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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 18 janvier 2022, n° 18/05938

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. ¨Potee

Conseillers :

M. Braud, Mme Vallee

TGI Bordeaux, du 11 sept. 2018

11 septembre 2018

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

La SAS L. Enseigne est à la tête d'un réseau de franchises de plus de 170 magasins d'optique lunetterie en France exerçant sous l'enseigne 'L.'.

La société QS.T Optique, filiale de la société QS Traeder (devenue QS.T Groupe en 2012, puis QS.T Holding en 2013), a été créée en 2007 avec pour objet la commercialisation d'instruments d'optique et d'audio. En 2011, elle était à la tête de 12 magasins exerçant sous l'enseigne 'ATOL'.

Courant 2011, la société QS.T Optique a rompu ses relations contractuelles avec la société coopérative ATOL pour rejoindre le groupe GADOL - OPTIC 2000 - L..

Le 1er juillet 2011, un protocole d'accord a été signé entre :

- la société QS Traeder, société holding du groupe QS.T devenue QS.T Holding, et désormais SAS Opticeo France,

- la société QS .T Optique, devenue, suite a une opération de fusion-absorption avec la société Foch Optique, la société QS.T, et ce à compter du 22 avril 2013,

- M. Frédéric A., dirigeant et associé majoritaire des sociétés du groupe QS.T,

- la société L. Enseigne, enseigne 'L.',

- la société GADOL, enseigne 'OPTIC 2000'.

En vertu de ce protocole, la société L. Enseigne a signé huit contrats de franchise 'L.' avec la société QS.T OPTIQUE : sept le 15 juillet 2011 (effectifs seulement à compter du 1er janvier 2012 dans la mesure où elle était tenue par ses engagements contractuels avec l'enseigne 'ATOL' jusqu'au 31 décembre 2011) et le huitième le 5 avril 2012, en vue de l'exploitation de huit magasins sous l'enseigne 'L.', à savoir :

- un magasin situé [...] ;

- un magasin situé [...]

- un magasin situé [...].

- un magasin situé [...],

- un magasin situé [...],

- un magasin situé [...],

- un magasin situé [...],

- un magasin situé [...].

Ces contrats permettaient au franchisés d'exploiter les marques appartenant à la SAS 'L. ENSEIGNE' ('L.' 'L. OPTICIEN') et d'utiliser différents mobiliers vendus à cet effet, lesquels avaient été déposés par elle à l'INPI le 19 avril 2010 sous les numéros :

20102103 - 001 (meuble comptoir)

20102105 - 009 (meubles demi-créateur - meubles de rangement)

20102105 - 010 (meubles solaire - meubles de rangement)

20102105 - 011 (meubles demi-solaire - meubles de rangement)

20106268 - 004 (colonnes lumineuses fermées-présentoirs)

20106268 - 005 (meubles pour présentations de lunettes pour enfant).

Reprochant à la SASU QS.T de ne pas avoir respecté ses engagements financiers, la société L. Enseigne lui a notifié, par courrier recommandé avec accusé de réception du 29 juillet 2013 (accuse de réception signé le 30/07/2013), la résiliation de ses huit contrats de franchise et ce avec effet immédiat.

Postérieurement à la cessation de ses relations contractuelles avec la société L. Enseigne, la societé QST a poursuivi l'exploitation de ces huit magasins sous une nouvelle enseigne indépendante appelée OPTICEO.

Le 20 août 2013, la société L. Enseigne a assigné la société QS.T devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 296.084,32 €, outre 4.760,42 € au titre des indemnités pour frais de recouvrement, intérêts de retard et 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Parallèlement, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert une procédure de sauvegarde le 10 octobre 2013 à l'égard de la société QS.T et désigné Maître R. en qualité de mandataire judiciaire et la SCP C.-B.-F. en tant qu'administrateur judiciaire. Le 9 octobre 2014, la même juridiction a arrêté le plan de sauvegarde de la société QS.T sur une durée de 10 ans en désignant la SCP C.-B.-F., prise en la personne de Maître B., commissaire à l'exécution du plan.

Parjugement du 8 juin 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- fixé à 377.364,32 € le montant de la créance de la société L. Enseigne à l'encontre de la société QS.T,

- ordonné l'inscription de cette créance au passif de la société QS.T,

- débouté la société L. Enseigne de sa demande de condamnation de la société QS.T à lui payer la somme de 2.676.000 € à titre d'astreinte,

- débouté la société L. Enseigne de sa demande de voir constater que la vente et le transfert de propriété des mobiliers L. seraient intervenus le 29 juillet 2013,

- dit en conséquence n'y avoir lieu à fixer le prix de reprise de ces mobiliers,

- condamné la société L. Enseigne à payer à la société QS.T la somme de 161.500 € à titre de dommages-et-intérêts.

Considérant que la poursuite par la société QS.T, sans son autorisation, de l'usage des mobiliers incorporant les dessins et modèles qu'elle a déposés à l'INPI dans les magasins exploités sous l'enseigne OPTICEO caractérise des actes de contrefaçon auxquels s'ajoutent des actes de concurrence déloyale et parasitaire, la société L. Enseigne a assigné la société QS.T, la SCP C.-B.-F. ès qualités de commissaire à l'exécution du plan et Me Christian R. ès qualités de mandataire judiciaire, devant le tribunal de grande instance de Bordeaux.

Par jugement du 11 septembre 2018, le tribunal a :

- déclaré sans objet les conclusions de procédure comportant demande de rabat de l'ordonnance de clôture déposées par la société QS.T le 4 juin 2018,

- rejeté la demande de mise hors de cause de la SCP C.-B.-F.,

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société QS.T,

- déclaré la société L. Enseigne recevable en ses demandes,

- débouté la société L. Enseigne de l'ensemble de ses prétentions au titre de la contrefaçon de dessins et modèles et de la concurrence déloyale et parasitaire, ainsi que de ses demandes subséquentes présentées à titre de sanction et de réparation desdits agissements,

-rejeté les demandes reconventionnelles présentées par la SASU QS.T, la SCP C.-B.-F. ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société QS.T et Maître Christian R. ès qualités de mandataire judiciaire de la société QS.T,

- condamné la société L. Enseigne à payer à la SASU QS.T la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société L. Enseigne à payer à la SCP C.-B.-F. és qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société QS.T et à Maître R. ès qualités de mandataire judiciaire de la société QS.T la somme de 1.500 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement,

- condamné la société L. Enseigne aux dépens de l'instance.

La société L. Enseigne a relevé appel par déclaration du 5 novembre 2018.

Par conclusions déposées le 29 octobre 2021, la société L. Enseigne demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il :

 Rejette la demande de mise hors de cause de la SCP C.-B.-F.,

 Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société QS.T,

 Déclare la société L. Enseigne recevable en ses demandes,

 Rejette les demandes reconventionnelles présentées par la SASU QS.T, la SCP C.-B.-F. ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société QS.T et Maître Christian R. ès qualité de mandataire judiciaire de la société QS.T,

- infirmer le jugement attaqué du 11 septembre 2018, en ce qu'il :

 Déboute la société L. Enseigne de l'ensemble de ses prétentions au titre de la contrefaçon de dessins et modèles et de la concurrence déloyale et parasitaire et de ses demandes subséquentes présentées à titre de sanction et de réparation,  Condamne la société L. Enseigne à payer à la SASU QS.T la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société L. Enseigne à payer à la SCP C.-B.-F. ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société QS.T et à Maître R. ès qualités de mandataire judiciaire de la société QS.T la somme de 1.500 € chacun au titre des frais irrépétibles,

 Condamne la société L. Enseigne aux dépens de l'instance,

Et, statuant à nouveau,

- rejeter la demande de mise hors de cause de la SCP C.-B.-F. ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société QS.T et de Maître Christian R. ès qualités de mandataire judiciaire de la société QS.T,

- rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société QS.T,

- dire la société L. Enseigne recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

- constater le caractère nouveau et propre des dessins et modèles déposés par la société L. Enseigne le 19 avril 2010 auprès de l'INPI, sous les numéros 20102103-001, 20106268-004, 20106268-005, n°20102105-009, 20102105-010, 20102105-011,

- constater la validité de la protection au titre du droit des dessins et modèles conférée par les dispositions du Code de la propriété intellectuelle aux dessins et modèles N°20102103-001, 20106268-004, 20106268-005, n°20102105-009, 20102105-010, 20102105-011, déposés par la société L. Enseigne le 19 avril 2010 auprès de l'INPI,

- constater l'utilisation illicite et sans droits faite par la société QS.T des dessins et modèles dont la société L. ENSEIGNE est titulaire, qu'elle a déposés le 19 avril 2010 auprès de l'INPI, sous les numéros 20102103-001, 20106268-004, 20106268-005, n°20102105-009, 20102105-010, 20102105-011,

- juger que la société QS.T s'est rendue coupable de :

 contrefaçon de droits de dessins et modèles appartenant à la société L. ENSEIGNE, enregistrés sous les numéros 20102103-001, 20106268-004, 20106268- 005, n°20102105-009, 20102105-010, 20102105-011 auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle le 19 avril 2010, depuis le 15 août 2013 et jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir,

 contrefaçon des marques « L. L'OPTICIEN » n°4116340 n°4033957 n°4033958, « L. OPTICIEN » n°99775203, « L. » n°4393928 etn°1555096, par suppression de marque régulièrement apposée,

 d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société L. ENSEIGNE, depuis le 15 août 2013 et jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir,

En conséquence,

- constater l'existence d'une créance de la société L. Enseigne à l'égard de la société QS.T,

- interdire à la société QS. T toute fabrication, offre, mise sur le marché, importation, exportation, transbordement, utilisation, ou détention à ces fins de tout produit incorporant les dessins et modèles n°20102103-001, n°20106268-004, n°20106268-005, n°20102105-009, n°20102105-010, n°20102105-011 dont est titulaire la société L. ENSEIGNE, directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, ainsi que tout usage des signes distinctifs du réseau « L. » dont la société L. ENSEIGNE est à la tête, y incluant en outre son code couleur et l'agencement de ses magasins, sous astreinte de 10.000 euros par infraction et par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- ordonner la saisie et la destruction de tous les produits détenus par la société QS.T, où qu'ils se trouvent, incorporant l'un des dessins et modèles enregistrés à l'Institut National de la Propriété Industrielle sous les numéros 20102103-001, 20106268-004, 20106268-005, n°20102105-009, 20102105-010, 20102105-011, aux seuls frais de la société QS.T, sous astreinte de 10.000 euros par infraction et par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société QS.T à verser à la société L. ENSEIGNE les sommes suivantes, en réparation des atteintes portées à ses droits de dessins et modèles :

 600.000 euros à titre de dommages-intérêts du fait du préjudice patrimonial subi du fait de la contrefaçon ;

 200.000 euros à titre de dommages-intérêts du fait du préjudice moral subi du fait de la contrefaçon ;

 800.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du parasitisme et des actes de concurrence déloyale ;

- rejeter l'ensemble des demandes reconventionnelles formulées par les intimés ;

A titre subsidiaire, et si la protection accordée par le droit des dessins et modèles n'était pas reconnue aux dessins et modèles dont la société L. ENSEIGNE est titulaire,

- condamner la société QS.T à verser à la société L. ENSEIGNE la somme de 800.000 euros à titre de dommages-intérêts pour les actes de concurrence déloyale et parasitaire ;

En tout état de cause,

- ordonner la parution, aux frais avancés solidairement par Maître B. ès qualité d'administrateur judiciaire de la société QS.T et Maître R. ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société QS.T, du dispositif de l'arrêt à intervenir dans dix (10) publications au choix de la société L. ENSEIGNE dans la limite de 10.000 euros HT par insertion, soit la somme globale de 100.000 euros HT, dans un délai de 48 heures à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard,

- condamner la société QS.T à verser à la société L. ENSEIGNE la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la société QS.T aux entiers dépens, en ce compris les frais engagés par la société L. ENSEIGNE auprès des études d'huissiers ayant constaté les atteintes de la société QS.T, dont distraction au profit de Maître Mathieu D..

Par conclusions du 30 octobre 2019, la société QS.T, maître Christian R. et la SCP C. B. F. demandent à la cour de :

- juger la société QST recevable et bien fondée en ses demandes et son appel incident,

A titre liminaire,

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé recevable l'action de la société L.,

- constater au contraire que la créance supposée dont tente de se prévaloir la société L. relativement à des prétendus actes de contrefaçon et concurrence déloyale est antérieure à la procédure collective dont bénéficie la société QST, ce que la société QST soutenait elle-même dans son courrier du 28 novembre 2013,

- juger qu'à défaut de déclaration d'une telle créance indemnitaire chiffrée et évaluée, les demandes indemnitaires sont inopposables à la société QST actuellement en cours d'exécution de son plan de sauvegarde,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il n'a pas mis hors de cause Me R. et la SCP CBF,

- constater au contraire que la société QST étant en plan de sauvegarde, Me R., son ancien administrateur judiciaire de la société doit être mise hors de cause,

- mettre hors de cause Me R.,

- mettre hors de cause également la SCP CBF,

- infirmer le jugement entreprise en ce qu'il a jugé l'action de la société L. recevable dans la mesure où il n'y a pas identité de cause entre le litige soumis au tribunal de commerce de Nanterre et la présente action,

- juger au contraire l'action de la société L. irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée,

Sur le fond,

Sur la contrefaçon,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé qu'il n'y avait pas en l'espèce contrefaçon dans la mesure où la société QST était propriétaire des mobiliers litigieux, et qu'elle était et est ainsi en droit d'utiliser dans son magasin ledit mobilier,

- infirmer par ailleurs le jugement en ce qu'il a dit que les modèles litigieux étaient protégeables par le droit des dessins et modèles, et au contraire,

- juger que lesdits modèles ne constituent que des éléments classiques de rangement ou présentation sans aucune originalité et caractère propre,

- déclarer nul l'enregistrement des modèles appartenant à la société L. enregistrés à l'INPI,

- en tout état de cause, confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que l'intimée ne s'est rendue coupable d'aucun acte de contrefaçon et débouter l'appelant de l'ensemble de ses prétentions.

Sur la concurrence déloyale et le parasitisme,

- juger que l'appelante ne justifie pas qu'elle fonde son action en concurrence déloyale sur des faits distincts de ceux récriminés au titre de son action en contrefaçon et en conséquence déclarer son action jugée irrecevable,

- constater qu'il n'existe aucune confusion entre les parties et confirmer le jugement déféré sur ce point,

- constater en tout état de cause que la société L. prétend être victime de contrefaçon et d'actes de concurrence déloyale sans en apporter la preuve de ses dires,

- constater que la société L. ne rapporte pas la preuve de la commission d'une faute par la société QST, que ce soit sur le plan de la concurrence déloyale ou du parasitisme,

- constater que la société ne rapporte pas la preuve d'un préjudice subi en lien de causalité avec une faute de la société QST et confirmer le jugement déféré sur ce point,

En tout état de cause,

- débouter la société L. de l'ensemble de ses demandes, de fixation, destruction, publication, indemnisation, etc.

Sur les demandes reconventionnelles de la société QST,

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire formulée à titre reconventionnel par la société QST,

- et en conséquence constater que la société GDAOL tente par la présente action en justice de nuire à la société QST, l'objectif étant de mettre à mal un concurrent,

- condamner la société L. à verser la somme de 800.000 euros à titre de dommages-intérêts à la société QST,

- infirmer le jugement du tribunal en ce qu'il a rejeté la demande de publication de l'arrêt et en conséquence,

- ordonner la publication du Jugement à intervenir dans dix publications, au choix de la société QST et sur tout support, pour un montant de 100.000 euros HT dans un délai de 48 heures à compter de la signification du jugement et ce sous astreinte de 10.000euros par jours de retard,

Sur les frais irrépétibles et les dépens,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société L. aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du CPC au bénéfice de la société QST, mais également la somme de 1.500 euros par organe de la procédure collective, dans le cadre du la première instance,

- condamner à nouveau la société L., son appel étant manifestement infondé, à payer les dépens de la présente procédure d'appel dont distraction au bénéfice du cabinet VBA conformément à l'article 699 du code de procédure civile, mais également à lui verser la somme de 20.000 euros supplémentaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre la somme de 2.000 euros à la SCP CBF, 2.000 euros à Maître R..

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 16 novembre 2021.

L'instruction a été clôturée parordonnance du 2 novembre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes de la société L.

1-Au titre du défaut de déclaration de créances

La société QS.T, Maître R. et la SCP CBF soutiennent, au visa desarticles L622-24 et L 622-26 du code de commerce, que les demandes indemnitaires de la société L. sont irrecevables, faute pour elle d'avoir déclaré sa créance dans les deux mois suivant le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire de la société QS.T par letribunal de commerce de Toulouse le 10 octobre 2013.

La société L. fait valoir au contraire que ses demandes sont recevables dans la mesure où ses créances ont pour fait générateur la condamnation de leur débiteur qu'elle sollicite devant la cour et qu'en tous cas, les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire dont elle se plaint sont des faits continus qui n'ont pas cessé après la date du jugement d'ouverture mais qui se sont poursuivis par la suite, renouvelant ainsi le fait générateur de leur créance.

Les faits argués de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire ont débuté le 15 août 2013, antérieurement à la date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire de la société QS.T et se sont poursuivis postérieurement.

Or, faute d'avoir été déclarées dans les délais légaux, les créances nées à l'encontre d'une société faisant l'objet d'une procédure collective antérieurement au jugement d'ouverture lui sont inopposables mais, le délit de contrefaçon étant continu, ses victimes sont recevables à demander l'indemnisation du préjudice qui en résulte pendant la période postérieure au jugement d'ouverture.

En conséquence, seules les créances de la société L. fondées sur des faits postérieurs au jugement d'ouverture, soit le 10 octobre 2013, sont opposables à la société QS.T et les demandes formées à ce titre sont donc seules recevables.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a jugé recevables dans leur totalité les demandes de la société L..

2- Au titre de l'autorité de la chose jugée par le tribunal de commerce de Nanterre

Les intimés reprennent devant la cour la fin de non recevoir soumise au premier juge, fondée sur la chose jugée le 8 juin 2016 par le tribunal de commerce de Nanterre qui aurait selon eux, déjà statué sur les demandes des sociétés GADOL et L. ENSEIGNE fondées sur les faits de contrefaçon et l'existence d'un préjudice tiré de l'utilisation par la société QS.T des mobiliers fabriqués à partir des modèles déposés à l'INPI par la société L..

C'est cependant à juste titre que la société L. objecte que l'autorité de chose jugée ne peut lui être opposée, faute d'identité d'objet et de cause entre la procédure commerciale et le présent litige puisque, comme l'a retenu le tribunal par d'exacts motifs que les débats d'appel n'affectent pas, après avoir rappelé que la propriété matérielle d'un objet n'emporte pas titularité des droits de propriété intellectuelle susceptibles d'y être également attachés, il ressort des échanges de conclusions et du jugement précité du 8 juin 2016 que le tribunal de commerce de Nanterre s'est seulement prononcé sur la propriété du support physique des mobiliers litigieux dans le cadre d'une action en responsabilité contractuelle et non sur les droits de propriété intellectuelle susceptibles de s'y rapporter, dans le cadre d'une action en responsabilité délictuelle, question dont le juge commercial n'avait pas été saisi et qu'il n'avait d'ailleurs pas la compétence matérielle de trancher.

Le jugement rejetant la fin de non recevoir tirée de la chose jugée mérite ainsi confirmation.

Sur la mise hors de cause des organes de la procédure collective

Rectifiant l'erreur commise en première instance sur la nature de ses fonctions, Me R. en sa qualité d'ancien mandataire judiciaire de la société QS.T demande sa mise hors de cause au motif que sa mission a pris fin lors de l'adoption du plan de sauvegarde par le jugement du 9 octobre 2014 désignant Me B. de la SCP CBF commissaire à l'exécution du plan.

Selon les pièces produites par les intimés ( pièce 8, 25, 26 et 27) Me R. avait été désigné mandataire judiciaire et non administrateur judiciaire de la société QS.T par jugement du 10 octobre 2013 et sa mission a pris fin selonordonnance du 16 décembre 2014 avec l'adoption du plan de sauvegarde le 9 octobre 2014 de sorte que rien ne justifie sa présence à la présente procédure.

Il en est de même pour la SCP CBF, administrateur judiciaire nommé commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde, dans la mesure où sa mission ne concerne que le contrôle du règlement des créances admises au plan et antérieures à l'ouverture de la procédure collective, au nombre desquelles ne figurent pas les créances invoquées par la société L. pour cette période, déclarées inopposables à la société QS.T par le présent arrêt.

Il sera donc fait droit aux demandes de mise hors de cause par infirmation du jugement.

Sur la contrefaçon

1-Sur la contrefaçon de dessins et modèles

L'appelante demande à la cour de dire qu'en continuant à utiliser dans les huit magasins anciennement franchisés L., après la rupture des contrats, les mobiliers dont la société QS.T était devenue propriétaire, celle ci s'est rendue coupable de contrefaçon de droits des dessins et modèles appartenant à la société L. déposés et enregistrés par la société L. Enseigne le 19 avril 2010 auprès de l'INPI, sous les numéros 20102103-001, 20106268-004, 20106268-005, n°20102105-009, 20102105-010, 20102105-011, depuis le 15 août et jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir.

L'appelante fait grief au premier juge d'avoir rejeté ses demandes fondées sur cette contrefaçon au motif que la société QS.T, en tant que propriétaire des mobiliers litigieux, était en droit de les utiliser dans les magasins qu'elle exploite sous l'enseigne OPTICEO qu'elle a créée alors que cette utilisation est proscrite sans autorisation du propriétaire des dessins et modèles et que la résiliation des contrats de franchise avait eu pour effet de révoquer l'autorisation d'exploiter les meubles objets de titre de dessins et modèles accordée par ces contrats pour leur durée d'exécution.

Les intimés invoquent en réplique :

- l'absence de protection des modèles précités en raison de leur nullité faute d'originalité et de caractère propre

- l'absence de preuve des faits de contrefaçon rapportée par les constats d'huissier produits

- le droit de la société QS.T en tant que propriétaire des mobiliers litigieux, de les utiliser dans ses magasins en raison du consentement accordé par le propriétaire des dessins et modèles, tel que requis par les dispositions de l'article L. 13-4 du code de la propriété intellectuelle, consentement résultant du transfert de propriété de ce mobilier.

La cour rappelle en premier lieu que seules les demandes formées par la société L. fondées sur des faits postérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective du 10 octobre 2013, sont recevables.

En second lieu, selon le certificat d'identité des dessins et modèles établi par l'INPI produit en pièce 2 par la société L., les modèles de mobilier en cause ont fait l'objet d'un dépôt le 19 avril 2010 et ils sont ainsi protégeables jusqu'au 19 avril 2020 au titre du droit des dessins et modèles s'ils respectent les critères définis par lesarticles L. 1-1 et L. 511-2 du code de la propriété intellectuelle qui disposent, pour le premier cité :

Peut être protégée à titre de dessin ou modèle l'apparence d'un produit, ou d'une partie de produit, caractérisée en particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux. Ces caractéristiques peuvent être celles du produit lui-même ou de son ornementation.

et pour le second :

Seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre.

Les modèles litigieux sont présentés de la manière suivante par la société L. :

- Colonne lumineuse fermée (modèleN°20106268 ' 004, numéro de publication : 878468) : colonne fermée carrée ayant pour particularité d'être lumineuse, surmontée d'un cadre transparent de même forme ; bandeau séparant de manière nette et reconnaissable la colonne elle-même de la colonne en plexiglas ;

- Meuble comptoir (modèle N°20102103 ' 001, 2 reproductions, numéros de publication 875103 et 875104) : meuble de forme cubique doté d'une saillie particulière sur le devant, de couleur rouge orangé ; plateau en verre de forme rectangulaire allongée, supporté par deux (2) supports métalliques de forme circulaire ; agencement du meuble propre à la société L., avec au centre un plateau de verre, encadré de part et d'autre par un plan de travail en-dessous duquel se situe pour chacun un tiroir ; la partie droite du meuble est dotée de la particularité d'avoir plusieurs étagères, et les espaces central et à gauche sont plus larges et destinés à accueillir des équipements informatiques ;

- Meuble pour présentation de lunettes pour enfants (modèle N°20106268 ' 005, numéro de publication 878469) : meuble de forme rectangulaire ayant pour spécificité de disposer d'un renfoncement pour intégrer les supports des lunettes, lequel est incliné (le haut du renfoncement penche vers l'intérieur du meuble), rebord de couleur orangé faisant ressortir le caractère propre du meuble ; bandeau de couleur noire au-dessus du présentoir, destiné à accueillir un élément promotionnel ou publicitaire ;

- Meuble solaire ' Meuble de rangement (modèle N°20102105 ' 010, numéro de publication 878086) : renfoncement profond dans le meuble, de forme rectangulaire, destiné à intégrer des supports pour les lunettes, avec quatre (4) barres métalliques et de forme circulaire, la couleur blanche du renfoncement par rapport à la couleur grise du reste du meuble, le fait ressortir ; tiroir en bas du meuble, sous les présentoirs à lunettes, de la même longueur que le meuble lui-même, qui s'ouvre à l'aide de deux (2) boutons ;

- Meuble solaire - Meuble de rangement (modèle N°20102105 ' 011, numéro de publication 878087) : forme rectangulaire allongée du meuble ; renfoncement à l'intérieur du meuble de couleur blanche le faisant ressortir, doté de deux (2) barres de forme circulaire, étant précisé que le haut du renfoncement penche vers l'intérieur du meuble, tiroir en bas du meuble, sous les présentoirs à lunettes, de la même longueur que le meuble lui-même, qui s'ouvre à l'aide de 2 boutons, rebord de couleur rouge orangé de forme semi-circulaire situé juste au-dessus du tiroir en bas du meuble ;

- Meuble demi-créateur ' Meuble de rangement (modèle N°20102105-009, numéro de publication 878085) : le meuble est rectangulaire, haut et étroit, doté de trois (3) renfoncements de taille et de couleur identiques ; les contours du meuble sont gris et les contours des renfoncements sont particulièrement mis en avant en étant de couleur rouge ; tiroirs en bas du meuble, en-dessous des renfoncements, de la même longueur que le meuble lui-même, qui s'ouvrent à l'aide de deux (2) boutons.

L'appelante estime que l'aspect esthétique et la créativité des formes de ces meubles manifestent leur caractère propre et nouveau alors que les intimés, en produisant des antériorités des modèles en cause, considèrent au contraire qu'il s'agit de mobilier de rayonnage pour pose d'articles d'optiques couramment utilisé dans le milieu et qu'il ne révèle aucun caractère propre ni nouveauté de sorte que les modèles doivent être annulés.

Il doit donc être procédé à l'examen de chaque modèle au regard des critères définis par les textes précités du code de la propriété intellectuelle.

- La colonne lumineuse fermée (modèleN°20106268 ' 004)

Ce modèle est un meuble de présentation en forme de colonne haute, étroite et rectangulaire, chapeauté d'un cube transparent .

Ce meuble présentoir apparaît banal et très fonctionnel, sans originalité particulière ni recherche esthétique notable dans ses formes géométriques, à l'instar des modèles de présentoir verticaux et rectangulaires surmontés d'une vitrine d'exposition cubique déposés le 29 octobre 1999 par une société B. sous lesn°996679-001 et 996679-003 produits par les intimés dans leurs pièces n°21.

- Le meuble comptoir (modèle N°20102103 ' 001)

Les antériorités de meuble comptoir présentées par les intimées en pièces 22, bien que proches du modèle en cause, ne lui sont pas similaires mais ce meuble comptoir cubique à rayonnage à saillie sur le devant et surmonté d'un plateau de verre présente aussi un dessin essentiellement fonctionnel et neutre, sans ligne esthétique remarquable ni originalité de la forme et il ne peut ainsi prétendre détenir un caractère propre.

- Les meubles de présentation et de rangements de lunettes n°201006268-005, 20102105-010 et 20102105-011.

Ce sont des meubles rectangulaires de présentation et de rangement de lunettes purement fonctionnels et dénués de recherche esthétique particulière, à l'instar des antériorités similaires produites en pièces 23 par les intimés, pour des modèles déposés par la société GADOL le 23 octobre 2002 sous le n°026453-009, et par la société SEE M. le 8 décembre 1998 sous lesn°987269-001 et 987269-002.

Ces modèles ne présentent ainsi ni originalité ni nouveauté.

- Le meuble demi-créateur ' meuble de rangement (modèle N°20102105-009)

Il s'agit d'un meuble de rangement rectangulaire, haut et étroit avec trois cellules de rangement, qui présente également un aspect neutre et purement fonctionnel, sans marque de créativité, similaire au modèle antérieur objet de la piècen°24 des intimés, déposé le 1er février 2002 par Mme Véronique V. sous len°020681-005.

En conséquence de ce qui précède, faute d'originalité et/ou de caractère nouveau des modèles litigieux, et en application des dispositions de l'article L512-4 a) du code de la propriété intellectuelle, leur enregistrement doit être annulé et l'appelante n'est pas fondée à en invoquer la contrefaçon.

Le débouté de la société L. de toutes ses demandes au titre des faits de contrefaçons de dessins et modèles sera en conséquence confirmé par motifs substitués, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens opposés par les intimés.

2- Sur la contrefaçon des marques L. visées au contrat de franchise, par suppression de marque déposée

L'appelante demande à la cour de dire que la société QS.T s'est rendue coupable de contrefaçon des marques « L. L'OPTICIEN » n°4116340 n°4033957 n°4033958, «L. OPTICIEN» n°99775203, «L.» n°4393928 et n°1555096, par suppression de marque régulièrement apposée puisqu'il n'est pas contesté que la société QS.T a supprimé ces marques apposées en tant qu'enseigne sur le mobilier fourni par la société L. pour le remplacer par la marque OPTICEO.

Cette demande, non soumise au premier juge, est irrecevable comme nouvelle en appel et elle apparaît en tout état de cause contradictoire avec l'argumentaire soumis au tribunal et repris en page 10 du jugement, dans lequel la société L. faisait valoir que la suppression des signes d'appartenance au réseau L. sur les mobiliers litigieux, invoquée en défense à l'action en contrefaçon de dessins et modèles par la société QS.T, était sans incidence sur la contrefaçon dénoncée, puisqu'en tant que titulaire d'un droit de propriété intellectuelle sur les dessins et modèles qu'elle a déposés et divulgués, la société L. s'estimait en droit d'en interdire la détention et l'usage par un tiers, lorsqu'ils sont incorporés dans un produit comme en l'espèce.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

L'appelante demande à la cour, à titre subsidiaire, de dire que la société QS.T s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à son encontre depuis le 15 août 2013 et jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir et elle réclame condamnation à titre de dommages et intérêts de la somme de 800.000 € avec la publication de l'arrêt à intervenir, invoquant le risque de confusion créé dans l'esprit du public entre les deux entreprises concurrentes en raison de l'utilisation par la société QS.T des signes distinctifs de la société L..

Les intimés soulèvent l'irrecevabilité de l'action en concurrence déloyale en ce qu'elle n'est pas fondée sur des faits distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon et ils concluent en tout cas au rejet de l'action faute de démonstration d'un quelconque risque de confusion.

La société L. soutient que la concurrence déloyale se manifeste de quatre façons: le risque de confusion dans l'esprit du public, l'utilisation par la société QS.T de son enseigne au moins jusqu'en septembre 2013, l'usage d'un code couleur identique et l'adoption dans les magasins à l'enseigne OPTICEO du même agencement de ses magasins.

L'action de l'appelante est ainsi recevable dans la mesure où elle se fonde sur des faits autres que la contrefaçon de ses dessins et modèles.

S'agissant toutefois du risque de confusion, l'appelante expose que la société QS.T a continué à utiliser le propre mobilier de la société L., selon la même disposition, dans ses magasins sous sa propre nouvelle enseigne et que cette utilisation ne saurait être autorisée, dès lors que les mobiliers incorporent les dessins et modèles valablement protégés par la société L. auprès de l'INPI, créant nécessairement une confusion dans l'esprit du public entre les deux enseignes.

L'utilisation illicite par la société QS.T du mobilier incorporant les dessins et modèles de l'appelante ayant été écartée plus haut, la société L. n'est pas fondée à l'invoquer comme constitutive d'un fait distinct de concurrence déloyale, d'autant plus que, comme relevé à raison par le tribunal, le public n'accorde qu'une attention limitée au mobilier d'un opticien et que tous les signes d'appartenance au réseau L. ont été supprimés sur les mobiliers par la société QS.T après septembre 2013 pour être remplacés par l'enseigne OPTICEO.

Pour ce qui concerne justement l'utilisation par la société QS.T de l'enseigne L. jusqu'en septembre 2013,les demandes formées à ce titre sont irrecevables puisque fondées sur des faits antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective, soit le 10 octobre 2013 et qu'il n'est pas démontré la poursuite de cette usage après cette date, les constats d'huissier produits sur ce point par l'appelante étant datés du 23 au 26 septembre 2013.

Au surplus, il ne saurait être fait grief à la société QS.T, prise au dépourvu par la rupture des contrats de franchise au milieu de l'été, le 30 juillet 2013, d'avoir concrètement eu besoin de temps pour remplacer toutes les enseignes des huit magasins compte tenu des circonstances de la rupture jugées particulièrement abusives par le tribunal de commerce de Nanterre de sorte que ce retard de quelques semaines ne peut être qualifié de fautif.

S'agissant de la reprise du code couleur de la société L., le premier juge a exactement retenu, après comparaison des codes en cause, que si les couleurs utilisées sont similaires pour les deux sociétés, ce qui n'est d'ailleurs pas fautif en soi, leurs utilisations respectives différaient de sorte qu'aucune confusion n'était possible pour un consommateur d'attention moyenne.

Enfin, l'imitation de l'agencement spécifique des magasins L. n'est nullement établie puisque la société appelante se contente de procéder par affirmation en soutenant que les constats d'huissier établissent que la société QS.T n'a pas modifié dans ses magasins l'agencement particulier à l'enseigne L. après la rupture des contrats alors qu'il n'est fourni aucun élément sur cet agencement spécifique que le franchisé devait adopter conformément à un guide de l'agencement qui n'est pas produit.

Au surplus, comme l'a relevé à bon droit le premier juge, c'est à l'appelante qu'il appartient d'apporter la preuve de l'imitation de l'agencement invoquée et non à la société QS.T de démontrer le changement d'agencement de ses magasins.

La société L. se plaint enfin d'actes de parasitisme par l'utilisation de ses investissements et de sa notoriété par la société QS.T, ce que réfutent les intimés.

Les débats d'appel ne remettent pas en cause l'exact constat du premier juge relevant que l'appelante ne produit aucun élément probant sur les pratiques fautives de la société QS.T de nature à tirer profit sans dépenses, du savoir faire, de la notoriété et des investissements de la société L. qui ne justifie d'ailleurs toujours pas en appel de son préjudice et en particulier, du montant des investissements qu'elle aurait engagés pour la conception des mobiliers, de l'agencement de ses magasins franchisés et de la promotion de son enseigne.

Le jugement qui a débouté la société L. de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire et des demandes subséquentes aux fins de sanction et de réparation sera en conséquence également confirmé.

Sur l'appel incident

Le seul fait que l'appelante succombe en son appel ne rend pas pour autant abusive la procédure engagée à l'encontre de la société QS.T qui n'établit pas l'intention de lui nuire de la société L. de sorte que le rejet de sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef sera confirmé.

Il en est de même du rejet de la demande de publication de la décision, faute pour la société QS.T de justifier du préjudice invoqué résultant d'une atteinte au principe de libre concurrence et de liberté du commerce engendré par la présente procédure.

En revanche, les intimés sont fondés à obtenir les indemnités fixées au dispositif au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- rejeté la demande de mise hors de cause de la SCP C.-B.-F.,

- déclaré la société L. recevable en ses demandes,

Statuant à nouveau sur ces points et y ajoutant:

- prononce la mise hors de cause de la SCP C.-B.-F. es qualités d'administrateur judiciaire de la société QS.T et commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde et de Me R., es qualités de mandataire judiciaire;

- dit que seules les créances de la société L. fondées sur des faits postérieurs au jugement d'ouverture, soit le 10 octobre 2013, sont opposables à la société QS.T et que les demandes formées à ce titre sont seules recevables;

- déclare nul l'enregistrement des modèles de mobiliers déposés à l'INPI par la société L. Enseigne le 19 avril 2010 et enregistrés sous les numéros 20102103-001, 20106268-004, 20106268-005, n°20102105-009, 20102105-010, 20102105-011;

Confirme le jugement pour le surplus et, y ajoutant,

Rejette la demande de la société L. fondée sur la contrefaçon des marques L. par suppression de marque déposée;

Condamne la société L. à payer, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

- à la SASU QS.T la somme de 10.000 €,

- à la SCP C.-B.-F. és qualités d'administrateur judiciaire de la société QS.T et de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde et à Me R., es qualités de mandataire judiciaire, la somme de 2.000 € chacun,

Condamne la société L. aux dépens d'appel qui seront recouvrés directement au profit des avocats de la cause selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.