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Décisions

Cass. com., 26 juin 2012, n° 11-18.971

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Baraduc et Duhamel, SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Tiffreau, Corlay, Marlange

Paris, du 18 mars 2011

18 mars 2011

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 2011), que la société Tordo Belgrano est titulaire d'un brevet français déposé le 8 mars 1994 sous le n° 9402744 ayant pour objet une espagnolette de volet battant pour fenêtre ou porte-fenêtre et d'un modèle déposé à l'Institut national de la propriété industrielle le 17 février 1995 sous le n° 95 1124 représentant un 'tourniquet marseillais composite', pour lesquels la société FTI bénéficie d'une licence d'exploitation ; que soupçonnant l'existence d'une contrefaçon du brevet et du modèle, ces sociétés ont fait procéder à plusieurs saisies-contrefaçon puis ont fait assigner en contrefaçon de brevet et de modèle la société Metimexco, fournisseur des produits, et les sociétés Morey production et François Inglese, selon elles distributrices ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Tordo Belgrano et FTI font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes en contrefaçon du brevet n° 9402744, alors selon le moyen, que toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet constitue une contrefaçon ; que l'utilisation, par le contrefacteur, de photographies du produit contrefait tirées des documents du fabriquant ou du distributeur licencié du produit contrefait suffit à établir l'identité entre les produits ; qu'en omettant de rechercher, comme elle y était invitée, si la seule circonstance suivant laquelle la société Morey utilisait des photographies tirées du site de la société FTI pour présenter l'espagnolette litigieuse n'établissait pas, nonobstant l'absence de vue sur la structure interne de l'espagnolette, une identité parfaite entre les deux produits, représentés par la même photographie ; la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu qu'après avoir justement énoncé que la contrefaçon suppose une reproduction présentant les caractéristiques énoncées dans la revendication 1, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a estimé que les pièces produites au soutien de la demande ne permettaient pas de déterminer la structure du produit qui serait contrefacteur, telle que définie tant à la revendication 1 qu'aux autres revendications dépendantes ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que les sociétés Tordo Belgrano et FTI font grief à l'arrêt de les avoir condamnées in solidum à payer à la société François Inglese la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, alors, selon le moyen :

1°/ que l'exercice du droit d'agir en justice, qui constitue un droit fondamental, ne dégénère en abus qu'exceptionnellement, s'il est fautif ; que le simple fait de faire réaliser, sous le contrôle du président du tribunal de grande instance en application de l'article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle, une saisie-contrefaçon, jugée par la suite irrégulière, ne peut dégénérer en abus que lorsque l'irrégularité de cette voie d'exécution résulte elle-même d'une faute du saisissant ; qu'en jugeant néanmoins abusive la saisie appréhension autorisée par le président du tribunal de grande instance du Puy-en-Velay, au seul motif que cette mesure était irrégulière et sans relever de faute commise par les sociétés Tordo Belgrano et FTI, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ qu'à supposer une action abusive du seul fait de l'irrégularité d'une saisie contrefaçon, le demandeur de cette mesure ne peut être condamné, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, qu'à charge pour le défendeur d'établir le préjudice qu'il a subi ; que pour condamner les sociétés Tordo Belgrano et FTI au paiement de dommages-intérêts en raison de la saisie contrefaçon effectuée dans les locaux de la société François Inglese, la cour d'appel a considéré que des pièces comptables de cette dernière société avaient été mises à la disposition des sociétés Tordo Belgrano et FTI ; qu'en statuant ainsi, sans constater que les sociétés Tordo Belgrano et FTI auraient fait des informations comptables mises à leur disposition une utilisation causant à la société François Inglese un préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt ne fonde pas la condamnation indemnitaire sur la seule irrégularité de la procédure, mais retient à l'encontre des saisissants une faute consistant à avoir pris connaissance, de manière injustifiée, des pièces comptables de leur concurrent à l'occasion de la saisie irrégulière ;

Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel a apprécié souverainement le montant du préjudice dont elle a justifié l'existence par l'évaluation qu'elle en a faite ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé en sa seconde branche ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société établissements Tordo Belgrano et la société FTI aux dépens.