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Décisions

Cass. crim., 16 juin 2021, n° 20-82.941

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

M. de Lamy

Avocat général :

M. Salomon

Avocats :

SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Alain Bénabent, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Foussard et Froger

Paris, du 9 mars 2020

9 mars 2020

La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. La société Foncière lyonnaise a porté plainte à l'encontre de M. [D] [F] des chefs de tentative d'escroquerie, d'extorsion et de chantage.

3. Le procureur de la République a ouvert une enquête préliminaire dont il est ressorti une large pratique organisée par M. [F], dans le cadre de laquelle auraient eu lieu ses démarches envers la société Foncière lyonnaise alors qu'il disait entendre lutter contre des fraudes commises par des sociétés immobilières consistant pour celles-ci à minorer, lors des déclarations, les surfaces soumises à la redevance pour création de bureaux ce qui portait atteinte aux finances locales.

4. La pratique paraissant ainsi mise en oeuvre par M. [F] s'appuierait sur l'association Apure dont il était le président et qu'il avait créée afin de disposer d'un intérêt à agir dans la contestation de permis de construire délivrés par la ville de [Localité 1]. Il avait, ainsi, engagé des recours administratifs contre des sociétés immobilières ayant d'importants projets, ce qui entraînait un retard dans leur réalisation. L'association Apure, sans laisser le recours arriver à son terme, proposait une transaction à la société et percevait ainsi une somme, qui demeurait dérisoire à l'échelle du projet immobilier, en contrepartie de laquelle elle se désistait de son recours.

5. Le tribunal, par un jugement du 4 juillet 2018, a déclaré le prévenu coupable, notamment du chef de faux, et a condamné, sur les intérêts civils, M. [F] à indemniser la société Foncière lyonnaise, M. [Z] [U], la société MTB, et la société IREEF Haussmann Paris Propco aux droits de laquelle vient désormais la société OPCI IREEF-French Real Estate.

6. Il a interjeté appel de ce jugement ainsi que le ministère public.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et sixième branches, et sur les deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième moyens

7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [F] coupable du chef de faux par altération frauduleuse de la vérité dans un écrit commis courant 2015 à 2017 à Paris en tout cas sur le territoire national et depuis temps non prescrit, alors :

« 3°/ que pour que l'écrit puisse être qualifié de faux, encore faut-il qu'il ait pour objet ou qu'il puisse avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques ; qu'en l'espèce, pour qualifier de faux les procès-verbaux d'assemblée générale ou de réunion du conseil d'administration de l'association Apure, la cour d'appel a retenu qu'ils avaient eu pour effet de donner une apparence de fonctionnement de l'association conforme aux dispositions légales et statutaires ; qu'en statuant ainsi quand la loi n'exige pas que les réunions de l'assemblée générale ou du conseil d'administration d'une association fassent l'objet d'un procès-verbal et que les statuts de l'association n'imposaient pas davantage de procès-verbaux pour les réunions du conseil d'administration, la cour d'appel a violé les articles 1 et 2 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association et 441-1 du code pénal, ensemble l'article 591 du code de procédure pénale ;

4°/ que pour que l'écrit puisse être qualifié de faux, encore faut-il qu'il ait pour objet ou qu'il puisse avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques ; qu'en l'espèce, pour qualifier de faux les procès-verbaux de réunion du conseil d'administration de l'association Apure, la cour d'appel a retenu qu'ils portaient mention d'une prétendue autorisation à ester en justice donnée à son président M. [F] ; qu'en statuant ainsi quand l'autorisation d'ester en justice était conférée à M. [F] par l'article 18 des statuts de l'association Apure, de sorte que les procès-verbaux n'avaient pas en eux-mêmes créé un droit ou un fait ayant des conséquences juridiques, la cour d'appel a violé l'article 441-1 du code pénal, ensemble l'article 591 du code de procédure pénale ;

5°/ que pour que puisse être retenue la qualification de faux encore faut-il que l'altération frauduleuse de la vérité ait causé un préjudice à autrui ; qu'en l'espèce, pour retenir l'existence d'un préjudice, la cour d'appel a relevé que la falsification de procès-verbaux d'assemblée générale et de réunions du conseil d'administration d'une association régie par la loi du 1er juillet 1901 mettait en cause la validité des décisions apparemment prises et permettait de contester la régularité et les pouvoirs des organes de la personne morale ; qu'en statuant ainsi quand la régularité et les pouvoirs du président d'une association, définis par les statuts, ne sont pas conditionnés à la rédaction de procès-verbaux facultatifs, la cour d'appel a violé les articles 1 et 2 de la loi du 1er juillet 1901 et 441-1 du code pénal, ensemble l'article 591 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

9. Pour déclarer M. [F] coupable du délit de faux, l'arrêt attaqué énonce que les procès-verbaux de tenue d'assemblée générale et de réunion du conseil d'administration de l'association Apure, datés des 20 mars, 17 juillet, 9 octobre, 11 décembre 2016, 26 mars et 29 octobre 2017, ne correspondent pas à la réalité factuelle et contiennent une altération de la vérité comme cela ressort des déclarations des prétendus membres de l'association selon lesquelles ils n'ont jamais participé à une quelconque réunion du conseil d'administration associatif, voire même, pour certains, ont ignoré en être membre ; il ressort également des écritures du prévenu devant la cour qu'il reconnaît n'avoir pas respecté le formalisme habituel lorsqu'il s'est agi de réunir des assemblées générales ou des conseils d'administration alors que les procès verbaux attestent le contraire ; il est ainsi constaté que l'association Apure n'a pas fonctionné selon les exigences légales ni statutaires.

10. Les juges considèrent qu'un procès-verbal de réunion d'un organe délibérant d'une association régie par la loi du 1er juillet 1901 constitue un écrit, donnant à l'association Apure l'apparence trompeuse d'un fonctionnement conforme aux dispositions légales et statutaires, et ayant pour objet l'établissement de la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques.

11. La cour ajoute que les procès-verbaux de conseil d'administration argués de faux portent mention d'une autorisation à ester en justice donnée à son président, M. [F], et ont été joints aux requêtes introductives d'instance déposées au greffe du tribunal administratif de Paris et parfois annexés aux protocoles de transaction comme cela ressort du procès verbal de réunion du conseil d'administration daté du 18 octobre 2017.

12. Les juges relèvent, enfin, que le préjudice ou la possibilité d'un préjudice est nécessairement attaché à la falsification de tels procès-verbaux de réunion d'assemblée générale et du conseil d'administration d'une association régie par la loi du 1er juillet 1901 qui met en cause la validité des décisions apparemment prises et permet de contester la régularité et les pouvoirs des organes de la personne morale.

13. En l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

14. En effet, en premier lieu, il importe peu que l'arrêt ait retenu que les documents falsifiés ont donné à l'association l'apparence d'un fonctionnement conforme aux dispositions la régissant dès lors qu'un écrit ou tout autre support d'expression de la pensée, ayant un objet ou pouvant avoir un effet probatoire, peut constituer un faux même s'il n'est pas exigé par la loi ou n'est pas nécessaire d'après les statuts de l'association.

15. En deuxième lieu, le délit de faux n'implique pas que le document falsifié crée le droit qu'il atteste.

16. En troisième lieu, le préjudice causé par la falsification d'un écrit peut résulter de la nature même de la pièce falsifiée ; tel est le cas de l'altération de procès-verbaux d'assemblée générale ou de réunion d'une association, qui est de nature à permettre de contester la régularité ou les pouvoirs d'un de ses organes.

17. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.

18. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.