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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 7 juin 2006, n° 05/07197

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Feraud (Sarl)

Défendeur :

Christian Louboutin (Sarl), Rose Marie Burgevin (Sté), Andre Werther et Associes (Sarl) , M. Pene

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Carre-Pierrat

Conseillers :

Mme Magueur, Mme Rosenthal-Rolland

Avoués :

SCP Bernabe - Chardin - Cheviller, SCP Sevestre - Regnier - Aubert - Lamarche - Bequet, SCP Narrat - Peytavi, SCP Gaultier - Kistner, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Me Bizet, Me Lafarge, Me Aboukrat, Me Bloch, Me Tricot

TGI de Paris, du 18 mars 2005, n° 03/148…

18 mars 2005

ARRET : CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, Président

- signé par Monsieur Alain CARRE-PIERRAT, président et par Mme Jacqueline VIGNAL, greffier présent lors du prononcé.

Vu l'appel interjeté le 25 mars 2005, par la société LOUIS FERAUD d'un jugement rendu le 18 mars 2005 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :

* déclaré la société ROSE MARIE BURGEVIN irrecevable en sa demande d'annulation de la marque figurative internationale n° 759326,

* dit que les modèles de souliers créés par Christian LOUBOUTIN et exploités par la société Christian LOUBOUTIN, intitulés Mignonnette, Chiguevara, Mercury et Marylin, sont protégeables par le droit d'auteur,

* dit que la société LOUIS FERAUD, en diffusant les catalogues printemps/été 2003 et automne/hiver 2003, des cartons d'invitation et une campagne publicitaire reproduisant ces modèles sans l'autorisation préalable de la société CHRISTIAN LOUBOUTIN et sans indiquer le nom de leur auteur, a porté atteinte aux droits patrimoniaux de la société CHRISTIAN LOUBOUTIN et au droit moral de Christian LOUBOUTIN,

* dit que les sociétés ROSE MARIE BURGEVIN en concevant ces catalogues, cartons d'invitation et campagne publicitaire et la société ANDRÉ WERTHER & ASSOCIES en les réalisant, ont participé aux actes de contrefaçon,

* interdit aux sociétés LOUIS FERAUD, ROSE MARIE BURGEVIN et ANDRÉ WERTHER & ASSOCIES la poursuite de ces agissements sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement,

* condamné la société LOUIS FERAUD à payer à Christian LOUBOUTIN la somme de 12 000 euros en réparation de son préjudice,

* condamné la société LOUIS FERAUD à payer à la société CHRISTIAN LOUBOUTIN la somme de 60 000 euros en réparation de son préjudice,

* condamné la société LOUIS FERAUD à payer à Christian LOUBOUTIN et à la société CHRISTIAN LOUBOUTIN ensemble la somme de 2.800 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

* autorisé Christian LOUBOUTIN et la société CHRISTIAN LOUBOUTIN à faire publier le dispositif du jugement dans trois journaux ou revues de son choix, aux frais de la société LOUIS FERAUD, sans que le coût total de ces insertions n'excède, à leur charge, la somme de 10.500 euros,

* dit que les sociétés ROSE MARIE BURGEVIN et ANDRÉ WERTHER & ASSOCIES seront tenues in solidum avec la société LOUIS FERAUD de l'ensemble des condamnations prononcées ;

Vu les dernières écritures en date du 7 mars 2006, par lesquelles la société LOUIS FERAUD, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, demande à la Cour de :

* constater l'inexistence d'actes de contrefaçon, l'absence d'originalité des quatre modèles de chaussures et de la semelle rouge déposée par Christian LOUBOUTIN et la société CHRISTIAN LOUBOUTIN,

* faire droit aux demandes de la société ROSE MARIE BURGEVIN de l'annulation de la marque n°759326 du 23 mai 2001,

* constater que les photographies des modèles étaient autorisées selon les déclarations claires et établies de Alexis PENE, stylise de WIB, sous-traitant de ROSE MARIE BURGEVIN,

* constater que Christian LOUBOUTIN et la société CHRISTIAN LOUBOUTIN ne justifient d'aucun préjudice et tirent avantage de la présence de chaussures LOUBOUTIN dans les catalogues FERAUD réalisés par ROSE MARIE BURGEVIN et ses sous-traitants,

* constater l'imputation à faux de faits de prétendue contrefaçon à son encontre par voie de sommation entraînant un préjudice en matière de réputation et d'image,

* rejeter l'ensemble des demandes,

* condamner conjointement et solidairement Christian LOUBOUTIN et la société CHRISTIAN LOUBOUTIN au versement de la somme de 10 000 euros à titre de

dommages et intérêts pour procédure abusive, de celle de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à son crédit, sa réputation et son activité commerciale, de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour imputation de faits faux et atteinte à son image,

* subsidiairement, dire que la société ROSE MARIE BURGEVIN, la société WIB et Alexis PENE devront répondre de toutes les condamnations venant à être prononcées,

* dire que les sociétés ROSE MARIE BURGEVIN, WIB et Alexis PENE la retiendront indemne de toutes condamnations, devant être déclarés garants, tant en ce qui concerne le principal que les frais et dépens,

* condamner conjointement et solidairement Christian LOUBOUTIN et la société CHRISTIAN LOUBOUTIN au paiement de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Vu les dernières écritures en date du 14 décembre 2005, aux termes desquelles la société ROSE MARIE BURGEVIN, assistée de Maître Denis FALQUES, ès-qualités d'administrateur à son redressement judiciaire, prie la Cour de :

* constater l'absence d'originalité et de création intellectuelle de la semelle rouge déposée par Christian LOUBOUTIN et la société CHRISTIAN LOUBOUTIN, cette couleur ne pouvant être appropriée,

* dire qu'un talon aiguille de 10 cm, une ou plusieurs lanières ou un lacet associés à cette couleur rouge ne peut constituer une création originale pour une chaussure de femme,

* constater l'absence de dépôt dessin et modèle pour les 4 modèles, ce qui aurait pu constituer un critère d'originalité,

* dire qu'il n'a été porté aucune atteinte au droit d'auteur inexistant de Christian LOUBOUTIN qui aurait transféré ses droits de caractère patrimonial à la société CHRISTIAN LOUBOUTIN,

* débouter Christian LOUBOUTIN et la société Christian LOUBOUTIN de toutes leurs demandes,

* dire la société LOUIS FERAUD irrecevable et mal fondée en son action de mise en cause et d'appel en garantie,

* dire qu'elle est recevable et fondée en sa demande d'annulation de la marque n° 759326 du 23 mai 2001,

* annuler cette marque et ordonner la transcription de l'arrêt à l'OMPI et à l'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE,

* à titre subsidiaire, constater que Christian LOUBOUTIN et la société CHRISTIAN LOUBOUTIN ne justifient d'aucun préjudice, d'autant que les catalogues LOUIS FERAUD sont une référence de grande renommée,

* en tout état de cause, la dire bien fondée en son appel en garantie à l'encontre de la société WIB,

* dire que la société WIB devra répondre de toutes condamnations éventuelles,

* statuer ce que de droit sur l'appel en garantie de la société WIB à l'encontre de Alexis PENE,

* condamner Christian LOUBOUTIN et la société Christian LOUBOUTIN au paiement de 5 000 euros en vertu de l'article 1382 du Code civil et de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les ultimes écritures en date du 19 avril 2006, par lesquelles la société ANDRÉ WERTHER & ASSOCIES, exerçant sous l'enseigne WIB, demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau de :

* débouter Christian LOUBOUTIN et la société CHRISTIAN LOUBOUTIN de leurs demandes,

* dire qu'ils n'établissent ni le caractère original des modèles figurant sur les parutions litigieuses, ni la titularité de leurs droits susceptible de justifier l'action en contrefaçon, tant au titre des droits d'auteur, que sur le fondement de la protection conférée aux dessins et modèles,

* dire qu'ils invoquent abusivement un défaut d'autorisation quant à l'utilisation et la reproduction sur support photographique de ces modèles,

* dire qu'ils ne démontrent pas avoir subi un préjudice du fait de ces parutions,

* subsidiairement, minorer substantiellement le montant des dommages et intérêts alloués,

* très subsidiairement, condamner conjointement et solidairement, d'une part, la société ROSE MARIE BURGEVIN et Maître Denis FALQUES, d'autre part, Alexis PENE à la garantir de toutes éventuelles condamnations,

* condamner conjointement et solidairement Christian LOUBOUTIN et la société CHRISTIAN LOUBOUTIN au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Vu les dernières écritures en date du 17 mars 2003, aux termes desquelles Alexis PENE sollicite le donné acte de qu'il s'en rapporte à justice sur le mérite de l'appel et demande à la Cour de :

* confirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande en garantie formée à son encontre par la société ANDRÉ WERTHER & ASSOCIES,

* condamner la société ANDRÉ WERTHER & ASSOCIES au versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Vu les ultimes écritures en date du 20 mars 2006, par lesquelles Christian LOUBOUTIN et la société CHRISTIAN LOUBOUTIN , poursuivant la confirmation du jugement entrepris, sauf sur le montant des dommages et intérêts, prient la Cour de :

* condamner la LOUIS FERAUD à payer à Christian LOUBOUTIN la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice,

* condamner la société LOUIS FERAUD à payer à la société CHRISTIAN LOUBOUTIN la somme de 70 000 euros en réparation de son préjudice,

* condamner in solidum la société LOUIS FERAUD et la société ROSE MARIE BURGEVIN à payer, à chacun d'eux, la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties; qu'il suffit de rappeler que :

* Christian LOUBOUTIN est un créateur de souliers de luxe dont les modèles sont commercialisés par la société CHRISTIAN LOUBOUTIN,

* il a créé au cours de l'année 2002, notamment quatre modèles, dénommés Mignonnette, Chiguevara, Mercury et Marylin,

* ils ont constaté qu'à l'occasion de la présentation de ses collections printemps/été 2003, automne/hiver 2003, la société LOUIS FERAUD avait reproduit ces quatre modèles dans ses catalogues, ses cartes publicitaire et lors de la campagne publicitaire menée dans la presse nationale et internationale (FIGARO MADAME, HARPER'S, AIR FRANCE MAGAZINE, LE FIGARO),

* dans ces circonstances, Christian LOUBOUTIN et la société CHRISTIAN LOUBOUTIN ont assigné la société LOUIS FERAUD en contrefaçon,

* cette dernière a assigné en garantie la société ROSE MARIE BURGEVIN qu'elle avait chargée de la direction artistique et de la conception de ses campagnes de communication et de publicité,

* la société ROSE MARIE BURGEVIN a assigné en garantie la société ANDRÉ WERTHER & ASSOCIES, exerçant sous l'enseigne WIB, à laquelle elle avait confié la réalisation des prestations incriminées,

* celle-ci a assigné en garantie Alexis PENE, styliste indépendant, ayant participé à la réalisation des prestations et notamment au choix des modèles de chaussures ;

Sur la demande d'annulation de la marque figurative internationale n° 759326 :

Considérant que Christian LOUBOUTIN est titulaire d'une marque figurative internationale n° 759326, déposée à l'OMPI le 23 mai 2001, sous priorité d'une marque française n°306767 déposée le 29 novembre 2000, pour désigner des chaussures en classe 25 ;

Considérant que la société ROSE MARIE BURGEVIN sollicite l'annulation de cette marque au motif, selon elle, que le rouge est une couleur commune et qu'une semelle l'adoptant, ne présente donc, aucune originalité ;

Mais considérant que Christian LOUBOUTIN n'agit pas en contrefaçon de marque et se contente d'en évoquer l'existence pour démontrer que la présence d'une semelle rouge est une caractéristique spécifique qui se retrouve sur chacun de ses modèles de souliers ;

Que, cette marque n'étant pas opposée dans le cadre de la présente instance, la demande en annulation a été jugée, exactement, irrecevable, par le tribunal ;

Sur la protection des modèles :

Considérant que les sociétés LOUIS FERAUD, ROSE MARIE BURGEVIN et ANDRÉ WERTHER & associé font valoir que les modèles revendiqués ne sont pas originaux, ceux-ci n'ayant pas fait l'objet d'un dépôt au titre de dessins et modèles ;

Mais considérant que le seul droit qui leur soit opposé est le droit d'auteur ;

que l'argument tiré de l'absence de dépôt à l'Institut National de la Propriété Industrielle est inopérant, le critère d'originalité d'un modèle ne tenant en aucun cas à son dépôt à titre de dessins ou modèles ;

Considérant que pour s'opposer au grief de contrefaçon, les appelants contestent l'originalité des modèles créés par Christian LOUBOUTIN ;

Considérant que celui-ci caractérise, outre pour chacun d'eux la présence d'une semelle de couleur rouge, coloris également apposé sur la face interne du talon, par la combinaison des éléments suivants :

* Mignonnette: entre doigts à talon aiguille (à gorge large et pointe très fine) d'une hauteur de 10 cm, composé au bas du cou de pied de plusieurs spirales de cuir noir, assemblées en grappes triangulaires et prolongées d'un fin et long lacet de cuir noir destiné à être noué sur le dessus du pied et au dessus de la cheville,

* Chiguevara : sandale à talon aiguille de 10 cm en peau de lézard roccia gris, composée sur l'avant du pied de plusieurs lanières entrelacées de la même peausserie, réunies par de petites boucles,

* Mercury: 'sling' à talon aiguille de 10 cm composé sur l'avant d'un ruban de satin rouge et disposant d'une lanière de même matière à passer derrière le talon,

* Marylin : sandale à talon aiguille de 10 cm composée sur la partie supérieure d'une lanière unique et ronde de cuir blanc et sur la partie arrière d'une double lanière torsadée de même cuir passant le cou de pied et derrière le talon ;

Considérant que ces combinaisons résultent de choix arbitraires de Christian LOUBOUTIN et sont le résultat d'un processus créatif qui porte l'empreinte de la personnalité de son auteur, de sorte que ces modèles bénéficient de la protection instaurée par le Livre Ier du Code de la propriété intellectuelle ;

Sur la contrefaçon :

Considérant que l'utilisation des quatre modèles, dans le cadre de la campagne publicitaire de la société LOUIS FERAUD, n'est pas contestée ;

Que le tribunal a exactement relevé que le catalogue printemps/été 2003 comporte à la page 5 et à la page 45 des photographies de mannequins chaussées du modèle MERCURY, aux pages 8,9,17 et 33 des photographies de mannequins portant le modèle MARYLIN ;

Qu'en outre le catalogue automne/hiver 2003 comporte aux pages 5, 25 et 42 des photographies de mannequin chaussées du modèle MIGNONNETTE et à la double-page 23-24 la photographie d'un mannequin portant le modèle CHIGUEVARA ;

Que la photographie de la page 25 a été également reprise dans le cadre de la campagne publicitaire réalisée par la société LOUIS FERAUD au cours de l'année 2003 dans la presse nationale et sur les cartons d'invitations adressés à la clientèle à l'occasion de la réouverture de magasins ;

Considérant que les appelants prétendent que la société CHRISTIAN LOUBOUTIN aurait, en accord total avec Christian LOUBOUTIN, confié à Alexis PENE, styliste, des exemplaires de souliers figurant aux catalogues de la société LOUIS FERAUD ;

Mais considérant que si une remise de modèle gratuite et habituelle, destinée à permettre la réalisation d'articles de mode dans des journaux spécialisée, il n'en demeure pas moins, en l'espèce que les appelants, professionnels du monde de la mode et de la haute couture, ne peuvent prétendre ignorer qu'ils devaient disposer de l'autorisation préalable et formelle de Christian LOUBOUTIN ou de sa société pour reproduire les modèles dans des catalogues ;

Que le tribunal a justement retenu des actes de contrefaçon portant atteinte aux droits patrimoniaux de la société CHRISTIAN LOUBOUTIN ;

Qu'enfin, il est acquis aux débats que ni les catalogues incriminés, ni la campagne publicitaire, ni les cartons d'invitation ne mentionnent le nom de Christian LOUBOUTIN, comme créateur des modèles; que l'argument soutenu par la société LOUIS FERAUD, selon lequel, il n'aurait pas cherché à s'approprier ces modèles, est inopérant ;

Qu'il a été ainsi porté atteinte au droit à la paternité de l'auteur ;

Sur les mesures réparatrices :

Considérant que les mesures d'interdiction prononcées par le tribunal, pour faire cesser la poursuite des actes illicites, sera confirmée; qu'il en sera de même de la mesure de publication, sauf à faire mention du présent arrêt ;

Considérant, sans que soient remises en cause la notoriété et la réputation non contestée de la société LOUIS FERAUD, qu'il n'en subsiste pas moins que la diffusion de la campagne publicitaire litigieuse a nécessairement eu pour effet de banaliser les modèles créés par Christian LOUBOUTIN et commercialisés par la société CHRISTIAN LOUBOUTIN et de causer à celle-ci un trouble commercial dans la poursuite de leur exploitation ;

Qu'en effet, il n'est pas démenti qu'afin d'éviter la banalisation des modèles, Christian LOUBOUTIN et la société CHRISTIAN LOUBOUTIN procèdent à leur diffusion en petite quantité et sélectionnent strictement leurs distributeurs et les couturiers auxquels ils acceptent de vendre un modèle particulier, de manière à maintenir à la production des modèles un caractère confidentiel de produit de luxe ;

Que de sorte, la banalisation des modèles résultant de leur reproduction sur des supports reproduits à plusieurs milliers d'exemplaires, journaux nationaux, magazine AIR FRANCE, est susceptible d'inciter la clientèle à s'en détourner, s'agissant d'articles de luxe, et de dissuader les créateurs et les maisons de couture de demander à Christian LOUBOUTIN et à la société CHRISTIAN LOUBOUTIN de concevoir et de fabriquer des modèles à leur intention ;

Qu'au vu de ces éléments, il sera respectivement alloué à Christian LOUBOUTIN la somme de 15.000 euros réparant l'atteinte portée à son droit moral et à la société Christian LOUBOUTIN la somme de 65 000 euros réparant l'atteinte portée à son droit patrimonial ;

Sur les appels en garantie :

Considérant que, la société LOUIS FERAUD, la société ROSE MARIE BURGEVIN, la société ANDRÉ WERTHER & ASSOCIES, Alexis PENE sont tous des professionnels avertis qui ne peuvent méconnaître le respect des droits d'auteur ;

Considérant que la société LOUIS FERAUD, alors que les catalogues ne comportaient aucune mention du nom de l'auteur des souliers photographiés, a manqué à son obligation de vigilance et participé, en raison de ses carences, aux actes de contrefaçon ;

Qu'il est acquis aux débats que la société ROSE MARIE BURGEVIN était chargée de la campagne de communication et publicitaire ;

Que la réalisation matérielle des prestations a été confiée à la société ANDRÉ WERTHER & ASSOCIES ;

Que Alexis PENE, qui se déclare, lui-même, stylise indépendant, s'est fait remettre les modèles de chaussures litigieux, sans s'assurer préalablement de l'autorisation de Christian LOUBOUTIN et de la société CHRISTIAN LOUBOUTIN à leur divulgation sur des catalogues devant être diffusés pour les collections de la société LOUIS FERAUD 2003 ;

Considérant, dès lors, qu'à défaut de clause contractuelle de garantie, la responsabilité des actes de contrefaçon sera retenue in solidum à l'encontre des sociétés LOUIS FERAUD, ROSE MARIE BURGEVIN , ANDRÉ WERTHER & ASSOCIES, Alexis PENE ;

Mais considérant qu'il ressort des conclusions signifiées par les parties que la société ROSE MARIE BURGEVIN a été, depuis le jugement déféré, déclarée en redressement judiciaire et qu'elle est représentée en cause d'appel par Denis FALQUES ès-qualités d'administrateur judiciaire ;

Que par voie de conséquence, il convient de surseoir à statuer sur les demandes formées à son encontre et celles formulées par son administrateur judiciaire Denis FALQUES, d'ordonner la réouverture des débats, afin de vérifier si Christian LOUBOUTIN, la société CHRISTIAN LOUBOUTIN, la société LOUIS FERAUD, la société ANDRÉ WERTHER & ASSOCIES ont déclaré leurs créances, permettant ainsi de les fixer au passif de la société ROSE MARIE BURGEVIN ;

Qu'à défaut de la justification de ces déclarations de créances à l'audience du conseiller de la mise en état du 26 juin 2006, la procédure introduite à l'encontre de la société ROSE MARIE BURGEVIN sera radiée ;

Sur les autres demandes :

Considérant que la solution du litige commande de rejeter les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts pour procédure abusive, atteinte au crédit, atteinte à la réputation, atteinte à l'activité commerciale ;

Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à Christian LOUBOUTIN et à la société CHRISTIAN LOUBOUTIN ; qu'il leur sera alloué, à chacun, à ce titre la somme complémentaire de 10.000 euros; que la société LOUIS FERAUD, la société ANDRÉ WERTHER & ASSOCIES, Alexis PENE qui succombent en leurs prétentions doivent être déboutés de leurs demandes formées sur ce même fondement ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré, en ce qu'il a :

* déclaré la société ROSE MARIE BURGEVIN irrecevable en sa demande d'annulation de la marque figurative internationale n° 759326,

* dit que les modèles de souliers créée par Christian LOUBOUTIN et exploités par la société Christian LOUBOUTIN, intitulés Mignonnette, Chiguevara, Mercury et Marylin, sont protégeables par le droit d'auteur,

* dit que la société LOUIS FERAUD, en diffusant les catalogues printemps/été 2003 et automne/hiver 2003, des cartons d'invitation et une campagne publicitaire reproduisant ces modèles sans l'autorisation préalable de la société CHRISTIAN LOUBOUTIN et sans indiquer le nom de leur auteur, a porté atteinte aux droits patrimoniaux de la société CHRISTIAN LOUBOUTIN et au droit moral de Christian LOUBOUTIN,

* dit que les sociétés ROSE MARIE BURGEVIN en concevant ces catalogues, cartons d'invitation et campagne publicitaire et la société ANDRÉ WERTHER & ASSOCIES en les réalisant, ont participé aux actes de contrefaçon,

* interdit aux sociétés LOUIS FERAUD, ROSE MARIE BURGEVIN et ANDRÉ WERTHER & ASSOCIES la poursuite de ces agissements sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement,

* condamné la société LOUIS FERAUD à payer à Christian LOUBOUTIN et à la société CHRISTIAN LOUBOUTIN ensemble la somme de 2 800 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

* autorisé Christian LOUBOUTIN et la société CHRISTIAN LOUBOUTIN à faire publier le dispositif du jugement dans trois journaux ou revues de son choix, aux frais de la société LOUIS FERAUD, sans que le coût total de ces insertions n'excède, à leur charge, la somme de 10 500 euros,

* dit que la société ANDRÉ WERTHER & ASSOCIES sera tenue in solidum avec la société LOUIS FERAUD de l'ensemble des condamnations prononcées ;

Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau :

Condamne la société LOUIS FERAUD à payer à Christian LOUBOUTIN la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte à son droit moral et à la société CHRISTIAN LOUBOUTIN la somme de 65.000 euros en réparation de l'atteinte portée à son droit patrimonial,

Dit que Alexis PENE sera tenu, au même titre que la société ANDRE WERTHER & ASSOCIES, in solidum avec la société LOUIS FERAUD de l'ensemble des condamnations prononcées,

Condamne la société LOUIS FERAUD à payer tant à Christian LOUBOUTIN qu'à la société Christian LOUBOUTIN la somme complémentaire de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

Sursoit à statuer sur les demandes formées par Christian LOUBOUTIN, la société CHRISTIAN LOUBOUTIN, la société LOUIS FERAUD, la société ANDRÉ WERTHER & ASSOCIES à l'encontre de la société ROSE MARIE BURGEVIN, déclarée en redressement judiciaire et sur les demandes formulées par Denis FALQUES, administrateur judiciaire de la société ROSE MARIE BURGEVIN,

Dit qu'il appartient à Christian LOUBOUTIN, à la société CHRISTIAN LOUBOUTIN, la société LOUIS FERAUD, la société ANDRÉ WERTHER & ASSOCIES de justifier de leurs déclarations de créances au passif de la société ROSE MARIE BURGEVIN,

Dit qu'à défaut de la justification de leurs créances à l'audience du conseiller de la mise en état du 26 juin 2006, la procédure sera radiée sur ces demandes,

Y ajoutant,

Dit que la mesure de publication ordonnée par le tribunal devra faire mention du présent arrêt,

Rejette toutes autres prétentions,

Condamne in solidum les sociétés LOUIS FERAUD, ANDRÉ WERTHER & ASSOCIES, Alexis PENE aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.