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Décisions

Cass. com., 30 juin 2021, n° 20-14.606

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine-banque (Sa)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

M. Riffaud

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Paris, du 22 janv. 2020

22 janvier 2020

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 janvier 2020), par un acte notarié du 3 février 2003, la banque a consenti à M. [C] et à Mme [S], époux séparés de biens qui se sont engagés solidairement, un prêt de restructuration d'un montant de 245 000 euros.

3. Ce prêt était garanti par une inscription d'hypothèque prise par la banque sur un immeuble acquis par les époux [C] sous le régime de l'indivision.

4. Des échéances étant restées impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme le 29 juillet 2005.

5. M. [C] ayant été mis en liquidation judiciaire par un jugement du 19 octobre 2005, confirmé par un arrêt du 3 octobre 2006, la banque a déclaré sa créance, à titre privilégié, le 25 octobre 2005. Celle-ci a été admise par une ordonnance du 11 janvier 2008.

6. Par une ordonnance du 17 juillet 2008, le juge-commissaire a autorisé le liquidateur à poursuivre la licitation de l'immeuble, laquelle a été ordonnée par un jugement du 28 février 2012, confirmé par un arrêt du 27 mars 2013, le pourvoi en cassation formé par les époux [C] étant rejeté par un arrêt du 25 juin 2014.

7. Le 1er juillet 2015, Mme [S] a assigné la banque pour qu'il soit constaté que le bénéfice de la prescription lui était acquis.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

8. La banque fait grief à l'arrêt de la déclarer prescrite en son action dirigée contre Mme [S] au titre du prêt consenti le 3 février 2003, alors « que la déclaration de créance au passif de la liquidation judiciaire d'un débiteur interrompt le délai imparti au créancier pour agir à l'encontre d'un codébiteur solidaire jusqu'à la clôture de cette procédure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté qu'il ressortait de l'acte notarié du 3 février 2003 que le prêt du CFCAL avait été consenti à M. et Mme [C], en qualité de codébiteurs solidaires ; qu'en retenant, pour déclarer prescrite toute action du CFCAL à l'encontre de Mme [C] fondée sur l'acte notarié de prêt, que l'interruption du délai de prescription résultant pour le CFCAL de la déclaration de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de M. [C] le 25 octobre 2005 avait cessé à compter de la décision du 11 janvier 2008 admettant cette créance la cour d'appel a violé les articles 2244 et 2249 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ensemble les articles 1203 et 1206 du même code, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2244 et 2249 du code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et 1203 et 1206 du même code, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

9. Il résulte de ces textes que la déclaration de créance au passif du débiteur en liquidation judiciaire interrompt la prescription à l'égard de son codébiteur solidaire et que cet effet interruptif se prolonge jusqu'au jugement prononçant la clôture de la procédure.

10. Pour déclarer prescrite l'action dirigée par la banque contre Mme [S] au titre du prêt du 3 février 2003, l'arrêt retient que si cette action n'était pas prescrite lors de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le 19 juin suivant, date à laquelle, en vertu des dispositions transitoires de cette loi, le délai de prescription biennal s'est substitué au délai de prescription décennal qui l'excédait, il appartenait désormais à la banque d'agir dans ce délai biennal sans qu'elle ne puisse se prévaloir, à l'égard de Mme [S], des effets de la liquidation judiciaire ayant interrompu la prescription à l'égard de M. [C] jusqu'à sa clôture.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

12. La cassation de l'arrêt sur la première branche du moyen doit s'étendre, par voie de conséquence, à l'ensemble des dispositions de l'arrêt, dès lors que la cour d'appel, qui déclarait prescrite l'action dirigée par la banque contre Mme [S], n'a pas statué sur la demande subsidiaire de dommages-intérêts formée par cette dernière contre le notaire au titre d'un manquement à son obligation d'information et de conseil.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.