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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 15 mars 2022, n° 19/02176

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Corep (SAS), Marketset (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Potee

Conseillers :

M. Braud, M. Vallee

TGI Bordeaux, du 16 avr. 2019

16 avril 2019

EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Christophe Le L. consacre son activité professionnelle à la création et la commercialisation de luminaires. C'est ainsi qu'il a créé en 1994 la société à responsabilité limitée Marketset ayant pour objet la création et l'importation de luminaires décoratifs et qui diffusait ses créations.

La société Corep System aujourd'hui dénommée société Corep Lighting, maison mère de la société Corep, est une importante entreprise française de fabrication d'abat-jours et de lampes décoratives.

La société Corep System souhaitant diversifier son offre, elle a conclu le 6 octobre 2003 avec Christophe Le L. (fils) et Jean Le L. (père), propriétaires de la totalité des parts de la société Marketset, et avec la société Marketset, un protocole d'accord portant sur une prise de participation progressive de la société Corep System dans le capital de la société Marketset, aux termes duquel la société Corep System s'est engagée à acquérir 80 % du capital de la société Marketset et ce, au plus tard le 31 décembre 2006.

Il était stipulé à l'article 2 de cet accord que « Monsieur Christophe Le L. par la présente autorise la société [Marketset] à exploiter jusqu'au 31 décembre 2006 à titre gracieux tous les modèles, marques, déjà déposés en son nom et s'engage à ce qu'à compter de la réalisation de cette augmentation de capital, tous les nouveaux modèles et marques soient déposés au nom de la société. »

Parallèlement, a été conclue entre la société Corep System, Christophe Le L. et Jean Le L., parconvention du 7 octobre 2003, une promesse de cession de titres aux termes de laquelle Christophe Le L. et Jean Le L. s'engageaient irrévocablement à céder à la société Corep System le nombre de titres nécessaires afin que la participation de celle-ci dans la société Marketset atteigne 80 % du capital et des droits de vote à la date de la levée d'option, cette promesse étant consentie jusqu'au 31 décembre 2006, la promesse devenant automatiquement caduque à défaut d'avoir été levée par le bénéficiaire à cette date. Une condition suspensive était par ailleurs prévue à l'acte consistant dans la réalisation de l'opération d'augmentation de capital de la société Marketset laquelle devait intervenir au plus tard le 30 novembre 2003.

Une convention de cession de parts a été signée le 2 septembre 2004 entre Christophe et Jean Le L. et la société Corep Lighting, par laquelle ils ont cédé à cette société respectivement 1 352 et 250 parts de la société Marketset pour les prix respectifs de 20 618 euros et 3 812,50 euros.

Le 31 mars 2015, une convention a été signée entre la société Marketset et la société Corep, toutes deux membres du groupe Corep Lighting, aux termes de laquelle était consentie à la société Corep la location-gérance du fonds de commerce de luminaires sis à Martainville- Épreville appartenant à la société Marketset. Il était précisé en préambule de cette convention que la société Marketset connaissait des difficultés économiques depuis plusieurs années, que la société Corep disposait quant à elle de moyens commerciaux plus importants et d'un réseau lui permettant de développer et d'exploiter l'activité de la société Marketset dont la gamme de produits serait complémentaire de la sienne.

Aux termes de ces conventions, Christophe Le L. est resté associé minoritaire de la société Marketset devenue une société par actions simplifiée, et a occupé la fonction de président de cette société.

Lors de l'assemblée générale ordinaire des associés de la société Marketset tenue le 11 mai 2016, il a été mis fin au mandat de président de Christophe Le L.

Parordonnance du 14 décembre 2016, Christophe Le L. a été autorisé à pratiquer une saisie-contrefaçon descriptive de modèles de luminaires au siège de la société Corep à Bègles et, par ordonnance de référé en date du 20 mars 2017, la demande de rétractation de cette ordonnance a été rejetée. La saisie-contrefaçon a été pratiquée le 5 janvier 2017.

Par exploit en date du 2 février 2017, Christophe Le L. a assigné la société anonyme Corep devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, lui reprochant des actes de contrefaçon de droits d'auteur au titre des modèles originaux de luminaires dont il est l'auteur, ainsi que des actes de contrefaçon de dessins et modèles au titre des modèles originaux déposés par lui.

La société Marketset est intervenue volontairement à l'instance par conclusions du 22 juin 2017.

Par jugement contradictoire en date du 16 avril 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

Dit que Christophe Le L. bénéficie de la protection au titre du droit d'auteur pour les modèles de luminaire suivants :

- modèle Astro lampe à poser,

- modèle Mascara, petit modèle et modèle double,

- modèle Ilo-Ilo 5, 8 et 16 lumières ;

Dit qu'il bénéficie de la protection au titre des dessins et modèles pour les modèles déposés les 28 septembre 2015 et 5 octobre 2015 ;

Dit que la société Corep a commis des actes de contrefaçon de ces modèles de luminaires ;

Condamné la société Corep à payer à Christophe Le L. les sommes suivantes à titre de dommages intérêts :

- 102 230,51 euros au titre du gain manqué au 5 janvier 2017,

- 102 230,51 euros au titre du profit illicite au 5 janvier 2017 ;

Condamné la société Corep à communiquer à Christophe Le L. les documents comptables permettant de connaître le chiffre d'affaires et la marge bénéficiaire pour les produits contrefaits depuis le 5 janvier 2017 jusqu'à ce jour et d'actualiser son préjudice au titre de la commercialisation des modèles contrefaits, dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 750 euros par jour de retard pendant trois mois ;

Condamné la société Corep à détruire les produits contrefaits dans un délai de un mois à compter de la signification de la présente décision et à en justifier par voie d'huissier auprès de Christophe Le L. ;

Rejeté la demande de publication ;

Débouté les parties de toute autre demande comme non fondée ;

Condamné la société Corep à payer à Christophe Le L. une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la société Corep aux dépens.

Les sociétés Corep et Marketset ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 17 avril 2019.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 14 janvier 2020, les sociétés par actions simplifiées Corep et Marketset demandent à la cour de :

Réformer le jugement en ce qu'il a :

- Dit que Christophe Le L. bénéficie de la protection au titre du droit d'auteur pour les modèles de luminaires suivants :

Modèle Astro lampe à poser

Modèle Mascara, petit modèle et modèle double

Modèle Ilo-Ilo 5, 8 et 16 lumières ;

- Dit qu'il bénéficie de la protection au titre des dessins et modèles pour les modèles déposés les 28 septembre 2015 et 5 octobre 2015 ;

- Dit que la société Corep a commis des actes de contrefaçon de ces modèles de luminaires ;

- Condamné la société Corep à payer à Christophe Le L. les sommes suivantes à titre de dommages intérêts :

102 230,51 euros au titre du gain manqué au 5 janvier 2017

102 230,51 euros au titre du profit illicite au 5 janvier 2017 ;

- Condamné la société Corep à communiquer à Christophe Le L. les documents comptables permettant de connaître le chiffre d'affaires et la marge bénéficiaire pour les produits contrefaits depuis le 5 janvier 2017 jusqu'à ce jour et d'actualiser son préjudice au titre de la commercialisation des modèles contrefaits, dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 750 euros par jour de retard pendant trois mois ;

- Condamné la société Corep à détruire les produits contrefaits dans un délai de un mois à compter de la signification de la présente décision et à en justifier par voie d'huissier auprès de Christophe Le L. ;

- Débouté les demandes des sociétés Corep et Marketset ;

- Condamné la société Corep à payer à Christophe Le L. une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société Corep aux dépens ;

 Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- Rejeté la demande de publication ;

- Rejeté les autres demandes de Christophe Le L. ;

En conséquence, statuant à nouveau :

Débouter Christophe Le L. de toutes ses demandes ;

Juger que l'action de Christophe Le L. se heurte aux engagements souscrits dans le cadre duprotocole d'accord du 6 octobre 2014 ;

Subsidiairement

Juger que Christophe Le L. n'est pas fondé à revendiquer un droit de propriété sur les modèles dont, à supposer qu'il en soit l'auteur, il a implicitement cédé la propriété à la société Marketset ;

En conséquence, déclarer Christophe Le L. irrecevable en ses demandes et l'en débouter ;

Plus subsidiairement

Juger que le comportement fautif de Christophe Le L. s'oppose à ce que ses revendications puissent prospérer ;

En conséquence, déclarer Christophe Le L. irrecevable, à tout le moins mal fondé en ses demandes et l'en débouter ;

Encore plus subsidiairement sur les demandes fondées sur le droit d'auteur

Juger que Christophe Le L. n'apporte pas la preuve de sa qualité d'auteur des modèles revendiqués ;

Juger subsidiairement que les modèles revendiqués sont dépourvus de toute originalité ;

Juger encore plus subsidiairement que les œuvres en cause constituent des œuvres collectives sur lesquelles la société Marketset est investie de l'intégralité des droits d'auteur ;

En conséquence,

Déclarer Christophe Le L. irrecevable, à tout le moins mal fondé en ses demandes fondées sur le droit d'auteur et l'en débouter ;

Encore plus subsidiairement sur les demandes fondées sur le droit des dessins et modèles

Prononcer la nullité du modèle français enregistré sous le numéro 2015 4663 pour défaut de nouveauté et de caractère propre ;

Subsidiairement, condamner Christophe Le L. à transférer à la société Marketset le modèle français enregistré sous le numéro 2015 4663 ayant été déposé par Christophe Le L. en violation de ses obligations contractuelles et en fraude des droits de la société Marketset, et de la société Corep en sa qualité de locataire-gérant ;

Ordonner la publication de la décision à intervenir au Bulletin officiel de la propriété industrielle et la communication de cette même décision, sous quinzaine à compter de sa signification, au directeur de l'I. N. P. I. aux fins de transfert du modèle français enregistré sous le numéro 2015 4663 ;

Encore plus subsidiairement, prononcer la nullité du modèle français enregistré sous le numéro 2015 4663 déposé en fraude des droits de la société Marketset ;

En conséquence,

Déclarer Christophe Le L. irrecevable, à tout le moins mal fondé en ses demandes fondées sur le droit des dessins et modèles et l'en débouter ;

Infiniment subsidiairement

Juger que l'obligation de garantie et d'exécution de bonne foi des conventions signées tient en échec les revendications de Christophe Le L. ;

En conséquence,

Déclarer Christophe Le L. irrecevable, à tout le moins mal fondé en ses demandes fondées sur le droit d'auteur et l'en débouter ;

Très infiniment subsidiairement

Réformer le jugement quant au quantum de l'indemnisation et fixer l'indemnisation revenant à Christophe Le L. à une somme purement symbolique ;

Rejeter l'intégralité des demandes relatives aux mesures complémentaires sollicitées par Christophe Le L. ;

En tout état de cause

Débouter Christophe Le L. de son appel incident ;

Débouter Christophe Le L. de son appel incident visant les produits Oros, Miss, Oxo et Totem ;

Débouter Christophe Le L. de ses demandes de condamnations provisionnelle et indemnitaire ;

Condamner Christophe Le L. à verser à la société Corep et à la société Marketset la somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Christophe Le L. aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions déposées le 15 octobre 2019, Christophe Le L. demande à la cour de :

Déclarer recevable et bien fondé Christophe Le L. en ses conclusions ;

En conséquence :

Déclarer irrecevables les demandes nouvelles formées par les sociétés Corep et Marketset dans leurs conclusions d'appel du 16 juillet 2019, en application de l'article 564 du code de procédure civile ;

Infirmer partiellement le jugement déféré sur les droits d'auteur de Christophe Le L. ;

Statuant à nouveau :

Dire et juger que la société Corep a commis des actes de contrefaçon de droit d'auteur au préjudice de Christophe Le L. au titre des modèles originaux identifiés ci-après :

Confirmer le jugement déféré sur les actes de contrefaçon de dessins et modèles commis par la société Corep au préjudice de Christophe Le L. au titre des modèles originaux identifiés ci- dessous :

- modèle Ilo Ilo 16 lumières

- modèle Ilo Ilo 8 lumières

- modèle Ilo Ilo 5 lumières linéaire

- modèle Mascara petit modèle

- modèle Totem

- modèle Oxo ;

Infirmer le jugement déféré sur le montant des dommages et intérêts alloués à Christophe Le L. et sur le montant de l'astreinte prononcée ;

Statuant à nouveau :

' Condamner la société Corep à payer à Christophe Le L. :

- la somme de 173 267 euros au titre de la période écoulée du mois de mai 2016 au 4 janvier 2017, à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du gain manqué ;

- la somme de 173 267 euros au titre de la période écoulée du mois de mai 2016 au 4 janvier 2017, à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation des profits illicites issus des actes de contrefaçon ;

- la somme de 250 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à ses droits patrimoniaux ;

- la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

Ordonner à la société Corep de procéder à la communication de ses chiffre d'affaires et marge bénéficiaire sur la commercialisation des modèles contrefaisants en 2017, 2018, 2019 et jusqu'à cessation complète et intégrale de ladite commercialisation ;

Dès à présent :

Constater que la société Corep a omis de communiquer, y compris devant la cour, le moindre document permettant d'apprécier le volume de commercialisation des modèles contrefaisants, ses chiffre d'affaires et marge bénéficiaire depuis le 4 janvier 2017 ;

Condamner par provision la société Corep à payer à Christophe Le L. la somme de 1 000 000 euros à valoir sur les dommages et intérêts au titre de la période écoulée du 4 janvier 2017 au 31 décembre 2019 au cours de laquelle les actes contrefaisants ont été poursuivis ;

Condamner la société Corep, sous une astreinte de 1 000,00 euros par jour de retard et par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, à cesser toute commercialisation directe ou indirecte des modèles contrefaisants ;

Ordonner à la société Corep de procéder, sous la même astreinte et dans le délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, sous le contrôle de l'huissier de son choix, à la destruction du stock des modèles contrefaisants et d'en justifier sans délai à Christophe Le L. ;

De réserver la liquidation de l'astreinte prononcée ;

Ordonner la réouverture des débats pour permettre à la cour de statuer sur la demande définitive de Christophe Le L. et sur la liquidation éventuelle de l'astreinte ;

Condamner la société Corep à publier, à ses frais, la décision à intervenir sur son site Internet ainsi que dans cinq journaux au choix de Christophe Le L., dans la limite de 5 000 euros par insertion ;

Débouter les sociétés Corep et Marketset de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Corep à payer à Christophe Le L. la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

Condamner la société Corep à payer à Christophe Le L. la somme de 15 000 euros en cause d'appel, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamner aux entiers dépens.

Le 17 janvier 2022, Christophe Le L. a déposé des conclusions d'intimé et d'appel incident no 2.

L'instruction a été clôturée parordonnance en date du 18 janvier 2022, et l'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 1er février 2022.

Par conclusions d'incident de procédure du 20 janvier 2022, les sociétés par actions simplifiées Marketset et Corep demandent à la cour de :

Rejeter les conclusions et les pièces 43 à 61 de Christophe Le L. en date du 17 janvier 2022 ;

À titre subsidiaire,

Si la cour devait estimer ne pas devoir rejeter des débats les conclusions et pièces de Christophe Le L. du 17 janvier 2022, elle procèdera alors à un renvoi des plaidoiries avec un rabat de la clôture.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le contradictoire :

L'article 15 du code de procédure civile dispose : « Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense. »

L'article 16, alinéas 1 et 2, du même code dispose : « Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

« Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. »

Les sociétés Corep et Marketset demandent le rejet des écritures déposées le 17 janvier 2022 par Christophe Le L., comme tardives et ne respectant pas les dispositions précitées.

À la suite de ses conclusions déposées le 15 octobre 2019, comptant 53 pages et accompagnées de 56 pièces, Christophe Le L. a déposé le 17 janvier 2022 des écritures comptant 54 pages et accompagnées de 5 pièces supplémentaires.

Ces nouvelles écritures ne présentent pas les ajouts de manière formellement distincte dans la discussion, en violation des dispositions de l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile.

Le dispositif contient une demande nouvelle concernant quatre modèles de suspensions Ilo Ilo pour lesquels Christophe Le L. demande de juger que la société Corep a commis des actes de contrefaçon de droit d'auteur à son préjudice.

Parmi les pièces nouvelles figurent des rapports de constat du 7 septembre 2021 (pièce no 59) et du 10 septembre 2021 (pièce no 60), ainsi qu'un catalogue Seyvaa de 2020, imprimé en septembre 2019 (pièce no 61), qui pouvaient être communiqués plusieurs mois auparavant.

Ces écritures ont été déposées plus d'un an après les conclusions des appelantes, cinq mois après l'avis de clôture et de fixation du 19 août 2021, et la veille de la clôture de l'instruction.

Dans ces circonstances, Christophe Le L. n'a pas fait connaître en temps utile aux sociétés Corep et Marketset les nouveaux moyens et arguments sur lesquels il fonde ses prétentions et les nouveaux éléments de preuve qu'il produit, de sorte que les appelantes n'ont pas été à même d'organiser leur défense pour l'audience du 1er février 2022. Les conclusions et les pièces nos 57 à 61 de Christophe Le L., déposées le 17 janvier 2022, doivent en conséquence être écartées des débats.

Sur la fin de non-recevoir opposée par Christophe Le L. :

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Christophe Le L. conteste sur ce fondement la recevabilité des demandes suivantes présentées par les appelantes :

« Juger que l'action de monsieur Christophe Le L. se heurte aux engagements souscrits dans le cadre duprotocole d'accord du 6 octobre 2014 ;

Subsidiairement

Juger que monsieur Christophe Le L. n'est pas fondé à revendiquer un droit de propriété sur les modèles dont, à supposer qu'il en soit l'auteur, il a implicitement cédé la propriété à la société Marketset ;

[...]

Encore plus subsidiairement sur les demandes fondées sur le droit des dessins et modèles:

Prononcer la nullité du modèle français enregistré sous le numéro 2015 4663 pour défaut de nouveauté et de caractère propre ;

' Subsidiairement, condamner monsieur Christophe Le L. à transférer à la société Marketset le modèle français enregistré sous le numéro 2015 4663 ayant été déposé par monsieur Christophe Le L. en violation de ses obligations contractuelles et en fraude des droits de la société Marketset, et de la société Corep en sa qualité de locataire-gérant ;

Ordonner la publication de la décision à intervenir au Bulletin officiel de la propriété industrielle et la communication de cette même décision, sous quinzaine à compter de sa signification, au directeur de l'I. N. P. I. aux fins de transfert du modèle français enregistré sous le numéro 2015 4663 ;

Encore plus subsidiairement, prononcer la nullité du modèle français enregistré sous le numéro 2015 4663 déposé en fraude des droits de la société Marketset ».

En première instance, les sociétés Corep et Marketset demandaient au tribunal de :

Débouter Christophe Le L. de son action ;

Constater notamment que les modèles déposés par Christophe Le L. à l'I. N. P. I. le 28 septembre 2015 et sous enveloppes Soleau les 28 septembre et 5 octobre 2015 étaient commercialisés depuis plusieurs années ou plusieurs mois successivement par les sociétés Marketset et Corep ;

Constater qu'en dehors de ces dépôts Christophe Le L. n'a déposé aucun autre modèle ;

 Dire et juger que la société Marketset est nécessairement titulaire des modèles objets des dépôts Fidéalis du 26 mars 2014, lesquels antériorisent certains des modèles que Christophe Le L. s'est imaginé pouvoir déposer le 28 septembre 2015 ;

 Condamner Christophe Le L. à payer reconventionnellement à chacune des sociétés Marketset et Corep la somme de 75 000 euros, soit au total la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamner Christophe Le L. à payer à chacune des sociétés Marketset et Corep la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Aux termes de l'article 563 du même code, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

La demande de juger que l'action de Christophe Le L. se heurte aux engagements souscrits dans leprotocole d'accord du 6 octobre 2014, exprime un moyen invoqué au soutien du débouté de l'intimé.

De même, la demande de juger que Christophe Le L. n'est pas fondé à revendiquer un droit de propriété sur les modèles dont, à supposer qu'il en soit l'auteur, il a implicitement cédé la propriété à la société Marketset, exprime un moyen invoqué au soutien de la demande présentée subsidiairement de déclarer Christophe Le L. irrecevable en ses demandes et de l'en débouter.

Ces demandes, qui tendent à faire écarter les prétentions adverses, sont recevables en application des articles 563 et 564 précités.

Par ailleurs, en application de l'article 567 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.

La demande de nullité du modèle qui sert de fondement à l'action en contrefaçon introduite par Christophe Le L., la demande subsidiaire de revendication dudit modèle,ainsi que la demande subséquente de publication, constituent des demandes reconventionnelles, qui sont recevables en vertu de l'article 567 précité (Com., 3 mars 2015, no 13-25.969).

Les sociétés Corep et Marketset seront donc déclarées recevables en leurs demandes.

Sur la fin de non-recevoir opposée par les sociétés Corep et Marketset :

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l'article 31 du même code, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Les appelantes contestent l'intérêt à agir de Christophe Le L. en ce que les articles 2.1 et 4.2.3 du protocole d'accord du 6 octobre 2003 lui interdiraient de s'approprier de quelque manière et sous quelque forme toute création en rapport avec la société Marketset.

L'article 2.1 Modèles et marques dudit protocole d'accord stipule :

« Monsieur Christophe Le L. par la présente autorise la société [Marketset] à exploiter jusqu'au 31 décembre 2006 à titre gracieux tous les modèles, marques, déjà déposés en son nom et s'engage à ce, qu'à compter de la réalisation de cette augmentation de capital, tous les nouveaux modèles et marques, soient déposés au nom de la société. »

L'article 4.2.3 Modèles déposés au nom de M. Christophe Le L. stipule :

« Les parties aux présentes disposent que les modèles déposés au nom de monsieur Christophe Le L., dont la société avait l'usage exclusif et gracieux seront cédés par monsieur Christophe Le L. à cette dernière pour le prix d'un (1) euro symbolique, et ce, concomitamment au paiement des parts résultant de la levée de l'option. »

L'intimé leur oppose d'une part l'effet relatif de cette convention, à laquelle la société Corep n'est pas partie ; d'autre part sa caducité depuis le 1er janvier 2011.

L'article 8 Durée duprotocole d'accord du 6 octobre 2003 stipule en effet :

« Le présent protocole sera valide tant que les parties signataires seront associées dans la société et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2010 sauf accord contraire des parties.

« Passée cette date, le présent protocole deviendra automatiquement caduc sans ouvrir droit à indemnité de part ni d'autre et aucune partie ne pourra plus s'en prévaloir. »

Or, les modèles revendiqués en l'espèce par Christophe Le L. ont été déposés par lui le 28 septembre 2015 et le 5 octobre 2015, soit après le 31 décembre 2010, de sorte que les sociétés Corep et Marketset ne peuvent utilement se prévaloir des clauses précitées. Ainsi, le défaut d'intérêt à agir de Christophe Le L. ne ressort pas duprotocole d'accord du 6 octobre 2003.

Sur la cession implicite :

À titre subsidiaire, les appelantes soutiennent que les circonstances de l'espèce établissent la cession implicite des droits d'exploitation des modèles à la société Marketset, aux droits de laquelle vient la société Corep en vertu du contrat de location-gérance.

Elles font valoir en ce sens que :

la société Marketset fondée par Christophe Le L. a pour objet la création de luminaires décoratifs et diffuse ses créations ;

la diffusion des modèles litigieux a commencé entre le mois de juillet 2012 et le 4 septembre 2015 ;

Christophe Le L. a eu jusqu'au 11 mai 2016 la double qualité de président et d'associé de la société Marketset ;il a procédé à un dépôt, au nom de la société Marketset, de divers modèles, incluant, notamment, les modèles Astro et Miss, le 26 mars 2014 ;

il a supervisé l'élaboration du catalogue no 8.3 de la société Marketset, publié en mai 2015 et comprenant les modèles argués de contrefaçon ;

il a signé le 31 mars 2015, en qualité de dirigeant de la société Marketset, un contrat de location-gérance avec la société Corep incluant la cession du stock de la société Marketset, comprenant les modèles argués de contrefaçon ;il n'a jamais élevé de revendication de propriété sur les modèles commercialisés par la société Marketset.

Les sociétés Corep et Marketset en concluent que l'attitude de Christophe Le L. établit la cession implicite par ce dernier des droits dont il aurait pu être titulaire au profit de la société Marketset, étant rappelé que la cession peut être consentie à titre gratuit, ce que corroborent les termes de l'accord initial de 2003 qui prévoyait le principe d'une cession sans contrepartie des modèles créés avant et après son entrée en vigueur au bénéfice de la société Marketset.

Christophe Le L. objecte que :

la société Marketset avait pour objet l'importation et la création de luminaires, et les produits revendiqués ne représentent qu'une petite partie des produits proposés par la société Marketset ;

le mandat de président de la société Marketset pour lequel il était exclusivement rémunéré, ne recouvrait aucune activité créatrice ;

l'autorisation d'exploitation octroyée à titre gratuit par Christophe Le L. à la société Marketset dont il était le mandataire social non salarié ne saurait être le signe clair et non équivoque d'une cession globale et implicite de ses droits ; aussi bien leprotocole du 6 octobre 2003 encadrait-il expressément la durée d'exploitation des droits cédés sur les créations antérieures audit protocole jusqu'au 31 décembre 2006 et limitait-il expressément les engagements des parties, en particulier l'engagement de déposer les nouveaux modèles au nom de Marketset, à la date du 1er janvier 2011 ;

la cession du fonds de commerce de Marketset ne saurait valoir cession implicite ou explicite des droits de Christophe Le L. qui n'est pas signataire, à titre personnel de cette convention ; en outre, l'achat à faible coût par la société Corep du stock de la société Marketset ne pouvait porter sur l'achat des droits sur les modèles créés par Christophe Le L. ;

le catalogue no 8.3 mentionne Christophe Le L. comme designer des modèles litigieux ; édité sous le contrôle de la société Corep, il fut diffusé en mai 2015 sans susciter aucune protestation ; le nom de Christophe Le L. n'en fut retiré que quatre mois plus tard, au motif que la société Corep avait pour habitude de ne pas citer les stylistes internes au groupe.

Christophe Le L. en conclut qu'il est recevable à agir en contrefaçon en sa qualité d'auteur et de titulaire des droits d'auteur des modèles de luminaires en cause, en l'absence de cession explicite ou même implicite de ses droits.

L'article L. 131-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à l'espèce, dispose :

« Les contrats de représentation, d'édition et de production audiovisuelle définis au présent titre doivent être constatés par écrit. Il en est de même des autorisations gratuites d'exécution.

« Dans tous les autres cas, les dispositions desarticles 1341 à 1348 du code civil sont applicables. »

L'article L. 131-3, alinéas 1 et 2, du même code dispose :

« La transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.

« Lorsque des circonstances spéciales l'exigent, le contrat peut être valablement conclu par échange de télégrammes, à condition que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité conformément aux termes du premier alinéa du présent article. »

Les dispositions de l'article L. 131-3 du code de la propriété intellectuelle, qui ne visent que les seuls contrats énumérés à l'article L. 131-2, alinéa 1er, à savoir les contrats de représentation, d'édition et de production audiovisuelle, ne s'appliquent pas aux autres contrats. Il s'ensuit que la cession d'exploitation sur des modèles n'est soumise à aucune exigence de forme et que la preuve peut en être rapportée selon les prescriptions desarticles 1341 à 1348 du code civil, devenus les articles 1359 à 1362, auxquelles l'article L. 131-2, alinéa 2, précité renvoie expressément (1re Civ., 21 nov. 2006, no 05-19.294).

En l'espèce, Christophe Le L. expose qu'il « consacre depuis plus de vingt années son activité professionnelle à la création et la commercialisation de modèles originaux de luminaires. [...] Il était l'associé fondateur de la société Marketset créée en juin 1994 ayant pour objet la création et l'importation de luminaires décoratifs, qui diffusait ses créations. »

Il ressort des termes duprotocole d'accord du 6 octobre 2003 que Christophe Le L. était le gérant de la société à responsabilité limitée Marketset, dont il détenait 80 % des parts, en association avec son père. À la suite de l'entrée de la société Corep System dans le capital de la société Marketset et de la cession de titres intervenue le 2 septembre 2004, Christophe Le L., restant associé à 20 %, est devenu le président de la société par actions simplifiée Marketset jusqu'à sa révocation le 11 mai 2016.

Christophe Le L. reconnaît que, de la création de sa société jusqu'à cette dernière date, il a accepté que la société Marketset exploite gracieusement ses créations, que celles-ci aient fait l'objet d'un dépôt ou non.

S'agissant plus spécialement des modèles déposés au nom de Christophe Le L., le sort des droits d'auteur qui y sont attachés a été expressément prévu par les clauses précitées du protocole d'accord pour la durée de sa validité, à savoir du 6 octobre 2003 au 31 décembre 2010. La durée d'exploitation à titre gracieux des droits sur les créations antérieures audit protocole est certes limitée au 31 décembre 2006. Il résulte cependant de l'économie de cette convention qu'à son terme, le 1er janvier 2011, la société Marketset devait se trouver titulaire de tous les modèles déposés, par suite d'une cession moyennant l'euro symbolique pour les modèles déposés avant l'augmentation de capital et, après ladite augmentation de capital, par l'effet de l'engagement de Christophe Le L. de déposer les modèles au nom de la société.

Christophe Le L. fait ainsi valoir qu'il a, en exécution dudit protocole d'accord, déposé le 14 février 2006 le modèle Vétro au nom de la société Marketset ; mais qu'il n'y était plus tenu au-delà du 31 décembre 2010.

À partir du 1er janvier 2011, la société Marketset a continué d'exploiter les modèles créés par Christophe Le L. sans que celui-ci n'exige de contrepartie financière, et sans qu'aucune convention écrite ne régisse plus les droits d'auteur attachés auxdits modèles, que ceux-ci soient déposés ou non.

Nonobstant la caducité duprotocole d'accord du 6 octobre 2003, Christophe Le L. a procédé le 26 mars 2014 à un dépôt Fidéalis au nom de la société Marketset portant sur plusieurs modèles, dont les modèles Astro et Miss (pièce no 27 des appelantes).

Par ailleurs, dans les catalogues publiés par la société Marketset apparaissaient les noms des stylistes auxquels elle faisait appel ; néanmoins, le nom de Christophe Le L. n'y figurait pas (pièces nos 16, 17, 19, 20, 44 des appelantes : catalogues nos 7.1 de juillet 2012, 7.4 de septembre 2013, 8.1 de mars 2014, 8.3 modifié, 9.1 de mars 2016).

Son nom comme « designer » des modèles litigieux apparaît toutefois dans le catalogue no 8.3 publié en mai 2015 (pièce no 18 des appelantes). Cependant la portée de cette mention au regard de l'existence ou non d'une cession implicite des droits de Christophe Le L. doit être appréciée au regard des circonstances de cette publication.

Par lettre du 7 novembre 2014 adressée à Christophe Le L., le commissaire aux comptes de la société Marketset engageait une procédure d'alerte (pièce no 8 des appelantes).

À partir de janvier 2015, Christophe Le L. faisait élaborer le catalogue no 8.3 de la société Marketset (pièces nos 21 à 24 des appelantes).

En raison de ses difficultés économiques, la société Marketset concluait le 31 mars 2015 avec la société Corep un contrat de location-gérance à effet au 1er avril suivant.

Par courriel du 7 mai 2015, Christophe Le L. a, sans mettre en copie Marie-Annick Gavois, responsable du catalogue pour la société Corep, demandé à l'infographiste externe à laquelle il avait fait appel d'ajouter le nom des stylistes qui avaient été omis, à savoir Olivier D. et lui-même (pièce no 25 des appelantes).

Le 25 septembre 2015, lors de la préparation du catalogue 2016, la société Corep a intimé l'ordre à Christophe Le L. de retirer son nom comme styliste, au motif que :

« Dans votre projet de catalogue 2016, vous avez mentionné sur certains produits Design C. Le L..

« Nous avons l'habitude dans notre groupe de ne pas indiquer cela lorsque la création a été faite en interne et qu'elle appartient de fait à l'entreprise.

« Cette mention doit être réservée aux designers extérieurs » (pièce no 50 de l'intimé).

Christophe Le L. s'est exécuté sans protester le 28 septembre 2015, en adressant un courriel à l'infographiste lui demandant de retirer son nom (pièce no 26 des appelantes).

Le même jour, Christophe Le L. a déposé à l'Institut national de la propriété industrielle sous le numéro 2015 4663 (pièce no 11 de l'intimé) les modèles Ilo Ilo, Mascara, Totem et Oxo figurant dans le catalogue no 9.1, ainsi que l'enveloppe Soleau no 54 8012 (pièce no 19 de l'intimé) contenant notamment les modèles Miss, Astro, Ilo Ilo, Mascara, Oros et Oxo. Le 5 octobre suivant, il déposait l'enveloppe Soleau no 548364 (pièce no 25 de l'intimé) contenant notamment les modèles Mascara et Oros.

Un nouveau catalogue no 8.3 a donc été diffusé, dans lequel le nom de Christophe Le L. n'apparaissait plus (pièce no 19 des appelantes).

Ainsi, le nom de Christophe Le L. n'a figuré en qualité de styliste dans les catalogues Marketset ni avant, ni après la première édition contestée du catalogue no 8.3 de mai 2015.

Christophe Le L. ne reconnaît de sa part qu'une autorisation d'exploitation octroyée à titre gratuit. L'existence d'une mise à disposition gratuite et temporaire est cependant contredite tant par les termes du protocole d'accord initial, que par les dépôts de modèles ultérieurs et par l'absence de mention du nom de Christophe Le L. dans les catalogues édités de 2011 à 2016. Il est indifférent à cet égard que son nom figure comme auteur des luminaires sur des fiches de produit internes.

Il apparaît en définitive que la société Marketset, dont Christophe Le L. est resté le dirigeant associé jusqu'en 2016, a été créée par lui en 1994 afin d'exploiter ses créations, ce qu'elle a fait avec son assentiment et sans autre contrepartie financière que sa rémunération de dirigeant. En vertu duprotocole d'accord du 6 octobre 2003 auquel Christophe Le L. et la société Marketset étaient parties, cette dernière devait se trouver titulaire de tous les modèles déposés par Christophe Le L. jusqu'au 31 décembre 2010, moyennant, le cas échéant, le prix d'un euro symbolique. Après l'expiration de cet accord, qui avait organisé l'entrée de la société Corep System dans le capital de la société Marketset à concurrence de 80 % par souscription à une augmentation de capital et par achat de titres, Christophe Le L. a continué de déposer ses modèles au nom de la société Marketset, sans revendiquer la titularité des droits d'auteur sur ses créations. Il se déduit ainsi des éléments du dossier la preuve de la cession des droits d'exploitation litigieux à la société Marketset.

Christophe Le L. n'est donc pas titulaire des droits d'auteur qu'il revendique, et ses demandes ne peuvent qu'être déclarées irrecevables. Le jugement entrepris sera infirmé en conséquence.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'intimé en supportera donc la charge.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Sur ce fondement, Christophe Le L. sera condamné à payer la somme de 8 000 euros aux sociétés appelantes.

LA COUR, PAR CES MOTIFS,

Écarte des débats les conclusions et les pièces numéros 57 à 61 de Christophe Le L., déposées le 17 janvier 2022 ;

Déclare les sociétés Corep et Marketset recevables en leurs demandes ;

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau,

Déclare Christophe Le L. irrecevable en ses demandes ;

Condamne Christophe Le L. à payer la somme de 8 000 euros aux sociétés Corep et Marketset ensemble, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Christophe Le L. aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.