Livv
Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 18 janvier 2022, n° 18/05935

BORDEAUX

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Groupement d'achats des opticiens lunetiers (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Potee

Conseillers :

M. Braud, M. Vallee

TGI Bordeaux, du 11 sept. 2018

11 septembre 2018

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

La société Groupement d'Achats Des Opticiens Lunetiers (ci-après la société GADOL) est une société coopérative à forme anonyme qui anime un réseau d'opticiens commerçants indépendants, regroupant plus de 1.170 magasins d'optique lunetterie en France, exerçant sous l'enseigne « OPTIC 2000 ». Elle appartient au même groupe que la SAS LISSAC ENSEIGNE, elle-même à la tête d'un réseau de franchises de plus de 170 magasins d'optique lunetterie en France exerçant sous l'enseigne « LISSAC ».

La société QS.T Optique, filiale de la société QS Traeder (devenue QS.T Groupe en 2012, puis QS.T Holding en 2013), a été créée en 2007 avec pour objet la commercialisation d'instruments d'optique et d'audio. En 2011, elle était à la tête de 12 magasins exerçant sous l'enseigne 'ATOL'.

Courant 2011, la société QS.T Optique a rompu ses relations contractuelles avec la société coopérative ATOL pour rejoindre le groupe GADOL - OPTIC 2000 - LISSAC.

Le 1er juillet 2011, un protocole d'accord a été signé entre :

- la société QS Traeder, société holding du groupe QS.T devenue QS.T Holding, et désormais SAS Opticeo France,

- la société QS .T Optique, devenue, suite a une opération de fusion-absorption avec la société Foch Optique, la société QS.T, et ce à compter du 22 avril 2013,

- M. Frédéric A., en sa qualité de dirigeant et associé majoritaire des sociétés du groupe QS.T,

- la société LISSAC ENSEIGNE, enseigne « LISSAC »,

- la société GADOL, enseigne « OPTIC 2000 ».

Suite à ce protocole d'accord, la société GADOL a signé le 15 juillet 2011 avec la société QS.T OPTIQUE et la société FOCH OPTIC, appartenant également au groupe QS.T, quatre contrats « Nouvel exploitant OPTIC 2000 » en vue de l'exploitation de quatre magasins sous l'enseigne « OPTIC 2000 » :

- un magasin situé dans le centre commercial Val d'Yerres 2, à Boussy Saint-Antoine (91), contrat signé avec la société FOCH OPTIC,

- un magasin situé dans le [...], contrat signé avec la société FOCH OPTIC,

- un magasin situé [...], contrat signé avec la société QS.T OPTIQUE,

- un magasin situé [...], contrat signé avec la société QS.T OPTIQUE.

Ces contrats, dont l'entrée à vigueur a été repoussée au 1er janvier 2012 compte tenu de la date effective de résiliation des engagements contractuels de la société QS.T OPTIQUE avec l'enseigne 'ATOL' repoussée au 31 décembre 2011, incluent un contrat de franchise ainsi qu'un contrat spécifique relatif à l'utilisation de la marque du réseau 'OPTIC 2000'. Ils permettent aux franchisés d'exploiter les marques appartenant à la société GADOL et d'utiliser différents mobiliers qui ont été déposés par elle à l'INPI au titre des dessins et modèles et qu'elle fournit à ses nouveaux adhérents lors de leur entrée dans le réseau à charge pour eux de respecter l'agencement des magasins qui leur est imposé.

Dans le cadre de ces contrats, la société GADOL a ainsi mis à la disposition des quatre magasins susvisés, en plusieurs exemplaires afin de permettre leur agencement, six mobiliers ayant fait l'objet d'un dépôt de dessins et modèles auprès de l'INPI le 23 octobre 2002 sous le n°02 6453, soit :

- une stèle vitrine (modèlen°02 6453-001 : meuble vitrine destiné à recevoir des produits optiques),

- une table ronde (modèlen°02 6453-002 : une table ronde destinée à recevoir des lunettes),

- une table de prescription (modèlen°02 6453-003 : table ovale séparée par un caisson et une petite cloison),

- une table centrale (modèlen°02 6453-004 : assemblage de tables rectangulaires et semi-rondes séparée par deux piliers et surplombée par une retombée),

- une caisse d'angle (modèlen°02 6453-005 : meuble caisse composé de deux éléments dont un avec tablette et module en quart de cercle permettant d'effectuer une liaison),

- un meuble mural (modèlen°02 6453-009 : meuble mural destiné à recevoir des lunettes tablette et deux portes basses).

Suite à plusieurs échanges intervenus en 2013 entre la société QS.T et la société GADOL relatifs au non-paiement par la première de diverses échéances dues au titre des contrats conclus le 15 juillet 2011, la société GADOL a, par courrier du 16 septembre 2013, notifié à la société QS.T la résiliation des contrats 'Nouvel exploitant Optic 2000' conclus le 15 juillet 2011 avec effet immédiat.

Postérieurement à la cessation de ses relations contractuelles avec la société GADOL, la société QS.T a poursuivi l'exploitation des quatre magasins anciennement sous enseigne 'OPTIC 2000' sous une nouvelle enseigne indépendante, appelée 'OPTICEO'.

Par assignation du 20 août 2013, la société GADOL a assigné la société QS.T devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de la voir condamner à payer la somme, en principal, de 161.928,72€, outre des frais de recouvrement d'un montant de 2.481,10 €, intérêts de retard au taux de 13,20 % l'an, ainsi que 5.000 € au titre de 1'article 700 du code de procédure civile.

Parjugement du 8 juin 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a, entre autres dispositions :

- jugé que la société GADOL OPTIC 2000 avait résilié de manière abusive les quatre contrats de concession exclusive et l'a condamnée en conséquence à payer la somme de 99.000 € de dommages et intérêts à la société QS.T,

- débouté la société GADOL OPTIC 2000 de sa demande tendant à voir condamner la société QS.T à lui verser la somme de 214.656 € à titre d'astreinte pour la période du 1er novembre 2013 au 31 décembre 2015 fondée sur le moyen selon lequel la société QS.T aurait poursuivi l'utilisation des signes d'appartenance au réseau de franchisés 'OPTIC 2000' postérieurement au 31 décembre 2013,

- débouté la société GADOL de sa demande visant à voir ordonner le retrait du mobilier qu'elle avait mis à la disposition des magasins de la société QS.T pour l'exploitation de quatre de ses magasins sous l'enseigne 'OPTIC 2000', considérant par la même que la société QS.T en était la propriétaire.

Parjugement du 10 octobre 2013, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société QS.T et désigné Maître Christian R. en qualité de mandataire judiciaire et la SCP C.-B.-F. en tant qu'administrateur judiciaire.

Le 9 octobre 2014, le tribunal de commerce de Toulouse a arrêté le plan de sauvegarde de la société QS.T sur une durée de 10 ans en désignant la SCP C.-B.-F., pris en la personne de Maître B., commissaire à l'exécution du plan.

Considérant que la poursuite par la société QS.T, sans son autorisation, de l'usage des mobiliers incorporant les dessins et modèles qu'elle a déposées à l'INPI dans les magasins exploités sous l'enseigne OPTICEO caractérise des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire, la société GADOL a, par acte d'huissier 25 janvier 2016, assigné la société QS.T, la SCP C.-B.-F. ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société QS.T et Me Christian R. ès qualités de mandataire judiciaire de la société QS.T, devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de voir notamment reconnaître l'usage des mobiliers ayant fait l'objet de dépôts en tant que dessins et modèles à l'INPI sans son autorisation.

Par jugement du 11 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- déclaré sans objet les conclusions de procédure comportant demande de rabat de l'ordonnance de clôture déposées par la SASU QS.T le 4 juin 2018,

- rejeté la demande de mise hors de cause de la SCP C.-B.-F.,

- déclaré la société GADOL recevable en ses demandes,

- dit que les modèles de mobiliers déposés à l'INPI le 23 octobre 2002 par la société GADOL sous les numéros 026453-001, 026453-002, 02 6453-003, 02 6453-004, 02 6453-005 et 02 6453-009 sont protégeables au titre du droit des dessins et modèles par les dispositions du livre V du code de la propriété intellectuelle,

- débouté en conséquence la SASU QS.T, la SCP C.-B.-F. ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société QS.T et Maître Christian R. és qualités de mandataire judiciaire de la société QS.T de leur demande de nullité des dépôts de modèles effectués le 23 octobre 2002 sous les numéros 02 6453-001, 026453-002, 02 6453-003, 02 6453-004, 02 6453-005 et 02 6453-009 par la société GADOL,

- débouté la société GADOL de l'ensemble de ses prétentions au titre de la contrefaçon de dessins et modéles et de la concurrence déloyale et parasitaire, ainsi que de ses demandes subséquentes présentées à titre de sanction et de réparation desdits agissements,

- rejeté les demandes reconventionnelles présentées par la SASU QS.T, la SCP C.-B.-F. ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société QS.T et Maître Christian R. ès qualités de mandataire judiciaire de la société QS.T,

- condamné la société GADOL à payer à la SASU QS.T la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société GADOL à payer à la SCP C.-B.-F. és qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société QS.T et à Maître R. ès qualités de mandataire judiciaire de la société QS.T la somme de 1.500 € chacun au titre des frais irrépétibles,

- condamné la société GADOL aux dépens de l'instance, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,

- rejeté toutes autres demandes comme non fondées.

La société GADOL a relevé appel de ce jugement par déclaration du 5 novembre 2018.

Par conclusions déposées le 29 octobre 2021, la société GADOL demande à la cour de :

- constater l'appel partiel relevé en date du 5 novembre 2018 par la société GADOL du jugement du 11 septembre 2018,

- confirmer le jugement en ce qu'il :

 Rejette la demande de mise hors de cause de la SCP C.-B.-F.,

 Déclare la société GADOL recevable en ses demandes,

 Dit que les modèles de mobiliers déposés à l'INPI le 23 octobre 2002 par la société GADOL sous les numéros 02 6453-001, 02 6453-002, 02 6453-003, 02 6453-004, 02 6453-005 et 02 6453-009 sont protégeables au titre du droit des dessins et modèles par les dispositions du livre V du code de la propriété intellectuelle,

 Dit en conséquence la SASU QS.T, la SCP C.-B.-F. ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société QS.T et Maître Christian R. ès qualités de mandataire judiciaire de la société QS.T de leur demande de nullité des dépôts de modèles effectués le 23 octobre 2002 sous les numéros 02 6453-001, 026453-002, 02 6453-003, 02 6453-004, 02 6453-005 et 02 6453-009 par la société GADOL,

 Rejette les demandes reconventionnelles présentées par la SASU QS.T, la SCP C.-B.-F. ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société QS.T et Maître Christian R. ès qualité de mandataire judiciaire de la société QS.T,

- infirmer le jugement attaqué du 11 septembre 2018, en ce qu'il :

 Déboute la société GADOL de l'ensemble de ses prétentions au titre de la contrefaçon de dessins et modèles et de la concurrence déloyale et parasitaire, ainsi que de ses demandes subséquentes présentées à titre de sanction et de réparation desdits agissements,

 Condamne la société GADOL à payer à la SASU QS.T la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

 Condamne la société GADOL à payer à la SCP C.-B.-F. ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société QS.T et à Maître R. ès qualités de mandataire judiciaire de la société QS.T la somme de 1.500 € chacun au titre des frais irrépétibles,

 Condamne la société GADOL aux dépens de l'instance, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Et, statuant à nouveau,

- rejeter la demande de mise hors de cause de la SCP C.-B.-F. ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société QS.T et de Maître Christian R. ès qualités de mandataire judiciaire de la société QS.T,

- rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société QS.T,

- dire la société GADOL recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

- constater le caractère nouveau et propre des dessins et modèles déposés par la société GADOL le 23 octobre 2002 auprès de l'INPI, sous le numéro 026453, concernant les modèlesN°02 6453-001 ;N°02 6453-003 ; N°02 6453-004 ;N°02 6453-005 ;N°02 6453-009 etN°02 6453-002,

- constater la validité de la protection au titre du droit des dessins et modèles conférée par les dispositions du Code de la propriété intellectuelle aux dessins et modèlesN°02 6453-001 ;

N° 02 6453-003 ;N°02 6453-004 ;N°02 6453-005 ;N°02 6453-009 etN°02 6453-002, déposés par la société GADOL le 23 octobre 2002 auprès de l'INPI, sous le numéro 026453,

- constater l'utilisation illicite et sans droit faite par la société QS.T des dessins et modèles dont la société GADOL est titulaire, qu'elle a déposés le 23 octobre 2002 auprès de l'INPI, sous le numéro 026453, pour les modèlesN°02 6453-001 ;N°02 6453-003 ;N°02 6453-004 ;N°02 6453-005 ;N°02 6453-009 etN°02 6453-002 ;

- juger que la société QS.T s'est rendue coupable de :

 contrefaçon de droits de dessins et modèles appartenant à la société GADOL, enregistrés sous les numéros n°026453-001, n°026453-002, n°026453-003, n°026453-004, n°026453-005 et n°026453-009 auprès de l'INPI le 23 octobre 2002, depuis le 16 septembre 2013 et jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir,

 contrefaçon des marques OPTIC 2000 visées au contrat de franchise, par suppression de marque régulièrement apposée,

 d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société GADOL, depuis le 16 septembre 2013 et jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir,

En conséquence,

- constater l'existence d'une créance de la société GADOL à l'égard de la société QS.T,

- interdire à la société QS.T toute fabrication, offre, mise sur le marché, importation, exportation, transbordement, utilisation ou détention à ces fins d'un produit incorporant les dessins et modèles n°026453-001, n°026453-002, n°026453-003, n°026453-004, n°026453-005 et n°026453-009 dont est titulaire la société GADOL, directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, ainsi que tout usage des signes distinctifs du réseau « OPTIC 2000» dont la société GADOL est à la tête, y incluant en outre son code couleur et l'agencement de ses magasins, sous astreinte de 10.000euros par infraction et par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- ordonner la saisie et la destruction de tous les produits détenus par la société QS.T, où qu'ils se trouvent, incorporant l'un des dessins et modèles enregistrés à l'INPI sous les n°026453-001, n°026453-002, n°026453-003, n°026453-004, n°026453-005 et n°026453-009, aux seuls frais de la société QS.T, sous astreinte de 10.000 euros par infraction et par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société QS.T à verser à la société GADOL les sommes suivantes, en réparation des atteintes portées à ses droits de dessins et modèles :

 600.000 euros à titre de dommages-intérêts du fait du préjudice patrimonial subi du fait de la contrefaçon,

 200.000 euros à titre de dommages-intérêts du fait du préjudice moral subi du fait de la contrefaçon,

 800.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du parasitisme et des actes de concurrence déloyale,

- rejeter l'ensemble des demandes reconventionnelles formulées par les intimés,

A titre subsidiaire, et si la protection accordée par le droit des dessins et modèles n'était pas reconnue aux dessins et modèles dont la société GADOL est titulaire,

- condamner la société QS.T à verser à la société GADOL la somme de 800.000 euros à titre de dommages-intérêts pour les actes de concurrence déloyale et parasitaire,

En tout état de cause,

- ordonner la parution, aux frais avancés solidairement de la société QS.T et Maître R. ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société QS.T, du dispositif de l'arrêt à intervenir dans dix (10) publications au choix de la société GADOL dans la limite de 10.000 euros HT par insertion, soit une somme globale de 100.000 euros HT, dans un délai de 48 heures à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard,

- condamner la société QS.T à verser à la société GADOL la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société QS.T aux entiers dépens, en ce compris les frais engagés par la société GADOL auprès des études d'huissiers ayant constaté les atteintes de la société QS.T, dont distraction au profit de Maître Mathieu D., conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions du 30 octobre 2019, la société QS.T, maître Christian R. et la SCP C.B.F. ( la SCP CBF ) demandent à la cour de :

- juger la société QS.T recevable et bien fondée en ses demandes et son appel incident,

A titre liminaire,

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé recevable l'action de la société GADOL,

- constater au contraire que la créance supposée dont tente de se prévaloir la société GADOL relativement à des prétendus actes de contrefaçon et concurrence déloyale est antérieure à la procédure collective dont bénéficie la société QS.T, ce que la société QS.T soutenait elle-même dans son courrier du 28 novembre 2013,

- juger qu'à défaut de déclaration d'une telle créance indemnitaire chiffrée et évaluée, les demandes indemnitaires sont inopposables à la société QS.T actuellement en cours d'exécution de son plan de sauvegarde,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il n'a pas mis hors de cause Me R. et la SCP CBF,

- constater au contraire que la société QS.T étant en plan de sauvegarde, Me R., son ancien administrateur judiciaire de la société doit être mise hors de cause,

- mettre hors de cause Me R.,

- mettre hors de cause également la SCP CBF,

- infirmer le jugement entreprise en ce qu'il a jugé l'action de la société GADOL recevable dans la mesure où il n'y a pas identité de cause entre le litige soumis au tribunal de commerce de Nanterre et la présente action,

- juger au contraire l'action de la société GADOL irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée,

Sur le fond,

Sur la contrefaçon,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé qu'il n'y avait pas en l'espèce contrefaçon dans la mesure où la société QS.T était propriétaire des mobiliers litigieux, et qu'elle était et est ainsi en droit d'utiliser dans son magasin ledit mobilier,

- infirmer par ailleurs le jugement en ce qu'il a dit que les modèles litigieux étaient protégeables par le droit des dessins et modèles, et au contraire,

- juger que lesdits modèles ne constituent que des éléments classiques de rangement ou présentation sans aucune originalité et caractère propre,

- déclarer nul l'enregistrement des modèles appartenant à la société GADOL enregistrés sous les n°026453-001, n°026453-002 et n°026453-009,

- en tout état de cause, confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que l'intimée ne s'est rendue coupable d'aucun acte de contrefaçon et débouter l'appelant de l'ensemble de ses prétentions.

Sur la concurrence déloyale et le parasitisme,

- juger que l'appelante ne justifie pas qu'elle fonde son action en concurrence déloyale sur des faits distincts de ceux récriminés au titre de son action en contrefaçon et en conséquence

déclarer son action jugée irrecevable,

- constater qu'il n'existe aucune confusion entre les parties et confirmer le jugement déféré sur ce point,

- confirmer également le jugement en ce qu'il a jugé que les deux enseignes en conflit différaient très largement, rendant impossible toute confusion ou même rapprochement intellectuel,

- constater en tout état de cause que la société GADOL prétend être victime de contrefaçon et d'actes de concurrence déloyale sans en apporter la preuve de ses dires,

- constater que la société GADOL ne rapporte pas la preuve de la commission d'une faute par la société QS.T, que ce soit sur le plan de la concurrence déloyale ou du parasitisme,

- constater que la société ne rapporte pas la preuve d'un préjudice subi en lien de causalité avec une faute de la société QST et confirmer le jugement déféré sur ce point,

En tout état de cause,

- débouter la société GADOL de l'ensemble de ses demandes, de fixation, destruction, publication, indemnisation, etc.

Sur les demandes reconventionnelles de la société QS.T,

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire formulée à titre reconventionnel par la société QS.T,

- et en conséquence constater que la société GDAOL tente par la présente action en justice de nuire à la société QS.T, l'objectif étant de mettre à mal un concurrent,

- condamner la société GADOL à verser la somme de 400.000 euros à titre de dommages-intérêts à la société QS.T,

- infirmer le jugement du tribunal en ce qu'il a rejeté la demande de publication de l'arrêt et en conséquence,

- ordonner la publication du jugement à intervenir dans dix publications, au choix de la société QS.T et sur tout support, pour un montant de 100.000 euros HT dans un délai de 48 heures à compter de la signification du jugement et ce sous astreinte de 10.000 euros par jours de retard,

Sur les frais irrépétibles et les dépens,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société GADOL aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société QST, mais également la somme de 1.500 euros par organe de la procédure collective, dans le cadre du la première instance,

- condamner à nouveau la société GADOL, son appel étant manifestement infondé, à payer les dépens de la présente procédure d'appel dont distraction au bénéfice du cabinet VBA conformément à l'article 699 du code de procédure civile, mais également à lui verser la somme de 20.000 euros supplémentaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre la somme de 2.000 euros à la SCP CBF, 2.000 euros à Maître R..

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 16 novembre 2021.

L'instruction a été clôturée parordonnance du 2 novembre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes de la société GADOL

1-Au titre du défaut de déclaration de créances

La société QS.T, Maître R. et la SCP CBF soutiennent, au visa desarticles L. 622-24 et L. 622-26 du code de commerce que les demandes indemnitaires de la société GADOL sont irrecevables, faute pour elle d'avoir déclaré sa créance dans les deux mois suivant le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire de la société QS.T par letribunal de commerce de Toulouse le 10 octobre 2013.

La société GADOL fait valoir au contraire que ses demandes sont recevables dans la mesure où ses créances ont pour fait générateur la condamnation de leur débiteur qu'elle sollicite devant la cour et qu'en tous cas, les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire dont elle se plaint sont des faits continus qui n'ont pas cessé après la date du jugement d'ouverture mais qui se sont poursuivis par la suite, renouvelant ainsi le fait générateur de leur créance.

Il est constant que les faits argués de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire ont débuté antérieurement à la date du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire de la société QS.T et se sont poursuivis postérieurement.

Or, faute d'avoir été déclarées dans les délais légaux, les créances nées à l'encontre d'une société faisant l'objet d'une procédure collective antérieurement au jugement d'ouverture lui sont inopposables mais, le délit de contrefaçon étant continu, ses victimes sont recevables à demander l'indemnisation du préjudice qui en résulte pendant la période postérieure au jugement d'ouverture.

En conséquence, seules les créances de la société GADOL fondées sur des faits postérieurs au jugement d'ouverture, soit le 10 octobre 2013, sont opposables à la société QS.T et les demandes formées à ce titre sont donc seules recevables.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a jugé recevables dans leur totalité les demandes de la société GADOL.

2- Au titre de l'autorité de la chose jugée par le tribunal de commerce de Nanterre

Les intimés reprennent devant la cour la fin de non recevoir soumise au premier juge, fondée sur la chose jugée le 8 juin 2016 par le tribunal de commerce de Nanterre qui aurait selon eux, déjà statué sur les demandes des sociétés GADOL et LISSAC ENSEIGNE fondées sur les faits de contrefaçon et l'existence d'un préjudice tiré de l'utilisation par la société QS.T des mobiliers fabriqués à partir des modèles déposés à l'INPI par la société GADOL.

C'est cependant à juste titre que la société GADOL objecte que l'autorité de chose jugée ne peut lui être opposée, faute d'identité d'objet et de cause entre la procédure commerciale et le présent litige puisque, comme l'a retenu le tribunal par d'exacts motifs que les débats d'appel n'affectent pas, après avoir rappelé que la propriété matérielle d'un objet n'emporte pas titularité des droits de propriété intellectuelle susceptibles d'y être également attachés, il ressort des échanges de conclusions et du jugement précité du 8 juin 2016 que le tribunal de commerce de Nanterre s'est seulement prononcé sur la propriété du support physique des mobiliers litigieux dans le cadre d'une action en responsabilité contractuelle et non sur les droits de propriété intellectuelle susceptibles de s'y rapporter, dans le cadre d'une action en responsabilité délictuelle, question dont le juge commercial n'avait pas été saisi et qu'il n'avait d'ailleurs pas la compétence matérielle de trancher.

Le jugement rejetant la fin de non recevoir tirée de la chose jugée mérite ainsi confirmation.

Sur la mise hors de cause des organes de la procédure collective

Rectifiant l'erreur commise en première instance sur la nature de ses fonctions, Me R. en sa qualité d'ancien mandataire judiciaire de la société QS.T demande sa mise hors de cause au motif que sa mission a pris fin lors de l'adoption du plan de sauvegarde par le jugement du 9 octobre 2014 désignant Me B. de la SCP CBF commissaire à l'exécution du plan.

Selon les pièces produites par les intimés ( pièce 8, 26, 27 et 28) Me R. avait été désigné mandataire judiciaire et non administrateur judiciaire de la société QS.T par jugement du 10 octobre 2013 et sa mission a pris fin selonordonnance du 16 décembre 2014 avec l'adoption du plan de sauvegarde le 9 octobre 2014 de sorte que rien ne justifie sa présence à la présente procédure.

Il en est de même pour la SCP CBF, administrateur judiciaire nommé commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde, dans la mesure où sa mission ne concerne que le contrôle du règlement des créances admises au plan et antérieures à l'ouverture de la procédure collective, au nombre desquelles ne figurent pas les créances invoquées par la société GADOL pour cette période, déclarées inopposables à la société QS.T par le présent arrêt.

Il sera donc fait droit aux demandes de mise hors de cause par infirmation du jugement.

Sur la contrefaçon

1-Sur la contrefaçon de dessins et modèles

L'appelante demande à la cour de dire qu'en continuant à utiliser dans les quatre magasins anciennement franchisés OPTIC 2000, après la rupture des contrats 'Nouvel exploitant OPTIC 2000" , les mobiliers dont la société QS.T était devenue propriétaire, celle ci s'est rendue coupable de contrefaçon de droits des dessins et modèles appartenant à la société GADOL enregistrés sous les numéros n°026453-001, n°026453-002, n°026453-003, n°026453-004, n°026453-005 et n°026453-009 auprès de l'INPI le 23 octobre 2002, depuis le 16 septembre 2013 et jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir.

L'appelante fait grief au premier juge d'avoir rejeté ses demandes fondées sur cette contrefaçon au motif que si elle justifiait bien du caractère protégeable des modèles précités en raison de leurs caractères spécifiques, la société QS.T, en tant que propriétaire des mobiliers litigieux, était en droit de les utiliser dans les magasins qu'elle exploite sous l'enseigne OPTICEO qu'elle a créée alors que cette utilisation est proscrite sans autorisation du propriétaire des dessins et modèles et que la résiliation des contrats de franchise avait eu pour effet de révoquer l'autorisation d'exploiter les meubles objets de titre de dessins et modèles accordée par ces contrats pour leur durée d'exécution.

Les intimés invoquent en réplique:

- l'expiration de la protection des modèles n°026453-003, n°026453-004, n°026453-005 depuis le 23 octobre 2012

- la nullité des modèles n°026453-001, n°026453-002 et n°026453-009 faute d'originalité et de caractère propre

- l'absence de preuve des faits de contrefaçon rapportée par les constats d'huissier produits

- le droit de la société QS.T en tant que propriétaire des mobiliers litigieux, de les utiliser dans ses magasins en raison du consentement accordé par le propriétaire des dessins et modèles, tel que requis par les dispositions de l'article L. 513-4 du code de la propriété intellectuelle, consentement résultant du transfert de propriété de ce mobilier.

La cour rappelle en premier lieu que seules les demandes formées par la société GADOL fondées sur des faits postérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective du 10 octobre 2013, sont recevables.

En second lieu, la cour constate que selon le certificat d'identité des dessins et modèles établi par l'INPI produit en pièce 2 par la société GADOL pour établir la titularité de ses droits, il apparaît que les modèles de meuble en cause ont fait l'objet d'un dépôt le 23 octobre 2002 sous le n°026453 et que, selon les notices complètes jointes au certificat, datées des 4 mai 2015 et 9 juin 2015 si les modèles n°026453-001, n°026453-002 et n°026453-009 ont été prorogés au 23 octobre 2017, en revanche les modèles n°026453-003, n°026453-004 et n°026453-005 sont expirés depuis le 23 octobre 2012 sans qu'il soit justifié de la prorogation de leur validité au 23 octobre 2022, contrairement à ce qu'indique l'appelante.

La société GADOL n'est donc pas recevable en son action formée du chef de la contrefaçon des trois modèles dont la protection était expirée avant la date du 16 septembre 2013 qu'elle retient pour fonder ses demandes.

S'agissant de la preuve des faits de contrefaçon au regard des modèles n°026453-001, n°026453-002 et n°026453-009 prorogés au 23 octobre 2017, la société GADOL produit quatre constats d'huissier établis en 2013, 2014 et 2015 dont le tribunal a souligné à juste titre le caractère particulièrement approximatif des constatations effectuées depuis l'extérieur des magasins de Boussy-Saint-Antoine, Vichy et Cusset, la plupart des clichés annexés aux constats ne permettant pas de vérifier clairement la similitude des mobiliers utilisés avec ceux des modèles déposés par la société GADOL.

Pour ce qui concerne ainsi le modèle n°026453-002 ( table ronde ) dont l'appelante invoque l'usage d'une table identique dans le magasin de Vichy, l'examen du procès-verbal dressé le 17 septembre 2015 par Me V. (pièce 20 GADOL ) ne permet nullement de vérifier qu'une table ronde d'un modèle similaire ou même approchant du modèle précité serait utilisée dans ce magasin, les clichés 15 et 16 cités par l'huissier et la photon°22 ou elle apparaît également ne montrant, en arrière plan d'une table ovale centrale, qu'une moitié de table dont on n'aperçoit qu'une partie des pieds, dans le prolongement de la banque d'accueil, ce qui est manifestement insuffisant pour asseoir la contrefaçon alléguée.

De même, s'agissant du modèlen°026453-009 ( meuble mural ), aucuns des présentoirs à lunettes photographiés dans le magasin de Vichy ne sont semblables à ce modèle décrit par la société GADOL comme ' un présentoir optique de forme rectangulaire surmonté d'un auvent destiné à éclairer les produits, coupé en son centre par un miroir de forme ovale lui conférant ainsi une particularité', les présentoirs photographiés ne comportant pas notamment ce miroir central de forme ovale du modèle déposé.

Il en est de même pour le constat d'huissier dressé à Cusset les 30 juin, 22 et 24 juillet 2015 ( pièce 19 ), cité par l'appelante comme établissant aussi la contrefaçon du même modèle de meuble mural alors que l'huissier n'a fait aucune constatation relative à la présence de présentoir qui serait similaire à ce modèle puisque le clichén°8 visé dans les écritures de l'appelante ne montre que la présence d'une caisse d'angle semblable au modèle n°026453-004 et que le présentoir apparaissant en partie derrière cette caisse d'angle, peu visible au demeurant, ne comporte pas non plus en tout cas, le miroir central ovale propre au modèle argué de contrefaçon.

En revanche, l'ensemble des constats d'huissier permet de vérifier la présence dans les quatres magasins, de stèles vitrines semblables au modèle déposé n°026453-01 reproduit ci-dessous :

Ce modèle est un meuble de présentation de forme haute, étroite et rectangulaire, sur quatre pieds reliés par une barre en forme de H, chapeauté d'un cube transparent .

Ce meuble présentoir apparaît ainsi banal et très fonctionnel, sans originalité particulière ni recherche esthétique notable dans ses formes géométriques, à l'instar du modèle de présentoir vertical et rectangulaire surmonté d'une vitrine d'exposition cubique déposé le 29 octobre 1999 par une société B. sous len°996679-001, présenté par les intimés dans leur pièce n°22.

Comme le font valoir les intimés, le modèle de la société Gadol ne présente pas dans ces conditions, un caractère propre au sens de l'article 511-2 du code de la propriété intellectuelle de sorte qu'il ne bénéficie pas de la protection accordée par l'article 511-1 du même code, que son enregistrement doit ainsi être annulé en application de l'article L. 512-4 a) et que l'appelante n'est pas fondée à en invoquer la contrefaçon.

Le débouté de la société GADOL de toutes ses demandes au titre des faits de contrefaçons de dessins et modèles sera en conséquence confirmé par motifs substitués, sans qu'il y ait lieu d'examiner la demande de nullité des modèles n°026453-002 et 026453-009.

2- Sur la contrefaçon des marques OPTIC 2000 visées au contrat de franchise, par suppression de marque déposée

La société GADOL demande à la cour de dire que la société QS.T s'est rendue coupable de contrefaçon des marques OPTIC 2000 visées à l'article 12 du contrat de franchise, par suppression de marque régulièrement apposée puisqu'il n'est pas contesté que la société QS.T a supprimé les marques OPTIC 2000 apposées en tant qu'enseigne sur le mobilier fourni par la société GADOL

Cette demande, non soumise au premier juge, est irrecevable comme nouvelle en appel et elle apparaît en tout état de cause contradictoire avec l'argumentaire soumis au tribunal ( page 12 du jugement ), dans lequel la société GADOL faisait valoir que la suppression des signes d'appartenance au réseau OPTIC 2000 sur les mobiliers litigieux, invoquée en défense à l'action en contrefaçon de dessins et modèles par la société QS.T, était sans incidence sur la contrefaçon dénoncée, puisqu'en tant que titulaire d'un droit de propriété intellectuelle sur les dessins et modèles qu'elle a déposés et divulgués, la société GADOL s'estimait en droit d'en interdire la détention et l'usage par un tiers, lorsqu'ils sont incorporés dans un produit comme en l'espèce.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

L'appelante demande à la cour de dire que la société QS.T s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à son encontre depuis le 16 septembre 2013 et jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir et elle réclame condamnation à titre de dommages et intérêts de la somme de 800.000 € avec la publication de l'arrêt à intervenir, invoquant le risque de confusion créé dans l'esprit du public entre les deux entreprises concurrentes en raison de l'utilisation par la société QS.T des signes distinctifs de la société GADOL.

Les sociétés intimées soulèvent l'irrecevabilité de l'action en concurrence déloyale en ce qu'elle n'est pas fondée sur des faits distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon et elles concluent en tout cas au rejet de l'action faute de démonstration d'un quelconque risque de confusion.

La société GADOL soutient que la concurrence déloyale se manifeste de quatre façons: le risque de confusion dans l'esprit du public, l'utilisation par la société QS.T d'une enseigne similaire à celle de l'appelante, d'un code couleur identique et l'adoption du même agencement de ses magasins.

Son action est ainsi recevable dans la mesure où elle se fonde sur des faits autres que la contrefaçon de ses dessins et modèles.

S'agissant toutefois du risque de confusion, l'appelante expose que la société QS.T a continué à utiliser le propre mobilier de la société GADOL, selon la même disposition, dans ses magasins sous sa propre nouvelle enseigne et que cette utilisation ne saurait être autorisée, dès lors que les mobiliers incorporent les dessins et modèles valablement protégés par la société GADOL auprès de l'INPI, créant nécessairement une confusion dans l'esprit du public entre les deux enseignes.

L'utilisation illicite par la société QS.T du mobilier incorporant les dessins et modèles de l'appelante ayant été écartée plus haut, la société n'est pas fondée à l'invoquer comme constitutive d'un fait distinct de concurrence déloyale, d'autant plus que, comme relevé à raison par le tribunal, le public n'accorde qu'une attention limitée au mobilier d'un opticien et que tous les signes d'appartenance au réseau OPTIC 2000 ont été supprimés sur les mobiliers par la société QS.T pour être remplacés par l'enseigne OPTICEO.

Pour ce qui concerne l'utilisation par la société QS.T de l'enseigne OPTICEO qui serait similaire à celle de l'appelante, OPTIC 2000, le premier juge mérite d'être approuvé lorsqu'il a constaté, après comparaison des deux enseignes, que leur similitude se limite à leur représentation sur des formes rectangulaires et au terme commun 'OPTIC', la présentation et le graphisme très différents des enseignes pour le reste excluant toute confusion ou même rapprochement intellectuel.

Il en est de même pour la reprise de son code couleur que l'appelante invoque à tort alors que la simple comparaison des enseignes démontre d'abord l'emploi d'un agencement différent des couleurs noires et blanches communes aux deux enseignes et ensuite l'emploi du bleu et du jaune pour OPTIC 2000 et du rouge pour OPTICEO.

Enfin, l'imitation de l'agencement spécifique des magasins OPTIC 2000 n'est nullement établie puisque la société GADOL se contente de procéder par affirmation en soutenant que les constats d'huissier établissent que la société QS.T n'a pas modifié dans ses magasins l'agencement particulier à l'enseigne OPTIC 2000 après la rupture des contrats alors qu'il n'est fourni aucun élément sur l'agencement spécifique en cause que le franchisé OPTIC 2000 devait adopter conformément à un guide de l'agencement qui n'est pas produit, pas plus que ne sont fournis à la cour des éléments de comparaison avec l'agencement des magasins OPTIC 2000.

Au surplus, comme l'a relevé à bon droit le premier juge, c'est à l'appelante qu'il appartient d'apporter la preuve de l'imitation de l'agencement invoquée et non à la société QS.T de démontrer le changement d'agencement de ses magasins.

La société GADOL se plaint enfin d'actes de parasitisme par l'utilisation de ses investissements et de sa notoriété par la société QS.T, ce que réfutent les intimés.

Les débats d'appel ne remettent pas en cause le constat du premier juge relevant que l'appelante ne produit aucun élément probant sur les pratiques fautives de la société QS.T de nature à tirer profit sans dépenses, du savoir faire, de la notoriété et des investissements de la société GADOL qui ne justifie d'ailleurs toujours pas en appel de son préjudice et en particulier, du montant des investissements qu'elle aurait engagés pour la conception des mobiliers, de l'agencement intérieur de ses magasins franchisés et de la promotion de l'enseigne OPTIC 2000.

Le jugement qui a débouté la société GADOL de ses demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire et des demandes subséquentes aux fins de sanction et de réparation sera en conséquence également confirmé.

Sur l'appel incident

Le seul fait que l'appelante succombe en son appel ne rend pas pour autant abusive la procédure engagée à l'encontre de la société QS.T qui n'établit pas l'intention de lui nuire de la société GADOL de sorte que le rejet de sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef sera confirmé.

Il en est de même du rejet de la demande de publication de la décision, faute pour la société QS.T de justifier du préjudice invoqué résultant d'une atteinte au principe de libre concurrence et de liberté du commerce engendré par la présente procédure.

En revanche, les intimés sont fondés à obtenir les indemnités fixées au dispositif au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- rejeté la demande de mise hors de cause de la SCP C.-B.-F.,

- déclaré la société GADOL recevable en ses demandes,

- dit que les modèles de mobiliers déposés à l'INPI le 23 octobre 2002 par la société GADOL sous les numéros 026453-001, 02 6453-003, 02 6453-004 et 02 6453-005 sont protégeables au titre du droit des dessins et modèles par les dispositions du livre V du code de la propriété intellectuelle,

- débouté en conséquence la SASU QS.T, la SCP C.-B.-F. ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la société QS.T et Maître Christian R. és qualités de mandataire judiciaire de la société QS.T de leur demande de nullité des dépôts de modèles effectués le 23 octobre 2002 sous les numéros 026453-001, 026453-003, 02 6453-004 et 02 6453-005 par la société GADOL,

Statuant à nouveau sur ces points et y ajoutant:

- prononce la mise hors de cause de la SCP C.-B.-F. es qualités d'administrateur judiciaire de la société QS.T et commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde et de Me R., es qualités de mandataire judiciaire;

- dit que seules les créances de la société GADOL fondées sur des faits postérieurs au jugement d'ouverture, soit le 10 octobre 2013, sont opposables à la société QS.T et que les demandes formées à ce titre sont seules recevables;

- constate que l'enregistrement des modèles de mobiliers déposés à l'INPI par la société GADOL le 23 octobre 2002 sous les n°02 6453-003, 02 6453-004 et 02 6453-005 est expiré depuis le 23 octobre 2012 et que les modèles en cause ne sont plus protégés au titre du présent litige,

- déclare nul l'enregistrement du modèlen°02 6453-001 déposé le 23 octobre 2002;

Confirme le jugement pour le surplus et, y ajoutant,

Rejette la demande de la société GADOL fondée sur la contrefaçon des marques OPTIC 2000 par suppression de marque déposée;

Condamne la société GADOL à payer, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile:

- à la SASU QS.T la somme de 10.000 €,

- à la SCP C.-B.-F. és qualités d'administrateur judiciaire de la société QS.T et de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde et à Me R., es qualités de mandataire judiciaire, la somme de 2.000 € chacun,

Condamne la société GADOL aux dépens d'appel qui seront recouvrés directement au profit des avocats de la cause selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.