison de la liquidation judiciaire de la société Z ;
- De condamner en conséquence toute partie jugée responsable de la nullité de l'acte de prêt à restituer au concluant le capital prêté si la société Z en est incapable, déduction faite des sommes déjà versées, lesquelles se compenseront, soit 86.651,13 euros, outre intérêts au taux légal postérieurement au 11 décembre 2014, date de déblocage du prêt ;
- De condamner toute partie jugée responsable de la nullité de l'acte de prêt à payer au concluant les intérêts conventionnels jusqu'au terme du prêt, soit 17.846,05 euros au titre des intérêts perdus, ainsi que les échéances d'assurance à parfaire, au titre de la perte de chance de voir le contrat être exécuté normalement jusqu'à son terme, avec intérêts au taux légal postérieurement au 11 décembre 2014 ;
- De maintenir le nantissement du fonds de commerce inscrit en faveur du concluant en garantie des sommes dues jusqu'à complet règlement ;
- En tout état de cause, de condamner les appelants et tout succombant au paiement de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens.
Il indique :
40. S'en rapporter sur les demandes relatives à la nullité de l'acte de cession du fonds de commerce, puisque n'ayant pas été partie à cet acte, et n'ayant été consulté qu'après les négociations et la signature de l'engagement ;
41. Concernant la nullité de l'acte de prêt, qu'il s'est agi d'un contrat entre professionnel et non d'un prêt prévu par le code de la consommation ; qu'ainsi, l'article L. 312-12 de ce code n'est pas applicable ; que s'il est possible d'obtenir la caducité du prêt en cas d'annulation de la vente, c'est à la condition que les contrats soient indivisibles, ce qui suppose que le vendeur et le prêteur aient agi de concert ;
42. Qu'en l'espèce, les fonds n'ont pas été versés à la cédante, mais à la société Z, alors que les contrats n'ont pas été souscrits le même jour ; qu'aucun argument n'est invoqué concernant une nullité du prêt et des cautionnements ;
43. Que le concluant n'a commis aucune faute lors de l'octroi de ce prêt ; que les appelants ne prouvent pas qu'il ait financé l'installation du magasin Intermarché ; que le concluant n'était pas le conseiller financier de la société Z et n'avait pas à apprécier l'opportunité de l'investissement, mais seulement le caractère raisonnable de l'endettement et la régularité de l'opération, ce qu'il a effectué ; qu'aucune contestation intrinsèque au contrat de prêt n'est formulée ;
44. Subsidiairement, que si le prêt doit être annulé, le concluant est en droit de ne pas subir les conséquences de l'annulation de la cession du fonds de commerce ;
45. Que les consorts X ne justifient d'aucun préjudice ayant un lien avec l'octroi du prêt ; que la déconfiture de la société Z résulte de la politique de prix mise en place par la société Casino et de l'implantation d'un supermarché.
*****
46. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
47. Postérieurement à la clôture des débats, les appelants ont adressé à la cour une note en délibéré le 10 février 2022. Par réponse adressée le 11 février 2022, la société Casino a demandé de déclarer cette note en délibéré irrecevable. La cour indique qu'il résulte de l'article 445 du code de procédure civile qu'après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444. En l'espèce, aucune observation n'a été sollicitée par la cour aux appelants, alors que le ministère public n'a pas été amené à participer à cette procédure. Cette note en délibéré sera ainsi déclarée irrecevable.
MOTIFS DE LA DECISION :
1) Concernant les demandes formées à l'encontre de madame Y et la société Orchidée :
48. Le tribunal de commerce a retenu, concernant la nullité du contrat de cession du fonds de commerce, que bien que les documents précontractuels produits par la société Casino ne fournissaient qu'une présentation très générale et imprécise du projet de franchise, et ne donnaient aucune information sur la situation du marché local, les éléments joints au dossier laissent à penser que les cessionnaires avaient connaissance du projet d'implantation d'Intermarché.
49. Le tribunal a ainsi énoncé que madame Y et la société Orchidée produisent plusieurs attestations de clients ou professionnels déclarant que X avait été informé, avant la signature définitive du 14 décembre 2014, de ce projet et de la procédure d'annulation du permis en cours. Il a déduit de ces témoignages que les consorts X ont fait fi de ces informations, arguant de la mise en place d'une nouvelle stratégie commerciale.
50. Les premiers juges ont également indiqué qu'il appartenait en outre à ces derniers d'effectuer les études de marché et d'analyse de la zone de chalandise concernée. Les informations ainsi recueillies auraient pu être confirmées et précisées par les institutions ou les organismes compétents (chambre de commerce, commerçants, mairie, presse, panneaux de chantier de l'ouverture du chantier).
51. La cour constate que le fonds de commerce acquis par la société Z concernait une supérette, située au centre d'une petite ville. Selon le bail commercial ensuite conclu entre le propriétaire des murs et la société Le Grenier, ayant repris le local après la société Z, la surface de ce commerce est de 220 m². Ainsi, le document d'information précontractuel remis par la société Casino dans le cadre du contrat de franchise prévoit une zone de chalandise réduite au centre de la ville de Tallard, sur un rayon d'environ deux kilomètres, et non à l'ensemble de la commune. Il s'agit d'un magasin de proximité, d'une petite surface, alors que le magasin Intermarché se trouve situé en zone péri-urbaine, à environ une dizaine de kilomètres du centre de la ville. Il ne s'agit pas ainsi de desservir la même clientèle pour les mêmes besoins, et il n'est pas établi que l'implantation du magasin Intermarché ait entraîné les difficultés rencontrées par la société Z.
52. En outre, les pièces produites par les intimées indiquent que le projet d'implantation du magasin Intermarché était ancien (premier article de presse en 2012) et parfaitement connu du public. Selon les attestations produites par madame Y et la société Orchidée, X s'est installé pendant environ trois semaines dans le commerce, afin de parfaire ses connaissances du métier, avant la signature du contrat par lequel la société Z a acquis le fonds de commerce. Il résulte des témoignages circonstanciés tant de clients habituels que de la comptable de madame Y que le projet d'implantation du magasin Intermarché était connu de X, lequel avait indiqué que cela ne le gênait pas et qu'il avait des idées pour développer l'affaire, notamment concernant les horaires d'ouverture.
53. Il résulte de ces éléments, ajoutés à ceux pertinents des premiers juges, que les consorts X connaissaient l'existence de l'implantation futur d'un magasin Intermarché, que ce fait ne leur a pas ainsi été occulté par madame Y et la société Orchidée.
54. Si les appelants produisent des témoignages allant dans un sens contraire, la cour observe que les témoins ont rapporté des propos tenus par monsieur X, et qu'ils n'attestent pas ainsi de faits qu'ils ont personnellement constatés. Ces témoignages ne permettent pas ainsi de conclure que monsieur X était dans l'ignorance de l'installation future d'une grande surface commerciale.
55. Il s'ensuit que le tribunal de commerce a exactement retenu, concernant madame Y et la société Orchidée, qu'aucune manœuvre dolosive, même par réticence, n'a été caractérisée lors de l'acquisition du fonds de commerce concernant l'exploitation d'une supérette située en centre-ville. Le jugement déféré sera ainsi confirmé en ce qu'il débouté les appelants de l'ensemble de leurs demandes dirigés contre ces intimées.
56. Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a condamné solidairement les appelants au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, la présente procédure ayant été engagée avec une légèreté certaine, alors que ces intimées ont dû en subir les vicissitudes pendant plusieurs années, et en ce qu'il les a condamnés au paiement d'une somme arbitrée en application de l'article 700 du code de procédure civile. La cour constate qu'au vu des motifs pertinents détaillés par le tribunal, l'appel a également été engagé avec une légèreté blâmable. En conséquence, il sera alloué aux intimées la somme supplémentaire de 2.000 euros à ce titre.
57. Succombant en leur recours, les appelants seront en outre condamnés in solidum à payer à madame Y et à la société Orchidée la somme complémentaire de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d'appel.
2) Concernant les demandes dirigées contre la société Casino :
58. Il a été indiqué plus haut que si le tribunal de commerce a retenu que les documents précontractuels produits par la société Casino ne fournissaient qu'une présentation très générale et imprécise du projet de franchise, et ne donnaient aucune information sur la situation du marché local, les éléments joints au dossier indiquent que les cessionnaires avaient connaissance du projet d'implantation d'Intermarché, notamment au regard des attestations produites par madame Y et la société Orchidée, éléments que les consorts X ont ignoré, en arguant de la mise en place d'une nouvelle stratégie commerciale.
59. Il est également rappelé que selon les premiers juges, il appartenait aux consorts X d'effectuer les études de marché et d'analyse de la zone de chalandise concernée. Les informations ainsi recueillies auraient pu être confirmées et précisées par les institutions ou les organismes compétents.
60. Le tribunal de commerce a en outre énoncé que les articles L. 330-1 et R. 330-1 du code de commerce ne mettaient pas à la charge du franchiseur l'obligation de remettre une étude de marché, mais seulement une présentation générale et locale. Il a précisé que l'information concernant l'implantation future d'une grande surface n'a pas été mentionnée, mais qu'il appartenait au candidat de procéder lui-même à une analyse de l'implantation de son activité, afin de parfaire ses connaissances pour la bonne réalisation de son projet.
61. Enfin, il a indiqué que la société Z a fait réaliser des comptes prévisionnels le 30 septembre 2014 par un cabinet comptable et ne peut reprocher aucune faute à ce titre à la société Casino.
62. La cour constate, contrairement à l'appréciation portée par le tribunal sur le document d'information précontractuel, que ce document est très complet. Il contient en effet une présentation détaillée du groupe Casino depuis son origine, incluant ses filiales, une étude de marché nationale selon le type de commerce exploité (de la grande surface à la supérette), une étude du marché local précise puisque des données concernant la population sont communiquées, avec une répartition par catégories socio-professionnelles, une étude prévisionnelle précise des charges et des objectifs à atteindre par le franchisé pour la viabilité du projet, l'indication des concurrents directs, même en dehors de la zone de chalandise définie, ne concernant que le centre-ville. Ce document répond aux conditions édictées par les articles L. 330-1 et R. 330-1 et suivants du code de commerce.
63. En outre, ainsi qu'indiqué par le tribunal de commerce, il a été précisé dans ce document d'information qu'il appartient également au candidat franchisé de se renseigner lui-même sur le secteur de chalandise, de faire vérifier l'étude du marché local et le compte prévisionnel, ce que la société Z a accepté. Elle a en outre reconnu avoir visité la zone de chalandise.
64. Enfin, il a été dit plus haut que les consorts X et ainsi la société qu'ils ont constituée et gérée, étaient informés de l'implantation à venir du magasin Intermarché, puisque X a participé à l'exploitation du fonds de commerce pendant près d'un mois, avant la signature de l'acte définitif d'acquisition de ce fonds par la société Z le 13 décembre 2014, alors que le contrat de franchise a été signé le 18 décembre suivant. Il n'est enfin pas demandé de prononcer la nullité du contrat de franchise en raison d'une erreur ou d'un dol, voire une réticence dolosive du franchiseur.
65. Il s'ensuit qu'aucune faute ne peut ainsi être reprochée à la société Casino, qui a rempli ses obligations en matière d'information du franchisé. Le jugement déféré a, dans son dispositif, exactement constaté que la société Casino a fourni à la société Z un document d'information précontractuel strictement conforme aux dispositions précitées du code de commerce, que les consorts X et la société Z ne rapportent aucunement la preuve d'une faute délictuelle de la société Casino, que ces parties ont toujours été informées du projet d'ouverture du magasin Intermarché. Il sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté les appelants de leurs demandes dirigées contre la société Casino.
66. Concernant la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de la société Casino, au titre d'une procédure abusive, le tribunal a exactement fixé le montant de l'indemnité allouée à cette intimée à la somme de 500 euros. La cour constate en effet que la présente procédure a également été engagée par les appelants contre la société Casino avec une légèreté blâmable, au regard des motifs développés plus haut, obligeant ainsi cette société à devoir consacrer un temps conséquent pour organiser sa défense. L'appel, ainsi qu'il a été dit plus haut concernant madame Y et la société Orchidée, a été engagé dans les mêmes conditions. La cour confirmera ainsi le jugement déféré sur ce point, l'intimée ne justifiant pas d'un préjudice subi en première instance supérieur à l'indemnité allouée par le tribunal, et accordera une indemnité complémentaire de 1.000 euros à la société Casino, en réparation du préjudice résultant de cet appel.
67. La cour rejettera la demande de la société Casino concernant la condamnation des appelants au paiement d'une amende civile, les conditions de l'engagement de la procédure et l'appel ne justifiant pas une telle demande. Il complétera de ce fait le jugement déféré sur ce point, une telle demande ayant été portée devant le tribunal de commerce, mais à laquelle il n'a pas répondu.
68. Succombant en leur recours, les appelants seront condamnés à payer à la société Distribution Casino France la somme complémentaire de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d'appel.
3) Sur les demandes formées à l'encontre du Crédit Agricole :
69. Le jugement déféré a indiqué que concernant le contrat de prêt, aucun argument n'est invoqué concernant une irrégularité, pas plus que concernant les cautionnements. Le tribunal en a déduit que la responsabilité de la banque ne peut être recherchée pour avoir financé l'acquisition d'un fonds de commerce dont le potentiel n'a pas été remis en question jusqu'à l'ouverture d'un commerce concurrent.
70. La cour constate que les appelants ne sollicitent pas la nullité du contrat de prêt, mais qu'il lui est demandé de constater que l'acte de cautionnement des consorts X est nul, et ainsi, de condamner le Crédit Agricole à leur payer 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.
71. Il a été indiqué plus haut que l'acte de cession du fonds de commerce n'a pas été affecté d'un vice du consentement concernant la société Z et que la société Casino n'a commis aucune faute lors de la conclusion du contrat de franchise, en raison de la connaissance par X et Jérémy X son fils, tous deux associés et gérant de la société Z, de la future installation du magasin Intermarché. Aucun élément ne permet de retenir que le Crédit Agricole était le banquier de la société Intermarché ou du cédant.
72. En outre, le prêt accordé par le Crédit Agricole à la société Z n'a pas un caractère indivisible avec l'acquisition du fonds de commerce : si la signature définitive de cette acquisition a eu lieu le 13 décembre 2014, l'offre de prêt remonte au 7 novembre 2014. Les fonds n'ont pas été versés directement au cédant, mais à l'emprunteur. Le Crédit Agricole n'est pas intervenu ni lors de la signature de l'acte de cession sous condition suspensive, ni lors de la signature de l'acte de cession définitif.
73. Les consorts X disposaient également, ainsi que la société Z, d'un compte prévisionnel établi par le franchiseur, et d'une étude prévisionnelle séparée qu'ils avaient fait réaliser. Or, il résulte tant de l'acte de cession du fonds de commerce sous condition suspensive du 2 octobre 2014 que de l'acte notarié réitérant la cession du 13 décembre 2014 que le chiffre d'affaires du cédant était de 590.663 euros pour l'exercice 2011, de 569.224 euros pour l'exercice 2012 et de 570.661 pour l'exercice 2013. Dans son étude prévisionnelle réalisée par l'expert-comptable qu'elle avait mandaté à cette fin, la société Z a situé le seuil de rentabilité de son exploitation à 568.545 euros en première année d'activité. Il en résulte que les appelants disposaient des éléments nécessaires leur permettant de vérifier l'opportunité de l'acquisition du fonds de commerce, et des risques pris en qualité de cautions. Cet élément est confirmé par le rapport établi par maître L. ès-qualités de mandataire ad hoc, indiquant que le seuil de rentabilité du fonds de commerce est de 499.856 euros, soit inférieur au montant retenu dans l'étude prévisionnelle.
74. Aucun élément n'est développé par les consorts X concernant la validité intrinsèque de leur engagement de cautions. En outre, le prêt accordé par le Crédit Agricole était proportionné à la situation de la société Z, telle qu'elle résultait du prévisionnel qu'elle avait fait réaliser, puisque ce prêt, d'un montant de 115.000 euros, était amortissable sur 84 mois par échéances de 1.521,60 euros, montant intégré à l'étude prévisionnelle. Le fait que le banquier habituel de X ait refusé son concours ne procède que de l'appréciation faite par ce banquier d'une opération qu'il a estimée risquée.
75. Il en résulte que le contrat de prêt ne peut être considéré nul en conséquence d'une nullité de l'acte de cession du fonds de commerce, alors qu'aucune faute n'est établie à l'encontre du Crédit Agricole concernant l'octroi de ce prêt, et le recueil des garanties de Pascal et Jérémy X. Le jugement déféré sera ainsi confirmé sur ces points et en ce qu'il a débouté les appelants de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre le Crédit Agricole et les a condamnés au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
76. Succombant en leur recours, maître L. ès-qualités de liquidateur de la société Z, X et Jérémy X, seront condamnés à payer au Crédit Agricole la somme complémentaire de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi.
Vu les articles 445 du code de procédure civile, 1101 et suivants (anciens), 1382 (ancien) du code civil, L. 330-1 et R. 330-1 du code de commerce ;
Déclare la note en délibéré adressée à la cour le 10 février 2022 irrecevable ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Déboute la société Distribution Casino France de sa demande de condamnation des appelants au paiement d'une amende civile au titre de la procédure suivie en première instance ;
Condamne in solidum maître L., ès-qualités de liquidateur de la société Z, X et Jérémy X, à payer à madame Y et à la société Orchidée la somme complémentaire de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ;
Condamne in solidum maître L., ès-qualités de liquidateur de la société Z, X et Jérémy X, à payer à la société Distribution Casino France la somme complémentaire de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ;
Condamne in solidum maître L. ès-qualités de liquidateur de la société Z, X et Jérémy X, à payer à madame Y et à la société Orchidée la somme complémentaire de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum maître L. ès-qualités de liquidateur de la société Z, X et Jérémy X, à payer à la société Distribution Casino France la somme complémentaire de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum maître L. ès-qualités de liquidateur de la société Z, X et Jérémy X, à payer à la Caisse de Crédit Agricole Mutuel Alpes-Provence la somme complémentaire de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la société Distribution Casino France de sa demande de condamnation au paiement d'une amende civile en cause d'appel ;
Condamne in solidum maître L. ès-qualités de liquidateur de la société Z, X et Jérémy X, aux dépens exposés en cause d'appel ;